Catalogue musee jouet expo helle

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André Hellé ou l’art de l’enfance

Drôles de jouets !

L

e musée du Jouet de Poissy (Yvelines) présente la première exposition rétrospective consacrée aux jouets imaginés par André Laclôtre dit André Hellé (1871-1945). Conçue avec Béatrice Michielsen, cofondatrice de l’association Les Amis d’André Hellé, et créatrice de jouets elle-même, l’exposition DRÔLES DE JOUETS ! entend témoigner de la modernité de ses jouets de bois. L’exposition se fait l’écho d’un double anniversaire : le centenaire de son album icônique Drôles de bêtes édité par Tolmer et celui de son jouet emblématique, l’Arche de Noé et ses 24 animaux en bois, commercialisé dès 1912 par les Grands Magasins du Printemps et conservé notamment dans les collections du musée du Jouet.

André Hellé ou l’art de l’enfance

Jouet de l’Arche de Noé par André Hellé, bois découpé et peint, 1911. Coll. Musée du Jouet, Ville de Poissy

978-2-84934-111-7

10 €

Collection Musée du Jouet de Poissy Avec le soutien de la Direction régionale des Affaires culturelles d’Ile-de-France, Ministère de la Culture et de la Communication

Couv drole de jouet.indd 1

07/09/2012 14:10:31



Drôles de jouets !

Édito Le musée du Jouet fait entrer Poissy dans l’univers de la magie comme André Hellé a su faire entrer le spectacle dans l’univers du livre. Formidable et incessant créateur de décors, d’illustrations, de costumes et autres cartes postales, André Hellé aurait pu demeurer cet artiste « illustre et inconnu », s’il n’avait eu de cesse de réinventer sans relâche l’association audacieuse des images et des textes qui tout au long du XXe siècle influencera auteurs, dessinateurs, peintres, graphistes de talent. La ville de Poissy et son musée du Jouet ont tout naturellement décidé de mettre à l’honneur le monde ludique et coloré de ce Francilien qui, malgré les années, ne manque pas de nous interpeller tant l’apparente naïveté de l’inspiration, sublimée par la géométrie des lignes simplifiées nous livre une imagerie moderne des œuvres-jouets présentées. « L’extrême complication est le contraire de l’art.» Debussy avait donc tout compris de l’œuvre et de la vision d’André Hellé. Le compositeur de la musique du ballet La Boîte à joujoux directement inspiré des créations d’André Hellé rédacteur du livret, ne s’y trompait pas : nous voilà devant un artiste à part entière qui, avant de se consacrer à la sphère enfantine, a débuté comme humoriste de presse, reconnu et estimé pour son style graphique très épuré. Une nouvelle fois, le musée du Jouet de la ville de Poissy propose une déambulation inédite et poétique, invitation à dépasser l’apparence désuète des créations pour s’enthousiasmer de l’extraordinaire liberté prise par l’artiste. L’œuvre d’André Hellé traverse sans peine les âges et reste de notre temps. Passer l’expérience solitaire et intime qu’est la découverte de cette exposition originale, audacieusement ambitieuse, Drôles de jouets ! aiguisera la curiosité et l’esprit des visiteurs en ne manquant pas de leur offrir le moment magique de la rencontre et de l’échange avec les autres… spectateurs.

Geneviève CHIGNAC Adjointe au maire déléguée à la culture, au patrimoine et au tourisme

Frédérik BERNARD Maire de Poissy

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Drôles de jouets !

Remerciements Cet ouvrage a été réalisé lors de l’exposition « Drôles de jouets ! André Hellé ou l’art de l’enfance », présentée au musée du Jouet du 8 octobre 2012 au 9 juin 2013, par la ville de Poissy. Direction générale adjointe Politiques éducatives, culturelles et sportives : Michel Coll Direction Politiques et actions culturelles, Patrimoine : Claire Lacroix Direction Communication et Événementiels : Julien Joncheray Grâce au soutien du ministère de la Culture et de la Communication - Direction régionale des Affaires culturelles d’Île-de-France/ Service des musées, - Conseil général des Yvelines COMMISSARIAT DE L’EXPOSITION Commissariat scientifique Béatrice Michielsen, co-fondatrice de l’association des Amis d’André Hellé, créatrice de jouets Commissariat Hélène Meyer-Roudet, conservateur des musées de Poissy COLLECTIONS PRÉSENTÉES Le Service des musées remercie chaleureusement, pour leurs prêts et collaborations Les prêteurs institutionnels : Les Arts décoratifs/Musée des Arts décoratifs, Bibliothèque et Centre de documentation, Paris : Béatrice Salmon, Dorothée Charles, Chantal Lachkar, Véronique Sevestre, Guillemette Delaporte

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Bibliothèque Heure Joyeuse, Paris : Viviane Ezraty, Françoise Lévèque Bibliothèque nationale de France : Bruno Racine, Elisabeth Giulani, Pierre Vidal, Jean-Marie Compte, Sylvie Aubenas, Joël Huthwohl, Brigitte Robin-Loiseau, Corinne Gibello, Carine Picaud Centre de Documentation Claude Debussy, Paris : Alexandra Läederich, Denis Herlin Historial Grande Guerre, Péronne : Marie-Pascale Prévost-Bault Maison natale Claude Debussy, Saint-Germain-en-Laye : Agnès Virole Musée Galliera, Paris : Dominique Revellino Musée de l’Impression sur étoffes, Mulhouse : Isabelle Dubois Brinkmann Musée national de l’Éducation, Rouen : Yves Gaulupeau, Claude Rozinoer Société Nationale des Beaux-Arts, Paris : Isabelle Lawson Les collectionneurs privés : Guy Baugnon, Léone Berdchasky, Monica Burckhardt, Jean-Claude Cazenave, Catherine Courtin, Ariane Demay, Jacques Egret, Charles Gabriel, Catherine Gomy, Marie-Christine d’Hérouville, Christophe Huguet, Sylvie Lavabre, Jacques Ménétrey, Michèle Noret, Pascal Pontremoli, Alain Rabussier, Jean-Charles Rousseau, François San Milan, Barbara Spadaccini, Corinne Spinelli. Les éditions MeMo (Christine Morault et Yves Mestrallet), la librairie Cattermole (Bill Mac Cullam), la librairie Pages Volantes (Pascale Célereau et Liliane Ruetsch), et surtout Jacques Desse et Jean-Hugues Malineau de l’association des Amis d’André Hellé, Olivier Michielsen pour les reconstitutions de jouets, grâce à la générosité de Marianne Kryzmuski et Edouard Pemzec.

SCÉNOGRAPHIE Conception et réalisation scénographie Stéphane Durand, Véronique Fohlen Suivi de réalisation et action culturelle Marion Abbadie Régie des œuvres, documentation Véronique Kaiser, Mickaël Terrier Réalisations techniques Services techniques de la ville : Jean-Philippe Gaudin, Edgar Maquaire, Olivier Fulbert, Alain Kobylinski et son équipe, Eric Fouquet et son équipe Médiation culturelle et accueil Emilie Bouin, Stéphanie MagnanoPorcheron, Didier Dall’Agnol, Patrick Detrez Ainsi qu’à la mairie de Poissy, les différents services pour l’accompagnement administratif et technique du projet Édition catalogue Création graphique et mise en pages : Julien Lemaître, Loïc Journo Édition : Mare et Martin/ Ville de Poissy Communication presse Amand Berteigne & Co


Drôles de jouets !

Préface Le musée aux drôles de jouets… Cette année, le musée du Jouet de Poissy a choisi de se pencher sur l’art de l’enfance, l’art du début du XXe siècle, au travers de l’œuvre d’avant-garde d’André Laclôtre — dit André Hellé — né en 1871 au lendemain de la guerre contre les Prussiens, et décédé en 1945 à l’issue de la Seconde Guerre mondiale ; une âme d’enfant qui cherche à survivre dans ce monde agité des adultes. L’exposition Drôles de jouets ! est la première rétrospective consacrée à son œuvre, développée autour du jouet en bois, qu’il conçoit dans une vision épurée et humoristique, et qu’il met en vie dans les livres, la musique et déjà le « design » des chambres d’enfant. Elle intervient à l’occasion du centenaire de son jouet emblématique L’Arche de Noé, conservée dans les collections du musée du Jouet de Poissy, et de sa mise en image dans l’album Drôles de bêtes, simultanément distribués par les Grands Magasins du Printemps pour les Étrennes 1912.

« POUR QUE LES TOUT-PETITS NE QUITTENT PAS TROP TÔT UN MONDE CHIMÉRIQUE QU’ILS AIMENT… » ANDRÉ HELLÉ

Des recherches fructueuses ont été menées dans les musées, les bibliothèques et chez les collectionneurs privés, par Béatrice Michielsen, co-fondatrice de l’association Les amis d’André Hellé et commissaire scientifique de l’exposition. Elle est elle-même créatrice de jouets.

L’exposition Drôles de jouets ! entend par ailleurs faire écho à la réédition de Histoire d’une boîte à joujoux d’André Hellé par les éditions MeMo ; cet album pour enfants est une retraduction tardive de La Boîte à joujoux, ballet conçu par lui et mis en musique en 1913 par Claude Debussy. Il est à noter que ce dernier est célébré cette année, par le musée de l’Orangerie à Paris et la maison natale de Claude Debussy à Saint-Germain-en-Laye, à l’occasion des 150 ans de sa naissance. Un rendez-vous donc qui devenait incontournable au musée du Jouet de Poissy devant ce florilège d’anniversaires : une rencontre proposée autour de ces créations étonnamment modernes de l’artiste, sans oublier les jouets traditionnels de bois qui peuplèrent son enfance et qui seront mis en valeur à cette occasion dans le fonds permanent du musée. Que l’Art de l’Enfance trouve toute sa place au cœur des arts décoratifs et nous rappelle l’exposition du même nom, dans laquelle André Hellé fut mis à l’honneur en 1913 au sein du musée Galliera à Paris. Hélène Meyer-Roudet Conservateur des musées de Poissy

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Sommaire

Textes de Béatrice Michielsen

co-fondatrice de l’association des Amis d’André Hellé, créatrice de jouets

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INTRODUCTION

Illustre et inconnu Tout neuf ! Hommage aux éclaireurs

10 SOUVENIRS D’UN PETIT GARCON LES JOUETS DE L’ENFANCE

15 L’HUMORISTE DE PRESSE LES DÉBUTS DANS LA CARRIÈRE

18 L’ILLUSTRATEUR POUR ENFANTS

LE JOUET COMME MODE DE REPRÉSENTATION

24 LE MAÎTRE DE L’ART ENFANTIN

UN MILIEU COMPLET Le livre pour enfants La musique La chambre de l’enfant Les jouets Renouveau du Jouet artistique français Scie à ruban, ciseaux à bois et toupie Un artiste-artisan ? Carlègle : un précieux collaborateur Jouer à la guerre Retour de garnison et les jouets à traîner

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DERNIERS FEUX BIBLIOGRAPHIE DES LIVRES POUR ENFANTS LÉGENDES BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE


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Introduction Illustre et inconnu

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n aurait beau chercher… l’œuvre d’André Hellé (1871-1945) n’encombre ni les rayons des monographies, ni les vitrines des musées ; a fortiori celle consacrée à de modestes jouets de bois. À la fois « illustre et inconnu »1, l’artiste prodigue occupe une place ambiguë dans l’histoire de l’Art pour l’enfance. Reconnu par les connaisseurs d’enfantina comme l’un des inventeurs de l’album moderne, célébré par Carco comme l’un des précurseurs du cubisme, loué par les critiques d’art de son temps pour son esprit d’avant-garde et plébiscité jusqu’en Amérique pour son rôle prophétique dans le domaine de l’illustration et du jouet ; on ne saurait cependant oublier que l’essentiel de son œuvre reste méconnu du grand public et qu’aucune exposition panoramique ne lui a encore été consacrée. S’appuyant sur de précédents travaux de recherche et stimulée par la première rétrospective de livres d’enfants à la Bibliothèque nationale de France2, 1. Selon le titre de Jacques Desse, André Hellé, illustre et inconnu, L’œil du libraire 2009, accessible en ligne sur le site Ricochet. 2. Piffault Olivier (dir) Babar, Harry Potter & Cie. Exposition Paris, Bibliothèque nationale de France, site François Mitterrand, 14 octobre 2008-11 avril 2009.

une poignée de chercheurs passionnés s’est constituée en association pour tenter de combler ces lacunes et inventorier les multiples facettes du « petit-maître de l’art enfantin »3. La récente réédition de son chef-d’œuvre Drôles de bêtes, aux éditions MeMo, marque ainsi le début d’une réhabilitation programmée. Par sa modernité exemplaire, l’album pourtant centenaire continue de captiver l’enfant du e siècle au même titre que les jouets représentés dans ses pages et simultanément fabriqués par l’artiste en 1911. Cet ensemble rare – une arche de Noé au toit ouvrant et ses 24 animaux de bois – se trouvait justement dans les collections du musée de Poissy, et c’est tout naturellement lors d’une visite que le projet de réunir ses autres jouets artistiques prit forme et qu’on décida malicieusement d’intituler l’exposition : Drôles de jouets !

3. Gustave Kahn, « André Hellé » dans L’art et les artistes n°8, Paris 1920, p.337-346. 7


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Tout neuf !

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es choix graphiques d’André Hellé, d’une si grande économie formelle, nous séduisent aujourd’hui pour la même raison qu’ils provoquèrent autrefois l’incompréhension de ses contemporains : «André Hellé c’était tout neuf » pouvait ainsi s’exclamer une professionnelle du livre, « avec lui le mouvement moderne de peinture est entré dans l’illustration du livre pour enfants »4. La diversité de ses champs d’activité finit pourtant par le desservir et brouilla les pistes car Hellé fut tour à tour, caricaturiste-humoriste de presse, auteur-illustrateur de magazines et de livres, peintre, décorateur-costumier pour l’Opéra Comique et le Ballet, 4. Claire Bishop-Huchet, « Le livre français pour enfants » dans The French Review, 1936, p.489-494. Une des fondatrices de la bibliothèque pour enfants, l’Heure Joyeuse à Paris.

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enlumineur de partitions et livrets musicaux, créateur de meubles, tissus, papiers peints et jouets pour enfants, décorateur de bâtiments publics : écoles, crèches, colonies de vacances… On s’y perdrait à moins ! Il n’était pas question ici d’explorer toutes ces zones d’influence mais plutôt de s’attacher, à travers la spécificité du musée du Jouet de Poissy, à cerner le ressort principal de son œuvre et à en relever les multiples déclinaisons dans le registre de l’Art pour l’enfance. Créateur et imagier du jouet, André Hellé parvint à explorer plusieurs formes d’expressions artistiques pour mettre en place un univers autonome et harmonieux, favorable à l’épanouissement de l’enfant. Dès lors et toutes proportions gardées avec les productions des Ateliers Viennois (Wiener Werkstätte), il semble que nous puissions évoquer un exemple d’art total aux couleurs de l’enfance.


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Hommage aux éclaireurs

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omme autant de cailloux blancs, quelques articles de fond et expositions éparses jalonnent la reconnaissance d’André Hellé par des spécialistes du livre et du jouet. Les savantes synthèses d’Annie Renonciat au premier titre, les analyses plasticiennes de Claude-Anne Parmeggiani, l’éclairage historique de Monica Burckhardt et l’approche musicologique de Denis Herlin, éclairaient déjà avec sensibilité les processus interactifs entre la lecture, le jeu et la musique dans l’œuvre de l’artiste 5. Les œuvres sélectionnées pour des 5. a) Annie Renonciat, « Trésors de la boîte à joujoux », Revue de la bibliothèque nationale de France, n°25, Paris 2007, p.72-81. b) Claude-Anne Parmeggiani, Les petits français illustrés 1860-1940, Édition du cercle de la librairie, 1989, p.133-140. c) Monica Burckhardt, Le jouet de bois, Fleurus idées, 1987, p 16-21. d) Denis Herlin, « André Hellé et la Boîte à joujoux », Cahiers Debussy n°30, Paris, 2006, p.96-120.

expositions thématiques tendaient également à former mosaïque mais ne pouvaient révéler que des itinéraires parcellaires6. Ne restait plus qu’à fédérer les savoirs par la création d’une Association des amis d’André Hellé ; ce qui fut fait en 2009 à l’initiative de Jacques Desse, libraire d’ancien et collectionneur émérite, Jean-Hugues Malineau poète-typographe, glaneur de livres rares et moi-même, créatrice de jouets et chercheuse indépendante7. C’est donc sur des recherches fusionnées et l’enthousiasme de quelques adhérents, que se situera notre étude. 6. Le jouet en bois, Musée des Arts Décoratifs, Paris1987 ; Livres d’enfant, livres d’images, Musée d’Orsay Paris1989 ; Livre mon ami 1914-1954, Bibliothèque Forney, Paris1991 ; André Hellé ou la vie des Jouets, Bibliothèque Faidherbe, Paris1997 ; La boîte à Joujoux , Médiathèque Elsa Triolet, Orly 2009. 7. Association des Amis d’André Hellé, 3 rue Pierre l’Ermite 75011 Paris, http://amisdhelle.blogspot.fr/

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Souvenirs d’un petit garçon Les jouets de l’enfance

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es premières années de la vie de l’artiste nous sont bien connues grâce à un petit livre nostalgique – Souvenirs d’un petit garçon – publié au crépuscule de sa vie8. La couverture s’orne du portrait sérieux sinon boudeur du jeune André Laclôtre – futur Hellé – et propose, à hauteur d’enfant, une chronique amusante de la fin du e siècle, truffée d’anecdotes cocasses et de vignettes colorées où l’on perçoit déjà le futur style de l’artiste. C’est en suivant ses propres indications que nous avons retrouvé la pharmacie paternelle de Boissy-SaintLéger où il vécut pendant plus d’une vingtaine d’années. Il naît à Paris cependant, car le pharmacien Pierre Gédéon Laclôtre a fui l’invasion prussienne avec son épouse enceinte et c’est le 26 mars 1871 qu’elle met au monde un garçon au domicile de son père, médecin rue de Belleville. Deux jours après, la Commune de Paris était proclamée. La pharmacie paternelle à Boissy-Saint-Léger en 1877. 8. André Hellé, Souvenirs d’un petit garçon 1871-1883, Berger-Levrault, ParisNancy, 1942.

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Portrait du jeune Laclôtre

La pharmacie existe encore à Boissy et offre un aspect de chalet très semblable au croquis qu’en fit le jeune garçon dans son cahier. Si le jardinet attenant est le siège de toutes sortes de jeux imaginaires, les jouets qu’il reçoit en cadeau pour ses fêtes et anniversaires restent l’apanage de la classe sociale à laquelle il appartient. André et sa sœur Suzanne sont des privilégiés à une époque où le beau jouet relève encore de l’industrie de luxe et où la plupart


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Jouets manufacturés divers, France, fin XIXe siècle

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des enfants n’en possède pas. Les jeunes Laclôtre verront ainsi passer, dans leur chambre d’enfant, le catalogue raisonné des jouets manufacturés destinés à la moyenne bourgeoisie : lanterne magique, train de parquet, bergerie, vélocipède, bébé Jumeau, théâtre de marionnettes, sabre et uniforme miniatures, fort militaire et artillerie en tout genre ! N’oublions pas que la cuisante défaite de 1870 et la perte de l’Alsace-Lorraine marquèrent profondément la société française et plongèrent les générations suivantes dans un patriotisme virulent et revanchard. André rêvera ainsi inlassablement, aux soldats de papier d’Épinal, aux militaires en plats d’étain de Nuremberg et aux luxueux régiments « Lucotte » dont l’enseigne parisienne avait popularisé la mode des figurines en ronde-bosse. S’il rêve d’embrasser une carrière militaire, André ne supporte guère la rudesse de l’internat au lycée Louis-le-Grand à Paris et ses parents finissent par le rapatrier à Boissy où il bénéficiera désormais d’un enseignement à domicile. Bien vite, il montre des prédispositions pour le dessin, à l’instar de sa mère, peintre sur porcelaine.

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« Soldats Lucotte » dessinés par le jeune Laclôtre, juillet 1882.

Le livre de souvenirs s’interrompt brutalement en 1883. André est âgé de 12 ans et doit prendre congé de son enfance sur les instances de ses parents. Il le fait à contrecœur avec ces lignes élégiaques : « Aujourd’hui dimanche, il pleut très fort. Je vais regarder encore tous mes jouets, tous mes livres, toutes mes images ; après je les rangerai peut-être pour toujours /…/ Tous mes soldats


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sont là : les Russes avec leurs jolis petits obusiers de cuivre, les Turcs, les Zoulous, les Afghans, les Anglais ; dans cette grande boîte, c’est l’infanterie française ; dans cette petite qui sent encore la vanille comme lorsqu’elle était neuve, c’est une batterie d’artillerie à cheval avec les canons, les caissons, les voitures des pontonniers, les chevaux, les soldats et l’officier.

/…/ Dans ce placard, j’ai mis mes livres, mes albums, mes images /…/ Car je pense qu’à présent, je n’oserai plus relire ces livres, même si j’en ai envie, ni toucher à mes soldats. C’est malheureux d’abandonner des choses qui vous plaisent et d’être obligé d’en aimer d’autres qui ne vous disent rien du tout /…/ parce qu’on a l’âge de raison ».8

Jouets militaires fin XIXe-début XXe siècle 13


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Portrait du jeune Lacl么tre-Hell茅, vers 1891 14


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L’humoriste de presse Les débuts dans la carrière

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algré des recherches assidues et une bonne visibilité sur son arbre généalogique – André Hellé, marié à deux reprises, mourut sans descendant direct – nous devons recourir au Dictionnaire national des Contemporains pour trouver confirmation de son parcours autodidacte9. Le jeune Laclôtre devance l’appel à 18 ans pour s’enrôler dans l’infanterie de marine. Il termine son service trois ans plus tard et c’est en avril 1893 qu’apparaissent les premiers dessins connus, signés Laclôtre, en cimaise d’une exposition parisienne. André a 22 ans et participe aux derniers soubresauts des Arts incohérents, un mouvement anticonformiste et provocateur qui s’ingéniait depuis une dizaine d’années à parodier le « Salon » officiel, en choisissant d’exposer des dessins « exécutés par des gens qui ne savent pas dessiner ». Le public, moins fervent qu’autrefois, s’y donnait rendez-vous pour se gausser du monde politique et artistique via la caricature, les calembours visuels et la satire tous azimuts. André Laclôtre

présente deux dessins : Un bécot macabre et Les chiens q u i re l è v e n t d av a n t a g e des spectacles d’ombres chinoises (popularisés par le cabaret du Chat Noir) que d’un style propre.10 On comprend aisément pourquoi le jeune homme fut sensible à l’humour p ot ache d e ce mouvement de joyeux fumistes puisqu’il amorce en même temps une carrière dessins signés d’illustrateur dans la presse Deux A. Laclôtre au Salon humoristique et satirique. des Incohérents, 1893 Le galop d’essai porte ses fruits et c’est en 1897 qu’André Laclôtre adopte le pseudonyme d’Hellé pour parapher ses premières parutions dans la presse. Faut-il voir dans ce choix un calembour cher aux Incohérents [Ailé], une référence à son engagement militaire et à

9. Nath Imbert, Dictionnaire national des contemporains, tome 3, Éd. de la jeunesse, Paris, 1939.

10. Nous sommes redevables à Corinne Taunay, doctorante en histoire de l’art, pour cette information capitale. 15


la divinité marine grecque [Hellê] ou un renvoi à l’opéra éponyme d’Alphonse Duvernoy [Hellé] en 1896 ? Nous opterons pour une pratique plus banale et bien connue des artistes en quête de nom de plume : la contraction de leur nom et prénom. Ainsi Laclôtre André sera réduit à L-é pour donner phonétiquement Hellé, sans occulter pour autant les éventuels jeux de mots sous-jacents. L’apprentihumoriste contribue alors à une quantité

invraisemblable de périodiques, mensuels, revues illustrées, tout support graphique privilégié du dessinateur débutant, plus d’une centaine à partir de 1898 : La Petite Caricature, Le Polichinelle, Le Journal, Gil Blas, La Baïonnette, Le Rire, Le Bon Vivant, L’Indiscret, Le Sourire, L’Assiette au Beurre, Le Cri de Paris, Le Pêle-mêle, Le Journal Amusant, etc. Tout en volutes et en arabesques, ses débuts restent encore marqués par l’esprit « Belle Époque »

Le Sourire, 2 octobre 1909

Le Sourire, 16 avril 1910

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et ce n’est qu’aux alentours de 1904 qu’il affine sa technique en développant une ligne plus claire. Il se démarquera bientôt davantage en s’appropriant un ressort comique qui deviendra sous peu sa marque de fabrique. Il transforme les protagonistes de ses dessins de presse en petits jouets trapus, issus du tour à bois et de la scie à ruban et les plonge dans l’actualité ! L’idée

n’est pas nouvelle, mais le style graphique d’une grande lisibilité formelle et la tendre naïveté de ses personnages, sont résolument accrocheurs et feront sa renommée. Ses participations aux périodiques pour adultes et enfants se multiplieront jusqu’à la Grande Guerre mais il s’éloignera peu à peu du dessin d’humeur et de frivolité pour privilégier la sphère enfantine. Hellé a trouvé sa voie d’élection et son style.

La Joie des Enfants, 1er juin 1905

La Baïonnette, 2 janvier 1919 17


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L’illustrateur pour enfants Le jouet comme mode de représentation

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n ce début de XXe siècle, les techniques d’impression plus performantes sont aussi moins coûteuses, et la presse enfantine s’affranchit des textes didactiques où la morale prenait souvent le pas sur l’humour. En résulte une véritable explosion de magazines de divertissement à qui l’artiste propose sa collaboration : Le Jeudi de la Jeunesse, Qui lit rit, La Joie des Enfants, Mon beau Livre, Le Petit Illustré amusant, Les petits Bonshommes et surtout Le Petit Journal illustré de la Jeunesse où ses mises en page inédites et l’inventivité de ses séquençages vont faire florès. Passant adroitement des cases bandeaux (panorama horizontal) aux cases verticales (façade d’immeuble), il excelle à accorder le fond et la forme aux besoins du récit afin d’obtenir une lecture immédiate. Son mode de représentation par le jouet se met progressivement en place et c’est dans l’éphémère périodique La Joie des Enfants qu’apparaît pour la première fois le thème de « l’arche de Noé » en support d’un concours de dessin. 18

L’artiste représente le mythique défilé animalier sous forme de minces silhouettes en bois découpé, héritées de la tradition populaire. Estce dans ce numéro de décembre 1904 qu’Hellé rencontre son thème de prédilection ? Les Souvenirs d‘un petit garçon ne mentionne aucune arche de Noé, mais le jouet si caractéristique semble bien émerger des cadeaux de Noël 1877, entassés au pied de la cheminée de Boissy-Saint-Léger8. Véritable souvenir d’enfance ou plutôt citation uchronique d’un humoriste de métier ?


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Magazines jeunesse dont Le Petit Journal illustré pour la Jeunesse, 18 mars 1906, « Un régiment aux petits pois »

Le thème biblique de l’arche est encore peu fréquent en France, dans les catalogues de jouets de la fin du XIXe siècle. Témoin culturel s’il en est, l’arche en bois et ses couples d’animaux sculptés relèvent traditionnellement de l’artisanat populaire allemand qui les produit et les exporte massivement en Angleterre et en Amérique5c. Ces jouets d’obédience religieuse appartenaient aux rares divertissements autorisés le dimanche par la bonne société protestante, d’où leur nom conservé de « Sunday toys » (jouets du dimanche).

La Joie des Enfants, concours de dessin illustré par Hellé, 15 décembre 1904

Noël 1877 à Boissy-Saint-Léger 19


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Arche de Noé avec couples d’animaux, bois tourné, sculpté et peint, Allemagne, fin XIXe siècle

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Plus largement et depuis plusieurs générations, l’industrie du jouet allemand domine le marché mondial et inonde la France grâce à une tradition séculaire, des prix de revient inégalés et de solides réseaux commerciaux. Ainsi, les jouets en bois de l’Erzgebirge11 bien rangés dans leur caractéristique boîte ovale en pin déroulé, sont-ils communément présents dans nos bazars, bimbeloteries et tout nouveaux Grands Magasins : soldats rigides aux pieds collés, villageois tournés comme des quilles, carrousels à musique, attelages sur roulettes… 11. « Erzgebirge », région forestière d’Allemagne spécialisée dans le tournage au cercle : une moulure circulaire profilée de la silhouette d’un animal, que l’on coupait en tranches avant d’y rapporter les oreilles et la queue.

Jouets populaires allemands de l’Erzgebirge, fin XIXe- début XXe siècle

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Le jeune André restera profondément attaché à ces jouets naïfs que l’on appelait communément « jouets de Nuremberg » parce que la ville en était le centre de distribution mondiale. L’esthétique primitive de ces « joujoux d’un sou », attrayants et bon marché de surcroît, imprègnera durablement l’imagerie autant que la littérature jeunesse et lui inspirera un de ses premiers livres d’enfant : Pauvres joujoux cassés (Éditions Rueff, Paris, 1908). Parmi une sélection de jouets accidentés, on s’interroge à juste titre devant d’énigmatiques « poupées de Nuremberg », montées sur quatre piquets en crin. Ces « poupées de piano » (ou danseurs ou trembleurs) étaient fort prisées des


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enfants depuis la fin du XIXe siècle et se mettaient instantanément à tournoyer aux vibrations de l’instrument sur lequel elles étaient posées, ou étaient associées à des tambourins de carton que l’on frappait avec un maillet en bois pour les faire danser en cadence. Hellé dut raffoler de leurs rondes vibrionnantes puisqu’il en truffera ses albums et les multipliera à l’envi sur un tissu d’ameublement, un papier peint et jusqu’à un motif de coussin que sa première femme – Angèle Hellé, brodeuse de métier – réalisera pour leur premier projet commun.

En haut à gauche : Poupées de piano ou danseurs sur crin, bois peint, fin XIXe-début XXe siècle. En haut à droite : Les poupées de Nuremberg selon André Hellé. Intermédiaire : Coussin La ronde, brodé par Angèle Hellé d’après un dessin de son mari, 1911. En bas : Échantillon de tissu La ronde, 1907. Illustration Hellé pour la manufacture P.A. Dumas

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Le maître de l’art enfantin Un milieu complet E

st-ce le fait d’une génération d’artistes pluridisciplinaires ou plus probablement les spectaculaires progrès des méthodes de reproduction et d’impression qui amenèrent bon nombre de dessinateurshumoristes du début du XX e siècle à déborder du simple cadre de l’illustration ? Depuis la libéralisation de la presse, la prépondérance de l’image offre un tremplin inespéré aux artistes de tout bord, mais la concurrence est rude et la rémunération incertaine. Comme Poulbot (1879-1946) et Benjamin Rabier (1864-1939), ses illustres collègues, André Hellé se fera touche-à-tout pour assurer l’ordinaire. C’est ainsi que nous aborderons dans le désordre et en toute impunité, ses principaux champs d’activité autour du livre, de la musique, du mobilier et du jouet pour enfant.

Manège à crécelle, Histoire de Quillembois soldat, André Hellé, 1919 24


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Le livre pour enfants

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ne fois révélée sa passion pour le jouet comme source d’inspiration, nous n’avons rien dit de la manière de l’artiste. Bien d’autres illustrateurs s’étaient emparés de ces mêmes jouets populaires allemands pour n’en livrer qu’une réalité extérieure, charmante de naïveté mais trop proche du travail artisanal. Hellé ne vise aucunement la copie conforme. Il construit sa propre esthétique, invente un vocabulaire plastique de formes plus trapues, plus arrondies que le jouet d’origine, et atténue par là même leur raideur archétypale. De ces lignes simplifiées découle une grande sobriété visuelle, proche de la vision enfantine et servie par des aplats de couleurs franches. Pas ou peu d’ombre portée… seul un épais cerné noir délimite le contour de ses figurines volontairement schématiques. Quant aux visages, notoirement inexpressifs sur « les jouets d’un sou » peints à la hâte, ils sont ici empreints

d’une subtile mimique qui agit en contrepoint de la situation donnée. En s’affranchissant d’une reproduction statique, Hellé ne fait que suivre les jouets d’actualité qui ronronnent, cliquètent, vrombissent et pétaradent en tous sens, en ce début de siècle. Nombreuses sont les illustrations où le diable jaillit de sa boîte, où les soldats explosent de leur guérite, où les voitures, les villages et leurs habitants en bois sont projetés en lignes contrastées par le jeu des catastrophes !

La voiture folle, Histoire de Quillembois, André Hellé, 1919 25


Drôles de jouets !

À quarante ans, en pleine possession de ses moyens, l’artiste publie son chef-d’œuvre chez le maître-imprimeur Tolmer et ouvre le ban des livres dont l’artiste assure la composition intégrale. Drôles de bêtes est un album géant imprimé sur un inhabituel vergé gris et comprend quarante-huit pages calligraphiées de la main d’Hellé, ainsi que vingt planches animalières rehaussées au pochoir et contrecollées dans le texte. On connaît maintenant les imbroglios liés aux trois couvertures différentes de ce seul et même ouvrage12. Parus simultanément pour les étrennes 1912, Drôles de bêtes et L’Arche de Noé (ce dernier titre étant réservé aux Magasins du Printemps) seront suivis d’une mouture moins qualitative en 1920, sous le titre rafraîchi de Grosses bêtes et petites bêtes. En prenant pour sujet les animaux en bois qu’il crée en même temps que l’album, Hellé signe un véritable manifeste de son double travail d’imagier et de créateur de jouets. Une telle mise en abyme s’exercera à maintes reprises tout au long de sa carrière et donne le sentiment d’un monde harmonieusement clos qui se satisfait de lui-même. 12. Béatrice Michielsen, « Métamorphoses d’un livre d’artiste », La revue des livres pour enfants, n° 262, février 2012, p.164-168.

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Drôles de bêtes, André Hellé, Tolmer, 1911


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L’Arche de Noé, André Hellé, Tolmer, 1911, exclusivité pour les Magasins du Printemps

Grosses bêtes, petites bêtes, André Hellé, Tolmer, 1920

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Débute alors pour l’artiste, un cycle d’une grande fécondité autour du thème du jouet pendant plus d’une trentaine d’années. Sans compter les innombrables planches de journaux peuplés de jouets de tout acabit, la quasi-totalité des livres qu’il conçoit est en direction des enfants [soixante-dix sur quatre-vingts environ] et traitent du sujet. Citons à cet effet quelques titres parmi les plus explicites : Pauvres joujoux cassés et Les 28 jours de Thomas Boisblanc (1908), La boîte à joujoux (1913), French toys (Jouets français) et La geste héroïque des petits soldats de bois et de plomb (1915), Dutchie dolls’ doings (Les occupations des poupées hollandaises), son unique livre en tissu (1916), Histoire de Quillembois, pauvre soldat (1919)… Très tôt, Hellé s’est approprié l’un des sillons favoris de la littérature jeunesse : le jouet qui s’éveille à la vie à la nuit tombée ou hors du regard humain. C’est le prétexte même de nombreux drames lilliputiens où des soldats en bois chargent leurs canons de petits pois de Clamart (réputés pour leur grosseur) et courtisent des bergères à la jupe tournée, sous des arbres verts taillés comme des cônes. Prolongation inattendue du phénomène animiste : la vigoureuse revanche de jouets maltraités par leurs tyranniques petits propriétaires fait l’objet d’une maquette gouachée, non publiée – Mik et Miquette au pays des songes –, conservée à la bibliothèque l’Heure Joyeuse à Paris (circa 1935). 28


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De gauche à droite : Pauvres joujoux cassés (1908) Les 28 jours de Thomas Boisblanc (1908) La boîte à joujoux, ballet pour enfants (1913) French toys (1915) La geste héroïque des petits soldats de bois et de plomb (1915) Dutchie dolls’ doings (1916) Histoire de Quillembois soldat (1919)

« Des jouets naissent, des jouets meurent et leur histoire se ressemble beaucoup », ponctue Hellé en conclusion de Quillembois dont il a conçu les textes autant que les illustrations, comme pour la plupart de ses albums. Son style qui passait pour alerte et délicat en 1920 semble aujourd’hui quelque peu suranné et fut un frein probable à la pérennisation de ses œuvres. Lorsque le jouet n’est pas du ressort de l’album – ce qui est rare car le sujet finit toujours par affleurer –, la traduction graphique des personnages silhouettés comme de naïfs pantins de couleurs vives se charge de ramener le résultat dans le prisme ludique. C’est ainsi que la frise de soldats alliés, coiffant la table des matières de l’Alphabet de la Grande Guerre (1917) présente toutes les caractéristiques de petits jouets en uniforme. Nous les retrouverons bel et bien sous cette forme, dans les catalogues du Printemps de la même année. Pour l’heure et malgré des textes bellicistes dont il pourrait bien être l’auteur, sa vision esthétisante de la guerre – sans effusion de sang – relève davantage du « faire semblant » que de la terrible hécatombe de 14-18. Alphabet de la Grande Guerre, André Hellé, Berger-Levrault, 1916 Mik et Miquette au pays des songes, André Hellé vers 1935 29


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Au-delà du livre, Hellé utilisera tous les supports disponibles sur papier pour s’adresser aux enfants : imagerie scolaire et bons points, papier à lettres et cartes-lettres, menus et cartes postales, coloriages et nombreux livres d’activité. Vingt-deux fascicules à découper et à colorier seront ainsi distillés par les éditions Berger-Levrault de 1926 à 1942 avec une grande diversité de thèmes : le Port breton, la Ferme, le Marché, le Campement d’Indiens, les Boy-scouts, le Cirque, etc., et cette réjouissante Fête foraine dont la mise en volume recouvre tout le spectre des travaux manuels et jeux de papier.

Coloriages des années de guerre, André Hellé, Berger Levrault, 1918

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Le jardinage, Les soldats de bois et Noël, André Hellé. Jeux d’enfants, série de dix cartes postales, Gallais, vers 1919

En haut : Albums à découper et colorier, André Hellé, éd. Berger-Levrault, 1926-29. Ci-dessus : Éléments découpés du livret : La fête foraine


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Jeux d’enfant, André Hellé. Série de 10 cartes postales, Gallais, vers 1919

Nos soldats, André Hellé, série de cinq cartes-lettres, vers 1912

Papier à lettre Les Sénégalais, vers 1914

Papiers à lettre Les contes de Perrault, vers 1911

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Trio amoureux de La Boîte à Joujoux, Hellé-Debussy : polichinelle, poupée et soldat, Durand, 1913

La musique

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ui aurait pu prédire le rôle déterminant que joueraient la musique et le ballet dans la carrière du jeune Laclôtre, celui-là même qui commence l’apprentissage du piano en mars 1880, pour couper court au mois de mai ? C’est bien plus tard, avec la revue Mille neuf cent douze donnée au Théâtre des Arts à Paris, qu’il entame une carrière opportuniste de décorateur et de costumier. Cette expérience hasardeuse ouvre une voie qu’il poursuivra avec passion jusqu’à la fin de sa vie : collaborant à une dizaine de ballets, décorant des revues musicales et consacrant de nombreux tableaux aux scènes de théâtre et d’opéra qu’il fréquente avec assiduité. C’est en réalisant le tableau de ladite revue que l’illustrateur a l’idée de mettre en scène une poupée, un soldat et quelques jouets d’enfants… 32

prémices de son célèbre ballet La Boîte à joujoux. Encouragé par le secrétaire de l’Opéra Comique, Hellé s’aventure chez le grand Debussy en février 1913, muni de la maquette illustrée de la pantomime dont il vient d’écrire l’argument : « Cette histoire s’est passée dans une boîte à joujoux. (…) Des poupées dansaient : un Soldat vit l’une d’elles et en devint amoureux, mais la Poupée avait déjà donné son cœur à un Polichinelle paresseux, frivole et querelleur. » On devine aisément la suite de cette tragi-comédie de poche… Le grand musicien est manifestement charmé par les compositions colorées de l’artiste et cette histoire d’amour triangulaire où l’on reconnaît d’évidence les jouets populaires de Nuremberg aux côtés des silhouettes anguleuses du tigre et de l’éléphant en bois, échappés de Drôles de bêtes L’Arche de Noé !


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Interprétation enfantine de La Boîte à joujoux à San Francisco / Théâtre français, 1919

Mise en volume d’une page de La Boîte à joujoux

C’est surtout par dévotion pour sa fillette surnommée « Chouchou »13 que Debussy, père tardif et attendri, accepte de collaborer à cet « espiègle divertissement », qu’il accompagne de comptines enfantines et d’effets de boîte à musique. De son côté, la petite demoiselle prétend ne vouloir écrire que sur le papier à lettres de M. Hellé ! Certains de ces feuillets illustrés ont été retrouvés, comme celui de « l’oie sur socle de bois » que Chouchou adressa tendrement à son père, alors en tournée à l’étranger.5d La partition pianistique, accompagnée de douze éclatantes illustrations pleine page, paraît pour les fêtes de Noël 1913 chez Durand, l’éditeur privilégié 13. Née en 1905, « Chouchou » Debussy, de son vrai prénom Claude-Emma, portait les prénoms réunis de ses deux parents.

Courrier de Chouchou Debussy à son père, sur papier à lettre de l’Arche de Noé, Tolmer, 1913

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de Debussy mais le déclenchement de la Grande Guerre et la maladie du musicien, suivie de son décès prématuré, empêchèrent la diffusion du livret autant que la création du spectacle. La première représentation française n’aura lieu à Paris qu’en 1919, en l’absence de Chouchou Debussy. Celle-ci venait de disparaître, victime de la diphtérie. À chaque nouvelle version du ballet, Hellé s’appliquera à remanier décors et costumes de scène. Est-ce sa création à l’Opéra Comique en 1925 qui l’incite à étoffer et transformer son scénario initial en véritable livre pour enfant ? Délaissant tout accompagnement musical, l’album remanié dans un style art déco paraît un an plus tard chez Tolmer sous le titre symétrique d’Histoire d’une boîte à joujoux14. Le format confortable de l’édition Tolmer (25 x 34 cm) fournit l’occasion d’une couverture saisissante où le trio amoureux – Poupée, Soldat et Polichinelle – émerge de la symbolique boîte à joujoux, tout à la fois sujet et titre de l’album. La perspective accélérée du cadre et son audacieux traitement en contre-jour confirment que l’artiste considérait l’image pour enfant comme une unité plastique en soi. Du reste, c’est au titre des arts décoratifs qu’il sera nommé Chevalier de la Légion d’Honneur, la même année. En pages intérieures, le procédé d’autocitation, 14. L’Histoire d’une boîte à joujoux (Tolmer 1926) fait justement l’objet d’une réédition chez MeMo (Nantes) en accompagnement de l’exposition du musée du Jouet de Poissy. 34

En haut : Histoire d’une boîte à joujoux, couverture d’André Hellé, Tolmer, 1926 Ci-dessus : Le petit elfe Ferme-l’Œil : livre-jouet, André Hellé d’après Andersen, Tolmer, 1924


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dont il est coutumier, déroule un échantillonnage représentatif de ses jouets en bois et tissu avec les Quilles grenadiers, le Garde anglais, le Moulin joli et quelques animaux de l’Arche. Par un énième jeu de miroir, Hellé a également convoqué sur les têtes de chapitre un petit elfe vert, très identifiable à son chapeau orné de pompons blancs.

boîtier où s’agite une troupe de jouets colorés. Outre le livret reproduisant la partition du compositeur, le coffret recèle une deuxième brochure fort délicate, dont les trois volets se déploient comme un petit théâtre et proposent autant de jeux de manipulation que de jeux visuels, grâce aux fenêtres découpées au fil des pages. Un double brochage comp l exe et novateur pour un livre à système spectaculaire !

L’artiste artisan, toujours soucieux de mettre un projet en résonance avec un autre, Couverture de partition pour enfants : avait en effet incité le musicien F. Les jolies chansons roses (24 titres), vers 1924 Schmitt à développer en ballet, Nous aurions rêvé d’un la suite pour piano que lui avait autrefois inspiré concept aussi créatif pour la fantaisie lyrique de le conte d’Andersen, Le petit elfe Ferme-l’Œil15. Ravel – L’enfant et les sortilèges – dont le sujet Responsable de la décoration du spectacle créé en semblait particulièrement taillé à sa mesure… mais 1924, Hellé rebondit sur le thème avec un concept Hellé n’en assura au final qu’un modeste décor de inédit qu’il soumet à l’éclectique Tolmer : un album partition (Durand 1925). Commissionné dans le hybride, à la frontière du livre musical et du jouet. La même temps par les Éditions musicales Leduc pour maison Tolmer vient justement d’ouvrir un atelier ornementer d’autres couvertures, Hellé essaimera de cartonnage et le précieux emboîtage-cadeau encore ses jouets préférés sur une séduisante prévu par l’artiste est exécuté en interne ainsi que sa collection de partitions piano destinées aux mise en couleur par l’atelier-pochoir. On retrouvera « petites mains », telle la série des Jolies chansons le petit elfe au tricorne vert sur la couverture du roses. 15. Corinne Gibello, « Le petit elfe Ferme-l’Œil ou les esquisses d’une œuvre », Griffon n° 229, Paris, 2011, p.11-12.

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La chambre de l’enfant Pour André Hellé, « le jouet n’est qu’un épisode du milieu complet qu’il cherche à réaliser, c’està-dire la chambre d’enfant »3. L’idée de réserver à l’enfant un espace bien à lui dans la sphère domestique, et de le décorer de manière spécifique, reflète l’évolution des sociétés autant que le regard porté sur l’enfance. C’est en Angleterre, à la fin du XIXe siècle, qu’apparaissent les premiers papiers peints inspirés des illustrateurs : Walter Crane, Kate Greenaway et Randolph Caldecott se succéderont avec brio sur les murs de la « nursery ». L’avènement du XXe siècle amplifie l’intérêt pour l’enfant avec une série de manifestations publiques et la création des premiers exemples mobiliers conçus spécialement à leur intention. Les modèles créés et exposés tant en Angleterre qu’en Allemagne suscitent un intérêt international, relayé par les premiers magazines de décoration qui en propageront la mode vers les classes aisées. Dès 1905, Hellé expose des « estampes pour nursery », bientôt suivies de « panneaux décoratifs pour une pièce réservée à des enfants » dont le franc succès le décidera à se spécialiser dans le domaine. Bientôt sollicité par les manufacturiers à la mode (Paul Dumas, Tekko Salubra, Eugène Constant), Hellé conçoit plusieurs motifs de tentures et papiers peints sur les thèmes enfantins qui font sa notoriété : Rondes de poupées de Nüremberg, Bergères et moutons, Marionnettes, etc. Papier peint La ronde, André Hellé pour la manufacture P. A. Dumas, 1907 36


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Frise Grenadiers à cheval, Salon d’Automne, 1909

Dépôt de marque enregistré en 1910 : André Hellé « designer »

Suivront plusieurs frises murales aux dessins synthétiques et aux couleurs franches cernées d’un épais tracé noir : Grenadiers anglais, Artilleurs et Pioupioux d’un sou (1909), Villages et Grands carrosses (1910), Arche de Noé (1911), La légende de St-Hubert (1912), Jeux d’enfants (1919). Le projet global se met peu à peu en place et Hellé présente un premier ensemble mobilier à hauteur d’enfant au Salon d’automne 1910, immédiatement commercialisé dans le catalogue de fin d’année du Printemps. Le bois teinté de blanc est sobrement écussonné d’un dessin d’arbre de Nüremberg et déjà les premiers jouets de l’artiste entrent en scène : quilles grenadiers et course de taureaux en bois articulé et peint. C’est en novembre de la même année qu’Hellé effectue un premier dépôt de marque et choisit d’estamper ses créations d’une petite tête goguenarde formée de ses initiales, décalque de son monogramme d’illustrateur16.

16. Nous remercions particulièrement Barbara Spadaccini pour ses recherches de marques à l’INPI et aux Archives de la Ville de Paris.

Ensemble mobilier, panneaux décoratifs et jouets par André Hellé, Salon d’Automne, 1910 37


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L’année 1911 verra l’aboutissement de ses recherches avec une chambre complète autour du thème de l’arche de Noé qui crée l’événement : la chambre en question est en érable et sycomore de couleur claire, et les petits meubles aux angles arrondis se répondent en toute harmonie. La frise d’animaux qui court à hauteur de l’œil est dessinée, non d’après nature mais d’après les modèles de jouets en bois qui jonchent le sol de la pièce et dont les silhouettes simplifiées sont reprises sur les voilages. Compagne et collaboratrice des premiers jours, Madame Angèle Hellé a spécialement confectionné les rideaux de vitrage et les voiles de lit, en adaptant sa technique à la ligne claire de son mari. Concert de louanges sur le « clou de l’exposition », retransmis par de très nombreux articles de presse et reproductions photographiques : « La chambre d’enfant de Hellé est si claire, si gaie. L’auteur a compris avec beaucoup d’humour que si l’on fait des vêtements à la mesure des enfants, on ne fait pas souvent de meubles à leur convenance. » Dans la mouvance des ensembliers anglais et allemands, très attentifs depuis le début du siècle au décor hygiéniste et artistique de l’enfant, Hellé se positionne comme un pionnier dans une société française où les chambres d’enfant sont encore le plus souvent des réductions de chambres d’adultes, toujours empreintes des surcharges de l’art nouveau. Dans ce contexte, ses conceptions épurées apparaissent plus adaptées à l’esprit de Première chambre pour enfant, André Hellé, 1911

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Chambre des Jeux : frise, paravent, tapis et jouets par André Hellé, 1919

Chambre de Cendrillon, André Hellé pour Le Printemps, 1913

la petite enfance, avec un style dépouillé des affèteries de l’époque qui réussit la synthèse d’un univers fonctionnel et cohérent. Le Printemps présentera deux autres chambres du créateur avant la déclaration de guerre : une chambre plus austère au strict pochoir « maisonnette » et la légendaire Chambre de Cendrillon dont Mme Hellé s’applique à conter les épisodes sur une frise en broderie d’application. Les meubles gais et robustes portent les armoiries marquetées de Cendrillon, « petite pantoufle sur champ de gueules » (couleur pourpre). Au sol roule le jouet approprié : un grand carrosse en bois, sorti tout droit de la frise brodée avec son cocher ventru et ses deux laquais, juchés sur la banquette arrière. Selon nos sources, Hellé collabore encore aux décors d’une dernière chambre après-guerre, en 1919. Les élégants meubles gris clair de la 40

Chambre des Jeux ne sont pas de son fait mais de celui des ateliers Primavera, premier atelier de « création d’art » au sein d’un grand magasin. Le titre de la chambre renvoie à la frise et au paravent exemplaire de l’illustrateur occupés ici par des trios d’enfants jouant, courant ou goûtant sur l’herbe. Comme à l’accoutumée, des jouets animent la présentation : Quilles grenadiers à terre et Bergerie berrichonne sur une commode haute. Au premier plan sur la petite table, s’ouvre l’album de l’année La belle histoire que voilà, composé par Hellé pour les éditions Berger-Levrault. Qui, sinon l’auteur luimême, aurait pu choisir de l’ouvrir à la page de la chambre d’enfant ? S’adressant à une clientèle restreinte, de classe moyenne relativement aisée, le nombre de chambres d’enfant fabriquées par les magasins du Printemps resta probablement limité et nous n’avons retrouvé aucune pièce d’époque, ni dans les musées ni dans les collections privées. Gageons que l’intérêt actuel pour l’histoire et le design des meubles d’enfant révèlera prochainement quelques modèles oubliés.


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Les jouets C’est certainement l’affaire de sa vie, l’expression la plus intime, selon un journaliste, de cet homme exquis et modeste qui ressemblait à ses dessins et dont le visage « était éclairé de cette espèce de naïveté supérieure qu’ont souvent les artistes ou les enfants. »17 Le jouet artistique est également l’expression d’une époque et en ce début de XXe siècle, éperonnés par l’exemple de Caran d’Ache, de nombreux illustrateurs vont s’y essayer : Poulbot, Hémard, Hellé, Rabier, Carlègle, Job, Robida, Lepape… pour ne citer que les plus connus.

Carte publicitaire pour les «jouets des mutilés de guerre», Francisque Poulbot, vers 1915

Renouveau du jouet artistique français Depuis plus de cent ans et jusqu’à l’aube de la Première Guerre mondiale, les jouets allemands accaparent la majeure partie du marché français et leur représentation graphique est tout aussi solidement implantée dans l’imagerie pour la jeunesse. L’essor du jouet français accéléré par la seconde révolution industrielle, la volonté de s’affranchir des fabrications étrangères (essentiellement de la puissance économique allemande) et le souhait de promouvoir un jouet plus national, favorisent en quelques années l’émergence du « jouet artistique français ». Pour la première fois en 1900, une section rétrospective

de l’Exposition universelle expose les jouets du temps passé, au même rang que les beaux-arts. Des collections se forment et le phénomène d’intérêt se matérialise un an après, avec une nouvelle exposition au Petit Palais – L’enfant à travers les âges – suivie de la création d’une société d’Amateurs de jeux et jouets anciens en 1905. Regroupée autour de Léo Clarétie, écrivainjournaliste et Henri-René d’Allemagne, chartistehistorien du jouet18, cette société d’amateurs éclairés publie une revue bimensuelle L’art et l’enfant où s’exerce périodiquement leur propagande pour le jouet français.

17. Maurice Foulon, reportage publié dans un journal non identifié, rapporté par Denis Herlin p.108-110, Cahiers Debussy N°3, Paris, 2006.

18. Léo Clarétie, Les jouets, Histoire-Fabrication. Ancienne maison Quantin 1894 et Henri-René d’Allemagne, Histoire des Jouets, Hachette, 1902. 41


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« Il faut faire la guerre aux jouets allemands qui nous envahissent », y lit-on dès janvier-février 1911. La revue révèlera en avant-première les soldats de l’empire découpés par Caran d’Ache, les animaux articulés de Rabier, les poupées caractères de Poulbot – Nénette et Rintintin – et les premiers dessins d’André Hellé pour un catalogue de jouets du Printemps.

C’est l’époque où les grands magasins inventent la publicité et font appel à des artistes renommés pour créer leur image de marque en décorant affiches et couvertures de catalogue. À l’approche des fêtes, ils rivalisent de plus belle : Willette à la Samaritaine, Poulbot au Bon Marché, René Vincent au Printemps, et plus tard Maggie Salcedo aux Grands Magasins du Louvre. L’inventivité, l’originalité et le « bon goût » du jouet français – spécifiquement parisien – acquièrent enfin une place de choix dans le marché mondial, soutenus par une société française en pleine ébullition. Léo Clarétie proclame « les droits de l’enfance à la beauté » et c’est dans cette mouvance qu’Hellé expose ses premières créations au Salon des Humoristes (1908), au Salon d’Automne (1910), et participe à plusieurs expositions marquantes à Paris, New York et Chicago : t L’Art pour l’enfance au musée Galliera à Paris (1913) ne lui consacre pas moins de trois salles où il peut déployer ses univers coordonnés : jouets, meubles et albums pour enfants. Trois cartes postales commémorent ses stands et des notices détaillées lui sont consacrées dans le catalogue illustré par Poulbot.

Couverture du catalogue du Printemps par André Hellé, 1909 42


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Trois cartes postales de l’exposition L’art pour l’enfance au musée Galliera, 1913 1. L’art de l’illustration par A. Hellé

2. Chambre l’Arche de Noé par A. Hellé

3. Chambre des jouets par A. Hellé

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Yerri et Gretel, d’après Hansi, de P. J. Gallais, 1917

Nénette d’après Francisque Poulbot, Société Française des Bébés et Jouets, 1913

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Nos soldats de France, d’après Job, atelier des mutilés de guerre de Bordeaux, vers 1918


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Chiens, Caran d’Ache, bois découpé et peint vers 1908. « C’est un jouet et en même temps une œuvre d’art » selon la publicité de l’époque

Couin ! Couin ! et Jeannot-Lapin, d’après Benjamin Rabier, fabrication Passerat et Radiguet, publications Pierre Laffitte, 1908 45


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t French toys à New York (1915) privilégie « le jouet artistique français » et refuse les « bimbocheries ». En complément du catalogue, Hellé illustre un petit volume anglais où il fait figurer ses dernières créations en bois : des soldats à l’exercice. t Les jouets artistiques modernes, suivie de L’image de guerre populaire sont organisées par l’Union des arts décoratifs à Paris (1916 et 1917) en faveur des travaux des mutilés de guerre. Outre les sujets civils, Hellé présente une « tranchée de première ligne » et une pochette de six cartes postales sur le thème des « Chants nationaux des alliés » (Édition Longuet). t The French toy à l’Institut d’art de Chicago (1918) exhorte à soutenir l’effort de guerre français au détriment du jouet allemand. Dans un catalogue soigné, les créations de « Mister Hellé » bénéficient d’une élogieuse introduction par les magasins du Printemps qui vantent leur « cachet parisien » et «leur conception aussi spirituelle que pittoresque ». Au lendemain de leur présentation au Salon d’Automne 1911, les jouets de l’Arche de Noé « spécialement dessinés pour le Printemps » étaient sitôt proposés dans le catalogue de Noël du magasin, en même temps que le mobilier enfantin et le livre éponyme. Publicitaire avant la lettre, le directeur M. Laguionie avait parié sur l’impact d’un thème fédérateur exclusif et ne manquait pas d’associer le nom de son magasin à celui d’un salon artistique parisien, doublé d’un créateur 46

Soldats de bois à l’exercice dans French toys

Pochette de six cartes postales, vers 1917

en vogue. Au fronton d’une page foisonnante d’articles sophistiqués – mouton bêlant, lapins balançoires, cheval mécanique et âne sauteur – les jouets dépouillés de l’artiste tranchent par leur discordance ! Le dépouillement stylistique de l’embarcation, et de ses 24 animaux en bois à l’humour géométrique, impose une esthétique radicalement novatrice qui les différencie d’emblée de leur source d’inspiration allemande. Véritable créateur, Hellé les dote d’une plastique nouvelle et néglige le détail au profit de l’allure générale. Selon un témoignage recueilli auprès de l’artiste, son vœu était « que le jouet soit évocateur : qu’il indique une forme au lieu de l’accentuer, qu’il exprime non seulement la silhouette d’une chose mais aussi son volume ; que ses couleurs soient franches ; que le mouvement esquissé soit choisi au moment où il se présente de la façon tantôt la plus harmonieuse, tantôt la plus caractéristique. »19 Si Hellé conservait l’esprit naïf et suggestif qui plaît à l’enfance, d’autres jouets dits « artistiques » avaient la fâcheuse tendance de s’adresser aux 19. « Jouets d’enfants, une enquête » interview A.Hellé. Le bulletin de la vie artistique, Paris, 1920.


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adultes comme le notaient déjà certains critiques : « Ce que l’on pourrait reprocher aux jouets de Caran d’Ache, c’est d’être surtout des jouets de grandes personnes. Ses chiens sont observés avec la plus grande justesse (…) mais ne font-ils pas mieux dans une chambre de sportsman que dans une nursery ? », et de prolonger la comparaison : « les jouets d’Hellé sont bien faits pour les petits, tels ses animaux aux formes simples et frustes mais bien reconnaissables et parfaitement adaptés aux mains des petits (…) j’avoue qu’à ce point de vue et je le crois de très grande importance, ses jouets (…) me satisfont pleinement. » 20 Grand admirateur de Caran d’Ache, Hellé s’était autrefois inspiré de sa technique d’articulation par plans superposés, pour une spectaculaire parade militaire du temps de Louis XIV – L’armée du Roy s’en va en guerre – qui tenait de l’objet de vitrine plus que du jouet (voir carte postale du musée Galliera). Ceux qu’il concevra ultérieurement, correspondent davantage à la vision autant qu’à la préhension enfantine et présentent des volumes savamment étudiés qui impliquent une connaissance approfondie des contraintes du bois. À cet effet, nous nous intéresserons plus particulièrement à la conception et aux modes de fabrication de son jouet le plus réputé, celui de l’arche de Noé et de ses vingt-quatre animaux. 20. M.P. Verneuil, « Les jouets », revue Art et Décoration N°12, Paris, 1912, p.173-184.

Première apparition du jouet de l’Arche de Noé, catalogue du Printemps Noël, 1911

Chameau et chamelier, Caran d’Ache, bois découpé et peint, 1907

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Jouet de l’Arche de Noé par André Hellé, bois découpé et peint, 1911 49


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Scie à ruban, ciseaux à bois et toupie Afin de mieux appréhender les étapes techniques qu’il lui fallut résoudre, il était nécessaire de reproduire certaines pièces en atelier avec la bienveillante complicité d’un professionnel du jouet21 qui distingua bien vite deux modes de fabrication : en une seule pièce ou en trois champs contrecollés. 1) La majeure partie du bestiaire est façonnée d’une seule pièce de bois dans un résineux courant et concerne les animaux à la silhouette compacte (vache, ours, mouton), de petite taille et faible épaisseur (chien, chèvre, chamois). Les pattes sont évidées à la toupie ou à la scie à ruban ; les oreilles et la queue sculptées dans l’épaisseur du bois ou rapportées quand elles sont surdimensionnées (celles de l’âne et du lapin). Une reprise aux ciseaux à bois permet d’optimiser la silhouette de l’animal en fuselant le museau, galbant les flancs et taillant les oreilles. 2) Les animaux plus épais ou qui présentent des membres saillants (trompe de l’éléphant, pattes antérieures et queue du singe) sont construits sur un principe sandwich plus subtil de trois plans 21. Olivier Michielsen, créateur et fabricant des Jouets Dagobert (1979-2005 Paris)

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de b ois , encollés latéralement. Le plan central est réservé pour la découpe de la tête, du corps et de la queue situés dans le même axe. Il est ensuite encollé de deux plans de chaque côté où l’on aura préalablement détouré les pattes. L’épaisseur du plan central sera à chaque fois calculée, en fonction du volume souhaité. Un ponçage final permet de lisser l’encollage des trois pièces de bois afin de le rendre moins visible. Graphique de fabrication de l’éléphant

Ainsi, chaque animal de l’arche résulte d’une suite d’opérations multiples qui aboutit avec une apparente simplicité, à des proportions dûment planifiées. Quant au bonhomme Noé, formé d’une superposition de pyramides tronquées, il nécessite une découpe plus élaborée (en fait deux découpes perpendiculaires) et implique l’utilisation de gabarits spécifiques. Même standardisé en atelier professionnel, le nombre conséquent


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Le tigre en cours de fabrication à l’atelier 51


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d’opérations de menuiserie et de mise en couleur (pinceau ou aérographe) pourrait bien justifier le célibat des bêtes de l’arche. Plus prosaïquement, on peut imaginer que l’artiste-illustrateur ne voyait dans ce thème qu’un prétexte à un bestiaire fantaisiste, détaché de la tradition biblique. Les prix annoncés au catalogue du Printemps se situent dans une marge raisonnable pour un jouet de cette taille : 8,50 fr pour 18 pièces et 12,75 fr pour 24 pièces [hauteur : 24,5 cm, largeur : 52 cm, profondeur : 16 cm]. En page de Noé, 1911 regard, un bébé articulé pouvait coûter jusqu’à 23,50 fr. Le jouet s’était certes démocratisé, mais restait toujours l’apanage des classes aisées. Un artiste-artisan ?

encore dans l’Annuaire de la chambre syndicale des fabricants de jouets, jeux et engins sportifs en 1921, avec un modèle dessiné par Hellé. Des fabrications ultérieures seront assurées par d’autres ateliers de menuiserie spécialisée dont on repère les traces successives au fil du temps : changement d’échelle et de matériaux, de finitions techniques et de décors peints. Nous avons ainsi relevé deux tailles différentes pour l’arche de Noé, correspondant pendant les années de Noé, vers 1918 guerre à une simplification globale des pièces les plus délicates ou les plus décorées. Les taquets peints des volets, le ponçage des champs de bois, l’encollage tripartite de certains animaux seront ainsi éliminés et la silhouette crantée de M. Noé évoluera vers une figure de bois tourné, plus facile à réaliser.

Hellé s’installa-t-il, comme Caran d’Ache, devant une scie à pédale pour couper et chantourner ses jouets avec une lame d’acier dentelée ? Nous n’en avons pas la preuve. S’il est évident qu’il fut à l’origine de la conception et qu’il en dessina les prototypes, nous savons qu’il s’adjoint très tôt l’aide d’un professionnel pour approvisionner les magasins du Printemps. Fabrication bien artisanale toutefois, si l’on en juge par la rareté des pièces parvenues jusqu’à nous. Spécialisé en Jouets artistiques en bois, l’atelier de M. Brepson est associé aux toutes premières livraisons et figure Modèle de jouets d’André Hellé pour une publicité Alf-Brepson (1921) 52


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Évinçons dès maintenant la confusion qui consisterait à attribuer à Hellé, tous les modèles qu’il co-signera pour les catalogues du Printemps. Même en tenant compte des pièces uniques ayant figuré dans des salons artistiques – La course de taureaux, L’armée du roy s’en va en guerre et Le carrosse de Cendrillon –, Hellé créa peu de jouets en solitaire et nous ne relevons que sept modèles personnels ayant bénéficié d’une vraie distribution commerciale entre 1910 et 1917 :

Les Grenadiers : 10 quilles de bois peint (H. 29 cm) dont les vastes bonnets de feutre permettaient d’amortir le bruit de la chute en appartement, 1910. ∆ L’Arche de Noé : avec bonhomme Noé et 18 ou 24 animaux de bois peint (H. 5 à 13,5 cm), 1911. ∆ Le Moulin Joli : avec meunier et animaux de bois peint. Une astucieuse manivelle, logée dans le socle, permettait d’actionner une poulie qui hissait les sacs de farine, 1912. ∆

Catalogue du Printemps, Étrennes 1913 53


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Drôles de jouets ! Le Moulin joli, André Hellé, bois découpé, tourné et peint, vers 1918 Le couple de meuniers est simplifié en bois tourné (le moulin est une reconstitution)

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Tommy Fuzbuz : neuf quilles patriotiques britanniques en tissu bourré avec balles de feutre (H. 26,6 cm). Fabrication pour le marché anglais par Dean and Son, 1914-1916.22 ∆ Jeu de l’alphabet de guerre : boîte de 84 lettres en carton avec «dessins en couleur de Hellé». Produit dérivé de l’album édité chez BergerLevrault la même année, 1916. ∆

22. Peter et Dawn Cope, Dean’s rag books and rag dolls, New Cavendish press, Londres, 2009.

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Soldats alliés : 6 soldats en tissu imprimé (H. 17 cm) – poilu, cosaque, tirailleur, tommy, bersaglier, serbe – existaient aussi en kit, à réaliser, 1917. ∆

La Bergerie berrichonne : berger, chien et troupeau de bois coloré. La maison au toit ouvrant pouvait contenir tous les animaux, 1917. ∆

Associons enfin à cette courte liste les poupées de tissu cousues par Angèle Hellé, dont les traits rudimentaires rappelaient les visages naïfs dessinés par son mari, avec qui elle collabora assidûment. Brodeuse professionnelle, inscrite en nom propre à de nombreux salons parisiens, elle fut intimement associée à la création de jouets et coordonna une multitude de frises, rideaux, dossiers de fauteuil, coussins, abat-jour… aux thèmes de l’illustrateur, avant de disparaître précocement (fin 1916 - début 1917). 57


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Carlègle, un précieux collaborateur

Quelques figurines de la composition Les Saltimbanques, 1922

Tous les autres modèles de jouets produits à partir de 1913 – une vingtaine de compositions exclusives pour le Printemps – seront réalisés en collaboration avec Charles Emile Egli dit Carlègle (1877-1937), illustrateur et graveur de renom. L’ami Carlègle sera témoin de son second mariage en 1917 avec Marguerite-Berthe Bachelet, fille de musicien et dentiste de métier. Hormis quelques photos officielles d’expositions internationales, nos meilleures sources d’information sur leur production commune restent les catalogues de jouets du Printemps dont les minutieuses illustrations détaillent le répertoire d’univers miniatures pouvant comprendre de 25 à 120 pièces chacun. La faible dimension des personnages en bois (variant de 3 à 5 cm) induit aisément la cause de leur disparition et nous n’avons retrouvé que 18 lots complets, tous issus du même don au musée des

Arts décoratifs à Paris. Signalons que dans les réserves du musée du Jouet de Poissy, déjà détenteur de l’Arche de Noé et des Soldats alliés, nous avons pu identifier quelques éléments épars du V i l l a g e f ra n ç a is et d ’u n ens em b l e plus rare, dédié aux Saltimbanques : diseuse de bonne aventure, forain et joueur d’orgue de barbarie. Les sujets réalisés en tandem avec Carlègle marquent un nouveau pas vers la géométrisation des volumes. Les figurines sont plus construites, toujours très suggestives. Parfois, un simple trait de scie dans l’épaisseur du bois, marqué d’un aplat de couleur rose, fera office de visage, sans aucun autre détail morphologique. Les silhouettes en bois tourné ou découpé, sont immédiatement reconnaissables et néanmoins réduites aux lignes indispensables. Dans le même temps , l’échelle rapetisse et le mouvement

La silhouette presque abstraite de deux vieilles paysannes du Village Français, par Hellé et Carlègle, 1913 58


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apparaĂŽt. Ă€ la question : ÂŤÂ Que doit ĂŞtre le jouet d’enfant ? , HellĂŠ pourra rĂŠpondre en 1920 : ÂŤÂ J’ai longtemps niĂŠ le besoin d’exprimer le mouvement. Je crois encore que l’imagination de l’enfant-Dieu accomplit ce miracle de faire trotter ou galoper un cheval plantĂŠ tout droit sur ses quatre pieds : mais Ă cause du grand nombre de ces petits ĂŞtres que nous devons faire, mon collaborateur Carlègle a craint que cette immobilitĂŠ ne provoque une monotonie capable de nuire Ă la gaĂŽtĂŠ que nous recherchons toujours. 19 DĂŠsormais, les nouveautĂŠs seront ÂŤÂ dessinĂŠes spĂŠcialement pour le Printemps par Messieurs AndrĂŠ HellĂŠ et Carlègle , et la formule est ĂŠtrennĂŠe en 1913 avec le Village français : sĂŠrie de maisonnettes de bois massif avec personnages et accessoires humoristiques (58 ou 120 pièces). C’est certainement leur plus grande rĂŠussite. Avec une grande ĂŠconomie de matĂŠriau (bras en forme d’allumettes et jambes souvent rĂŠduites Ă deux clous tordus) et quelques coups de pinceau (absence totale d’expression sur les visages) les deux compères parviennent Ă crĂŠer une foule villageoise bruyante et bigarrĂŠe. En jonglant judicieusement avec des sphères, demi-sphères, cylindres, cĂ´nes, ellipses, prismes, etc., ils dĂŠmontrent avec ĂŠclat, les effets comiques de l’art gĂŠomĂŠtrique. De haut en bas, t #BTTF DPVS EV Village français. t Personnages du Village français : M. le maire converse sur la place avec M. le curĂŠ t #PĂ”UF E PSJHJOF EV Village français, pin dĂŠroulĂŠ avec dĂŠcor au pochoir par HellĂŠ et Carlègle, 1913 59


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Chef-d’œuvre d’expressivité géométrique : Le Village Français par Hellé et Carlègle, 1913 61


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Jouer à la guerre Noël 1914 - étrennes 1915 : le monde du jouet est également entré en guerre contre l’Allemagne et l’on assiste à un déferlement d’articles belliqueux dans le secteur de l’enfance23. C’est dans le cadre de l’effort de guerre qu’il faut considérer « les charmantes compositions militaires en bois découpé et décoré » proposées dans les catalogues du Printemps par Hellé et Carlègle, par ailleurs engagés volontaires à la section camouflage de la ville de Paris : Nos petits soldats (1915), Train militaire (1916), Boîte de soldats alpinistes (1916), Artillerie lourde (1916), Zouaves et Turcos (1916), Tranchée de première ligne (1917), Poste de DCA (1918), Cité industrielle (1918).

Chasseurs alpins, Hellé et Carlègle, catalogue du Printemps 1916

À l’heure terrible des tranchées, les deux artistes proposent une guerre miniature où les belligérants se saluent comme à la parade, où les cibles semblent de foire, les chevaux à bascule et les cavaliers interchangeables grâce à un trait de scie ménagé au niveau des jambes. Leurs compositions artistiques, peut-être moins contaminées par l’âpreté des hostilités que d’autres jouets guerriers (obusier chargé de plomb de chasse, mitrailleuse automatique imitant le bruit réel, etc.) n’en demeurent pas moins de singuliers vecteurs de propagande pendant les quatre ans de guerre.

23. Stéphane Audouin-Rouzeau, La guerre des enfants 1914-1918, Armand Colin, Paris, 2004. 62

Tranchée de première ligne, avec officiers, poilus et mitrailleurs par Hellé et Carlègle, 1917. On notera les soldats portant l’ancêtre du masque à gaz


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Notons pour autant la justesse d’observation du tireur couché en position de tir, des soldats allemands défilant au pas de l’oie ou des zouaves montant à la charge ! Par le biais de minuscules pièces à peine dégrossies et sommairement peintes, toute la gestuelle militaire est convoquée sur 3 à 4 cm de hauteur !

Tranchée de première ligne, Hellé et Carlègle, catalogue du Printemps 1917

Allemands à la parade par Hellé et Carlègle, 1916

La Cité industrielle, Hellé et Carlègle, catalogue du Printemps 1918

Zouaves et Turcos à la charge par Hellé et Carlègle, 1916

Charge de cavalerie : cavaliers mobiles sur leurs chevaux, par Hellé et Carlègle, 1917 63


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Retour de garnison et les jouets à traîner D’autres univers minuscules, plus pacifistes heureusement, suivront avec une régularité horlogère pour les fêtes de fin d’année et orneront la 4e de couverture des mirifiques catalogues du Printemps avec le Port de ravitaillement, La Chasse au Far West et La Basse-cour normande en 1919, Le Retour de garnison en 1920 et enfin Le Marché arabe et Les Saltimbanques pour l’année 1921. À partir de 1923, le tandem décide de réactualiser les deux grands classiques d’André Hellé – l’Arche de Noé et Le Moulin Joli – toujours présents au catalogue depuis une décennie. Les nouvelles moutures s’avèrent plus sophistiquées et obéissent encore davantage aux plans sécants à angle droit. 64

Retour de garnison par Hellé et Carlègle, catalogue du Printemps 1920.

Le Port de ravitaillement, La Chasse au Far-West et La Basse-cour normande par Hellé et Carlègle, catalogue du Printemps 1918


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Illustration de Carlègle, L’arche de Noé s’amuse, 1919

La nouvelle arche, surtout, est une application sincère de la ligne moderniste, prévalente dans un précédent album de Carlègle : L’arche de Noé s’amuse24. Est-ce l’illustrateur d’origine suisse qui souhaita alors reconstituer le couple Noé et imposa les animaux par paires ? Là encore, livre et jouet s’entremêlent étroitement et l’on peut se demander quel fut le rôle effectif d’André Hellé dans cette arche bis, tant les illustrations de son compère font loi sur le jouet. Comme souvent, on s’amusera à pister dans le livre, les personnages concrétisés en bois, comme ce pêcheur à la ligne somnolant sous un vaste chapeau de paille !

24. Carlègle, textes de J.Bohy, L’arche de Noé s’amuse, Spes, Lausanne, 1919.

Le pêcheur du Village français, Hellé-Carlègle, 1913

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L’Arche de Noé, nouvelle mouture par le duo Hellé-Carlègle en 1922

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Le Moulin joli, revisité par le duo Hellé-Carlègle en 1923

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Au milieu des années 1920, Hellé est récompensé d’une médaille d’or et d’un diplôme d’honneur par la Société d’encouragement à l’art et l’industrie et participe en tant que rapporteur (1925) et viceprésident de la classe Jouet (1937) aux Expositions internationales des arts et techniques modernes. Malgré ces distinctions, la gamme de jouets finit par s’essouffler avec deux modèles sans grand relief : la Ferme normande et le Poulailler où le nombre de pièces a sévèrement diminué. Triste confusion dans les ultimes catalogues et probables fins de stock : M. Noé sera vendu avec le Moulin joli et les reliefs de la Basse-cour normande (1929-1930). Les deux artistes, probablement dégagés de leur contrat exclusif avec le Printemps, cherchent d’autres débouchés avec de nouveaux types de jouets. C’est ainsi qu’on verra apparaître très fugacement dans les catalogues du Bon Marché et du Louvre entre 1923 et 1925, un incroyable Jeu de tir Bambo ainsi que deux jouets à traîner impeccablement stylisés : l’Âne et son moricaud et l’Éléphant au cornac de 30 cm de haut. Teintés du colonialisme ambiant, ces jouets s’animaient au fur et à mesure de leur progression sur roulettes : le Marocain basculait d’avant en arrière sur le dos de l’âne tandis que le cornac oscillait au rythme de la trompe de l’éléphant de bas en haut. Juste retour des choses, nous ne nous étonnerons pas de les retrouver dans l’album du Tour du monde en 80 pages, composé par Hellé en 1927 pour l’éditeur Ferenczi. Le relevé exhaustif des jeux combinatoires entre le livre et le jeu au sein de l’œuvre n’en finirait pas ! 68

Le Poulailler en bois peint, Hellé et Carlègle, catalogue Printemps 1929-1930

Nouveau tir Bambo, par Hellé et Carlègle, 1923

Deux publicités, retrouvées dans l’annuaire de commerce Didot Bottin, complètent nos précédentes informations et indiquent l’évolution de leur gamme vers du mobilier de poupée ainsi que le déplacement des lieux de fabrication en 1926 : « Les jouets de Hellé et Carlègle. Jouets et meubles d’enfant, mobilier de poupée. M.A. Rosso et C. André, agents dépositaires au 36, rue de Paradis. Usine électrique à Roches-sur-Rognon (HauteMarne). Registre de commerce : 209 518 Seine ».16 Dernière trace relevée au dos d’un album pour enfants : le visuel de l’Éléphant au cornac réapparaît en 1931 pour présenter leur gamme de jouets25 estampée d’un nouvel emblème – une silhouette de canard surmontée de leurs deux initiales H-C. Un catalogue illustré, fâcheusement resté introuvable, est annoncé en bas de page. Le décès de Carlègle semble mettre fin à la diffusion de la collection en 1937 et laisse supposer le renoncement d’André Hellé. 25. Cette publicité apparaît au dos de l’album Films (réédition Images drolatiques 1923) d’André Hellé, édité chez Garnier, Paris, 1931.


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L’âne et son moricaud, jouet à traîner par Hellé et Carlègle, catalogue du Bon marché, 1924-25

L’éléphant au cornac, jouet à traîner par Hellé et Carlègle, bois peint, vers 1925

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Image publicitaire au dos de l’album Films, André Hellé, Garnier, 1931

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Derniers feux L

’artiste marque le pas, mais continue de mener des activités multidisciplinaires jusqu’à la fin de sa vie ; se consacrant surtout à la peinture : scènes de théâtre et de coulisses d’opéra ainsi que très nombreux paysages de l’île d’Oléron où il a longtemps loué une petite maison. Chaque année, Hellé retrouve les cimaises du Salon d’Automne pour y accrocher ses dernières œuvres. De nouveaux livres d’enfant voient le jour, moins novateurs peut-être que précédemment, dont une amusante collection pédagogique de dix livres d’activités qu’il écrit et illustre sur les diversités géographiques de « Notre France »26. En signant simultanément de nombreux projets de décoration (théâtre, hôpital, devantures de magasin) dont nous ne savons s’ils aboutirent, Hellé tente de renouer avec de précédents décors muraux, réalisés pour des écoles maternelles et des bâtiments de colonies de vacances27. Il décède à son domicile de la rue Blanche, le 29 décembre 1945. Incinéré au colombarium du Père Lachaise à Paris, ses cendres ont depuis longtemps été relevées. 26. André Hellé, Notre France, 10 albums chez Berger-Levrault, 1940-1942. 27. Commandité par la Société Française de l’art à l’école, Hellé conçoit la frise de l’arche de Noé pour une école maternelle à Paris 14e (1924) et une frise de jouets divers en collaboration avec Avelot à Paris 9e (1934). Sous l’impulsion de l’Enfance coopérative, il imagine les décors du réfectoire et des dortoirs de la Maison heureuse à Boyardville (île d’Oléron) en 1930 ainsi que ceux de la Maison joyeuse à Gérardmer en 1932.

Portrait d’André Hellé vers 1930

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Panneaux décorés par André Hellé pour le réfectoire et les dortoirs de La Maison heureuse à Boyardville (île d’Oléron 1930)

Sous forme de fables et de comptines enfantines – Le roi Dagobert, La mère Michel, Le meunier son fils et l’âne – les panneaux décoratifs destinés à la « Maison Heureuse » de Boyardville27 rappellent encore et toujours la ligne de force de son œuvre, le cordon ombilical qui le reliait à ses Souvenirs d’un petit garçon. Dans le sillage de Peter Pan28, André Hellé ne se départit jamais de son « enfant intérieur », réussit à en faire une profession de foi et nous convia pendant plus d’une trentaine d’années à un véritable festin d’enfance. En guise de conclusion et plutôt que de nous substituer à lui, nous préférons faire entendre la voix de l’artiste :

La Maison heureuse : les dessins de « maître Hellé » ornent les murs du grand dortoir, Boyardville, 1930

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28. James Barrie, Peter Pan, Grosset et Dunlap, Londres, 1911.


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«

Pour que les tout-petits ne quittent pas trop tôt un monde chimérique qu’ils aiment, j’ai songé à m’inspirer de cette faculté naturelle qu’ils ont de pouvoir faire vivre leurs joujoux. J’ai cherché à comprendre selon leur imagination la vie simple et douce des moutons, des bergères et des soldats car les jouets ont une vie (…) Celui qui a fait ce mouton n’a pas songé à imiter de la laine : deux bouts d’allumette sont les oreilles et deux petits points noirs les yeux (…) celui qui a fait ce soldat n’a pas compté les boutons de la tunique et lui a simplement mis un morceau de bois dans les bras en guise de fusil. Seulement artistes ou artisans, ceux-là ont donné un peu de leur sentiment, un peu de leur cœur. 29

«

André Hellé

Histoire de Quillembois soldat, Berger-Levrault, 1919

29. André Hellé, L’art et l’enfant N°23, janvier-février 1909, p.48-49. 73


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BIBLIOGRAPHIE DES LIVRES POUR ENFANTS DESSINÉS PAR ANDRÉ HELLÉ 1908 – André HELLÉ. Pauvres joujoux cassés. Collection Tom Pouce, Rueff, Paris 1908 – Marie DE GRANDMAISON. Les vingt-huit jours de Thomas Boisblanc. Emile Gaillard, Paris 1909 – Florian DOUCET. Colin-tampon, Petit tambour suisse. Boivin et Cie, Paris 1911 – André HELLÉ. Drôles de bêtes ou L’Arche de Noé, Tolmer, Paris. Reprise 1920 : Grosses bêtes & petites bêtes et 1924 : Big Beasts and Little Beasts, New York, Stokes. 1913 – André HELLÉ / Claude DEBUSSY. La boîte à joujoux. Durand, Paris 1913 – LEBETTRE. Les contes moscovites, Les livres roses pour la jeunesse. Larousse, Paris 1915 – André HELLÉ. French Toys. Editions de l’Avenir féminin, Paris 1915 – George AURIOL. La geste héroïque des petits soldats de bois et de plomb. Larousse, Paris 1916 – André HELLÉ. L’alphabet de la grande guerre 1914-1916. Berger-Levrault, Paris 1916 – André HELLÉ. Dutchie Doll’s Doings. Dean’s Rag Books, London. 1918 – André HELLÉ. 3 Albums à colorier pour nos enfants. Berger-Levrault, Paris 1919 – André HELLÉ. Histoire de Quillembois soldat. Berger-Levrault, Nancy-Paris-Strasbourg 1919 – André HELLÉ. La belle histoire que voilà. Berger Levrault, Nancy-Paris-Strasbourg 1920 – André HELLÉ. L’alphabet de la grande paix. La Renaissance du Livre, Paris 1922 – Jean de LA FONTAINE. Fables de La Fontaine. Berger-Levrault, Nancy. Reprise 1940 : The Fables of La Fontaine. NY, Harper and brothers et 1946 : Fables de La Fontaine, Berger-Levrault 1923 – André HELLÉ. Images drôlatiques. Garnier, Paris. Reprise 1931 : Films, Garnier, Paris 1924 – André HELLÉ. Marie l’endormie. Laurens, Paris 1924 – Marceline DESBORDES-VALMORE. Le livre des enfants. Garnier frères, Paris 1924 – André HELLÉ /d’après Hans-Christian ANDERSEN. Le petit elfe Ferme-l’Œil. Musique F. Schmitt. Tolmer, Paris. Reprise 1925 : Little fairy Sleepy Eyes. Music by F. Schmitt. New York, Duffield 1925 – André HELLÉ. L’Arche de Noé. Garnier frères, Paris 1926 – André HELLÉ. Histoire d’une boîte à joujoux. Tolmer, Paris 1926 – André HELLÉ / AlexandreTCHEREPNINE. Histoire de la petite Thérèse de l’enfant Jésus. Durand Ed Paris 1926-1929 – André HELLÉ. Albums à découper et à colorier : 1 Le port breton. 2 La fête au village nègre. 3 Le marché. 4 La fête foraine. 5 Campement d’Indiens. 6 Le garage et la route. Berger-Levrault, Paris 74


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1927 – André HELLÉ. Marionnettes. Collection La Cigogne, Berger-Levrault, Paris 1927 – André HELLÉ. Les terrifiantes aventures d’un petit poussin. Berger-Levrault (idem) Paris 1927 – Jacques DRÉSA. Le Cheval de bois qui avait un cœur. Berger-Levrault (idem) Paris 1927 – André HELLÉ. Le tour du monde en 80 pages, Ferenczi et fils, Paris 1928 – André HELLÉ. Maman les petits bateaux. Ferenczi / 2e édition : Marines. Ferenczi et fils, Paris 1930 – Tristan DERÈME. Patachou petit garçon. Emile-Paul Frères, Paris (2 couvertures différentes) 1930 – André HELLÉ. La famille Bobichon à l’exposition coloniale. Collection La Cigogne, Berger-Levrault, Paris 1930 – Nathaniel HAWTHORNE. L’image de neige. Berger-Levrault (idem) Paris 1930 – George AURIOL. L’équipée du 117-40. Berger-Levrault (idem) Paris 1930 – André HELLÉ. 72 images rouges, jaunes, bleues, oranges, violettes, vertes… à colorier. Larousse, Paris 1932 – Roger DÉVIGNE. Les douze plus belles fables du monde. Berger-Levrault, Paris. Reprise en 1938 1931 – André HELLÉ. Les facéties de Topsy chien mécanique. Emile-Paul Frères, Paris 1932 – Tristan DERÈME. Les histoires de Patachou. Emile-Paul Frères, Paris 1933 – André HELLÉ. La Croisière des Enfants, Berger-Levrault, Paris 1935 – Isabelle Georges SCHREIBER. Les bêtes parlent. Delagrave, Paris 1936 – Jean-Pierre CLARIS de FLORIAN. Fables. Berger-Levrault, Nancy 1936 – Hubert BOURGIN. Histoire de Toutoune. Delagrave, Paris 1937 – Paul GÉRALDY. Clindindin. Collection Pour nos enfants, Calmann-Lévy 1938 – Armand GOT. Pin Pon d’or. Bourrelier, Paris. 1933 à 1939 ? – André HELLÉ. Albums à découper et colorier : 7 Paysages vosgiens. 8 Le cirque. 9 Boy-Scouts. 10 Le rail et la route. 11 La ferme. 12 Le port de commerce. Berger-Levrault Paris. 1940 – André HELLÉ. Fables des quatre jeudis. Berger-Levrault, Nancy-Paris-Strasbourg 1940-1942 ? – André HELLÉ. Notre France,10 albums à colorier et à dessiner : la petite ville, la forêt, la mer, vignobles, la montagne, la rivière, la plaine, les usines, la grande ville, bon voyage, la route nationale et la voie ferrée. Berger-Levrault, Paris.

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Drôles de jouets !

LÉGENDES

INTRODUCTION Illustre et inconnu p.7 - Vignette. Histoire de Quillembois, André Hellé, Berger-Levrault, 1919. Coll. B. Michielsen Tout neuf ! p.8 - Vignette. Histoire de Quillembois, André Hellé, Berger-Levrault, 1919. Coll. B. Michielsen Hommage aux éclaireurs p.9 - Vignette. Histoire de Quillembois, André Hellé, Berger-Levrault, 1919. Coll. B. Michielsen SOUVENIRS D’UN PETIT GARCON : les jouets de l’enfance p.10 - Portrait du jeune Laclôtre et La pharmacie paternelle à Boissy-Saint-Léger en 1877 - Souvenirs d’un petit garçon 1871-1883, André Hellé, Berger-Levrault, 1942. Coll. Musée du Jouet, Ville de Poissy MJ.2011.12.1 e siècle. Coll. Musée du Jouet, Ville de Poissy - quilles rubanées (H. 20 cm) MJ.83.26.8, cheval (H. 45 cm) MJ.83.25.10, train de plancher (H. 20 cm) MJ.82.17.1, sapeurs pompiers (H. 10,5 cm) MJ.80.32.5.1, castelet de marionnettes (H. 99cm) MJ.2001.39.1, lanterne magique (H. 36,5 cm) MJ.75.62.11 e e siècle, France et Allemagne. Coll. Musée du Jouet, Ville de Poissy – fort (H. 45 cm) MJ.200.3.10.1, plats d’étain (H. 33,5 cm) MJ.78.12.3.7, soldats de Nüremberg (H. 11 cm) MJ.79.6.25, soldats Lucotte (H. 7,5 cm) MJ.89.3.1, tambour (H. 19 cm) MJ.999.38.1, trompette (H. 22 cm) MJ.77.30.3 p.12 - « Soldats Lucotte » dessinés par le jeune Laclôtre, juillet 1882 - Souvenirs d’un petit garçon 1871-1883, André Hellé, Berger-Levrault, 1942, p.88. Coll. Musée du Jouet, Ville de Poissy MJ.2011.12.1 L’HUMORISTE DE PRESSE : les débuts dans la carrière p.14 - Portrait du jeune Laclôtre-Hellé, vers 1891. L’art et les artistes, André Hellé par Gustave Kahn 1920, p.337. Coll. B. Michielsen Coll. C. Taunay p.16-17 - Revues enfantines : Le Sourire, 2 octobre 1909 ; Le Sourire, 16 avril 1910 ; La Joie des Enfants, 1er juin 1905 ; La Baïonnette, 2 janvier 1919. Coll. J.-H. Malineau et B. Michielsen L’ILLUSTRATEUR POUR ENFANTS : le jouet comme mode de représentation p.18-19 - Magazines jeunesse dont Le Petit Journal illustré pour la Jeunesse, 18 mars 1906, « Un régiment aux petits pois ». Coll. J.-H. Malineau p.19 - La Joie des Enfants, concours de dessin illustré par Hellé, 15 décembre 1904. Coll. B. Michielsen p.19 - Noël 1877 à Boissy-Saint-Léger. Souvenirs d’un petit garçon 1871-1883, André Hellé, Berger-Levrault, 1942, p.25. Coll. Musée du Jouet, Ville de Poissy MJ.2011.12.1 e siècle. Jouet allemand, bois tourné, sculpté et peint (H. 40 cm). p.20-21 Coll. M. Burckhardt e e siècle. Coll. Musée du Jouet, Ville de Poissy – soldats de Nuremberg (H. 11 cm) MJ.79.6.25, charrette de foin (H. 6,5cm) MJ.77.4.6, soldat crécelle (H. 18,5 cm) MJ.80.26.2, carrousel (H. 11 cm) MJ.80.26.1, personnages miniatures (H. 4 cm) MJ.83.37.5 e e siècle (H. 5 cm). Coll. Musée du Jouet, Ville de Poissy MJ.84.72.3 ; Les poupées de Nuremberg dans Pauvres joujoux cassés, André Hellé, Collection Tom Pouce, Rueff, 1908. Coll. B. Michielsen ; Coussin La ronde, brodé par Angèle Hellé d’après un dessin de son mari, 1911. Art et industrie 1911. Coll. B. Michielsen ; Échantillon de tissu La ronde Coll. Musée de l’Impression sur Étoffes, Mulhouse S.1216.29 76


Drôles de jouets ! LE MAÎTRE DE L’ART ENFANTIN : un milieu complet I - Le livre pour enfants p.24 – Manège à crécelle. Histoire de Quillembois soldat, André Hellé, Berger-Levrault, 1919, p.16-17. Coll. B. Michielsen p.25 - La voiture folle. Histoire de Quillembois soldat, André Hellé, Berger-Levrault, 1919, p. 20. Coll. B. Michielsen p.26 - Drôles de bêtes, André Hellé, Tolmer, 1911. Coll. Musée du Jouet, Ville de Poissy MJ.2009.22.1 p.27 - L’Arche de Noé, André Hellé, Tolmer, 1911, exclusivité pour les Magasins du Printemps. Coll. particulière p.27 - Grosses bêtes, petites bêtes, André Hellé, Tolmer, 1920. Coll. J. Desse p.28-29 - Quelques albums d’André Hellé sur le thème des jouets (1908-1919) : Pauvres joujoux cassés (1908), Les 28 jours de Thomas Boisblanc (1908), La boîte à joujoux (1913), French toys (1915), La geste héroïque des petits soldats de bois et de plomb (1915), Dutchie dolls’doings (1916), Histoire de Quillembois (1919). Coll. B. Michielsen et Musée du Jouet, Ville de Poissy MJ.2010.15.1 et MJ.2011.1.1 p.28-29 - Maquette inédite : Mik et Miquette au pays des songes, André Hellé vers 1935. Coll. Bibliothèque L’Heure joyeuse, Paris p.29 - Table des matières : Alphabet de la Grande Guerre, André Hellé, Berger-Levrault, 1916. Coll. B. Michielsen p.30 - Jeux d’enfant, André Hellé. Série de 10 cartes postales, Gallais, vers 1919. Coll. J.-H. Malineau p.30 - Premiers livres d’activité, André Hellé, Berger-Levrault, 1926-29. Coll. J.-H. Malineau p.30 - Éléments découpés du livret la Fête foraine, Berger-Levrault. Restitution contemporaine, B. Michielsen p.30 - Coloriages des années de guerre, André Hellé, Berger Levrault, 1918. Coll. J.-H. Malineau p.31 - Nos soldats, André Hellé. Série de 5 cartes-lettres, vers 1912. Coll. J.-H. Malineau p.31 - Papier à lettre Les Sénégalais, André Hellé, vers 1914. Coll. P. Pontremoli p.31 - Papiers à lettre Les contes de Perrault, André Hellé, vers 1911. Coll. B. Michielsen II - La musique p.32 - Trio amoureux de La Boîte à joujoux, Hellé-Debussy, Durand, 1913. Coll. Musée du Jouet, Ville de Poissy MJ.2010.15.1 p.33 La Boîte à joujoux selon les vœux d’André Hellé : un exemple à San Francisco -Théâtre français, 21-22 février 1919. Notons que le ballet fut toujours interprété professionnellement par des danseurs adultes. Coll. BnF, département Musique, FRBNF39604163 p.33 - Mise en volume d’une page de La Boîte à joujoux (H. 8 à 16 cm). Création jouets de bois, B et O Michielsen, 2009. p.33 - Courrier de Chouchou Debussy à son père, sur papier à lettre de l’Arche de Noé, Tolmer, 1913. Coll. Centre Claude Debussy, Paris RESE-06.02 (1) p.34 - Histoire d’une boîte à joujoux, couverture d’André Hellé, Tolmer, 1926. Coll. Musée du Jouet, Ville de Poissy MJ.2010.11.1 p.34 - Le petit elfe Ferme-l’Œil : livre-jouet, André Hellé d’après Andersen, Tolmer, 1924. Coll. B. Michielsen p.35 - Couverture de partition pour enfants : Les jolies chansons roses (24 titres), vers 1924. Coll. B. Michielsen III - La chambre de l’enfant p.36 - Papier peint La ronde, André Hellé pour la manufacture P.A. Dumas, 1907. L’art et les artistes, André Hellé, Gustave Kahn, 1920, p.337. Coll. B. Michielsen p.37 - Frise Grenadiers à cheval, Salon d’Automne, 1909. L’art et les artistes, André Hellé, Gustave Kahn 1920, p.346. Coll. B. Michielsen. p.37 - Dépôt de marque enregistré en 1910 : André Hellé « designer ». Coll. INPI p.37 - Ensemble mobilier, panneaux décoratifs et jouets par André Hellé, Salon d’Automne, 1910. Coll. B. Michielsen p.38-39 - L’Arche de Noé, chambre pour enfants, exclusivité André Hellé pour le Printemps, présentée au Salon d’Automne 1911, L’Art et l’industrie, décembre 1911. Coll. B. Michielsen p.40 - Chambre de Cendrillon, exclusivité André Hellé pour Le Printemps, 1913. L’art et les artistes, André Hellé, Gustave Kahn 1920, p.340. Coll. B. Michielsen p.40 - Chambre des jeux : frise, paravent, tapis et jouets par André Hellé, 1919. Meubles par l’atelier Primavera, atelier d’art du Printemps. Coll. J. Desse

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Drôles de jouets ! IV - Les jouets Renouveau du Jouet artistique français p.41 - Carte publicitaire par Poulbot pour les « Jouets des mutilés de guerre », vers 1915. Coll. particulière p.42 - Couverture du catalogue Printemps 1909 par Hellé. Coll. J.-H. Malineau p.43 - Exposition L’art pour l’enfance au musée Galliera, 3 cartes postales, Berthaud Frères, Paris, 1913 : L’art de l’illustration par A. Hellé. Coll. B. Michielsen ; Chambre de l’Arche de Noé par André Hellé. Coll. B. Michielsen ; Chambre des jouets par André Hellé. Coll. M.Krzymuski p.44-45 Quelques jouets artistiques français : Nénette d’après Francisque Poulbot, Société Française des Bébés et Jouets, moule 239, 1913 (H. 35 cm). Coll. Musée National de Yerri et Gretel, d’après Hansi, poupées en prialytine, P. J. Gallais, 1917 (H. 21 cm). Coll. Historial de la Grande Guerre, Péronne (Somme) , d’après Job, atelier des mutilés de guerre de Bordeaux, vers 1918 (H. 20,5 cm). Chiens, Caran d’Ache, bois découpé et peint, 1908 (H. 17 cm). Coll. Musée du Jouet, Ville de Poissy MJ.88.43.23.1 à 6 Couin ! Couin ! (H. 21 cm). Coll. particulière Jeannot-Lapin Coll. particulière p.46 - Soldats de bois à l’exercice dans French toys, Edition de l’Avenir Féminin, New York, 1915. Coll. B. Michielsen p.46 - Chants nationaux des alliés, pochette de 6 cartes postales, André Hellé, Longuet, vers 1917. Coll. M. Krzymuski p.47 - Première apparition du jouet de l’Arche de Noé, catalogue Printemps Noël, 1907 (H. 17cm). Coll. B. Michielsen p.47 - Chamelier, Caran d’Ache, bois peint, 1907 (H. 16,8 cm). Coll. Musée du Jouet, Ville de Poissy MJ.88.43.23.7 p.48-49 - Jouet de L’Arche de Noé par André Hellé, bois découpé et peint, 1911. (H. 24, 5 cm pour l’arche et 5 à 12,5 cm pour les Coll Scie à ruban, ciseaux à bois et toupie p.50 - Une seule pièce de bois pour façonner le mouton. p.50 - L’éléphant : 3 pièces contrecollées pour obtenir le volume. p.50 - Graphique de fabrication de l’éléphant. Conception O. Michielsen p.51 - Le tigre en cours de fabrication à l’atelier. Un artiste-artisan ? p.52 - Succession de pyramides tronquées pour M. Noé, 1911. Coll. Musée du Jouet, Ville de Poissy MJ.2006.16.1 Coll. particulière p.52 - Modèle de jouets d’André Hellé pour une publicité Alf-Brepson, 1921. Coll. B. Michielsen p.53 - Catalogue du Printemps, Jouets & Étrennes, 1913. Dos consacré aux jouets d’André Hellé. p.54-55 - Second jouet d’André Hellé pour le Printemps, le Moulin joli en bois tourné, 1918-19 (H. 28 cm). Coll. p.56 - Tommy Fuzbuz, quilles en tissu bourré, 1914-1916 (H. 26,6 cm). André Hellé pour Dean and Son, également éditeur de son livre en tissu Dutchie dolls’ doings, 1916. Avec l’aimable autorisation de la salle des ventes Vectis (Angleterre). p.56 - Jeu de l’Alphabet de la guerre selon les dessins d’André Hellé pour l’album du même nom, 1916. Coll. J.-H. Malineau p.57 - Soldats alliés dits « incassables » ou quilles en tissu bourré, 1917 (H. 17 cm). p.57 - La Bergerie berrichonne dans le catalogue de jouets du Printemps, 1917. Coll. J.-H. Malineau Carlègle : un précieux collaborateur Saltimbanques, 1922 (H. 3 à 6 cm). p.58 - La silhouette presque abstraite de deux vieilles paysannes du Village Français, par Hellé et Carlègle, 1913 (H. 4,5 cm). Coll. Les Arts décoratifs, musée des Arts décoratifs, Paris Inv.55676.3 et Musée du Jouet, Ville de Poissy MJ.80.7.2 p.59 - Basse-cour du Village français. p.59 - Personnages du Village français : M. le maire converse sur la place avec M. le curé ! (H. 4,5 cm) p.59 - Boîte d’origine Village français, pin déroulé avec décor au pochoir par Hellé et Carlègle, 1913. Coll. B. Michielsen p.60-61 - Chef-d’œuvre d’expressivité géométrique : Le Village Français par Hellé et Carlègle, 1913 (H. 2 à 12,5 cm).

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Drôles de jouets ! Jouer à la guerre p.62 - Chasseurs alpins, Hellé et Carlègle, catalogue du Printemps, 1916 (H. 4,5 cm). Coll. J.-H. Malineau p.62-63 - Tranchée de première ligne, l’ancêtre du masque à gaz (L. 68 x l. 49 x h. 7 cm). p.63 - Tranchée de première ligne, Hellé et Carlègle, catalogue du Printemps, 1917. Coll. Musée du Jouet, Ville de Poissy C.2012.03.04 p.63 - La Cité industrielle, Hellé et Carlègle, catalogue du Printemps, 1918. Coll. J.-H. Malineau p.63 - Allemands à la parade par Hellé et Carlègle, 1916 (H. 5 cm). p.63 - Zouaves et Turcos à la charge par Hellé et Carlègle, 1916 (H. 5 cm). p.63 - Charge de cavalerie : cavaliers mobiles sur chevaux par Hellé et Carlègle, 1917 (H. 7 cm). Retour de garnison et les jouets à traîner p.64 - Retour de garnison par Hellé et Carlègle, catalogue du Printemps, 1920. Coll. P. Pontremoli p.64 - Le Port de ravitaillement, la Chasse au Far-West et la Basse-cour normande par Hellé et Carlègle, catalogue du Printemps, 1918. Coll. B. Michielsen p.65 - L’arche de Noé s’amuse, illustration de Carlègle, 1919. Coll. B. Michielsen p.65 - Sa concrétisation en jouet de bois dans Le Village français, Hellé-Carlègle, 1913 (H. 4 cm). p.66 - L’Arche de Noé, nouvelle mouture par le duo Hellé-Carlègle en 1922 (ici photo 1925, Rapport général de l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes). Coll. Musée du Jouet, Ville de Poissy O.82.12.1 Jouet 272 p.67 - Le Moulin joli, revisité par le duo Hellé-Carlègle en 1923 (ici photo 1925, Rapport général de l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes). Coll. Musée du Jouet, Ville de Poissy O.82.12.1 Jouet 272 p.68 - Le Poulailler en bois peint, Hellé et Carlègle, catalogue du Printemps, 1929-1930. Coll. J.-H. Malineau p.68 - Nouveau tir Bambo Coll. B. Michielsen p.69 - L’Âne et son moricaud, jouet à traîner par Hellé et Carlègle, bois découpé et peint, catalogue du Bon marché, 1924-25. Coll. Musée du Jouet, Ville de Poissy O.82.12.1 Jouet 272 p.69 - L’Eléphant au cornac, jouet à traîner par Hellé et Carlègle, bois peint, vers 1925. DERNIERS FEUx l’Eléphant au cornac pour une publicité au dos de l’album Films, Hellé, Ed Garnier, 1931. Coll. J.-H. Malineau p.71 - Portrait d’André Hellé vers 1930, volume 3, Nath Imbert, 1939. p.72 - Panneaux décorés par André Hellé pour le réfectoire et les dortoirs de La Maison heureuse Coll. B. Michielsen p.72 - La Maison heureuse Coll. B. Michielsen p.73 - Vignette de Histoire de Quillembois, André Hellé, Berger-Levrault, 1919. Coll. B. Michielsen Conclusion en fanfare, André Hellé, 1916-17 (H. 4,5 cm) Crédits photographiques : ©Ville de Poissy / 1835 / Rémy-Pierre Ribière, à l’exception de : p.28-29 © Bibliothèque de l’Heure Joyeuse, Paris / Parisienne de Photographie p.33 © BnF, Département musique p.33 © Centre de documentation Claude Debussy, Paris p.44 © Musée national de l’Education / CNDP, Rouen p.44 © Historial de la Grande Guerre / Péronne (Somme) / cliché Yazid Medmoun p.45 © Conseil général de la Vendée Conservation départementale des musées / cliché Patrick Durandet p.56 © Vectis p.58 à 65 et 79 © Les Arts Décoratifs, musée des Arts décoratifs, Paris / Jean Tholance 79


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BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE - Gustave Kahn, André Hellé, Paris, L’Art et les Artistes N°8, 1920, pp. 337-346. - Esther Averill, André Hellé, Boston, The Horn Book 1931, pp. 179-186. - Claire Huchet-Bishop, Le livre français pour enfant, French Review N°6,1936, pp. 489-494. - Monica Burckhardt, Le jouet de bois, Paris, Éditions Fleurus idées, 1987, pp. 17-20. - Claude-Anne Parmegiani, Les petits Français illustrés, Paris, Édition du Cercle de la librairie, 1989, pp. 133-140. - Ségolène Le Men en collaboration avec Annie Renonciat, Livres d’enfants, livres d’images, Paris, - Claude-Anne Parmegiani, «Voulez-vous jouer avec André Hellé ?» in Jean Perrot (dir) Jeux graphiques dans l’album pour la jeunesse - Annie Renonciat en collaboration avec Viviane Ezraty et Françoise Lévêque, Livre mon ami, lectures enfantines 1914-1954, Agence culturelle de Paris, 1991, pp. 21-22 et pp. 55-56. - Barbara Spadaccini-Day, Les artistes et le jouet, Jeux et Jouets dans les musées d’Île-de-France, Paris Musées, 2004, pp. 170-176. - Denis Herlin, André Hellé et la Boîte à Joujoux, Paris, Cahier Debussy N°30, 2006, pp. 96-120. - Alberto Manguel, Michel Pintado, Au pays des jouets 2006, pp. 46-47, pp. 72-73. - Annie Renonciat, Trésors de la Boîte à Joujoux, Paris, Revue BNF N°25, 2007, pp. 72-81. , Paris, BnF, 2008. - Peter & Dawn. Cope, Dean’s Rag books and Rag dolls, London, New Cavendish books, 2009, p. 39, 92 et pp. 146-147. - Jacques Desse, Jean-Hughes Malineau, Béatrice Michielsen, André Hellé, revue Griffon N°229, Paris 2011, pp 1-19. - Béatrice Michielsen, , Revue des livres pour enfants N° 262, Paris 2012, pp. 164-168.

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Conclusion en fanfare, André Hellé, 1916-17


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André Hellé ou l’art de l’enfance

Drôles de jouets !

L

e musée du Jouet de Poissy (Yvelines) présente la première exposition rétrospective consacrée aux jouets imaginés par André Laclôtre dit André Hellé (1871-1945). Conçue avec Béatrice Michielsen, cofondatrice de l’association Les Amis d’André Hellé, et créatrice de jouets elle-même, l’exposition DRÔLES DE JOUETS ! entend témoigner de la modernité de ses jouets de bois. L’exposition se fait l’écho d’un double anniversaire : le centenaire de son album icônique Drôles de bêtes édité par Tolmer et celui de son jouet emblématique, l’Arche de Noé et ses 24 animaux en bois, commercialisé dès 1912 par les Grands Magasins du Printemps et conservé notamment dans les collections du musée du Jouet.

André Hellé ou l’art de l’enfance

Jouet de l’Arche de Noé par André Hellé, bois découpé et peint, 1911. Coll. Musée du Jouet, Ville de Poissy

978-2-84934-111-7

10 €

Collection Musée du Jouet de Poissy Avec le soutien de la Direction régionale des Affaires culturelles d’Ile-de-France, Ministère de la Culture et de la Communication

Couv drole de jouet.indd 1

07/09/2012 14:10:31


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