Exposition Pissarro à Éragny au Musée du Luxembourg

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27/02/2017

dossier de presse Pissarro à Éragny La nature retrouvée 16 mars - 9 juillet 2017

Musée du Luxembourg 19 rue Vaugirard, 75006 Paris

communiqué

p. 3

press release

p. 5

chronologie

p. 7

plan de l’exposition

p. 10

textes des salles

p. 11

liste des œuvres exposées

p. 15

extraits du catalogue de l’exposition

p. 25

quelques notices d’œuvres

p. 29

catalogue de l’exposition

p. 33

film Camille Pissarro sur les traces du père des Impressionnistes

p. 34

programmation culturelle

p. 35

le Musée du Luxembourg

p. 38

informations pratiques

p. 39

visuels disponibles pour la presse

p. 40

partenaires

p. 44

Camille Pissarro, Le Pré à Éragny (détail), 1895, huile sur toile ; 54 x 65 cm, collection particulière, Photo Bill Dewey Pissarro à Eragny. La nature retrouvée

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communiqué Pissarro à Éragny La nature retrouvée 16 mars - 9 juillet 2017

Musée du Luxembourg 19 rue Vaugirard, 75006 Paris

Cette exposition est organisée par la Réunion des musées nationaux – Grand Palais.

Depuis la rétrospective de 1980-1981, il y a trente-cinq ans, dans les Galeries Nationales du Grand Palais, aucune grande exposition d’œuvres de Camille Pissarro n’a été organisée à Paris, alors que l’artiste impressionniste a été mis en vedette au Japon, en Allemagne, en Grande Bretagne et aux États-Unis. Cette période a vu la recherche progresser considérablement, avec notamment la publication des cinq volumes de la correspondance de Pissarro, l’inventaire de la grande collection de dessins de l’Ashmolean Museum d’Oxford et le monumental catalogue raisonné des tableaux, produit par l’Institut Wildenstein à Paris. L’année 2017 marque le grand retour de cet aîné du groupe Impressionniste sur la scène parisienne. Parallèlement à la rétrospective que lui consacre le musée Marmottan Monet, qui débute en février, la Réunion des musées nationaux-Grand Palais organise ainsi au musée du Luxembourg une exposition sur un sujet entièrement neuf, se concentrant sur les deux dernières décennies de la carrière du peintre. Installé dans le village d’ Éragny-sur-Epte, il y développe une forme d’utopie qui traverse aussi bien sa peinture que son engagement politique. Les deux grands spécialistes de l’artiste, Richard Brettell et Joachim Pissarro, sont réunis une nouvelle fois pour assurer le commissariat de cette ambitieuse exposition abordant la période la moins étudiée et la plus complexe de la carrière de Pissarro. Il s’agit de tableaux, dessins et gravures aussi spectaculaires que peu connus, créés à Éragny pendant une période de vingt années. L’artiste s’y installe au printemps de 1884, louant une belle maison de campagne dont il deviendra propriétaire en 1892 grâce à un prêt octroyé par Claude Monet, et où il restera toute sa vie. L’exposition inclut non seulement les émouvants paysages de cette pseudo-ferme, résolument rustique et productrice (à l’opposé de la luxuriance colorée de Giverny), que Pissarro a immortalisés au fil des saisons, mais également des tableaux représentant une multitude de personnages, conçus dans l’atelier et localisés dans les terrains champêtres d’Éragny. Une place importante sera réservée aux œuvres graphiques de Pissarro conçues durant la même période, aquarelles éblouissantes et gravures aussi radicales que celles d’un Gauguin. Pissarro invente aussi un mode de collaboration artistique et familial inédit, notamment dans sa collaboration avec son fils Lucien, qui culmine avec la création de la Eragny Press. Cette petite maison d’édition familiale initiée à Éragny poursuivra ses activités à Londres, rehaussant d’illustrations et de reliures d’art les grands textes favoris de la famille. Pissarro était passionné par l’idée du travail collectif, avec d’autres artistes, théoriciens et écrivains politiques, comme avec les membres de sa propre famille. L’esthétique des œuvres d’Éragny prend tout son sens si elle est analysée sous l’angle politique. On sait que Camille Pissarro était un fervent anarchiste et qu’il fut à ce titre inquiété, à tort naturellement, après Pissarro à Eragny.LeLajardin nature retrouvée Camille Pissarro, d’Eragny (détail), 1898, huile sur toile, 73,4 x 92,1 cm © National Gallery of Art, Washington, Ailsa Mellon Bruce Collection3


l’assassinat de Sadi-Carnot. L’exposition rassemble des témoignages de cet engagement, montrant en particulier son étonnant recueil intitulé Turpitudes sociales où il se fait l’héritier de Daumier, mais aussi les journaux anarchistes auxquels il a fourni des illustrations. Ces idées se traduisent aussi dans sa peinture. Tandis que Monet transforme son petit jardin potager de Giverny en un véritable Eden florissant, Pissarro, avec l’aide de sa pragmatique épouse Julie, entretient son terrain comme une exploitation agricole, produisant des animaux, fruits et légumes et même des céréales. La famille Pissarro a pu se nourrir des fruits de ses travaux agraires, mettant en pratique un modèle collectif. Pour eux, le paysage symbolisait à la fois la vie et la beauté, quelques parterres de fleurs poussant dans les sections du jardin les plus proches de la grande demeure. Il est saisissant de penser que le jardin de Monet et la ferme de Pissarro bordaient le même cours d’eau, la rivière Epte, parcourant le paysage d’Éragny jusqu’à Giverny avant de se jeter dans la Seine aux environs de Vernon. Les expositions consacrées à Camille Pissarro jusqu’à présent ont été centrées sur un thème, comme The Impressionist in the City : Pissarro’s Urban Series, dirigée par Joachim Pissarro et Richard Brettell en 1993, Cézanne and Pissarro 1865-1885 présentée au MoMA en 2005 et au musée d’Orsay en 2006, Pissarro’s People, organisée par Richard Brettell en 2011, ou plus récemment Pissarro dans les ports au MuMa Le Havre en 2013 (commissaires Annette Haudiquet et Claire Durand-Ruel Snollaerts). Le projet de Pissarro à Éragny développe une autre approche, centrée sur un aspect peu connu de la carrière, scrutant la méthode et les convictions de ce père de l’impressionnisme. De nombreuses œuvres seront montrées pour la première fois en France, ajoutant à l’originalité du point de vue le plaisir d’une totale découverte. En regard, 80 photographies présentées du 18 mars au 23 juillet 2017 sur les grilles du Jardin du Luxembourg témoigneront, d’une part, de l’intérêt patrimonial du jardin au travers de grands noms de la photographie et, d’autre part, de sa valeur artistique à travers l’objectif du photographe Jean-Baptiste Leroux, reconnu pour son travail sur les jardins labellisés « Jardin Remarquable ». A l’issue du concours « Jardins extraordinaires » lancé par la Rmn-Grand Palais sur la plateforme Wipplay à l’été 2016, trois lauréats verront également leurs photographies tirées en grand format sur les grilles.

....................................... commissariat : Richard Brettell, directeur de l’Edith O’Donnell Institute of Art History, The University of Texas, Dallas et Joachim Pissarro, Bershad professeur d’histoire de l’art et directeur des espaces artistiques du Hunter College, City University of New York scénographie : Etienne Lefrançois et Emmanuelle Garcia

....................................... ouverture : de 10h30 à 18h du lundi au jeudi, de 10h30 à 19h du vendredi au dimanche

publications aux éditions de la Réunion des musées nationaux - Grand Palais, Paris 2017 :

tarifs: 12 €, TR 8,5 € (16-25 ans, demandeurs d’emploi et famille nombreuse), Spécial Jeune : 8,5 € pour deux entrées (du lundi au vendredi à partir de 16h), gratuit pour les moins de 16 ans, bénéficiaires des minima sociaux

- catalogue de l’exposition, 25 x 22,5 cm, relié, 212 p., 185 ill., 35 €

accès : M° St Sulpice ou Mabillon Rer B Luxembourg Bus : 58 ; 84 ; 89 ; arrêt Musée du Luxembourg / Sénat

- album de l’exposition, 21 x 28 cm, broché, 48 p., 45 ill., 10 €

contact presse : Réunion des musées nationaux Grand Palais 254-256 rue de Bercy 75577 Paris cedex 12 Florence Le Moing florence.le-moing@rmngp.fr 01 40 13 47 62 Sandrine Mahaut sandrine.mahaut@rmngp.fr 01 40 13 48 51 @Presse_RmnGP

informations et réservations : museeduluxembourg.fr www.grandpalais.fr suivre l’exposition sur les réseaux sociaux : #ExpoPissarro

Pissarro à Eragny. La nature retrouvée

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press release Pissarro in Eragny Nature regained 16 March – 09 July 2017

Musée du Luxembourg 19 rue Vaugirard, 75006 Paris

This exhibition is organized by the Réunion des Musées Nationaux – Grand Palais.

The last major retrospective of the works of Camille Pissarro in Paris was held thirty-five years ago, with the 1980-81 retrospective at the Galeries Nationales du Grand Palais, while the impressionist has been celebrated in Japan, Germany, the United Kingdom and the United States. This period has seen considerable advances in research, particularly with the publication of five volumes of Pissarro’s correspondence, the inventory of the large collection of drawings at the Ashmolean Museum in Oxford and the monumental catalogue raisonné of his paintings produced by the Institut Wildenstein in Paris. 2017 will see the grand return of this elder of the Impressionist group on the Parisian scene. In parallel to the retrospective being held at the Musée Marmottan Monet, beginning in February, Réunion des musées nationaux-Grand Palais will be holding an exhibition on a brand new subject at the Musée du Luxembourg, concentrating on the final two decades of the artist’s life. Having settled in the village of Eragny-sur-Epte, he developed a kind of utopia that can be seen in both his painting and his political commitment. The two major specialists in the artist, Richard Brettell and Joachim Pissarro, have joined together once again to curate this ambitious exhibition that tackles the least studied and the most complex period of Pissarro’s career. It contains paintings, drawings and engravings that are as spectacular as they are unfamiliar, created in Eragny over a period of twenty years. The artist settled there in the spring of 1884, renting a beautiful country house that he took ownership of in 1892, with the help of a loan from Claude Monet, and where he would remain for the rest of his life. The exhibition includes not only moving landscapes of this pseudo farm, resolutely rustic and productive (as opposed to the colourful luxury of Giverny), which Pissarro immortalised through the seasons, but also paintings representing a multitude of personalities, painted in the studio and featuring the pastoral surroundings of Eragny. A major part of the exhibition will be focused on Pissarro’s graphical work from the same period, dazzling watercolours and engravings as radical as those of Gauguin. Pissarro also invented a new form of artistic and familial collaboration, particularly through his work with his son Lucien, culminating in the creation of the Eragny Press. This small family publisher was founded in Eragny and carried out its activities in London, enhancing the family’s favourite works of literature with illustrations and artistic bookbinding. Pissarro was fascinated by the idea of working collectively, with other artists, theorists and political writers, and with members of his own family. The aesthetics of the Eragny works take on their full meaning when analysed from a political angle. We know that Camille Pissarro was a fervent anarchist and that he was concerned, wrongly of course, in the wake of 5 Pissarro à Eragny.Le Lajardin nature retrouvée Camille Pissarro, d’Eragny (detail), 1898, oil on canvas, 73.4 x 92.1 cm © National Gallery of Art, Washington, Ailsa Mellon Bruce Collection


President Sadi-Carnot’s assassination. The exhibition gathers testimonies to his engagement, in particular through the astonishing collection entitled Social Turpitudes, painted in the style of Daumier, and the anarchist journals to which he contributed illustrations. These ideas were also conveyed through his painting. Whereas Monet transformed his small cottage garden in Giverny into a true floral Eden, Pissarro, with help from his pragmatic wife Julie, ran his property as a working farm, with livestock, fruit and vegetables and even cereal crops. The Pissarro family was able to feed itself from the fruits of their agrarian activity, using a collective model. For them, the landscape symbolised both life and beauty, with a few plots of flowers growing in the sections of the garden closest to the main residence. It is striking to think that Monet’s garden and Pissarro’s farm were on the banks of the same river, the Epte, that runs through the landscape of Eragny as far as Giverny, before it meets the Seine at Vernon. Exhibitions dedicated to Camille Pissarro until now have been based around a theme, such as The Impressionist in the City: Pissarro’s Urban Series, directed by Joachim Pissarro and Richard Brettell in 1993, Cézanne and Pissarro 1865-1885 presented at MoMA in 2005 and the Musée d’Orsay in 2006, Pissarro’s People, organised by Richard Brettell in 2011, or more recently, Pissarro dans les ports at MuMa Le Havre in 2013 (curated by Annette Haudiquet and Claire Durand-Ruel Snollaerts). The Pissarro in Eragny project takes another approach, focusing on a little known aspect of his career, examining the methods and convictions of this godfather of impressionism. Many works are being shown for the first time in France, adding the pleasure of new discovery to the initial appeal. 80 photographs on display from 18 March to 23 July 2017 on the gates of the Jardin du Luxembourg demonstrate both the heritage interest of gardens seen through the lens of famous photographers, and their artistic value as seen by photographer Jean-Baptiste Leroux, known for his work on “Jardin Remarquable” accredited gardens. Following the “Jardins Extraordinaires” competition held by the Rmn-Grand Palais on the Wipplay platform in 2016, three winners will also see their photographs enlarged and displayed on the gates.

....................................... curators: Richard Brettell, Founding Director, The Edith O’Donnell Institute of Art History, The University of Texas, Dallas and Joachim Pissarro, Bershad Professor of Art History, and Director of the Hunter College Art Galleries, The City University of New York set design: Etienne Lefrançois and Emmanuelle Garcia

....................................... opening: from 10.30am to 6pm from Monday to Thursday, from 10.30am to 7pm from Friday to Sunday, late opening on Fridays to 10pm. prices: €12, concessions €8.50 (16-25 years, jobseekers and large families), Special Youth rate: €8.50 for two admissions (from Monday to Friday after 04:00pm), free for under-16s, benefit recipients access: Métro: St Sulpice or Mabillon RER B Luxembourg Bus: 58; 84; 89; stop at Musée du Luxembourg / Sénat

published by Réunion des Nationaux – Grand Palais, 2017:

Musées

- exhibition catalogue, 25 x 22,5 cm, bound, 212 pp., 185 ill., €35 - exhibition album, 21 x 28 cm, bound, 48 pp., 45 ill., €10

press contact: Réunion des musées nationaux – Grand Palais 254-256 rue de Bercy 75577 Paris cedex 12 Florence Le Moing florence.le-moing@rmngp.fr +33 (0)1 40 13 47 62 Sandrine Mahaut sandrine.mahaut@rmngp.fr +33 (0)1 40 13 48 51 @Presse_RmnGP

information and reservations: museeduluxembourg.fr www.grandpalais.fr follow the exhibition on social networks: #ExpoPissarro

Pissarro à Eragny. La nature retrouvée

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chronologie (extraits du catalogue) 1884 Le 1er mars, après avoir visité plusieurs villes au cours des derniers mois, Camille Pissarro annonce à son fils Lucien qu’il s’installe à Éragny-sur-Epte. L’artiste se met aussitôt au travail et peint les prairies entourant sa propriété. Ses premières œuvres d’Éragny seront réalisées durant le printemps et l’été. Le 22 août naît le dernier enfant de Pissarro, Paul-Émile (dit Paulémile). Il est le cinquième fils de l’artiste et le seul né à Éragny. Claude Monet sera son parrain. 1885 En octobre et novembre, Pissarro envoie de nouvelles toiles à Durand-Ruel. Le 30 novembre, ce dernier lui en achète deux (La Maison Delafolie à Éragny, soleil couchant, PDR 800, et Meules à Éragny avec paysanne, PDR 810). 1886 Les préparations pour la huitième et dernière exposition impressionniste s’achèvent au cours de l’hiver. Durant cette période Pissarro connaît des difficultés financières. 1887 Les lettres que l’artiste écrit à partir de 1887 témoignent du renoncement à l’esthétique impressionniste de plusieurs des membres originaux du groupe fondé en 1874 incluant Monet. L’année 1886 marque non seulement la dissolution du groupe mais explique pourquoi Pissarro se lie à la nouvelle génération de jeunes peintres comme Seurat, qui, inspiré par le style de ses prédécesseurs impressionnistes, avait créé une nouvelle technique : le néo-impressionnisme. Malgré l’aversion de Durand-Ruel pour la technique néoimpressionniste, Pissarro poursuit dans cette voie. Il envoie un tableau à Paris en janvier, Soleil couchant, automne, Éragny (PDR 831), qui est immédiatement acheté par Ernestine Seurat, la mère de l’artiste Georges Seurat. Pissarro rencontre pour la première fois Octave Mirbeau. En octobre, il se met en relation avec le marchand d’art Théodore Van Gogh afin d’améliorer ses ventes. 1888 Le 18 mars, la galerie Boussod & Valadon lui achète La Cueillette des pommes par l’intermédiaire de Théodore Van Gogh. 1889 En janvier, Pissarro présente des tableaux à l’Exposition des XX à Bruxelles. 1890 Du 25 février au 15 mars, Théodore Van Gogh organise une exposition des œuvres de Pissarro chez Boussod & Valadon. La galerie présente seize tableaux. Début avril, après avoir vendu quelques tableaux à Paris, Pissarro retourne à Éragny. En mai, l’artiste envisage de créer une école d’art à Éragny. Ses fils Lucien et Georges et se rendent chez lui en août pour peindre en sa compagnie et il leur exprime ses désirs quant à la fondation d’un mouvement esthétique. Lucien fait des dessins qui seront publiés dans un journal anarchiste, Le Père Peinard, fondé par Émile Pouget. 1891 Alors que la vision de Pissarro avait commencé à faiblir dès 1878, son infection oculaire atteint un seuil critique durant l’hiver. Il se rend à Paris le 7 janvier pour se faire soigner mais cela l’empêche de travailler en extérieur et même de terminer ses toiles. C’est à cette époque que l’artiste s’habitue à peindre presque exclusivement depuis l’intérieur, de derrière ses fenêtres. Le 1er février, Pissarro annonce à Lucien la mort de Théodore Van Gogh. Le 3 avril, Pissarro, qui avait déjà peint des meules en 1884 et 1885, fait part de son angoisse à Lucien au sujet de l’exposition de Monet, où son ami présente, entre le 4 et 16 mai 1891, une série de quinze tableaux dédiés au même sujet. En octobre, Pissarro fait don de deux œuvres à Mirbeau : un tableau (Gardeuse d’oies assise, PDR 918) et un dessin destiné à sa femme. Son bail prenant bientôt fin, Pissarro envisage de quitter Éragny afin d’être plus proche du milieu artistique. Le propriétaire de la maison, cependant, lui affirme qu’il y effectuera des travaux et le peintre décide d’y demeurer. Fin novembre, par l’entremise de Mirbeau, Pissarro envoie un tableau à Auguste Rodin. Ce dernier lui écrit une lettre émouvante le 29 dans laquelle il s’émerveille de la beauté saisissante du paysage représenté (Soleil couchant avec brume, Éragny, PDR 908). Le peintre lui vendra le tableau pour 500 francs en décembre. 1892 Du 23 janvier au 20 février, Pissarro expose cinquante tableaux chez Durand-Ruel. Il s’agit de sa première exposition indépendante depuis 1883. Lucien embellit le catalogue avec trois de ses propres gravures. Alors que Camille est à Londres auprès de Lucien, sa femme, Julie, se rend chez Monet et lui Pissarro à Eragny. La nature retrouvée

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demande un prêt de 15 000 francs pour acheter la maison à Éragny. Pissarro est offusqué par cette démarche. Monet accepte de leur accorder cette somme. Camille le remercie et lui offre un tableau en juin (Paysannes plantant des rames, PDR 922) pour finaliser la transaction. 1893 Paris, le 1er mai : Pissarro écrit à Mirbeau et lui exprime son chagrin d’être séparé de sa famille. Absent d’Éragny pendant de longues périodes, l’artiste éprouve de la nostalgie pour la campagne, car la liberté et l’anarchie que représente la nature lui manque lorsqu’il est en ville. Son dessin Les Débardeurs accompagne l’article d’André Veidaux « Philosophie de l’anarchie », qui paraît dans La Plume, V, n° 97 ce même jour. Durant l’été, la planification et la construction de l’atelier de Pissarro commencent à Éragny. 1894 Fin janvier, Pissarro écrit à Paul Signac qu’il renonce complètement à la technique néo-impressionniste qu’il avait adoptée en 1886, et ce après la critique de Mirbeau dans L’Écho de Paris le 23. Le 24 juin, le président Sadi Carnot est assassiné à Lyon par un anarchiste italien, Caserio (1873-15 août 1894). En raison de ses convictions anarchistes, Pissarro se réfugie à Bruxelles le 26 juin. Son dessin Le Semeur paraît sur le frontispice d’une édition des Temps nouveaux réalisée par Pierre Kropotkine pour une conférence anarchiste organisée à Londres le 5 mars 1893. La première édition des Travaux des champs est publiée à Londres par The Vale Press. Lucien fonde une maison d’édition, l’Eragny Press, à Epping dans l’Essex, une municipalité proche de Londres. Il surnomme sa maison « Eragny House », d’où l’Eragny Press publiera son premier livre, La Reine des poissons. À la mi-octobre, Pissarro retourne à Éragny. Il couvre Monet d’éloges pour sa série de cathédrales peintes à Rouen. 1895 Pissarro fait un sacrifice énorme et vend douze toiles à Durand-Ruel pour 10 000 francs. Il est également pressé de régler l’avance que lui a faite Monet, mais cela lui est impossible. Pissarro est à Paris en novembre pour assister à l’exposition de son ami Cézanne à la galerie d’Ambroise Vollard. C’est la première fois depuis 1877 que Cézanne expose des œuvres au public. Le 22 novembre, Pissarro écrit à Lucien ; il pense que son influence sur Cézanne a été négligée. « Ce qu’il y a de curieux, c’est, dans cette exposition de Cézanne chez Vollard, la parenté qu’il y a dans certains paysages d’Auvers, Pontoise avec les miens. Parbleu, nous étions toujours ensemble ! » 1896 Tout au long de ses travaux, Pissarro reste préoccupé par les cathédrales de Monet et y compare ses propres compositions afin de légitimer leurs différences. Le 27 mars, il écrit à Jean Grave, directeur du journal anarchiste Les Temps nouveaux, en vue d’un projet mettant en collaboration plusieurs artistes, notamment lui et son fils Lucien, Maximilien Luce, Théophile Steinlen et Félix Vallotton. Le 8 avril, Pissarro retourne à Éragny et se prépare pour sa rétrospective chez Durand-Ruel, qui commence le 15 du mois. Il expose trente-cinq tableaux incluant quelques vues récentes de Rouen. Pissarro se fait soigner l’œil dans la capitale. La lettre qu’il écrit à sa fille Jeanne le 4 juillet suggère que son infection s’est enflammée après qu’il a travaillé dans le pré à Éragny. 1897 Après son séjour à Rouen, Pissarro revient à Paris et peint six vues de la gare Saint-Lazare et de la place du Havre depuis la fenêtre de sa chambre d’hôtel. Durand-Ruel lui achètera ses toiles en mai. Le 7 mai, il envoie une note hâtive à son marchand l’informant de son départ immédiat pour Londres. Âgé de 34 ans, Lucien souffre d’une attaque d’apoplexie. Pissarro reste jusqu’à fin juillet avec son fils, pendant toute la période critique de son rétablissement. Pissarro profite de son séjour à Londres pour peindre quelques vues de Bedford Park et de Bath Road. La famille est frappée par une autre tragédie le 25 novembre : la mort de Félix Pissarro, âgé de 23 ans seulement. Voulant sûrement s’éloigner de la tristesse régnant à Éragny à la suite de ce deuil, Pissarro décide de s’installer à Paris pour peindre durant les mois d’hiver. 1898 En janvier, Pissarro s’installe à l’hôtel du Louvre à Paris et commence à peindre quelques toiles. Le décès de Félix et l’article de Mirbeau qui s’ensuivit poussent les deux amis à rétablir leurs liens. 1899 Début janvier, Pissarro s’installe au 204, rue de Rivoli. Selon la correspondance de Pissarro, son épouse emportait généralement des provisions d’Éragny lors de ses allers et retours de la campagne à la ville, afin de s’assurer que son mari était bien nourri. À la mi-juin, Pissarro retourne à Éragny et y reste jusqu’à fin août. L’Eragny Press publie Deux contes de ma mère l’Oye (La Belle au bois dormant et Le Petit Chaperon rouge) de Charles Perrault. Le 17 août, il écrit à son fils Georges en lui déclarant que son amour pour les jardins à Éragny s’est ravivé après avoir peint ceux de Paris durant l’hiver. De début septembre à la mi-octobre, le peintre s’installe à Varengeville. Le 11 octobre, il expédie huit tableaux à Durand-Ruel. Avec ses maisons nichées parmi les arbres presque nus, les compositions de Pissarro rappellent les motifs peints Pissarro à Eragny. La nature retrouvée

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à Éragny durant l’été. Enthousiasmé par son séjour à Varengeville, l’artiste continue ses travaux à Éragny. 1900 En octobre, Pissarro et Lucien travaillent sur les Travaux des champs, planifiant les catégories avec l’aide de l’abbé Benjamin Guinaudeau. Pissarro modèle plusieurs sujets d’après ses propres tableaux et fournit à Lucien tous les dessins nécessaires à leur projet de livre. Père et fils continueront leur révision des dessins jusqu’à la nouvelle année. 1901 Paris, le 14 janvier : Pissarro expose quarante-deux tableaux chez Durand-Ruel. Cette exposition lui vaut les éloges de son ami Émile Verhaeren dans le Mercure de France. Dans son article, Verhaeren insiste sur le fait que les vues d’Éragny sont les plus captivantes de toutes celles peintes par Pissarro. 1902 En vieillissant, Pissarro travaille de plus en plus pour assurer le bien-être financier de sa famille. Il peint vingt-six tableaux de derrière les fenêtres de son appartement de la place Dauphine, un nombre supérieur à celui de l’année précédente. Du 20 au 28 février, et conjointement avec Monet, Pissarro expose treize tableaux chez Bernheim-Jeune à Paris, dont deux que l’amateur avait achetés en avril et novembre 1901 (Statue d’Henri IV, début de printemps, PDR 1361, et La Foire autour de l’église Saint-Jacques, Dieppe, matin, soleil). Le 3 octobre, il fait part à Lucien du décès d’Émile Zola à la suite d’une intoxication au monoxyde de carbone due à la mauvaise ventilation de la cheminée de la demeure de l’écrivain. Ce type d’accident était commun à l’époque et un dessin de Pissarro, intitulé « L’Asphyxie », faisait d’ailleurs partie des Turpitudes sociales parues en 1889. À la mi-novembre, Pissarro retourne à Paris et s’installe au 28, place Dauphine. 1903 Du 13 novembre 1902 au 29 mai 1903, Pissarro peint vingt-sept tableaux. Ce séjour parisien constitue l’un des plus féconds de sa carrière. La situation financière de Pissarro empire en 1903. Début juillet, il prend une chambre à l’hôtel Continental au Havre d’où il peindra vingt-quatre tableaux. Après plusieurs années à Londres, l’idée de retourner à Éragny titille Lucien. Il écrit à son père début juillet et lui exprime son désir de peindre avec lui. Aucune des dernières toiles peintes par Pissarro au Havre ne sera exposée avant son décès. Il a seulement pu vendre ou faire don de six tableaux à des amateurs, à des amis ainsi qu’au musée local. Les dix-huit derniers seront légués aux membres de sa famille. Du Havre, le 24 septembre, Pissarro écrit une de ses dernières lettres à Julie. En dépit de tous ses ennuis, il voulait offrir un peu d’espoir à son épouse, et l’informe qu’un amateur sérieux s’intéresse à un tableau estimé à 4 000 francs. Julie conservera cette lettre jusqu’à sa mort, en 1926. Paris, fin septembre : l’artiste peint son dernier tableau dans sa chambre, place Dauphine. Georges le rejoint et, sous la tutelle de son père, fait une copie de son Autoportrait au chapeau (PDR 1528). Pissarro a ainsi pu réaliser, du moins en partie, son désir de peindre avec ses fils. Le 10 octobre, Pissarro, dont l’état de santé s’est beaucoup détérioré, sera emmené à l’hôtel Garnier, au 111, rue de SaintLazare, où il restera alité. Puis il sera transporté le 27 octobre dans un appartement qu’il avait acquis au 1, boulevard Morland. Lorsque Lucien rejoindra sa famille à Paris le 11 novembre, l’infection de son père s’était déjà propagée. Âgé de 73 ans, Pissarro meurt à Paris le 13 novembre. Il sera enterré au cimetière du PèreLachaise avec d’autres membres de sa famille, et y sera rejoint par son épouse, Julie, en 1926.

Pissarro à Eragny. La nature retrouvée

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plan de l’exposition scénographie : Etienne Lefrançois et Emmanuelle Garcia

Pissarro à Eragny. La nature retrouvée

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textes des salles

Pissarro à Éragny : la nature retrouvée En 1884, après de nombreuses années marquées par de constants déplacements, Camille Pissarro (18301903) se fixe dans le village d’Éragny-sur-Epte, dans le Vexin français, où il reste jusqu’à sa mort. Né à SaintThomas, dans les Antilles danoises, il s’est formé en grande partie en autodidacte et conservera toute sa vie une grande indépendance d’esprit. Arrivé en France en 1855, il devient bientôt un pilier de l’impressionnisme naissant, participant aux huit expositions du groupe entre 1874 et 1886. Pour l’artiste, la propriété d’Éragny représente l’opportunité d’une stabilité nouvelle, propice au labeur et à la vie de famille. Le lieu propose des motifs nouveaux que Pissarro ne se lasse pas de peindre : fermes, pairies, vergers... Ces motifs lui permettent de renouveler sa peinture, en s’essayant au néo-impressionnisme, mais aussi en explorant de nouvelles techniques telles que l’aquarelle. La vie que mène Pissarro avec sa famille à Éragny correspond aussi aux convictions anarchistes que le peintre s’est forgées : pour lui, autonomie et travail collectif vont de pair, sur le modèle des travaux des champs qu’il représente si souvent. La nature d’Éragny, modelée par l’effort de l’homme, procure à l’artiste la matière de nombreux sujets.

Éragny : le village de l’artiste (1884-1903) Au cours de l’hiver 1883-1884, Camille Pissarro est à la recherche d’un nouveau logement pour accueillir sa famille, alors que son épouse attend leur 8ème et dernier enfant, Paul-Émile. Le 1er mars 1884, après avoir visité plusieurs localités, il choisit Éragny-sur-Epte où il trouve une habitation au loyer raisonnable. La maison offre une vue dégagée sur les prairies qui séduit l’artiste et celui-ci se met au travail dès son arrivée. Élevés dans une grande liberté, les enfants de Pissarro imitent bientôt leur père, formant ce que l’artiste appellera dans une boutade « l’école d’Éragny ». À partir de 1887, pour faire face à des difficultés économiques importantes, l’artiste multiplie les allers-retours à Paris. Ses lettres expriment alors le regret d’être séparé de sa famille et de l’inspiration créatrice qu’il trouve dans son environnement à Éragny. Grâce à un prêt de son ami Claude Monet, Pissarro devient propriétaire, en 1892, de cette maison tant aimée. Il fut un travailleur infatigable et pacifique, un chercheur éternel du mieux, un large esprit ouvert à toutes les idées d’affranchissement, un homme d’exquise bonté, et je puis le dire, en dépit des difficultés qui accompagnèrent sa vie, un homme heureux… Il fut heureux, simplement, parce que les soixante-treize années qu’il vécut, il eut une noble et forte passion : le travail. Octave Mirbeau, Le Gil Blas, 1er octobre 1911

Des panoramas à profusion Lorsqu’il arrive à Éragny au début du printemps 1884, Pissarro s’éprend profondément des paysages qui l’entourent. L’enthousiasme qu’il exprime dans ses lettres à propos de son environnement ne le quittera plus jusqu’à sa mort. Pour un artiste en quête perpétuelle d’idées et de nouvelles manières d’aborder la peinture en plein air, les innombrables panoramas que lui offre Éragny sont un trésor précieux. Éternel observateur, il attend parfois des semaines pour trouver l’instant idéal en fonction de l’éclairage et des saisons. Je ne suis heureux que lorsque je suis à Éragny auprès de vous tous, tranquille et rêvant de l’œuvre. Camille à Lucien Pissarro, 23 janvier 1886

Pissarro à Eragny. La nature retrouvée

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L’anarchie et la nature Marqué par les combats qu’il a dû mener en tant qu’artiste, Pissarro est un fervent partisan de la cause anarchiste tout au long de sa carrière. Il se lie d’amitié avec de nombreuses personnalités telles qu’Élisée Reclus et Octave Mirbeau, grâce à qui il découvre la littérature anarchiste. En 1889, Pissarro entreprend un projet audacieux : la réalisation d’un album de vingt-huit illustrations anarchistes réalisées à la plume, intitulé Turpitudes sociales, qu’il fait circuler au sein de sa famille. Le 29 décembre de cette même année, l’artiste envoie l’album à ses nièces Esther et Alice Isaacson, à Londres, accompagné d’une longue lettre dans laquelle il souhaite sensibiliser leurs jeunes esprits à la misère et à l’oppression urbaine. Peu de temps après, Lucien et Georges, les fils de l’artiste, influencés par les images de l’album, commencent à proposer leurs propres illustrations à des journaux anarchistes. Année après année, Pissarro s’attache un peu plus encore, conformément à ces idées, à dépeindre les difficultés de la vie rurale.

Un renouveau artistique (1886) Les premières années à Éragny marquent une étape nouvelle dans la vie artistique de Pissarro. Peu après son arrivée, sa technique impressionniste connaît une évolution sans précédent. Les tableaux de cette période témoignent toujours d’une recherche sur les effets de lumière liés aux changements de temps. Cependant, ils sont marqués par un travail sur le contraste des couleurs complémentaires, annonçant le style néo-impressionniste que le peintre adoptera par la suite. L’année 1886 est marquée par la dissolution du groupe impressionniste. Pissarro et son fils aîné Lucien se rapprochent alors d’une nouvelle génération de peintres dont Seurat est le chef de file.

L’homme et la nature (1886-1890) Avant son installation à Éragny, Pissarro a déjà très largement représenté la vie à la campagne, notamment à Louveciennes, à Auvers ou à Pontoise. Après 1886, l’artiste continue à travailler à ce thème et élargit également sa pratique, s’essayant à la gouache, au pastel, à l’aquarelle ainsi qu’à l’eau-forte et à la gravure. Pissarro y trouve un véritable intérêt artistique. Ces techniques, plus rapides d’exécution, lui permettent une production nombreuse et plus facile à vendre que ses toiles néo impressionnistes, longues à réaliser et qui suscitent moins d’enthousiasme auprès des amateurs et de son marchand, Paul Durand-Ruel. Ses paysages de campagne reçoivent les éloges de plusieurs critiques d’art. J’ai fait monter sur papier libre toutes mes aquarelles, que je mets en séries dans des cartons (…) Georges trouve qu’elles sont beaucoup plus belles que ma peinture. Camille à Lucien Pissarro, 14 janvier 1891 Rappelle-toi que l’aquarelle est un bon moyen pour aider la mémoire, surtout dans les effets fugitifs ; l’aquarelle rend si bien l’impalpable, la puissance, la finesse. Camille à Lucien Pissarro, 13 mai 1891

Par-delà les frontières d’Éragny (1894-1914) En 1894, Lucien, le fils aîné de Camille Pissarro, fonde en Angleterre Eragny Press avec son épouse Esther. La petite maison d’édition publie alors son premier livre, La Reine des poissons (Queen of the Fishes). Le nom de l’entreprise basée à Epping, dans l’Essex, se veut un hommage au village familial du Vexin français. Au cours des vingt années de son existence, Eragny Press édite les textes de plusieurs auteurs, dont de nombreux Français, tels que François Villon, Charles Perrault ou encore Gustave Flaubert. Au-delà des textes classiques, la maison d’édition publie deux volumes de l’Ancien Testament. Pissarro suit de près l’élaboration des dessins de Lucien et corrige ses esquisses ; les illustrations des publications d’Eragny Press sont ainsi très inspirées des sujets de l’artiste, même après sa mort. Tes deux épreuves sont belles (…) je ne vois pas trop ce que tu pourrais reprocher à ces deux dessins qui ont l’essentiel, le caractère et l’originalité… ne crains rien, tu peux les imprimer. Camille à Lucien Pissarro, 22 avril 1901. [Il fait référence aux dessins pour Hérodias de Gustave Flaubert (1901)]. J’ai devant mes yeux la Reine des poissons, c’est un chef-d’œuvre, c’est rempli de style, de saveur et de valeurs justes… (…) reste donc dans ta manière grossière de la Reine des poissons, et tu feras ainsi ton art à toi. Camille à Lucien Pissarro, 8 novembre 1901. Pissarro à Eragny. La nature retrouvée

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Richesse du paysage (1887-1894) En art, la grande affaire est d’émouvoir, que ce soit par des touches rondes ou carrées, des virgules ou des glacis (…) M. Pissarro ne ressemble ni à M. Claude Monet, ni à M. Sisley. (…) Peu de paysagistes ont, comme lui, le sentiment juste, sain et superbe des choses agrestes. Il rend l’odeur, à la fois reposante et puissante de la terre. Octave Mirbeau, Le Gil Blas, 14 mai 1887 Pissarro ne se lasse pas de représenter les vues depuis la fenêtre de son atelier ou de la maison, multipliant les perspectives vers Bazincourt. L’artiste découvre dans chacune de ses séances de travail quelque chose de neuf : l’effet d’un soleil couchant, d’une gelée matinale ou d’une brume épaisse enrobant le paysage. Fervent néo-impressionniste à partir de 1886, il renonce à cette technique en 1894 non sans avoir tiré de cette période des enseignements qui lui permettent de revenir à sa pratique impressionniste initiale, de façon renouvelée. En 1895, il se considère plus que jamais le seul véritable impressionniste. M. Pissarro n’a rien abandonné de ses convictions de jadis. […] L’on pourrait dire de lui qu’il peint avec de la lumière. Tous ses tableaux témoignent également du sentiment qu’il a de la couleur et du véritable aspect des choses. Gustave Geffroy, Le Matin, 6 mars 1894

Les Travaux des champs (1894-1901) Dès la fin de 1886, Pissarro s’attèle à la conception d’un livre illustré sur le travail agricole. L’ambitieux projet des Travaux des champs passe par plusieurs étapes. En 1894, The Vale Press, à Londres, publie une première version de l’ouvrage. Dans les années qui suivent, Pissarro s’inspire de nouveaux thèmes pour ce projet et se met à dessiner des compositions plus élaborées. Une abondante correspondance témoigne de l’évolution de ses recherches et de ses inspirations au fil du temps. Avec Lucien, Pissarro échange lettres et esquisses définissant différentes catégories de travail rural. L’artiste n’a jamais réussi à terminer son ouvrage. Cependant, Lucien a utilisé la plupart des esquisses et des sujets de son père pour illustrer La Charrue d’érable d’Émile Moselly en 1912. [Pissarro] pense fermement que le peintre « est dans l’humanité » au même titre que le poète, l’agriculteur, le médecin, le forgeron, le chimiste, l’ouvrier qui perce, qui rabote, qui tourne le cuivre et trempe l’acier. Octave Mirbeau, L’Art dans les deux mondes, 10 janvier 1891 Partout, en ces diverses formes d’expression c’est la vie des champs que Camille Pissarro exprime, sans anecdotes sentimentales ou violentes… Plus qu’aucun autre, il aura été le peintre, vrai, du sol et de notre sol (…) de l’homme et de la bête, tels qu’ils vivent dans la nature (…) Octave Mirbeau, Le Gil Blas, 1er octobre 1911

Éragny : une source d’inspiration inépuisable (1894-1902) Tu penses bien que malgré que les affaires soient absolument mauvaises ici, il faut tout de même travailler. Je ne puis d’ailleurs rester sans piocher, c’est devenu une seconde nature. Camille à Lucien Pissarro, 8 mai 1903. Saison après saison et année après année à la tête d’une famille grandissante, Pissarro s’est toujours acharné au travail, développant et élargissant ses champs de recherches. Son environnement et les personnes qui l’entourent lui apportent une multitude d’inspirations. Éragny représente donc bien plus qu’un simple village dans les vingt dernières années de l’artiste, c’est le lieu dans lequel il aura séjourné le plus longtemps, sans jamais en épuiser le potentiel artistique. Il s’épanouit ainsi dans cet environnement naturel et capture visuellement tous ses sujets avec une passion pour le travail, comme jamais auparavant dans sa carrière. Pour Pissarro, la créativité de l’artiste ne s’étiole pas avec les années, pourvu qu’il reste au travail. Voici la vraie campagne, celle dont le peintre nous a parlé, jadis, comme personne. Il l’a comprise fruste, saine, réelle; il nous en a fait sentir le terreau, il nous en a évoqué les froids et les torridités; il nous a promenés en ses taillis et ses bois et nous en sommes revenus avec des sensations de chaleur et d’ombre vraiment exquises. Émile Verhaeren, Le Mercure de France, février 1901

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Épigraphe Il avait choisi ce coin de Normandie parce qu’il y trouvait des aspects de la vie rustique qui convenaient à sa vision, et des motifs d’une grâce harmonieuse en accord avec sa sensibilité. (…) Ainsi Camille Pissarro ne quitta plus jamais Éragny. Le nom de ce village – qui probablement n’apprécie pas encore cet honneur – est inséparable de celui de Pissarro dans l’histoire de l’art français, comme Giverny est désormais inséparable de la gloire de Claude Monet. (…) Sans le moindre risque de monotonie et sans jamais une minute de lassitude (…) il faisait avec une joie sereine des chefs d’œuvre d’après les paysages et le travail agreste, dont il avait l’enchantement autour d’Éragny et jusque dans les rues et les cours de ce village. (…) La couleur, l’éclairage, l’harmonie de chaque toile, comme le groupement et les attitudes des personnages qui l’animent, en font une œuvre très différente de toutes celles que Pissarro a réalisées dans les mêmes paysages. Georges Lecomte, Camille Pissarro, 1922

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extraits du catalogue L’Éragny de Pissaro “Tous les arts sont anarchistes quand c’est beau et bien! Voilà ce que j’en pense.” Éragny, la nature ordinaire Camille Pissaro passa les vingt dernières années de sa vie à Eragny, discret village niché sur les rives de l’Epte, à trois kilomètres environ de Gisors et une heure de trajet au nord-ouest de Paris. Humble petite rivière, l’Epte rejoint la Seine, infiniment plus majestueuse, quarante kilomètres en aval et traverse, avant de lui mêler ses eaux, un dernier village, Giverny, irrigant ainsi les jardins de deux artistes : Pissarro et Monet. Les deux peintres avaient pourtant du jardin et de la nature des conceptions diamétralement opposées. Le jardin de Monet était un vrai jardin, tout simplement : pensé, conçu et réalisé par Monet lui-même. Son œuvre ultime. Le jardin de Pissarro était, lui, en parfait accord avec les idées anarchistes de l’artiste : un champ bien plus qu’un jardin. A Giverny, un jardin fait par Monet pour Monet, n’ayant d’autre but que le plaisir de l’œil, dont la création et l’entretien nécessitaient un travail considérable et d’importants moyens financiers. A Éragny, les champs de Pissarro étaient de vastes étendues appartenant aux paysans du voisinage, se déployant des limites de son propre potager jusqu’au village de Bazincourt. Délimités et mis en culture par d’autres que lui, ils répondaient des besoins purement agricoles. Rien de plus ordinaire, de plus prosaïque, que les champs de Pissarro. La vision qu’il en donne n’est pourtant pas aussi simple qu’il n’y paraît : chez Pissarro, la représentation de la nature transcende sa propre réalité. L’artiste s’épanouissait pleinement dans cette nature ordinaire qui l’entourait. Tout comme les « gens » de Pissarro sont des gens simples (voir à ce sujet l’étude essentielle de Richard Bretell consacrée aux personnages peints par Pissarro), la nature qu’il choisit de dépeindre est de la plus parfaite banalité. [...] L’anarchisme de Pissarro Pissarro réalisa, au cours de ses années passées à Eragny, quelques 400 peintures et d’innombrables dessins et aquarelles dépeignant les formes arrondies des collines et vallées aux alentours du village. Multipliant les perspectives et les points de vue, il nous offre une production d’une remarquable diversité inspirée par des motifs pourtant cantonnés à une zone géographique limitée. L’anarchisme fit son apparition en France à cette époque, suscitant un intérêt croissant de la part des artistes et dans les milieux intellectuels. Pissarro lui donna son soutien indéfectible et fait figure de « vétéran » du mouvement anarchiste. Dans les années 1880, il défendit ardemment l’anarchisme libertaire que prônait Pierre-Joseph Proudhon. Il sut toutefois éviter — c’était une gageure — que les mondes respectifs du peintre qu’il était et du penseur politique et social qu’il n’était pas moins se confondent : l’art n’était point le propos de sa politique et il ne peignait pas la cause anarchiste. Autonomie, maître mot de la doctrine anarchiste et de Camille Pissarro. Son art et son engagement politique restaient indépendants l’un de l’autre. [...] Son art montre qu’une peinture ne doit pas nécessairement être porteuse d’un message révolutionnaire pour revêtir un rôle révolutionnaire. C’est une caractéristique anarchiste qui distingue Pissarro de l’approche marxiste pour laquelle l’art se doit de refléter les contradictions entre moyens de productions et infrastructure socio-économique. [...] L’art, la modernité et la négation de l’autorité [...] Toute sa vie, Pissarro se fit, sans faillir, le défenseur et le promoteur de principes résolument « modernes ». Athéiste convaincu, ou plus précisément « libre penseur », pour reprendre ses propres mots, Pissarro était un anarchiste. Il lisait et relisait les œuvres de Pierre-Joseph Proudhon, le fondateur de l’anarchisme moderne, envers lequel il fit preuve d’une indéfectible loyauté et dont il s’appropria la phrase célèbre : « L’homme est destiné à vivre sans religion ». [...] La modernité de Pissarro était très proche de ce que les auteurs des Lumières définissaient comme « âge moderne » : une époque qui « peut se passer d’emprunter et n’empruntera plus les critères offerts par le passé pour définir ses propres orientations ; il lui faut, à elle seule, se créer sa propre normalité. La modernité se voit renvoyée à elle-même, sans échappatoire possible. » La modernité combine ainsi deux facettes complémentaires qui pénètrent la vie et l’œuvre de Pissarro : le rejet de tout résidu des règles héritées d’une tradition invérifiable, et la mise en place d’autres règles ayant l’individu pour unique fondement — l’une des Pissarro à Eragny. La nature retrouvée

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bases de l’anarchisme. Ces deux temps — rejet de la tradition et mise en œuvre de règles nouvelles établies par soi-même — ont un rôle fondateur et une position centrale dans le développement de l’impressionnisme comme de l’anarchisme. L’impressionnisme donne à la création individuelle et à l’innovation une position inédite, les règles de la pratique artistique étant établies par l’artiste lui-même. La société moderne en gestation donnerait une autonomie considérable à l’individu au sein de la société. Il existe donc une équivalence claire entre l’impressionnisme dans le domaine artistique et l’anarchisme en matière politique. Cet art nouveau qu’est l’impressionnisme ne peut être mesuré qu’à son équivalent, soit d’autres formes artistiques individuelles, puisque la tradition ne peut plus le valider. Au commencement : « nous ne sommes rien » [...] Certaines prises de position, dans la vie de Pissarro, illustrent parfaitement son indépendance intellectuelle et morale. Contre l’avis de sa mère, il épousa une jeune femme de religion catholique, et s’unit à elle par un mariage civil. Il professait un rejet sans ambigüité des religions dans leur ensemble. En 1897, alors que Félix, le troisième fils du peintre, atteint de tuberculose, était mourant, une Anglaise tenta de convaincre ce dernier que le jeune homme devait recevoir le secours de l’Église. Particulièrement indisposé par cette démarche, l’artiste écrivit à son deuxième fils, lui demandant d’intervenir : « Tu devrais dire sérieusement, de ma part, à Mrs Weston ou à celle qui la représente que nous ne sommes ni protestants, ni catholiques, ni rien, et que nous désirons rester tranquilles, que ton frère a besoin de repos et ne doit recevoir que les visites qui lui font plaisir. » Ce plaidoyer passionné exigeant le respect de l’indifférence de son fils à l’égard de la religion résonne comme un puissant écho de l’un des principes fondateurs de l’humanisme tel que l’avaient défini les Lumières : « Tout animal est ce qu’il est ; à l’origine, l’homme seul n’est rien. Ce qu’est l’homme, il doit le devenir. » Quelques jours seulement avant sa mort, Pissarro se livrait à un examen des mérites — ou plus exactement des démérites — respectifs du Judaïsme et du Catholicisme, les renvoyant dos à dos par une métaphore tout à la fois spatiale et politique : « A droite ou à gauche, c’est kifkif ! » Le rejet des religions était, pour lui, d’un grand réconfort. C’était une autre manière de s’affranchir d’une tutelle incontrôlable. [...] On ne devient soi-même qu’au prix de grands efforts [...] Alors définitivement installé à Éragny, Pissaro, qui avait fait la connaissance de Seurat, commença vers 1886 à multiplier les effets chromatiques et à les intensifier. Son expérience néo-impressionniste ne devait guère durer plus de quatre ans (1886-1890). Conformément à ses habitudes, il évalua cette nouvelle technique en accord avec sa vision personnelle de l’histoire. L’apparition du néo-impressionnisme correspondait, pour lui, à une évolution historique logique de l’art comparable à l’évolution qui, dans le domaine politique, justifiait de l’avènement d’un régime anarchiste. Mais la technique qui imposait de fragmenter et de réduire la touche exigeait une extrême concentration et l’exécution d’une œuvre était, dans ces conditions, infiniment plus lente qu’avec toute autre technique pratiquée antérieurement par Pissarro. Le peintre, tout en reconnaissant les qualités de la méthode en tant que reflet d’une nécessité historique, déplora rapidement cette lenteur qui mettait un frein à la spontanéité de l’expression. Comme échappatoire à cette lenteur méthodique et rigoureuse qu’il appliquait à ses huiles, Pissarro produisit alors des aquarelles par dizaines. Laissant champ libre à sa spontanéité, cette technique lui permettait d’exprimer en parfaite liberté les sensations ressenties devant la nature et l’artiste évoque, pour Lucien, la puissance retrouvée dans l’aquarelle : « Il ne faut chercher que des sensations directes et instantanées. Rappelle-toi que l’aquarelle est un bon moyen pour aider la mémoire, surtout dans les effets fugitifs ; l’aquarelle rend si bien l’impalpable, la puissance, la finesse. » Passé 1890, Pissarro aspirait à retrouver la liberté d’improvisation disparue au cours de ses années néoimpressionnistes tout en s’efforçant d’en conserver les acquis. Il mit alors au point son propre style postimpressionniste qu’illustre une série de vues urbaines exécutées parallèlement aux ensembles de paysages d’Éragny. Pissarro connut, dans les années 1890, un regain d’énergie, comme si cette sortie de la phase néo-impressionniste était pour lui une libération. Ironie du sort… c’est pourtant le néo-impressionnisme, dont il considérait désormais la technique comme une entrave, qui lui inspira certaines de ses œuvres les plus remarquables : Gelée blanche, ou encore Jeune paysanne faisant un feu. [...] par Joachim Pissarro et Alma Egger

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Les Travaux des champs : balade d’un spécialiste de Pissarro à Eragny [...] Pissarro avait 54 ans lorsque la ferme d’Éragny devint, pour lui et sa famille, le foyer qu’elle allait rester jusqu’à sa mort en 1903, à l’âge de 73 ans. Il y vécut pendant vingt ans, plus longtemps qu’à toute autre de ses adresses antérieures. Vingt années durant, il connut une relative sécurité, dans une résidence stable où il put enfin planter ses racines, lui dont la vie avait été jusqu’alors vagabonde. La localisation géographique centrale de la maison d’Éragny permit à Pissarro de multiplier les déplacements — Paris, Knokke, Londres, Rouen, Dieppe... — sans craindre pour la sécurité et le bien être des siens. Il y a fort à parier que l’artiste, le jour où il emménagea, n’imaginait pas que cette maison serait sa demeure jusqu’à sa mort et que son épouse, qui lui survécut de longues années, y habita jusqu’à sa propre disparition. Au total, quarante-trois ans, presque aussi longtemps que son ami Monet dans la maison de Giverny. Pourtant, le contraste entre les deux sites ne saurait être plus marqué. La maison de Monet draine, par millions, des touristes venus du monde entier. Des centaines d’ouvrages lui ont été consacrés et d’innombrables images en circulent sur Internet ou sous forme papier, affiches et cartes postales. En tête des ventes dans les boutiques de musées, les reproductions des œuvres de Monet figurant tant la maison que son jardin, se déploient sur les murs d’innombrables chambres d’étudiants de par le monde. Rassemblez dans une même pièce, aux Etats-Unis, en Europe, en Amérique du Sud, dans une bonne partie de l’Asie, un groupe de voyageurs chevronnés et prononcez le mot « Giverny ». Surgissent instantanément dans les esprits des visions de champs et de jardins. Dites maintenant « Éragny ». La réaction sera nulle, ou très limitée. La rue principale du village, sur laquelle la maison autrefois habitée par l’artiste se dresse toujours fièrement, est maintenant la « rue Camille Pissarro ». L’endroit n’en est pas pour autant devenu un lieu de « pèlerinage culturel » et ne reçoit que fort peu de visiteurs. La maison de Pissarro et sa grange convertie en atelier n’ont jamais été ouverts au public, qu’il soit local ou international. Certains points communs rapprochent pourtant les deux fermes. Une maison de belle taille, dans les deux cas, bien que celle de Pissarro ait eu un aspect plus « bourgeois » et était de construction plus solide que celle de Monet, bâtie au XVIIIe siècle. Toutes deux sont dotées d’un jardin et se dressent sur les rives de l’Epte. [...] Peu après son installation à Éragny, Pissarro s’attela à la conception d’un livre illustré qu’il intitula Les Travaux des Champs et dont la réalisation devait l’occuper jusqu’à sa mort en 1903, sous des formats et avec des textes variés. L’ouvrage ne fut jamais véritablement publié. J’ai choisi de lui emprunter son titre car, à bien des égards, Pissarro y célébrait « les travaux des champs » sous deux aspects indissociables : le lieu où le travail agricole des hommes et des femmes est aussi directement lié que possible à celui des artistes qui œuvraient, eux aussi, dans les champs et les bâtiments de la ferme du peintre. [...] Ce n’était pas tant Éragny que Pissarro cherchait à évoquer dans ses œuvres, qu’un monde rural universalisé. La condition du monde rural était, à ses yeux, infiniment plus importante que le petit village d’Éragny en soi. Si les paysages de Pissarro font aujourd’hui figure de plaisantes idylles campagnardes, telle n’était pas son intention. Bien au contraire, le peintre visait à utiliser son œuvre pour soulever les questions qui lui paraissaient essentielles sur les rapports unissant le travail, la vie, l’environnement tant en ville qu’à la campagne. Il était donc en cela profondément enraciné dans la pensée anarchiste.et parfaitement en phase avec le développement de la géographie humaine que prônaient ses amis Élisée Reclus et le grand Paul Vidal de La Blache, dont l’oeuvre majeure, Tableau de la géographie de la France, parut en 1903, année de la disparition de Pissarro. [...] par Richard R. Brettell

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Utopie vivante « Il faut avouer que si c’est utopique, dans tous les cas, c’est un beau rêve et, comme nous avons eu souvent l’exemple d’utopies devenues des réalités, rien ne vous empêche de croire que ce sera possible un jour, à moins que l’homme ne sombre et ne retourne à la barbarie complète. » Camille Pissarro à Octave Mirbeau sur La Conquête du pain (1892) de Pierre Kropotkine, 21 avril 1892 [...] Dans une lettre adressée à son fils Lucien le 8 juillet 1891, Pissarro évoque un autre ouvrage de Proudhon, De la justice dans la révolution et dans l’Église (1860), et condamne les tendances artistiques à un « idéalisme » à relents chrétiens qu’incarnaient Paul Gauguin et les préraphaélites anglais. L’anarchisme mit parfois Pissarro en conflit avec certains de ses pairs dont l’œuvre ne faisait pas « progresser » la société et son évolution en tant qu’artiste se ressent également de cette tension. Basculant de l’impressionnisme vers le néo-impressionnisme, pour y revenir ensuite, Pissarro suivit un parcours qui lui était propre car, à ses yeux, l’art était une affirmation de la liberté créatrice (opinion que Grave partageait). Il explique sa ligne directrice dans une lettre très franche adressée en janvier 1894 à son frère en anarchisme Paul Signac. La technique néo-impressionniste « paralyse et gèle » l’artiste, écrit-il. Et Pissarro d’enjoindre Signac à abandonner le néo-impressionnisme pour « évoluer vers un art plus proche de la sensation, plus libre et plus en accord avec votre nature ». [...] Cette tension anarchiste transparaît aussi dans les œuvres de Pissarro figurant des ouvriers agricoles, qui forment l’essentiel de sa production dans les années 1880 et 1890. On en veut pour preuve La Charrue (1901), lithographie en couleur exécutée par l’artiste pour aider au financement des Temps nouveaux, le journal de Grave, et qui servit également de frontispice au troisième volume des Suppléments littéraires du journal (1901). Le labour, qui prépare les semailles, est une analogie évidente avec la manière, à la fois destructrice et productive, de parvenir à la transformation sociale que vise l’anarchisme. [...] Lorsqu’il décrit des paysans plantant des perches à pois, récoltant les pommes, ramassant le foin, vendant leurs produits sur le marché et occupés à toute autre de leurs activités, Pissarro met en avant leur autosuffisance économique et la solidarité communautaire qui les unit, les présentant comme un fait quotidien et une menace pour le capitalisme. Pour reprendre Brettell : « Pissarro n’illustre pas la théorie anarchiste, il lui donne forme dans l’art. » [...] par Allan Antliff

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quelques notices d’œuvres Camille Pissarro La Cueillette des pommes, Éragny 1887-1888 huile sur toile ; 60 x 73 cm Etats-Unis, Dallas, Texas Dallas Museum of Art Munger Fund, 1957 Commencée à l’automne 1887, cette peinture fut achevée l’année suivante en atelier, Pissarro peaufinant la composition dans une optique néo-impressionniste. Il en existe au moins vingt dessins préparatoires, études autonomes pour le paysage ou pour des figures isolées, esquisses à l’aquarelle pour la composition générale ou dessins de détail, pour les paniers par exemple. La galerie Boussod & Valadon acheta l’œuvre par l’intermédiaire de Théodore Van Gogh, agent de Pissarro, le 18 mars 1888. Le collectionneur Théodore Duret s’intéressa au tableau en mai 1891 mais en jugea le prix excessif. Elpida Vouitsis

Camille Pissarro Vue de bazincourt, gelée blanche huile sur toile 38 x 46 cm collection particulière

Le 7 janvier 1891, Pissarro est à Paris pour y faire traiter une infection oculaire récurrente. Il se rendit plusieurs fois à la capitale au cours de l’été, tant pour y consulter son ophtalmologue que pour des raisons professionnelles. De retour à Éragny début novembre, il écrit au docteur de Bellio un peu plus tard, décrivant la beauté du village en cette période de l’année et la somptueuse couleur orangée qu’arboraient les feuillages sous les rayons du soleil. Cette œuvre fut exposée pour la première fois lors de la rétrospective consacrée à l’œuvre de Pissarro en janvier 1892 et Durand-Ruel s’en porta acquéreur un mois plus tard. Alma Egger Camille Pissarro La Femme au fichu vert 1893 huile sur toile ; 65,5 x 54,5 cm Paris, musée d’Orsay, legs de Enriqueta Alsop, au nom du Dr Eduardo Mollard, 1972

Quoique le titre de ce tableau soit La Femme au fichu vert, Pissarro décrit le sujet comme étant une femme portant un foulard – ou un fichu – jaune à deux reprises dans sa correspondance. Cette peinture figura dans l’exposition monographique qui ouvrit le 15 mars. Dans une lettre datée de fin février et expédiée depuis Paris, Pissarro dit à Lucien que Durand-Ruel avait examiné les peintures arrivées d’Éragny et n’appréciait guère la main de sa « dame en foulard jaune » L’artiste espérait toutefois que le marchand reviendrait sur son jugement après avoir vu le portrait encadré. Alphonse Portier acheta l’œuvre à Mary Cassatt à une date qui reste indéterminée puis, en 1900, sollicita de Pissarro des informations complémentaires. L’artiste lui répondit le 3 août, indiquant un prix de 3 000 francs pour « la figure au fichu jaune ». Elpida Vouitsis Pissarro à Eragny. La nature retrouvée

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Camille Pissarro Fenaison à Éragny 1893 huile sur toile 44,3 x 55,7 cm Israel, Jerusalem The Israel Museum Le succès rencontré en 1892 par la Femme à la brouette incita Pissarro à aborder des sujets similaires en 1893 et il figura ainsi des paysans récoltant les pois, faisant la lessive ou occupés à la fenaison. Pissarro ayant ressorti, en mai, de nombreuses études plus anciennes, il est permis de penser que les peintures ne furent pas réalisées sur le motif. Ce paysage dépeint les rangs parallèles de pommiers déjà représentés par l’artiste l’année précédente, avec une figure féminine isolée ramassant de l’herbe. L’ensemble de ces scènes de travaux des champs est fondé sur des études antérieures, et notamment sur des gouaches représentant les paysans de Pontoise. Le plus ancien document mentionnant la vente de cette œuvre est daté de 1938. Alma Egger Camille Pissarro Faneuses, le soir, Eragny 1893 huile sur toile 54,3 x 65,4 cm Etats-Unis, Omaha Joslyn Art Museum Omaha, Nebraska À compter de 1879, Pissarro se lança dans une importante série de figures qu’il devait continuer à enrichir toute sa vie. Ce sont des peintures d’atelier, réalisées d’après des études préalables de personnages, isolés ou en groupes, qui correspondent à ce que Pissarro qualifiait de « synthèse » artistique. Dans une lettre adressée à son fils Georges le 26 mai 1893, l’artiste dit avoir retrouvé d’anciennes études et l’on peut présumer qu’elles furent utilisées comme point de départ pour Faneuses, le soir, Éragny. Plusieurs scènes de ce type exécutées en 1893 furent ensuite reprises et développées par l’artiste pour son projet Les Travaux des champs. Elpida Vouitsis Camille Pissarro Vue de Bazincourt, effet de neige, soir 1894 huile sur toile 54,5 x 65 cm Danemark, Copenhagen - Charlottenlund musée d’Ordrupgaardsamlingen Dans une lettre adressée à Lucien le 14 juillet 1894, Pissarro décrit avec enthousiasme ce qu’il espère développer en une série de paysages d’hiver. Cette toile fut probablement réalisée depuis une fenêtre située au deuxième étage de la demeure de l’artiste, côté ouest. Les vues figurant Bazincourt dans le lointain étaient devenues classiques dans la production de Pissarro depuis une dizaine d’années et la régularité de la composition l’autorisait à se concentrer exclusivement sur les effets chromatiques. La vue qu’offrait la fenêtre du deuxième étage distanciait puissamment l’artiste de son motif et les paysages qu’il réalisa depuis cet emplacement en deviennent presque des archétypes. Elpida Vouitsis

Pissarro à Eragny. La nature retrouvée

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Camille Pissarro Le Clocher d’Eragny vu de l’atelier 1894 huile sur toile ; 35 x 27 cm collection particulière

Dans une lettre du 18 février adressée à Lucien, Pissarro fait part de son intention de changer d’horizons après la fin de son exposition rétrospective de cette année-là, « car j’en ai assez des motifs de Bazincourt, avec son gentil clocher, j’ai besoin de me faire une bonne série nouvelle ». Suivant en cela le conseil de son ancien maître Camille Corot qui, en 1857, l’avait vivement incité à s’immerger dans le paysage, il continua néanmoins à s’inspirer de son verger d’Éragny, où il plantait son chevalet de campagne lorsque l’absence de vent et une chaleur supportable le lui permettaient sans risque d’aggraver ses problèmes oculaires. Après 1896, Pissarro élargit son champ d’action géographique à d’autres localités pour y trouver de nouveaux motifs. Elpida Vouitsis

Camille Pissarro Le Bain de pieds 1895 huile sur toile ; 73 x 92 cm Etats-Unis, The Art Institute of Chicago A Millenium Gift of Sara Lee Corporation Dans une lettre adressée à Lucien le 3 juillet 1893, Pissarro dit travailler à ses Baigneuses. Un courrier daté d’avril 1894 évoque cette fois des baigneurs que l’artiste dépeint dans des poses variées, au sein de décors idylliques. Il avait déjà abordé le sujet pour des gravures en 1893 et 1894, mais la série de peintures était déjà bien avancée lorsqu’il vit les baigneurs de Cézanne chez Vollard en novembre 1895. Le Metropolitan Museum conserve une version de plus petite taille, comportant un nu, et qui semble avoir été inspirée par une composition similaire de Millet. Elpida Vouitsis

Camille Pissarro Le Pré à Eragny 1895 huile sur toile 54 x 65 cm collection particulière

Durand-Ruel acheta cette œuvre le 22 novembre 1895. Elle figura, aux côtés d’autres toiles réalisées à Éragny et à Rouen, dans l’exposition monographique consacrée à Pissarro en avril 1896. Dès le lendemain de l’inauguration, l’artiste rapporte plusieurs réactions : « Exposition très belle, m’ont dit tous les amis. Degas m’a dit que malgré ce qu’ont dit les jeunes “grands maîtres” qui nous traitent de ganaches, nous tenons toujours le bon bout (…) » Parmi les œuvres exposées, la plupart des paysages d’Éragny appartenaient alors à Durand-Ruel et la peinture ici présentée demeura dans sa collection jusqu’en 1958. Alma Egger Pissarro à Eragny. La nature retrouvée

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Camille Pissarro L’Escalier, coin de jardin à Eragny 1894 huile sur toile ; 65,5 x 81 cm Danemark, Copenhagen - Charlottenlund musée d’Ordrupgaardsamlingen

Dans le courant de l’été 1897, Lucien, fils aîné de Pissarro, qui n’avait alors que 34 ans, fut victime d’un accident vasculaire cérébral. Dès qu’il apprit la nouvelle début mai, Pissarro se rendit immédiatement à Londres où il devait rester plusieurs mois. Il travaillait, avant son départ, à des paysages d’après nature, immergé parmi les pommiers du verger et dans le jardin qu’entretenait avec soin son épouse, la campagne étant alors au faîte de sa beauté printanière. Cette toile figure le jardin de l’artiste et l’escalier menant à son atelier. Durand-Ruel en fit l’acquisition en octobre 1897, avec d’autres vues récentes d’Éragny. Elpida Vouitsis

Camille Pissarro Le jardin d’Eragny 1898 huile sur toile ; 73,4 x 92,1 cm National Gallery of Art, Washington, Ailsa Mellon Bruce Collection

Portant le deuil de son fils Félix, mort prématurément le 25 novembre 1897, Pissarro passa l’hiver à Paris, s’y consacrant à la peinture. Rentré à Éragny en mai, il commença aussitôt à travailler pour tirer le meilleur parti du cadre rural. Cette œuvre est l’une des rares peintures que l’artiste ait terminées à cette période. Le temps, particulièrement pluvieux en mai, lui interdit en effet de travailler dans le village avant qu’il reparte pour la capitale en vue de l’exposition qui lui était consacrée, qui devait ouvrir le 1er juin. Durand-Ruel n’acheta que deux œuvres réalisées ce printemps-là. Julie, l’épouse du peintre, hérita de la toile exposée ici. Elpida Vouitsis

Pissarro à Eragny. La nature retrouvée

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catalogue de l’exposition éditions Rmn - Grand Palais, Paris 2017 25 x 22,5 cm, 212 pages, 185 illustrations, relié 35 €

en librairie le 15 mars 2017 sommaire : - essais : L’Éragny de Pissaro par Joachim Pissarro et Alma Egger ; Les travaux des champs : balade d’un spécialiste de Pissarro à Éragny, par Richard Bretell ; Utopie vivante par Allan Antliff. - catalogue des œuvres exposées - chronologie de Camille Pissarro, 1883-1903 (jusqu’à la mort de Julie en 1926) avec extraits de lettres de Camille Pissarro envoyées d’Éragny ou concernant Éragny par Elpida Vouitsis Bibliographie .......................................

auteurs : Richard R. Brettell, directeur de l’Edith O’Donnell Institute of Art History, The University of Texas, Dallas ; Joachim Pissarro, Bershad professeur d’histoire de l’art et directeur des espaces artistiques du Hunter College, City University of New York ; Allan Antliff, critique d’art et chercheur au Canada ; Dr Elpida Vouitsis, chercheur et traductrice à The Edith O’Donnell Institute of Art History, Université du Texas, Dallas ; Alma Egger, chercheur pour le catalogue raisonné des dessins et aquarelles de Camille Pissarro.

*** autres publications - l’Album de l’exposition par Lionel Pissarro 48 pages, 45 illustrations, 21 x 28 cm, broché, 10 € en librairie le 15 mars 2017 éditions de la Rmn-GP L’arrière petit fils de Camille Pissarro explore quatre axes : la maison à Eragny, l’engagement anarchiste de l’artiste et les œuvres peintes à Éragny. Il évoque également la maison d’édition londonienne de son fils, Eragny Press. - lancement du MOOC Histoires d’art Ce quatrième Mooc de la Rmn-Grand Palais propose 5 séquences : la Renaissance, le XVIIe, le XVIIIe, le XIXe et le XXe siècles. gratuit et ouvert à tous à partir du 24 avril plateforme Solerni Pissarro à Eragny. La nature retrouvée

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film Camille Pissarro sur les traces du père des Impressionnistes

par Christophe Fonseca 52 mn - film couleurs coproduction © 2017 - Les Films de l’Odyssée / Rmn-Grand Palais avec la participation de France Télévisions diffusion dans la Galerie France 5 le dimanche 26 mars à 09h25

Longtemps oublié des cimaises françaises, alors qu’il n’a jamais cessé d’être célébré à l’étranger, le « père Pissarro » comme l’appelaient affectueusement les grands noms de l’impressionnisme, de Cézanne à Monet, est aujourd’hui remis à la place d’honneur qu’il mérite. Moins réputé que ses contemporains, Camille Pissarro est pourtant le patriarche du mouvement impressionniste : d’abord parce qu’il fut l’un des premiers à le pratiquer, ensuite parce qu’aîné de cette génération de talents hors pair, il joua un rôle essentiel et fédérateur dans l’organisation de ce courant. Il sera d’ailleurs le seul peintre à participer aux huit expositions impressionnistes organisées de 1874 à 1886. A l’occasion d’une exposition organisée au musée du Luxembourg à Paris : « Pissarro à Éragny : la nature retrouvée », ce film part à la rencontre de cette figure attachante, née aux Antilles et qui forgea son œil aux couleurs des tropiques, puis que Cézanne, Monet, Renoir ou Sisley suivirent dans les champs pour avoir le plaisir de peindre à ses côtés et d’écouter ses humbles conseils. Grâce à des experts, aux descendants de Pissarro et du marchand d’art Paul Durand-Ruel qui ouvrent leurs archives familiales, on redécouvre l’artiste. Une redécouverte qui prend tout son sens à la lumière de cette phrase émouvante de Cézanne : « Ce fut un père pour moi. C’était un homme à consulter et quelque chose comme le bon Dieu ». réalisateur : Christophe Fonseca auteurs : Christophe Fonseca & Stéphane Rodriguez film disponible dès le lundi 3 avril en téléchargement VOD sur PluzzVad : http://pluzzvad.francetv.fr/

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programmation culturelle ACTIVITES DE MEDIATION visite guidée Eragny, le « pays des Anarcos » (Pissarro) - (à partir de 13 ans) Enfant des Antilles, danois de nationalité, Pissarro se fixe à Eragny-sur-Epte, petit village du Vexin français. Quelle vie y mène-t-il avec sa famille, acquise comme lui à la cause anarchiste, et comment sa peinture se fait-elle l’écho de ce nouvel environnement ? durée : 1h15 dates : les jeudi, vendredi, samedi et dimanche à 12h, séance supplémentaire samedi et dimanche à 16h et/ ou à 14h30 le dimanche. Pendant les vacances scolaires, séances supplémentaires les jeudis et vendredis à 16h. visite en famille La ferme de Pissarro (à partir de 6 ans) Vergers et potagers, meules de foin, vaches et moutons : à travers les toiles de Pissarro se révèlent les détails de la vie quotidienne à la campagne à la fin du XIXe siècle. Menée par un conférencier qui s’adresse d’abord aux plus jeunes, cette visite permet de découvrir en famille l’artiste et son œuvre. durée : 1h dates : le dimanche à 14h15. En période de vacances scolaires, séance supplémentaire les jeudis à 14h15 visite à thème Femmes au travail (à partir de 13 ans) Les paysages de Pissarro sont peuplés de nombreuses figures féminines. En plein travail ou profitant d’un moment de répit, qui sont ces femmes et que nous apprennent–elles sur les convictions du peintre ? durée : 1h15 dates : le 23 avril et le 13 mai à 16h atelier Construis ton paysage pop-up (à partir de 7 ans) Après une visite de l’exposition spécialement conçue pour eux, les enfants travaillent avec une plasticienne autour de la composition des paysages en différents plans. Ils repartent avec un pop-up coloré qu’ils ont confectionné. durée : 2h dates : Les 7 et 14 avril, les 7 et 26 mai, le 18 juin à 14h

Pour accompagner les enfants dans la découverte de l’exposition, un parcours-famille et un audioguide enfant sont disponibles gratuitement à l’accueil du musée. Le site internet du Musée propose également dans l’espace « Jeune public » des jeux et informations en lien avec l’exposition (parcours, dossiers pédagogiques, puzzle et jeu des Sept différences inspirées des œuvres de Fantin-Latour).

informations et réservations sur museeduluxembourg.fr

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CONFERENCES Sauf mention contraire, les conférences ont lieu au Sénat, 26, rue de Vaugirard. Elles sont gratuites sur inscription obligatoire museeduluxembourg.fr présentation de l’exposition, le mardi 21 mars à 18h30 avec Joachim Pissarro, professeur d’histoire de l’art et directeur des Hunter College Art Galleries, The City University of New York, commissaire de l’exposition. Fruit de nombreuses années de recherches, l’exposition du Musée du Luxembourg aborde un aspect inédit de l’œuvre de Pissarro. Joachim Pissarro, l’arrière-petit-fils de l’artiste, exposera ce qui fait de la période d’Eragny l’une des plus riches de l’artiste. Jardins remarquables, le jeudi 30 mars à 18h30 avec Coline Zellal, conservatrice du patrimoine, commissaire de l’exposition « Jardins extraordinaires » sur les grilles du jardin du Luxembourg et Marc Jeanson, responsable des collections de l’Herbier National au Museum National d’Histoire Naturelle. Le label « Jardin remarquable » vient distinguer des lieux de grande qualité ouverts au public. Il recouvre des réalités très différentes, du jardin d’eau au parc de château en passant par des arboretums et des jardins botaniques. Il propose ainsi la reconnaissance d’une conception ouverte du jardin public comme privé. Rencontre-débat avec Gérard Fromanger, le jeudi 27 avril à 18h30 avec Gérard Fromanger, artiste peintre, et Déborah Laks, docteur en histoire de l’art. En résonnance avec le travail de Pissarro, venez à la rencontre d’un de nos plus grands peintres contemporains. Gérard Fromanger a accompagné les principales innovations artistiques de son temps tout en élaborant une œuvre personnelle faite de recherche sur le motif et la couleur mais aussi de réflexion politique. Jardins nourriciers, le jeudi 11 mai à 18h30 avec Gisèle Croq, ingénieur des Jardins du Luxembourg, et Florent Quellier, maître de conférence à l’université François-Rabelais de Tours Tandis que son ami Claude Monet faisait aménager son célèbre jardin de Giverny, Pissarro a souvent représenté le vaste potager ainsi que les arbres fruitiers de sa propriété d’Éragny. Plus qu’un jardin d’agrément, son jardin à lui nourrissait sa nombreuse famille comme les visiteurs de passage. Son intérêt pour une nature nourricière s’inscrit dans les préoccupations de son temps. Eragny Press, une affaire de famille, le jeudi 8 juin à 18h30 avec Lionel Pissarro, galeriste. A l’occasion de l’exposition, a été réuni un ensemble rare d’ouvrages illustrés de gravures originales et publiés par Eragny Press, la maison d’édition créée par Camille Pissarro et son fils Lucien. Cette conférence revient sur cette aventure, qui permit la parution de textes de Villon, Flaubert ou encore Charles Perrault. Art et anarchie : le cas de Camille Pissarro, le jeudi 15 juin à 18h30 avec Christophe Charle, professeur à l’université Panthéon-Sorbonne. Au moment de son installation à Eragny, Pissarro s’est constitué de solides convictions anarchistes, grâce à ses lectures et de longs dialogues avec d’autres artistes et intellectuels. Comment ces convictions se manifestent-elles dans la vie et l’œuvre du peintre ?

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EVENEMENTS CULTURELS Nuit européenne des Musées, le samedi 20 mai de 18h à minuit - Intervention de la section Design végétal de l’ESAD-Reims dans le parcours de l’exposition (19h-23h30) - Médiation de l’exposition « Jardins extraordinaires » sur les grilles du jardin du Luxembourg par les étudiants de l’Université Paris - Dauphine (18h-21h) gratuit dernière entrée 23h30 soirée carnet de dessin, le mercredi 19 avril de 18h à 20h30 réservation obligatoire gratuit jusqu’à 26 ans, 10 € au-delà soirée Lecture-performance, le mercredi 17 mai, séances à 19h et à 20h avec les élèves du Conservatoire du 6e réservation obligatoire cycle au cinéma Les 3 Luxembourg projection de 2 films en lien avec l’exposition Tous au Larzac, 2011, Christian Rouaud, le 26 avril à 18h30 Demain, 2015, Cyril Dion et Mélanie Laurent, le 28 juin à 18h30 67 rue Monsieur le Prince, 75006 Paris infos pratiques sur www.lestroisluxembourg.com

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le Musée du Luxembourg D’abord installé dans le Palais du Luxembourg, que Marie de Médicis fait construire entre 1615 et 1630, le Musée du Luxembourg est le premier musée français ouvert au public en 1750. Les visiteurs peuvent alors y admirer les vingt-quatre toiles de Rubens à la gloire de Marie de Médicis et une centaine de tableaux provenant du Cabinet du Roi, peints par Léonard de Vinci, Raphaël, Véronèse, Titien, Poussin, Van Dyck ou encore Rembrandt. Après le transfert de ces œuvres au Louvre, le Musée du Luxembourg devient, en 1818, un « musée des artistes vivants », c’est-à-dire un musée d’art contemporain. David, Ingres, Delacroix, entre autres, y sont exposés.

Affectataire du Palais et du Jardin du Luxembourg en 1879, le Sénat fait édifier le bâtiment actuel entre 1884 et 1886. Les impressionnistes y sont pour la première fois exposés dans un musée national, grâce au legs Caillebotte qui comporte des œuvres de Pissarro, Manet, Cézanne, Sisley, Monet, Renoir... Cette collection se trouve aujourd’hui au Musée d’Orsay. Fermé après la construction d’un Musée national d’art moderne au Palais de Tokyo en 1937, le Musée du Luxembourg rouvre ses portes au public en 1979. Le Ministère de la Culture y organise des expositions sur le patrimoine des régions et les collections des musées de province, le Sénat conservant un droit de regard sur la programmation et l’usage du bâtiment. En 2000, le Sénat décide d’assumer à nouveau l’entière responsabilité du Musée du Luxembourg, afin de conduire une politique culturelle coordonnée dans le Palais, le Jardin et le Musée. S’il a pour missions premières, en sa qualité d’assemblée parlementaire, le vote de la loi, le contrôle du Gouvernement, l’évaluation des politiques publiques et la prospective, le Sénat se doit en effet également de mettre en valeur le patrimoine dont il est affectataire. Pour garantir un rayonnement et un niveau d’excellence dans la production et l’organisation des expositions présentées au Musée du Luxembourg, le Sénat a choisi de faire appel à des professionnels de ce secteur. Le Musée du Luxembourg s’est depuis lors imposé comme l’un des principaux lieux d’expositions parisiens, en permettant à ses très nombreux visiteurs d’apprécier les chefs-d’œuvre de Botticelli, Raphaël, Titien, Arcimboldo, Véronèse, Gauguin, Matisse, Vlaminck, Modigliani… En 2010, le Sénat délègue la gestion du Musée à l’Établissement public de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais des Champs-Élysées (Rmn – Grand Palais) avec pour mission d’y organiser des expositions ambitieuses. Trois axes de programmation, en lien avec l’histoire du lieu, sont privilégiés : « la Renaissance en Europe », « Art et pouvoir » et « le Palais, le Jardin et le Musée : le Luxembourg au cœur de Paris, capitale des arts ». C’est ainsi qu’un public nombreux a pu venir voir Cranach et son temps, Cézanne et Paris, Chagall entre guerre et paix, La Renaissance et le Rêve, Joséphine, Paul Durand-Ruel. Le pari de l’impressionnisme, Les Tudors, Fragonard amoureux. Galant et libertin, Chefs-d’œuvre de Budapest ou encore Henri-Fantin Latour. A fleur de peau. La Rmn – Grand Palais est l’un des premiers organisateurs d’expositions dans le monde. Exposer, éditer, diffuser, acquérir, accueillir, informer : elle contribue, pour tous les publics, à l’enrichissement et à la meilleure connaissance du patrimoine artistique aux niveaux national et international. Toute l’actualité du Musée du Luxembourg sur museeduluxembourg.fr

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informations pratiques

adresse Musée du Luxembourg, 19 rue de Vaugirard, 75006 Paris téléphone 01 40 13 62 00 ouverture de 10h30 à 18h du lundi au jeudi, de 10h30 à 19h du vendredi au dimanche fermé le 1er mai tarifs 12 €, TR 8,5 € (16-25 ans, demandeurs d’emploi et famille nombreuse) spécial Jeune : 8,5 € pour deux entrées (du lundi au vendredi à partir de 16h) gratuit pour les moins de 16 ans, bénéficiaires des minima sociaux

audioguides : parcours disponible en français, anglais, espagnol, allemand et une version enfant 5 € ; application à télécharger : 3,99 € accès M° St Sulpice ou Mabillon RER B Luxembourg Bus : 58 ; 84 ; 89 ; arrêt Musée du Luxembourg / Sénat informations et réservations : museeduluxembourg.fr #ExpoPissarro

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visuels disponibles pour la presse autorisation de reproduction uniquement pendant la durée de l’exposition et pour en faire le compte-rendu

L’œuvre doit être reproduite dans son intégralité, ne doit être ni taillée, ni coupée, et aucun élément ne doit y être superposé. L’intégralité de la légende doit être impérativement mentionnée à chaque reproduction de l’œuvre. Toute reproduction en couverture ou à la une devra faire l’objet d’une demande d’autorisation auprès du service presse de la Réunion des musées nationaux-Grand Palais. Ces conditions sont valables pour les sites internet étant entendu que pour les publications de presse en ligne, la résolution des fichiers ne doit pas dépasser 72 DPI. Le justificatif de parution est à adresser à : Florence Le Moing, Service de presse / Réunion des musées nationauxGrand Palais / 254/256 rue de Bercy / 75012 Paris *** Reproduction authorised only for reviews published during the exhibition. The image must be shown in its entirety. It must not be bled or cropped in any way. Nothing may be superimposed on the image. The full credit line must be mentioned for each use of the image. For any use on cover or front page, please contact the Réunion des musées nationaux-Grand Palais press office. These conditions apply to websites too. Images‘ files online shall not exceed 72 DPI. A copy of the review is to be sent at: Florence Le Moing, Head of Press Department / Réunion des musées nationauxGrand Palais / 254/256 rue de Bercy / 75012 Paris

Camille Pissarro La Cueillette des pommes, Éragny 1887-1888 huile sur toile 60 x 73 cm Etats-Unis, Dallas, Texas Dallas Museum of Art, Munger Fund 1957 © courtesy Dallas Museum of Art

Camille Pissarro Gelée blanche, jeune paysanne faisant du feu 1888 huile sur toile ; 92,5 × 92,5 cm France, Paris musée d’Orsay © Rmn-Grand Palais (musée d’Orsay) / Photo Hervé Lewandowski

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Camille Pissarro La Femme au fichu vert 1893 huile sur toile 65,5 x 54,5 cm France, Paris musée d’Orsay © Rmn-Grand Palais (musée d’Orsay) / Photo René-Gabriel Ojéda

Camille Pissarro Faneuses, le soir, Eragny 1893 huile sur toile 54 x 65 cm Etats-Unis, Omaha, Nebraska Joslyn Art Museum © Joslyn Art Museum, Omaha, Nebraska

Camille Pissarro Fenaison à Éragny 1893 huile sur toile 44,3 x 55,7 cm Israel, Jerusalem The Israel Museum Photo © The Israel Museum, Jerusalem

Camille Pissarro Neige, soleil couchant, Éragny 1894 huile sur toile 61 x 82,6 cm Etats-Unis, Nouvelle Orléans New Orleans Museum of art © The New Orleans Museum of Art: The Mrs. Frederick M. Stafford Collection Pissarro à Eragny. La nature retrouvée

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Camille Pissarro Le Clocher d’Eragny vu de l’atelier 1894 huile sur toile 35 x 27 cm collection particulière Droits réservés

Camille Pissarro L’Escalier, coin de jardin à Eragny 1897 huile sur toile 65,5 x 81 cm Danemark, Charlottenlund © Ordrupgaard Museum Photo Pernille Klemp

Camille Pissarro Vue de Bazincourt, effet de neige, soir 1894 huile sur toile 54,5 x 65 cm Danemark, Charlottenlund © Ordrupgaard Museum Photo Pernille Klemp

Camille Pissarro Le Pré à Eragny 1895 Huile sur toile 54 x 65 cm collection particulière Photo Bill Dewey

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Camille Pissarro Le Bain de pieds 1895 huile sur toile 73 x 92 cm Etats-Unis, The Art Institute of Chicago A Millenium Gift of Sara Lee Corporation © The Art Institute of Chicago

Camille Pissarro Le jardin d’Eragny 1898 huile sur toile 73 x 92 cm Etats-Unis, Washington © National Gallery of Art, Washington, Ailsa Mellon Bruce Collection

Camille Pissarro Coin du pré à Éragny 1902 huile sur toile 60 x 81,3 cm Presented by Mrs Esther Pissarro, the artist’s daughter-in-law, 1951 Royaume-Uni, Londres Tate Britain Gallery © Tate, Londres, Dist. RMN-Grand Palais / Tate Photography

Camille Pissarro Vue de bazincourt, gelée blanche 1891 huile sur toile 38 x 46 cm collection particulière

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