J'attends le numéro 57

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EVVIVA ITALIA!

LABORATOIRE DE RECHERCHES CRÉATIVES • 1er TRIMESTRE 2020

J’ATTENDS LE NUMÉRO 57


J’ATTENDS LE NUMÉRO 57

J’attends le numéro 1 2011 • 2020 Création Isabelle Souchet & Ivan Leprêtre Design Ivan Leprêtre

EVVIVA ITALIA!

© Stocklib / foodandmore

Contact lepretre.ivan@wanadoo.fr


SOMMAI RE 04

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ALAIN DIOT Maître de conférence en arts plastiques alaindiot2@orange.fr

FRÉDÉRIC ADAM Poète frederic_adam@hotmail.fr

BERTRAND BOULANGER Poète gelamboo@wanadoo.fr

34 08 CHRYSTEL ÉGAL Artiste, écrivain chrystel.egal@me.com Site : c-egal.com

16 IVAN LEPRÊTRE Directeur de création lepretre.ivan@wanadoo.fr Site : ivanlepretre.com

22 BIXENTE CABALLERO Épicurien locotwister@gmail.com

26 KARINE SAUTEL Ellipse formation karine@ellipseformationcom Site : ellipseformation.com

JAY FOX Photographe legandfox@yahoo.com jayfox-photo.wixsite.com/itinerrances

44 COLETTE LE VAILLANT Jongleuse de mots Exploratrice de l’inconscient contacter.colette@gmail.com

46 THIERRY FAGGIANELLI Poète du quotidien thierry.faggianelli@sfr.fr

50 YVES NIQUIL Ingénieur, chef de chœur, écrivain yves.niquil@gmail.com

52 RAOUL HARIVOIE Poète raoul.harivoie@laposte.net

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58 ANNE JOSSE Experte en contenus relationnels contact@annejosse.com Site : annejosse.com

68 JEAN-MARC COUVÉ Écrivain, critique et illustrateur jeanmarc.couve@gmail.com

74 Dragoljub MitroviC Graphic artist - printmaker dragoljub_mitrovic@yahoo.com Site : staririmljanin.deviantart.com

76 OLIVIER ISSAURAT Enseignant oissaurat@ac-creteil.fr Site : olivier.issaurat.free.fr


ED ITORI AL ALAIN DIOT Florence, la magnificence nous mène jusqu’à la décadence et qu’on s’y laisse séduire sans coup férir par les délices des Médicis. On apprécie aussi que le Palio porte bien haut les couleurs souveraines de la terre de Sienne et que la Toscane se pavane devant nos yeux énamourés et nous dévoile ses arcanes parfois si bien cachées.

C’EST FORT ÇA, L’ITALIA! Saluti ai fratelli d’Italia. L’Italia s’é desta un peu tard et vu les dernières péripéties, elle aurait mieux fait de continuer la sieste, après une petite grappa bien digeste ! Bon mais les ritals, c’est du pas banal et leur pays, c’est quand même de la terre bénie. Oui, oui !

Mais ce n’est pas tout ! Nos amis transalpins sont des malins : ils s’amusent dans les Abruzzes, ils se les roulent dans le Frioul, se les repeignent en Sardaigne, se les chatouillent dans les Pouilles, se les lubrifient en Campagnie, se les éclatent dans la Basilicate, s’en récurent le nombril dans l’Ombrie, s’abandonnent à leurs pensums dans le Latium, se soignent le teint dans le Trentin, font les fripons dans le Piémont, les prodiges dans l’Adige et se les envoient par la poste dans le Val d’Aoste quand il n’y a pas de pénurie en Ligurie ! Et puis bien sûr, çà va de soi, il y a Roma, la ville éternelle où, si c’est parfois le bordel, ils se sont « colossalisé » le Colisée quand, dans le bus, on peut croiser Romulus et Remus, et là-haut, si çà rigole, les oies du Capitole, voire, si çà se trouve, la louve dans les douves.

C’est que nos amis de la botte sacrée mettent rarement leurs petits souliers, et du soir au matin, ils parlent avec les mains ! Et question palabres, de la Lombardie à la Calabre, ils ne sont pas mesquins, les italiens ! A être labiles, de l’Emilie jolie à la Sicile, ils sont habiles, même s’ils sont parfois un peu futiles. Et si, à Venise, les canaux sont plus beaux que de vagues rigoles, les gondoles précises qui s’y glissent nous y bricolent des balades fort propices aux fariboles les plus folles. C’est vrai aussi qu’à Pise, ils ont un penchant pour les surprises en nous jouant des tours pensés où la roublardise rivalise avec quelque gourmandise exquise, et qu’à

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J’ATTENDS LE NUMÉRO 57 Il y a aussi Gina, Sophia, Claudia, Monica même Anita qui s’ébat dans la Fontana -, toutes ces divas qui ont le balcon bien fleuri et surtout bien garni, et le reste à l’envi, à vous rendre fada et à damner Satana et ses amis, s’ils n’étaient déjà maudits. Pendant ce temps, les vitelloni, ces gros mimis à leur mama chérie, s’endorment ravis dans leurs draps, juste après-midi, pendant que Vittorio et sa moustache de macho fait le beau, que Marcello joue le bello et Bénigni le ouistiti. Et quand Julietta masse, inamovible, Federico fait l’inimitable à construire les châteaux de sable du cinéma irrémédiable tout comme Rossini, Verdi, i tutti gli altri, font revivre ceux de l’Opéra à la Scala. Et par la Madona, le Bel Canto, c’est du boulot, tout comme l’osso buco, et au moins aussi chaud ! Et que dire de Giotto, du Duccio et de Fra Angelico, ces jolis cocos, de Bellini, de Botticelli, de Vinci qui nous stupéfient, du Titien sans sa mémère, de Raphaël qui se révèle, de Michel-Ange qui nous dérange, de Véronèse

N’empêche que quand le Stromboli fait du bruit, c’est les hauts cris dans les Lipari, que quand l’Etna joue les gros bras, c’est la Bérézina à Catania et que quand le Vésuve joue les étuves, c’est presque Pompéi à Napoli ! C’est vrai aussi que, chez les peuples italiques, on fait bien vite dans le volcanique. Mais c’est juste pour faire la nique au destin qui n’a pas toujours été câlin depuis les latins ! Pour autant, consolons-nous des Mussolini et des Salvini, avec un petit verre de Chianti ou de Lacryma Christi, voire avec une petite goutte de Limoncello pour la route de San Marino. C’est pas tout çà, il y a la pasta qui n’attend pas, la pizza qui margarita, les spaghettis qui carbonara et le Tiramisu qui nous fait coucou ! En route pour la Dolce Vita, Viva la Squadra Azura et Ciao Bella ! Alain (broglio) DIOT. Janvier 2020.

© Stocklib / Ekaterina Smirnova

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si balèze, du Caravage qui nous ravage et de tutti quanti à l’infini ?! Pour la barbouille, c’est vrai qu’ils se débrouillent, les fripouilles !

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LE FOC US ALAIN DIOT pagaille, çà RTT sauf chez les retraités ! Et ben dîtes donc, c’est pas gagné ! Dans quel bourbier on est fourré ! Et ce serait trop tard pour faire retraite ? Et bien trop tôt pour faire la fête ?

MARCHE OU GRÊVE !

A la CFDT, le Berger, celui qui a le front bien dégagé, ne serait pas prêt à s’endetter ni à céder à cause de l’âge pivot qui n’arriverait pas assez tôt, ou de l’âge d’équilibre qui ne nous laisserait pas assez libre. A l’UNSA, l’Escure serait prêt à faire bonne figure même si ses militants n’en ont cure et crient à la déconfiture en se présentant comme des purs et donc des durs d’entre les durs, c’est sûr. A la CFTC, on ne sait pas trop bien où se situe le chrétien et si la retraite à point lui convient ou s’il faut peut-être demander au sacristain ou même à tous les saints. Pour le Bon Dieu, on verra demain. A la CGT, le Martinez nous la joue balèze à l’aise sur son alèze, tranquille comme un matou bravache qui s’en lèche la moustache, vu que, de toutes façons, à chaque occasion, la seule solution c’est de créer le malaise, c’est jeté la proposition et faire des manifestations, tous ensemble, tous ensemble, ouais !

Sans vouloir être cruel, avouons-le, en ce moment, c’est carrément le bordel ! Si vous aimez trop le métro, va falloir vous mettre au repos. Si c’est vers le train que va votre entrain, c’est pas demain que le conducteur énervé du TGV va venir vous faire des câlins ! C’est que, cher usager, à la RATP, il y en a qui ont décidé d’enlever l’air à tes pieds dans les couloirs et sur les quais, pendant qu’à la SNCF, il y en a d’autres qui nous font des scènes, c’est effarant, tellement qu’il pourrait y avoir, c’est barbare, des bagarres dans les gares. Il paraîtrait qu’ils voudraient qu’on reconnaisse leur dur labeur et qu’on leur concède ainsi l’argent du labeur et la fille du garde- barrière. Et çà rame dans les rames, çà ronchonne quand çà bouchonne, çà rouspète sur les trottinettes, çà démarre en blabla car, çà s’encourage en covoiturage, çà va au boulot même en vélo, çà télé travaille dans la

Et puis il y a FO qui essaie de faire ce qu’il faut, même si ils ne savent pas trop sur quel

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J’ATTENDS LE NUMÉRO 57 pied danser pour eux aussi refuser; il y a SOLIDAIRE, machine toute en arrière, qui comme d’habitude vitupère, et mettrait bien son pied dans le derrière de ceux qui veulent leur gâcher la fin de carrière, sans oublier SUDRAIL qui s’encanaille en s’invitant dans la bataille pour que, vaille que vaille, la réforme déraille.

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Sans oublier tous les autres, plus ou moins bons apôtres, que leur régime soit spécial ou qu’ils s’invitent au bal pour faire dans le social, parce que çà fait joli de faire comme si, même si ils sont si bien nantis que c’est pas demain que leur retraite sera pourrie ! Et la clause du grand-père ?! Dit comme çà, çà fait vraiment pépère prospère. Mais comme d’habitude, la vie reste rude et qu’est-ce qu’on y gagne, qu’est-ce qu’on y perd, qu’est-ce qu’on élude ? On s’y perd surtout à ne plus rien y comprendre du tout sans parvenir à compter les points et en serrant les poings au fond de nos poches sans fond parce qu’on confond l’odeur du blé avec celle du pognon, celui qu’on met dans le pe-

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© Stocklib / lightfieldstudios

Il y a aussi les enseignants qui ne voudraient pas quitter leur corps en se saignant aux quatre veines après tant d’années à la peine, sans arrêt sur la scène et l’âme jamais vraiment sereine à se taper les cruautés des enfants et de leurs parents, sans pouvoir leur en coller une, de temps en temps, dans les dents ! Et y’a des fois, pourtant, où c’est vraiment tentant !

tit cochon pour assurer notre boulgour quotidien pour nos vieux jours et la pâté de notre chien, sans oublier un peu d’amour, même si c’est trois fois rien ! Ah lala ! La grève sans trêve, çà nous crève et la retraite pour l’éternité, on dirait bien que c’est râpé. Ce serait quand même pas mal de naître déjà retraité, avant même d’avoir été traité et de prendre le temps de se la couler douce allongé sur la mousse, à regarder ceux qui s’en vont travailler pour nous payer la sécurité d’une sérénité qu’on a bien mérité. Non mais, c’est pas encore interdit de rêver ! Alain (traitable) DIOT. Janvier 2020.


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SOLEIL NOIR San Gennaro, le saint protecteur de Naples. Je pénètre la colline de Capodimonte. Plus de deux mille niches mortuaires creusées dans le tuf. Je sens Naples sous terre à coeur ouvert. Religiosité millénaire. Catacombes solaires. Fresques, dépouilles se parlent et se répondent. Le souffle de la terre n’est pas que dans la vie. Il brille partout. C=/Chrystel Egal

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MOTS IMPOSÉS Igloo • Grana padano • Insomnie • Ridicule • Pédaler Ce qui est bien avec les insomnies, c’est qu’à trois heures du matin, personne ne juge ridicules tes remèdes pour retrouver le sommeil. Heureusement, car j’ai connecté une râpe à fromage à mon vélo d’appartement. En une demi-heure, j’arrive facilement à écouler deux bons kilos de grana padano. Je peux alors retourner dans ma tente-igloo pour tenter de retrouver les bras de Morphée.

MOTS IMPOSÉS Basilic • Évasion • Gamin • Populaire • Envoyer Lorsque j’ai vraiment envie d’évasion, je vais déjeuner dans cette pizzeria à coté du campanile de Giotto. Le parfum du basilic de ma Regina préférée me rappelle lorsque j’étais gamin. Ma grand-mère m’envoyait au marché du quartier populaire. Je revenais, essoufflé mais heureux, et je m’attablais, attendant impatiemment que le disque d’or sorte du four à bois.

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« L’Italie représente à elle seule la gastronomie. Blonde et dorée comme une pizza quatre saisons. Veloutée comme un verre de chianti. Forte comme un expresso bien serré. Subtile comme une petite larme d’Amaretto. » Bixente Caballero 2020

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BIXENTE CABALLE RO logo-rallye

MOTS IMPOSÉS Fouet • Enclume • Vespa • Grassouillet • Piloter La nuit dernière, je me suis réveillé en sueur d’un horrible cauchemar : Alors que je traversais la Piazza Navona au guidon d’une Vespa rose bonbon, je m’aperçus que j’étais poursuivi par une Lamborghini pilotée par une tortue Ninja grassouillette brandissant un fouet dont l’interminable lanière venait me claquer aux oreilles. Affreux ! J’ai passé la journée la tête dans une enclume, repensant à cette scène surréaliste.

MOTS IMPOSÉS Opéra • Tournevis • Demi-frère • Rose • Accoupler Mais qu’est-il passé par la tête de maman lorsqu’elle s’est accouplée, si si c’est le mot, avec le voisin ? Je sais bien que c’est un beau sicilien ténébreux et que le départ de papa l’a chamboulée, mais de là à se faire du mal au point d’accepter une soirée à l’Opéra de Milan alors qu’elle déteste ça, autant se planter un tournevis dans l’œil ! Le pire c’est qu’elle a terminé dans son lit, avec une espèce de couverture rose (elle m’a montré des photos, pffff !) Dans neuf mois normalement, je me retrouverai avec un demi-frère sur les bras, car ils n’ont même pas pris leurs précautions ! Je les sens bien, ces prochaines vacances à Palerme, tiens ! Je ne sais pas ce qui me retient d’aller le jeter dans l’Etna...

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E I T E T S O P O B E E E A U M I L I E R A U D G E L A

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« L’Italie ? Une drôle de botte posée au cœur de la grande bleue. Pleine d’histoire et de mystères. Berceau de personnages illustres. Comme un miroir qui invite à se taire. Comme un plafond orné de cent lustres. » Bixente Caballero 2020

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KARINE SAUT EL

PÂTES ET IDENTITÉ NATIONALE

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KARINE SAUT EL

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KARINE SAUT EL

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FRÉDÉRIC AD AM AVEC DE L’ITALIE

Avec de l’Italie

En fa dièse, en ré mineur

Toujours en alpha

Sirotant une note de bonheur

Avec du latin

Chantonnant une odeur

En oméga

Et tisse l’étoffe

Avec Ostie et Venise

D’une écriture souterraine

Comme ports d’attache

Qui infuse à mes élans

Avec Rome

Des goûts, des fragrances

Comme point d’ancrage

De fruits mûrs, d’huiles vénérables

Avec le Stromboli

Dont les vertus sont mon faible

En catimini

Et les travers mon penchant

Avec le Latran

À ses tonneaux je tire

Comme prie-Dieu

Cette langue dans laquelle

Et mille clochers

Je me glisse comme dans un lit

Pour balises, phares ou lanternes

Et qui m’assoiffe d’elle-même

Elle est mon jardin

Chaque mot en appelle un autre

Qui ne suit aucun cordeau

Chaque gorgée bue

Mon éden

Me donne

Mon image d’Épinal

Une pépie plus vive

Mon château en Espagne

Une impatience plus accentuée

Mes parterres

Et mes attaches se nouent

De fleurs, d’appétences

Définitivement

Mes cieux endémiques

À la

J’y conjugue un éloge

Bellezza.

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Vert blanc rouge

Vert blanc rouge

Nous voilà à la croisée des chemins

Comme un refrain, un mantra

Où au mat sont hissées

Pour nous accompagner

Nos cartes à jouer

Main dans la main

Nos façons de donner

Sur les sentes du Bel Canto

Vert blanc rouge

Vert blanc rouge

Sont couleur commune

Comme une gourmandise

Ont un seul ton

Une beauté qui se goûte

Un même grain

Si bien

Une plume unique

Que nous en salivons des yeux

Vert blanc rouge

Vert blanc rouge

Sous cette aile

Fil d’Ariane que nous suivons

Protégées

Qui nous étoffe, nous emmaillote

Nos phrases se retrouvent

Et définisse, enlumine

En une langue semblable

Notre fraternité

Vert blanc rouge

Vert blanc rouge

Et de page en page

Sont notre bannière

Goutte à goutte

Gardée sous cape

Suivre ou pas

Notre flamme

Un chemin de contrebande

Tricolore.

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VERT BLANC ROUGE


JAY FOX

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COLETTE LE VAILLA NT Pinocchio et avait descrendo plusieurs

VIA FERRATA DE L’AMOUR

zozos, fans de fusilli. Dans cette même période j’ai rencontré Jean-Pierre Gnocchi, un drôle de paroissien. Nous sommes devenus coppa comme cochons, jusqu’à ce qu’il mette amore l’arbitre. Plus tard, demandant à Antoine, mon ex :

Je me présente : Florence, née à Gênes,

« S’il vous plaît, offre-moi un rubicon ! » Il

roulant fièrement en Fiat Fiesta. Ne me

m’a rétorquée « Parmesan à ta mère, elle

dites pas que cela n’existe pas, elle a été

en connait un jambon sur la question ! ».

dûment pâte-dentée il y a quelques mois.

Notre adagio avait pourtant si bien com-

Je sais qu’il est de bon ton d’aimer

mencé ! J’aimais l’écouter chanter, tel le

l’Italie et je ne voudrais pas paraître

maestro de mon cœur, en sirotant un pro-

chianti, pourtant, je dois vous confesser,

secco. Pourtant, au-delà des trémolos sur

mi scusi, que cette nation ne me botte

biscottos, il n’était qu’une fiasco copie du

plus. Au fil de mes déconvenues, je suis

célèbre tandem soprano / voix de Puccini.

devenue antipasti, j’ai développé une

J’ai une nouvelle fois pris mes panini sous

allergie à la gomina, une hypersensibilité

le bras et je suis sortie a-capella sur la

aux « i » et tutti quanti.

pointe des pieds.

Je commencerais par vous parler de mes

Panettone plus personne que je n’ai pas

relations, qui ont parfois laissé comme

de Pô. Du Piémont, j’ai ramené un pied

un arrière-goût de morte-Adèle, voire de

bot et n’ayant pas le pied romain, j’ai aus-

peine à l’arrabiata. Certes, « Quand on est

sitôt rendu risotto et boyaux. Lors de ce

né à Gênes, il n’y a pas de plaisir ». J’ai

voyage en paparazzia fiscal, j’ai croisé

donc suivi mon ami Léonard, un devin si

d’autres concitoyens, parlant haut et fort,

beau, jusqu’au détroit de Mesrine. Il y a

qui m’ont tiré-mes-sous.

peu, j’ai appris qu’il s’appelait en réalité

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Pour autant, je ne me suis pas arrêtée sur

Ne voulant pas rester sur un échec, j’ai

cette fâcheuse expérience. Ayant l’habitu-

suivi les conseils de mon dermato-psy-

de de fuir pergola les montagnes, j’ai dès

chiatre. Je suis actuellement en séjour

lors privilégié le voyage statique. J’ai ainsi

thérapeutique à Paris, où j’ai débuté la

lu tout Harry Cotta en quelques semaines.

pratique du grana pédalo, étroitement

Mes dernières illusions se sont envolées,

encadrée par mon barista-kiné Giuseppe.

réalisant que, depuis que Cannelloni

Désormais, je suis en bonne voie pour

était au pouvoir, je ne croyais plus en

devenir une bonne pâte !

Gorgon’Allah. J’ai aussi appris que Rémus Colette Le Vaillant Jongleuse de mots Exploratrice de l’inconscient

et Romulus étaient en fait deux mafiosos inventeurs du risotto ! Quelle déception ! Adieu veaux, louves, cochons, polli !

JAY FOX

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THIERRY FAGGIANEL LI luxe. Sans Gucci, Prada, Armani, Dolce & Gabana, Valentino nous n’aurions pas découvert l’intérêt du duty-free. Et puis que seraient Venise et Rome sans les Italiens ? Francfort ou Porto. Qui sait ? Nous admirons aussi leur culture architecturale, Michel-Ange, leur cinéma extraordinaire, leur Fellini, leur Mastroianni, leur langue volubile et chantante. Cela ne nous empêche pas de nous moquer de leurs politiques populistes, leur mafia, leurs papes, leurs bateaux de croisière qui font couler Venise.

L’ITALIEN POUR TOUS Italie vs France Les Français ont toujours eu un rapport singulier avec l’Italie. Si, si. Vero. Une relation particulière faite de fascination et d’une pointe d’arrogance. Il s’y mêle à la fois un sentiment de supériorité et un complexe de classe. En gastronomie comme ailleurs. Après tout le rital, c’est connu, parle avec les mains et caresse avec la voix. D’où une certaine confusion pour nous, les enfants de Descartes. Les Italiens, eux, nous reprochent notre arrogance, Napoléon Bonaparte, sa brutalité, la pompe de Louis XIV, le vol de la Joconde, de la recette des pâtes à la carbonara, l’annexion de la Corse. Et surtout notre manque d’accent tonique.

Même si nous entretenons avec eux une familiarité gênante, les Italiens sont nos plus proches cousins en Europe. Mon nom finit en i À titre personnel, j’adore l’Italie. Mon nom est rital. Mon cœur l’est aussi. Mon patronyme signifie « petit faisan » en italien. « Faisan » en langage familier signifie truand. Je l’ai appris en m’arrêtant il y a quelques années dans une auberge à côté de Venise. Déçu d’avoir appris l’origine peu noble de mon nom, j’en suis parti sans payer l’addition. C’est pour me faire pardonner que je me suis permis de concocter ce petit lexique des célébrités pour vous permettre de vous familiariser avec elles. Les puristes y trouveront à redire.

Nous, les frenchies, nourrissons envers le latin et Jules César un ressentiment. D’abord pour les humiliations qu’il a fait subir à Vercingétorix. Et aussi pour la perte de face de nos footballeurs. Alors oui, nous envions nos amis transalpins en matière de café, d’opéra, de design automobile, d’art de vivre, de marques de

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de Vitruve et à promouvoir le travail intérimaire.

© Jay Fox - R^ve Venise.

Jules César (100 av. J.-C.) : ancêtre du Charles Des Gaules (le porte-avions). Il se proclame dictateur à vie en -44 et apprend des rudiments de maçonnerie pour bâtir un empire romain. Renversé par une pelleteuse du nom de Brutus, juste devant le Sénat. Marco Polo (1254 – 1324) : inventeur du tricot Lacoste en triple fil tissé. A existé en plusieurs tailles et en plusieurs couleurs. Marchand, ambassadeur de l’empereur Mongol, il a favorisé la pratique du tennis en terre battue jusque sur les champs de bataille.

Les personnes célèbres de Ritalie en une leçon Galilée : savant et mathématicien italien sans qui Sheila n’aurait jamais - selon Ptolémée- découvert l’étoile de berger. Pavarotti : un des plus grands ténors de sa génération et seul type capable d’arrêter un Milan San Remo à la force de sa voix et de monter huit octaves sans escalier mécanique.

Poltrone e sofa : fournisseur de psychanalystes qui ne s’imposaient pas dans cette liste Cristoforo Colombo (1451 – 1506) : aidé par le célèbre inspecteur à l’imper, il découvrit au bout de 170 épisodes de galère que l’Inde n’était pas l’Amérique et que mon KFC, ce n’est pas du poulet. Le premier à traverser l’Atlantique avant Olivier de Kersauson.

Léonardo dit Vinci : fils italien du célèbre autoroutier français. A inventé le drone, le fil à couper le beurre, la tour penchée de Pise, l’imprimante 3D, le chat perché. A contribué à rendre célèbre l’homme

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Dante Alighieri (1265 – 1321) : écrivain florentin. Connu pour avoir répondu à Jean-Paul Sartre : « – l’enfer c’est moi, p… pas les autres ! ». A lancé un premier cycle de comédie dramatique italienne bien avant le voleur de bicyclette.


THIERRY FAGGIANEL LI Garibaldi (1807 1882) : styliste politique qui réhabilita le port de la chemise rouge même en été.

Botticelli, cette sabine moderne fut enlevée par un français et obligée de tourner dans un film de Gaspard Noé. Élue plus belle femme du monde en 2 032.

Ferrari : inventa une bagnole à l’usage exclusif des dieux et des vieillards assez souples pour pouvoir s’introduire dans l’habitacle et aller chercher leur « petite-fille » au lycée. Toute sa vie, il fit la promotion du rouge baiser.

Ti amo : chanson à succès d’Umberto Tozzi presque aussi célèbre que Mi a mi pour un Cubain Andrea Bocelli : il était une fois un aveugle qui s’était perdu, dans la rue. Sur la voie publique, un agent à la voix suave lui demanda s’il comptait rester là longtemps, à faire la manche. Andrea répondit spontanément « non, con te partire » qui devint aussitôt un succès planétaire.

Benito Mussolini : personnage autocratique aimant les voyages en Libye, les uniformes cintrés et le bel canto. Vécut, diton, aux crochets de la république jusqu’à sa mort, assez peu accidentelle.

Berlusconi : promoteur du style leste dit « Bonga bonga ». Son ascension fut aussi fulgurante que sa conception de la culture archaïque. À la télé, il fit preuve de beaucoup de variétés, en politique de longévité. Devint sur le tard une sorte de papa gâteau très apprécié des enfants et des veuves de guerre.

Francesco totti : footballeur célèbre qui libéra la Roma (l’arôma) encore mieux qu’une bonne torréfaction. Laurent de Médicis (1449 – 1492) : inventeur du sponsoring de marque cinq siècles avant l’invention du L’Oréal. La Chiccolina : députée italienne et femme du pape du kitch, elle eut le privilège de faire rentrer Jeff Koons à poil au Vatican.

Don Giovanni : on dit dans le célèbre « air du catalogue » de l’opéra de Mozart que Don Juan eût, au bas mot 640 meufs en Italie, 231 en Allemagne, en Turquie

Monica Bellucci : programmée pour remplacer au pied levé l’Aphrodite de

« Depuis que j’ai écrit le nom de la rose, je n’ose plus me mouiller les doigts avant de tourner les pages d’un bouquin. » U. Ecco

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91, en France 100, en Espagne 1003. Pas un mot sur les asiatiques, désolé Yann Moix. Qu’il séduisît des paysannes, des femmes de chambre, des baronnes, des femmes de tous rangs, de tous âges, mais que sa passion « prédominante » était la jeune débutante. Peu importe qu’elle soit laide ou bien canon pourvu qu’elle porte jupe et qu’il la possède. On dit qu’il a inspiré un certain Rocco S., qui n’eut pas plus que lui, une once de sensibilité. Qu’il fut aussi à l’origine du mouvement #metoo en 1770 qui envoya la statue du commandeur régler, une bonne fois pour toutes, son compte à ce butor. À titre personnel, je conclurai sur Don Gio et sa course à

l’abîme en disant comme le danois Kierkegaard : qu’est-ce que ce mec qui ne désire que des commencements mais qu’est-ce qu’un commencement qui ne commence aucune histoire ? Je voudrais enfin signaler avant de terminer cet article que même en langue des signes, les gestes doivent être accentués en italien. Sinon, la bohème de Puccini n’a pas été écrite par Charles Aznavour mais bien par Monsieur Puccini qui n’était pas arménien et dont la femme, à ce qu’il se dit, ne posait pas nue. Thierry Faggianelli - janvier 2020

* une statue de commandeuse serait à l’étude.

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© Jay Fox - R^ve Venise.

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YVES NIQU IL Mais cette nuit-là m’attend, en bas des

FUGUE BASILICALE

marches, mon basilic. Vous savez, cette bête légendaire ! D’après certaines légendes populaires, son regard serait mortel. Fadaises ! Le basilic, au contraire, a un regard très doux, bien qu’un peu espiègle. Son regard me rappelle celui d’un

Une nuit d’insomnie, je descends dans ma

gamin des rues de Piacenza que j’avais

cave. Il faut vous dire, pour ceux qui ne

envoyé faire des courses à la pasticce-

me connaissent pas, que j’y ai construit

ria locale. D’habitude, mon basilic dort

un igloo à la façon de Brunelleschi : diffi-

tranquillement dans sa cage, mais la bête

cile d’imiter le maître italien, mais la glace

étant très intelligente, elle a conçu et

s’y prête plutôt bien, d’autant plus que je n’ai pas hésité à utiliser d’autres ingré-

réussi son évasion.

dients, et en particulier du fromage : les

Comment récupérer Fulvio, le basilic ?

oculi, par exemple, sont en grana padano.

Vous avais-je dit, au fait, qu’il s’appelle

Pour maintenir la température de l’igloo

Fulvio ? Je prends mon fouet pour le me-

en dessous de zéro degrés Celsius, j’ai

nacer de l’utiliser s’il ne rentre pas dans

transformé ma cave en chambre froide,

sa cage. Mais Fulvio sait que je suis très

grâce à un système cryogénique indus-

gentil, et que je ne le frapperai pas. Il

triel acheté sur leboncoin. Vous trouvez

me contourne – je suis, de façon légen-

cela ridicule ? Attendez ! Comme je suis

daire, aussi grassouillet et lent qu’une

écolo dans l’âme, je me suis dit que ce

enclume – il monte l’escalier, entre dans

système devait atteindre la neutralité car-

le garage, saute sur ma Vespa, le sacri-

bone. Ce qui m’oblige à pédaler, pour

pant ! Je ne savais pas qu’il savait piloter

alimenter le système cryogénique grâce

ce genre d’engin.

une dynamo. Et quand pourrais-je pédaler, si ce n’est la nuit ?

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La clé du scooter est dans ma poche,

qu’à sang froid, est un animal typique-

me dis-je avec soulagement. Mais j’ai

ment italien. Je pense alors à ce que me

certainement sous-estimé les talents de

répète souvent mon demi-frère : dans la

Fulvio le basilic. Il sort de je ne sais où

vie, tout n’est pas rose. Je retourne, du

un tournevis, trifouille un je ne sais quoi

coup, à mon groupe électrogène : si je

sur le tableau de bord de la Vespa, et

ne pédale pas, mon igloo à la façon de

hop cela démarre, et voilà que Fulvio est

Brunelleschi fondra, et ma cave sentira le

parti… Au bout de la rue, il tourne avenue

grana padano, sans doute pour des an-

de l’Opéra. Comment le rattraper ? Je me

nées. Et puis, je me dis, il y a des chances

souviens alors que j’avais récemment re-

qu’après sa fugue amoureuse Fulvio re-

fusé à Fulvio l’achat d’une basilique avec

vienne, il n’est pas malheureux ici. On m’a

laquelle il voulait s’accoupler. Le dépit

dit qu’il y avait une basilique du côté de

amoureux explique tout, et Fulvio, bien

Saint-Denis. Yves Niquil - janvier 2020

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© Trast Castle - Rijeka - Croatia - Basilisk

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raoul Harivo ie logo-rallye

MOTS IMPOSÉS Igloo • Grana padano • Insomnie • Ridicule • Pédaler Non, ma petite amie au nez n’a pas d’anneau Elle habite un igloo à loyer modéré Et consomme en secret du Grana Padano (Spécial pour insomnies et ceintures dorées) Je la vois pédaler sans être ridicule De Paris à Milan pour acheter des mules

MOTS IMPOSÉS Vidéo • Tendre • Ours polaire • Jupe • Balancer Les fouets ont dévoré la moitié de l’Italie. Pour se protéger des enclumes, les tendres koalas - j’ai vu une vidéo, c’est terrible ! - se réfugient sur les Vespa abandonnés par les garçons grassouillets. Plus personne ne pilote quoi que ce soit. Les ours polaires se saoulent de jupes volées aux gondoliers. Les oiseaux balancent les dealers dans la sortie de secours.

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JAY FOX

RÊVE VENISE

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BERTRAND BOULANG ER « Il y a un hic, nous outrepassons l’Italie » Proverbe anonyme

Celles qui nous font des gros nez rouges ou bleus de chameau rigolo, si l’on s’en approche trop. À l’inverse & à son rythme, alors que nous, les terriens-vagues d’avant les clôtures, nous arrivions à pas feutrés, cet arbuste étonnant des forêts anonymes, s’est éloigné tendrement de nous. Il a mis les bouts et s’appelle, oui, je n’en parle pas au passé, il n’est plus ici, certes, mais il en existe encore un quelque part, c’est évident. Je le vois encore mieux, lorsque je ferme les yeux. On ne peut pas le rater, il est seul au monde. Il s’appelle le Palettuvie.

LE PALLETUVIE DANS SON MOUVEMENT DE VOIS & VIENS « Il y a très longtemps de cela, les sapins de salon étaient décorés avec des pommes afin de refouler par dessous l’paillasson, les mauvais esprits d’la maison. Bon. Puis vint une période où les boules furent confectionnées en verre soufflé que l’on trempait dans le mercure, mais pour cela, il fallait ramasser le mercure à la fourche, et c’était très long, et on s’en fichait partout… Vous connaissez la suite. Par contre, ce que vous ignorez sans doute, c’est que bien avant les pommes, et même bien avant les sapins, il existait sur Terre, et dans le massif du Mercantour-Argentera situé à cheval entre les Alpes & le Piémont, pour être plus précis, un arbre dont les fruits ressemblaient à s’y méprendre à nos boules d’aujourd’hui.

Ainsi, parmi la foule de ses extravagantes particularités, c’est encore sa manière de se déplacer dans l’espace infini des mangroves ancestrales qui est la plus époustouflante, époustoufleurissante, aurais-je encore envie de dire. En effet, lorsque la saison lui tintinnabule dans le creux de la feuille qu’arrive le bon moment, il s’orne de quelques fruits tout ronds qui finiront par s’ouvrir délicatement, par le dessus, telles des énormes figues joufflues ou des étoiles-de-mer en confiance et en 5 parties égales.

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C’est là que le marsupial mercantouristique des montagnes An-himalayennes, qu’on pourrait aisément confondre avec un gros Hamster oursonné ou un petit ourson hamstérisé, intervient. Surnommé Wombat pour des raisons encore obscures, puisque sa familiarité avec les femelles chauves-souris même retournées, n’a pas encore été prouvée : WomBat, Bat-Wom en diminutif de Bat-Women semblant un tantinet fantaisiste, bien que l’ouverture de la poche ventrale de ce petit herbivore fouisseur soit elle aussi dirigée vers le bas. C’est sur, si sa poche était vers le haut, elle se remplirait vite de terre. Bon, Méfions-nous des amalgames hâtifs ! Et retournons à notre enquête... Que fais donc de si intéressant le fruit grand ouvert du Palletuvie. Et bien, Il laisse apparaitre à l’intérieur de ces 5 pétales solides et creux 5 petits récipients ronds contenant chacun un grand nombre

De plus, au bout de chacune de ses branches, apparaissent ça et là, de magnifiques petits bourgeons si duveteux qu’on les confondrait facilement avec de magnifiques pinceaux. Cette saison de radieuses naissances se nomme tout simplement le Printtemps, mais le printtemps avec deux t. Pourquoi avec deux t ? c’est limpide et en voilà la raison avec un r : Print signifiant imprimer et temps étant le diminutif pluriel de températures, (ratures n’étant ici qu’une subtile évocation envers le brouillon naturel de la vie, des essais dans la marge, que Paul Klee mentionnait à sa manière, dans son fameux adage : « Ce que je fais m’apprend ce que je cherche »). Donc, autrement dit : au moment ou la température indique qu’il est bientôt l’heure d’imprimer... Ouï, mais imprimer quoi, où et comment ?

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BERTRAND BOULANG ER Complétant ainsi la partie manquante de cet intrigant puzzle de pleine lune : C’est ça, foulmouner. C’est doux & plein d’espoir. L’inverse c’est fulminer, se perdre en colère de foudre, exploser, s’éparpiller. Mais là, ce n’est pas le cas du tout, c’est même l’exact contraire puisque désormais, entre eux, un chantier pictural aussi participatif que décisif pourra alors commencé. Ils se mettront donc, ensemble, à déposer des graines au sol, de manière harmonieuse et colorée. Ils peindront de concert, en confiance réciproque, attentive, un motif représentant l’amour de la vie. Ici, pas de thèmes imposés : Mandala vaudou, Cubisme, Pointillisme, Van-Goghisme, Surdadaïsme, tout est possible ! Ce qui comptera le plus résidera dans leur manière d’observer et de composer avec la sensibilité de l’autre, sans tirer la couverture à soi, une œuvre éphémère (effet-mère : qui donne la vie) ou pas. La roue du paon fier ou le brame du cerf criard en prennent un sacré coup dans la carlingue ! (En cas de mésentente, avec 4 e minuscule, il y aura simplement abandon du projet commun, et les participants sur la mauvaise pente, se verront juste contraint de remettre les graines à leurs places, ce qui est un minimum, merci d’avance). En cas d’entente et une fois le « tableau » considéré comme accompli et satisfai-

de petites graines vivement colorées. 5 couleurs y sont donc représentées : Le vert, le bleu, le jaune, le rose et l’orange. Voilà d’où surgit son joli nom, de palette, c’est comme un planche à pain sans pain et espérons-le, sans croûtes, qui aurait pondu des œufs avec lesquelles on pourrait aisément faire une omelette arc-enciel. Cet ustensile étant aussi fort apprécié des caristes aux dents blanches et, juste pour la rime, des peintres du dimanche. Le Wombat mâle, à la saison des amourS (avec un petit a et un grand S ) grimpera dans l’arbre à l’aide de ses griffes si pointues qu’on pourrait croire qu’il les a emprunté à un tigre caché dans un rosier. Il ira instinctivement coller sur le bout de sa langue, quelques graines de couleur jaune. Ensuite, il les déposera très minutieusement au sol en forme de demi-lune, puis attendra au pied de l’arbre qu’une Wombat femelle arrive. La vision de cette demi-lune lui indiquant qu’elle est libre de « foulmouner ». Autrement dit de grimper à l’arbre, de poser la pointe de sa langue dans le rond jaune, comme on goute l’eau d’un lac matinal avec le bout du doigt-de-pied, d’en redescendre, griffe au tronc marche-arrière et de déposer, à son tour, les fameuses graines juste à coté, en demi-cercle.

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sant pour chacun-chacune. Les deux nouveaux complices l’encadreront alors de leur célèbre petite crotte carrée. Si fameusement carrée que même l’astéroïde nommé vulgairement 6827 aux formes certes vaguement quadrilatérales, porte à présent le nom percussif et soufflant de Wombat… Mais chut ! Libérons l’espace à présent car nos deux peintres d’Amour, avec grand A Singulier vont se rendre au cœur de leur l’ouvrage pour se laisser glisser sur les pentes lumineuses et croustillantes du droit de reproduction.

d’amour, jaune que l’or n’a pas corrompu, prenant alors de nouvelles racines, un nouveau départ ? C’est peut-être ça partir en Italique ? Et c’est ainsi que le Palettuvie, dans son mouvement de vois & viens, a avancé, délicatement, picturalement, jusqu’à disparaitre de notre champ de vision mais aussi que s’achève cette histoire, ce conte, mon premier conte d’après noël. Et depuis, évidemment, les Wombats eurent beaucoup d’enfants, mais déposent simplement, à présent, leurs crottes carrées n’importe où.

Cette œuvre réjouissante en humus onirique, déposée là, au pied de l’arbre se mettra à émettre, millimètre à millimètre, une attraction incontournable vers la branche bourgeonnée située un peu plus haut. Elle, dont l’extrémité se finit en délicat pinceau. Elle, qui achèvera sa course en plongeant à l’endroit exact du tableau de la lune jaune, jaune paille, paille de nid

P.-S. : On raconte, dans certains ateliers de Typographie fantasque Rhônalpin, que Francesco Griffo dit « le grand escogriffe bolognais » aurait eu l’idée le 8 août 1499, aux alentours de 15h30, de créer cette police à œil penché, après avoir fait une sieste torticollante sous un Pallétuvien… Bertrand Boulanger

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ANNE JOS SE

RIEN À SIGNALER C’est un coin sauvage d’Italie à deux heures de Milan. Cessole se situe dans la province d’Asti, dans la région du Piémont. Moins de 500 habitants y vivent toute l’année. Le chiffre ne change guère en période estivale. Tandis que le reste de la botte italienne est en surchauffe l’été, avec ses verrues de touristes entassés sur des plages surpeuplées et dans des « spots » multi-instagrammés, le hameau semble oublié des circuits touristiques. Et c’est tant mieux. Trop près de la frontière, trop éloigné de la mer, trop simple avec ses maisons aux façades usées, son unique boulangerie et son église sans intérêt, il tient le juilletiste et l’aoûtien à l’écart. Si d’aventure vous aperceviez sur la route un panneau indiquant la sortie Cessole, n’oubliez pas de passer votre chemin…

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ANNE JOS SE

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ANNE JOS SE

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ANNE JOS SE 2 recettes de mon ami Antonino, fin cuisinier amateur, bon vivant, généreux comme ces plats ! Les quantités sont approximatives. Elles se font à l’instinct. Pas de chiffres précis : à vous d’interpréter le « bien », la « bonne dose », le « chaud », le « un peu » qui servent ici de mesure. Si vous le faites avec le cœur, ce sera forcément bon. Régalez-vous !

PASTA RICOTTA • Réchauffer la ricotta avec un petit peu de lait : la consistance doit être proche d’une sauce blanche épaisse. • Ajouter une dose d’huile • Bien saler et poivrer • Ajouter du basilic frais • Façon sicilienne, ajouter un peu de cannelle (optionnel) • Mélanger à vos pâtes

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ANNE JOS SE POULET À L’ITALIENNE • Sur une plaque qui va au four, découper en morceaux un poulet entier • Y ajouter de grosses pommes de terre (avec peau), coupées en 4 dans la longueur •1 poivron vert et 1 poivron rouge coupés grossièrement eux aussi dans le sens de la longueur • Saler, poivrer •A jouter thym, romarin, 2 ou 3 tomates en tranches disposées en quinconce • Ajouter de l’ail en chemise (en gardant la peau) • Arroser d’huile d’olive • Cuire à four chaud •D ans les dernières minutes, mettre sur le gril en faisant attention que ça ne noircisse pas

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© Anne Josse pour toutes les photos de l’article.

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JEAN-MARC COU VÉ De Venise à Florence, en passant par l’enfance...

dans cette appellation, je retrouve, aussi, un peu de mon enfance ; de mes aïeux. Mon grand-père maternel, d’une famille de six enfants, était le fils d’un immigré (ou migrant, comme on ne disait pas encore, à l’époque) ; venu de sa Vénétie natale, il aborda un autre point de la méditerranée pour s’installer à Paris, via Marseille. Il fuyait, peut-être, quelques graves difficultés économiques ? Ma mère, interrogée, n’en sait rien… De son père, Charles, elle a hérité le patronyme : Pavanello. Divorcée d’un dénommé C…, il y a 50 ans, elle porte depuis, et de nouveau, ce nom fort doux à mon oreille : Pavane-hello !

...BERCEAU DE NOTRE CULTURE : L’ITALIE Pourquoi se limiter, quand un pays représente plus que sa dimension historique ou géographique ? Aucun pays ne devrait être réduit à ses frontières… I TA LI A (en italien : deux « i », deux « a ») est un nom qui chante à mon oreille ; un vocable enchanteur, s’il en fut ! Puisque,

Cimetero e Murano (2006)

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Apparition florentine (2015) cadère de cette bourgade située au nord de Venise. Une émotion renforcée par ce que j’avais cru entendre, comprendre dans les récits des adultes ; récits attrapés au vol durant mon enfance de banlieusard. Émotion, oui ! Car, pour tous les enfants ou petits-enfants, voire arrière-petits-enfants de ceux que les nationalistes nomment, non sans mépris, « des étrangers », les racines arrachées par leurs ancêtres, puis replantées imparfaitement ailleurs, laissent des lézardes discrètes, toute une vie. Autant de microfissures qui se transmettent, j’en suis sûr, même si ce n’est qu’inconsciemment.

En 2006, lorsque je me rendis, pour la première fois de ma vie, à l’âge déjà avancé de cinquante ans, en Vénétie, je voulus – partant de Venise en vaporetto – me rendre à Murano, afin d’humer l’air de cette ville d’où partit mon susmentionné arrièregrand-père. Je doute que ce qui fut entr’aperçu ait eu, encore, ne serait-ce qu’un petit peu en commun avec ce que le dit aïeul en avait connu, un siècle plus tôt ! Mais, me remémorant ce voyage, en aucun cas effectué par goût du pèlerinage « aux racines », je me souviens très nettement, encore aujourd’hui, de mon émotion au moment où je posais le pied sur le débar-

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JEAN-MARC COU VÉ par un « écrivain », est périlleuse ! Surtout si, comme moi, vous vouez une admiration sans borne (quoi que raisonnée) à un autre écrivain, le premier « touriste », l’un des plus « grands » à mes yeux, mais aussi pour beaucoup d’autres personnes, que l’on ne peut disqualifier aisément. Cet homme « de plume » (au sens propre, à l’époque) vécut il y a deux siècles. Il voyagea, très jeune, suivant Napoléon en Italie, lorsque ce mot ne désignait pas encore un pays unifié. Auteur d’un journal intime, d’essais, de romans, il nous a laissé des (milliers de) pages détaillées de ses pérégrinations. Sa sensibilité exacerbée a même permis à la médecine de nommer un syndrome en l’affublant de son pseudonyme : Stendhal. Oui, c’est bien de lui qu’il s’agit ; le Stendhal de La chartreuse de Parme, film prodigieux de Christian-Jacques, avec Gérard Philipe ; je viens de le revoir : c’est un chef d’œuvre. Connu aussi sous le nom de Henri Beyle, comme l’appellent affectueusement les beylistes (à ne pas confondre avec les bellicistes !). Et puis, nous autres français, pour peu que nous ayons pris goût, comme ce fut mon cas, tout jeune, à notre langue natale, nous savons bien ce que la langue de Stendhal doit au voisin du SudEst, non ? Hé, oui : le français, langue latine, puise ses racines dans l’antiquité gréco-romaine.

Alors, Venezia. Murano. Plus tard, Firenze, en italien : tous ces noms sonnent / résonnent en moi, parce qu’ils sont plus que de simples noms. Ils me renvoient à une histoire familiale aux nombreuses ramifications… Avant ces deux voyages, d’une durée suffisante pour que cela me permît de bien m’imprégner des lieux, des langues, des coutumes, etc., il y eut bien quelques brefs séjours en territoire transalpin : Bologne et Trieste croisées sur la route qui nous mena, des amis et moi, de Paris en Grèce, en 1980. Ou, encore, la frontière franchie, à Vintimille, il y a environ six ans, tandis que je fuyais quelque mortelle amour, dans l’espoir (un brin naïf) de soigner le mâl’ par le mal qui, en tout homme, s’il n’y prend garde… parle mal ! Ces quatre incursions, en 35 ans, ne peuvent donner qu’une petite idée (peu de choses, en somme, vous en conviendrez) d’un territoire si riche de culture… et qu’il soit en forme de botte me botte fort ! L’Italie, pays jeune, à l’histoire – au moins depuis l’Antiquité – déjà si pesante, saturée de sang, sans oublier ses ma-fias ; terre imbibée de larmes, l’Italie, composée de tant de régions, d’îles, d’enclaves [sans parler du papa ni du Vatican], c’est un nom qui, lui aussi, est chargé d’émotion. Et comment rendre compte de celle-ci avec de simples mots, signes ou codes ? L’entreprise, fusse-t-elle menée

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Venise vue d’un pont (esquisse)

don, ce sont d’es-sentielles « racines » que nous avons TOUS perdues. Or, pour qui, comme moi (et bien que je n’aie fait de latin, à la Fac, que peu et fort tard), trouve que la science étymologique est un éclairage formidable qui ne se soucie guère des pouvoirs, pas plus que des églises, connaître ne serait-ce que quelques notions du latin, c’est pouvoir se mouvoir plus aisément parmi les sousidiomes que sont lexiques juridique, médical, biologique, etc. Stendhal, lui, était fou amoureux de l’Italie, sa voisine immédiate, il est vrai, puisqu’il naquit et grandit à Grenoble.

Tiens, tiens : voici encore les fameuses « racines », déjà évoquées ! Racine – si vous me permettez ce jeu de mot – fut un autre écrivain qui emprunta beaucoup au latin. Comme la plupart des écrivains de langue française qui devaient « faire leurs humanités », et ce jusqu’au début du XXe siècle. Le latin, alors (comme le grec), se devait d’être enseigné aux scriptes, aux greffiers, aux clercs – bref : à tous ceux dont le métier exigeait de maîtriser la langue écrite. Dommage que, quelques réformes scolaires plus tard, le latin ni le grec ne soient plus transmis qu’en option de peu de « prestige ». Puisque, nos politiques entérinant l’aban-

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JEAN-MARC COU VÉ protéiforme : aux Offices de Florence, j’ai pu admirer telle « Annonciation » de Léonardo, œuvre réalisée de façon si parfai-te, si lumineuse, qu’elle m’a (presque) donné envie d’y « croire » ! - Pensez à Ungaretti, auteur, à ma connaissance, du plus court poème jamais écrit : « M’illumino d’immenso » ! - On peut encore citer Mastroianni, Benigni, Tognazzi, acteurs ; et, côté odore di femina : Virna Lisi, Bellucci ou LA Magnani. - En poursuivant dans le ni/ni, s’impose à mon esprit la formule attribuée à César et vieille, donc, de plus de deux mille ans : « Veni, vidi, vici ». - Dans un autre genre, on peut mentionner le sieur Agnelli, fondateur du groupe Fiat – autre Empire ! - Et, dans un domaine plus terre à terre que militaire, côté cuisine, outre les spaghetti, citons les cannelloni, les antipasti et autre salami – hi, hi, hi !

H B pour Stendhal

En italien, comme tout le monde peut le constater, substantifs et noms propres se terminent souvent par la voyelle « i ». - Pensez à Da Vinci, l’immense créateur

Ponte Priuli 72


Grand canal (Venise) chose avec les noms de lieux : Brindisi, Capri, Napoli, Rimini, Stromboli, Mille Baci, Ferrari : cherchez l’intrus ! La liste est infinie… Nous pouvons la clore par une pensée pour Vespucci (Amerigo) qui donna, malgré lui, son (pré)nom aux trois Amériques. Que cosi ? Stronzi ! Mozart versus Sallieri ? E pericoloso sporgersi ! Et tutti quanti…

Cet inventaire à la Prévert, quoi que non exhaustif, vous a un petit air dopé ras/d’opéras, ou de libretti. Voire de comédie… italienne ! Modus operandi ? Italie rime alors avec ironie, bien mieux qu’avec M…ni, B…ni ou S…ni. En italiques, la langue du bel canto et de Branduardi prend un petit air penché, à l’image de la tour de Pisa… à ne pas confondre avec une pizza ! Pour les amateurs de jeux littéraires : on peut partir du nom italien (Italia) qui fi-nit en « a », et composer un autre texte, pour, en attendant…, sur le même modèle, remplacer les noms en « i » par d’autres, en « a » – na ! En immersion dans ce sujet, les noms en « i » se bousculent dans mon hippocampe ou nid mental : Bellini, Collodi, Leopardi, Puccini, Vivaldi… C’est un peu la même

Nota bene : Ce texte fut écrit sans recourir à aucune fiche ; sans i-phone (je m’en passe) ; sans internet – ces tocades faussement modernes et, en réalité, ces vraies paresses qui aliénent notre mémoire [autant la réflexion originale que le sens critique] aux big data ! Jean-Marc Couvé (09-12/12/2019)

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Dragoljub Mitrov ić

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OLIVIER ISSAUr at moiselle n’était pas seule, les cousines s’étaient démultipliées à ravir. L’après-midi, gavés de pâtes à la tomate et de civet de lièvre aux olives le tout agrémenté de verres de vin, nous avions devisé sur l’organisation de la soirée. Il fallait un lieu, dans le coin, il n’y avait que ça. Et des bouteilles de chianti. Le cellier en regorgeait, ça tombait à pic.

LEVER DE RIDEAU Nous étions cinq jeunes fous partis pour découvrir l’Europe. L’un de nous, d’origine italienne nous avait poussés jusqu’au berceau familial. Près de Pise. La tour qui penche nous avait laissés indifférents. Finalement, elle ne penchait pas tant que ça. Nous étions passés par Venise et sa place Saint-Marc. Dans l’écoulement sans fin du flot de touristes, nous avions croisé Super Man. Un homme d’une bonne quarantaine, bedonnant à souhait, circulant en patin à roulettes avec sa cape rouge et un grand S au-dessus du bidon. Au petit matin, les carabiniers avaient chassé à coup de bottes les dormeurs dont nous étions. Un accueil chaleureux à souhait, un restant de l’époque mussolinienne je suppose. Mais le fait est qu’à force d’avoir usé notre carte Interail, nous étions arrivés jusqu’à Pise. En fin d’après-midi nous avions rendez-vous dans un petit village de l’arrière-pays, pour rencontrer la famille de notre ami. Et sa cousine. Dans mon souvenir, il me semble que nous étions tous plus enclins à découvrir cette cousine plutôt que l’arrière-pays de quoi que ce soit. Qui plus est, la de-

Peut-être était-ce une maison comme on en découvre en pays méditerranéen. Il me semble maintenant qu’il y avait une cour pavée dans laquelle nous nous étions attablés à l’ombre d’une vigne qui courait sur une treille. Ou bien était-ce sur une terrasse abritée d’un grand drap que l’on avait tendu à l’aide de cordelettes. Ce devait être en bordure de route, de la route principale je veux dire. Oui, car nous n’avions pas marché longtemps pour pénétrer dans cette demeure de paysans italiens. De pauvres gens qui avaient le cœur sur la main. Ils nous auraient donné ce qu’ils n’avaient pas. Mais la jeunesse ne remarque pas ce genre de chose, surtout lorsqu’elle est gavée de lapin et d’olives. Le soleil et la chaleur n’autorisaient qu’une sieste à l’ombre des oliviers. Y avait-il seulement des oliviers ? Ou bien était-ce des troènes ? Peut-être un pin. L’après-midi avait fini par s’étioler tout doucement et

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la moiteur avait remplacé un air sec et brûlant. Ce sont les filles qui étaient venues nous sortir de notre torpeur. Ou alors cette cousine que l’ennui avait exaspérée. Quatre jeunes garçons, que la puberté exacerbait ne pouvaient qu’exciter le désir. Un oncle, ou bien était-ce un grand-père ? Un homme, en tous les cas… ou bien notre ami qui connaissait la région, proposa de voir le lever du soleil sur le mont machin. Je dis machin car la mémoire est un outil étonnant qui sait emmagasiner les informations essentielles, comme les parfums délicats que portent les filles, les saveurs

qui émanent du maquis. Mémoire qui sait, de la même façon, effacer ces souvenirs encombrants qui s’accumuleraient comme de vieilles affaires dans un grenier. Ainsi en va-t-il du nom de cette montagne, petite montagne me semble-t-il. A peine un dôme dominant la vallée. Le silence du soir étouffait le cri assourdissant des grillons grisés par la sève de la vie. Les filles marchaient derrière et nous devant, fiers comme ces guerriers romains partant affronter les Sabins. Nous parlions fortement, s’adressant à l’un ou à l’autre

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LABORATOIRE DE RECHERCHES CRÉATIVES

© Jay Fox - R^ve Venise.

J’ATTENDS LE NUMÉRO 57


OLIVIER ISSAUr at comme s’il était au bout du vallon. Tous regrettant de n’avoir pas en tête cette langue chantante qui puise ses origines du côté de l’Etrurie. La fatigue aidant, ou bien le calme agréable de la douceur forestière, nous étions devenus moins bavards. Les filles s’étaient jointes à nous. Plus haut nous aurions dû chahuter ces belles, mais le courage qui fait la force des guerriers n’est en rien identique à celui qui permet d’affronter les désirs féminins. Au lieu de cela, nous avions débouché une bouteille. Pensant à l’orgie qui nous attendait, nous avions appelé l’ivresse.

pas s’étaient mêlés à nos jeux de beuveries. Le chianti est riche en alcool, c’est un vin que frappe durement l’esprit là où il est le plus faible. Je crois me souvenir que ces italiens étaient plus âgés que nous. Ils trempaient à peine leurs lèvres pendant que nous faisions ceux que l’alcool n’effraie pas. Nous étions trop jeunes et insouciants pour savoir les méfaits de ces boissons qui font mauvais ménage avec l’amour. Bacchus, cousin de Dionysos, a dû bien rire de nous en voyant le méchant tour qu’il nous avait joué. La nuit fut agitée pour certains, éparpillés dans l’herbe au gré des aigreurs qui remontaient de l’estomac. Je suis le seul à être resté éveillé jusqu’à l’aube et le soleil m’offrit, je crois en guise de consolation, un spectacle d’une rare beauté. Un embrasement de l’horizon que diffractait la rosée fraîchement déposée. Je veux ici, encore une fois, rendre hommage à ce spectacle, moi pauvre imbécile, que le vin commençait à peine à apprivoiser. Il me semble que maintenant, plus âgé de beaucoup, j’ai appris à craindre ce vin italien, et aussi qu’il faut, des mobylettes se méfier. Mais il est un peu tard pour tirer profit de cette leçon. Les leçons sont bonnes quand on les comprend vite. Peut-être que ce soleil aurait mieux fait de me brûler la rétine.

Assis autour d’une immense nappe à carreaux, nous avions sorti les victuailles. Un poulet frit que le midi nous avions repoussé poliment tellement le ventre était tendu. Une belle miche de pain agrémenté d’un pâté divin. Et deux ou trois énormes bouteilles de Chianti. Tous, filles comprises, avions bu, faisant circuler les goulots de bouche en bouche. Les filles riaient hardiment. Nous, nous faisions les fiers à bras, nous attrapant, roulant dans la pierraille et l’herbe grillée par le soleil. Boire devint une ritournelle qui se suffisait à elle-même. Quand les filles étaient-elles donc parties ? Il me semble que ce fut en début de soirée. Lorsque les mobylettes avaient surgi. Des italiens que le vin n’intéressait

FINE

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J’ATTENDS LE NUMÉRO 57

VOLEUR DE MÉCANIQUE

Une brume ensevelie

Je cours à perdre haleine

Une route longue et sinueuse

Car sans cesse je te chercherai

Le pas qui marque, et qui dessine.

Pour te rendre ta bicyclette.

Une âme oubliée

Je pleure dans les dédales

Trop loin de toi

De la Plaza Vittorio

Le Colisée qui lie le cœur qui bat.

Sans cesse, jusqu’à laisser mon âme

Une jolie moisson

Comme un enfant si petit, si petit.

Dans tes collines

Par un sourire mécanique

Le blé ensommeillé qui attend la faucille.

On a changé mon rêve

La foule qui bat le pavé

En échancreur maléfique.

Le pont empierré

Je cours à perdre haleine

Un mur noir que déchire un soupirail.

Je cours jusqu’à la nuit

L’eau qui reflue

Ridicule, je le sais bien !

La vague langoureuse

Perdu parmi tes frères

Qui vient et repart. Qu’emporte-t-elle ?

Ouvriers comme toi

La mer jalouse

Si faible et si miséreux

Bordant la terre

Pauvre rêveur d’un monde meilleur

Du levant au couchant, sur l’autre rivage.

Tu t’es résigné à n’être plus

La plage sage

Qu’un voleur, un voleur de bicyclette.

Le sable blond

Et moi qui cours à perdre haleine

S’emparent et soupirent, te portent et t’emportent.

Et moi qui crève et prie encore

Italie tu es tout cela

Pauvre petit père

Tu es la vie et la sève

Que le peuple lui-même

De ce monde ensommeillé que va l’amble.

A jeté à terre.

Pour ce souvenir de toi

Le paillage dans la treille Le rêve d’un sourire L’avers de la mort qui enjoint l’espoir. Tu es la faiblesse De cette marquise Qui osa l’amour d’une déesse. 79

LABORATOIRE DE RECHERCHES CRÉATIVES

ITALIE


J’ATTENDS LE NUMÉRO 57

EVVIVA ITALIA!


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