Revue ecosocialiste n°4

Le capitalisme, c’est autant l’exploitation de l’Homme que de la nature.

la revue

éco socialiste faire le socialisme du 21e siècle

Numéro 4 - Juin 2014

DOSSIER LE SOCIALISME EST-IL ENCORE PORTEUR DE PROGRÈS ?

Entretien avec Claude Bartolone et Jean-Baptiste Fressoz

Ouvrons le débat sur TAFTA avec les Jeunes Socialistes Autrichiens

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EDITO

Le progrès n’est pas naturel c’est un choix C’est le moment des questionnements pour la gauche. Questionnements quand elle se réveille à 30% dans les urnes face à une droite moribonde et une extrême droite en tête. Les idées de la réaction en tête, celles du progrès à la traine.

Cela nous apprend que ne sont naturels ni l’adhésion populaire aux idées de progrès ni la marche vers ce dernier. Il n’y a pas de sens de l’Histoire qui serait automatique, mais l’action des hommes et des femmes qui donne un certain sens aux événements et qui peut amener au progrès.

Peut être que ce qui manque aux socialistes d’aujourd’hui c’est une certaine idée du progrès. Car le progrès n’est rien sans définir ce vers quoi il tend. C’était l’entreprise des socialistes utopistes, par l’autogestion, l’économie coopérative, et la vie en commun. Des utopies qui devenaient parfois réalisations concrètes comme les phalanstères de Fourier ou l’amélioration des conditions de vie des ouvriers de New Lanark par Robert Owen, fondateur du mouvement coopératif.

L’utopie c’est cette société qui se dessine aujourd’hui de manière autonome à travers les nouvelles économies, l’Economie sociale et solidaire, les FabLabs, les AMAP et les monnaies locales. Une société au service des humains et non des profits pour eux mêmes, que le politique légitime aujourd’hui en lui donnant un cadre légal.

Une société de progrès au 21ème siècle dépasse le capitalisme qui exploite autant

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l’homme que la planète, comme nous y invite Gorz. Elle met au cœur la réduction du temps de travail pour permettre l’émancipation de chacun dans un environnement sain et durable.

A l’heure où les politiques court termistes ne se fondent que sur des indicateurs économiques dénués de sens : 3% de déficit, 60% de dette, 2% d’inflation, et qui ne répondent en rien au vécu de nos concitoyens ou à un idéal, il est temps de se poser les bonnes questions.

Les progressistes ne peuvent être ceux qui prônent une gauche sans idéal qui aurait abdiqué face au capitalisme. Mais, le retour à un modèle calqué sur celui des 30 glorieuses n’aurait aucun sens non plus à l’heure de la croissance atone, de l’épuisement des ressources naturelles mais aussi d’une production de richesses inégalée dans l’Histoire, accaparée par quelques uns. Il revient donc aux utopistes du 21ème siècle de préserver la capacité démocratique des femmes et des hommes à choisir et définir leur destin, pour inventer une société dans laquelle ils souhaitent et peuvent vivre décemment, durablement, et s’émanciper.

Laura Slimani Présidente des Jeunes Socialistes

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SOMMAIRE Edito 2 Société en mouvement L’illusion des gaz et huiles de schistes 4 Travail Quand le progrès n’est plus le temps libéré pour les salariés 5 Santé OGM : modernité ne rime pas forcémment avec progrès

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Décryptage Qu’est-ce que la brevetabilité du vivant ?

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LE DOSSIER - LE SOCIALISME EST-IL ENCORE PORTEUR DE PROGRÈS ? 9 Article - Donner un sens au progrès

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Entretien avec - Claude Bartolone et Jean-Baptiste Fressoz

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Zoom sur... - ESS, mouvement coopératif, fabs labs : de nouvelles formes de travail collaboratif

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Fiche de lecture - Capitalisme, socialisme, écologie, André Gorz

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Histoire - Quand l’Utopie devient réalité, un progrès libéré des dogmes

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Débats avec les Jeunes Sociaistes Autrichiens Tafta : « Si nous devions signer un traité, celui-ci devrait porter sur la solidarité internationale et la coopération »

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L’actualité de l’écosocialisme 24 Vous souhaitez participer à la création du prochain numéro de la revue écosocialiste ou à la vie du site ecosocialiste.fr ?

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Directrice de la publication : Laura Slimani Rédaction en chef : Juliette Perchepied Lorenzo Salvador Maquette : Richard Chesneau

Imprimé par nos soins

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Société en mouvement

L’ILLUSION DES GAZ ET HUILES DE SCHISTES A l’heure des travaux préparatoires sur la loi énergétique, le déficit de la balance commerciale, plombée à 82% par les quelques 55 milliards d’euros d’importations de pétrole en 20121, révèle la dépendance énergétique de la France. Le débat sur les gaz de schistes est donc récurrent.

Si les conséquences environnementales d’une exploration et d’une exploitation des gaz de schistes sont avérées, l’espoir de découverte d’une technologie plus propre relance sans cesse le débat. Cependant, des incertitudes planent sur la taille des gisements disponibles, les éventuels gains macro-économiques ou encore les créations d’emplois réelles, tandis que la commission Européenne vient d’autoriser l’exploitation.

Celle-ci est polluante pour l’air, les sols et les nappes phréatiques, en plus d’être une double source de gaz à effet de serre (GES), par l’émission de méthane et sa combustion créatrice de CO2. La seule technique d’extraction connue à ce jour est la fracturation hydraulique. De l’eau est injectée dans le sol, ainsi qu’un cocktail de produits chimiques à composition secrète. Les populations, dans un rayon de 800 mètres, risqueraient à plus de 70% de développer un cancer2, et de nombreux autres symptômes se sont déclarés

C’est une solution court-termiste qui va à l’encontre des recommandations du GIEC et des engagements de la France à l’échelle internationale.

Nous connaissons pourtant une multitude de sources d’énergies qui n’impactent pas l’environnement : les énergies marine, éolienne, solaire, hydraulique... qui permettent de produire l’énergie dont nous avons besoin, au plus proche des territoires, des habitants et des besoins.

La taille réelle des réserves de gaz et de pétrole de schistes est incertaine. En Pologne, le géant ExxonMobil s’est finalement retiré du pays, tandis que l’euphorie industrielle semble avoir atteint un plafond en Amérique du Nord où Shell et d’autres ont réduit de moitié leurs investissements en 2013.

Enfin, si les forages créent provisoirement des emplois, l’exploitation des puits en nécessite très peu. Le taux d’emploi par puits est ainsi de 1,2 aux Etats-Unis3. De plus la fuite des populations, des commerces, des services publics, la destruction d’espaces agricoles et des paysages doit être envisagée. Les avancées techniques ne signifient pas nécessairement progrès social. C’est au politique, via ses choix, de faire ces distinctions.

3 Le mirage du gaz de schiste, Thomas Porcher, Paris, Max Milo Editions, 64 p.

Photo : Swisscan

1 Bilan énergétique de la France en 2012, Commissariat Général à l’énergie, juillet 2013 2 D’après l’étude parue en mars 2012 dans Science of Total Environment, par la chercheuse Lisa Mc Kenzie

chez les employés et les riverains.

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Travail

TRAVAIL LE DIMANCHE : CE N’EST PAS UNE FATALITÉ « Travailler plus pour gagner plus » : le slogan attire par son côté volontairement simpliste.

Les polémiques en début d’année sur le travail le dimanche montrent que beaucoup sont prêts à travailler plus pour récupérer du pouvoir d’achat. Le slogan « Yes week-end », inventé par des communicants et porté par des salariés voulant travailler le jour du repos dominical a été instrumentalisé par un patronat souhaitant le banaliser et le payer tel un jour normal.

Ce débat renvoie, tout comme les accords de compétitivité conclus au sein des entreprises, à la conception du travail et du modèle de société.

NÉGATION DE LA DIMENSION ÉCOLOGIQUE Le débat occulte par ailleurs toute la dimension écologique. Ce 7e jour deviendra tout aussi énergivore que les 6 précédents.

De plus, les grandes surfaces commerciales sont en général en périphérie des villes et demandent transports et infrastructures, en contradiction avec la nécessité de développer des espaces urbains denses où tout resterait à proximité.

CHANGEMENT DE LOGIQUE

Pendant près de 50 ans, le progrès social est passé par la réduction du temps de traLes évolutions de rythmes de vie, la hausse vail, des semaines de congés payés aux 35h des coûts de logement, transports ou forma- : le progrès technique produisait un progrès tion amènent aujourd’hui une génération de social. Aujourd’hui, deux visions s’opposent. salariés à défendre le travail le dimanche pour D’une part, une société de croissance procompenser la stagnation du pouvoir d’achat, ductiviste, où l’être humain serait toujours notamment dans la grande distribution. davantage exploité au service de la production de « valeur » et Ouvrir les commerces « Il s’agit aujourd’hui de soumis à l’accumulale dimanche serait défendre un modèle de société tion illimitée du capisoi-disant la promesse privilégiant le travailler tou- tal. D’autre part, une d’un chiffre d’affaire te-s, moins et mieux. » perspective d’émancien hausse. L’extension pation humaine : une de l’ouverture à un 7ème jour assurerait le organisation de la production où les progrès maintien ou la création d’emplois. Les sa- de la productivité sont au service de l’humain lariés auraient le choix de travailler ou non et qui permettent de poser la question des sans aucune obligation. Une étude du Cré- fins sociales et écologiques de la production. doc (2008) précise pourtant que les chiffres C’est la conception de la possibilité d’une de création ou de maintien d’emplois sont autre répartition des temps de la vie, entre fantaisistes et que les effets d’une ouverture travail et temps libérés. Faire travailler les sagénéralisée des commerces le dimanche lariés le dimanche c’est refuser la hausse de seraient pratiquement nul sur l’emploi et le leurs salaires pourtant nécessaire. Pour repouvoir d’achat des Français. Ce phénomène donner du pouvoir aux salarié-e-s, le travail entraînerait plutôt la précarisation de l’em- libéré doit permettre à chacun de vivre diploi, et a déjà des conséquences sur la vie de gnement de son travail. Il s’agit d’un modèle famille et l’échec universitaire (20% lié aux de société privilégiant le « travailler tou-te-s, jobs étudiants). moins et mieux ».

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Santé

Photo : Claudio.Ar

OGM : MODERNITÉ NE RIME PAS FORCÉMMENT AVEC PROGRÈS

Le 12 juin 2014 le Conseil Européen des ministres de l’environnement s’est accordé sur une réforme du processus d’autorisation des OGM, après de longs mois de batailles entre États, firmes semencières et société civile.

Cet accord demande aux États de négocier sous la houlette de la Commission avec les firmes semencières s’ils acceptent de faire partie du périmètre de cultures proposé par les entreprises ou s’ils refusent. Si les firmes d’acceptent pas, l’Etat peut toujours interdire l’OGM sur des motifs socioéconomiques et agricoles, et plus uniquement sanitaires ou environnementaux. Ils ne pourront pour autant pas interdire le transit d’OGM sur leur territoire. Cet accord fait une trop grande place aux multinationales dans le processus de décision et devra donc être largement amendé lors de son étude au Parlement européen, d’autant que le Commissaire à la santé vient d’annoncer la prochaine autorisation du maïs TC1507.

La culture d’OGM représente 0,7% de la surface agricole de l’UE, et est concentrée à 95% en Espagne et au Portugal. L’annulation par le conseil d’Etat en mars 2012 de l’arrêté visant à interdire la culture de maïs MON810 avait poussé les députés à voter une loi début mai, interdisant la culture OGM en France. Selon plusieurs scientifiques, le risque d’effets néfastes pour notre santé n’est pas à écarter et nous appelle à mettre en œuvre le principe de précaution. Cela demande des études scientifiques publiques et surtout indépendantes.

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En revanche, il n’est plus à démontrer que les cultures OGM représentent une menace pour les sols et la biodiversité, et sont donc un réel danger pour nos écosystèmes. Si la culture d’OGM est considérée comme une culture moderne permettant de dépasser certaines contraintes naturelles, la majorité d’entre elles sont en réalité des plantes cultivées et résistantes à des désherbants et insecticides fabriqués par les mêmes entreprises. Ces intrants agricoles sont particulièrement nocifs pour notre santé et notre environnement et participent à l’appauvrissement de nos sols.

De nombreuses études telles que l’étude Séralini démontrent les dangers de la consommation de produits OGM pour les humains.

De plus, la culture OGM, moins chère, agit en forme de dumping vis à vis d’autres types d’agriculture de meilleure qualité et plus respectueuses de l’environnement, telles l’agriculture biologique, la permaculture (éthique durable) ou l’agroécologie, pourtant nécessaires pour la transition écologique. Enfin les OGM contraignent l’ensemble des agriculteurs à être liés aux grands groupes par la privatisation des semences, empêchant de cultiver ses propres semences. L’agriculteur devient malgré lui acteur de ce système, équivalent d’un employé de Monsanto, ce qui rend impossible une agriculture durable.

Nous devons mettre en place un nouveau modèle agricole, écologique, dont le fondement serait le respect de normes sanitaires

et environnementales plus protectrices et non les profits de multinationales agroalimentaires. Les socialistes et la France ont à rappeler leur attachement au principe de précaution devant se traduire dans la loi par une interdiction des pratiques et intrants agricoles susceptibles de causer un dommage à l’environnement. Enfin, pour avoir un temps d’avance face aux défis agricoles du XXIème siècle, proposons une véritable réorientation de la Politique Agricole Commune de l’Eu-

rope en faveur d’une agriculture écologique, durable et respectueuse de la santé de nos écosystèmes et des humains.

Aller plus loin : • Le Monde selon Monsanto : De la dioxine aux OGM, une multinationale qui vous veut du bien, Arte France Développement, mars 2008 • La guerre des graines, Arte diffusé le mar. 27-05-14

Décryptage

QU’EST-CE QUE LA « BREVETABILITÉ DU VIVANT » ?

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la question de l’alimentation était centrale pour la reconstruction du continent. L’agriculture dite intensive est alors mise en place. L’idée est simple : produire en grande quantité, de manière industrielle, pour nourrir les humains.

Se développent alors la monoculture et la mécanisation. Les champs s’agrandissent, le maïs et le blé deviennent les cultures les plus présentes et le nombre des paysans, très important avant la guerre, diminue. Cette industrie alimentaire tend à s’étendre tout au long de la deuxième moitié du 20è siècle sur l’ensemble du globe.

tions. Les dérives pour l’humain et l’environnement apparaissent alors clairement.

Cette sélection des semences va de pair avec l’introduction d’intrants chimiques dans la production. Les agriculteurs, déjà endettés, doivent payer tous les ans à ces sociétés des royalties pour pouvoir planter et vendre les semences. Ces variétés sont bien souvent des hybrides, c’est à dire stériles, dont les graines ne peuvent être replantées. Ce système développé dans le monde entier concourt à l’appauvrissement des populations locales en destinant ces cultures exclusivement à l’export, et rendant les agriculteurs dépendants des produits des multinationales.

Pour les paysans ayant fait le choix de cultiver des semences de ferme, le combat contre ces entreprises est aujourd’hui quotidien •••

Photo : Ombrosoparacloucycle

La question des brevets déposés par des multinationales sur les plantes, des gênes, des animaux, est aujourd’hui au cœur des débats sur la place du marché et l’extension de ce qui peut être acheté ou vendu. Ce combat se révèle être également au cœur des traités de libre-échange qui se succèdent pour mieux développer ce qui est appelé la « brevetabilité du vivant ». Afin de comprendre les enjeux, prenons l’exemple de l’agriculture, devenue laboratoire de l’extension de la sphère marchande.

Les entreprises puis les multinationales semencières investissent le marché en produisant et vendant des variétés de semences créées à partir de croisements et de sélec-

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quand elles vont même jusqu’à interdire leur échange entre paysans. La loi sur les certificats d’obtention végétale (COV), votée en France en décembre 2011 représente une atteinte au vivant. Le COV a été créé en 1961 par les pays européens lors de la convention de l’Union pour la Protection des Obtentions Végétales pour rétribuer le travail de recherche effectué par l’obtenteur de ce COV. Si les manipulations génétiques obtenues en laboratoire sont brevetables, les croisements sont protégés par le COV, qui, à la différence du brevet, laisse un libre accès à la ressource à des fins de recherches. Mais au quotidien pour les paysans, le système taxe l’utilisation de sa propre récolte pour 21 semences et interdit toute réutilisation pour les autres espèces non mentionnées.

les semenciers tentent de faire breveter de très nombreux gènes, afin de pouvoir tirer le maximum de profit d’une ressource qui ne leur appartient pas à priori.

Le HCB (Haut Conseil des Biotechnologies) a rendu un avis en juin 2013 concernant la brevetabilité du vivant : si offrir une protection à ceux qui innovent est nécessaire, le gène doit lui rester en accès libre. Cette décision importante n’est pas suffisante. Les mesures concernant cette sanctuarisation du vivant doivent être prises à l’échelle européenne. Il faut reconnaître le droit aux paysans d’utiliser, d’échanger et de protéger leurs semences.

Ces mesures permettraient de conserver des semences variées, respectueuses des territoires et garantes pour les producteurs d’un revenu décent.

Cet exemple pose une question plus générale, celle de la brevetabilité du vivant. De plus en plus, les multinationales, et spécialement

LE CHIFFRE DU MOIS C’est la hausse en euros courants du coût de l’énergie nucléaire en France entre 2010 et 2013 d’après un rapport de la Cour des comptes rendu public le 27 mai 2014. Il passe de 49,6 euros le mégawattheure (MWh) en 2010 à 59,8 euros en 2013.

Cette forte progression s’explique par « le prolongement de la durée d’exploitation des réacteurs existants ». D’après la Cour, le risque d’une augmentation soutenue des coûts est réel, confirmant les conclusions d’un rapport sénatorial sur le coût de l’électricité prévoyant que la facture des ménages pourrait augmenter de 50% d’ici 2020.

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Au regard des sommes colossales déjà engagées mais surtout des potentiels risques sanitaires et environnementaux très graves, un débat public et ouvert doit être engagé par la société civile et le gouvernement lors de l’étude du projet de loi sur la transition énergétique. Le choix est clair : le prolongement indéfini des c e n t r a l e s existantes et l’installation de nouvelles centrales, ou la sobriété énergétique avec une sortie progressive du nucléaire organisée et un investissement massif dans les énergies renouvelables, ce que proposent les Jeunes Socialistes.

DOSSIER LE SOCIALISME EST-IL ENCORE PORTEUR DE PROGRÈS ?

DONNER UN SENS AU PROGRÈS Qu’est-ce que le progrès ? Progrès technique, progrès humain ? Un dépassement des conditions existantes, une transformation vers quelque chose de meilleur, transformation qui peut inclure autant qu’exclure si les clefs ne sont pas données à tous. Ces « clefs » ont été appelées au fil de l’Histoire « émancipation », « redistribution des richesses », « éducation », « égalité des droits »…

Notre modèle social est donc devenu le symbole du progrès humain. Mais pour qu’il fonctionne, le compromis de la social-démocratie et du capitalisme a placé la création de richesses matérielles, et leur redistribution, au centre de notre chemin collectif. Notre protection sociale est basée sur le travail, la croissance et l’infinie innovation technologique au service de l’humain : réduction du temps de travail, congés payés, mécanisation des tâches… Mais la capacité de ce compromis Fordiste à être synonyme de progrès est aujourd’hui questionnée.

L’innovation technologique semble davantage au service d’intérêts économiques que d’intérêts humains. Le chômage de masse ébranle notre modèle social et le déséquilibre. La définition libérale du progrès est pervertie jusqu’au consumérisme, c’est à dire la création des besoins humains par le marketing et non plus leur simple assouvissement, selon André Gorz1. L’hyper-consommation est devenue l’expression du désir de possession, la mise en scène de son élévation 1 Le travail dans la sortie du capitalisme, Ecorêv n°28, décembre 2007

sociale par imitation des « modes » lancées par les « classes supérieures »2. Or, ce modèle se heurte aux limites de la planète et de ressources naturelles que l’on croyait infinies.

Selon Jean-Paul Besset3, « nous ne savons pas remplacer la nature. Nous faisons seulement comme si nous pouvions nous en passer en appelant ça le progrès ». Notre définition collective du progrès ne serait donc caractérisée que par la conviction que la nature n’existe que pour être exploitée, faisant des écologistes les ennemis du progrès. Mais à qui profite ce progrès-là ? Convient-il à tous ?

La finitude des ressources naturelles n’en précipite-t-elle pas la perte ? Comment définirions-nous un « progrès » écosocialiste ?

LA TRIPLE NÉCESSITÉ ÉCOLOGIQUE, SOCIALE ET DÉMOCRATIQUE DE DONNER UN NOUVEAU SENS AU « PROGRÈS » « La cohésion d’un pays dépend en grande partie de la manière dont les richesses sont réparties et de la manière dont la population juge cette répartition », Nicole Maestracci4.

Ce « jugement » nous amène à douter de la capacité du modèle économique et social à réduire les inégalités, répartir les richesses et les pouvoirs, à continuer à faire vivre la ••• démocratie. La social-démocratie classique 2 Le travail dans la sortie du capitalisme, Ecorêv n°28, décembre 2007 3 JP. Besset, Comment ne plus être progressiste… sans devenir réactionnaire, Ed Fayard, 2005 4 N.Maestracci, P.Warin, La pauvreté, une question politique globale, revue Esprit 10/2012 (Octobre)

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DOSSIER ne remet pas en cause le cadre économique de production, elle en organise simplement la redistribution. Ni elle, ni le capitalisme, ne peuvent concevoir que le moteur même de ce compromis, la croissance, soit durablement enrayé.

Preuves en sont les symboles du « progrès » jusque-là mis en avant dans notre société qui s’effondrent brutalement. Les inégalités économiques se creusent par l’augmentation des plus hauts revenus. Les salaires de base tendent à stagner, le chômage explose, et l’Education Nationale n’offre pas les conditions de d’accès à un ascenseur social en panne, le « déclassement » est le lot des générations présentes.

Le phénomène périurbain questionne également notre modèle. Les services publics et leur égal accès sur tous les territoires résistent de plus en plus mal aux logiques marchandes.

Des quartiers populaires, ruraux comme urbains, se créent à la périphérie des métropoles, isolant des pans entiers de citoyens. Et comme un signal d’alarme, ces « invisibles », hésitent entre l’abstention et l’extrême droite.

Le progrès serait devenu jeu à somme nulle où ce qui est donné aux uns semble devoir être pris aux autres.

Une nouvelle limite est apparue, celle de la finitude de nos ressources naturelles, de la cherté énergétique, qui trouve causes et conséquences dans le modèle économique capitaliste. Cette limite impose la fin de la définition libérale du progrès en tant que satisfaction des besoins par la consommation de biens matériels5. Cette finitude, alliée à l’hyperconsommation, réserve aux mêmes 5 C.Lasch, Le Seul et Vrai Paradis : Une histoire de l’idéologie du progrès et de ses critiques, Flammarion, 2006

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consommateurs précaires la mal-bouffe, les produits de mauvaise qualité importés à grand frais de pétrole depuis l’autre bout de la planète, et confectionnés dans des conditions sociales désastreuses. Inégalités sociales et inégalités écologiques se rejoignent donc dans ce modèle économique insoutenable.

Dans le même temps, le politique théorise sa propre impuissance et met en scène sa soumission à des règles dictées par les marchés : 3% de déficit imposés par « Bruxelles », des choix technologiques qui, en apparence, s’imposent à l’Homme. L’entreprise scientifique serait devenue l’un des moteurs de la marchandisation du monde et non plus la sphère autonome fournissant les valeurs opposables aux oppresseurs, aux religions, à l’ordre marchand. Le choix d’un modèle technologique, le nucléaire en France par exemple, ou l’introduction des OGM en Europe sans retour en arrière possible, constitue ce que C. Bonneuil et JP. Gaudillière nomment la « politique du fait accompli technologique »6 avec lequel les générations suivantes devront faire. Alors que les choix technologiques impliquent la génération suivante, il y a urgence à faire de la science le produit et le soutien d’une société démocratique.

QUAND LES ÉCOLOGISTES S’ATTÈLENT À LA QUESTION Ces questions ne datent pas d’hier… L’écologie scientifique, par l’apport d’un nouveau champ de réflexion sur les interactions entre l’humain et la nature au sein d’un même écosystème global, puis l’écologie politique par sa traduction militante dans l’espace public ont permis de questionner nos sociétés industrialisées.

6 Faire entrer les sciences en démocratie, C.Bonneuil, JP. Gaudillière, in Ecorêv n°5, été 2001

DOSSIER L’écologie contemporaine fondée par le botaniste Arthur Tansley en 19357 avec le terme d’écosystème soutient que le principe de l’impact des activités humaines parmi les autres facteurs biologiques est de plus en plus avéré sur les temps et les espaces d’échelle géologique.

L’écosocialisme, par cette critique radicale du productivisme et du capitalisme, donne des pistes pour établir de nouveaux objectifs de société.

La technique humaine est questionnée par les écologistes pour les formes d’exploitation qu’elle peut engendrer. Certains auteurs comme John Von Neumann ont étudié la faisabilité théorique8 d’un modèle dans lequel la technique serait en capacité de se reproduire de manière autonome, copiant le succès reproductif de l’espèce humaine et la dépassant.

Chez Ivan Illich, les outils de la société industrielle, passé un certain seuil de développement, se retournent contre leurs objectifs tels que la médecine qui ne soigne plus mais rend malade. Il appelle « contre-productivité »9.

Toute conceptualisation du progrès suppose un état final, un idéal. De nombreuses alternatives à cette vision du progrès ont existé.

Le rapport à l’esprit humain est essentiel au progrès pour Condorcet qui le définissait en 1793 comme un avenir éclairé par la raison, l’éducation, les connaissances, les découvertes scientifiques et techniques. Les socialistes utopiques au début du 19e siècle, tels que Leroux ou Fourier, ont choisi de ne pas séparer l’Homme et la nature en refusant de la considérer uniquement comme un facteur de production. Marx aussi avait cet objectif en préservant le « cycle des nutriments de la terre grâce à une agriculture rationnelle » et en définissant l’exploitation de l’Homme et de la nature comme l’essence du capitalisme .

C’est la productivité qui crée du chômage, plus de richesses étant produites avec autant ou moins de travail. Pour André Gorz, le capitalisme, sphère hétéronome, doit se réduire progressivement par les « progrès techniques »10. Keynes parlait déjà en 1930 de « chômage technologique »11. De 1950 à 2011, la productivité horaire de l’industrie a progressé de 282 % tandis que ses effectifs ont diminué de 41%12 : le partage des gains de productivité est donc une question centrale pour un modèle économique soutenable.

7 Arthur Tansley, The use and abuse if vegetationnal concepts and terms Ecology, vol. 16, n°3, 1935, p.299 8 John Von Neumann, Theory of self-reproducting automata, Univ. Of Illinois Press, Urbana et Londres, 1966.

9 Ivan Illich, La convivialité, Ed. du Seuil, 1973 10 André Gorz, Misères du présent, richesse du possible. Galilée, 1997 11 Conference Economic possibilites for our Grandchildren (1930) in Essays in Persuasion (1931) 12 Jean-Christophe Giuliani En finir avec le chômage : un choix de société

UN AUTRE PROGRÈS EST POSSIBLE, L’ÉCOSOCIALISME

Aujourd’hui, il s’avère dès lors nécessaire de définir les axes de la transformation écologique et sociale qui permettront de renouer avec la confiance des promesses de notre temps. Aussi, l’écologie redistributive cherche à définir des politiques fiscales (ex : contribution climat-énergie) et budgétaires (ex: chèques verts) véritablement coercitives pour faire évoluer les modes de production et de consommation en réduisant les inégalités.

L’idée de « productivité énergétique » selon le terme de JB. Fressoz, qui y associe la sobriété énergétique, le développement des énergies renouvelables, et la répartition des gains de productivité, notamment par la réduction du temps de travail, sont les points de départ

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DOSSIER d’un changement de modèle conciliant progrès sociaux et environnementaux.

Mais pour permettre d’évaluer au mieux la mise en œuvre de ces derniers, les indicateurs de richesse, aujourd’hui fondés sur la quantité de production d’un pays ou d’une région,

doivent être révisés en intégrant au mieux l’évolution de l’accès et de la réussite éducative, de l’accès aux soins et de l’évolution de la recherche, comme le démontre l’économiste britannique Tim Jackson. Vaste programme…

Entretien

CLAUDE BARTOLONE ET JEAN-BAPTISTE FRESSOZ Claude Bartolone est Président de l’Assemblée Nationale Quelle est votre définition du progrès ?

Jean-Baptiste Fressoz est historien des sciences, des techniques et de l’environnement et maître de conf. à l’Imperial College de Londres

penser. On est au même niveau de réflexion qu’au milieu du 19ème siècle, quand en pleine Jean-Baptiste Fressoz : industrialisation, l’accent était mis sur le Je n’adhère certainement pas à la définition progrès pour masquer la pollution et la rupclassique du progrès. Le concept est trop en- ture des équilibres sociaux. Il faut donc que globant et unificateur, mettant dans le même les écosocialistes se méfient du concept de sac la démocratisation, progrès. Si jamais ils teles avancées scienti- « La productivité ne doit naient vraiment à parler fiques, les innovations pas être un référentiel mais de progrès, il faudrait technologiques et l’in- un instrument de mesure préciser qu’il s’agit de la dustrialisation des sodéfinition des Lumières, comme un autre. » ciétés du 19ème siècle. pas de celle du 19e Ce progrès fourre-tout nous a empêché de siècle : le progrès concerne l’esprit humain, poser les questions concrètes et brûlantes sur l’émancipation par rapport à la superstition, les choix technologiques précis. c’est ce qui permet de développer l’autonomie des individus et leur capacité critique, pas Aujourd’hui on est face à un paradoxe. Selon ce qui augmente la capacité technique. les philosophes et les sociologues, le progrès serait une notion en crise, une vieille baderne Claude Bartolone : rendue caduque par notre extraordinaire Je ne crois pas, en effet, qu’il existe une défi« réflexivité ». D’un autre côté si on prend le nition du concept de progrès sur lequel tout discours des politiques et des industriels, le le monde, et même les forces de gauche, progrès est omniprésent. Fillon a par exemple puissent tomber d’accord. Toutefois, nous dit que la campagne de 2017 serait centrée devons nous interroger sur le rapport que la sur la notion de progrès, en faisant référence gauche entretient avec le progrès. Une amaux gaz de schiste. Ici on voit combien le poule allumée est un progrès par rapport à « progrès » est un masque qui empêche de une bougie qui se consume si et seulement si

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DOSSIER son apparition est accompagnée de la diffusion de la lumière au sein de la population, et que, de cette faculté de s’éclairer, davantage de bonheur en est retiré. Le progrès peut être bon comme mauvais, cela dépend de ses effets, et de la manière dont la collectivité diffuse ses bienfaits ou se résigne à l’existence de ses victimes.

S’extraire de la superstition a été un combat de progrès, comme la diffusion du progrès technique au sein du peuple pour améliorer ses conditions de vie. Au 21è siècle, en ce moment, le progrès fait de nouveau l’objet d’une bataille culturelle entre la droite et la gauche. L’ancien président Sarkozy se veut incarnation du progrès contre ce qu’il appelle un archaïsme de gauche. Pour lui, le progrès, c’est le renforcement du libéralisme, la vision de la société comme un agrégat d’individus responsables d’eux-mêmes, confrontés quoi qu’il arrive à leur propre réussite ou à leur propre échec. Démanteler notre modèle social au nom de la soi-disant lutte contre l’assistanat, non, ce n’est pas un progrès, c’est une régression.

L’enseignement de l’histoire est basé sur l’idée d’« étapes » avec des évolutions techniques améliorant toujours plus la société.

Est-ce une vision juste ?

nue de consommer du charbon. En 2014, on n’a jamais consommé autant de charbon dans le monde. Depuis 2010 en France, on refait tourner de vieilles centrales à charbon et en achetons aux Etats-Unis car c’est moins cher que le gaz russe.

Le terme « Energy transition » a été inventé en 1975 dans un contexte particulier où l’on parlait, et c’était beaucoup plus angoissant de « crise de l’énergie ». En 1974, le président des États-Unis Carter prononce un discours célèbre, le « malaise speech » un discours sur la crise énergétique, presque décroissant, appelant les américains à renoncer à la voiture individuelle pour les autobus.

Les institutions puissantes et les grands industriels mettent en avant le vocable « transition énergétique » pour rassurer : « tout est sous contrôle ». C’est en réalité le mot qui a fait qu’on n’a pas fait la transition. C’est dans ces années 70 qu’on a raté le virage.

Jean-Baptiste Fressoz : La vision linéaire de l’histoire des techniques est fausse. Il n’y a généralement pas de substitution technologique mais principalement des additions technologiques ; il n’y a donc pas des « phases techniques », il n’y a pas de transition, mais une sédimentation de différentes technologies.

Claude Bartolone : Après la citation d’un président américain, citons un président français. François Mitterrand, dans les années 70, parlait, dans ses discours, du « droit à respirer », qui n’est pas le même selon les quartiers et selon les classes sociales. Je suis sensible à cette vision du progrès lié à l’existence même. Contre la vision abstraite d’un progrès promue par la droite, je soutiens que le progrès doit se mesurer aux conditions concrètes d’existence des femmes et des hommes. Comment vit un pauvre en 1800 ? En 1900 ? En 2014 ? Qui bénéficie de la modernité du nouveau monde dans mon département de Seine-Saint-Denis ? C’est cela qui nous intéresse.

Par exemple, l’idée de transition énergétique est fondée sur l’idée qu’on passe d’un système technologique à un autre : c’est faux, on n’efface pas le système précédent. Quand on met en place le système pétrolier, on conti-

Enseigner l’histoire à travers des étapes techniques est bien sûr une erreur. Si une modernité donne à un agriculteur la faculté de moissonner un champ tout seul et que les cent personnes qui l’aidaient auparavant à le •••

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Dossier - Entretien faire se retrouvent dans une usine à fabriquer des machines agricoles dans des conditions oppressives, le progrès concerne la machine, pas l’homme.

Les élites ont longtemps cru à un progrès linéaire lié à l’industrie. La révolution écologique, depuis trente ans, nous montre que le progrès, et même ce qu’on appelle le développement, peuvent se retourner contre les populations. La pollution, émanation du progrès, déclenche des cancers et des morts précoces, surtout dans les populations ouvrières qui sont particulièrement exposées aux produits toxiques. Décréter l’urgence écologique est, d’une certaine manière, une volonté de la gauche de réorienter le progrès. Il est intéressant de constater que François Mitterrand avait intégré cette exigence très tôt.

marée qui monte soulève tous les bateaux, les gros comme les petits. La gauche a montré depuis longtemps que la métaphore ne fonctionne pas du tout avec le progrès technique qui produit des évolutions culturelles transformant la marée en vagues de surf pour les uns et tsunamis pour les autres.

Quel est le rapport entre la pensée socialiste et la philosophie du progrès au 21e ?

Jean-Baptiste Fressoz : Au 19è siècle, les socialistes croient indéniablement au progrès technique qui affranchira l’homme de ses servitudes. L’exemple caractéristique c’est bien sûr Karl Marx. Néanmoins il y avait aussi des socialistes utopistes avaient des théories environnementales très intéressantes. Charles Fourier est par exemple persuadé qu’il y a un changement climatique lié L’industrialisation et le progrès a donc mas- à la déforestation elle-même causée par l’inqué les vrais problèmes. Mais elle est en dé- dividualisme et le système économique capiclin par rapport aux « 30 glorieuses »… taliste. On peut encore prendre en exemple Pierre Leroux, l’inventeur même du mot « Jean-Baptiste Fressoz : socialisme ». Il a une théorie qui s’appelle « Dans cette période, l’industrie française ne le circulus » : le problème de l’industrialisaprogresse pas mais rétion est de rompre le « La pensée socialiste libère cycle de la matière entre gresse. A la fin du 19ème siècle, la révolution in- l’Homme de l’Homme, donc l’homme et la nature. dustrielle est basée à des oppressions possibles du L’urbanisation, c’est à 80% sur l’hydraulique, progrès technique. » dire la concentration l’industrie française des hommes et de leurs c’était aussi l’éolien, la biomasse. Les 30 glo- excréments empêche le retour à la terre des rieuses c’est le moment où la France rentre substances nutritives indispensables à la védans le rang avec une dépendance des pays gétation. Le capitalisme agraire provoque une du sud en matière d’énergie. L’exploitation du perte de fertilité des sols en voulant faire des pétrole a été un choix politique coûteux car grands domaines agricoles. c’est une énergie rare et inexistante en Europe.

Claude Bartolone : On a coutume d’opposer les marxistes Claude Bartolone : croyant à la faculté émancipatrice du progrès Bien sûr, l’industrialisation, si elle n’est pas technologique aux socialistes utopiques franpensée et interprétée en termes de produc- çais qui s’en méfiaient. Les choses sont pourtion d’inégalités, peut être le paravent de tant plus compliquées, puisque, si je me soutoutes les misères. Les libéraux soutiennent viens bien de mes lectures de jeunesse (à une souvent une métaphore selon laquelle une époque mitterrandienne où le parti socialiste

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Dossier - Entretien organisait des formations théoriques), Marx explique précisément que le progrès technique peut se retourner contre les travailleurs s’il sert à l’accumulation du capital des entreprises et à leur concentration. La pensée socialiste libère l’homme de l’homme, donc des oppressions possibles du progrès technique.

La concentration, au XIXème siècle, des ouvriers dans l’usine a permis à une classe sociale de prendre conscience de sa force et de son idéal. Ils ont compris que l’usine n’était pas un progrès si elle aggravait leurs conditions de vie. Même chose pour aujourd’hui : quel progrès constituent les smart phones si des ouvriers asiatiques (et, hélas, leurs enfants) se tuent à les fabriquer ?

Claude Bartolone : Le concept de productivité doit bien sûr être précisé. On a en effet justifié, et tant mieux, les successives réformes du temps de travail en prouvant, par des calculs économiques, que ses effets étaient absorbés par une hausse de la productivité. Même chose pour la productivité écologique en matière de réduction de la consommation énergétique. La productivité ne doit pas être un référentiel, mais un instrument de mesure comme un autre. Cette mesure permettra de distinguer le bon du mauvais progrès dont nous parlions plus haut.

La société doit-t-elle mettre des limites aux progrès des recherches scientifiques ?

En tant que responsable politique, je suis d’ailleurs inquiet du fractionnement de la gauche par rapport à cette philosophie du progrès.

Le Parti socialiste parle de moins en moins d’égalité pour privilégier le terme plus vague de justice, quand le Front de gauche prône un idéal industriel et les Verts s’en méfient. Nous devons revenir aux fondamentaux. Qui profite du nouveau monde ? Et que faire envers ceux qui s’en sentent exclus ?

Jean-Baptiste Fressoz : La question sous-entend une vision romantique de la science. Il ne faut pas confondre science, applications de la science et business.

Les recherches sur le gaz de schiste ou les OGM ne sont pas de la science mais du business. La véritable question est de réguler les productions du capitalisme, car la science est de plus en plus poreuse aux intérêts privés. Il faut donc protéger les scientifiques des interférences des entreprises privés, entretenir la frontière entre recherche scientifique et business, ce qui est exactement l’inverse des politiques actuelles bien sûr.

Le progrès est toujours présenté comme l’amélioration par la technique de la productivité. Est-ce le bon référentiel ?

Jean-Baptiste Fressoz : La productivité peut être calculée de plusieurs manières. La productivité, aujourd’hui c’est « combien on produit par heure de travail ».

On pourrait aussi envisager la productivité énergétique, ou la productivité en matière : combien on produit de richesse avec tant de quantité d’énergie et de matière première. Ce serait autrement plus intéressant et instructif et l’économie serait tout autre. En temps de ressources limités et de chômage de masse, il faut arrêter d’être obnubilés par la productivité. Ou alors il faut entièrement la redéfinir.

Claude Bartolone : Mais cela s’est toujours passé ainsi ! La loi pose tous les jours des limites aux progrès de la recherche. Il suffit de regarder la législation en matière de bioéthique : dans aucun pays du monde, le corpus normatif ne laisse carte blanche aux chercheurs en matière de recherche sur le clonage ou sur l’eugénisme.

Encore une fois, un progrès technologique ne vaut que s’il est partagé et que s’il apporte un bonheur pour la société et pour les individus. Donc, le progrès oui, s’il aide la liberté et l’égalité.

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Dossier - Zoom sur...

Photo : TonZ

ESS, MOUVEMENT COOPÉRATIF, FABS LABS : DE NOUVELLES FORMES DE TRAVAIL COLLABORATIF DANS LE SENS DU PROGRÈS

« L’homme a besoin d’une technologie qui tire le meilleur parti de l’énergie et de l’imagination personnelles, non d’une technologie qui l’asservisse et le programme » Ivan Illich.

société plus conviviale et coopérative. Mais est-ce un dépassement du capitalisme ou une simple mutation ? Un mouvement social ou une simple évolution de la consommation ?

Cela résonne dans les FabLabs : « laboratoires de fabrication » équipés de machines-outils (imprimante 3D, fraiseuse à bois…) pilotées par ordinateur, où chacun a la possibilité de fabriquer des objets ou des pièces détachées en toute autonomie. En les concevant soimême, ou en accédant à des modèles partagés par internet.

L’intérêt de ces structures collaboratives réside dans les multiples innovations et opportunités qu’elles génèrent au service du commun. Une grande diversité d’acteurs (entrepreneurs, designers, créateurs, artistes, étudiants, chercheurs…) s’y retrouvent pour créer et réaliser des projets et des prototypes à vocation industrielle mais aussi sans but productif à grande échelle. Des créateurs développent leurs activités sans soutien bancaire ou de centres de recherche industriels dépendant des grands groupes. Elles consacrent la montée en puissance des « makers » (les producteurs) dans l’esprit du « Do it Yourself » (faire par soi-même), décrit par Chris Anderson dans Makers : la nouvelle Révolution industrielle.

André Gorz a fondé une utopie rompant avec le dogme d’un progrès qui serait uniquement lié à une croissance accélérée de la production des biens. On pense à l’économie collaborative, où les nouvelles technologies facilitent la mise en relation des citoyens, pour qu’ils puissent s’échanger des biens et des services. L’usage d’un objet à plusieurs prend ainsi le pas sur sa possession par chacun. Le progrès n’est plus le fait que chacun possède un objet, mais plutôt qu’un objet soit utilisé par plusieurs personnes.

Les FabLabs, les nouvelles pratiques collaboratives, semblent répondre aux rêves et aux critiques de ceux qui ont pensé le dépassement du capitalisme et la fondation d’une

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Au-delà des machines-outils, les FabLabs permettent par des supports internet collaboratifs et interopérables de mettre en commun une quantité importante de données via l’open source, les logiciels libres.

Se diffusent les savoirs et les processus de production, luttant contre la fracture numérique et permettant l’insertion et

Dossier la formation de publics en difficulté et le décollage de pays en voie de développement.

Par la production de pièces uniques ou de pièces de rechange pour des produits usés ou hors d’état de marche, le FabLab est aussi une solution à l’obsolescence programmée.

Néanmoins, d’espaces collaboratifs visant à construire du commun, du gratuit et du lien social, certaines expériences ont dérivé vers des modèles de pur business reposant sur la recherche du profit, dénaturant l’esprit originel de ces projets (par exemple « BlaBla Car », « AirBnB » avec son fondateur sous la une de Forbes « Who wants to be a billionaire ? », etc.).

Dans Le nouvel esprit du capitalisme C. Boltanski et E. Chiapello montrent la capacité de transformation du capitalisme face aux critiques. La « critique artiste » symbolisée en France par Mai 68 aurait ainsi renforcé le ca-

pitalisme : des individus plus autonomes, mais surtout des salariés qui s’autocontrôlent, sont contrôlés par l’informatique, et sont surtout appelés à être « autonomes » face à l’insécurité de l’emploi…

Le même mécanisme semble à l’œuvre quand l’économie collaborative, partie de volontés citoyennes et non lucratives, se popularise à la mesure de son intégration dans des « business model » et des start up qui font des milliardaires.

Le détournement des logiques non marchandes et de partage par le capitalisme rappelle que le progrès par la transformation écologique et sociale n’est pas automatique.

Le rôle du politique est donc de donner des critères à l’économie collaborative, sur le modèle de la loi ESS et de soutenir les projets citoyens et associatifs par l’Etat et les collectivités locales.

Fiche de lecture

CAPITALISME, SOCIALISME, ÉCOLOGIE, ANDRÉ GORZ

André Gorz, Capitalisme, socialisme, écologie Editions Galilée, 1991 Des questionnements profonds, au cœur de la réflexion d’André Gorz, sont présents dans ce livre : comment définir aujourd’hui le travail et quelle place occupe-t-il dans nos sociétés capitalistes ? Quel avenir est réservé à nos sociétés ? Qu’est-ce que le socialisme ?

Pour Gorz, depuis la chute du bloc communiste, le capitalisme est quasiment le seul système économique dans le monde. Sans pour autant être le bon : l’exemple de l’ex-URSS le

prouve. Il existerait aussi un lien entre capitalisme et extrémismes religieux et nationaux : poussant au repli sur soi, il agirait contre l’autonomie des individus, leur capacité à s’autodéterminer.

Sa critique du « socialisme réel » est tout aussi dure : l’enfermement dans un système bureaucratique tentaculaire aurait abouti à la négation de l’objectif d’émancipation des individus et d’utilisation de l’économie comme moyen de satisfaire les besoins de la société.

Une fois ce double constat effectué se pose la question du socialisme et de son application : il doit être pensé comme « l’au-delà du capitalisme », passant par la nécessaire rupture d’avec la recherche du rendement maximum, l’acceptation de la société du temps libéré et le rejet du productivisme. Sa mise en place doit se faire démocratiquement, directement à l’échelle européenne. •••

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DOSSIER L’idéologie et la structure du travail ont muté.

Les sociétés capitalistes ont encouragé, favorisé le développement d’un ensemble d’activités de services à la personne. Ces nouveaux emplois s’assimilent à de la servitude : les travailleurs de ce secteur effectuent des tâches que les personnes qui s’en déchargent, les travailleurs stables et aisés, auraient tout aussi bien pu faire, dans le même temps et avec les mêmes résultats.

La société duale est, quant à elle, une société où une majorité de personnes (50 à 60% selon les chiffres fournis par Gorz) bénéficient d’un emploi dit « normal » ou « typique », stable et à temps plein. L’autre partie de la population est mise au ban de la société, car occupant un emploi « atypique » ou étant au chômage.

Cette catégorie forme une classe en soi, que Gorz définit comme le « prolétariat post-industriel », devant être entièrement prise en compte dans une définition renouvelée de la lutte des classes.

Gorz en appelle également à une redéfinition du socialisme.

Il commence par rappeler la tradition de lutte du mouvement socialiste en faveur des travailleurs, et notamment des ouvriers. Mais il est aussi très critique vis-à-vis de l’Etat-providence, qui ne ferait qu’atténuer les dégâts sociaux provoqués par le capitalisme, en particulier sur la cohésion sociale, à travers des législations sociales.

Comment, dans ce cas, œuvrer pour l’objectif final de tout projet socialiste : l’émancipation de chacun ?

Selon Gorz, un projet socialiste repensé doit valoriser le « travail pour soi » et les « activités autonomes », qui visent à ce que les personnes aient la capacité à se produire et se comprendre comme sujets. Des espaces doivent être créés pour rendre possible le

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développement de ces activités émancipatrices ; des espaces desquels aura été expropriée la logique marchande. Leur création a pour condition indispensable la réduction du temps de travail, à l’échelle de la semaine, du mois, de l’année, ou même de la vie : plutôt que de chercher à « gagner du temps », il faut désormais tout faire pour le dépenser. Cette réduction de la durée du travail doit être mise en place dans le cadre d’une politique du temps globale, qui agit sur le cadre de vie, la culture, la formation, l’éducation, les services sociaux ou encore les équipements collectifs.

L’extrême division sociale du travail implique, pour Gorz, que la possibilité de remise en question de la domination de la logique capitaliste ne peut être exercée par les travailleurs qu’en tant que citoyens, consommateurs, parents, etc. Le conflit reste le même mais les acteurs se diversifient, s’éparpillent.

De plus, le prolétariat post-industriel d’un côté, les travailleurs stables de l’autre, doivent avancer ensemble, malgré des intérêts qui semblent opposés : les précaires cherchent la stabilité, les autres veulent la garder. Mais ces deux objectifs sont compatibles : l’instabilité doit être considérée et reconnue comme un « droit à des périodes de non-travail ». Quant aux employés à temps plein, il faut leur permettre de « sortir du travail » et d’aménager de manière autonome leurs horaires. Les travailleurs précaires étant surtout des travailleuses, la réduction de la durée de travail relève aussi d’une démarche féministe.

Enfin, pour répondre à l’impérieuse transition énergétique, la réduction de la durée de travail doit s’accompagner d’une autolimitation de la consommation et d’une diminution de la sphère marchande.

C’est ainsi que Gorz dessine un horizon de progrès social et environnemental.

Dossier - Fiche historique

QUAND L’UTOPIE DEVIENT RÉALITÉ : LE PROGRÈS LIBÉRÉ DES DOGMES L’expression « socialisme utopique » désigne les doctrines des premiers socialistes européens du début du 19e siècle. Il s’agit d’un mouvement intellectuel et politique fondateur pour la gauche française, inspiré par l’humanisme des Lumières. Il s’est nourri des différentes utopies sociales inventées au cours des siècles, notamment depuis Platon en passant par Thomas More.

UNE DÉMARCHE DE TRANSFORMATION SOCIALE

Construit dans une perspective de progrès, basé sur la confiance en l’Homme et sa raison, le socialisme utopique regroupe les écrits et expériences de plusieurs auteurs qui font la promotion de sociétés idéales, appelées « communautés ». Il s’agit pour ces auteurs de proposer des modèles très précis de communautés créées à l’initiative des citoyens.

Ces communautés idéales forment une contre-société socialiste au cœur du monde capitaliste qu’elles ont vocation à remplacer progressivement en se multipliant. Elles sont fondées sur la justice, l’égalité et l’abondance.

Les socialistes utopiques assignent également un rôle très important à l’éducation.

La spécificité du socialisme utopique réside donc dans sa méthode de transformation sociale, qui ne fait pas appel à la révolution, ni à l’action réformiste de l’État. À la différence du marxisme qui lui succèdera, le socialisme utopique ne procède pas de la division de la société en classes, mais s’adresse indifféremment à tous les individus.

Le socialisme utopique regroupe des théories très variées, même parfois divergentes sur des questions comme celle de la propriété privée ou encore du rôle de l’État.

LES PENSEURS UTOPISTES

On peut trouver parmi des auteurs anciens qui ont bâti des modèles sociaux utopiques des inspirations pour le socialisme, c’est notamment le cas de Platon.

Cependant, le socialisme utopique classique prend son réel essor au cours du 19ème siècle, notamment avec Claude Henri de Rouvroy de Saint-Simon, penseur de la société industrielle française, Charles Fourier, créateur du modèle du « Phalanstère » basé sur une analyse scientifique et complexe des passions humaines comme mode d’organisation sociale, Robert Owen, considéré comme le fondateur du mouvement coopératif, ou encore Étienne Cabet, inventeur de la société idéale d’Icarie.

Familistère de Guise - Abac077

DE L’IDÉAL AUX EXPÉRIENCES SOCIALISTES

Dans l’Histoire, des expériences de communautés socialistes s’inscrivent dans la filiation du socialisme utopique. Les « communautés idéales » sont variées et leur mise en œuvre repose sur des modèles divers, qui peuvent être régis par des •••

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DOSSIER règlementations contraignantes, contraire bien plus libertaires.

ou

au

LE SOCIALISME UTOPIQUE EST LOIN D’ÊTRE ENTERRÉ

Ces expériences ont été limitées à quelques Critiqué par Marx et Engels, le socialisme utocentaines d’individus, sur des périodes brèves, pique s’affaiblira progressivement. Cepenn’étant protégées et garanties par aucune dant, on en trouve la trace évidente dans les institution politique stable et centrale. Tout mouvements hippies de la seconde moitié du l’enjeu de la réussite de ces expériences aura 20e siècle et dans Mai 1968. consisté à survivre à ses fondateurs et à exis- Le « pragmatisme », l’idée qu’il n’existe qu’un ter dans un univers capitaliste en contradic- modèle possible dans un monde global et tion avec l’organisation et les principes de ces que le libéralisme économique est indépascommunautés. sable, ont poussé le

« On peut trouver dans mouvement socialiste à C’est le cas notamment l’économie sociale et solidaire une forme de réalisme des phalanstères inspiet l’habitat collaboratif des éloigné du socialisme rés par Charles Fourrier. utopique.

Cette expérience so- inspirations évidentes liées au ciale résulte d’un classe- socialisme utopique. » Aujourd’hui, cet esprit ment des femmes et des de transformation sohommes en 810 catégories pour chaque sexe, ciale pacifiste par l’expérience alternative n’a correspondant d’après Fourrier à autant de pas totalement disparu. On peut trouver par passions et de sous-passions. Sur cette base, exemple, dans l’économie sociale et solidaire appelée une phalange, il propose l’organi- et l’habitat collaboratif des inspirations évisation de phalanstères de 1620 personnes. dentes liées au socialisme utopique.

Chaque personne œuvre donc au sein du phalanstère, selon ses affinités, en accordant Alors que la globalisation semble brider toute une place importante à l’agriculture, aux arts alternative au modèle libéral et capitaliste, et aux sciences. le socialisme utopique renferme sans doute Ce modèle donnera de nombreuses tentatives de mises en pratiques, souvent infructueuses.

Cependant, le familistère de Guise a été fondé sur ce modèle par Jean-Baptiste André Godin en 1858. Bien qu’ayant pris des libertés avec la pensée de Fourrier, on peut voir dans cette réalisation aboutie une mise en pratique relative du modèle de phalanstère.

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des recettes pour envisager, en ce début de 21e siècle et à l’heure de la crise, des réponses nouvelles et des modèles différents.

Ouvrons le débat...

TRAITÉ TRANSATLANTIQUE : « SI NOUS DEVIONS SIGNER UN TRAITÉ, CELUI-CI DEVRAIT PORTER SUR LA SOLIDARITÉ INTERNATIONALE ET LA COOPÉRATION » Les Jeunes Socialistes autrichiens et français ont porté ensemble des campagnes telle que Rise Up et se retrouvent aujourd’hui pour s’opposer au Traité Transatlantique (TIPP) négocié depuis quelques mois par la Commission Européenne et les États-Unis. Retrouvez l’entretien collectif réalisé avec des représentants de la « Sozialistische Jugend Österreich ».

Sans l’espoir d’une perspective de progrès, se basant sur un modèle social et une intégration politique à approfondir, le développement de l’Union Européenne aurait sans doute été impossible. En créant une zone de libre-échange Union Européenne/ États-Unis, n’est-ce pas le sens même de la construction européenne que nous sommes en train de mettre en péril ?

Au contraire, l’Europe doit tourner le dos à la « politique de crise » actuelle. Car celleci s’est illustrée par le fait que des pays européens tout entiers ont été renvoyés des décennies en arrière en matière sociale et économique. Tant que la social-démocratie européenne et la gauche européenne dans son ensemble n’auront pas rompu avec cette politique et tant qu’ils ne se battront pas pour une Europe solidaire, cet idéal d’une Europe plus juste restera foulée aux pieds.

Nous croyons qu’il n’a jamais vraiment existé une perspective de progrès pour la grande majorité des jeunes et des travailleurs dans Que rejetez-vous dans ce traité ? cette Union Européenne. Selon nous, l’UE a toujours été un projet, clairement imprégné Avec cet accord « TTIP » [Partenariat transapar les intérêts du capital, avec pour consé- tlantique de commerce et d’investissement], quence la teneur des les représentants écotraités fondateurs que « L’Europe doit tourner le nomiques de l’UE et des nous connaissons. Tant dos à la politique de crise USA se promettent plus que la libre circulation actuelle. » de croissance. Ils veulent des capitaux sera plus plus de flux commerimportante que les millions de jeunes chô- ciaux et de liberté de marché pour les entremeurs ; tant qu’au cœur du 21ème siècle, prises. En réalité cela signifiera : des produits au cœur de l’Europe, la mortalité postnatale alimentaires à base d’OGM, des bœufs aux réaugmentera du fait des politiques d’austé- hormones sans étiquette ni indication dans rité ; tant que 1 800 milliards d’euros seront nos assiettes. Les groupes industriels euroà disposition pour le sauvetage des banques, péens se cherchent de l’énergie à bas prix aux pendant que 6 milliards seulement seront af- USA. Les réglementations plus dures pour les fectés pour le chômage des jeunes ; tant que acteurs financiers, décidées aux USA depuis la l’UE mènera une telle politique, nous n’y ver- crise, seront rabotées par les investisseurs et rons aucune perspective de progrès. Le TTIP banquiers européens. Les groupes européens ne serait qu’un pas supplémentaire de la poli- impliqués dans le domaine de l’eau lorgnent tique néolibérale de l’UE. déjà sur un meilleur accès au marché améri-

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cain, et réciproquement, les grands groupes chimiques des USA espèrent diluer les règles strictes existantes en Europe dans l’usage de pesticides et de produits chimiques.

Les tentatives échouées de l’accord général sur le commerce des services (AGCS), l’accord multilatéral sur l’investissement (AMI) –tous deux proposés par l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC)- ou ACTA [Accord commercial anti-contrefaçon], pour la protection des Investisseurs, la libéralisation des services, ainsi que la monopolisation de l’Art, de la Culture et de l’Information et pour la mise en place de brevets en matière de logiciels ou du vivant, reviennent par la petite porte- la liberté d’expression et la protection des données, restant elles, au bord du chemin.

nente entre différents États. Avec le TTIP, les USA et l’UE ne veulent rien d’autre que maintenir leur position dominante et du même coup freiner les pays émergents et en développement dans leur ascension économique.

Ce qu’il faut, c’est encore et toujours la défense et l’élargissement des services publics, au lieu de nouvelles offensives libérales, comme nous les connaissons de la part de l’UE depuis des années. Des services essentiels de l’Etat-providence (par exemple : dans le domaine de l’éducation, de la santé, de l’accès à l’eau, aux énergies ou le transport) ne doivent en aucun pouvoir être privatisés.

Ils doivent être accessibles à tous et respecter des standards qualitatifs, sociaux et environnementaux élevés. Les négociations sur le TTIP menacent de restreindre les marges de manœuvre au niveau national et local- une pression accrue vers plus de privatisation est à attendre.

Seuls de faibles protections des consommateurs et des standards environnementaux au rabais demeureront. Les gouvernements des Etats- « Si nous devions signer Membres de l’UE et la un traité, celui-ci devrait Depuis la crise financière, Commission Européenne mettre au coeur la une régulation enfin efparient sur des négociasolidarité internationale et ficace du secteur finantions à huis clos, loin du cier et la réduction des la coopération au lieu de la déséquilibres macroécodébat public et des parlecompétition permanente nomiques n’ont toujours ments.

Le TTIP est donc un ins- entre différents États. » pas été atteintes. Or la trument du Capital et suit libéralisation de ces marde ce fait entièrement ses intérêts. Cela ou- chés financiers et les déséquilibres macroévrirait une multiplicité de possibilités pour les conomiques au sein de l’UE (entre autre : par entreprises de s’attaquer aux lois nationales le dumping social et la compétition salariale) – et tout particulièrement en matière de pro- sont des causes essentielles de la crise écotection de l’environnement, de droit du tra- nomique en Europe. vail et de la protection des consommateurs.

Ces attaques pourraient d’un coup d’un seul Les tentatives récentes et hésitantes pour rémettre à néant des conquêtes et des droits, guler la finance pourraient être balayées d’un obtenus après des années de combats par le revers de la main par l’adoption du TTIP. En mouvement social, par la simple signature de particulier aux USA, cela pourrait mener à une ce traité – nous devons l’empêcher ! nouvelle vague de dérégulation, vu que cette dernière est plus importante aux USA que Quel traité alternatif proposeriez-vous ? dans l’UE. Rabaisser le niveau de la régulation à celui ridicule de l’UE est surtout un espoir Si nous devions signer un traité, celui-ci de- des acteurs financiers européens. Le « ecovrait porter sur la solidarité internationale et la nomic needs test (ENT) » (examen de produits coopération au lieu de la compétition perma- financiers en fonction de leur utilité générale

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et leur réponse aux besoins réels des populations) est par exemple remis en question. Ces ENT seraient ainsi considérés comme une pratique discriminante envers les investisseurs, ouvrant en conséquence le droit à des recours aux Tribunaux d’Arbitrage contre les mesures de régulations financières. Avec le TTIP les services financiers seront davantage encore libéralisés plutôt que régulés.

Au delà de la question particulière de ce traité qui illustre les conséquences néfastes du libre-échange, comment l’internationalisme peut-il à l’inverse incarner le progrès ?

L’internationalisme est pour nous, jeunes socialistes, une des valeurs les plus fondamentales, en ces temps de mondialisation de l’activité des multinationales et des banques et d’une politique toujours plus impuissante à y répondre. Laisser l’évolution de l’économie et des sociétés en développement aux mains des forces du marché revient à accepter que des centaines de millions de personnes demeurent dans la pauvreté et la misère. C’est pour cela que nous défendons, dans la limite de nos moyens, de façon solidaire la création et l’engagement d’organisations locales

en Amérique latine et partout dans le monde dans leur combat contre l’OMC, le FMI, leur combat contre l’exploitation de l’Homme par le capitalisme.

Mais pour donner aux pays en développement des perspectives dignes d’être vécues, il est nécessaire à côté du combat local contre le capitalisme, qu’il y ait un vrai soutien par les pays développés. En plus d’une totale annulation de la dette des pays en développement, nous exigeons des transferts financiers conséquents et un même accès au savoir.

Nous sommes conscients que ces exigences ne pourront se réaliser que par la pression et la solidarité du mouvement social et des travailleur-ses, en conséquence nous défendons le renforcement de la solidarité internationale. C’est pour cela que l’Internationale Socialiste doit être reconstruite, démocratisée, repolitisée, pour que le mouvement des travailleur-ses ait à sa disposition une organisation internationale forte. Mais la même chose vaut pour la IUSY et YES. Ceux-ci doivent –comme nous l’avons démontré ensemble avec la campagne Rise Up- être à nouveau en capacité de faire campagne et de remettre le système lui-même en question !

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L’actualité de l’écosocialisme Quelques lectures écosocialistes pour l’été

L’Evénement Anthropocène : La Terre, l’histoire et nous C.Bonneuil, JB. Fressoz Editions du Seuil 2013

Le développement durable, maintenant ou jamais GL. Rayssac et D.Bourg Editions Gallimard 2006

Le droit à la paresse P.Lafargue Editions des Mille et une nuits 1997

ÉVÈNEMENTS À VENIR : Lundi 16 juin : « Ecologie et progrès technologique : La raréfaction des métaux remet-elle en cause la perspective d’une croissance verte ? », conférence avec P.Bihouix et D.Demailly, de 9h30 à 12h30 à l’Institut Veblen, Paris Mardi 24 juin 2014 : conférence « Ville et énergie : quels enjeux communs ? », IDDRI, organisée en partenariat avec le Cycle d’urbanisme de Sciences Po, à Sciences Po Amphithéâtre Jean Moulin (Paris) - de 9h00 à 16h30

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L’écosocialite est aussi présent sur les réseaux sociaux : @l_ecosocialiste

Agriculture et alimentation, idées reçues et propositions Collectif Editions Utopia 2014 Transition écologique, mode d’emploi A. Lalucq, P. Frémeaux, W. Kalinowski Editions Les Petits Matins 2014

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Fin de l’Occident, naissance du monde H. Kempf Editions du Seuil 2013

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