TRIMESTRE 2022
LABORATOIRE DE RECHERCHES CRÉATIVES
LE JAUNE HISSE ! ET HAUT !
«
C’est jaune et ça ne sépia » rabâche le plasticien âgé désabusé, en sirotant son petit jaune quotidien à la terrasse du café voisin avec ses vieux copains devant ces jeunes rapins qui se croient les artistes de demain. C’est que s’il est bien que la jeunesse ait les bons chromosomes, il ne faudrait pas qu’elle s’en prenne au jaune de chrome sous prétexte, pauvre logique, qu’il ne serait pas écologique. De même, il serait bien dommage, qu’en son jeune âge, elle s’engouffre dans le gouffre du jaune de soufre qui s’ouvre devant ses pieds inexpérimentés, ni qu’elle cavale après le jaune pâle parce qu’il l’emballe. Bien sûr, on pourrait choisir le jaune pastel pour elle, mais il serait sans doute plus rigolo de privilégier le jaune fluo qui la porterait au plus haut en évitant, parce que ce n’est pas très joli, ni très marrant, qu’elle tombe imprudemment dans des abus mal définis de jaune kaki !! Ne pas croire non plus que le jaune de Naples plairait plus aux Baltes courageux qu’aux Italiens valeureux ni qu’avec le jaune de cadmium on pourrait donner son maximum ou bien même que si le jaune indien vaut mieux que deux tu l’auras, le fada, il nous ferait un bien fou, le chelou ! Il ne faudrait pas penser non plus que, malgré son nom, il serait super bon le jaune citron, car si on le choisit parce qu’on sait que le citron pète et qu’on trouve l’acidité du citron bonne, ce n’est pas ce qui donnera la certitude d’éviter la platitude si on le confond avec le citron blond !
Mais il serait un peu étroit de s’en tenir là, quand bien même il paraitrait automatique de se laisser prendre à la seule voie chromatique en gardant ses nerfs devant les couleurs primaires.
C’est ainsi, qu’on peut s’interroger : est-ce que le canari rit jaune ? Et quand son mari rit d’elle, est-ce que sa femelle lui rétorque : « Non mais dit, ocre ! » D’autre part, quand le poussin sort, hilare, de sa coquille, encore un peu faiblard, le jaune qu’il arbore est vraiment un jaune qui l’honore ou ce n’est qu’un rêve quand il s’endort ou qu’il part en vrille
#Alain Diot
quand sa mère, bonne fille, lui joue la poule aux œufs d’or ? D’ailleurs, justement, le jaune d’œuf peut parfois se brouiller avec son petit blanc tout neuf qui l’a pourtant tant aimé, ce vitellus galbinus plein d’astuce qui s’est peut-être un peu lâché en croyant finir, baba, en œufs mimosa à moins que ce soit en mousse au chocolat. Nonobstant, est-ce que l’asiatique tique quand il entend quelque béjaune le traiter de jaune ? Car si le Chinois l’est, qu’il soit beau ou qu’il soit laid, et que le Coréen, le Vietnamien, le Japonais et tout un monde fou l’est itou, l’Asie est vaste et il serait néfaste de prendre le Malaisien malin, le Philippin rupin ou quelques autres autochtones Philistins des terres orientales pour des adeptes à deux balles de cette couleur élémentaire qui n’est pas celle de leur chère chair. Peut-être a-t-il un peu peur aussi, quand il est petit, qu’on le prenne pour le nain jaune lorsqu’il se promène le long du fleuve jaune, ce Hoang Ho si beau, lui, l’autochtone qui adore quand il zone sur les bords de la Mer jaune. Ceci dit, prenons toutes nos précautions sans condition pour ne pas nous laisser aller, comme ces débiles vus et revus à la télévision, à ressortir cette étoile jaune qui mérite tous les cartons rouges de la création, sans oublier de prendre soin d’éviter la fièvre jaune, et oui, par un petit vaccin, c’est pas malsain ! Mais doit-on préférer le maillot jaune au gilet jaune ? Recherchons plutôt dans les pages jaunes une bonne adresse pour ne pas faire ceinture jaune devant le vin jaune, en préparant la poubelle jaune, la plus belle en silicone, pour y jeter le péril dit jaune et tous ses clones. C’est que même au coin de l’âtre en hiver, on peut l’avoir saumâtre quand un ictère sévère nous rend jaunâtre. Et enfin, chers amis lascifs, soyons prudents et attentifs, des fois que madame se laisse aller, la jolie, à quelques folies d’ingénue et qu’elle nous attribue, sans coup férir, dans un sourire, cette couleur si bien prévue pour nous autres gentils petits cocus !
TRIMESTRE 2022
LABORATOIRE DE RECHERCHES CRÉATIVES
CHAUD DEVANT !
On nous l’aura dit et redit, à minuit et à midi, du lundi au samedi, le réchauffement climatique, les petits comiques, c’est du tout cuit, on vous l’avait prédit ! C’est vrai qu’on a eu bien chaud, dans les T-shirts, dans les maillots, et même, ça n’est pas banal, complètement à poil ! Ah ça, on en a transpiré des litres de sueur parfumée dans les moiteurs de l’été et les dessous de bras se sont auréolés avec une facilité déconcertante quand ces chaleurs éreintantes nous accablaient, dans les maisons ou sous les tentes, de leurs attaques incessantes et suffocantes.
Bien fait !! Certains benêts le disent avec dédain, eux qui, plus malins, auraient compris le destin pourri qui nous est promis si on ne se bouge pas le nombril. Le nombril ou autre chose aussi que je n’ose nommer ici. Il parait qu’il est grand temps parce que si le temps c’est de l’argent, on n’a pas le temps de prendre le temps de le dépenser à satiété sans penser que le temps sacré est en train de se réchauffer et que, rien que le temps d’y penser, on a déjà pris quelques degrés. Mauvais temps !!
Ce serait de notre faute si les forêts, les moins basses ou les plus hautes, sont parties en fumée à tour de bras, parce qu’on aurait abusé de la voiture du papa, de l’avion du tonton, du carbone de la sœur bonne, des gaz à effets de serre de la grand-mère sévère, sans oublier les pesticides délétères du grand-père austère, les colorants cancérigènes de la cousine germaine, l’huile de palme de madame si calme, tous ces produits produits sans réfléchir qui vont finir par nous achever la biodiversité.
Va falloir se serrer la ceinture et commencer à vivre à la dure, se rattacher les bretelles si on veut que la vie reste belle. Bon, bien sûr, comme on ne va plus se laver, dans le métro, ça va cocotter et sentir un peu les pieds mais comme on ne va plus manger non plus, les lulus, ça ne nous coupera pas l’appétit, les titis. Espérons quand même qu’un petit gorgeon ici ou là animera nos ébats, si on y a droit, parce que là, faudrait quand même pas qu’on nous tire trop vite de nos beaux draps !
#Alain Diot
Et voilà pas que, pour nous changer les idées, c’est enfin arrivé ! La reine d’Angleterre a claboté, hé hé ! C’est que le God, pourtant si commode, devait en avoir ras la casquette de saver depuis si longtemps l’Elizabeth, la vieille queen, qui a quand même réussi, la maline, à vivre quatre vingt seize ans dans le luxe d’antan, sans se crever le panier ni dépenser un seul denier ! Et dans le château de Balmoral, ils ont du reprendre le moral parce que depuis le temps qu’ils attendaient, ça commençait à faire beaucoup d’espérer, évidemment sans rire, son dernier soupir, my dear ! Et on nous en a fait des tonnes et des tonnes à louanger la daronne qui ne fut jamais qu’une espèce d’enflure de caricature avec une famille complètement folle de branquignoles sans oublier le prince qu’on sort des fois, et les princesses qu’on ne sort pas, la Camilla aujourd’hui flagada, la Diana qui a passé le pas il y a un moment déjà, la Meghan qui leur casse la cabane tout là-bas, la Kate qui végète à tour de bras ici bas et on en passe sûrement des meilleures d’ici ou d’ailleurs mais qu’on ne connait pas. Et derechef, voilà le nouveau chef, désormais Charles trois, du bois dont on fait les vieux matois, plutôt rabat-joie et qui doit faire gaffe à ne plus mettre les pieds dans le plat s’il veut que les British gagas l’aient à la bonne sous sa couronne. C’est qu’à la cour grande bretonne, faut pas que ça déconne ! Et pendant ce temps là, ça chauffe aussi pour le pouvoir d’achat, mes petits chats, et l’énergie va sûrement valoir un bras même si on l’a dans le baba ! Et l’inflation, ça n’est pas du bidon, va nous coûter bonbon ! Le pognon va faire des tourbillons et va falloir garder la main si on ne veut pas que les talbins nous échappent en grappe en dansant la farandole et nous patafiolent comme des guignols exsangues, tirant la langue, à même pas pouvoir se payer l’apéro avec les poteaux, le frichti avec les ami-es ou quelques autres fantaisies qui font le sel de la vie. Bravo, l’écologie !
HISTOIRE COLORÉE
C’est l’histoire d’un bonhomme tout jaune qui habite dans une maison toute jaune avec des pièces toutes jaunes, un toit tout jaune et un jardin tout jaune. Tous les matins, il attend que le soleil tout jaune se lève et prend son vélo tout jaune, dont la sonnette fait dring-jaune dring-jaune, pour aller à son travail dans un bâtiment tout jaune, sur un ordinateur tout jaune, avec des collègues tout jaunes. Quand il rentre le soir, il embrasse sa femme toute jaune et ses enfants tout jaunes avant de regarder la TV toute jaune. Mais un jour tout jaune, il passe dans une rue toute jaune sur son vélo tout jaune, dont la sonnette fait je le rappelle dring-jaune dring-jaune, et se fait renverser par une voiture toute jaune. Il est conduit dans un hôpital tout jaune avec des chambres toutes jaunes et il est immédiatement conduit au bloc opératoire tout jaune. À ce moment-là, il y a un chirurgien tout vert qui entre et qui dit : « Excusez-moi je me suis trompé d’histoire ! »
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Amateurs, source, conserver, jaune, siècles.
J’ai croisé Raoul* au concours de lancer de quatrains. Tandis que je me faisais la main sur le practice à octosyllabes réservé aux amateurs, mon ami tentait de reprendre son titre au Master d’alexandrins. Après deux essais qui le mettaient à égalité avec un certain Montaigne, le troisième allait le laisser à jamais dans la légende pendant des siècles, remplaçant Totor, le leader. Un sursaut inespéré de l’avant-dernier vers le fit atterrir quinze mètres après la marque jaune laissée par le colonel Olrik, au pied de la source miraculeuse. La victoire fut sans appel !
Caballero
JAUNE
LA MAYONNAISE À PAPA
Lever l’ancre et mettre le cap sur les îles canaries, prendre un petit jaune sur le zinc chez Dédé alias « crâne d’œuf », se remémorer les cours d’histoire sur la flamboyance crâneuse du roi soleil, découvrir le jaune rebelle des gilets, communiquer avec des chiures de mouches d’Émoji, le jaune est parmi nous ! David Vincent l’a vu un soir perdu ; il illuminait ces êtres étranges qui descendaient de leur soucoupe volante. Ce que David Vincent et consorts n’ont pas vu, c’est le jaune secret de la mayo de papa. Je ne vous parle pas de celle qui est en tube où il suffit d’une pression des doigts pour qu’elle s’extirpe en une ligne ondulante, sinueuse, monotone et plus blanche que jaune. Je vous parle de monter la vraie mayo, jaune, ferme et onctueuse. Sujet ô combien captivant. Une épopée, une bataille de longue haleine qui demande du courage, de la force, de l’abnégation et de la patience.
Je vous présente les personnages de cette histoire :
• l’œuf, ou plutôt son jaune poussin, • l’huile d’arachide, de la bouteille jaune pour rester dans le ton, • la moutarde forte, il n’y a qu’elle qui m’aille, • le fouet pas celui avec les lanières de cuir de la maîtresse bottée mais l’autre avec les fils en inox, idéal pour battre et émulsionner vos mayonnaises, • le bol pas tibétain mais l’autre, le cul de poule, • la bouteille de whisky, un bon 12 ans d’âge, • des ventres qui gargouillent, • un papa, de plus de 80 piges, la patate, avec son tablier de cuisine.
Toute ressemblance avec des personnes ou des situations ayant existé ne saurait être que fortuite. La scène se déroule dans la cuisine. Papa a mis son beau tablier, c’est que l’affaire est sérieuse.
« Je souhaite manger nos cuisses de poulet froid avec une bonne mayonnaise » annoncet-il enthousiaste à ces convives affamés.
Pour la petite histoire, il faut savoir que quand on vient rendre visite à papa, la cuisse de poulet froid mayonnaise est incontournable. Ce qui signifie que la phrase clamée joyeusement plus haut a été répétée et entendue depuis des lustres en cuisses mayo.
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« Pour bien la faire cette fois-ci, j’ai bien pris la peine de sortir l’œuf et la moutarde du réfrigérateur assez tôt pour être à température avec l’huile » explique-t-il prudent. Là, je fais un arrêt sur image pour vous dire que cela a déjà été expérimenté maintes fois par le Padre. C’est qu’il est pugnace l’ancien. Découvrons maintenant la beauté jaune du chaos en 4 niveaux de l’échelle de Gérard, outil psychométrique précieux qui consiste à mesurer son degré d’accord ou de désaccord.
Niveau 1 • Tout à fait d’accord
« Je commence ! » prévient-t-il à l’assemblée, « Je mets le jaune au fond du bol, je rajoute la cuillère de moutarde et je mets de l’huile lentement tout en remuant dans le même sens avec le fouet » explique-t-il façon Raymond Oliver ou Maïté (ça seuls les vétérans connaissent).
Et voilà que le coude droit s’agite de plus en plus énergiquement pendant que la main gauche tient fermement le bol pour éviter une embardée malheureuse ; c’est que ça secoue bien. Le paternel est plus concentré que son affaire qui prend son temps à monter.
Le niveau 2 • Ni en désaccord ni d’accord
Le visage devient plus rouge au fur et à mesure que la température de la cuisine augmente. Il est temps d’ouvrir la fenêtre. C’est l’instant des grognements rôdés. « Bor... de mer..., pu... de conn... » au rythme d’un avant-bras acharné du fouet.
« Un remontant me fera du bien les gars », un verre de whisky est envoyé derrière la cravate du chef, le temps de reprendre son souffle. Faut dire que la mayo à papa c’est du cardio. « Allez, un deuxième pour la route » s’exclame-t-il avant repartir dans cette aventure périlleuse.
Niveau 3 • Pas d’accord
La radio en fond musical ; quand je dis fond musical cela s’adresse au roi de la mayonnaise qui est dur de la feuille, pour le commun des mortels les décibels déchirent. Donc disais-je, la radio enchaine un « Boom Boom » de John Lee Hoocker qui vient crier fraternellement le dur labeur du forçat.
• DAVID PISNOYLaurent
Après 15 minutes d’agitation énergique, de sueur perlant sur le visage écarlate, et d’un avant bras devenu un robot ménager à lui tout seul, la mayo ressemble à une soupe jaune bien liquide.
Niveau 4 Pas d’accord du tout !
« Mais bon sang, qu’est-ce qui foire encore ? » clame la victime des ingrédients rebelles. Posons-nous également la question : comment a-t-il réussi à rater sa recette ?
« Comment ça j’ai raté ! Pas du tout ! J’ai tout fait comme il faut mais elle ne monte pas comme je veux, c’est pas pareil ! » se rebelle l’ancien.
Alors à qui la faute me direz-vous... Qui a tué la mayonnaise dans ce cul de poule ? Le colonel Moutarde ? Avec quelle arme ? Madame Huile en noyant la recette ? Monsieur Jaune alors ?… Peut-être un complot des trois pour achever le cuisinier ?
« Allons, je recommence tout depuis le début ! Tant pis si tout n’est pas à la même température ! Ça va le faire bord... de m... ! Je veux une mayonnaise avec mon poulet froid » explique calmement notre papa décidé.
Nous voici repartis pour le deuxième tour. Pour les plus courageux, il vous suffit de relire les 4 niveaux de l’échelle de Gérard ci-dessus. Pour les autres, je vous invite à passer directement à la fin de la cinquième tentative. La cuisine est en surchauffe comme le patron. La bouteille de whisky a pris un sérieux coup de vieux, la deuxième bouteille d’huile vit son dernier instant tout comme le pot de moutarde méchamment atteint. « À taaable les enfants ! » assume courageusement RoboCop. C’est ainsi que nous nous retrouvons attablés avec une soupe mayonnaise pour accompagnement des malheureuses cuisses de poulet froid.
Heureusement, les temps changent « Bon les gars, il me reste un œuf. C’est le dernier » « Bruno tu t’en charges ? La dernière fois c’était ton frère » Papa rend son tablier en riant. Décidément, la mayo de papa est une énigme...
#Ivan Leprêtre
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Amateurs, source, conserver, jaune, siècles.
On sait de sources sûres que dans les coquilles d’œufs vivent en secret, depuis des siècles, des amateurs de nain jaune. Jouer leur permet de conserver une éternelle jeunesse d’esprit et forge au fil du temps des amitiés durables.
Comment ça, j’affabule ? OK, ils ne jouent pas au nain jaune, mais au pouilleux déshabilleur. Rhoooo, les coquins !
LeprêtreLeprêtre
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Brumes, baie, jaune, disparaître, horizon.
— Miam, c’est bon ces petites baies jaunes et noires, juteuses, c’est quoi ?
— Des doryphores !
— DES DO ! DES DO ! Mais, c’est dégueulas [Boaaaaarp !]
— Ah merdre ! T’as vomi sur mes pompes neuves, t’es gerbique comme gonzesse !
— Quoi ! C’est ta faute avec tes sales bestioles...
— Personne ne t’as dit de les bouffer, espèce de goinfre ! Allez, disparais de ma vue.
— Ah bon.
— Oui, vas au-delà de mon horizon, ça me fera des vacances, vas t’cacher dans la brume, vilaine !
— Ici, c’est assez loin pour toi ?
— Oui, dans la chambre froide, parfait ! Et ne t’avise pas de boulotter mes glaces à la limace, c’est pour le réveillon.
Ivan Leprêtre#Raoul Harivoie
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Brumes, baie, jaune, disparaître, horizon.
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Le teint jaune, je mangeais des rondelles de chorizon et je regardais des vidéos dont le titre commence par Adorable ("Adorable : ce chat aide ce chien aveugle lors de ses déplacements" , "Adorable : il demande son amie en mariage un soir de demi-brume"...) quand le fil me proposa : "Adorable : il renonce à la gloire pour manger des baies rouges et écrire des sonnets". Je me mis à trembler. Comment avaient-ils fait pour me retrouver ? Je pensais avoir disparu pour de bon ! Mon premier réflexe fut de jeter mon smartphone. Je pleurai environ 30 minutes. Puis je ramassai l’appareil (intact grâce à la coque de protection) et... je regardai la vidéo... Mais en fait, on ne parlait pas de moi...
Raoul H. • MICHAL JARMOLUKLeprêtre
THÈCLE • 2 VOLUMES (DANS L’IMMÉDIAT)
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• TERRA INGOGNITA
Thècle, c’est une bonne dose d’humour qui frôle parfois l’absurde... De la SF qui ne se prend pas au sérieux et une quête positive qui fait plutôt défaut à notre époque. Cette aventure peut plaire autant aux adultes, hommes et femmes, qu’aux ados. Ceux qui voudraient y trouver de la violence et du sordide seront sûrement déçus. Thècle, c’est aussi une tranche d’amitié, des sentiments amoureux, des créatures fantasques et saugrenues, des mondes étranges et poétiques et pour finir, une énigme à résoudre.
Extrait : L’iSpace 927, un croiseur mouche du Consortium des Cinq Mondes entama son processus de décélération à moins de deux minutes-lumière de la petite lune rouge récemment découverte dans le secteur XWQ- 1409/c8546 de l’étoile naine AST56099pi.314159.
À son bord, le commandant Thècle Krashāām-dhirååm Cuóóníí - TKC pour les intimess’éveilla un peu barbouillée de son long sommeil cryogénique. Le voyage avait duré vingt-trois hectokliks standards depuis son monde natal, Khel Chāāríívååríívārí Lavííavektoāā, le fameux Jardin Galactique.
• FLUCTUAT NEC MERGITUR
Extrait : Un banc de sardines géantes clapotait à la surface de l’eau dans l’attente patiente d’un vol de mouhaites chieuses. Le dîner avait un peu de retard... Un humanoïde de haute taille émergea des flots. Paul déconnecta la fonction branchies et recracha un bon litre de flotte avant de prendre une importante inspiration pour défroisser ses poumons restés inactifs au cours de la dernière heure.
Alan T. tendit la main à Paul afin de l’aider à grimper sur l’imposant stromatolithe recouvert de microalgues eucaryotes. Les deux Androbots prélevèrent juste le nécessaire de cette manne pour le repas du soir.
#Laure Chevalier Sommervogel
TARTE AU CITRON SANS MERINGUE
Je pense souvent à toutes ces recettes auxquelles nous nous sommes essayées pendant les week-ends à Lannemartin dans les années 70. Il y eut des ratés mémorables et des réussites jamais égalées. Bref, les bonheurs de la cuisine familiale. Je les raconterai. Années collège puis années lycée. On ne bossait pas des masses, c’est le moins que l’on puisse dire. Je ne sais pas trop comment j’ai réussi à poursuivre ma scolarité en travaillant si peu. La barbe c’est que m’en reviennent aujourd’hui encore des cauchemars récurrents. Mais c’est une autre histoire, toute mon histoire en fait.
La tarte au citron, c’était une de mes spécialités à moi. Nous avions chacune les nôtres. Guillemette, c’était le gâteau au chocolat.
Elle confectionnait un gâteau à peine cuit, la croûte légèrement meringuée se décollait sur le dessus. Une recette archi-simple dont elle avait les proportions en tête. Et comme c’était toujours elle qui le faisait, ce gâteau au chocolat – il ne me serait pas venu à l’idée de le préparer moi-même – jamais je n’ai pensé à les noter, ces proportions-là. C’est bien malin.
Je me rappelle, elle le faisait cuire dans un vieux plat en fer ovale tout rayé et un peu cabossé avec un petit rebord roulé et des oreillettes à chaque bout. Ce n’était pas du tout un gâteau sophistiqué, on le servait comme ça, à même le plat que l’on rayait encore plus à chaque fois qu’on y coupait les parts, mais on s’en fichait. Pas de revêtement anti-adhésif à ne pas érafler de la pointe du couteau et de moules en silicone encore moins. Enfin, voilà : sa recette à elle, je l’ai oubliée et je ne risque pas de la retrouver. Bien évidemment, jamais aucun gâteau au chocolat, aussi raffiné soit-il, n’a pu égaler celui de ma sœur. Ma tarte au citron n’était pas mal non plus.
Je pensais que la recette était perdue, elle aussi. Et puis – intense stupéfaction – voilà qu’elle me passe sous le nez au moment où je m’y attendais le moins.
C’est le principe de ces synchronicités toujours si surprenantes et amusantes. En l’occurrence celle-ci sera régalante !
N.B. : Moi je préfère la tarte au citron juste comme ça.
Les blancs d’œufs, je les utilise pour faire des meringues, bien sûr, des meringues que je ne sers pas forcément au même moment.
Les meringues et moi, c’est encore toute une histoire. Je la raconterai. Ah oui, et puis j’ai une autre recette pour utiliser les blancs d’œufs : les petits gâteaux aux amandes.
À venir, donc.
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La pâte sablée
• On met 250g de farine + 125 g de beurre ramolli + 125 g de sucre + 1 pincée de sel dans une jatte, on sable rapidement la pâte entre les doigts – j’insiste : rapidement sinon elle devient dure et elle sera moins bonne – puis on ajoute l’œuf entier et on mélange de la même façon, rapidement, pour former une boule de pâte compacte qu’on met dans le fridj’ le temps de préparer la crème au citron.
• La pâte sablée ne pourra être étalée au rouleau, elle est trop fragile, elle se déchirerait. Pas grave : on l’installe dans le moule à tarte morceaux par morceaux, en appuyant avec les doigts pour la répartir équitablement, en la faisant remonter sur les bords du moule, évidemment.
• Ensuite, on pique tout le fond avec une fourchette et on appuie sur les bords avec les dents de la fourchette à plat pour faire un petit motif joli comme sur la photo. On place des haricots secs sur la pâte et on enfourne à 180° (th 6) pendant environ 15mn en surveillant la couleur (si on n’a pas de haricots secs sous la main, on peut s’en passer : la pâte formera peut-être quelques bosses en cuisant mais ça ne la rendra pas moins bonne).
La crème au citron
• 150 g de sucre en poudre + 150 g de beurre + 6 jaunes d’oeufs + 150 g de jus de citron
• Dans une casserole, on met 100 g de sucre avec le beurre et le jus de citron et on fait bouillir. On verse la moitié du mélange sur les jaunes d’œufs préalablement battus avec le reste du sucre.
• On recolle le tout dans la casserole et on faire cuire à feu doux tout en mélangeant au fouet jusqu’à épaississement.
• Après la première ébullition, on laisse cuire encore une minute puis on retire du feu. On verse dans un plat, on met un couvercle et on laisse refroidir. Juste avant de servir (sinon ça la ramollirait ), sur la pâte sablée on verse la crème au citron. ...et puis on se régale !
#Laure Chevalier Sommervogel
CITRONS CONFITS AU SEL ET À L’HUILE D’OLIVE
Extrêmement faciles à préparer, ces citrons confits vous permettront d’agrémenter vos plats de poisson, poulet, vos tajines, vos salades, etc. Excellents aussi dans la semoule et les mélanges de céréales salés.
Il vous faut :
• Un bocal en verre fermant hermétiquement
• Un couteau bien aiguisé
• 5 citrons non traités (choisissez-les petits, les tranches se répartiront mieux dans le bocal)
• De l’huile d’olive
• Du gros sel
– Lavez soigneusement votre bocal, inutile de le stériliser ;
– Après avoir éliminé les deux bouts de chaque citron pour que la pulpe soit visible, coupez les citrons en tranches d’1/2 centimètre d’épaisseur et retirez-en les pépins avec la pointe de votre couteau ;
– Versez 2 cuillerées à café de gros sel au fond du bocal puis disposez les tranches de citrons en les faisant se superposer et en couvrant chaque rondelle d’1/2 cuillerée de gros sel, jusqu’à 1 cm du haut du bocal ;
– À l’aide de votre couteau, glissez des rondelles de citron à la verticale tout autour de la paroi du bocal ;
– Versez lentement l’huile d’olive pour qu’elle se faufile dans tous les interstices et vienne recouvrir la préparation jusqu’en haut du bocal. Laissez infuser au moins trois jours avant la première utilisation.
Il est inutile de mettre le bocal au réfrigérateur – moi je le garde sur mon plan de travail parce que, mes citrons confits, je les utilise presque tous les jours, et puis c’est bbbbbeau ! Pensez à prélever l’huile, délicieusement parfumée au citron, pour vos salades ou autres préparations (dans la semoule épicée... miam !).
Quand il n’y a plus que quelques rondelles de citron au fond de votre bocal, n’attendez pas qu’il soit complètement vide : versez le contenu restant dans un bol, lavez le bocal et remplissez-le à nouveau comme expliqué ci-dessus. Ajoutez enfin les rondelles de citron et l’huile que vous avez mises de côté. Et c’est reparti pour un tour. Parfois – souvent, même – j’ajoute une cuillerée à café d’herbes de Provence sur chaque couche de gros sel : toutes ces saveurs se marient particulièrement bien. D’ailleurs, j’y pense à l’instant, citron, huile d’olive et basilic frais, ce doit être très bon aussi... Ooooh, je crois que je vais m’en préparer un bocal, j’ai en ce moment dans mon potager du basilic pourpre assez exceptionnel.
#Laure Chevalier Sommervogel
Quand j’ai publié cette recette, on m’a demandé beaucoup de précisions, alors j’y réponds ici. Est-ce que ce n’est pas trop salé ? Ce sont des citrons confits au sel alors évidemment qu’ils ont salés, mais à mon sens ils le sont juste comme il faut. Comment je les utilise ? Mes citrons sont confits dans l’huile, ils sont donc bien imbibés de matière grasse. Je l’ai indiqué plus haut : je m’en sers pour agrémenter mes plats de poisson, poulet, mes tajines, mes salades, etc. Je les ajoute aussi dans la semoule et dans les mélanges de céréales salés. Je les utilise sans les essorer puisque l’huile apporte un goût délicieux et je les ajoute tels quels ou bien coupés en petits morceaux dans les plats que j’ai énumérés ci-dessus. Crus dans certaines préparations, mais je peux aussi les faire cuire. Par exemple sur la première photo de cet article, c’est un filet de lieu sur lequel j’ai disposé les tranches de citrons telles quelles ; je l’ai entouré de tomates coupées en deux et préparées façon Provençale, et hop, au four à 180°, ça cuit en 20 minutes.
On m’a demandé aussi combien de temps ils se conservent. Pour ma part, je prépare un nouveau bocal une fois par mois en moyenne, compte tenu de l’utilisation très fréquente que je fais de mes citrons confits. Sinon, je pense qu’ils peuvent se conserver beaucoup plus longtemps puisqu’ils sont dans l’huile, mais peut-être être alors mettre le bocal au réfrigérateur. Bon appétit !
PS : Une lectrice me fait remarquer que ma boîte à sel ressemble étrangement à la boîte d’allumettes qui se trouvait dans la cheminée de ses grands-parents, pour allumer le feu. Mais c’est une boîte à allumettes ! Ma Môman me l’avait chinée il y a des années de cela dans une brocante, et comme je me sers très peu d’allumettes, je l’avais reconvertie en boîte à sel.
JAUNIR LE GOÛT DE LA PLUIE
Jaunir le goût de la pluie et le biscuit que le matin nous y trempons : c’est par cette petite musique des sens que nous gardons la main sur l’essor des confidences et la floraison des mimosas dans l’humus des senteurs. Ce pastel un peu ocre, un peu piqué est le gri-gri que nous ressortons les jours ivres où un voile atone recouvre tout élan, tout dessein. L’humeur qui alors nous revient, fait ressurgir au rebond les ors et dorures des banquets qui nous avaient merveilleusement ouvert leurs tables. Elle drape de renouveau safrané le jadis magnifié et comble ainsi le naguère du fauve des sentences. L’un comme l’autre ont leurs étrennes faites de petites pièces persistantes même si leurs sébiles sont de tailles différentes. Nous les mâchons pour argent comptant tel l’alcool lent d’une éternelle jeunesse. Ils s’étendent de près au près jusqu’à se confondre avec la fulgurance du présent et s’ils se montrent sous le dehors de l’instant, sachons qu’ils œuvrent sur la durée, en fil d’Ariane, en Amours jaunes et poursuivent l’espérance de leurs bouquets d’immortelles. Ce patronage en gibecière nos réveils ont pour utopies les faveurs cuivrées de secrètes cymbales, les saveurs citronnées également que nous retrouvons avec joie dans le parfum de la découverte réitérée. Nous en aimons l’épice suave et le don de soi qui ouvre les rideaux sur le regain des jours à nouveau entiers, le jaune étincelant d’aujourd’hui porté par le jaune plus pâle d’hier.
IL Y A DU JAUNE SUR LES BANDERILLES
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Il y a du jaune sur les banderilles Plantées dans le dos du bonheur De l’eudémonisme du jaune Faire soleil
Une étoile qui se drape De jaune comme d’un lointain d’une autre couleur Pavillon hissé le jaune cingle les flots Laissant au bleu le soin du fluide
À contre-courant jaunir Le neuf Vert jaune Sur fond gris Terne et pâle l’ennui Charme le jaune de ses à-plats
Du pareil extraire Le jaune de l’ornière Le bourbier du jaune Dans l’empire du jeûne Une tempérance poussée jusqu’à la diète du jaune Sous le faste du tact Toucher, mâcher, boire du jaune Jusqu’à l’ivresse
En ribote Suivre la ligne jaune des doubles perspectives À l’horizon déceler le jaune Dans l’or du couchant
Au ponant le jaune colore de mordoré Ses souvenirs du levant
L’orient sort de son chapeau La magie et l’étincelance du jaune Fauve tapi à l’affût d’autre chose Le jaune enlumine ce qui ne peut être.
#Chrystel Égal
YELLOW DREAM, I HAVE A DREAM…
« J’ai un rêve aujourd’hui. Je rêve qu’un jour, chaque vallée sera levée, chaque colline et montagne seront nivellées, les endroits rugueux seront lissés et les endroits tortueux seront fait droits, et la gloire du Seigneur sera révélée, et tous les hommes la verront ensemble ».
I have a dream that one day every valley shall be exalted, every hill and mountain shall be made low, the rough places will be made plain, and the crooked places will be made straight, and the glory of the Lord shall be revealed, and all flesh shall see it together.
UNE BLONDE ÉGALE DEUX BRUNES
Philibert Lantoine, assis sur un plot de béton, le regard dans le vague, fut tiré de sa rêverie morose par l’irruption dans son champ visuel de la massive silhouette d’Ettore Campini, dit « Totor », le chauffeur de la coopérative.
- Dis donc, Philo, tou té fous de ma gueule ? L’accent italien ne rendait pas la question plus aimable. Philibert haussa ses robustes épaules, sans décoller de son plot.
- Ne te fatigue pas, Totor. Les bidons sont vides, je sais. Et ils ne sont pas près de se remplir. La colère du chauffeur baissa d’un cran.
- Ma qué cosa qui t’arrive, Philo, tou n’es pas malade, vergogna ? Sans répondre, Philibert se leva, se mit en mouvement et avança sur les graviers de la cour, vers l’imposant hangar qui abritait la stabulation. Totor, comme aimanté, le suivit. Ils franchirent le portail d’entrée, puis les lames translucides qui séparaient le groupe de traite du hangar proprement dit. Il régnait un silence lugubre. La stabulation était vide, le robot de traite à l’arrêt.
- Où elles sont passées, les vaches ? Philibert fit un geste ample vers le Sud.
- Elles sont dans la jachère de l’Europe. Elles font grève.
- Sciopero ? Le mucche ? Ma cosa e ? De surprise, Totor en perdait son français. Victor poussa un profond soupir.
- Il se passe qu’elles veulent la main de la patronne. - Sylviane ?
- Ouais. J’ai discuté avec Rosalie. Rosalie, c’est leur déléguée. Elles ne veulent pas du robot. Elles veulent revenir à la traite manuelle. Totor regarda Philibert comme s’il était fou, ou comme s’il allait se dissoudre dans l’air en éclatant de rire. Mais non, il semblait normal, abstraction faite des propos qu’il tenait. Philibert ouvrit de nouveau la bouche : - Ah, et aussi, elles veulent revenir à la paille. De la litière en paille, qu’elles veulent. Fini le béton, le nettoyage automatique et tout. Fini. Le mouvement est illimité. Tu leur diras, à la coopérative, à Duchêne, à Vandooren. Je me suis mis trois cents mille balles sur le dos pour rien.
- Attends, é no le vacce qué fate la legge, no ? Tou es un homme, Philo, tou dois té faire respecter.
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Philibert secouait la tête.
- Elles sont soixante, et chacune fait 600 kg, Totor, ça fait une grosse inertie, tu sais. Et je ne vais pas les bouger au Manitou.
Ettore Campini se mit à réfléchir intensément. Les Holstein de chez Philo donnaient environ trente litres par tête. Un jour de grève coûtait déjà 2 000 litres à la Coopé. Si la grève du lait faisait tache d’huile dans d’autres élevages, on irait droit à la catastrophe. Le spectre de la pénurie fit frissonner la grande carcasse de l’italien. Pas question qu’une minorité prenne en otage toute la chaîne de production. Il fallait briser la grève des vaches, comme n’importe quelle autre grève. Oui, mais comment ? Cela ne servait à rien de donner les chiens. Les chiens étaient dressés pour les rassembler, pas pour les forcer à accepter
le robot de traite. Et il valait mieux laisser la police en dehors de ça. Une idée lumineuse traversa le cerveau du transalpin : les jaunes ! Des non – grévistes. Il fallait amener à la ferme de Philibert des vaches jaunes. Ettore fit demi-tour et sortit de la stabulation d’un pas décidé.
Quelques heures plus tard arrivait à la ferme Lantoine une bétaillère chargée jusqu’à la gueule. Le temps de dételer du tracteur, de défaire les longes, et cinq imposantes blondes d’Aquitaine foulaient le gravier de la cour. Philibert, ahuri, déboulait de la stabulation et apostrophait le conducteur du tracteur :
- Qu’est-ce que c’est que ce cirque ?
- On vient de la part de la coopérative. Paraît que vous avez besoin de cinq vaches, on vous amène cinq vaches.
Le type n’avait pas fini sa phrase qu’une autre bétaillère, elle aussi bourrée de bêtes et puissamment tractée, faisait son entrée dans le corps de ferme. Au bout d’une heure de trafic d’engins et manœuvres diverses, ponctuées de cris, de meuglements, de sueur et d’efforts, un troupeau d’une trentaine de têtes à robe claire, blondes d’Aquitaine, Froments du Léon, limousines, tarentaises, salers, piétinaient la cour déjà copieusement embousée, tandis que Sylviane servait le beaujolais aux conducteurs assoiffés. Philibert, quant à lui, s’approcha des nouvelles pensionnaires de sa ferme.
- Bienvenue à vous, dit-il, vous êtes toutes d’accord pour vous laisser traire par le robot ? Après avoir regardé à droite et à gauche, comme pour recueillir l’assentiment des autres vaches, une belle et jeune blonde sortit du lot et poussa un meuglement modulé. Les autres bovidés reprirent en chœur. Visiblement, chacune était au courant, et était contente de son sort.
- Bon, ben, en avant dans la stabulation, on va vous donner du fourrage comme convenu. La traite aura lieu à dix-neuf heures, dit Philibert.
Les troupeau des jaunes se mit en branle au petit trop, quand un bruit de course effrénée se fit entendre, passant par-dessus le piétinement placide des nouvelles venues. Un petit groupe de holsteins apparut ventre à terre, doubla le troupeau, traversa la cour, s’arrêta devant le portail de la stabulation dans un grand nuage de poussière. Les vaches noires et blanches firent demi-tour sur elles-mêmes. Leur intention était claire : bloquer l’entrée des jaunes. Les grévistes mettaient en place un piquet de grève. Philibert se dirigea à pas
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las vers les holsteins qui faisaient barrage. L’une d’entre elles lui fit face, et émit quelques longs et rauques mugissements. Philibert revint vers les autres fermiers, que le bruit avait attiré sur le perron du corps d’habitation.
- Euh … Rosalie – Rosalie, c’est la déléguée du troupeau – dit qu’elles ne laisseront entrer aucune jaune. Qu’au besoin, elles s’opposeront par la force. Et que, s’il le faut, elles iront jusqu’à la grève de la faim.
- Holà, dit Loiselet, le gars qu’avait fourni les blondes d’Aquitaine, c’est que je voudrais pas qu’il arrive quoi que ce soit à une de mes bêtes. Tu sais combien que ça coûte, une blonde, toi le Philo ? Faut négocier. Sinon, moi, je me retire du jeu.
Les autres approuvèrent bruyamment, déjà, ils faisaient mine d’aller chercher les longes.
- T’en dit quoi, la Sylviane ? fit Loiselet. T’es la première concernée, après tout.
- Moi, je l’avais mauvaise qu’on me congédie pour une machine. C’est vrai, c’est vexant. Du coup, je veux bien reprendre la traite. À condition que ça soye pas toujours moi qui m’y colle. Un coup ce sera moi, un coup ce sera le Philo, ce sera plus juste ainsi. Comme ça, le jour où j’ai pas traite, je pourrai me lever un peu plus tard, et aller en ville avec les copines.
- Et le robot ? dit Philibert, les yeux au ciel.
- Tu le revendras, la belle affaire, j’suis sûre qu’y a des cons qui se bousculeront sur Le bon coin, si on fait une ristourne. De toutes façons, vu comment ça tourne, on a pas le choix. Ayant dit, la femme se tourna vers les hommes :
- Faut d’abord que vous nous ameniez de la paille, qu’on leur redonne un peu de confort, à nos filles. Hé, toi, oui, toi ! Tu t’es pas vanté d’en avoir de trop, cet été ? Philibert alla de nouveau parler à la Rosalie. Celle-ci fit une manière de petite danse pour fêter la victoire, puis alla partager avec ses camarades. Le chien Pataud était déjà parti chercher le reste des holsteins à la jachère.
Le temps de remballer les jaunes, qui, mécontentes de ne pas avoir eu de fourrage, se faisaient méchamment tirer l’oreille, de faire quelques rotations de Manitou chargé de bottes de paille, on n’était à l’heure de l’apéro. Cette fois, c’est Philo qui servit, car Sylviane était de traite, et elle en avait pour le temps d’au moins trois tournées. Puis, c’était bientôt l’heure des Feux de l’amour, et chacun pensa à rentrer chez soi. Heureusement qu’on roulait par les chemins ruraux, sinon les bleus auraient fait un festival !
#Marie Edery
#Laurent Vernaison
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Amateurs, source, conserver, jaune, siècles. ——
Les chanteurs amateurs de l’orphéon municipal répètent toutes les nuits dans l’appartement au-dessus du mien. C’est une source indiscutable de nuisances terriblement violentes. Je conserve un chien de ma chienne pour tous ces coyotes à foie jaune dont je vais pourrir la vie pour les siècles des siècles !
Aaaaaammmmen !
MAILLOT VERSUS GILET [JAUNE]
À l’exception des aveugles – qu’ils me pardonnent ! – tout est une question d’acuité visuelle. Rétine. Pupille. Iris. Cristallin... Je ne vais pas vous faire un cours d’anatomie ophtalmique, car ce serait largement au-dessus de mes capacités scientifiques. Ni, même, évoquer le daltonisme, manière d’en dérouter certains...
Ainsi, la Nature (majuscule, pourtant), dans son infinie cécité, affubla la couleur dite « jaune » à une partie de l’œuf pondu puis couvé par Dame Poule. L’autre partie, qualifiée « blanc » d’œuf, est, d’ailleurs, avant cuisson, plus translucide qu’autre chose. Pourtant le dit « jaune d’œuf » n’est en rien identique au « jaune poussin ». Je me perds en conjectures...
C’est un peu, toute proportion gardée, comme la bande jaune, continue ou non, tracée, jadis, sur nos routes. Puisque, comme chacun.e peut le constater, la dite bande a blanchi sous le harnais (Davidson). N’allons pas en conclure hâtivement que le jaune serait dépassé ! Ou que, si l’on vous traite de « sale jaune », ce n’est que pour insulter votre traîtrise. Non, cela peut, tout autant, s’avérer l’expression d’un racisme anti-asiatique primaire : la première injure n’excluant pas la seconde !
Tout jaunet, déjà, je broyais du noir dans le cabinet éponyme, en rêvant de nuits blanches entrecoupées par les sifflements d’un Martinet...
Tout jeune, encore, une peur panique, venue du bas-fond de mon âge, me fit éviter d’un cheveu une jaunisse carabinée. Pour m’en prémunir, sans doute, Pépé Charlot, mon maternel grand-père, m’initia au jeu du Nain Jaune...
Queue naît jaune... ai-je ?
En attendant, certaines pages que vous donneront à lire mes consciencieux collègues évoqueront certainement le fameux « rire jaune » ; un rire qui se teinte d’un coloris maladif et froid... Mais, qui dira le rire « bleu / comme une orange », qui, le rire noir, comme l’humour brrr... tonnant ? Ah, résoudre Le mystère de la chambre jaune... et mourir ! Ici, l’on prend conscience, ou, tout du moins, on effleure une prescience : un vocable –gelb – très bref, en allemand ; yellow, plus long, en anglais ; donne une orthographe intermédiaire comptant cinq lettres, en français : jaune. Un tel vocable, une fois posé, peint ou calligraphié, kif-kif le célèbre mystère, reste entier ! Il ne livre ni ne délivre aucune clé ; bien au contraire. À l’instar d’un vulgaire rouge, d’un quelconque bleu ou d’un bâtard verdoyant, le jaune peut se décliner en une inépuisable variété de tons : jaunes d’or, sable, citron,
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safran, voire jaune pisseux... Et, même l’amour, qui en a vu d’autres, n’est pas à l’abri de ses clichés, Johnny... pardon : jaunis ! Ainsi, le poète Tristan Corbière (– triste en corpsbière ? – tu m’étonnes !) intitula-t-il son « fameux » recueil [passé totalement inaperçu de son (météorique) vivant] : Les amours Jaunes – ou d’automne qui détonnent – en hommage à une Marcelle plus fantasmée que réellement enlacée.
Du Nain au rire (anté-bergsonien), en passant par la chambre d’un sous-marin, suivant quelque détour méandreux sur un fleuve chinois, j’en arrive, tout naturellement, après moult circonvolutions et autres circonlocutions, au « gilet » initialement prévu pour équiper le tomobiliste en détresse : d’un beau jaune fluo, bien visible, y compris par une nuit sans lune. Non, il n’est pas jusqu’à ce jaune-là qui ne pût éviter un détournement. Readymade que Marcel Duchamp soi-même n’eut point renié !
Qu’est-ce-que vous pariez ? D’ailleurs, la fièvre jaune ne fut-elle point une ruée vers l’or qui tua, et pour moins que ça ?
Outre les cachous Lajaunie, afin d’être le plus exhaustif possible, je n’aurai garde d’oublier l’inquiétante Marque Jaune de Jacobs, non plus que ses nombreux épigones. Tandis que la Nature, déjà, se pare de ses plus belles couleurs : vert, rouge, orange, marron... JAUNE.
#Yves Niquil
LA PIE JAUNE
Un jour une femme que j’ai beaucoup aimée m’a parlé de sa pigeonne. Elle venait, tous les matins, se poser sur la rambarde du balcon de son appartement parisien, situé sur un boulevard très passant de la capitale. J’avais compris qu’elle parlait d’une « pie jaune ». Avec un accent du sud qui pourtant n’était pas le sien. L’imagination a fait le reste. Je me figurai un oiseau, d’ordinaire noir et blanc, ayant gardé ses plumes noires mais ayant troqué les blanches contre une robe jaune d’or ou, qui sait, jaune citron. Qui plus est, décrite avec l’accent de Carcassonne ou celui de Nîmes. Bref, un oiseau très particulier. Un drôle d’oiseau. Comme était pour moi cette femme si particulière. Comme je l’étais, sans aucun doute, pour elle. Qu’avons- nous ri, les jours suivants, de cette « pie jone » ! A l’occasion de l’écriture de ce texte, je me renseigne. Peut-être que cette pie jaune existe ? Eh bien oui. Mais comme il se doit, elle est très rare. Un exemplaire de cette variété peu commune de Pica pica a été observée en 2014 en Norvège. Je ne le savais pas... Mais je savais et sais une chose : Nous sommes tous l’oiseau rare de quelqu’un.
LABORATOIRE DE RECHERCHES CRÉATIVES #Éric Rabbin
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La source de Jouvence, pas celle de l’abbé Soury, non, celle de la légende qui au long des siècles passe pour conserver les années d’un vieillard dans une éternelle jeunesse. Oui, celle-là. C’est moi qui l’ai trouvé près du fleuve jaune, lors d’un trekking pour aventuriers amateurs. Je m’étais perdu dans une portion de jungle alors que je cherchais un raccourci pour retrouver le groupe après une miction urgente contre un palétuvier qui m’avait retardé (la miction pas le palétuvier). Pendant une pause, totalement égaré, exténué et en larmes, je m’étais allongé sous la très grande feuille d’un végétal quelconque et une goutte m’a roulé en pleine bouche. La source de Jouvence était au-dessus. Un simple ru, un filet d’eau, presque du goutte à goutte qui coulait doucement. Et là ! Le miracle s’est accompli, je regarde la montre, j’avais reculé dans le temps ! j’avais rajeuni d’une demi-heure ! C’est incroyable mais vrai ! Une demi-heure de gagné sur ma vie à chaque goutte, alors, j’en ai bu presque 10 centilitres et j’ai fermé les yeux. Je me suis réveillé en ville, juste un quart d’heure avant le départ de l’expédition qui m’avait fait trouver la source.
Par contre je n’y suis pas retourné du coup, je suis resté au lit. je n’allais pas me perdre une deuxième fois quand même, hé, pas bête, hein ?
Rabbin
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Mon père faisait semblant de regarder les clichés de l’école faits par l’atelier de photographie amateur du quartier, punaisés au mur orange du bureau du directeur. Ma mère pimpante dans sa robe à losanges, faisait face au directeur, raide comme une justice implacable, l’incendiant du regard parce qu’il n’osait pas aborder le sujet de la convocation. La source du malaise, c’est à dire moi, assise au bord d’une grande chaise en fer balançait ses jambes en tentant de deviner à quelle sauce elle allait être dévoré par les adultes. Pour briser ce silence, un carpet bombing de questions fusa de la bouche de ma mère ; Pourquoi ? Qu’est c’qu’il a fait ? Avec qui ? Qui ose ? Vous n’allez tout d’même pas ? Vous savez ce qui peut vous arriver si ? Et bien d’autres, retenues mais pas moins virulentes et amères. Pour endiguer ce flot d’indignation maternelle, le directeur lâcha :
- Tout va bien madame Rabbin, Je vous ai fait venir juste à cause de ceci. Et il posa une feuille Canson où un paysage paisible et fulgurant de couleur était peint.
- Ben quoi ? C’est son dessin, je vois pas c’qu’il y a ? Il n’est pas plus moche qu’un autre.
- Oui, certes madame, je faisait référence à ça, le choix des couleurs : L’herbe est jaune, les arbres sont jaunes, le ciel est jaune et le soleil est rouge.
- Vous voulez dire qu’Eric est daltanien ?
- Daltonien. Mon père venait de faire valoir une humble preuve de son existence.
- Heuu... Non madame, c’est plus compliqué que ça, ce n’est pas une maladie ou un dérangement c’est.. Voyons, hum... Il baissa le ton et la tête et reprit doucement... Je fais partie d’un groupe de personne qui pense que le futur sera comme ça, comme le dessin de votre fils. En fait depuis des siècles, nous attendons l’avènement d’un prophète venant nous avertir d’un dérèglement radical du climat et de la température, et nous cherchons des signes, ainsi nous pensons que ce dessin est la représentation exacte de ce qui nous attends dans un futur proche et... Je me pris une calotte nerveuse sur le haut du crâne.
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- Alors, je croyais que tu voulais faire le vétérinaire, et tu te lance dans le prophétariat comme ça sans nous prévenir ! Alors avant y’ en avait que pour la musique anglaise et les animaux et maintenant c’est les prédictions et le ton jaune. Dites, j’espère que vous allez pas trop le punir et faire en sorte de le conserver dans cette école, il vous promets qu’il le fera plus. Hein ? Dis le au directeur que tu le feras plus.
Mon père s’attardait sur les motifs du plafond à présent, le directeur plantait son nez dans un dossier en marmonnant un «tout va bien madame». Moi rouge et penaud je fixais mon œuvre sur le bureau sans pouvoir dire que ce jour là, on m’avait piqué tous les autres crayons de couleurs sauf un bout du rouge et la moitié du jaune. Il me tardait que cela finisse, je voulais rentrer, de toutes façons, je ne me voyais pas en prophète à errer dans le désert et à porter une barbe à neuf ans seulement.?
LE MAILLOT JAUNE
Stigler s’est détaché du peloton au pied du col du Lautaret en compagnie de cinq hommes. Simplon, le français détenteur du maillot à pois. Listereigh, un finlandais qui débarque pour la première fois sur le Tour. Philibert, « Le Patron » qui mène la danse depuis dix jours et qui paraît intouchable avec son nouveau vélo Evolution. Et enfin les frères Salinger, deux américains qui gagnent à être connus.
Le maillot à pois s’est accroché dans sa roue un bon moment. Mais dans le lacet dit de la Petite Côte, en quelques coups de pédales, il l’a décroché. Le pauvre type enrage encore lui qui faisait le fier à bras avec son maillot au départ de l’étape. Stigler n’aime pas ce vantard qui drague tout ce qui porte une jupe. À la sortie du virage, Stigler se retourne, il aperçoit trois types au loin et dans le lacet du dessous, Listereigh qui tente de suivre son rythme infernal. Parmi les trois poursuivants, il doit y avoir les frères Salinger et peut-être « Le Patron », il n’est pas certain.
Les coups de pédale se font de plus en plus puissants, Stigler survole l’étape. Le motard s’est porté à sa hauteur avec le caméraman sur le siège arrière qui filme l’effort. Mais Stigler ne se laisse pas distraire. La célébrité, ce n’est pas son truc. Ce qu’il aime, c’est l’effort, la volonté de se surpasser. Et aussi la petite joie de voir les concurrents lâchés les uns après les autres.
Le motard a dû faire un écart à cause d’un spectateur fou déguisé en Batman. Stigler s’en fiche, mais le motard et le cameraman sont dans le fossé et l’autre imbécile de Batman s’est pris les pieds dans sa cape.
Plus loin, les spectateurs sont moins nombreux, la forêt est dense et la route étroite borde la roche. Le temps s’est rafraîchi d’un coup. On trouve encore quelques campeurs installés devant leur guitoune. Ils dégustent un verre de vin pour les uns, une bière pour les autres. Les enfants s’empiffrent de chips. Stigler est toujours aussi concentré. Il dompte les virages et les soudaines inclinaisons avec facilité. Une longue ligne droite se profile, il n’y a plus personne. Le calme agrémenté des chants d’oiseaux et le bruissement des mélèzes agités par la brise, égaient quelque peu la forêt dense et sombre.
La ligne d’arrivée est en vue, le comité d’accueil se résume à un homme, vêtu de noir. Il a son petit drapeau pour signaler la victoire. Mais Stigler n’en a que faire, seule la ligne
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blanche qui barre la route lui importe. Il pousse encore plus sur les pédales, il enquille les derniers mètres à une vitesse incroyable, il finit au sprint. Une fois la ligne passée, il n’a qu’un regret, que l’étape s’arrête là. Il pourrait enchaîner un autre sommet avec la même facilité, le Tourmalet par exemple. Mais l’homme en noir a déjà attrapé le vélo par le guidon et aide Stigler à descendre. Il lui fait signe de le suivre pour ne pas encombrer l’arrivée de l’étape.
Lorsque Listereigh apparaît au début du faux plat, il a un des frères Salinger dans sa roue. Mais en vieux roublard du Tour, il le coince sur la droite et l’oblige à se faufiler le long de la barrière. Il lui laisse juste ce qu’il faut de place pour ne pas risquer la disqualification. L’autre est sur la mauvaise partie de la chaussée, il ne peut revenir et se contente de rester dans la roue de Listereigh qui, épuisé, a mis ses dernières forces dans le sprint. Une fois descendu de son vélo, il titube. Son manager se précipite pour le soutenir. Listereigh regarde sur le côté, son poursuivant ne vaut pas mieux. Une fois dans un endroit plus calme et qu’il a récupéré un peu, il s’adresse à son préparateur.
- Il a fait combien Stigler ?
- Je ne sais pas, c’est qui Stigler ?
- Celui qui a fait l’étape en tête tout du long !
- Y a pas de Stigler, attends, je vérifie.
Le préparateur récupère son classeur, l’ouvre, suit du doigt le listing.
- Je l’ai, il a déclaré forfait au départ du Tour.
Listereigh ressort de la tente, il croise un homme en noir avec un petit drapeau. Ce dernier le salue. En passant près de lui, il lui murmure à l’oreille « A bientôt... ».
JAUNE ET DANGEREUX
Lambert est appuyé au mur avec son colt 45 à la ceinture. Il est rasé de frais et porte des rouflaquettes. C’est récent, c’est depuis qu’il fréquente une poule rue des Ursulines. Son acolyte, Frantz, un polonais, passe son temps à se foutre de lui. « Avec ton guidon de vélo sur la gueule, on dirait une pédale ! » Ils en sont venus aux mains, mais le patron a mis le holà. Il veut des hommes qui se tiennent tranquilles. « Si c’est pour avoir des mômes, y en a plein les entrées d’immeuble. » Frantz continue de se foutre de lui, mais il arrête avant que ça dégénère. Frantz a les cheveux courts et porte des chemises à fleurs sous sa veste de costume. Il préfère le Luger P08 9 mm. Lorsque Lambert veut le vexer, il l’appelle le Chleuh. Ils sont là depuis un bon moment. L’échange de la marchandise prend toujours beaucoup de temps. Il faut tester la came, puis compter les billets, que les hommes se mettent d’accord sur la prochaine livraison, puis qui sort en premier. L’une des chambres donne sur le couloir avec un ascenseur qui permet de gagner la cour, l’autre chambre ouvre sur un autre couloir avec un autre ascenseur. Celui-ci donne accès aux entrées de service. Moyennant un petit pourboire, le commis leur laisse la porte ouverte. Pour passer le temps, Lambert se cure les dents avec une allumette. Frantz s’approche.
- Le patron a dit de rester à sa place !
- T’occupe, ils en ont encore pour un moment. Dis, tu sais ce que c’est qu’un truc jaune et noir qui monte et qui descend ?
- Non.
- Un poussin dans un ascenseur avec une mitraillette.
- Tiens en parlant d’ascenseur.
Lambert a répondu en ignorant la blague de Frantz, ce dernier est quelque peu vexé.
- Y a quelque chose qui cloche, continue Lambert. C’est pas normal, le gars à l’accueil aurait dû nous prévenir. Il n’ont pas le temps de réagir qu’un énorme poussin sort de l’ascenseur.
- Pardon messieurs, je suis bien au neuvième ?
- Non, c’est l’étage en dessous, lui répond Lambert, un peu nerveux.
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A peine a-t-il fini sa phrase, que le gros poussin fait pivoter sa mitraillette et descend les deux types. Un canard et un Léopard arrivent chacun par un bout du couloir, ils enfoncent la porte de la chambre des trafiquants et tirent dans le tas.
- 180 000 euros et quatre kilos de résine de cannabis ! Je t’avais dis que l’effet de surprise nous donnerait l’avantage. Et regarde dans l’autre sac, c’est de la coke ! explique le gros poussin avec sa mitraillette. Hélène enlève sa tenue de léopard.
- Putain on crève de chaud là-dedans. C’est la dernière fois que je bosse avec toi, t’es vraiment cinglé !
- Tu diras ça au chef de la police, c’est lui qui a eu l’idée.
- Faut qu’il arrête le petit jaune dès le matin, ça peut devenir dangereux à haute dose !
IssauratMA RUÉE VERS L’OR
A la fin de mes études, je me souviens d’une annonce fascinante lue dans le Moniteur, concernant la vente d’un vaste domaine minier en Guyane, et avoir été tenté par son acquisition et la prospection du métal jaune, réputé à juste titre faire tourner les têtes. Hélas ou heureusement mon destin m’a détourné de cette folie, mais malgré tout je cherche toujours et encore l’or mais dans les mots, assurément au grand bénéfice de l’environnement.
Alors dans la droite ligne des exercices à contraintes, je vous livre le résultat de ma quête, réduit à un texte, où sa présence est soit suggérée ou plus souvent ses deux lettres sont incluses dans les termes composant le récit.
Ayant tout plaqué en Oregon, randonnant vers le sommaire bourg de San Francisco avec un cortège comprenant leur roulotte déplorable remorquée par une rosse, trotteur réformé, aux mors et éperons rouillés, des bardots lourdement bâtés, et Médor leur labrador aux crocs prompts à mordre, Jason d’Épidaure ex-torero encorné lors de la corrida de Cordoue, et l’orgueilleuse Laure de Lorient divorcée de Raoul d’Auray, abordèrent et explorèrent sous un horizon solaire incolore survolé par corbeaux et condors leur concession accordée, morne fraction de Californie correspondant à un fourré éborgné décroissant à l’orée d’une cordillère entortillée autour d’une rocade en surplomb débordant d’ornières.
Dès lors ils bornèrent ce territoire pour le clore, lorgnant avec curiosité les trognes des forty-niners crottés à l’œuvre, forant tout autour leurs trous dans les moraines tels des forçats couperosés, environnés de norias désamorcées croupissant, d’ordures pourrissant dans des bourbiers marronnasses et de scories grouillant de cloportes. Roublards, ils comprirent précocement que ces laborieux orpailleurs ne s’en sortiraient pas glorieusement, mais qu’un commerce rigoureux offrirait obligatoirement et théoriquement la formule pour soutirer une importante portion des fortunes découvertes par ces fouilleurs temporaires, en valorisant sans trop d’efforts ni athanor ou cornue leur projet. Alors ils ouvrirent sans formalités un drugstore construit en rondins vermoulus et cornières remployées, où les cohortes de garimpeiros nord-américains ou provenant du Pérou, lors de leurs courses pourraient pour se fournir et se nourrir évaporer leur récolte contre un ordinaire budgétivore, et surtout pour soigner leurs tourments sporadiques.
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On y trouva sans ordonnance de l’herboriste ou du docteur des fortifiants sans hormones pour revigorer les organismes détériorés des souffreteux courbaturés et des moribonds sur les rotules : du chlore de Niort contre la méforme, les morpions et le compère-loriot ; de la mandragore d’Orly contre le scorbut, le torticolis, les entorses et les hémorroïdes ; de l’ellébore de Gisors absorbé oralement contre la torpeur, le coryza, le psoriasis, la cornée racornie et les orgelets ; de l’orpiment en poudre pour bigorner les microbes du pylore et des broches ou dégorger l’aorte ainsi que les coronaires des thorax tordus ; de l’orviétan aux orties et au cresson contre le choléra, l’ostéoporose, les orteils écorchés et les oreilles à déboucher ; et aussi du formol, du chloroforme et de la morphine en suppositoire pour assommer les douleurs troublant leurs corpulences anorexiques, mais pas de cortisone ni de borax.
Les baroudeurs bosseurs les plus favorisés par le sort y troquèrent contre leurs trouvailles, leurs croquenots, leurs horribles anoraks et oripeaux troués, pour obtenir non pas des shorts courts, des frocs de croque-mort, des justaucorps informes, ou des grolles aux kroumirs sudoripares, mais des brogues en crocodile, voire des accoutrements ordinairement portés par des milords modernes ou les monarques contemporains de Lahore.
Les présentoirs de cet entrepôt de brocanteur regorgeaient de drôles de produits : des cordons bickford de Cork, des tromblons de corsaires portatifs, des brouettes pour mortier inodore de Portland, des rouets historiques contre les sortilèges, des corbeilles en osier du Morbihan, des brocs en porcelaine biscornue coréenne, des brimborions corrects de Lorraine, des torques coruscantes, des assortiments d’allégories pittoresques, des colliers pour corgis, des coraux des Açores, des anamorphoses multicolores d’Angkor, le boîtier reconnu de pandore, des coloriages de trombines de Baltimore, des croquis d’un baron créole, des
Lecointre
corsages indéformables de Montreux, du déodorant à la chlorophylle, des horoscopes pour capricorne, des horloges et des montres chromées de Toronto, des cors forgés en Andorre, des amphores autoportantes, des sortes de cornemuses d’Armorique, des cordes pour quatuor, des torches en cornouiller, des oriflammes de Corfou, des conserves de troncs d’ornithorynque, des répertoires Oxford, un ouvrage sur l’humour et le logarithme d’Isidore Loriot, un mémorandum sur les normes de la corporation des cordonniers, une brochure soporifique sur l’amour des doryphores et des scorpions, le brouillon des propos corrosifs de Rousseau et de Robespierre, la correspondance originale romancée en cunéiforme de Gorki à Corneille sous forme de métaphores et d’aphorismes ronflants, des cornes d’oryx en origami, des ornements en ivoire de morse, un grimoire de sorcellerie des korrigans d’Hiroshima, des gourmettes en similor, des orchidées de Sapporo, des hortensias du Vercors, des cynorhodons de Dordogne, des immortelles de Mordovie, de la chicorée de la forêt de Belfort et du phosphore du Bosphore.
Pour améliorer la croissance inexorable de leur trésor en essor, ils profitèrent que les touareg zoroastriens, les orthodoxes Biélorusses, les anachorètes équatoriens défroqués, les Croates rigoristes désordonnés, les adorateurs sans tchador du Coran d’Oran, les protestants timorés de Dortmund et d’Hanovre, les mormons concordataires du Missouri, et les connaisseurs moroses et incorruptibles de la Torah, optèrent pour honorer la religion du porc d’or en ignorant leurs morales, et alors les commerçants s’associèrent pour collaborer avec la torride et décolorée Flore de la Nouvelle-Orléans pour monter un bordel abordable, propre et florissant.
Elle apporta d’abord pour boire de nombreuses tournées un comptoir gorgé de Kronenbourg au sorgho, de Gévéor de contrebande, de tord-boyaux salvadorien et de cordiaux des Corbières avec Nestor et ses garçons ; puis pour les rondes ou les boléros un orchestre folklorique avec orgue, ocarina, accordéon, trompes, chorale avec Florent le corpulent ténor maori et Hector le soprano crooner roumain, mais surtout Corinne, Flora, Doris, Dorothée et Ornella d’adorables orphelines déshonorées, converties avec force torgnoles en d’accortes prostituées corvéables, arborant des torses aux rotoplos corsetés et des porte-jarretelles noirs, qui subornées morflèrent pour accomplir de sordides fornications gores, provoquant contre des dollars ou des paillettes, des orgasmes exorbitants sans fioritures aux organes filiformes des porions déformés et essorés, devant leurs orifices et clitoris torturés, sans omettre d’insupportables blennorragies.
LABORATOIRE DE RECHERCHES CRÉATIVES
Métamorphosés en millionnaires croulant sous la surabondance, nos sombres héros corrompus songèrent dorénavant à abandonner leur foyer poreux sans confort. Laure se croyant décoratrice élabora alors son programme pour concevoir un manoir à la Chambord, calorifugé et insonorisé, aux croupes couvertes en ardoises, où pour les dorloter un majordome professionnel de Londres commanderait une troupe de soubrettes et un personnel performant.
La propriété entourée par une clôture robuste de forteresse comporterait un portail en bronze doré et orme chantourné, ouvrant sur une cour gravillonnée, et un forum arboré bordé par une orangerie et ses oriels, un triforium en torchis victorien, de gloriettes armoriées avec des profils de gorgones, de tours arrondies bouchardées formant des miradors sans débords, d’avant-corps en porte-à-faux, et de contreforts en encorbellement. Une corniche à bec-de-corbin couronnerait des portiques doriques et corinthiens en diorite orbiculaire de Corse. L’impressionnant porche parcouru, on découvrirait un corridor orné de poutres torsadées en sycomore corroyé reposant sur des parois de porphyre rouge et de cornaline orangée, support des portraits des propriétaires, des eaux fortes de Fragonard, des reproductions du Gréco et des panoramas de Pretoria, qui les conduirait vers un grandiose séjour au décorum rococo, où le brocart dominerait et où ressortiraient pour s’asseoir des guéridons aux napperons brodés, des tabourets tarabiscotés, des cabriolets pléthoriques, et des voltaires aux dossiers ouvragés, avant de rencontrer après un boudoir romantique un formidable dortoir sans convertible, puis un bonheur-du-jour en poirier de Corrèze, et d’énormes armoires normandes en robinier avec des tiroirs courbes, sans oublier des chiffonniers en pommier de Cahors pour loger une incommensurable garde-robe, suivront un coucher où dormir, port de Morphée, avec ses oreillers et ses courtepointes en organdi tricolore et des couvertures en fourrure de castors d‘Ontario et d’ours de Moravie, et à proximité trônant sur une plateforme marmoréenne en portor, une baignoire hors normes en corindon et fluorine marocaine avec une robinetterie recouverte de carats.
Un prototype d’escalator raccorderait le couloir d’honneur à un laboratoire pour gastronomes où une tortore roborative de cordon-bleu serait élaborée par Norbert au fourneau patron des marmitons, pas pour que les ogres morfals gourmands et gourmets picorent des rogatons, mais se goinfrent et dévorent dès potron-minet avec un robusta torréfié : des brioches de Bornéo, des croissants de Louksor, du porridge de York, des corn-flakes d’Orgeval, des croque-monsieur d’Orsay ; puis des hors-d’œuvre dont du bortsch de Kherson, du foie-gras au torchon, des rogues d’esturgeon, des ormeaux des Comores ; des
rollmops avec ses gros cornichons, du homard thermidor, de la tortue du Timor, de la morue portugaise, de la dorade du détroit d’Ormuz, du rouget de Roubaix, des brochettes de brochet aux brocolis ; du goret à l’origan, de la mortadelle lombarde, du chorizo du picador, des raviolis de Formose aux girolles, des tourtes aux poireaux, des colverts rouennais aux crosnes, des ortolans aux morilles, de la choucroute de Forbach, le rosbif et le tournedos morceaux du boucher, des rôtis d’auroch aux aromates, des rognons de Rotterdam, du corned-beef au Kubor et à la coriandre, de l’entrecôte bordelaise, des orignaux à la broche, des scaroles romaines, de la fourme, du roquefort et du gorgonzola, du pop-corn à la confiture, des sorbets aux goldens, des bavarois et des charlottes aux marrons, du touron d’Aragon, des macarons à la rose et des florentins euphorisants, des croquignoles arrosés de Bourbon royal, de Porto hors catégorie, de Bordeaux et de Bourgognes d’origine contrôlée, de roteuses dom Pérignon, et pourquoi pas de sirop d’orgeat.
Leur avoir monstrueux débordant désormais de leurs grassouillets et coriaces coffres forts, un ordre opportun résonna : « Filons ! »
Alors que dehors Orion mourait, lors d’une aurore favorable d’octobre, ils sortirent leurs pépites, lingots et barres avec discrétion et leurs passeports, pour les transporter sur le littoral pour occuper un cargo protégé par une corvette et un torpilleur jordanien en direction de Bangalore, via le Colorado et la Floride.
Sans forte escorte protectrice hormis Igor, Fédor et Boris leurs trois gorilles périgourdins, ils jouèrent les cochers d’opérette et s’envolèrent de leur coron, mais poursuivis en cours de route par une horde de rôdeurs gouvernée par l’ex major nordiste Théodore Morgan Junior et son subordonné le caporal Georges Robert Ford incorporant aux troufions tocards horsla-loi des desperados et des forbans sortant de prison, ils foncèrent tant que les rayons corrodés de la roue droite rompirent transformant leur chariot en corbillard, et ainsi ils tombèrent et roulèrent avec leurs quatorze fourgons dans la gorge du rio Bravo, aussi profonde qu’un fjord norvégien, et coulèrent emportés dans un vortex, tourbillon mortel, alourdis par leur or dont ils doublèrent leurs caracos en angora et leurs uniformes de conquistadors. Jason alors pérora implorant ses proches : « Maman, viens m’aider ! » Sur ces paroles ils se noyèrent dans le torrent corsé par un extraordinaire orage, et personne ne les retrouva dans cette morgue tropicale, cromlech et eldorado conservé par les alligators et les crotales.