Exposition Modernité Photographie Brésilienne 1940-1964

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Sommaire

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Communiqué de presse

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Quatre photographes de la vie moderne

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Biographies des photographes

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Visuels disponibles pour la presse

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Catalogue de l’exposition

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La Fondation Calouste Gulbenkian

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La Délégation en France de la Fondation Calouste Gulbenkian

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Informations pratiques

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Communiqué de presse

Modernités : photographie brésilienne 1940-1964

© José Medeiros, Instituto Moreira Salles

6 mai - 26 juillet 2015

Vernissage le 5 mai à 18h30 Visite presse le 5 mai à 11h

Oeuvres de Marcel Gautherot, José Medeiros, Thomaz Farkas et Hans Gunter Flieg Commissaires : Antonio Pinto Ribeiro, Ludger Derenthal et Samuel Titan Jr. Au début des années 40, avec la deuxième guerre mondiale, le Brésil apparaît comme une terre d’élection pour des milliers d’émigrants, le pays vit alors un processus de modernisation unique qui agite tous les secteurs de la société brésilienne. Cette exposition explore cette transformation vertigineuse à travers le regard de quatre photographes aux sensibilités stylistiques très différentes. Marcel Gautherot (1910-1996) est un parisien issu d’un milieu ouvrier, admirateur des œuvres de Le Corbusier et de Mies van der Rohe ; dès 1958, il a eu accès aux œuvres de Brasília – reflet de l’amitié qu’il entretenait avec Oscar Niemeyer. Hans Gunter Flieg (1923), juif allemand, a fui le nazisme et s’est réfugié au Brésil en 1939, il s’est spécialisé dans la photographie industrielle. Thomas Farkas (1924-2011), hongrois émigré au Brésil, est sans doute le plus connu des quatre photographes, il est aussi le plus avant-gardiste du groupe, il s’est intéressé très jeune à la photographie comme œuvre d’art. Enfin, José Medeiros (1921-1990), photojournaliste né dans un Etat pauvre et sans grande tradition culturelle, attentif aux changements et aux ruptures dans toutes les classes sociales, a appris la photographie dans les rédactions cariocas. Dans cette exposition, nous verrons l’Amazonie intacte, les plages et le quotidien de Rio de Janeiro, mais aussi le carnaval, le football, les rites d’initiation des religions africaines, les ports fluviaux et les pêcheurs du Nord, les industries et les usines, les églises baroques, les tribus indiennes, l’outillage mécanique, les fêtes populaires, les bâtiments modernistes et la nouvelle capitale Brasília. Ces thèmes très hétérogènes dressent un portrait du Brésil à une époque donnée qui s’achève avec le début de la dictature militaire en 1964.

En partenariat avec le programme Gulbenkian Proximo Futuro et l’Instituto Moreira Salles

Fondation Calouste Gulbenkian Délégation en France 39 bd de la Tour Maubourg 75007 Paris Contacts presse : Miguel Magalhães : m.magalhaes@gulbenkian-paris.org ; 01 53 85 93 76. Clémence Bossard : c.bossard@gulbenkian-paris.org : 01 53 85 93 81 www.gulbenkian-paris.org

16 février 2015


Quatre photographes de la vie moderne Brésil 1940-1964 Samuel Titan Jr. Le Brésil du milieu du xxe siècle était un pays en pleine transformation. L’élan de la modernisation se faisait sentir dans tous les domaines de la vie sociale, de l’économie à la politique, du quotidien à la création culturelle. Ce n’était pas la première rencontre du Brésil avec l’ère moderne, car le processus dont il s’agit ici remonte à la fin du siècle précédent, quand le pays a commencé à s’éloigner de l’économie esclavagiste, quand des villes comme Rio de Janeiro et São Paulo se mirent à abriter une sphère publique de plus en plus vibrante et cosmopolite. Mais, à ce moment-là, au coeur du xxe siècle, la transformation s’accélérait vertigineusement, anéantissant toute illusion d’un progrès graduel et contrôlé. Le tournant de la décennie de 1930 a constitué une marque historique, que ce soit par les effets du crash de 1929 sur une économie d’exportation agricole, que ce soit par le putsch de l’année suivante, qui mit un terme à la Vieille République, à la domination des oligarchies rurales sur la scène politique, l’ouvrant à la lutte entre de nombreux courants antagoniques. Le conflit politique se plaçait alors sur un terrain radicalement modifié par l’industrialisation, par la migration et l’immigration en masse, par le développement des villes et par les nouvelles technologies de l’information – la radio, le cinéma, la presse illustrée. Ce n’est pas par hasard que l’histoire des trois décennies suivantes a été marquée par le va-et-vient entre la démocratie et l’autoritarisme, par la succession de coups d’État (1930, 1937, 1945, 1964), comme par des personnages parfaitement ambigus. Le cas extrême a, certainement, été celui d’un homme politique comme Getúlio Vargas, qui a extrapolé l’horizon du coup d’État de 1930 en instituant l’Estado Novo en 1937 – formation hybride où se mêlaient sympathies fascistes, répression politique et un ambitieux programme de modernisation de l’État, de l’économie et de la société – avant de se suicider en 1954, dans l’exercice de son mandat de président élu. Ce furent aussi des années d’intense débat d’idées. Dans le sillage des avant-gardes artistiques du modernisme de la décennie de 1920, d’innombrables intellectuels étudièrent les possibilités et les dilemmes de la culture brésilienne, dans un autre va-etvient, maintenant entre les notions d’identité et de modernité. Ce sont les années de la parution d’ouvrages classiques comme Casagrande e senzala [Maîtres et esclaves] (1933), de Gilberto Freyre, Raízes do Brasil [Racines du Brésil] (1936), de Sérgio Buarque de Holanda, Formação do Brasil contemporâneo (1942) de Caio Prado Jr. ou encore Formação da literatura brasileira (1959) d’Antonio Candido. Dans ce tourbillon de faits et d’idées, il n’est pas étonnant que, aux mains de différents acteurs, la notion même de moderne ait toujours été sujet de discorde et ait donné lieu à des définitions antagoniques et à des nuances ambigües. La voie vers la modernité passait-elle par la révolution prolétarienne, la démocratie libérale ou l’État fasciste ? Ses hérauts étaient-ils les artistes de la Semaine d’Art Moderne de 1922 ou les ingénieurs et technocrates (souvent en uniforme vert-olive) qui commençaient à prendre place dans la vie publique ? La modernité se trouverait-elle dans la fusion de la tradition populaire et de l’avant-garde esthético-politique ou dans l’adhésion cosmopolite aux moeurs et aux habitudes de consommation de la civilisation bourgeoise occidentale ? Contacts presse Miguel Magalhães m.magalhaes@gulbenkian-paris.org 01 53 85 93 76 Clémence Bossard c.bossard@gulbenkian-paris.org 01 53 85 93 81

Toutes ces questions ont été posées, avec l’indispensable couleur locale, dans le Brésil de la moitié du xxe siècle. Loin de vouloir être exhaustif, l’ambition de Modernités. Photographie brésilienne (1940-1964) consiste à les revisiter sous un angle encore peu exploré – celui de la formation de la photographie moderne au Brésil, entre la fin de 4


Carnaval, Rio de Janeiro, années 1950, José Medeiros, Courtoisie de l’Instituto Moreira Salles

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la décennie de 1930 et le coup d’État militaire de 1964, représentée ici par quatre de ses grands noms : Marcel Gautherot (1910-1996), José Medeiros (1921- 1990), Thomaz Farkas (1924-2011) et Hans Gunter Flieg (1923). Ce n’était certainement pas les seuls noms importants et, quand on porte le regard sur eux, des noms également décisifs restent « hors champ », comme ceux de Pierre Verger, Jean Mazon, Geraldo de Barros et German Lorca, pour ne citer que ces quatre-là. Mais, mise à part cette restriction, les photographes réunis et présentés dans cette exposition et dans ce catalogue – conçus initialement pour le Museum für Fotografie de Berlin – sont indubitablement centraux et permettent d’obtenir un panorama riche et révélateur de la création photographique au Brésil de ces années-là comme du pays qu’ils essayaient de capter en faisant jouer les déclics de Leica et de Rolleiflex. Quatre noms paradigmatiques en effet – non parce qu’ils appartiennent à une même école ou à un même courant, mais par leur diversité d’origine, de style, d’intérêt, d’action. Cette diversité les renvoit à leur temps, sans cependant les rendre simplement « typiques ». Comment pourraient-ils l’être, s’ils ont vécu justement à une époque et dans un pays qui ne se laissait pas enfermer dans une formule unique et qui ne se laissait voir qu’à travers la somme de nombreux registres dissemblables ? On remarque, de prime abord, la teinte cosmopolite du groupe, bien caractéristique d’une époque de migration et d’immigration : Gautherot, parisien d’origine ouvrière et avec une formation en architecture ; Flieg, juif allemand de Chemnitz qui a fui le nazisme et la guerre ; Farkas, Hongrois né à Budapest dans le milieu de commerçants juifs de matériel photographique ; et Medeiros, Brésilien de naissance, installé à Rio de Janeiro, mais venant d’un état pauvre et sans grande tradition artistique. À cette diversité d’origine, s’ajoute le chemin de chacun à la poursuite de ses thèmes d’élection dans des cadres professionnels très différents : Medeiros est le photojournaliste par excellence, qui apprend le métier dans le quotidien des rédactions de Rio de Janeiro et vit en état d’alerte mondain et humain, alors que Farkas, libre de préoccupations matérielles majeures, est le plus « artiste », le plus « avant-gardiste » du groupe, s’intéressant très jeune à la photographie en tant que langage, jeu, oeuvre qu’on expose dans des galeries ou des musées ; Flieg, quant à lui, le seul des quatre à ouvrir un studio photographique, se construit une image de professionnel, de prestataire de services pour des clients presque toujours industriels, dans une voie à l’opposé de celle de Gautherot, individu nomade, avec des sympathies de gauche, détenteur d’un sens formel lui venant de son contact avec l’architecture moderne, mais toujours intéressé au processus de formation nationale qu’il a l’occasion de montrer et auquel il pense contribuer, en participant à divers organes de presse et à diverses initiatives étatiques. Le résultat est d’une grande variété formelle et stylistique – mais aussi d’une énorme richesse comme répertoire documentaire d’un pays vaste et contradictoire. Le choix des thèmes est étonnant : paysages intouchés d’Amazonie, fabriques et usines, religions africaines, football et carnaval, statues et églises baroques, outils mécaniques, fêtes populaires à la campagne, glamour mondain et cosmopolite dans les villes, tribus indigènes dans le Centre-Ouest, édifices modernistes à São Paulo et à Rio de Janeiro, sans oublier la nouvelle capitale, Brasília – tout cela sous le même soleil, aspirant à constituer dans sa contemporanéité un « portrait du Brésil » qui, néanmoins, n’arrive jamais à aboutir, étant donné que le pays ne se laisse jamais fixer sous une définition unique d’identité ou de modernité.

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Que firent, dans ces circonstances, quatre photographes de talent et intelligence, quatre photographes de la vie moderne, pour emprunter la formule de Baudelaire ? C’est le moment de passer du portrait en groupe au profil individuel et d’examiner, bien que sommairement, les réponses de Gautherot, Medeiros, Farkas et Flieg.

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Pavillon de la Biennale, Parc de Ibirapuera, São Paulo, C. 1955Marcel Gautherot, Courtosie de l’Instituto Moreira Salles

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La synthèse moderne : Marcel Gautherot Fin septembre 1939, dans le même numéro où il promettait de donner plus de nouvelles sur la récente « attaque massive contre la Pologne », le journal Folha do Norte annonçait l’arrivée d’un « grand reporter français » à Belém. Ce reporter avait visité la veille la rédaction du journal et avait exposé ses plans de voyage aux « confins de l’Amazonie », après quoi il rentrerait à Paris, où il travaillait pour le Musée de l’Homme récemment créé. Ce premier indice de la présence de Marcel Gautherot au Brésil ne pouvait être davantage sujet à équivoque. Ce reporter était, en réalité, un photographe qui n’avait même pas trente ans, n’était pas à proprement dire connu, et n’était pas non plus formellement impliqué dans une « enquête sur les races humaines et les types ethniques ». Le lien avec le musée parisien était réel et important, mais le jeune Gautherot était arrivé au Brésil davantage mû par le désir de voyager que par un quelconque programme de recherche. Né à Paris, le 14 juillet 1910, fils d’ouvriers, il commença à suivre en 1925 les cours du soir de l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs. Il ne termina pas ses études mais il acquit une bonne formation technique et travailla, à la fin des années 1920, à l’élaboration de projets de meubles ; en outre, il fut confronté à l’architecture moderne, en particulier aux travaux de Le Corbusier et de Mies van der Rohe, auxquels il vouera toujours une grande admiration. Fort de ces références, il intégra en 1936 l’équipe du Musée de l’Homme, avec la fonction d’architecte-décorateur ; là, il approfondit ses connaissances de la technique photographique – en plus de s’initier à la photographie ethnographique. Il commença à photographier les pièces de la collection en vue d’établir un catalogue et, cette même année, au service du musée, il partit pour un bref séjour au Mexique, où il photographia des monuments anciens, des fêtes populaires et des pièces archéologiques. Le travail pour le musée correspondait certainement à un autre désir : « La photographie a surgi avant tout de mon désir de voyager. À cette époque [1936], j’étais déjà passionné par l’Amazonie et j’avais très envie de connaître le Brésil. » Peut-être que le voyage brésilien de 1939 n’aurait été que cela, un interrègne d’aventure, si la guerre n’avait éclaté en Europe. Mobilisé par l’armée française, Gautherot se présenta à Dakar, mais le succès de la Blitzkrieg allemande l’empêcha de venir combattre sur le sol européen ; homme de gauche, sympathisant du Parti Communiste, le « grand reporter français » jugea plus sûr de ne pas aller plus loin, vers la France de Vichy. En 1940, il était de retour au Brésil, pour tenter sa chance à Rio de Janeiro. Si l’aventure amazonienne ne se déroula pas selon son attente, une extraordinaire aventure de la sensibilité commençait alors : tout au long des décennies suivantes, jusqu’à sa mort à Rio de Janeiro, en 1996, Gautherot s’employa à répertorier et à comprendre photographiquement son pays d’adoption. Pour commencer, en voyageant beaucoup, en particulier dans le nord et le nord-est, mais, surtout, en appliquant et en adaptant les éléments de sa formation – l’architecture et la photographie ethnographique – aux nouvelles expériences qu’il vivait. Dans ce processus, furent décisifs le contact et l’amitié avec quelques intellectuels et créateurs brésiliens, tous liés au mouvement moderniste des années 20, comme l’écrivain Rodrigo Melo Franco de Andrade (premier directeur du Service du Patrimoine Historique et Artistique National, fondé en 1937), les architectes Roberto Burle-Marx, Lúcio Costa et Oscar Niemeyer et l’écrivain et folkloriste Edison Carneiro.

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Ces rencontres conduisirent à la consolidation de quelques-unes des grandes inspirations de l’oeuvre brésilienne de Gautherot. En effet, déjà à l’entrée de la décennie de 1940 et mandaté par le Service du Patrimoine Historique, le photographe commença à répertorier des monuments de l’époque coloniale, appartenant en particulier à l’architecture baroque et à l’oeuvre de l’Aleijadinho, dans le Minas Gerais. En même temps, il devenait le photographe préféré de Niemeyer, qui lui demanda, tout de suite après, de répertorier ses ouvrages terminés, comme l’immeuble du Ministère de l’Éducation et de la Santé, à Rio de Janeiro, et l’ensemble de la Pampulha, à Belo Horizonte. L’amitié 8


Jangadeiro, Aquiraz, Ceará, c.1940, Marcel Gautherot, Courtosie de l’Instituto Moreira Salles

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avec Niemeyer fut particulièrement fructueuse, car, à partir de 1958, Gautherot eut un large accès aux différentes étapes de la construction de Brasília et il put ainsi documenter de façon très complète les trois années que durèrent les travaux de la nouvelle capitale. Enfin, son intérêt pour les fêtes populaires (qui avait des racines aussi bien dans la veine ethnographique que dans ses origines plébéiennes) ne tarda pas à trouver une résonnance locale, étant donné qu’une partie décisive du programme des avant-gardes brésiliennes, en particulier dans l’oeuvre de Mário de Andrade, touchait à la redécouverte et à la réinvention de la culture populaire en gamme moderniste. On voit par là qu’il n’y avait rien de fortuit dans la participation de Gautherot au travail de documentation mené à bien par la Commission Nationale du Folklore (à partir de 1947) et par la Campagne de Défense du Folklore National, dirigée par Edison Carneiro (à partir de 1958). La saveur particulière de l’oeuvre de Gautherot ne réside pas seulement dans cette diversité d’intérêts, mais, plus que tout, dans son désir de suggérer, au moyen de la photographie, une synthèse moderne de tous. Les échos formels qui émanent de ses images sont l’indice le plus évident de ce désir : un ensemble de pilotis en Amazonie renvoie aux pilotis du Ministère de l’Éducation et de la Santé à Rio de Janeiro, les formes de la végétation naturelle évoquent les contours de l’architecture moderne, la marche des deux pêcheurs sur l’île de Marajó et la danse de la capoeira forment un dessin géométrique qui réapparaît dans les ombres des constructions de Brasília ou dans les voiles des bateaux amarrés au port de Belém. Au gré de ces résonnances visuelles, se construit un pari symbolique (et, de manière discrète, également politique) : le traditionnel et le populaire semblent gagner une connotation moderne, et le moderne semble acquérir des racines populaires. En cela, Gautherot n’est pas seul, car ce fut justement le pari de plusieurs générations d’artistes, d’intellectuels et de critiques issus du mouvement moderniste au Brésil. Photographe de la forme, Gautherot voulut aussi être le photographe de la formation – d’un processus de formation nationale et populaire sous l’égide de la modernité. Son travail sur Brasília marque, en ce sens, l’apogée et la limite de cette attitude moderne. En photographiant sur un pied d’égalité les chantiers, les édifices de Niemeyer, les travailleurs, les formes de l’architecture vernaculaire qui proliféraient autour de la ville projetée, Gautherot cherchait à donner une expression visible à un régime très poreux d’échanges symboliques et sociaux. Mais l’histoire brésilienne ne tarda pas à interrompre ce régime et à frustrer ses promesses formelles et sociales. Le coup d’État militaire de 1964, en effet, altéra profondément les règles du jeu politique et symbolique – à travers la répression pure et simple, évidemment, mais aussi parce qu’il revendiquait pour lui-même le rôle de représentant local d’une modernité capitaliste et peu intéressée à ce qui avait été le coeur du projet moderniste au Brésil.

Le spectacle du Brésil : José Medeiros Passer de Gautherot à Medeiros signifie sortir du projet de synthèse moderniste pour entrer dans le domaine du journalisme, du spectacle et de la circulation médiatique d’images. Effectivement, l’oeuvre de José Medeiros est impensable hors du contexte de la presse, pour des raisons biographiques d’abord, mais aussi parce que son langage s’est formé en dialogue avec le photojournalisme et avec les revues illustrées.

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Medeiros est né à Teresina, dans le Piauí, en 1921. Il commença à prendre des photos pendant son adolescence, avec un appareil offert par un parrain, et certainement inspiré par son père, photographe amateur. La famille déménagea à Rio de Janeiro en 1939. Dans celle qui était alors la capitale fédérale, le jeune Medeiros échoua à l’examen d’entrée à la faculté d’architecture et commença à travailler, d’abord, en tant qu’employé public et, plus tard, comme photographe free-lance pour des revues comme Rio et Tabu. En intégrant la rédaction d’O Cruzeiro, en 1946, par l’entremise du tout-puissant Jean Manzon, Medeiros mettait un pied dans l’endroit où se déroulerait l’essentiel de sa carrière. 10


Entreprise électrique Brown Boveri S/A, Isasci Sãu Paulo, c.1960, Hans Gunter Flieg, Courtosie de l’Instituto Moreira Salles

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Principale revue illustrée au Brésil dans les décennies de 1940 et de 1950, O Cruzeiro a été un véritable carrefour de langages photographiques. La veine la plus évidente, suivant le modèle importé des grandes revues européennes et américaines, était certainement celle de la chronique mondaine. Dans les pages d’O Cruzeiro défilait le cortège habituel de stars de cinéma, d’hommes politiques, de célébrités éphémères et de faits divers locaux, souvent dans des articles payés par les intéressés. Faisant partie d’une industrie culturelle en formation, la revue répondait à de nombreuses aspirations en jeu dans les « années dorées » de Rio de Janeiro, entre la fin de la guerre et le coup d’État de 1964. Dans un climat d’ouverture politique, de création culturelle puissante et de vie cosmopolite, la ville et le pays s’offraient en spectacle, à eux-mêmes comme aux spectateurs étrangers. Plus que témoin, Medeiros est protagoniste de ce moment-là : cette recherche de spectacle laisse une empreinte sur la trame même de ses photographies. En effet, il faut remarquer que nombre d’entre elles ne sont pas exactement des instantanés, des images à la sauvette, dans le sens qu’Henri Cartier-Bresson a donné au terme ; elles semblent, au contraire, naître d’une sorte de contrat immédiat entre le photographe en quête d’images et les photographiés qui ne veulent rien d’autre que de se livrer à lui. C’est le cas, sans doute, de nombreuses photographies en pose que Medeiros produit pour les reportages sur la vie glamour à Rio de Janeiro, mais c’est aussi le cas des personnages anonymes qui se tiennent immobiles pour que la photo soit bonne. Cet effet se produit aussi dans des situations sans manipulation comme dans le cas des deux voitures noires et brillantes qui semblent se séparer pour « encadrer », elles mêmes, le très beau paysage de la plage d’Ipanema avec les mornes et les pierres au fond. Cet élément spectaculaire ou même médiatique parcourt tout le travail de Medeiros, même lorsque viennent s’y mêler d’autres influences, en particulier celle du photojournalisme avec des noms comme Robert Capa, W. Eugene Smith ou Cartier-Bresson luimême. Il se fait sentir même quand Medeiros se penche sur des personnages encore étrangers à ce régime de production et de circulation d’images : les tribus indigènes du Xingu et les novices du candomblé à Bahia. Au Xingu, tous les photographiés ne s’offrent pas à l’appareil avec le même plaisir que celui des habitants de Rio. Quelques-uns se méfient, certains regardent fixement, d’autres se livrent. Par cela même, les relations entre le photographe et ses « objets » s’enrichissent, deviennent moins protocolaires, moins contrôlées, comme c’est le cas de l’homme qui oppose à l’appareil un regard hautain et devient ainsi le protagoniste d’un portrait de trois quarts qui compte parmi les meilleurs que Medeiros ait jamais réalisés. En même temps, le reportage de Medeiros fait partie d’un effort de propagande en faveur de la Marche vers l’Ouest, programme d’État pour occuper et consolider des territoires et dont la construction de Brasília a constitué la partie décisive. Dans ce contexte, la composition presque sculpturelle de certaines images de Xingu et la fixation photographique de l’indigène en son état « vierge » ou « naïf », s’insèrent dans le discours officiel sur le « spectacle des races », sur les « trois races » (Indiens, Africains et Portugais) qui se seraient « mélangées » pour donner origine à la nation brésilienne. L’homme qui s’apprête, avec son corps magnifique, à faire tourner l’hélice d’un avion ne s’apprête-t-il pas aussi, symboliquement, à beaucoup plus ? La photographie de la danse tribale, prise de haut, ne la convertit-elle pas en une sorte d’emblème ? Rien de cela ne fait de Medeiros un simple propagandiste – pour trouver des images de pur lieu commun et préjugé, il faudra passer aux photographies de Jean Mazon et compagnie. La preuve en est une image extraordinaire prise par Medeiros encore au Xingu : le garçon qui dort sur un fût de carburant, comme s’il s’agissait d’un tronc d’arbre, résume de façon à la fois tacite et éloquente les risques de la Marche vers l’Ouest, en deçà ou au-delà du triomphalisme officiel. Contacts presse Miguel Magalhães m.magalhaes@gulbenkian-paris.org 01 53 85 93 76 Clémence Bossard c.bossard@gulbenkian-paris.org 01 53 85 93 81

Mais c’est en 1951, à l’occasion d’un reportage sur le rite d’initiation du candomblé, que le spectacle et le photojournalisme se mélangent et s’affrontent aussi. En réponse à un photoreportage de Paris Match qui « était entré » dans les secrets de la religion afro-brésilienne, O Cruzeiro envoya Medeiros à Bahia. D’un côté, un univers symbolique 12


Plage de Copacabana, Rio de Janeiro, 1947,Thomaz Farkas, Courtosie de l’Instituto Moreira Salles

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fermé, destiné à être vu exclusivement par les initiés, et qui ne se laisse pas séparer des lieux et des corps dans lesquels il se manifeste ; de l’autre, l’impératif de tout donner à voir, coûte que coûte, impératif qui explique la mise en scène que Medeiros introduit, à commencer par l’éclairage puissant. En s’offrant au photographe, les officiants courent le risque de devenir les figurants d’un rite qui ne leur appartient déjà plus – et c’est alors que Medeiros, dans un mouvement parfaitement paradoxal, dépasse son propre registre scénographique. Voyez, par exemple, la lutte et le drame qui s’instaurent entre la lumière des bougies de cire et le faisceau de lumière électrique ; mais voyez, surtout, comment les yeux fermés des novices en transe semblent les protéger du regard photographique. Dans le plus beau portrait de la série, une novice, les yeux toujours clos, oublieuse de la prise, laisse tomber sa tête sur le côté et s’abstrait de tout : des personnes alentour, du flash du photographe, du temps présent indiqué par le calendrier et par la publicité de Coca-Cola sur le mur, au fond. Ce buste ne devient-il pas sublime en se dérobant à tout spectacle, à toute ambition de l’épuiser photographiquement ? Et, en même temps, c’est la photographie qui permet de le voir, qui nous donne la mesure de ce que nous pouvons et de ce que nous ne pouvons pas voir. Medeiros atteint ici un des points culminants de sa carrière et fait de l’image, non le lieu d’une authenticité naïve, mais un carrefour de vecteurs ritualistes, historiques, éthiques et esthétiques. Ce caractère ambigu apparaît dans bon nombre des photos les plus puissantes de l’immense portfolio urbain et mondain que Medeiros a produit. Chacune d’elles correspond à un moment où la circonstance journalistique, très souvent triviale et provinciale, est contaminée par l’« instant décisif » si cher à Cartier- Bresson. C’est le cas de l’enfant qui assiste à un jeu historique dans le stade du Maracanã ou des hommes perchés sur un lampadaire pour regarder le retour des troupes envoyées en Italie pendant la Seconde Guerre mondiale. C’est le cas, aussi, de l’impressionnante photo de la famille noire dans le défilé patriotique du 7 septembre, où l’on voit, en même temps, les nombreuses années d’esclavage inscrites sur la tension des visages, et la petite marge de dignité récemment conquise, affirmée par les vêtements du dimanche portés. Une photo pleine de silences, qui ne se laisse pas réduire au spectacle auquel participent les personnages. Medeiros a rarement été aussi loin. Trop loin, d’ailleurs, pour O Cruzeiro, qui, au tournant des années 60 s’est adonné de plus en plus au scandale et à la vulgarité. Vers cette même époque, Medeiros s’éloigne de la revue et, peu de temps après, de la photographie : il clôt sa carrière de photojournaliste et commence à militer dans le cadre du cinéma – en particulier comme l’un des directeurs de photographie du cinema novo.

Des formes aux hommes : Thomaz Farkas En octobre 1947, Edward Weston terminait ainsi une lettre sympathique écrite en réponse à un jeune photographe brésilien qui lui avait envoyé une poignée de photos, en lui demandant une appréciation critique : « An admonition : don’t repeat your successes ! I don’t think from your letter you will. » Le photographe s’appelait Thomaz Farkas, il avait à peine 23 ans et suivrait au pied de la lettre le conseil du maître – moins par obéissance que par tempérament. Tempérament inquiet et même impulsif, qui l’amena à parcourir de nombreux chemins pendant deux décennies d’intense expérimentation photographique, du début des années 1940 jusqu’au commencement des années 1960.

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Farkas est né à Budapest en 1924, au sein d’une famille juive qui travaillait alors déjà dans le commerce de matériel photographique et qui, en 1930, s’installa définitivement à São Paulo. À huit ans, il reçut son premier appareil photographique de son père et, avec lui, il explora le quartier où il résidait – notamment la prise de vue du passage d’un Zeppelin en 1936 et l’inauguration du stade moderne du Pacaembu en 1940. Mais c’est en 1942 que Farkas embrasse sa carrière en intégrant le Foto Cine Clube Bandeirante, lieu de rencontre de toute une génération de jeunes photographes, parmi lesquels Geraldo de Barros et German Lorca déjà cités. Le groupe tirait son inspiration de l’idée d’une 14


grammaire visuelle pure, libre de tout pictorialisme, puisée dans les avant-gardes de la décennie de 1920, flirtant de temps à autre avec l’abstraction. Inspiré par nombre de ces nouvelles idées, Farkas entreprit une véritable redécouverte photographique de son univers familier, produisant, de 1942 à 1946, une brillante série d’images du même stade du Pacaembu qu’il avait photographié peu avant, encore en tant qu’amateur. De lignes géométriques épurées – et donc, similaires au regard moderne avec lequel le photographe l’abordait à nouveau –, le stade cessait d’être un décor pour se transformer en protagoniste de jeux d’ombres et de lumières, de lignes et de volumes. Ainsi, sans perdre leurs contours propres, les piliers, les murs, les grilles, les tours et enfin les spectateurs concentrés jouaient avec le photographe pour produire des images qui ne se limitaient déjà plus au registre sentimental. Pour mentionner une photo devenue classique, citons la prise oblique, qui se précipite vers le bas en sens contraire de la lumière incidente sur les chapeaux et les costumes des supporters et produit, avec une grande économie de moyens, un rythme presque abstrait d’alternance entre clarté et obscurité, soleil et ombre. La série produite à Pacaembu est parfaitement représentative de ce premier moment de création de la carrière de Farkas – y compris de ce qui le distingue de son collègue Geraldo de Barros. Alors que ce dernier explore à fond l’abstraction comme langage, dialoguant avec les avant-gardes concrétistes et néo-concrétistes, Farkas n’abolit jamais l’élément figuratif, se mouvant au contraire dans la limite entre abstraction et mimesis, comme qui établit un jeu de langage. Ses images les plus connues de cette époque se placent justement à cette frontière, comme la photographie des tuiles. C’est le cas aussi, en particulier, des belles photos qu’il a tirées à Rio de Janeiro à partir de deux oeuvres majeures de l’architecture moderniste : le ministère de l’Éducation et de la Santé et l’Association brésilienne de presse. Radicalisant ce qu’il avait déjà fait avec le stade du Pacaembu, Farkas en arrive au point de dématérialiser les deux édifices, qui deviennent une scène pour des jeux de lumières, d’ombres et d’angles. Il y a là une façon d’étudier la ville moderne comme possibilité d’un jeu formel qui parcourra toute la carrière photographique de Farkas – même quand, à partir de la deuxième moitié de la décennie de 1940, il commença à s’éloigner du credo abstractionniste. Maintenant le soin dans la composition et nourri d’une culture visuelle très riche, qui allait de Weston et Strand à Munkácsi et au Bauhaus, Farkas s’aventura graduellement dans de nouveaux genres – portraits, scènes de rue, répétitions de théâtre et de ballets – et dans de nouveaux territoires – surtout Rio de Janeiro, qu’il explora dans un esprit souvent proche de celui de José Medeiros. En fait, la rencontre et l’amitié avec Medeiros, au milieu de la décennie de 1940, furent décisives pour Farkas, dans les photos duquel commence à apparaître une note plus forte de chaleur, d’humour et de corps à corps. L’image du but sur la plage de Copacabana est, peut-être, le meilleur exemple de cette nouvelle note, dans la mesure où la fixité de la structure géométrique des poteaux est tempérée par le mouvement du petit gardien de but. L’héritage des années du Foto Cine Clube est présent mais le centre des attentions s’est déplacé. On ne doit pas y voir une conversion au photojournalisme de l’ami d ’O Cruzeiro. Tout au long de ces années, Farkas a continué à travailler et à agir autour d’une notion de la photographie comme langage doté de dignité artistique. Il n’a travaillé pour aucun journal ou revue, au contraire, il a milité pour que la photographie entre dans le circuit jusqu’alors exclusif des arts plastiques. En 1949, il a inauguré une exposition individuelle pionnière au Musée d’Art Moderne de São Paulo et a participé à une exposition collective au MoMA de New York qui a acquis quelques-uns de ses travaux. L’année suivante, il a aidé à installer et à animer le laboratoire de photographies du Musée d’Art de São Paulo. Contacts presse Miguel Magalhães m.magalhaes@gulbenkian-paris.org 01 53 85 93 76 Clémence Bossard c.bossard@gulbenkian-paris.org 01 53 85 93 81

Il est clair, ainsi, que ces nouvelles directions dans son travail se rapportaient surtout à une inquiétude humaine et esthétique qui conduisit peu à peu Farkas à réélaborer les leçons de son groupe initial dans un sens plus humaniste. L’apogée de cette nouvelle trajectoire 15


Preneur de paris pour la loterie des animaux (jogo do bicho), probablement dans le Nordeste, José Medeiros, Courtosie de l’Instituto Moreira Salles

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se trouve, sans aucun doute, dans les photographies qu’il a faites à Brasília, en particulier en avril 1960, lors de l’inauguration officielle de la ville. Ces photos représentent une synthèse nouvelle des divers éléments de sa formation et annoncent son passage graduel au cinéma documentaire au début de la nouvelle décennie. Il suffit de penser à l’économie graphique de nombreuses photographies que Gautherot a réalisées dans la ville pour voir de quelle manière Brasília invitait à une sorte de jeu abstrait. Gautherot tempérait cet effet ou cette virtualité par un fort sens de travail documentaire, de documentation architectonique. On pourrait attendre de Farkas qu’il se livre, de par ses origines philo-abstractionnistes, à un exercice semblable à celui de ses débuts, potentialisé par le caractère planifié de la nouvelle ville. Il a bien réalisé des photos de cette nature, mais ce qui a plus fortement captivé son regard à Brasília ce n’est pas l’architecture monumentale, mais la figure humaine, surtout celle des anonymes et des travailleurs, à laquelle cependant il ne parvient pas sans un grand travail formel. La façon de procéder de Farkas est fascinante. Pratiquant une sorte de street photography là où il y avait encore peu de rues, il obtenait des négatifs qui concédaient encore une large place aux dimensions monumentales de la ville et du ciel du Planalto Central. Puis, travaillant avec un stylo sur les épreuves, il procédait à d’innombrables découpages et à de nouveaux cadrages, souvent radicaux, rejetant de grandes surfaces de la photo pour obtenir des images fortement horizontales, concentrées sur le premier plan et sur les figures humaines. Le format fait penser à des panoramas – mais à des panoramas piétons, au niveau de la rue, qui invitent le regard du spectateur à parcourir l’image plus qu’à la fixer. Nous sommes ici dans une sorte de limite entre la photographie et le cinéma ; et nous sommes aussi à un point maximum d’approche – humaine, éthique et même politique – entre le photographe et ses sujets. Oblitérant pratiquement les monuments architectoniques, Farkas laissait en suspens le discours officiel sur la ville et s’intéressait aux traits, aux gestes, aux regards, à la façon dont les hommes et les femmes s’appropriaient l’espace, plus qu’aux configurations de celui-ci. Il produisait ainsi une vision unique des premiers instants de Brasília – et en même temps, il préparait le prochain épisode de sa vie créative –, consacrée surtout au film documentaire.

Mécanismes, organismes : Hans Gunter Flieg Ni synthèse moderniste, ni photojournalisme, ni avant-garde : un quatrième sens de modernité entre en scène avec Hans Gunter Flieg, photographe professionnel. Juif allemand né à Chemnitz en 1923 et immigré au Brésil en 1939. Flieg travailla durement pour surmonter la rupture que l’exil a impliquée. Il arriva au Brésil avec quelque formation technique, acquise auprès de Grete Karplus, à Berlin, mais déjà aussi empreint d’un éthos professionnel qui trouvait un écho à São Paulo, nouvelle capitale industrielle du pays. Il apportait aussi dans ses bagages une certaine dose de familiarité avec quelques aspects de la photographie contemporaine allemande, du Bauhaus à la Neue Sachlichkeit, ce qui se remarque immédiatement dans ses photos, et qui est arrivé au bon moment, quand Flieg a commencé à se spécialiser dans la photographie industrielle.

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La modernité de Flieg est éminemment technique et métallique, c’est l’affirmation de l’industrie humaine face à la nature. Cette notion, évidemment, ne lui était pas exclusivement propre : la carrière de Flieg coïncide, au Brésil de cette époque, avec l’ascension sociale de toute une couche de cadres techniques et de leaders industriels, nombreux aussi d’origine étrangère. Pour s’affirmer dans ce milieu, Flieg créa un studio photographique, bâtit une image d’excellence professionnelle et, non moins important, il renonça – ou prétendit renoncer – à toute référence d’auteur dans son travail. Ces bases posées, Flieg passa trois décennies au service de ses clients : industries moyennes, grandes multinationales comme Pirelli, Brown Boverí, Mercedes-Benz ou 17


Palais du Congrès national en construction, Brasilia, c. 1958, Marcel Gautherot, Courtosie de l’Instituto Moreira Salles

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Willys-Overland ; grands projets d’ingénierie, en particulier pour les différentes centrales hydroélectriques, etc. Souvent la commande avait des buts publicitaires ou commerciaux, et Flieg composait des photos de produits finis ou de matières premières, postérieurement inclues dans des publicités ou des catalogues. D’autres fois, la commande était plus institutionnelle, destinée à des rapports ou à des brochures, et Flieg remettait le travail au client sous forme de petits albums qu’il éditait et produisait lui-même. Comme on pouvait s’y attendre, ce sont des photos de grande qualité technique, très bien composées, exposées et développées. Mais elles sont bien plus que cela, et peuvent être vues sous différents angles. La préoccupation d’une composition soignée, par exemple, amenait le photographe à dépasser, de temps à autre, le registre factuel et à mettre alors en scène une modernité qui n’était pas toujours déjà pleinement présente, comme le remarque Lorenzo Mammì à propos du travail de Flieg pour l’usine WillysOverland qui fabriquait des jeeps à São Bernardo do Campo. Il en est de même pour une bonne partie des photos produites pour des clients industriels comme Brown Boveri ou Pirelli : les angles de capture d’image et les lignes de composition, plus que de fixer simplement des installations physiques, produisaient en fait un imaginaire industriel plein de réminiscences photographiques et cinématographiques. D’autres fois, le soin technique semblait s’allier à des souvenirs de la Neue Sachlichkeit ou à des allusions à Die Welt ist schön (1928) d’Albert Renger-Patzsch, pour mener Flieg audelà de la photographie utilitaire. En captant les outils Heinz ou la fibre de verre Vidrosa à des fins publicitaires par exemple, le photographe aborde ces objets de telle façon qu’ils cessent de figurer comme des échantillons de marchandises produits en série. Flottant dans un espace indéfini, sous une lumière artificielle qui les extrait davantage de leur contexte, ils se présentent comme pure forme plastique, dépouillée de finalité apparente et qui ne réapparaît que lorsque l’image retrouve un contexte comme partie d’une annonce commerciale ou d’un autre matériel de divulgation. Dans cet état de pure plasticité, les objets de Flieg sont, en même temps, parfaitement visibles et énigmatiques, évidents et insolites (au sens psychanalytique de unheimlich). Une mèche de fibre de verre peut paraître une mèche de cheveux coupés, ou encore une oeuvre d’art semblable à l’Unidade tripartida, sculpture de Max Bill photographiée par Flieg en 1951, à l’occasion de la 1re Biennale Internationale de São Paulo. Par sa pratique de la photographie selon des normes très strictes, Flieg a dépassé un métier qu’il concevait lui-même davantage comme une profession que comme un art. Soumises à des circonstances pragmatiques bien définies, ses photographies fonctionnent en fait sur un double registre – documentaire et imaginaire –, dans la mesure même où les objets émettent des significations étrangères au contexte d’origine. Ce qui est métallique et mécanique gagne des connotations organiques, parfois érotiques, et ainsi le catalogue de produits de Flieg commence à se peupler d’étranges créatures. Les machines semblent se multiplier comme en rêve, les tours et les réacteurs gagnent un air vaguement phallique, les tuyauteries ressemblent davantage à des veines ou à des entrailles, les turbines électriques s’enroulent telles de gigantesques vers, les pièces en verre s’ouvrent comme des fleurs de Blossfeldt – tout cela seulement à un doigt du registre documentaire, que Flieg n’a jamais négligé. De la même façon et par la même voie, une sorte d’érotisme élémentaire s’insinue dans cet univers de formes basiques, parfois aiguës, parfois protubérantes, qui tantôt se détachent, tantôt s’emboîtent, dans un va-et-vient entre le concave et le convexe. C’est le cas des belles images réalisées dans une raffinerie à Cubatão, ou sur le stand promotionnel de la fabrique de chaussures Clark, à São Paulo ; mais c’est surtout le cas de l’extraordinaire photographie d’une presse à pneus dans une installation de l’usine Pirelli : la brillance du métal, capté à la perfection, paraît s’incorporer parfaitement aux formes de la « gueule » ouverte, confondant les limites de ce qui est mécanique et de ce qui est organique. Contacts presse Miguel Magalhães m.magalhaes@gulbenkian-paris.org 01 53 85 93 76 Clémence Bossard c.bossard@gulbenkian-paris.org 01 53 85 93 81

Flieg a voulu et est parvenu à être un professionnel de la photographie aussi parfait que possible, même aux dépens de ses ambitions artistiques. Tout au long de plus de trois décennies, il accumula un dossier de photos qui documentent comme peu d’autres le 19


processus de modernisation industrielle du Brésil et, tout particulièrement de São Paulo. En même temps, il donna forme à un univers visuel et imaginaire qui porte la marque d’un regard et d’une personnalité très puissants. Expulsées par la porte avant, la subjectivité et la nature organique revinrent par la porte arrière et s’installèrent au coeur de ce monde artificiel, le dotant d’une énigmatique vie intérieure, d’une beauté qui ne se laisse pas localiser tout à fait, et parcourant une gamme finalement très riche, qui va du beau à l’insolite, du géométrique à l’ambigu.

Changement de cap Gautherot, Medeiros, Farkas et Flieg produisirent l’essentiel de leur oeuvre photographique entre le début des années 1940 et la moitié ou la fin des années 1960. Medeiros et Farkas reportèrent le meilleur de leurs énergies de la photographie vers le cinéma. Gautherot poursuivit ses thèmes de prédilection, en particulier le travail de documentation de Brasília, photographiant spécialement la cathédrale et le ministère des Affaires Etrangères, projets de Niemeyer dont les travaux ne se terminèrent qu’en 1970. Et Flieg continua en activité plusieurs années, répertoriant de grands projets d’ingénierie et d’architecture urbaine à São Paulo. Mais, d’une façon ou d’une autre, à un degré plus ou moins important, la décennie de 1960 a constitué un seuil important pour l’oeuvre de chacun d’entre eux. Le coup d’État de 1964 a été le point central de ces années, que ce soit par son impact dans la vie publique comme dans l’accélération des transformations déjà en cours. Pour Medeiros, par exemple, la transition commença bien avant, avec la décadence et la vulgarisation progressives d’O Cruzeiro, à la fin de la décennie antérieure et avec l’apparition d’une alternative, incarnée dans l’ascension du cinema novo ; en même temps, le photojournalisme allait prendre une direction fortement politique pendant les 20 années de militarisme – une direction pas toujours proche du regard que Medeiros avait mûri pendant ses nombreuses années passées au service de la revue. Les nouvelles directions de Medeiros furent certainement importantes pour Farkas – qui, entre-temps, comme on l’a vu, avait déjà commencé à explorer une veine plus cinématographique et engagée dans le cadre de ses photographies de la fin des années 50. Dans le cas de Gautherot, le revirement politique touchait les bases mêmes de ce qui avait été le programme d’une synthèse moderne et progressiste : une fois au pouvoir, les militaires mirent en marche un projet de modernisation conservatrice. Pour cela même, la croissance industrielle devenait une question de propagande politique, parcourant des chemins étrangers au langage épuré que Flieg avait développé avec tant de soin. Coup d’État militaire, tournant conservateur, censure de la presse – mais aussi entrée en scène de la contreculture, de la transformation profonde des médias, de l’émergence de la photographie en couleurs... Au tournant de la décennie de 1970, un changement de cap de longue portée est apparu, apportant avec lui de nouveaux acteurs et de nouveaux regards, de nouveaux dilemmes et de nouvelles ambitions, changement en un sens parfois complètement opposé à celui des photographes de la génération antérieure. Un nouveau chapitre de l’histoire de la photographie brésilienne commençait alors à prendre forme.

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Tuiles, São Paulo, 1945, homaz Farkas, Courtosie de l’Instituto Moreira Salles

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Biographies des photographes José Medeiros Né en 1921, José Araújo de Medeiros eut ses premiers contacts avec la photographie pendant son enfance, à Teresina (PI), sa ville natale. Plus tard, à 12 ans à peine, il apprit avec son père, photographe amateur, les techniques de développement en laboratoire. En s’installant à Rio de Janeiro, en 1939, il choisit d’être photographe et commença à collaborer dans les revues Tabu et Rio. En 1946, il fut engagé par la revue O Cruzeiro, la plus importante du pays à l’époque, et dont le département de photographie, dirigé par le Français Jean Manzon, révolutionnait le traitement donné à l’image dans la presse nationale et fondait le photojournalisme brésilien. Le travail dans O Cruzeiro l’amena, pendant 15 ans, à parcourir tout le pays et à voyager en Amérique, en Europe et en Afrique. Le Rio de Janeiro des années 1940 et 1950, avant le transfert de la capitale à Brasília, était un des grands thèmes du photoreporter, qui montra un style de vie propre à la haute société de Rio, représenté en particulier par des fêtes élégantes et par une vie glamour qui se passait surtout à Copacabana. Medeiros fit connaître aussi les coulisses de la politique et de la culture nationales, en photographiant des artistes, des musiciens et des écrivains à succès. Ses travaux les plus marquants pour la revue O Cruzeiro, sont cependant dus à ses voyages à travers le pays, comme celui qu’il réalisa sur le terrain de candomblé à Salvador, en 1951, lors d’un rituel secret d’initiation des filhas de santo. Ce travail fut d’ailleurs publié à nouveau six ans plus tard, en version augmentée, dans le livre Candomblé, réédité en 2011 par l’Instituto Moreira Salles. D’autres travaux importants faits par Medeiros furent réalisés chez les tribus indigènes du Mato Grosso et du Pará, entre 1949 et 1957. Il fit aussi la couverture – avec une attention spéciale portée à ce qui se passait dans les gradins – de la traumatique défaite de la sélection brésilienne à la finale de la Coupe du monde de 1950, au Maracanã. Parmi les reportages réalisés, il y a encore des images de scènes de rue, de fêtards du carnaval de Rio, d’internées dans un hôpital psychiatrique et des portraits de célébrités et d’anonymes. Il fonda en 1962 l’agence Image, en association avec Flávio Damm et Yedo Mandonça, après avoir quitté la revue. À partir de 1965, il se consacra au cinéma, signant la direction de la photographie d’oeuvres classiques, comme A falecida [La morte] (1965) de Leon Hirszman, Xica da Silva (1976) de Cacá Diegues et Memórias do cárcere [Mémoires de prison] (1984) de Nelson Pereira dos Santos. Selon Glauber Rocha, il était « le seul qui savait donner une lumière brésilienne ». Medeiros lui-même, dirigea un long métrage en 1980, Parceiros da aventura. Sa liaison avec le cinéma se dédoubla dans les cours qu’il donna pendant deux ans, à la fin de sa vie, à l’Escuela Internacional de Cine y Televisión de Santo Antonio de los Baños, à la Havane, à Cuba. José Medeiros est mort à Áquila, en Italie, en 1990. Son fonds, qui contient plus de vingt mille négatifs, a été acquis par l’Instituto Moreira Salles en août 2005. Contacts presse Miguel Magalhães m.magalhaes@gulbenkian-paris.org 01 53 85 93 76 Clémence Bossard c.bossard@gulbenkian-paris.org 01 53 85 93 81

Photographie : José Medeiros

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Stand de Mercedes-Benz à l’exposition internationale d’industrie et de commerce de São Cristóvão (projet d’Henri Maluf), Rio de Janeiro, 1960, Hans Gunter Flieg, Courtosie de l’Instituto Moreira Salles

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Biographies des photographes Marcel Gautherot Marcel André Félix Gautherot est né à Paris, le 14 juillet 1910. En 1925, il fut admis pour suivre le cours d’architecture et de décoration de l’École Nationale des Arts Décoratifs où il étudia jusqu’en 1931. Dans ces années de formation, il fut marqué par l’ascension de l’architecture moderniste de Le Corbusier, en France, et du Bauhaus, en Allemagne – du premier, d’ailleurs, avec quelques collègues de cours, il reçut des prix lors d’un concours organisé par la fabrique de meubles Thonet-Mundus. Peu à peu, cependant, Gautherot abandonna les études d’architecture et se rapprocha de la photographie. C’est en particulier dans le domaine photographique qu’il exerça ses fonctions au Musée de l’Homme à Paris, pour lequel il commença à travailler en 1936 : responsable de la tenue des collections ethnographiques du musée, il fut envoyé au Mexique pour photographier des monuments de la culture précolombienne. Son désir de voyager de par le monde commençait ainsi à se réaliser. En 1938, après avoir lu le roman Jubiabá [Bahia de tous les saints], de Jorge Amado, il projeta de voyager au Brésil. Il débarqua à Recife en mai 1939, dans l’intention de remonter tout le cours de l’Amazone – projet immédiatement frustré par sa mobilisation par l’armée française. Avec le triomphe allemand et l’occupation de la France, Gautherot décida de retourner au Brésil, cette-fois-ci à Rio de Janeiro, pour tenter sa chance comme photographe. Dans celle qui était alors la capitale du Brésil, il commença à collaborer avec le Service du Patrimoine Historique et Artistique National (Sphan), et voyagea à travers tout le Brésil pour réaliser des séries photographiques de documentation, en particulier à Ouro Preto et Congonhas do Campo, lieux où se trouve l’oeuvre de l’Aleijadinho. À travers le Sphan, il rencontra le groupe d’architectes modernistes de Rio de Janeiro, parmi eux Oscar Niemeyer et Roberto Burle Marx. À la fin des années 1950, il fut invité par le premier à couvrir la construction de Brasília. Ces cinq annnées ont certainement constitué l’apogée de sa carrière comme photographe d’architecture. À la même époque, il commença à s’intéresser à la culture populaire brésilienne. Il consacra des efforts considérables à photographier des fêtes populaires, en particulier celles du Nordeste, collaborant fréquemment avec la Campagne de Défense du Folklore National d’Édison Carneiro. Dans les années 1960 et 1970, il se mit encore à photographier les travaux de Burle Marx, qu’il accompagna dans des expéditions botaniques et dans le bureau d’architecture duquel il installa, en 1965, son laboratoire photographique, qu’il garda jusqu’à la fin de sa vie. En 1961, il se maria avec Janine Monique Mille, avec qui il eut un seul enfant, Olivier. Marcel Gautherot mourut à Rio de Janeiro le 8 octobre 1996. Son fonds a été déposé à l’Institut Moreira Salles en 1999, et comprend près de vingt cinq mille images. Contacts presse Miguel Magalhães m.magalhaes@gulbenkian-paris.org 01 53 85 93 76 Clémence Bossard c.bossard@gulbenkian-paris.org 01 53 85 93 81

Photographie : Marcel Gautherot (par Pierre Verger)

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Biographies des photographes Thomas Farkas Né à Budapest, en Hongrie, en 1924, Thomaz Farkas est arrivé au Brésil à six ans. Son père, continuant un commerce dans lequel la famille s’était spécialisée dans son pays d’origine, ouvrit à São Paulo, la première boutique Fotoptica, où le petit Thomaz apprit à photographier en jouant. En 1932, à huit ans à peine, Farkas reçut de son père son premier appareil photo avec lequel il réalisa, les dix années suivantes, des images intuitives et exploratrices qui montraient la famille, les animaux domestiques, le groupe d’amis à bicyclette, le Zeppelin qui passait au-dessus de la ville et la construction du stade du Pacaembu, dans les environs de son lieu de résidence. Dans les années 1960, après la mort de son père, Farkas prit la direction de Fotoptica, restant à la tête des affaires jusqu’en 1997. À 18 ans, il intègra le Foto Cine Clube Bandeirante (FCCB), le centre de débats le plus avancé de la ville sur la photographie. Quelques-uns des éléments esthétiques visés par le FCCB peuvent être remarqués dans les photos que Farkas a faites de São Paulo dans les années 1940, une ville alors en processus accéléré de modernisation, qu’il abordait dans le but de découvrir des cadrages nouveaux et inusités, annonçant, dans son abstractionnisme géométrique, l’art constructiviste de la décennie suivante. En même temps, il explorait des images surréalistes, en particulier conjointement avec des collègues de l’École Polytechnique de l’Université de São Paulo (USP), où il fit ses études d’ingénieur. Peu à peu, influencé par le photographe et ami José Medeiros, les intérêts de Farkas se sont amplifiés, et il commença à se tourner, aussi, vers une approche plus liée au photojournalisme et à la photographie documentaire. Pour exemple, les séries d’images sur Rio de Janeiro qui englobent le portrait et la vie des habitants des quartiers populaires et des secteurs du centre historique de celle qui était alors capitale fédérale. Farkas prit la nationalité brésilienne en 1949. À cette époque, il était déjà membre de la Commission de la Photographie du Musée d’Art de São Paulo (Masp) – plus tard, son activité institutionnelle s’étendra aux postes de membre fondateur du Musée d’Art Moderne de São Paulo, en 1963 et de conseiller de la Biennale de São Paulo en 1987. Dans les années 1960 et 1970, Farkas allait se consacrer davantage au cinéma. Il produisit divers films, prenant part dans nombre d’entre eux comme directeur de la photographie, et il finit par diriger lui-même ses films. En 1969, il enseigna la photographie dans les départements de cinéma et de journalisme de l’École de Communications et Arts de l’Université de São Paulo (ECA-USP). Thomaz Farkas est mort en mars 2011, à 86 ans. Son oeuvre photographique, composée de plus de trente-quatre mille images, est sous la garde et la préservation de l’Institut Moreira Salles, par un accord de prêt à usage signé avec le photographe lui-même. Contacts presse Miguel Magalhães m.magalhaes@gulbenkian-paris.org 01 53 85 93 76 Clémence Bossard c.bossard@gulbenkian-paris.org 01 53 85 93 81

Photographie : Thomaz Farkas (autoportrait)

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Biographies des photographes Hans Gunter Flieg Né en 1923, l’Allemand Hans Gunter Flieg était âgé de 16 ans quand la montée de l’antisémitisme suscitée par le régime nazi amena sa famille à émigrer à São Paulo. Le jeune Flieg, qui s’intéressait déjà à la photographie, arriva au Brésil apportant dans ses bagages deux appareils photographiques, un Leica et un Linhof, et les connaissances acquises lors d’un cours de techniques de laboratoire auprès de Grete Karplus, au Musée Juif de Berlin. À São Paulo, il trouva aussitôt du travail dans le domaine de la photographie, au début dans une entreprise de lithographie et, ensuite, comme photographe d’une entreprise graphique. Flieg ouvrit son propre studio en 1945, où il débuta dans ce qui allait devenir sa principale facette professionnelle : les travaux commissionnés pour de grandes entreprises, réalisés durant quatre décennies. Parmi eux, le calendrier photographique de la firme Pirelli, signé dans son intégralité par le photographe, en 1948 ; les photos de la chaîne de production de l’atelier de montage Willys-Overland, en 1954 ; et les images réalisées pour la fabrique de chaussures Clark, en 1953. Marquant la carrière de Flieg, le travail autour des photographies industrielles était stimulé par le contexte de la région de São Paulo au milieu du xxe siècle, quand le brusque développement industriel et urbanistique transforma la ville et ses alentours. Parallèlement à son travail dans les entreprises, il aborda aussi d’autres thèmes : il fut le photographe officiel de la première Biennale Internationale d’Art, au Musée d’Art Moderne de São Paulo (MAM-SP), en 1951 ; il répertoria le patrimoine historique et de culture populaire, en particulier pour l’Unicef, en 1971 ; il photographia les constructions du Musée d’Art de São Paulo (Masp), du gymnase d’Ibirapuera et des centrales hydroélectriques de Jupiá et d’Ilha Solteira. Cependant, ses travaux photographiques ont, pour la plupart, un point en commun : ce sont des commandes de clients, d’entreprises de publicité, d’industries ou d’institutions publiques. En 1965, Flieg obtint la citoyenneté brésilienne. Il vit actuellement à São Paulo. En juillet 2006, l’Institut Moreira Salles a acquis auprès du photographe lui-même son oeuvre, composée de près de trente-cinq mille négatifs en noir et blanc. Photographie : Hans Gunter Flieg (par Otto Svoboda)

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Visuels disponibles pour la presse La reproduction de ces images est permise dans le cadre de l’illustration d’articles concernant l’exposition Modernités. Photographie brésilienne (1940-1964). Tout recadrage ou modification de l’image est interdit. Pour obtenir ces visuels en haute définition, merci de contacter Miguel Magalhães ou Clémence Bossard.

José Medeiros Homme assis dans un café, probablement dans le Nordeste, sans date Tirage contemporain gélatino-argentique

José Medeiros Femme à vélo traversant les rails du tramway, Rio de Janeiro, 1942. Tirage contemporain, impression numérique

José Medeiros Carnaval dans la boîte Au Bon Gourmet, Rio de Janeiro, 1952. Tirage contemporain gélatino-argentique

José Medeiros Oscar Niemeyer, Vinicius de Moraes, son épouse Lila Bôscoli et Tom Jobim (au fond), dans les coulisses de la première représentation de Orfeu da Conceição , Rio de Janeiro, 1956. Tirage contemporain gélatino-argentique José Medeiros Novice pendant le rituel d’initiation des filles-desaint, Salvador, 1951. Tirage contemporain gélatino-argentique

Contacts presse Miguel Magalhães m.magalhaes@gulbenkian-paris.org 01 53 85 93 76 Clémence Bossard c.bossard@gulbenkian-paris.org 01 53 85 93 81

José Medeiros Novice peinte de points blancs qui font référence à Oxalá, dieu de la création, elle porte la plume rouge (ekodidé) du rituel d’initiation, Salavador 1951. Tirage contemporain gélatino-argentique 27


Marcel Gautherot Stade du Maracanã, Rio de Janeiro, vers 1967. Tirage contemporain gélatino-argentique

Marcel Gautherot Jangadeiro, Aquiraz Etat du Ceará, vers 1950. Tirage contemporain gélatino-argentique

Marcel Gautherot Palais du Congrès National en construction, Brasília vers 1958. Tirage contemporain gélatino-argentique

Marcel Gautherot Palais du Congrès National, Brasília vers 1960. Tirage contemporain gélatino-argentique

Marcel Gautherot Palais du Congrès National, Brasília vers 1960. Tirage contemporain gélatino-argentique

Thomaz Farkas Escalier monumental de la Galerie Prestes Maia, São Paulo, 1946 Tirage contemporain gélatino-argentique Thomaz Farkas Plage de Copacabana, Rio de Janeiro, 1947. Tirage contemporain gélatino-argentique

Thomaz Farkas Tuiles, São Paulo 1945. Tirage contemporain gélatino-argentique

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Thomaz Farkas Façade intérieure du bâtiment São Borja, Rio de Janeiro, vers 1945. Tirage contemporain gélatino-argentique

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Thomaz Farkas São Paulo, années 50 Tirage contemporain gélatino-argentique

Thomaz Farkas Chantier de construction, Brasília vers 1958. Tirage contemporain gélatino-argentique

Hans Gunter Flieg Construction de moteurs à l’usine Villares, São Caetano do Sul, São Paulo, années 60. Tirage contemporain, impression numérique. Hans Gunter Flieg Stand de Mercedes Benz lors de l’Exposition internationale d’industrie et de commerce de São Cristovão (projet de Henri Maluf), Rio de Janeiro, 1960. Tirage contemporain gélatino-argentique Hans Gunter Flieg Magasin Eletroradiobras (projet architectural de Majer Botkowski), São Paulo, vers 1956. Tirage contemporain, impression numérique.

Hans Gunter Fileg Industrie Electrique Brown Boveri S/A Osasco, São Paulo, vers1960. Tirage contemporain gélatino-argentique

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Catalogue de l’exposition Modernités. Photographie brésilienne (1940-1964) Textes de Artur Santos Silva, Samuel Titan Jr., Sergio Burgi, Helouise Costa, Lorenzo Mammì Editions Chandeigne, 2015 Langue : français

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La Fondation Calouste Gulbenkian La Fondation Calouste Gulbenkian est une institution portugaise privée, créée en 1956 par volonté testamentaire de son fondateur, financier d'origine arménienne et de nationalité britannique, mort en 1955 à Lisbonne, son lieu de résidence depuis 1942. Pionnier de l'industrie pétrolière, Calouste Sarkis Gulbenkian fut également un grand collectionneur d'art. Le Musée Gulbenkian, inauguré en 1969 à Lisbonne, accueille aujourd'hui l'intégralité de sa collection : antiquités égyptiennes, arts de l'islam, art oriental et occidental du Moyen Age au XIXe siècle, mobilier français des XVIIe et XVIIIe siècles, créations de René Lalique. La Fondation mène des activités diversifiées dans les domaines des arts, de l'éducation, de la science et de la philanthropie. Le CAM (Centre d'art moderne) héberge la plus importante collection d'art portugais du 20e siècle. La Fondation dispose également de l'Orchestre Gulbenkian et du Choeur Gulbenkian qui se produisent régulièrement au Portugal et à l'étranger. La Fondation organise aussi des cycles de conférences et des colloques internationaux. Elle dispose d'un Institut de biomédecine et attribue chaque année des bourses de recherche.

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La Délégation en France de la Fondation Calouste Gulbenkian Notre mission . Réfléchir sur les grands thèmes de la société contemporaine dans tous les domaines de la culture, l’économie sociale et le monde des fondations ainsi que participer à la diffusion de la langue portugaise. Nos objectifs . Contribuer aux grands débats autour de la société civile, l’économie sociale, les fondations, l’Europe et la culture en assurant un programme de conférences d’excellence. . Assurer un programme d’expositions internationales de qualité. . Soutenir la diffusion de la langue portugaise en France et dans le monde, en assurant l’importance des fonds de sa Bibliothèque et en proposant un programme de conférences et débats en rapport avec les littératures et les sciences humaines et sociales de langue portugaise, en partenariat avec les différents réseaux internationaux. La Fondation Calouste Gulbenkian à Paris a pour vocation d’offrir une programmation artistique internationale d’excellence. Elle produit à cet effet trois à quatre expositions par an ainsi que plusieurs projets artistiques, sous forme d’installations ou de performances. La Fondation Calouste Gulbenkian à Paris cherche, en collaboration avec des commissaires internationalement reconnus, à présenter des artistes (en début de carrière ou au parcours déjà bien établi) qui proposent des projets artistiques singuliers, indépendamment du support utilisé. Les artistes et leurs œuvres sont au centre de sa programmation ainsi que les questions relatives à la création contemporaine. De la même manière, une attention bien particulière est donnée aux regards extérieurs à la création contemporaine occidentale. Les expositions réalisées à la Fondation Calouste Gulbenkian à Paris sont produites, aussi souvent que possible, conjointement avec d’autres institutions culturelles qui partagent les mêmes objectifs et valeurs. Au-delà de ces coproductions, un autre vecteur de sa stratégie constitue en l’établissement de partenariats avec d’autres institutions (écoles, fondations, galeries, musées, centres de recherches, entre autres organisations). Une collaboration avec le siège de la Fondation Gulbenkian à Lisbonne et la Délégation à Londres a lieu régulièrement ; elle prolonge la qualité du travail réalisé dans ces deux villes et les synergies et complicités qui existent déjà entre les trois lieux. De même, la Délégation à Paris de la Fondation Calouste Gulbenkian prête une attention particulière à l’édition de publications qui accompagnent les expositions. Ces publications, au graphisme soigné, ont pour objectif d’illustrer l’exposition en question et les œuvres des artistes exposés et ajoutent un cadre théorique au projet en y invitant des spécialistes de renom.

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La Fondation Calouste Gulbenkian à Paris organise en outre des visites guidées avec les commissaires et avec une équipe de médiateurs culturels. Ces visites sont rigoureusement préparées et mettent en parallèle les contextes esthétique, artistique et biographique de chacun des projets présentés. En complément, elle organise, pendant la période d’exposition, un cycle de conférences où des spécialistes commentent les thèmes ou les artistes exposés à la Fondation. 32


Informations pratiques Modernités. Photographie brésilienne (1940-1964) Exposition ouverte du 6 mai au 26 juillet 2015 Fondation Calouste Gulbenkian - Délégation en France 39 bd de la Tour Maubourg 75007 Paris Lundi , mercredi, jeudi et vendredi de 9h à 18h Samedi et dimanche de 11h à 18h Exposition fermée les mardis Visites guidées gratuites sur demande et dans la limite d’un nombre minimum de 10 participants (Tél : 01 53 85 93 81) Tél : 01 53 85 93 93 www.gulbenkian-paris.org Facebook : Centre Calouste Gulbenkian Twitter : Gulbenkian Paris

Une co-production avec l’Instituto Moreira Salles

En partenariat avec

Partenaire média

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