From A Black Person Perspective

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FROM A BLACK PERSON PERSPECTIVE

GÉRALDINE AHOYO



Ce document est un catalogue présentant l’ensemble de la collection de tissus imprimés wax, « From a Black Person Perspective ». Chaque motif est associé au vécu d’une personne originaire d’Afrique subsaharienne.



SOMMAIRE BLACK AND PROUD

4

COSMOPOLITE 5 COCONUT FLOWERS

6

LES TULIPES ONT AUTANTLEUR PLACE DANS LE CHAMP QUE LES ROSES

7

LIKE A SUNFLOWER

9

L’UN NE VA PAS SANS L’AUTRE

10

LOCKED 11 NAISSANCE 12 NATURE 13 NOBODY CARES

14

PEACE, PRAY, LOVE

15

RENAISSANCE 16 TULIPES 17 FRAISES 18 FRUIT DE L’ÉTÉ

19

NOSTALGIE 21 BLACK NO MATTER WHAT

22

DIPLOMA 23 HARMONY 25 THE MOST UNPROTECTED PERSON IS THE BLACK WOMAN

26

HIDDEN BEAUTY

28

TANGLED COMBS

30

NOT AGAIN

31

UNDER CONSTANT SURVEILLANCE

33

FORCE AND WISDOM

34

GIRAFE 36 PETER PARKER

37

RELIGION ET SCIENCE

39

SATISFACTION 40

INTERVIEWS AUGUSTIN 44 AÏCHA

45

ANN-MARY 46 CLÉLIA 47 EDWIGE 48 GÉRALDINE 49 HAROLD 50 JOHANNE 51 NICE 52 NOA 53 SARA 54


#1

Black and Proud Aicha -> page 45

Amour, noire, beauté, fierté.

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bleu blanc rouge bordeaux

4



#2

Cosmopolite Aicha -> page 45

Passion, mixité, joie, éclosion.

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rose jaune vert mauve

5



#3

Coconut Flowers Géraldine -> page 49

Nature, renaissance, floraison, confiance.

FROM A BLACK PERSON PERSPECTIVE

vert orange brun noir

6



#4

Les tulipes ont autant leur place dans le champ que les roses Nice -> page 52

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Poésie, aide, personnalité, joie. jaune bleu rose orange

7




L.T.O.A.L.P.D.C.Q.L.R 8 dĂŠclinaisons L.T.O.A.L.P.D.L.C.Q.L.R 8 dĂŠclinaisons disponibles


#5

Like a Sunflower Géraldine -> page 49

Solaire, joie, optimisme, espoir.

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jaune bleu orange brun

9



#6

L’un ne va pas sans l’autre  Nice -> page 52

Amour, union, paix, entraide.

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mauve jaune rose noir

10



#7

Locked Tout le monde

Discrimination, expression, opposition, restriction.

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jaune rouge blanc bleu

11



#8

Naissance Johanne -> page 51

Effort, beauté, force, motivation.

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bleu jaune brun noir

12



#9

Nature Sara -> page 54

Voyage, découverte, nature, mouvement.

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rouge jaune noir blanc

13



#10

Nobody Cares Géraldine -> page 49

Silence, reconnaissance, tristesse, peur.

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jaune rouge vert blanc

14



#11

Peace, Pray, Love Johanne -> page 51

Candeur, innocence, joie, paix.

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bleu jaune blanc gris

15



#12

Renaissance Johanne -> page 51

Combattante, motivation, colère, persévérance.

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rouge bleu blanc

16



#13

Tulipes Nice -> page 52

Joie, solaire, drôlerie, poème.

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jaune rouge blanc

17



#14

Fraises Johanne -> page 51

Enfance, proust, sensation, joie.

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jaune rose rouge bleu

18



#15

Fruit de l’été Ann-Mary -> page 46

Joie, émerveillement, espoir, été.

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rose bleu vert blanc

19




Fruit de l’été 2 déclinaisons disponibles


#16

Nostalgie Johanne -> page 51

Introvertie, curiosité, manque, timidité.

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jaune rouge vert orange

21



#17

Black No Matter What Augustin -> page 44

Niveau, réputation, obligation, préférence.

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bleu rouge jaune noir

22



#18

Diploma Augustin -> page 44

Évolution, éducation, formation, respect.

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rouge jaune bleu

23




Diploma 4 dĂŠclinaisons disponibles


#19

Harmony Géraldine -> page 49

Paisible, saturation, repos, difficulté.

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noir blanc

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#20

The Most Unprotected Person Is the Black Woman Clélia, Géraldine -> pages 47 & 48

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Laideur, peur, complexe, confiance en soi. jaune rouge noir brun

26




T.M.U.P.I.T.B.W 2 dĂŠclinaisons disponibles


#21

Hidden Beauty Edwige -> page 48

Fierté, amour-haine, paradoxe, visibilité.

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brun jaune noir

28




Hidden Beauty 3 dĂŠclinaisons disponibles


#22

Tangled Combs Sara -> page 54

Bun, alien, inconnu, stress.

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jaune rouge vert bleu

30



#23

Not again Clélia -> page 47

Douceur, solaire, sagesse, support.

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jaune orange brun blanc

31




Not again 4 dĂŠclinaisons disponibles


#24

Under Constant Surveillance Augustin -> page 44

Groupe, public, différence, minorité.

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rouge blanc noir rose

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#25

Force and Wisdom Harold -> page 50

Courant, maitrise, souplesse, lutte.

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rouge jaune noir blanc

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Force and Wisdom ĂŠdition collector


#26

Girafe Sara -> page 54

Enfance, souvenir, statue, cadeau.

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brun orange beige

36



#27

Peter Parker Harold -> page 50

Responsabilité, rôle, référence, préjudice.

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rouge jaune noir

37




Peter Parker 3 dĂŠclinaisons disponibles


#28

Religion et science Harold -> page 50

Feu, dépassement, souvenir, religion.

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orange jaune blanc

39



#29

Satisfaction Noa -> page 53

Satisfaction, joie, beauté, rareté.

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jaune rose blanc

40




Hidden Satisfaction Beauty 4 dĂŠclinaisons 3 dĂŠclinaisons disponibles



• INTERVIEWS



Toutes ces interviews ont été la base qui a pu amener à la création de tissus imprimés wax. Nos discussions ont tourné autour de la construction de l’identité en Europe en tant qu’afro-descendant.e.


AUGUSTIN

TCHAD

Je m’appelle Augustin*, j’ai 22 ans, je suis né en Belgique et d’origine tchadienne, mes deux parents sont tchadiens, je suis à l’université de Namur en Master 1 en sciences économiques et de gestion.

Quel est le ressenti général que tu as par rapport au pays d’origine de tes parents qu’est le Tchad ? Je n’ai jamais été au Tchad, j’ai une image un peu lointaine, je n’ai jamais été donc je ne sais pas ce que c’est. Mes parents ne m’ont pas vraiment inculqué la culture de là-bas que ce soit la langue. Mes parents parlaient deux dialectes différents donc ils ne m’ont pas appris. Il y a quand même une fierté de venir de là-bas, d’avoir cette origine, peut-être que je ne connais pas grand-chose mais il y a quand même une fierté. Après, j’ai déjà vu de vidéos mais tant que je n’ai jamais été, je ne peux pas vraiment dire c’est comme ça. Mes parents m’ont quand même parlé de certains trucs mais je sais qu’il faut vraiment que j’aille sur place pour vraiment voir et comprendre.

Est-ce que tu aimerais y aller ? Oui j’aimerais vraiment trop, c’est obligé.

Est-ce que tu as ressenti des différences par rapport aux autres enfants ? Oui, c’est sûr. En étant une minorité, c’est sûr. Tu es différent. En tant que noir, tu ressens une différence, à l’école. Il y a des efforts par rapport à l’ancien temps mais il y a quand même encore une différenciation qui se fait. Dans tous les lieux publics par exemple, il suffit de voir la manière dont un groupe de noirs est vu par rapport à un groupe de blancs. On sent clairement la différence.

A quel moment tu t’es senti le plus différent des autres enfants ? Quand à la télévision, on voyait la pauvreté en Afrique et tout le monde se retourne vers toi. Ce sont des petits trucs comme ça qui te fait te sentir différent, dès le plus jeune âge. Mais il n’y a pas vraiment eu un acte ou évènement qui m’ait choqué personnellement.

Y-a-t-il des choses ou évènements qui t’ont clairement fait sentir « ah, je suis noir en Europe» ? Déjà, pour chercher un travail, quand tu mets ton cv, en tant que noir, tu sais que tu ne dois jamais mettre ta photo car c’est connu chez nous que c’est éliminatoire. Le regard des gens aussi change, selon que tu sois noir ou blanc.

44

Est-ce que tu as senti une différence en termes d’éducation par rapport aux autres enfants de ton âge ? Oui, ça clairement. Déjà le fait que certaines personnes qui sortent plus facilement, ils ont plus de liberté. Mes potes blancs pouvaient sortir plus jeunes. Par exemple, le rapport avec l’alcool, chez les blancs, c’est limite le père qui dit « bois mon fils ». Ils sont plus libres. Chez nous, il y a des choses plus tabous que chez eux : l’alcool, la sexualité. Beaucoup plus de domaines sont tabous chez nous.

Est-ce que tu t’es senti différent des autres enfants en grandissant ? Oui, la différence est toujours là, il y a quand même des petites différences, évènements. Déjà quand on parle d’Afrique, tu sais que les gens vont parler.

En grandissant, tu étais plus avec des blancs ou des noirs ? Je dirai plus je grandis, je me rapproche des noirs. Au bout d’un moment, je sentais comme une différence et je me suis dit : « Tant pis ! » mais en grandissant, je me suis rapproché de personnes qui me ressemblaient.

Est-ce qu’en secondaire, tu étais l’un des seuls noirs ? J’étais l’un des seuls noirs donc j’étais inévitablelement influencé par des blancs. Je jouais au foot donc je connaissais des noirs et par ça, j’ai pu être influencé par les deux.

Qu’est-ce que le fait d’avoir des potes noirs a changé ? Déjà, tu sens qu’il y a plus une différence qui se fait par rapport au fait que j’étais le seul « parmi » les blancs. Par contre, chez les noirs, dans mes potes, je suis le seul tchadien mais il n’y a pas de différence qui s’est faite.

Quel est l’image générale que tu as du continent africain ? C’est un beau continent avec beaucoup de richesses mais exploité par le reste du monde. Avec des dirigeants incompétents, un peuple exploité. Mais pour moi, c’est aussi les autres dirigeants du monde qui tirent les ficelles de l’Afrique à travers les dirigeants africains.


* Pour des raisons d’anonymat, quelques détails personnels ont été changés sans que cela ne nuise à la compréhension du texte.


AÏCHA

SÉNÉGAL

Je m’appelle Aïcha, j’ai 22 ans et je fais des études à l’EII en traduction-interprétation : anglais - allemand avec comme troisième langue, le néerlandais. Ma mère habite au Sénégal et mon père, sa femme et mes deux frères et sœurs sont en Belgique. Je suis plus proche de ma famille maternelle que celle de mon père.Je suis retournée au Sénégal l’an dernier et ait rencontré ma petite soeur née en 2009.

Quel ressenti as-tu par rapport au Sénégal ? J’y suis retournée mais beaucoup de choses avaient changé et j’avais l’impression que ce n’était plus chez moi. J’avais quitté le pays à mes 12 ans et à mon retour, j’ai découvert plein de choses. J’avais l’impression que tout le monde s’était « occidentalisé ». On perd notre culture : quand je voulais faire quelque chose on me disait  « Oh tu fais encore ça ? » alors que c’est moi qui suis partie. Mes parents ont deux cultures car mon père est Wolof et ma mère est d’une autre ethnie. Les membres de ma famille sur place étaient choqués que je parle encore le Wolof car eux parlaient en français. Les locaux pensaient que j’allais faire ma « diva » par rapport à la nourriture. Ils pensent que comme je suis en Belgique, je me suis éloignée d’ici. Il y a aussi énormément ce phénomène d’éclaircissement de la peau au Sénégal. Comme j’ai une peau assez foncée, des membres de ma famille me disaient que si j’avais la peau plus claire, je plairais aux blancs. Ça m’a fait mal parce que c’est ma famille, malgré qu’elle ne soit pas « proche ». Une de mes tantes m’avait d’ailleurs dit : « Tu es un peu trop noire, il faut mettre la crème pour éclaircir ». Partout où j’allais, on me disait que j’étais trop noire. Pour eux, être clair, c’est un signe de réussite, ça aussi ça m’a choquée, plus de 90% de la population s’éclaircit la peau à cause de la pression de la société et de ce fait, beaucoup de femmes sentent mal dans leur peau. Même ici en Belgique, on m’a déjà fait ce genre de commentaires mais je me dis qu’ils doivent être complexés par leur peau pour parler de la mienne. Il y a quelques mois, il y avait un type d’origine maghrébine et il était avec un ami d’origine noir, j’avais mes cheveux afros. Il m’a pointée du doigt en disant « Regarde, regarde» en parlant à un homme noir et ils se sont tous les deux mis à rigoler. Si les hommes noirs, ne défendent pas nos valeurs, c’est normal que leurs autres amis 45

d’autres ethnies se moquent de nous. C’est un peu hors sujet mais j’ai des frères et ils disent : « Je ne sortirai jamais avec une femme noire car elles sont trop compliquées » et je leur rétorque « Mais comment tu peux dire ça ? Ta mère est noire aussi non ? » Même les hommes noirs rabaissent le statut de la femme noire. Je trouve que c’est nous, les femmes noires, qui en pâtissent et si on a le malheur de sortir avec un blanc, on « trahit » l’ethnie.

As-tu un objet qui t’évoque le Sénégal ? Dès que je pense au Sénégal, je pense au car rapide qui est un transport en commun très populaire là-bas. Il y a aussi l’île de Gorée où beaucoup de touristes vont car ils veulent connaître leur histoire liée à la traite des esclaves.

Quel est le souvenir le plus marquant lié au Sénégal ? Ma mère est catholique et mon père est musulman. Le village de ma mère est très croyant. Ma mère est catholique et mon père est musulman. Quand c’est Pâques ou Noël, on nous met des tenues traditionnelles pour faire l’aumône. Je voulais le faire donc on m’a laissé le faire à Pâques. Est-ce que la religion a une grande importance dans ta vie ? Pas autant que je le voudrais, même si j’ai fait ma communion et ma confirmation. Mon père est dérangé par le fait je sois chrétienne. Ça le dérange un peu car c’est ma grand-mère paternelle qui mettait la pression à mon père pour que je sois musulmane. Ça le dérangeait d’être contre sa mère. Au Sénégal, tout le monde est pratiquant. Dans ma famille paternelle, tout le monde est musulman et c’est un peu difficile car je suis la seule chrétienne. J’ai étudié la Bible, je suis catholique mais pas pratiquante. Quand je dis à mes amis que je suis pratiquante, mes amis se moquent de cela et ça m’énerve quand cela arrive car je n’interroge pas leurs croyances.

Que penses-tu du Sénégal en général ? Je pense au développement, j’ai l’impression qu’ils font tout pour ressembler aux occidentaux que ce soit au niveau nourriture, vêtements. Récemment, le président sénégalais a voulu ouvrir des voies de chemin de fer. Et je me suis dit que c’est n’importe quoi car malheureusement, la plupart de la population est pauvre et n’a parfois pas les moyens de se payer le bus qui est 200 francs. Et lui veut faire des chemins


de fer à Dakar. Qui va prendre ça à part les riches ? J’ai l’impression que tous les pays d’Afrique commencent à être de plus en plus des dictatures où les droits sont bafoués. Il a d’ailleurs gagné les élections alors que la plupart de la population a voté contre lui. J’ai l’impression que le Sénégal au lieu d’avancer, retourne en arrière. La religion joue un rôle très important dans la société sénégalaise. Il y a aussi les enfants de la rue. On les appelle les « Daara », ce sont des enfants qui sont envoyés par leurs parents dans des écoles coraniques Certaines de ces écoles les envoient ensuite le plus souvent mendier dans la rue et leur font subir des sévices  de l’ordre de la maltraitance, des agressions sexuelles etc. Il y a d’ailleurs eu un fait divers où un jeune étudiant dans ce genre d’écoles est décédé. Et quand on en a parlé, les gens nn’ont pas voulu en parler et disaient « Il y a des choses plus importantes ».


ANN-MARY

CONGO

Je m’appelle Ann-Mary, j’ai 24 ans, je fais des études en interprétation EII, mes deux parents sont d’origine congolaise et je suis née en Belgique. Ils sont en Belgique depuis 31 ans et j’habite à Ath.

Quel ressenti as-tu par rapport au Congo ? C’est mon pays d’origine Je l’aime parce que c’est mon pays d’origine, car 80% de ma famille est encore là-bas. Mais en même temps, pour l’histoire aussi de mes parents et de mes grands-parents, je vois un pays très pauvre, surtout de la ville d’où je viens.

Est-ce que tu y es retournée depuis, ou y es-tu déjà allée ? J’y ai été il y a 6 ans, j’aimerais bien y retourner cet été. De la joie de voir ma famille mais de la peine pour ce qu’ils vivent là-bas alors que cela pourrait être différent. Mes parents m’avaient raconté, je savais qu’en y allant, ce ne serait pas une ville pleine de moyens. Avant ils me disaient que c’était un magnifique lieu mais j’ai quand même été choquée quand j’ai vu la réalité.

As-tu eu un sentiment de décalage sur place ? Oui, à 100%. On est là-bas mais je ne parlais pas vraiment la langue mais ma grande soeur la parlait. Quand j’essayais de parler, les gens commencent à se moquer de moi. Pour eux, j’étais la fille d’Europe avec mes habits, ma façon de parler etc.. Il y avait un tel décalage queparfois je ne comprenais pas leurs expressions.

Est-ce que cela t’a handicapée sur place ou cela n’a pas changé grand-chose ? Oui, ça m’a handicapé mais autant que je l’aurai pensé. Par exemple, une fois on était sur un marché et quand les marchands m’ont entendu parler, ils ont monté directement les prix alors que quand ma sœur parlait,ils les diminuaient. Une autre fois, on était dans un salon de coiffure et j’ai téléphoné à ma mère. Par habitude, j’ai répondu en français à ma mère et les gens ont commencé à se moquer de moi en Swahili parce qu’ils pensaient que je ne les comprenais pas. Mais sinon, j’étais la plupart du temps avec ma famille donc ça allait.

As-tu un souvenir négatif du Congo ? J’ai l’impression que les gens me jugeaient beaucoup sur des choses qu’ils ne comprenaient pas. Il y avait aussi un certain sexisme : 46

Les femmes ont leur rôle et les hommes ont le leur. C’était vraiment ça ma plus mauvaise expérience, le sexisme. Pour contrebalancer, as-tu un souvenir positif au Congo ? La générosité ! Mais en même temps, j’étais avec ma famille donc je ne sais pas si ça a influencé cette perception que j’avais de leur générosité. Car même les gens qui ne me connaissaient pas, ils m’offraient à manger. Pour te dire, j’ai tellement mangé que j’ai pris 8 kilos en rentrant ! Mais c’est vraiment des valeurs comme l’amour, la gentillesse, la générosité, l’hospitalité qui ont guidé mon séjour. Ce sont ces valeurs que j’aimerais transmettre à mes enfants, car c’est comme ça chez moi aussi.

Est-ce qu’il y a un moment où tu t’es sentie différente en Belgique ? Je ne me suis jamais sentie chez moi, ni ici, ni au Congo. Mais on peut dire que me sens quand même un peu plus chez moi en Belgique, car je parle la langue d’ici et j’ai vécu ici. Mais c’est un monde de blancs et je suis noire. et ça , je ne peux pas le cacher. Comme je suis une minorité, j’ai forcément parfois des petites remarques mais je n’ai jamais eu de faits réellement marquants. Sauf quand j’étais en 2ème primaire et qu’on m’a appelé Bamboula mais depuis je n’ai pas eu de remarques réellement marquantes. Mais malgré tout, tu ressens quand même cette différence quand ils font leurs blagues et te disent les classiques :« Le prend pas pour toi », « J’ai des amis noirs », « Moi en plus, je suis sorti avec une noire donc ça va ». J’ai l’impression qu’ils pensent que ça excuse tout de sortir cette carte de « J’ai fréquenté la mixité, je suis un enfant du monde, je peux dire ce genre de choses ».

Dans la vie de tous les jours, il y a des choses qui te font te sentir différente par rapport aux autres ? Non, en Belgique en tout cas, non. Ici, ils ont l’habitude de voir des africains. Mais les gens qui vont quand même te poser des questions sur tes cheveux. À Budapest, on était rentrées dans un magasin avec une amie, et un monsieur a demandé à toucher les cheveux de ma pote qui avait ces cheveux afro. Ça, ça m’a particulièrement choquée, parce que parfois les


gens demandent à toucher nos cheveux alors qu’on ne les connaît pas. Encore quand c’est des gens qu’on connaît, ça va. Mais moi, j’ai pris l’habitude vu que je suis née ici mais pour une personne africaine qui vient en Europe, comment elle doit se sentir ?! La première fois que ma mère m’a fait des cornrows, Les gens sont devenus fous à mon école parce que c’est une coiffure qui est inhabituelle pour eux. J’ai déjà eu des remarques aussi du genre « Ah toi, t’es belle pour une noire » et je ne sais jamais comment le prendre parce que clairement, ça ne sonne pas comme un compliment mais ce n’est pas non plus une insulte. Une autre personne m’avait aussi dit : « Toi encore, tu as un nez qui n’est pas trop gros, un nez fin, t’es encore belle ». Comme nous, africains, ne sommes pas dans les standars de beauté vu on a un nez « épaté » et un peu plus large. Dés qu’on déroge à aux traits typiques « négroïdes », on nous le rappelle comme si c’était une qualité de ne pas ressembler à un.e vrai.e noir.e. Cependant, la mode actuelle est de faire des opérations ou injections afin d’avoir des lèvres plus grosses ou des fesses plus rondes alors que c’est des traits qui ont toujours été naturelles chez nous, les africains subshariens. Mais j’ai l’impression que quand, c’est une autre ethnie qui glorifie des attraits physiques qui nous sont propre, ça passe mais quand c’est nous, c’est différent. Beaucoup d’éléments de notre culture sont glorifiés comme des éléments de la mode actuelle.

Est-ce que tu as un objet représentatif du Congo pour toi ? J’en ai l’image d’un diamant brut : il est là, il ne ressemble à rien mais si on le peaufine, il serait magnifique. Il est caché sous de la terre. Les gens ne se rendent pas compte de ce qu’on pourrait faire avec ce pays, mais bon...

Est-ce que tes parents t’ont raconté beaucoup de choses sur le Congo ? Oui, ils m’ont raconté. Je savais qu’en y allant, ce serait un pays au top de sa forme, surtout ma ville. Ils me disaient qu’avant c’était le plus beau pays du monde, la plus belle ville. Mais on a beau te raconter, tu ne t’attends pas à ce que tu vas voir.

Est-ce que tu as senti une différence en termes d’éducation par rapport aux autres enfants ? Oui parce qu’on est chrétiens déjà. La culture est totalement différente. Au Congo, tout le monde est chrétien. Parfois, tu vas chez d’autres personnes et tu es choquée de la manière ils vivent. Quand ma mère invite trois personnes, elle prépare trois poulets alors que quand je vais chez les autres, c’est très différent. Tu ressens leur culture car parfois il y avait des remarques comme « Je n’ai pas été élevée comme ça ». Dans ma maison, il y a toujours cette notion de sexisme inhérente à la culture. Mon père travaille,rentre et ne fait rien alors que ma mère fait tout le reste. Alors que chez les blancs, c’est plutôt un partage de tâches. Parfois ma mère va préparer un repas de ouf mais mon père va quand même demander son foufou à la fin, tu vois ? Il n’y a pas non plus cette culture d’aller dormir chez les gens. Même si la personne habite à côté de chez nous, on reste chez soi, on reste avec la famille. Ça a été très dur car même les amis qui habitaient à côté, y a avait pas moyen.

Est-ce que tu t’es sentie différente des autres enfants en grandissant ? Mes parents m’ont toujours rappelée que j’étais noire. Ils m’ont toujours rappelé « Tu es née en Belgique, tu habites ici mais fais gaffe, t’es pas blanche comme les autres, il y a des trucs que tu ne peux pas te permettre, il y a des choses que tu dois faire mieux que les autres car on est discriminés !  «

Alors ce sont tes parents qui ont accentué ce sentiment de différence ou les autres ? Il y a dû avoir des remarques ici et là, des camarades qui me le rappelaient. Mais ce n’est pas dur de me rendre que je suis noire, il suffit que je me regarde dans le miroir pour le voir. Quand on prend une phot de toi avec une mauvaise luminosité, tu le vois aussi. C’est surtout mes parents qui me le rappelaient, moi personnellement. J’ai pratiquement les mêmes ami.e.s depuis que je suis jeune donc ça va. Je n’ai pas eu ce sentiment quand j’étais jeune. Je connais même des enfants métis qui se font chambrer tout le temps, alors que je n’ai jamais eu ça. Par contre, e me souviens quand j’étais petite, toutes mes amies avaient des petits amis et moi non. Est-ce que c’est ma couleur de peau qui joue ? je pense que quand on était petites, il y avait beaucoup moins de noirs que maintenant car on était seulement trois noires dans mon année.


CLÉLIA

BURUNDI & RWANDA Je m’appelle Clélia, j’ai 21 ans et je suis étudiante en Chimie en B3 à la HelHa. Je suis originaire du Burundi et ¼ rwandaise.

Vu que tes parents sont issus deux pays différents, quelle influence chacun d’eux a eu sur toi ? Il n’y a pas grand-chose de différent car l’Afrique a été partitionnée comme du n’importe quoi. Il y a une différence historique entre les génocides. Le Rwanda est plus évolué que le Burundi actuellement car pour le moment au Burundi, c’est un peu le bordel. J’aime bien dire aue je viens du Rwanda car les gens commencent à dire « Ah, c’est le Rwanda, ça commence à évoluer ».

Quel est le ressenti que tu as par rapport au fait d’être une femme noire belge ? Je crois que pendant trop longtemps je n’étais pas trop rattachée à ce pays. Mes parents ont trop voulu nous éduquer comme des belges car pour eux, c’était important d’être intégrés. On n’a pas appris le kirundi, ni le swahili. Mes parents n’ont aucun accent, on dirait que c’est eux qui sont nés ici et pas nous. C’était vraiment ça qui était dur. Car à un moment, de ta vie, tu comprends que tu n’es pas blanche, que tu n’as pas la même culture, tu es divisée entre deux cultures.

Vu que tu as été éduquée comme une belge, est-ce qu’il y a un moment dans ta vie où tu as senti qu’il manquait quelque chose ? Non, pas vraiment, mais c’est seulement arrivé récemment. En fait, c’est l’année dernière que j’ai eu une crise identitaire. J’ai commencé à me dire : « Mais en fait Clélia, t’es pas comme tes potes, t’es pas blanche, t’es pas belge, tu n’es pas comme eux. Il y a des choses que tu n’accepteras jamais. » Comme, par exemple, chez moi, même si mes parents m’ont éduquée comme une belge, il y a des choses qu’ils n’accepteront pas. Comme l’autorité familiale : tu ne vas pas aller chez tes copines quand tu veux. Des potes me disent parfois : « T’es pas en prison, tu peux te rebeller ». À 21 ans, je suis obligée de dire « Papa, Maman, je vais faire ça » et c’est à eux d’avoir le dernier mot, alors qu’en Belgique, tu as 21 ans, tu es majeur, tu fais ce que tu veux. Moi je n’ai pas vécu qu’avec des noirs, tous mes amis sont blancs, j’ai toujours été dans une école de blancs et il faut se dire qu’à un moment donné, tu vois la différence dans plusieurs milieux différents. Rien qu’en tant qu’adolescente noire... Les garçons vont aller chez qui ? 47

Ils ne vont pas aller chez la noire, ils vont aller chez les jeunes filles blanches. Tu te demandes alors : c’est parce que je ne suis pas belle que je n’attire pas ? Tu recois des remarques aussi comme : « Toi, tu es belle pour une fille noire » ou ce genre de choses, tu te les ramasses en pleine gueule. T’as tellement personne pour te dire que ce n’est pas vrai que tu commences à y croire. Tu ne peux pas être belle « pour une fille noire » ça ne se dit pas. J’ai alors commencé à me dire « Je dois être la plus belle fille des filles noires ».

Est-ce que tu as un souvenir précis lié à ton pays d’origine ? Tout simplement d’y être allée, j’ai été une fois au Burundi et une fois au Rwanda. Je suis allée au Burundi quand j’avais 8 ans et je suis allée au Rwanda l’année dernière en voyage humanitaire. C’était les meilleures vacances de ma vie. C’était bizarre de voir tout le monde comme toi. Comme j’étais avec mes potes blancs, on disait : « C’est les blancs qui sont là ». À la fin, ils me disaient « Okay, bah c’est nous qui sommes étrangers ici ».

Et c’est ça ton souvenir le plus marquant ? Même si c’est l’Afrique, ils restent idéalisés sur les blancs. Ce n’est pas parce que ça va changer que l’européen ne va pas être dominant, il est quand même bien accueilli, il reste « supérieur » aux noirs même en Afrique et j’ai trouvé ça décevant. Le meilleur, c’est de se dire à 8 ans, c’est la vie que j’aurais dû avoir... et pour finir, je suis ici et la chance que j’ai ! A 8 ans quand tu commences à comprendre ça, tu te dis. Le meilleur moment c’est quand j’étais chez ma tante, j’avais l’impression de m’incruster. La porte était ouverte, elle avait une immense télé et il y avait pleIn d’enfants qui étaient là et je me disais « Je ne vais pas rentrer » alors que c’était chez ma tante. Malgré tout, je me suis assise et je me suis dit « ça aurait pu être moi ». Ici, quand la porte est ouverte, on ne rentre pas chez le voisin ou chez sa tante, comme ça, sans y être invité, alors que là-bas, si.



EDWIGE

ANGOLA & CONGO Je m’appelle Edwige*, j’ai 24 ans, mon père est congolais et ma mère est angolaise. Je fais des études d’architecture d’intérieur et suis en 2ème année de Master. J’ai deux frères et sœurs et suis née à Kinshasa, Congo. Je suis arrivée en Belgique quand j’avais 1 an et demi.

Quel ressenti as-tu par rapport au Congo ? Je n’y suis jamais retournée depuis que je suis arrivée, mes parents ne me racontaient pas tellement, c’est rare qu’ils en parlent. Ma mère me montrait des photos de sa famille et son environnement sur place et mon père le faisait aussi mais je n’y suis jamais allée car question de finances.

Quel ressenti as-tu par rapport à l’Angola ? C’était une autre image du pays, c’était un peu moins développé mais pas aujourd’hui, ça ne l’est pas beaucoup plus. C’est assez cool de voir un autre système.

Est-ce que sur place, tu t’es sentie différente des autres ? Eux me faisaient me sentir différente. Il y avait aussi la barrière de la langue mais malgré tout, c’était génial comme voyage. Cependant, je ne me psoais pas de questions sur ça car j’essayais d’éviter les choses négatives durant mon adolescence. Et vu que j’étais dans un milieu blanc, je ne m’étais jamais posée la question sur mon identité. Ça a seulement commencé à l’université parce que quand tu t’oublies, tu ne penses pas à la construction de ton identité.

Pourquoi à l’université spécifiquement ? Parce que je pensais qu’il y aurait plus de diversité à l’université mais encore une fois, je me suis retrouvée dans un milieu blanc. Du coup, réalisant que j’étais de nouveau seule, j’ai voulu me réapproprier ma culture afin de ne plus sentir cette différence comme un handicap. J’ai aussi réalisé que je reproduisais des habitudes de mes parents alors que je ne vivais plus avec eux.

Vu que tes parents sont issus deux pays différents, quelle influence chacun d’eux a eu sur toi ? C’est ma mère qui me montrait le plus d’images. J’avais aussi du mal à communiquer avec ma grandmère car nous ne parlions pas la même langue. Par rapport à la musique, j’ai plus été influencée par le Congo car ma mère écoutait des musiques congolaises vu qu’elle y a grandi. 48

Puis l’Angola, vu que c’est le pays d’origine de ma maman, m’évoque ma famille maternelle.

Est-ce qu’il y a un moment les autres t’ont fait te sentir différente ? Oui, forcément. Vu que j’avais des coiffures différentes, je recevais forcément des petites remarques de la part des autres enfants. Mais généralement, ça allait. On subissait des petites discriminations comme par exemple le fait qu’on ne nous invitait pas aux anniversaires parce qu’on était deux petites filles d’Afrique Noire et du Maghreb.

Quelle image tu as en général de l’Afrique ? J’aimerais redécouvrir le continent. J’avais d’ailleurs été à une conférence sur l’identité des jeunes noir.e.s pour m’informer sur, justement, la thématique d’aujourd’hui. Du coup, je suis en train de reconstruire l’image que j’ai de l’Afrique par rapport à mes parents. Je suis encore en quête d’identité par rapport à ça car j’ai tellement eu l’habitude de ne pas me concentrer sur les autres et continuer ce que je fais que je n’ai pas exploré ce pan de ma personnalité. * Pour des raisons d’anonymat, quelques détails personnels

ont été changés sans que cela ne nuise à la compréhension du texte.



GÉRALDINE

BÉNIN

Je m’appelle Géraldine, j’ai 23 ans et je suis actuellement en dernière année de master 2 en communication visuelle et graphique à Arts2 à Mons. Je suis née en Belgique et mes deux parents sont originaires du Bénin. Mon père est venu en Europe afin de faire ses études en informatique puis a fait des aller-retours du Bénin à la Belgique pendant plusieurs années jusqu’à ce qu’on vienne vivre en Belgique avec lui. Ensuite, à la naissance de ma petite sœur, on est retournés au Bénin pendant 4 ans avant de revenir en Belgique en janvier 2004.

Quel ressenti as-tu par rapport au Bénin ? Je suis revenue en Belgique mais j’ai vécu de mes 4 à 7 ans là-bas. Pour moi, mon séjour là-bas a été le plus beau de ma vie. J’ai pu rencontrer toute ma famille, que ce soit chez mon père et chez ma mère. J’adorais cette proximité que j’avais avec tout le monde, je parlais ma langue maternelle qui est le fongbe mais en revenant ici, je l’ai oubliée. De ce que je m’en rappelle, c’était un très beau pays. Les gens étaient très accueillants, gentils et tout le monde se connaissait. Encore maintenant, ma famille me manque beaucoup et j’ai l’impression qu’une partie de moi est incomplète.

noire en me disant que si je ne l’étais pas, cela serait plus simple. Dans la vie amoureuse aussi, j’ai eu ça. Beaucoup de mes « amies » avaient des petits-amis et moi, je n’en avais pas. J’ai, au début, pensé que c’était ma personnalité ou la façon dont je me comportais. Puis un jour, un garçon m’a dit « non, ce n’est pas ça, c’est juste que les noires, c’est pas mon style ». Le fait de ne pas être dans les standards de beauté quand j’étais jeune m’a beaucoup marquée dans ma vie d’adulte. J’ai encore du mal à croire quand les gens disent que je suis « belle » parce que toute ma vie, on m’a dit le contraire, du coup, c’est chaud de se sortir ça de la tête et de déconstruire toute cette pensée négative. Maintenant, je n’ai plus aucun complexe sur ma couleur de peau. Je la trouve très belle et je me rends compte de tous les avantages qu’elle m’apporte,

Et en grandissant, du coup, tu as dû te sentir différente des autres enfants non ? Oui. Je me suis sentie différente de tous les enfants des autres en grandissant, mais c’est surtout les autres qui me rappelaient ma différence. Je n’ai jamais vraiment réalisé que j’étais noire avant d’arriver en Belgique, Avant, je ne trouvais pas que c’était quelque chose d’important vu qu’on m’avait élevée dans l’indifférence par rapport à ça.

Quelle influence le Bénin a eu sur la construction de ton identité ?

Tes parents ne t’ont jamais signifié le fait que tu étais noire, ni rappelé cela ?

En soi, j’ai passé la plupart de mon enfance là-bas et fait mon adolescence en Belgique donc je ne sais pas trop. J’ai vécu ma petite enfance au Bénin et je pense que cela a été les plus belles années de ma vie. Quand j’y pense, c’est souvent avec nostalgie. Ma famille sur place me manque beaucoup et je regrette souvent de ne pas avoir pu passer mes belles années là-bas. Quand je suis arrivée en Belgique, j’ai été longtemps malmenée par les autres enfants, même les noirs car j’avais des goûts, on va dire « bizarres » pour eux.

Non, pas que je m’en souvienne. Ma mère m’a toujours encouragée à garder mes cheveux naturels, je pense qu’à chaque fois que je les défrisais, cela la rendait un peu triste. En grandissant j’ai fait toute sorte d’expérimentations sur eux parce que pendant un long moment, je voulais avoir des cheveux lisses comme mes copines blanches mais à chaque fois, ça finissait en catastrophe. Mais mes parents m’ont toujours dit que le fait d’être noire était une chance et que je devais être fière de l’être. C’est seulement en grandissant que je réalise l’ampleur de ces paroles.

Comment ça «bizarre» ?

Quel est l’objet représentatif du Bénin pour toi  ?

J’étais une très grande fan d’animés et de mangas japonais et on me l’a beaucoup reproché car une « vraie » noire, n’aime pas ce genre de choses, c’est bizarre. J’ai un peu eu le contre coup des deux cultures on va dire. Parce qu’aucune d’entre elles ne me considérait comme un membre de leur communauté. Ça m’a longtemps blessée et j’ai pendant longtemps un peu détesté le fait d’être

Si je dois vraiment choisir un objet, je dirais une latte. Quand j’étais jeune, je prenais des cours de mathématique avec mon oncle et il était extrêmement sévère. Grâce à ça, ’ai toujours bien retenu mes tables de multiplication mais je fais des faute, il me tapait sur les doigts avec une latte.

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As-tu un souvenir positif ou négatif lié au Bénin ? Comme souvenir positif, j’ai la première fois où j’ai pu dormir chez ma grand-mère paternelle. J’étais venue en mobylette avec un de mes tontons et j’avais passé la journée chez elle. Quand la nuit est tombée, mon tonton m’a dit qu’il était l’heure de rentrer et j’ai supplié ma grand-mère d’appeler ma maman pour que je puisse rester chez elle parce que de 1, j’avais peur la nuit et elle habitait dans les montagnes et parfois on entendait des bruits comme des grognements dans la forêt et j’étais persuadée que c’était un ours. Puis de 2, parce que je ne voulais pas partir car j’adorais ma mamie et elle était toujours super gentille avec moi. Et en plus, elle était propriétaire d’un magasin de bonbons du coup, elle m’en donnait quelques-uns contre des pièces, qu’elle nous donnait comme argent de poche quand on passait la voir. Grâce aux négociations de mamie, j’ai pu rester dormir et c’est un des souvenirs les plus réconfortants que j’ai de cette époque en tout cas. Comme souvenir négatif, Il est arrivé juste le jour suivant en fait. Je suis tombée malade quand je suis rentrée chez moi, avec une gastro-entérite et de la fièvre. Jusqu’à aujourd’hui, je ne sais absolument pas ce qui a causé ça mais j’étais contente d’avoir été chez ma mamie, donc ça compensait.

Est-ce que tu regrettes d’avoir vécu en Belgique ? Non parce que j’ai pu découvrir beaucoup de choses en vivant en Europe. J’ai déjà pu avoir une « meilleure » éducation, j’ai pu faire mes secondaires, un bachelier et actuellement un master en arts. J’ai découvert beaucoup de choses et de manières de penser que je n’aurais peut-être pas pu découvrir au Bénin mais avec tout ça, vient son lot de racisme, de discriminations et tout le bazar avec. Je ne pense pas qu’un pays soit moins bien qu’un autre parce que tout est une question de point de vue. La Belgique m’a apporté beaucoup et m’a permis de m’épanouir autant que le Bénin aurait pu d’une autre manière. Je ne regrette pas d’être née en Belgique et le fait d’être Béninoise m’est tout autant bénéfique même si j’aurais aimé pouvoir y retourner.

Du coup, avoir les deux cultures t’a été bénéfique dans la construction de ton identité ? Bien sûr ! un jour, je l’ai réalisé seulement que quelqu’un m’a dit : « ah tu as vécu au Bénin ? Ça

t’apporte deux points de vue sur le monde alors, vu que tu es issue de deux cultures ayant vécu à la fois au Bénin et en Belgique ». Jusqu’à ce moment-là, je n’avais jamais vraiment pris la peine de prendre en compte ça dans mon développement, je me sentais juste comme une alienne parce que l’on me faisait sentir que je n’étais pas une « vraie » belge. Mais parce que les autres me rappelaient constamment que je ne l’étais pas et le Bénin, avec le temps, est devenu un souvenir un peu brumeux. Je me sens un peu hypocrite de me proclamer « béninoise » alors que finalement, le Bénin que je connais n’existe plus et en même temps, je me sens une arnaque de dire que je suis Belge, parce que ma couleur de peau et certaines mimiques que j’ai ne sont clairement pas issus de la « culture » belge. Quand on est dans cette situation, on se sent un peu « exclue » du monde en général. Parce qu’on veut, malgré tout, se sentir appartenir à un groupe de personnes ou de population. Et moi, j’ai pas d’attache qui me permet de dire «  ah ! Je suis telle nationalité ». Parce que finalement, je suis « personne ».

Quelle image tu as de l’Afrique en général ? J’ai moi-même formulé cette question que j’ai posé aux personnes que j’ai interviewé mais je n’ai pas d’image « générale » de l’Afrique parce que ça reste un continent gigantesque. Généraliser la vision que j’en ai à une seule image, c’est vachement réducteur. Néanmoins, c’est un continent qui a énormément de richesses et le fait d’avoir été rabaissé pendant tant de siècles a participé à ce que les africains se sentent moins capables que les autres populations. Si les populations locales prenaient confiance en elles, le continent africain pourrait devenir le plus puissant au monde.


HAROLD

CONGO

Je m’appelle Harold, j’ai bientôt 26 ans, je suis actuellement en études de psychologie que je compte arrêter pour me reconvertir dans le coaching privé et les sports de combat que je pratique depuis 10 ans. Je suis d’origine belgocongolaise, ma mère est belge et mon père est congolais. Il est arrivé ici vers ces 20 ans et y vit depuis mais retourne souvent au Congo.

Quelle image as-tu du Congo ? N’ayant pas été élevé par mon père, je n’ai pas une attache très forte à ma culture. Mais il y a des éléments que j’apprécie beaucoup dans celle-ci tels que les valeurs familiales. Je ne connais pas énormément ma culture mais je n’en suis pas non plus étranger. Mais encore une fois, n’ayant pas été élevé par mon père, je ne parle pas, à mon grand regret, ma langue d’origine paternelle. J’en connais quelques mots mais pas plus. J’ai quand même une très bonne image de mon pays d’origine, de ma culture que j’aimerais pouvoir découvrir de manière plus importante au cours des années qui sont à venir.

Est-ce qu’il y a des éléments qui t’ont fait te sentir différent des autres enfants en grandissant ? Dans mon cas, c’est le fait d’être métis et de partager deux cultures. Il faut savoir que les congolais sont en général, sont très attachés à leur culture et ont une identité culturelle très forte. Par exemple, entre eux, ils vont parler leur langue. Ils sont revendiqués, ils font beaucoup de choses entre eux et n’ont pas du mal à accueillir d’autres personnes. La difficulté chez moi c’est d’être métis : on est à la fois propriétaire de deux cultures et à la fois, on n’appartient pas entièrement à chacune d’entre elles. Le monde dans lequel on vit fonctionne beaucoup par catégorie, et être métis est une particularité assez rare. J’ai toujours senti une plus ou moins grande distance dans certains cas. Je me rappelle l’exemple dans quand je suis allé dans un magasin pour acheter des produits pour mes cheveux sachant que j’ai les cheveux crépus. J’ai dit à la femme : « les cheveux comme nous, ce n’est pas facile à traiter »et elle m’a dit « Tu n’es pas comme nous ». Elle m’avait fait comprendre, même quand je mettais une certaine proximité avec elle, que je n’étais pas comme elle. Ce n’est pas choquant sur le moment mais on réalise qu’on n’est pas forcément attachés à une culture. Surtout quand les autres ont une image de leur culture, assez univoque, dans le sens que où pour 50

être congolais, il faut être entièrement noir pour faire partie de la culture. Ou en tout cas, il faut se revendiquer plus congolais. J’ai un petit frère qui ressemble typiquement à mon père et malgré qu’il soit métis,par sa revendication, il n’a pas de problème à choisir une culture plutôt qu’une autre. C’est au fur et à mesure du temps que j’ai réalisé le poids que ça avait. Par exemple, quand je suis chez mon père et qu’il dit : « Ici, on est des africains, on est des noirs ». Ce n’est pas totalement vrai parce qu’en quelque sorte, il renie une partie de ce que je suis. Dans le cas où on ne connaît pas sa culture, vu que l’on n’a pas grandi là-bas et qu’on est soumis à la culture du pays dans lequel on est né : on vit au jour le jour et on ne peut pas se revendiquer africain à part entière. La culture d’accueil est prédominante sur la culture des parents immigrés.

Vu que tu as été élevé majoritairement par ta mère, est-ce que tu as ressenti une différence par rapport aux autres enfants ? Il y a quand même des fois où il y a sûrement eu des enfants qui ont émis des propos discriminatoires. Moi, j’ai toujours été très solitaire durant mes périodes scolaires. Je ne me suis jamais retrouvé dans aucun groupe. De loin que je me souvienne, je me baladais seul dans la cour avec mes écouteurs. Je n’aimais pas le fait d’être attaché à un groupe car on se ferme un peu aux autres. Chez l’enfant, on se rattache à des groupes qui vont vers des choses qui nous correspondent, donc les groupes ne peuvent pas se permettre d’être très hétérogène. Du coup, aller d’un groupe à l’autre, ce n’est pas évident. Ce n’était pas facile de se sentir intégré, déjà qu’on est différent de base, mais en plus quand les autres ne font pas l’effort de nous intégrer comme une personne, c’est encore moins évident. J’essaie toujours de ne pas faire que quelqu’un se sente exclu parce que je sais ce que c’est. (….) Combien de fois dans la rue, je vois des gens qui touchent mes cheveux sans mon autorisation. Il y a aussi ce côté où les gens seraient presque à t’envier. Par exemple, un jour, j’étais à l’arrêt de bus et quelqu’un m’a abordé et demandé comment il pourrait obtenir la même texture capillaire que moi. Au début, je pensais qu’il se foutait de moi et il m’a répondu très sérieusement « Non, non mais comment je pourrais pour avoir des cheveux comme toi ? » et il était vraiment intéressé ! On peut se dire qu’on est différents et on n’est comme personne mais d’un autre côté, il y a tout


ce qui vient avec, tu as les regards qui sont portés sur toi.

Est-ce que tu as un objet ou souvenir marquant lié au Congo ? J’y suis allé quand j’avais un an et demi, je n’ai pas de souvenir en tant que tel. Ce que je pourrais avoir c’est des photos de quand j’étais petit, quand je marchais dans les rues. Pour moi, il peut y avoir difficilement de l’attache pour quelque chose que je n’ai pas vécu ou intégré.


JOHANNE

CONGO

Je m’appelle Johanne, j’ai 21 ans et je fais des études de droit à l’Umons. Je suis née en Belgique et mes deux parents sont originaires du Congo.

Quel ressenti tu as par rapport au Congo ? Je dirais que par rapport à mon pays, j’ai une vision assez lointaine de mon pays car mes parents ne m’en ont pas beaucoup parlé depuis ma naissance. Ça a toujours été un décalage par rapport aux autres du coup, parce que je me sentais différente mais comme j’avais pas beaucoup d’informations concrètes sur d’où je venais j’ai toujours senti que je n’appartenais pas au milieu des personnes de mon entourage. C’est au fur et à mesure que je grandis, que je me construis parce que je trouve qu’il y a un âge où tu te construis beaucoup plus intérieurement. Même par rapport à la langue, j’ai fait des efforts pour pouvoir parler avec ma grand-mère pour qu’elle m’explique un peu plus d’où on venait, la famille de mon grand-père. Parce que mon grand père est mort il y a quelques années, ça m’avait fait beaucoup de mal. De ce fait, j’ai appris des informations sur mon pays, il y a un peu près deux ou trois ans. Par rapport à ce pays là, c’est un pays qui a beaucoup de potentiel mais qui est étouffé par les politiques et je trouve qu’en tant que membre, nous ne sommes pas très solidaires.

Comment ça ? Là-bas c’est peut-être différent mais en tout cas, je n’ai pas d’amis congolais. Peut-être parce que j’ai été élevée à l’européenne et donc j’ai eu du mal à m’adapter mais je n’ai jamais eu d’amis de ma propre nationalité. Comme je comprends maintenant la langue,parfois j’entends des gens qui parlent de moi en mode « de toute façon, elle comprend pas de toute façon donc on peut dire des trucs » . Je trouve également qu’il n’ y a pas beaucoup d’avancements vers l’autre. C’est plutôt une compétition entre les parents. Sur quel enfant sera le mieux élevé, le mieux éduqué plutôt qu’une véritable solidarité. Même parfois entre membres de la même famille.

Est-ce que chez toi, tu avais la même culture qu’à l’extérieur ? Euh.. après ma mère est venue ici à 13 ans donc elle a été beaucoup plus élevée à l’européenne mais c’est vrai qu’il y a certaines choses qui différaient. 51

Par exemple, l’appellation des vêtements. On appelait pas les choses de la même façon. Ma mère, par exemple, elle disait des mots avec un accent du coup, j’utilisais les mots avec son accent puis finalement j’ai découvert plus tard qu’ils ne se disaient pas comme ça. Sinon, toujours avec les valeurs de la femme aussi. On devait savoir faire la vaisselle, savoir faire à manger alors que mes ami.e.s, leurs parents leur faisaientt tout. À part ça, je n’ai pas vraiment trouvé de différences par rapport à la culture.

Et, est-ce qu’il y a des choses qui t’ont fait te sentir différente par rapport à la culture européenne ? Oui, les cheveux parce que là je les ai défrisés parce que je n’en pouvais plus. Il y a encore quelques semaines ils étaient encore naturels et il y avait beaucoup de « pourquoi tu as tes cheveux naturels comme ça ? » et c’est devenu une obsession en fait. Je me disais « mais pourquoi j’ai pas eu des cheveux lisses ? », « pourquoi je ne peux pas avoir des cheveux qui volent au vent ? » « pourquoi je suis née comme ça » « pourquoi je suis née avec une peau noire ? » Je ne comprenais pas parce que jusqu’à mes 6 ans, je ne voyais pas la différence de couleur, je n’avais jamais remarqué et mes parents ne m’avaient jamais dit que j’étais différente par rapport aux autres à cause de ma couleur. Du coup, c’est plutôt les gens de l’extérieur qui m’ont fait me sentir différente, « alors toi tu viens d’où ? » alors moi, je venais d’ici. Moi j’étais née ici, je vivais ici, je venais pas d’ailleurs. C’est vraiment les cheveux, la couleur de peau qui ont fait la différence. Sinon, à part ça, la mentalité. Je pense que j’ai la même mentalité parce que je suis née ici. Mais c’est plutôt l’aspect physique qui amène une différence par rapport aux autres.

Et du coup, quand les gens te demandent d’où tu viens, même si toi tu te sens belge, tu n’as pas l’impression qu’il y a un paradoxe ? J’ai l’impression qu’il me manque une identité, une partie de moi. Quand les gens me demandent ça, je dis que je viens du Congo mais j’y suis allée qu’une seule fois, pendant un mois. Mes parents ne m’ont pas assez expliqué d’où je venais, de ce fait c’est comme si ils m’avaient retiré


une partie de mon identité.

Est-ce que tu as un objet ou concept représentatif du Congo pour toi ? Le djembé parce que quand on est allés la-bas, il y avait un garçon qui en jouait. Je trouvais que c’était beau, du coup, ça m’a marqué.

Est-ce que tu as un souvenir marquant lié au Congo ? J’étais en train de marcher et il y a quelqu’un qui s’est arrêté alors qu’il était en voiture. Puis m’a dit « mais toi, tu viens pas d’ici » alors que je ne le connaissais pas. Donc apparemment, ça se voit que je ne suis pas de là-bas et mes cousins, qui étaient avec moi, m’ont dit « ne lui réponds pas » . C’est une des remarques qui m’a vraiment fait ressentir ce manque d’identité et dire « ouais, je suis dans mon pays mais je ne suis pas chez moi ».

Quel rapport tu as avec la Belgique, pour toi c’est ton pays ? Je ne dirais pas que c’est mon pays. C’est le pays qui m’a vu naître, grandir, je l’en remercie pour les valeurs qu’il m’a inculqué et toutes les choses que j’en ai tiré mais je ne dirais pas que c’est mon pays car certes, je suis belge mais je suis pas trop belge non plus. Je ne sais pas comment expliquer ça. Je me sentirai jamais vraiment dans mon pays ici. Si la droite ou la gauche extrême commencent à faire des trucs, on sera les premiers expulsés parce que même si on est nés ici pour eux, on n’est « ethniquement », nous ne sommes pas d’ici.

Quel est l’image générale que tu as du continent africain ? Je ne sais pas pourquoi mais j’ai l’image du sable chaud. Peut-être parce que quand j’étais dans l’avion pour aller au Congo, j’ai vu du sable et j’ai dit à mon père « oh mais ça ressemble au désert du Sahara » et qu’il m’a répondu « mais.. Johanne, C’EST le désert du Sahara ». Ça m’a énormément marquée. Il y avait aussi des petits pieds dans le sable vu qu’on était en hauteur, les gens paraissaient tout petits.


NICE

RWANDA Je m’appelle Christine Nice, j’ai 25 ans. Je suis diplômée en psychologie, psychologue, à la fois bénévole dans un planning familial, cabinet psychologue et dans une équipe de crise. Mes deux parents sont rwandais : ma mère a la double nationalité : belge et rwandaise.

Quel ressenti as-tu par rapport au Rwanda ? Je suis arrivée en Belgique à l’âge de 6 ans et ma mère et mon petit frère y sont retournés. J’ai un ressenti mitigé. Je suis fière de mes origines et en même temps avec ce qui s’est passé là-bas, c’est un peu difficile d’y retourner. Je ne connais pas grand-chose de mon pays. Mes parents ne parlent pas beaucoup du Rwanda car le génocide a laissé une trace. Toutes mes tantes et oncles sont là-bas et en parlent. Est-ce que ton éducation a été entièrement belge ou tu as eu un mélange des deux cultures ? Mon éducation a été un mélange des deux, on parlait le swahili à la maison, mais nous devions parler Français à la maison. Ils nous faisaient des repas typiques de là-bas, ma mère s’habille d’ailleurs encore avec des tenues rwandaises. Nous avions des codes culturels rwandais.

T’es-tu sentie différente des autres en grandissant ? En arrivant en Belgique, mon frère et moi étions les seuls noirs à l’école et donc directement, on constate la différence. On était les seuls rwandais dans l’école et par exemple, on ne te dit pas bonjour parce qu’on a peur de devenir noir. On avait des remarques sur notre couleur de peau. à l’adolescence, cela a eu un impact sur la construction de mon identité. On le sentait et on nous faisait nous sentir différents. J’ai été beaucoup renfermée sur moi-même. J’ai toujours été avec des groupes de blancs. J’ai eu une adolescence normale.

Et à l’Université, comment ça s’est passé ? Je n’ai découvert le CEAM (Cercle des Étudiants Africain de Mons ) qu’à la fin de mes années. Encore une fois, nous n’étions que quelques noirs. J’ai été élevée dans un monde de blancs, donc je ne vais pas vers les autres noirs. J’ai un beau-père avec une grande fratrie, donc ça me permet quand même de rencontrer d’autres personnes de la même ethnie que moi.

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As-tu des souvenirs marquants du Rwanda ? J’ai deux types de souvenirs, j’ai un souvenir agréable où j’ai eu un problème aux dents et ma grand-mère était institutrice et ne voulait pas me laisser. Comme ma mère était l’aînée,nous étions protégés par notre grand-mère. Ma grand-mère m’a donc amenée avec elle à l’école et c’est ce jour-là que j’ai découvert qu’on frappait les enfants. J’ai également eu un souvenir désagréable : Je me souviens qu’une de mes tantes était partie chercher de l’eau ou du bois et a rencontré un garçon et en rentrant le soir, elle s’était faite frapper par mon grand-père et ma grand-mère.

As-tu un objet te faisant penser au Rwanda ? Des sculptures de girafes et éléphants qui ont été faites là-bas. Je les ai mis dans mon salon et je trouvais ça important d’avoir quelque chose de là-bas dans mon espace de vie.



NOA

RWANDA Je m’appelle Noa, j’ai 19 ans, je suis en deuxième année à Mons, à la fac de traduction & interprétation : anglais-allemand et je suis née en Belgique. Mon père est d’origine belge (origine allemande, cantons de l’est) et ma mère est d’origine rwandaise.

Quelle influence le Rwanda a eu sur la construction de ton identité ? J’ai été seulement deux fois : 4 ans et 14 ans. Je me sentais chez moi jeune mais en même temps, je suis métisse. La culture du pays, je la connais, a connu deux cultures. Il a vécu dans un village, il y a que des blancs, tous mes amis étaient blancs. On était les seules métisses. J’avais du mal à accepter ça quand j’étais jeune. Je me sentais différente. En secondaire, c’était pareil, un seul noir et les métisses (mon frère et moi). Ma cousine vivait à Bruxelles, alors dès la primaire, elle était avec des métisses. Alors que moi, je n’ai pas grandi dans un environnement multiculturel. C’est difficile du coup de se dire qu’on est rwandaise, car je me sens plus belge. Je suis rwandaise mais au fond de moi, je suis plus européenne que rwandaise car je n’ai pas connu ce pays. Y-a-t-il un moment qui t’a fait te sentir différente ? Le plus difficile c’était mes cheveux, mes amies avaient des beaux cheveux longs, je lissais mes cheveux. En maternelle, je me sentais différente. Après j’ai commencé à essayer de me fondre dans la masse en secondaire, puis vers la 4ème secondaire, j’ai affirmé mon identité et me suis acceptée comme j’étais. Je le sentais même si je n’ai pas eu vraiment de remarques. En secondaire, je le sentais plus qu’en primaire étant donné que j’étais dans une école de village. Quand t’es en Belgique, on te dit que t’es d’ailleurs et au Rwanda, on te dit que tu n’es pas d’ici. Puis j’ai eu des potes noirs à l’université mais c’est vraiment au Rwanda que j’ai senti un rejet car comme je suis métisse pour eux, je suis européenne.

Quel est l’objet représentatif du Rwanda pour toi ? il y a tout d’abord les pagnes wax car on en a beaucoup à la maison puis les statuettes d’animaux comme les gorilles ou des girafes ainsi que des masques.

As-tu un souvenir lié au Rwanda ? On est allés dans le village natal de ma mère parce qu’elle Elle a voulu nous montrer où elle a vécu. 53

As-tu un souvenir négatif lié au Rwanda ? Dans la culture rwandaise, on ne met pas de mini short. Je ne le savais pas alors je suis sortie comme ça car comme c’était l’été, j’avais chaud. Par conséquent, toute la journée , tout le monde me pointait du doigt, me regardait, me parlait. C’était véritablement du harcèlement de rue. Ce qui m’a choqué le plus c’est que c’était des adultes de tous les âges et ça a duré toute la journée. Cependant, la plupart de mes souvenirs sur place étaient positifs.

Quelle image as-tu du continent africain en général ? C’est un continent très riche, en termes de culture et de diversité. Les gens pensent à l’Afrique comme un bloc uniforme alors que ce continent regorge d’ethnies différentes. C’est également une richesse en terme de ressources premières.



SARA

BÉNIN

Je m’appelle Sara, j’ai 21 ans, je fais des études en traduction et interprétation à l’EII. Je suis née en Belgique et suis d’origine béninoise. Mon père est béninois et ma mère est belge.

Quel ressenti as-tu par rapport au Bénin ? Quand je vais arriver là-bas, tout tombera sous le sens : « Ah c’est pour ça que je suis comme ça et que je fais ça comme ça ». Ça va être un choc des cultures, mais en même temps, les choses vont se rééquilibrer pour moi. Jusqu’à présent c’est une éducation plutôt à l’européenne qui a primé. Je me suis toujours sentie fortement éloignée du Bénin. Jusqu’à mes 18-19 ans, je ne me posais pas trop de questions, je grandissais en Belgique et puis c’est tout. Aujourd’hui, je ressens cette soif de découvrir ma partie manquante. On s’éloigne un peu de la question, mais ça reste lié… bizarrement quand les gens me voient ils me disent : « Je t’imaginais pas du tout comme ça, tu es très exotique dis donc ». Ce genre de choses à tendance à m’agacer, mais je laisse souvent couler. Durant mon enfance j’avais envie d’être et de ressembler aux autres, mais j’ai vite compris que c’était impossible peu importe à quel point j’essayais de me conformer à l’image/esprit occidental(e). Mon père a toujours ramené des objets du Bénin quand il revenait de voyage, que ce soit à moi ou aux autres membres de ma famille. Un jour, il a ramené une girafe à ma grand-mère. Je trouve ça excellent, parce que la girafe plantée là dans un décor de maison typique de grandsparents belges, c’est spécial haha. Ma grand-mère aime toujours que mon père me rapporte quelque chose de là-bas. Je ressens ça comme un moyen de garder ce lien. Ça fait plusieurs années que j’ai envie de porter des vêtements en wax pour montrer que Sara c’est deux cultures qui s’entrechoquent. J’aimerais faire un mix des deux. Mon père me ramenait aussi toujours des bijoux plaqués or parce que là-bas c’est quelque chose qu’ils aiment beaucoup, ça leur tient à cœur bizarrement. Mon père part deux fois par an au Bénin pour voir ma grand-mère et prendre soin d’elle là-bas.

Qu’est-ce qui t’a fait te sentir différente ? Je ne pouvais pas faire les choses de la même façon que les autres. Ma mère est blanche, mon père noir, et aucun ne savait quoi faire avec mes cheveux. J’ai très vite été 54

livrée à moi-même et bien souvent on choisissait la facilité ( me lisser les cheveux ). Aujourd’hui les choses changent, j’ai envie de montrer qu’il faut être fier de ses cheveux. Par contre, comparé aux États-Unis, il n’y a pas grand-chose pour s’occuper de nos cheveux en Europe. Ça a toujours été un malaise d’aller chez le coiffeur car personne ne sait coiffer mes cheveux. Je ne peux pas débarquer chez le coiffeur du village comme tout le monde. Ça te donne l’impression d’être un Alien face aux autres.

Est-ce que tes parents ont des attentes par rapport à ton éducation ? Ils ont beaucoup d’attentes. Mon père surtout parce qu’il est arrivé en Belgique en étant livré à lui-même. Il a dû se débrouiller pour financer ses études et les réussir. Pour lui, le temps comptait. Il savait qu’il n’avait pas tous les moyens et pensait : « Je n’ai pas le temps de perdre mon temps ». Alors il aimerait qu’on ait la même perspective des choses, mais aujourd’hui pour moi et pour d’autres, l’essentiel c’est de réfléchir à son épanouissement personnel. À l’époque de mes parents, le travail était la priorité. Le travail reste une priorité pour moi, mais avant tout je veux être heureuse. Je veux être sûre de moi, de ma personnalité et c’est aussi pour ça que je veux découvrir le Bénin. Je sais que ça m’aidera à avancer dans la vie !

Un concept ou un objet représentatif du Bénin pour toi ? Ce qui me vient en tête ce sont les couleurs vert, jaune et rouge. J’associe le Bénin avant tout à son drapeau, à ce que je sais du Bénin par le biais de mon père et par ce qui m’a été offert au fur et à mesure des années.

Quelle image générale as-tu de l’Afrique ? L’image générale que je me fais de l’Afrique… C’est dur de répondre à cette question ! J’ai un point de vue assez européanisé du truc ! Quand on aborde l’Afrique, on pense à un continent en développement, un continent ayant besoin de bénévoles, d’aide, etc. Je pense aussi aux familles nombreuses, mais c’est peut-être aussi lié à ma famille. Le Bénin en soi est un pays développé et il continue à se développer.




Je tiens à remercier tous les intervenant.e.s qui m’ont donné de leur temps et de leurs vécus pour ce projet. Je remercie également mes professeurs qui ont été d’un soutien indéfectible, plus spécialement Jean-Marc Vanoevelen pour m’avoir toujours encouragée, même dans les moments les plus durs. J’aime aussi gratifier les efforts de Jean-Bernard Libert, professeur de l’atelier Communication Visuelle et Graphique à ARTS2, qui a eu l’amabilité de m’aider pour l’élaboration de ce catalogue. Je désire aussi remercier Sarah Mouchrif et Claire Kuneben qui ont pris de leur temps pour corriger l’orthographe et la syntaxe de ce catalogue. Enfin, je remercie ma mère, Adelaïde ainsi que Clément Servais, Gwendoline Rouchy et Laura Lombardo pour m’avoir aidée et supportée durant toute la réalisation de ce projet.

PROJET DE GÉRALDINE AHOYO RÉALISÉ DANS LE CADRE DU MASTER 2 EN COMMUNICATION VISUELLE ET GRAPHIQUE - ARTS2 MONS JUIN 2020


Géraldine Ahoyo AHOYOGERALDINE@GMAIL.COM +32********** GÉRALDINE AHOYO

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