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Interview
Vanessa Schmitz-Grucker
Rencontre avec Agnès Obel
Sombres lueurs
@danalynnphoto
On ne présente plus cette voix et cette âme mystiques venues du Danemark. En moins de 10 ans, l’artiste libre et fragile a su conquérir le monde de la musique contemporaine et s’y tailler une place sur mesure.
Vous venez de sortir «Island of Doom», moins de 3 ans après «Citizen of Glass». 3 ans, c’est très peu de temps, avez-vous pu faire un break entre ces deux opus? Malheureusement, je n’ai pas eu le temps de faire autre chose que de tourner et de retourner directement en studio. En fait, je m’arrête très rarement de travailler. J’aimerais que les tournées et les albums prennent moins de temps, mais vous n’imaginez pas à quel point c’est prenant. Enfin, ceci dit, mon mari et moi avons acheté une bâtisse industrielle à rénover et on s’y est mis alors que j’étais déjà en studio pour Island of Doom.
«Island of Doom» est marqué du seau «obélien»: une musique que certains pourraient qualifier de mélancolique et qui joue avec un sentiment d’attente. C’est comme cela que vous définiriez également votre style? Je ne sais pas. Ce que je dirais, c’est que, oui, j’aime les musiques qui ont à la fois un côté sombre et un côté lumineux. Mais je ne dirais pas que je vois ma musique comme une émotion particulière. Je suis sensible à la mélodie, à une ligne de chant. Quand un truc me plaît, j’y vais. Les nuances sombres teintées de lumières me parlent toujours. La vie n’est jamais aussi tranchée, toute noire ou toute rose. Je crois que, même dans les moments les plus tristes de la vie, il y a toujours de la beauté, ne serait-ce que l’espoir. La douleur a au moins toujours ça de beau qu’elle s’arrête un jour. Est-ce qu’il y a des artistes féminines qui vous ont particulièrement marquée? Je suis en amour avec la voix de Lize Frazer des Cocteau Twins, c’est une voix magnifique, elle apparaît aussi sur des morceaux de Massive Attack. Sa voix est un instrument à elle seule. J’aime quand elle prononce à peine les mots et crée ainsi un nouveau langage sur lequel on peut mettre tout le sens qu’on veut. Cela fait 15 ans que vous vivez à Berlin, la capitale allemande estelle toujours aussi inspirante? J’aime toujours autant Berlin. C’est une ville énigmatique, très différente des autres villes et du reste de l’Allemagne. J’aime son «free spirit», mais bien sûr, ce n’est plus rien de nouveau pour moi. Or je crois qu’il faut, en effet, découvrir de nouveaux endroits
pour être inspirée. Je suis récemment allée au Japon, ça m’a tellement stimulée, éveillée. Peut-être que je devrais déménager, mais maintenant, on a cette friche industrielle à rénover! C’est parfois un projet cauchemar, mais il faut s’y mettre! J’imagine tout de même que pour mon prochain album, il faudra que je voyage.
Quel est votre lieu préféré à Berlin? J’aime vraiment Neukölln. Dans ce quartier de Berlin, il y a une foule de bâtiments d’avant la seconde guerre mondiale, c’est aussi ce que les Allemands appellent un quartier «multi», il y a beaucoup de personnes venues de Turquie et j’aime être entourée de gens venant des 4 coins du monde. C’est un quartier très «chill», où l’on peut circuler en paix.
Qu’aimez-vous y faire pendant votre temps libre? J’aime aller au marché aux puces mais aussi au marché turc à Neukölln, j’y vais à pied de chez moi, c’est coloré de fruits et de légumes mais aussi de miel. J’aime l’énergie de ce marché, c’est définitivement mon activité préférée. Ça me permet aussi de me reconnecter avec mon environnement immédiat et mon entourage, ça m’aide à ne pas me perdre. Je viens aussi d’adopter un chien, Berlin est très dog-friendly, on peut aller facilement dans les boutiques, les cafés. J’aime aller en forêt ou nager dans un lac, ça vient sûrement du Danemark ça.
Y retournez-vous souvent, au Danemark? Ce n’est pas évident, mais j’essaie d’y être pour les grands événements, comme Noël ou bientôt les 75 ans de ma mère. J’irai depuis Paris en train jusqu’à Copenhague.
Des terres danoises, qu’est-ce qui vous manque le plus? Les saunas et la lumière jusqu’à minuit. On peut aller nager dans l’océan tard le soir. Le camping un peu sauvage et les virées en vélo sont très répandues. Au solstice d’été, on veille sur la plage, on chante autour d’un feu. Tout ça me manque. C’est aussi un très petit pays, les choses sont très faciles, si tu as un problème, tu appelles une administration publique et ça se règle très facilement. Ici, en Allemagne, l’administration est kafkaïenne, c’est toujours très compliqué.
Agenda En concert à l’Atelier Le 21 mars 2020 WITH ZOONATION: THE KATE PRINCE COMPANY