Fiche
Le génocide arménien À l’approche du centenaire du génocide des arméniens d’Asie mineure, occasionnant 1,5 millions de victimes, le négationnisme n’a pas encore disparu. Ce négationnisme entretenu notamment par l’état Turc, prend différentes formes comme le montre le positionnement insatisfaisant d’Erdoğan (Président de la République de Turquie). Il a par exemple présenté ses condoléances aux petits-enfants des victimes tout en affirmant qu’il « faut laisser l’Histoire aux historiens. » alors que la reconnaissance du génocide est établie par nombre de travaux d’historiens turcs.
• Chronologie des événements : 1908-1909 : Prise de pouvoir du régime nationaliste Jeune-turc par une révolution constitutionnelle. 1913 : Après quelques années de vie parlementaire, trois généraux font un coup d’état. 1914 : Les généraux entrent dans la guerre aux cotés des allemands. Cette entrée en guerre a mis la pression sur ce régime. Un plan de réforme pour l’Arménie fut imposé par les forces occidentales, mais la première guerre mondiale entrava son application. Le régime, sous pression, pour se maintenir, mit au pas sa population en désignant un bouc émissaire : les arméniens qui réclamaient des réformes leur reconnaissant davantage de liberté démocratique et de droits. L’Article 16 du traité de Berlin devait engager la Sublime Porte à entreprendre les reformes nécessaires mais cet article ne fut pas appliqué. Ce manquement entretient une contestation des intellectuels et paysans arméniens.
24 avril 1915 : Les intellectuels, conseillers politiques arméniens de Constantinople sont arrêtés par surprise par le gouvernement Jeune-turc. mai 1915 : Ce scénario se répéta, s’élargissant d’abord aux hommes en état de porter les armes, déportés en dehors des villes et tués en montagne au couteau, au sabre ou au fusil. Puis les femmes, les vieillards et les enfants marchèrent eux aussi pendant des jours, jusqu’à arriver au milieu du désert, victimes d’exactions et de famine à l’occasion de ce trajet. Nombre de jeunes femmes sont également vendues et réduites au rang d’esclaves. Septembre 1915 : Vient le tour d’autres Arméniens de l’Empire. Ceux-là sont transportés vers Alep dans des wagons à bestiaux pour échouer dans des camps de concentration en zone désertique. Durant l’été 1915, c’est plus des deux tiers de la population arménienne de l’Empire Ottoman qui disparut.
1923 : La République Turc qui est créée continue la négation du génocide faisant ainsi primer ses besoins administratifs et son désir d’unité nationale sur la vérité.
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• La reconnaissance du génocide : La communauté internationale a commencé à reconnaître politiquement le génocide arménien seulement à partir de la fin des années 80. Le parlement Européen, le parlement du Mercosur et l’ONU ont notamment été tardivement les fers de lance de cette reconnaissance de la volonté de détruire un peuple, volonté qualifiée comme génocide. La France quant à elle a adopté le 22 décembre 2011 une loi réprimant la contestation de génocide reconnu par la loi. Cette loi, prévue pour tout génocide fut néanmoins discutée principalement autour du cas du génocide arménien. Faisant encore débat aujourd’hui, plusieurs historiens s’élevèrent contre les « pressions » occasionnées par ce texte faites sur leur discipline dans la presse écrite et les médias en utilisant des pétitions. D’autres pays, tel le Royaume-Unis, ont fait le choix de ne pas reconnaître ce génocide, arguant d’un désaccord quant à la définition du terme « génocide » se posant ainsi en contradiction avec une majorité d’historiens. Ces derniers s’accordants sur le fait qu’une volonté planifiée de destruction d’un peuple s’est bel et bien produite en Asie mineure. En janvier, le Président turc a semblé à nouveau s’éloigner du chemin de la réconciliation en suscitant l’indignation du président arménien, l’invitant aux célébrations du 100e anniversaire de la bataille de Gallipoli. En effet, Erdogan n’ignorait pas que cette célébration avait lieu à la même date que les commémorations du génocide le 24 avril. L’Arménie ayant naturellement refusé cette proposition provocatrice, s’est vu jugée « irrespectueuse » par Erdogan lors d’un récent déplacement. Une reconnaissance non gouvernementale existe comme celle de l’EGAM, association européenne regroupant les mouvements anti-raciste. Nombre de personnalités, d’artistes, d’intellectuels se sont également exprimés en faveur de cette reconnaissance et du dialogue entre les pays aboutissant à des projets culturels favorisant un travail de mémoire tel que le film The Cut sorti en 2014 réalisé par Fatih Akin.
• Les enjeux : Lutter contre le négationnisme Trouver la justesse des rapports à venir entre la Turquie et l’Arménie Trouver une issue à l’adhésion de la Turquie dans l’Union-Européenne Répondre au débat sur les lois mémorielles Protéger les lieux de cultes et de mémoires en France. En mars 2015, le mémorial du génocide arménien situé place Antonin - Poncet à Lyon a été vandalisé.
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• L’interview de Loris Toufanian, Président du Nor Seround
I) À l’approche des commémorations du centenaire de ce génocide comment perçois-tu le chemin de la réconciliation entre le peuple turc et le peuple arménien ? Le peuple arménien n’est pas fâché contre les turcs, nous n’avons donc pas de raison de nous réconcilier. En revanche, l’Etat turc actuel, lui, est toujours comptable du crime de génocide et bénéficiaire de ses résultats. Nous ne pouvons l’accepter, pour les militants de la cause arménienne, il n’y a pas de paix ou de réconciliation sans justice. II) Ce n’est qu’à la fin des années 80, que notamment le parlement du Mercosur, l’ONU et quelques premiers pays ont commencé à reconnaitre le génocide arménien. Comment expliquer cette longue période de silence de la communauté internationale ? Pendant et après la période du génocide des arméniens, le gouvernement Jeune-turc puis le régime Kemaliste ont tout essayé pour faire taire les revendications légitimes du peuple arménien. Tout cela en instaurant un négationnisme d’Etat d’une part et une pression diplomatique et économique sur les grandes puissances d’autre part. C’est en appliquant cette double stratégie que la Turquie a réussi à instaurer le mur du silence.
III) Le parlement européen vient de reconnaitre le génocide arménien. Cette reconnaissance, représente aussi un combat de la communauté arménienne qui, pas-à-pas, a fait reconnaitre ce génocide dans nombre d’États. Comment expliques-tu les réticences de la Turquie qui persiste sinon à nier en tout cas à minimiser significativement ce génocide ? Si le vote du parlement européen est une victoire, il ne faut pas oublier que le génocide des arméniens de 1915 est devenu au fil des années le génocide le plus reconnu du monde. Ce que craint véritablement la Turquie c’est de devoir payer pour son crime. Et c’est pour éviter la question juridique que les gouvernements turcs successifs mettent en avant la question historique. Tant que le monde cherchera un aveu de l’Etat turc, celui-ci échappera à la justice.
• Conseils bibliographiques : « Détruire les Arméniens : Histoire d’un génocide » de Mikaël Nichanian, PUF, 2015, 273 p. « 1915, Le rêve brisé des Arméniens » de Gaïdz Minassian, Flammarion, 2015, 360 p. « Comprendre le génocide des Arméniens, de 1915 à nos jours » de Hamit Bozarslan, Raymond Kévorkian et Vincent Duclert, Tallandier, 2015, 384 p.
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