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Tendance déco

DESIGN : PLACE AUX femmes! Mélanie Trinkwell, créatrice d’espaces intérieurs, Mwell Studio

Majoritairement incarnée par des figures masculines,l’histoire du design a trop souvent tendance à en oublier les contributions de la gente féminine… C’est avec l’avènement d’une très belle exposition à l'automne prochain au Vitra Design Museum "The Bigger Picture, Women in Design 1920-Today" que nous vous proposons de creuser le sujet pour mieux célébrer ces héroïnes des temps modernes.

« The Bigger Picture »

Le trou dans la raquette

Si Charlotte Perriand, à l’honneur récemment d'une rétrospective de la Fondation Louis Vuitton, apparaît clairement comme une pionnière de la modernité, ou si la non moins regrettée Zaha Hadid, qualifiée de « starchitecte » et première femme à recevoir le prix Pritzker (considéré comme le Nobel de l’architecture) est connue dans le monde entier, il n’en va pas de même pour nombre de leurs consœurs. En architecture, comme encore malheureusement dans bien d'autres domaines, il semble Le 25 septembre prochain ouvrira l’exposition susmentionnée au Vitra Design Museum à Weil-Am-Rhein en Allemagne, à quelques encablures de Bâle et Mulhouse, soit au cœur d'une autre fascinante région des 3 frontières : France-Allemagne-Suisse. Cette proposition muséale se focalisera sur la situation des femmes dans le monde du design. Il sera notamment question des conditions de travail et du contexte social dans lequel ces femmes ont exercé. En plus de grands noms tels Charlotte Perriand, Lilly Reich ou Eileen Gray, l'exposition mettra en lumière les apports essentiels de praticiennes moins connues, telles Nanda Vigo ou Nanna Ditzel, sans oublier le travail de designeuses contemporaines comme Marian van Aubel, Bless ou Julia Lohmann.

qu’il vaut mieux ne pas être porteur de deux chromosomes X pour réussir. Les chiffres sont édifiants : il y a 60% d’étudiantes en architecture, mais il n'y a que 10% de directrices de cabinets d’architecture… N'y aurait-il pas comme un trou dans la raquette? L’absence des femmes sur les gros projets doit avoir une explication rationnelle simple. «Les femmes doivent préférer se consacrer à leur famille, si bien que les gros dossiers leur échappent, CQFD ». Vous n'êtes pas d'accord? La Mexicaine Frida Escobedo - la plus jeune des architectes parmi ceux choisis pour concevoir le pavillon de la Serpentine à Londres - nous explique pourtant très bien son état d'esprit: «To be or not to be an architect? Je suis architecte dans ma vie tout le temps. C’est un rapport au temps, à l’espace et à la lumière, et à la matière, et c’est vrai que la manière dont je vois aussi ma vie, personnelle, affective, c’est comme un projet d’architecture: je l’anticipe, je le visualise. Je crois qu’il y a un désir de maîtrise constant».

#MeTooArchi?

Avec cette exposition, pleins phares sur la jeune génération

À titre personnel, permettez-moi de vous livrer quelques expériences. La gestion d'un chantier au quotidien, c’est typiquement jusqu'à une dizaine "d'hommes du métier" face à vous. Rien de mal à cela a priori, si ce n'est que vous avez toujours cette désagréable impression de devoir faire vos preuves : suspicions automatiques d’incompétence et problèmes récurrents d’autorité, alors que la présence de ces messieurs est entièrement justifiée par votre seule bonne volonté… Et je ne parle pas de ce que nous connaissons toutes : devoir veiller à la manière dont nous sommes vêtues pour être prises au sérieux! Indéniablement, nombreuses sont encore ces professions investies par les hommes et, pardon, mais, trop marquées par la «virilité », où il nous faut habilement gérer le décalage entre les perceptions et la réalité. Et si une réponse se trouvait dans l'affranchissement ? Celui qui consiste à se « libérer» du regard des autres. Je me souviens avec amusement d'une architecte de renom parisienne, aux côtés de laquelle j'ai œuvré il y a quelques années, qui arborait systématiquement ses hauts talons lors des visites de chantiers - boueux ou non - au détriment souvent de son confort et parfois de ces chères "consignes d'hygiène et sécurité"…

J'ai l’envie irrépressible de vous parler du travail de Julia Lohmann. Née en 1977 en Allemagne, cette designeuse multidisciplinaire, qui a étudié le graphisme au Surrey Institute of Art and Design en Grande Bretagne, propose une œuvre aux frontières entre le design, la science, l’artisanat et l’art. Ses thèmes de prédilection sont les systèmes de valeurs socialement construits et la transformation de la nature en artifice (et vice-versa)… Autre fait notable, elle est aujourd’hui à la tête du Department of Seaweed au Victoria & Albert Museum, fondé en 2013 et n’hésite d’ailleurs pas à utiliser des matériaux précurseurs comme les algues dans sa sublime installation « Oki Naganode » au sein de cette même institution. Ses créations sont exposées dans le monde entier, y compris dans les plus grandes collections privées et publiques, comme celles du British Council et du MoMA de New York.

Zoom sur un design engagé

Finissons ce coup de projecteur avec l’œuvre de l'américaine Barbara Kruger, à qui de nombreuses rétrospectives ont déjà été consacrées. En 2005 notamment, à la biennale de Venise, elle s’est vue décerner le Lion d’or pour l’ensemble de son œuvre! Son crédo? Le collage, des mots et images chocs, ce qui n'est pas étonnant pour une artiste qui a débuté dans la publicité. À travers ses propositions artistiques, Kruger dénonce les relations sociales, les structures du pouvoir, et n'hésite pas à remettre en question les stéréotypes, la misogynie et les modèles dépassés des rôles homme-femme relayés par les médias, tiens donc… À noter son œuvre Your body is a battleground, un visuel dans lequel le corps féminin n'est plus un objet qu’utilisent la publicité et les média, mais devient un moyen d’expression et de lutte contre les stéréotypes…

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