Le battement d'aile du papillon et Superphénix par Michel Gay (à partir du texte de Pierre Schmitt1) le 06 septembre 2015 N°154 (Un article et une annexe) L'origine de la décision politique de l’arrêt définitif du réacteur nucléaire surgénérateur Superphénix de la centrale de Creys-Malville le 2 février 1998 s'apparente au battement de l'aile d'un papillon au Brésil qui aboutit à la formation d’un cyclone en Indonésie2. Le résultat fut un désastre humain (pertes de compétences) et financier. Le battement de l’aile du papillon eut lieu le 3 juillet 1990. Un incident mineur fut à l’origine d’un incroyable enchaînement de crises créées par un nombre réduit d’acteurs antinucléaires déterminés qui ont su habilement exploiter les possibilités offertes par les recours administratifs et juridiques. L’incessante tourmente médiatique et judiciaire, ainsi qu'une forme de lâcheté politique pour obtenir ou conserver les rênes du pouvoir, eurent finalement raison de cette formidable réalisation commune de la France, de l’Italie et de l’Allemagne. Injustement discréditée, ce remarquable surgénérateur, unique au monde, sera finalement sacrifié sur l’autel de l’éphémère «majorité plurielle» arrivée au pouvoir en juin 1997 avec Lionel Jospin comme Premier ministre. Cette année-là, la mise au point de la centrale électrique était enfin terminée, comme l’a montré son excellente disponibilité lors de son fonctionnement tout au long de l’année 1996 (96 % de taux de disponibilité de la chaudière). L’investissement était totalement réalisé, et le combustible déjà fabriqué était encore capable de produire 30 milliards de kWh (30 TWh). Il ne restait donc plus qu’à recueillir le fruit de tous les efforts humains et financiers consentis depuis dix ans en exploitant cette source de richesses. Dans le même temps, ce réacteur aurait pu participer à peu de frais à la recherche sur la transmutation des déchets radioactifs de haute activité et à longue durée prévue par la loi de décembre 1991. Prés de vingt ans plus tard, on peut mesurer combien cet abandon fut une triple faute. 1) Une faute sur le plan de la connaissance scientifique et technologique qui a entraîné la perte d’un capital humain considérable de savoir et d’expérience qu’il faut maintenant laborieusement reconstituer avec le démonstrateur ASTRID3 en vue de réaliser les surgénérateurs dits "de quatrième génération". 2) Une faute économique qui a conduit au démantèlement des installations de recherche et à la dissolution du tissu industriel spécifique dédiés à cette technologie.
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"L'arrêt de la centrale de Creys Malville. La saga politique, administrative, juridique et médiatique 1990-1998" du 06 mars 2013 par Pierre Schmitt (49 pages). http://www.fol07.com/spip.php?article2909 2 Pour illustrer l’impuissance de l’homme à prédire le comportement des systèmes complexes, le mathématicien Lorentz prenait l’exemple des phénomènes météorologiques en disant qu’il « suffisait du battement de l’aile d’un papillon au Brésil pour qu’une prédiction théorique bascule d’un temps calme dix jours plus tard à la formation d’un cyclone quelque part en Indonésie » (cité par Georges Charpak et Rolland Omnès, dans « Soyez savants, devenez prophètes »). 3 http://www.cea.fr/energie/astrid-une-option-pour-la-quatrieme-generation
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