IMPERCEPTIBLES Jérémie Dru 1
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Les photographies présentées sont des surimpressions sur négatif, il n’y a pas de retouches numériques. Les tirages sont faits à l’agrandisseur sur papier baryté.
The presented photos are multiple exposures on film, there are no digital retouch. The prints are made with an enlarger on baryta paper.
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CONTENTS
8. Multicité - Texte de Hélène Canaud, paru dans HBA - Webzine de photographies argentique n°3 16. Ailleurs - Texte de Jérémie Dru et Louis Befve, paru sur le Temps Imaginaire Revue web, sur le thème de l’interprétation 26. Imperceptibles - Interview paru sur Télégramme Magazine 30. Références
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MULTICITE Texte: Hélène Canaud Parution: HBA - Webzine de Photographies Argentiques n°3
“La déambulation dans la ville induit pour le passant un mode d’observation spécifique à son échelle infime dans l’immensité urbaine, une vision fragmentaire, attentive aux détails et aux accidents.(...) La promenade fait partie des nombreux jeux dans lesquels la liberté et l’expérimentation sont les maîtres mots censés conduire à l’expression de l’inconscient des artistes.” Héloise Pocry « Ces images sont des surimpressions photographiques. Mode d’exploration favori des surréalistes et des artistes de la Nouvelle Vision, la surimpression nous donne à voir, depuis cette époque, la cité en simultané sous ses multiples visages. Jérémie Dru revisite cette technique dans le Paris d’aujourd’hui. L’œil de l’architecte a bien sûr accroché les bâtiments, cela est palpable dans la restitution de leur verticalité et jusque dans la sensation magique donnée par la transcription ultra-fine de leurs détails. L’immeuble s’offre comme une surface compartimentée qui, grâce à la platitude donnée par le filtre de la photographie, découvre une géométrie à l’aspect constructiviste, quasi pictural. Les voyages en train, si on les vit joue posée contre la vitre, produisent cet état mental qui tend à faire se mélanger les 8
espaces-temps, les sensations visuelles, les fractions de paysage et les pensées. La convocation du souvenir s’en trouve également complexifiée, aboutissant parfois même à une certaine confusion avec la conscience de l’immédiateté . Si le déplacement avait un équivalent photographique dans son expression de la translation et du chaos, cela impliquerait assurément la surimpression. Les correspondances formelles que Jérémie Dru emploie pour élaborer ces tableaux urbains, mettent le spectateur dans la position du marcheur qui a brûlé les étapes, toujours imprégné de la poésie des bois qu’il vient de sillonner, alors même que ses pas l’ont déjà mené dans la rue, ou prisonnier d’un surencombrement du réseau souterrain comme on le serait d’ un embouteillage automobile. Boulevards périphériques, avenues, quais, couloirs de métro, ponts, voies de chemin de fer, les différents axes se confondent, entraînant toujours plus loin des êtres qui s’épuisent à tenter de rationaliser leur perception d’un défilement de paysages qui n’en finit plus, sans pour autant évacuer le principe même de répétition. » Printemps 2013
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“The wandering in the city involves the pedestrian into a specific manner of observation regarding his inconsequential scale in the urban immensity, into a fragmented vision that cares about details... the walk belongs to the many play of the artist, where freedom and experimentation lead us to the artist’s unconcious.” Héloise Pocry These images are multiple exposures. Favourite path of discovery for surrealists and artists of the new Vision, the multiple exposure brings simultaneously together the different faces of the city. Jérémie Dru revisits this technique in the Paris today. The eye of the architect caught the buildings, this is palpable in the reproduction of the vertical lines, and in the magic feel given by the transcription of the details. Train journeys can create this mental state that mix space-times, visual feelings, parts of landscape and thoughts. Memories become much more complex to reach a certain confusion state of the instant consciousness. if there is a photographic parallel to the movement, it would include multiple exposure. Jérémie Dru’s informal correspondences put the viewier in the position of the traveler who skip step, still permeated by the poetry of the woods he just walked through, although he has arrived in town, or in the overcrowded metropolitan. Rings, boulevards, avenues, subway platforms, bridges, railways. The differents urban axes are merging, inducing the viewer further, confused by trying to rationalize the perception of an endless landscape passing by.
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AILLEURS Texte: Jérémie Dru et Louis Befve Parution: Le Temps Imaginaire - Revue internet
Jérémie Dru est photographe, architecte et membre du collectif GANG. La pratique photographique qu’il se propose d’éclairer ici est une recherche sur le possible et le réel des lieux que nous habitons. Une manière de concevoir l’instrument de captation qu’est l’appareil photographique à partir d’une lecture personnelle de la physique quantique. La photo devient alors l’outil d’une interprétation ouverte du monde. L’impression d’instantané se dégageant des photographies est trompeuse : le principe même de la photographie est de capturer de la lumière durant un intervalle de temps plus ou moins long. L’évolution des techniques de la photographie a tendu à raccourcir l’intervalle de temps nécessaire à fixer une image visible et à se rapprocher de plus en plus de la capture d’un instantané mais une photographie reste malgré tout la capture de la lumière dans un espace donné durant un temps donné. Cette particularité de la photographie laisse une certaine latitude à l’interprétation du photographe, qui peut déformer le réel mais aussi tenter de s’extraire de sa subjectivité pour donner à voir des scènes qui ne semblent pas exister. Au début du XXème siècle, la mécanique quantique, qui régit l’infiniment petit (à 16
l’échelle atomique et subatomique) et la relativité générale, qui régit l’infiniment grand (à l’échelle des astres) commencent à mettre en évidence que les lois qui sous-tendent l’univers ne sont pas toutes perceptibles avec nos yeux, et qu’elles peuvent rentrer en contradiction avec des certitudes profondément ancrées dans notre corps. Ainsi, il est très difficile de se représenter que le temps puisse se dilater ou se contracter sous l’influence de la gravité ou que l’incertitude intrinsèque aux lois de la physique quantique puisse engendrer une infinité d’univers parallèles (ou du moins d’univers divergents). Le temps n’est pas une droite qui file sans jamais se retourner. « Le futur existe déjà, le passé existe encore. » [1] Quant à notre univers, il n’est qu’une version d’une multitude d’univers possibles. « L’univers ne suit pas une existence ou une histoire unique mais toutes les versions possibles de l’univers coexistent simultanément au sein de ce que l’on appelle une superposition quantique » [2]. Notre connaissance du monde est limitée par le prisme de notre perception. Selon Stephen Hawking, « on ne peut extraire l’observateur – nous en l’occurrence – de notre perception du monde, car celleci est créée par nos organes sensoriels,
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et notre façon de penser et de raisonner. Notre perception n’est pas directe, elle est construite à travers la lentille qu’est la structure d’interprétation de notre cerveau». La photographie permet la capture d’un espace-temps malléable : on peut aller à l’encontre de cette volonté du photographe de retranscrire fidèlement le réel en fragmentant les espaces saisis et les temps d’exposition non nécessairement linéaires sur une seule photographie. La photographie devient alors la technique artistique sans doute la plus à même d’évoquer ces théories scientifiques qui bouleversent la perception de notre environnement. Faire apparaître des lieux imperceptibles, confondre des espaces dans une même portion de temps, devient alors un jeu pour le photographe qui ne cherche plus à représenter le réel, mais le possible. Se détacher de l’image que l’on fabrique avec notre corps, s’affranchir du prisme
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qui nous sert à interpréter notre environnement, que l’on perçoit comme statique, pour le faire entrer en résonnance à travers des superpositions intentionnelles ou pas d’univers. On pourrait dire du photographe qu’il rêve ou fantasme son environnement, lui ne cherche qu’à entrevoir la quintessence de ce qui l’entoure. Des scientifiques ont découvert que de la lumière issue du Big Bang voyageait dans l’univers, ce qu’on appelle le rayonnement fossile. En l’étudiant, ils ont pu percevoir les premiers instants de l’univers. Comme le rayonnement nous offre une trace des premiers moments de l’univers, l’appareil photo permet d’entrevoir les traces d’une ville qui a existé, existera ou n’existera peut être jamais. Tel Italo Calvino évoquant dans ses Villes Invisibles des traits caractéristiques de villes imaginaires pour symboliser la ville véritable, le photographe échafaude des superpositions oniriques pour suggérer les principes ineffables administrant notre monde. GVNG (Jeremie Dru, Louis Befve) [1] Théorie de la double causalité de Huw
Price
[2] Stephen Hawking et Leonard Mlodinow, Y
a-t-il un Grand Architecte dans l’Univers ? Paris, Odile Jacob, 2011
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IMPERCEPTIBLES Texte: Jérémie Dru Parution: Télégramme Magazine
Jéremie Dru is a 28 year old French photographer, living in Paris. I asked him a few questions about his work, and this is what he said… TM: What do you shoot with? I have a Mamiya RZ67 – it is a medium format film camera. Originally, it was a camera that we used for studio shooting, but it is also very effective for street photography. It’s an analog camera (120 film) which offers a good quality of image. TM: How long have you been taking photographs? JD: I began taking photos when I was studying architecture, in 2005-2006. The camera helped me to build my view of the city, and understand the role of the architecture in the set which constitutes the city. It allowed me to stage the urban spaces at which I looked, at which I studied. I learned how to look at the architecture, at the material, at the relation at the light… TM: What inspires you the most? JD: I’m inspired by literature, by cinema, photography, comic strips, paintings and sculptures. What affects me most are the works which question the perception of our environment, the artists who question what we consider to be real, who use the concrete to show
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the unspeakable. I read many books which try to strengthen research in astrophysics, which touch the quantum physics. This research eventually highlights that the laws which structure the universe are not quite perceptible with our senses, so we have a vision limited by our environment. It is difficult for us to conceive that on the scale of the universe, the space and the time can contract, dilate, even bend… TM: What’s your favourite thing to take photos of? JD: Photography allows the capture of mouldable space-time. We can go against the will of the photographer to capture faithfully the reality by splitting up the seized spaces and the not inevitably linear times of exposure on a single photography. The photography becomes then the artistic technique, doubtless most to evoke these scientific theories which upset the perception of our environment. To reveal imperceptible places, to merge spaces in the same portion of time, becomes then a game. The photography does not try to represent the reality any more, but the possible. We do not see a representation of the various urban sequences, but the transition between these spaces, the passage from a place to an other one. We can look at the state of the traveler, and the way which has the city to exist through the journey, through
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our movement in the street. TM: What are you plans for the future? JD: I would like to continue my research on the urban journey by working on other urban landscapes than Paris. In parallel, I pursue my work as architect-artist within the collective gvng, which I established with 3 friends. We try to make the architectural discipline approachable, by representing it by different artistic mediums (photos, video, drawing, images) and by working on the collective architecture. TM: What is it that you enjoy about photography? JD: It is the possibility of capturing a portion of reality – whether it is a scene, a place, somebody, a moment – and to fix it in time. What is interesting about analog photography is the printing of the photo on a physical and real support: the film. Unlike digital photography, the photograph is printed on a material and existing support. It gives it a more authentic character. When I look at my films, it’s as if the photos that I took were real. The various layers of reality which I captured are inseparable, and live together on the negative. TM: What motivates you? JD: It is the creativity around the representation of the city. Cities are the track of our civilisation on a territory. It is the representation of our society and our different systems. I like making and seeing images which celebrate this city, which puts it in movement, which question it.
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RÉFÉRENCES
Expositions / Exhibitions
Parution web / Web publication
12/2014 Mois de la photo - Galerie Uni-ver/Collette Colla - Paris XI - 1 tirage sur papier baryté noir et blanc, 97x106 cm
01/2015 Hi-Fructose - The New Contemporary Art Magazine [Eng] http://hifructose.com/2015/01/08/jeremie-drus-dreamy-double-exposure-photographs/
06/2013 [Re]Voir la ville - L’âge d’or - Paris XIII
01/2015 Nuncalosabre [SPA] http://www.nuncalosabre.com/2015/01/ imperceptibles-jeremie-dru.html 09/2014 Télégramme Magazine [Eng] - Interview http://hellotelegramme.co.uk/2014/09/ photographer-spotlight-jeremie-dru/ 04/2014 Le Temps Imaginaire - revue web [Fr] Article sur le thème de l’interprétation http://www.le-temps-imaginaire.fr/interpretations/chronique-du-lien/article/photographier-l-ailleurs 01/2014 Kunst Mag http://kunstmag.typepad.fr/kunstmag/2014/01/jeremie-dru.html 01/2014 Curiocity http://www.curiocity.fr/hello/?p=9274
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10/2013 Wikilinks - Interview http://www.wikilinks.fr/galerie-les-decors-enchevetres-jeremie-dru/ 04/2013 HBA - Webzine de Photographies Argentiques n°3 http://issuu.com/hba-photo/docs/ hba3/7?e=0/3466887
Contact Jérémie Dru +336.64.00.12.13 dru.jeremie@gmail.com http://jeremiedru.com jeremiedru.tumblr.com gvng.fr 31
Paris - 2015 ©Jérémie Dru
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