Eloge de l'abnégation Par Michel Gay Le 5 octobre 2015 N° 168
Nos techniciens et ingénieurs, notamment ceux qui construisent des centrales nucléaires, ont bien du mérite de le faire sans le soutien ni les éloges qu'ils seraient en droit d’attendre du gouvernement, de la presse et des médias. A force de faire croire que cette filière est sans avenir et de ne pas la valoriser, ne risque-t-on pas, demain, de devoir acheter nos réacteurs aux nouveaux leaders mondiaux ? La Russie (avec Rosatom) se taille la part du lion dans les nouveaux projets. La Chine démarre un nouveau réacteur tous les trimestres et s’apprête à exporter un réacteur 100 % chinois. La Corée du sud exporte aussi sa technologie, et demain ce sera l'Inde, tandis que les Etats-Unis sont toujours premiers constructeurs de réacteurs du parc mondial. L’état, actionnaire d’EDF, est parfois bien loin de son patriotique mot d’ordre "achetons français". En matière de nucléaire, à la différence du textile, de l’électronique ou du photovoltaïque, les produits français existent ! L'Académie des sciences, dans son avis1 adopté à l'unanimité le 6 janvier 2015 sur le projet de loi sur la transition énergétique, a indiqué qu'il faudrait tenir compte de la compétitivité des entreprises et de la lutte contre la précarité énergétique. Elle met en garde contre le développement des énergies renouvelables intermittentes éolienne et photovoltaïque. Elle note aussi que le passage à 50 % de la production électrique d'origine nucléaire à l'échéance 2025 n’est pas compatible avec les objectifs affichés de la loi de réduction des émissions de CO2, ni avec les facteurs techniques et économiques. En revanche, elle suggère que l’évolution impulsée par la loi devrait éviter de grever la compétitivité des entreprises françaises, et en profiter pour améliorer leur position et celle du pays. Elle rappelle que la France est, parmi les pays développés, l’un des plus faibles émetteurs de gaz à effet de serre par habitant, l’un des plus avancés dans la production d’électricité décarbonée, et celui où l’électricité est la moins chère grâce au succès technique, économique et environnemental de son programme électronucléaire. Dans quel état serait notre économie si les Français devaient payer leur électricité au prix allemand ou italien, c’est-à-dire non pas 10 % ou 20 % plus cher, mais le double ? Et cette ponction serait prélevée sur les entreprises qui financent la solidarité nationale au moment où la France doit faire face à une dette abyssale et au chômage… Entretenir des "danseuses", comme les éoliennes et les panneaux photovoltaïques, pour épater la galerie et conserver une majorité au Parlement, va ruiner les Français. Heureusement, il y a encore des bâtisseurs qui travaillent efficacement en silence, contre vents et marées, dans l'abnégation, notamment dans le nucléaire, avec le sentiment d'accomplir leur devoir, de produire de la richesse (hélas parfois gâchée), et d'être utile à la société. 1
http://www.academie-sciences.fr/fr/Rapports-ouvrages-avis-et-recommandations-de-lAcademie/avis-sur-la-transition-energetique.html
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