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Interview

Vanessa Schmitz-Grucker

Rencontre avec Mary Faltz

 Son cancer, sa chance

Alena Massen

Ecrit en huit semaines pendant sa chimiothérapie, «Trahie dans sa chair» est une ode à la résilience, une ode à la vie, une leçon de courage et de bonheur face au parcours de vie semé d’embûches de Mary Faltz. Rencontre avec l’auteure, qui vit au Luxembourg avec ses quatre enfants.

«16 années d’abus sexuel et de menaces. 16 années de peur et de silence. 16 années de sourires forcés et de résilience. 10 années d’études. 7 années de grossesse. 4 années de procès au pénal. 10 années de mariage. 5 années de mensonges. 6 mois de cancer… et ce à 37 ans seulement.»: c’est ainsi que vous résumez le livre que vous venez d’éditer. Un livre qui trouve une résonance particulière en ce mois d’octobre rose, mais où le cancer que vous combattez alors, n’est finalement qu’un chapitre de votre vie et votre texte. Quelle place occupent et le cancer et ce livre dans votre parcours?

Le cancer a joué le rôle de révélateur. Quand je me suis réveillée d’une opération de 8 heures, on m’a annoncé que j’étais passée du stade 1 au stade 3. J’ai eu très peur et j’ai voulu écrire une lettre à mes quatre enfants au cas où je ne m’en sorte pas. J’avais plein de choses encore à dire avant de mourir.

Et cette lettre s’est transformée, au fil des semaines, en des pages et des pages, jusqu'à aboutir à un livre que j’ai décidé de publier, persuadée que cette expérience pouvait servir à d’autres. Et je ne m’étais pas trompée! Vous savez, le cancer, comme les abus sexuels, reste un sujet tabou. Quand on dit qu’on a eu un cancer, on le dit à voix basse. Moi, je veux le dire à voix haute, très haute.

Avez-vous songé à la raison pour laquelle ce sont encore des sujets tabous en 2021?

La honte fait le tabou. Pour le cancer, comme pour le divorce ou même pour l’abus sexuel, la société décide de ce qui est honteux et de ce qui ne l’est pas.

Vous êtes dans le domaine médical, est-ce une chance ou un inconvénient lorsqu’on est confrontée à un cancer?

J’étais pharmacienne et je faisais de la recherche clinique. À présent, je suis professeur, c’est plus stable avec les enfants et moins fatiguant après la maladie. Mais ma base médicale a été un grand avantage: je comprends les articles scientifiques et la recherche, j’ai pu me pencher sur mon cas, sur mes soins. On peut dire que je me suis sauvé la vie. On m’avait annoncé que mon cancer du sein était invasif et agressif, de fait inopérable. C’était très brutal. Alors, j’ai pris plusieurs avis pour trouver des solutions. J’ai, ainsi, été soignée et à Trèves et au Luxembourg. Chaque cancer est unique, je suis pour traiter le patient et non le cancer. Et pour ça, il faut trouver le bon endroit, la bonne équipe. Il faut faire confiance à son médecin, certes, mais croire aveuglément une seule personne me semble dangereux!

Diriez-vous que vous êtes une autre personne après ce cancer?

Face à la mort, on devient soimême, le vrai soi se révèle. Avant le cancer, je n’étais ni libre, ni heureuse. La maladie m’a réveillée. Elle m’a fait comprendre qu’il fallait que je prenne soin de moi. C’est, bizarrement, pendant la chimio je me suis trouvé belle dans le miroir pour la première fois. Je me suis aimée, enfin. Donc, je n’en veux pas à ce cancer. Je ne suis pas fâchée.

Vous êtes, en effet, toujours souriante, positive, on trouve même beaucoup d’humour dans votre livre malgré la noirceur du récit. N’êtes-vous jamais en colère face au destin?

On a toujours le choix entre s’accrocher aux sentiments négatifs ou chercher le positif. La haine, la colère sont des émotions actives. Elles demandent de l’énergie et, cette énergie, je préfère la mettre dans le selflove, le self-care. Sans ça, je ne serai pas en vie aujourd’hui. Les gens me disent souvent qu’avec toutes les claques que je me suis prises, je n’ai vraiment pas de chance. Moi, je me vois comme la fille la plus chanceuse du monde. C’est la perception de ta vie qui fait que tu es heureux ou non.

À lire

« Trahie dans sa chair » L’ouvrage de Mary se définit comme un témoignage de résilience humaine face à une vie marquée de coups durs. Et l’introduction par cette citation revue et corrigée annonce la couleur: « Peu importe que le verre soit à moitié vide ou à moitié plein, l’essentiel, c’est d’avoir encore le verre. » de Mary Faltz chez Filament Publishing

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