SE PROMENER DE LA VILLE À LA CONFLUENCE AU MILIEU DES INFRASTRUCTURES À CHARENTON
Audrey Josselin TPFE - Domaine Matérialité Juillet 2016
Remerciements Je remercie Yves Hubert qui a suivi mon travail au cours de cette année, merci pour son écoute et ses conseils. Je remercie chacune des personnes qui se sont rendues disponibles pour me recevoir et répondre à mes questions. Mes remerciements particuliers à mes interlocuteurs de la ville de Charenton: Jean-Marie Brétillon, ancien maire, Caroline Campos, ancienne maire-adjointe chargée de l’aménagement, Déborah Rozenker, directrice de l’aménagement durable du territoire, Valérie Dréno, directrice générale adjointe des services et Sarah Hadj, directrice de l’Espace Jeunes. Merci à Antonie Léger, archiviste de la ville pour sa disponibilité et l’accueil chaleureux qu’elle m’a accordé. Je remercie Clément Lhomme, directeur de la maîtrise d’ouvrage chez Emmaüs Habitat, et Denis Gauthier, directeur de l’Agence Paris Sud Emmaus Habitat. Merci à Iglal Boulad, architecte responsable d’opérations au Port Autonome de Paris.
2 Merci aux charentonnaises et charentonnais qui m’ont partagé leur vécu et leur perception du quartier. Merci à Océane, Roxanne, Fatoumata, Sophie, Mamadi, Soufiane, Rites et Karim pour leurs récits sur leur quartier. Mes chaleureux remerciements à mes parents, pour leur présence, leur disponibilité et leur soutien au cours de ces quatre dernières années.
A Brigitte,
Avant-Propos Du vécu à l’intuition...
Charentonnaise d’origine, j’ai toujours habité Charenton.
Pendant ma scolarité, de l’école maternelle au lycée, je déjeunais
deux jours par semaine au numéro 9 de la rue Victor Hugo dans le «bas» de Charenton. Ce quartier me semblait alors immense et m’impressionnait par les tours qui se dressaient devant moi, et qui étaient si différentes des immeubles de mon quartier. Il m’arrivait de passer par un jardin ceint d’une grille mais ouvert 24h/24, dans lequel, très jeune, je jouais au bac à sable, puis dans lequel, plus tard, je rencontrais seulement des passants promenant leur chien. Venant du «haut» de Charenton, j’ai progressivement pris conscience de ce paysage urbain à mesure de mes trajets hebdomadaires. Il m’arrivait d’y descendre pour aller à la bibliothèque municipale et de passer en voiture par cette partie de la ville, rentrant de vacances et de week-end, sortant de l’autoroute. Rarement un lieu de promenade familiale, ce n’est que plus tard que j’ai réalisé la présence de la Seine et de la Marne. Ce quartier est donc resté pendant longtemps le confin de ma ville. Un jour, au cours de ma formation de paysagiste, une idée m’est venue: aménager des parcelles de jardin partagé dans cet espace collectif. Des boîtes à idées étaient disposées dans la ville, pour recueillir les idées des charentonnais. Je n’ai jamais osé passer à l’acte, mais l’idée s’est enracinée, constituant, si je puis dire, l’ intuition préalable à ce travail de fin d’étude.
Trois années sont passées, ma formation m’a permis d’approfondir
mes connaissances, de mûrir et d’aiguiser mon regard vis-à-vis des paysages. Elle m’a fourni des clés pour apprendre à les analyser, en vue de proposer un projet. J’ai peu à peu compris que mon intuition posait d’autres questions auxquelles l’aménagement d’un jardin partagé ne répondrait pas.
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De l’intuition au projet....
L’intérêt que je porte à ce site est donc issu d’un vécu et d’un
questionnement personnels. Après avoir consulté le Plan Local d’Urbanisme, pour avoir un premier regard sur l’évolution du quartier, j’ai compris qu’aujourd’hui, ce quartier ne faisait l’objet d’aucun projet d’évolution majeure à l’échelle de la ville, d’un point de vue règlementaire. En parallèle, j’ai eu l’opportunité de faire mon stage de 3eme année à la Direction de la Voirie et des Déplacements de la Ville de Paris. J’ai travaillé pendant cinq mois sur des problématiques d’aménagement d’espaces publics dans lesquels les mobilités sont un élément fondamental dans le dessin de l’espace. Pendant ce stage, j’ai pu me rendre compte des mesures mises en place par la ville de Paris pour ré-équilibrer le partage des espaces publics entre les différents usagers (piétons, voitures, vélos...), pour réduire les nuisances induites par l’omniprésence de la voiture. Ces déplacements et la grande accessibilité de la capitale ont été permis et renforcés grâce à ses nombreux schémas de déplacements urbains; ils sont le moteur de la croissance urbaine et économique parisienne. L’évolution intra-muros trouve un écho à une échelle plus vaste, à travers les réflexions sur le Grand Paris, et la densification des réseaux de transports en commun de banlieue à banlieue.
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Aujourd’hui dans le contexte climatique et environnemental, cette pensée de la ville qui circule est en cours de changement. Les nouvelles politiques d’aménagement et de déplacements prouvent l’amorce d’une mutation du mode de vivre LA VILLE et de mode de vivre EN VILLE.
Compte tenu des évolutions à venir, la ville de Charenton sera
donc indirectement confrontée aux effets de ces nouvelles politiques d’aménagement, étant située à la porte de Paris, le long d’axes majeurs pour la capitale. Comment les anticiper ? COMMENT FAIRE DE CES MUTATIONS UN OUTIL DE PROJET DE RENOUVELLEMENT DE LA VILLE ? Le quartier du quai des Carrières constitue un site d’autant plus intéressant pour étudier et appliquer cette problématique qu’il est issu de dynamiques circulatoires et de mobilités. J’ai pris conscience du profond changement engendré par la rénovation urbaine des années 1970 sur le quai des Carrières. Les conditions de vie s’en sont trouvées améliorées, quoique bien vite détériorées. La consultation de la mairie, du bailleur social Emmaüs Habitat et du Port Autonome de Paris m’ont permis de cerner les enjeux tant politiques que socioéconomiques du quartier. J’ai pu ajuster mon analyse grâce à des échanges avec les habitants (micro-trottoirs, échange avec des jeunes - cf. Annexe 1-). J’ai choisi de proposer un projet de renouvellement du quartier par le réaménagement des espaces publics.
Photo ci-dessous: Sur le chemin de halage le long de la Marne, le quartier du Quai des Carrières s’impose au regard, surgissant derrière un mur.
Dans la première partie de ce document, je présente le processus d’urbanisation de Charenton et du quai des Carrières, que j’ai cherché à reconstituer pour comprendre l’enjeu de définition de la place du quartier dans son contexte plus large. Dans la deuxième partie, je constate le poids des déplacements dans la constitution du quartier et mets en valeur l’enjeu de prendre en compte les nombreux déplacements traversant le quartier pour proposer son évolution. Dans la troisième partie, je souligne le contexte fluvial du quartier, identifiant l’enjeu d’adopter un regard transversal, de la ville à la confluence et de part et d’autre du fleuve, pour intégrer le quartier dans une dynamique plus large. Dans la quatrième partie, je constate que la rénovation du quartier dans les années 1970 a produit un quartier peu animé. Pour renouveler le quartier, je souligne l’importance de favoriser la mobilité, de rendre agréable les déplacements internes, et de proposer des espaces de rencontre.
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Lexique
Accessibilité
Possibilité d’accès à un lieu ou à partir d’un lieu. L’accessibilité caractérise le niveau de desserte et influe fortement sur le niveau de valeurs foncières. [...]
Merlin et choay
Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement
Déplacement
Mouvement d’une personne d’une origine à une destination. Il est caractérisé par: sa géographie (déplacement radial, tangentiel...), son objectif (déplacement domicile-travail, déplacement de loisirs, déplacement pour achat, son horaire, le ou les moyens de transport utilisés, et sa durée. [...]
idem
Flux (définition en fonction d’autres disciplines) Écoulement d’un liquide organique. − Au fig. Grande abondance, afflux, flot. − P. anal. [En parlant d’une masse d’individus en mouvement] Le flux et le reflux de la foule : − Au fig. Mouvement semblable à celui de la marée montante. Le flux et le reflux d’opinions contraires : − PHYS. NUCL. Nombre de particules d’un faisceau qui traversent une section de ce faisceau pendant l’unité de temps
CNRTL
Infrastructure 6
Ensemble des installations réalisées au sol ou en souterrain permettant l’exercice des activités humaines à travers l’espace. Elles comportent notamment: les infrastructures de transport [...], les aménagements hydrauliques [...], les réseaux divers [...], les espaces collectifs aménagés (cimetières, terrains de sport). [...]
Merlin et choay
Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement
Mobilité
C’est la propension d’une population à se déplacer. En ce qui concerne la mobilité à l’intérieur d’une agglomération, on mesure le plus souvent la mobilité par le nombre moyen de déplacements. Elle est fonction du niveau de vie, de motorisation, de la desserte en transport en commun, de l’organisation de la ville, etc. [...]
Merlin et choay
Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement
Mouvement
• Action de se mouvoir, de se déplacer, de changer de place dans l’espace • Ensemble de gestes, de déplacements d’un ou plusieurs corps • Animation, agitation, rythme soutenu d’actions diverses
Larousse
Transport
• Action de porter d’un lieu à un autre. • Action de déplacer (quelqu’un, quelque chose) sur une certaine distance par des moyens appropriés. • Moyen employé pour transporter des personnes, des marchandises • Au plur. Ensemble des moyens utilisés pour l’acheminement des personnes et/ou des marchandises.
CNRTL
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ÂŤLe paysagiste pense le vide...Âť Michel Corajoud 8
Sommaire I]Entre Paris et le pont: Charenton et le quai des carrières, une urbanisation dictée par la capitale P. 11
A)
La croissance parisienne et les ressources géographiques de Charenton
B)
Entre décentralisation parisienne et rénovation urbaine locale:
le projet d’infrastructure comme outil d’urbanisation
II] Via le quai des carrières: le quartier entre infrastructures et mobilités
A)
B)
P. 31 Le fleuve supplanté par des flux à grande vitesse : quelle intégration des infrastructures dans le tissu urbain ? Le mur anti-bruit de Charenton: un quartier habité et en marge de
plusieurs réseaux de mobilités
La résilience : De la réduction des nuisances au projet urbain
C)
III] Sur le quai des carrières: la Confluence Seine-Marne
A)
Une entité paysagère latente
B)
La confluence, lieu de convergence(s)
C)
La confluence, un patrimoine fluvial et culturel remarquable
IV] Dans le quartier du quai des carrières: la ville du «bas»
A)
Du quartier populaire au quartier « social »
B)
Un quartier quasi-indépendant
c)
Une trame urbaine contrainte, des espaces publics moins présents
P. 47
P. 60
V] Une dynamique intercommunale pour un renouvellement urbain locale - vers le projet
P. 74
VI] Se promener de la ville à la confluence : Pour un quartier renouvelé - le projet
P. 78
De l’enclave à l’entre-deux
Pour un renouvellement urbain: divers outils
Plan Masse
Place de la Cerisaie : une nouvelle polarité urbaine à l’échelle de la ville
Place des confluences: une nouvelle polarité urbaine à l’échelle régionale
De la confluence à la ville, au milieu des infrastructures, à Charenton - Conclusion
Bibliographie
P. 96
Annexes
P. 99
9
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«la ville est un être-dans-le-temps»
Jean Chesnaux
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I] Entre Paris et le pont: Charenton et le quai des carrières, une urbanisation dictée par la capitale.
Présenter la morphogenèse de Charenton, c’est avant tout évoquer celle de Paris. En effet, comme beaucoup de villes situées autour de métropoles, Charenton doit sa croissance, en grande partie, à la croissance urbaine de Paris puis à l’influence grandissante de cette dernière.
A) La croissance parisienne, et les ressources géographiques à Charenton 12
Celle qui allait devenir la capitale française s’est développée dans une plaine alluviale d’une grande fertilité, baignée par la Seine. Situé sur un coteau, entre un plateau et la vallée marnaise, le socle de Charenton était de prime abord moins accueillant. Néanmoins, le potentiel porté par cette orientation géographique a très rapidement été perçu et exploité par les habitants d’alors. Installant un pont, ils ont tiré profit de cette localisation stratégique, contrôlant une entrée de la capitale à venir.
Ci-contre:
Une topographie stratégique
Paris
Charenton Ivry
Maisons-Alfort
Alfortville
13
N
Ainsi, dès l’époque romaine, aux pieds de ce promontoire, en amont de Lutèce, les romains ont construit un premier pont sur le Marne non loin de sa confluence avec la Seine. A partir de cette période, le pont de Charenton, a porté le symbole de «clé» de Lutèce, puis de Paris. Peu à peu, des individus se sont installés autour de cet ouvrage d’art, profitant des flux militaires et commerciaux. Ce pont était alors sur le tracé de la voie romaine allant du Nord au Sud des Gaulles, passant par Lyon.
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A partir du Moyen-Age, entre le pont et les murs de Paris, parfois en plein air, et beaucoup en galeries souterraines, des ouvriers commencent à extraire de cette «falaise» un calcaire blanc. Ce dernier a permis la construction de la catédrale Notre Dame de Paris, située à 8 km et le château de Vincennes et sa réserve de chasse, à environ 5km. Le quai et les alentours du pont se développent donc au rythme des passages sur le pont, des échanges fluviaux, de l’exploitation des Carrières et de la vie des ouvriers.
Ci-contre:
Charenton, l’étape avant Lutèce, entre Boulogne et Marseille
AntiquitĂŠ
N
15
18eme Paris
Vincennes
Le Pont N 0
1
2
3
4 km
16
À la Renaissance, ayant perçu le genius loci du coteau, des personnes issues de la haute noblesse y ont fait construire deux châteaux et leurs parcs, y installant leur maison «de campagne»: le château de Bercy au XVIIeme siècle et le château de Conflans au XVIIIeme siècle. La présence des deux cours d’eau et le point de vue sur la plaine parisienne permettaient de s’extraire de l’agitation de la capitale, de se libérer des contraintes de l’étiquette de la Cour dans un environnement privilégié. Le haut du plateau était, quant à lui, composé de parcelles cultivables. Les quatre bourgs vivaient et croissaient au rythme des diverses activités: commerce fluvial, extraction, promenades le long du chemin de halage.
Genius loci: Atmosphère propre au lieu, caractérisée par des qualités esthétiques du lieu et engendrée par une belle exposition, un environnement paisible, en dehors de l’agitation d’une cité Ci-contre en haut: Le château de Conflans, accroché sur le côteau, bordé par la Seine Le château de Conflans, par P.-Denis Martin dit le jeune, 1700 ca huile sur toile 100 cm x 140 cm, musée de l’Ile-de-France, Sceaux, photo Lemaître 1996
1700
fin
18eme
17
Montreuil Paris
Vincennes
le port Le Pont N 0
1
2
3
Ivry
4 km
18
Au XIXème siècle, alors que l’ exode rural et la révolution industrielle sévissent, Paris vit une période d’explosion démographique et une forte croissance urbaine. Cette période s’accompagne de l’aménagement des premières infrastructures ferrées, symbole de cette modernisation. La première route romaine importante ayant été l’axe Paris-Lyon-Marseille, les premiers ingénieurs des ponts et chaussées aménagèrent l’axe sur lequel se structurera le réseau ferré français, entre ces mêmes agglomérations. Ainsi en 1857, Charenton fut scindée en deux, par une profonde tranchée ferroviaire. La gare était alors située côté coteau et plateau. Le quai, berceau du dynamisme charentonnais est en quelque sorte mis à l’écart de cette nouvelle infrastructure bien que spatialement très proche. Peu à peu, profitant de la localisation stratégique aux portes de Paris, en bord de Seine et le long de la voie ferrée, les vastes espaces libres sont peu à peu gagnés par des industries aux activités diverses. Cet essor est accompagné de construction de logements rendus nécessaires par la croissance démographique à dominante ouvrière dans le Sud de la ville, et plus aisée dans le Nord. A l’aube du XXeme siècle, le pouvoir parisien s’est déjà exprimé et l’influence de la capitale sur la «Clé de Paris*» est déjà bel et bien visible et perceptible. En 1846, les bourgs dénombraient 3500 habitants; en 1881, soit une trentaine d’années après l’arrivée de la voie ferrée, les habitants sont plus de 11 000. L’infrastructure a donc entraîné le premier des trois bouleversements, en termes de croissance urbaine, renforçant la différenciation entre le Nord et le Sud de la ville. Ce bouleversement amorce également un renversement de la hiérarchie initiale entre le «haut» et le «bas» de Charenton et sonne le départ d’une urbanisation parisienne et d’une interdépendance croissante ente Paris et ses banlieues.
FERRE Max, Charenton le Pont, Pierre Jean Mathan, Paris, 1971
1857 Montreuil Paris
Vincennes
N 0
1
2
3
Ivry
le port Le bourg Le Pont 4 km
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B) Entre décentralisation parisienne et rénovation urbaine locale: le projet d’infrastructure comme outil d’urbanisation
La première infrastructure montre comment un tel projet d’aménagement est un levier de développement pour une ville. Elle a participé à un important essor économique pour Paris. Nul doute qu’il en ait été de même pour chacune des villes desservies. Ce développement économique s’accompagne généralement d’ une croissance démographique. Les villes concernées, dont Charenton, doivent gérer ces évolutions et les intégrer dans un schéma cohérant, leur permettant d’accueillir les nouveaux habitants, et de nouvelles manières de vivre: le développement du tourisme et l’apparition des migrations pendulaires en transports en commun (omnibus, trains, tramways...). Au cours de la deuxième moitié du XIXeme siècle, sept communes limitrophes de Paris sont annexées par la capitale, traduisant ainsi une réelle expansion urbaine de Paris sur ses alentours, tant spatialement que politiquement. Charenton y échappa, probablement grâce à une volonté politique ferme.
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Le deuxième bouleversement territorial eut lieu en 1942 avec l’arrivée de la ligne 8 du métropolitain sur le plateau charentonnais. L’ouverture de cet arrêt entraina la fermeture de la gare SNCF. La régularité des métros rendait inutiles les haltes des trains. En se dotant de deux stations de métro, Liberté et Charenton-Ecoles, la ville intègre symboliquement le tissu urbain dense de l’agglomération parisienne, bien qu’elle ne soit pas annexée administrativement par la capitale. Ce bouleversement est renforcé lorsque le métro traverse la Marne, quelques années après, et atteint Créteil, en 1974. Ces villes qui étaient rurales s’urbanisent. Elles sont, dès lors, reliées entre elles et à la capitale en peu de temps, une demi-heure de transport depuis Créteil, et un quart d’heure depuis Charenton. La densification du réseau de transport en commun a apporté une urbanité à partir de laquelle chacune de ces villes de banlieue se sont progressivement développées, sous l’influence de la ville-lumière. Ce bouleversement se traduisit par un profond changement sociétal. Les mobilités étaient mesurées en distance. Elles se mesurent en temps avec les migrations pendulaires. Les habitants de la capitale et de ses environs s’installèrent dans les communes dont le réseau de transports leur permettait d’atteindre leur lieu de travail en une trentaine de minute.
1942 Montreuil Paris
Vincennes
Charenton le Pont
N 0
1
2
3
Ivry
4 km
Maisons-Alfort 21
Alors que le réseau métropolitain déroulait son linéaire à la recherche de terrains à bâtir et de main d’oeuvre, dans la banlieue toujours plus lointaine, les prémices d’une pensée plus globale de l’urbanisation apparurent. Devant l’égémonie parisienne, il devenait nécessaire d’équilibrer le développement du territoire français, et de favoriser le développement de métropoles régionales, tissant ainsi un lien intermédiaire entre le milieu rural et la capitale. Au niveau régional, cette politique se traduisit par la volonté de développer des métropoles dites «d’équilibre» à l’échelle nationale et de développer des pôles d’attraction à l’échelle régionale, donc en dehors des murs de la Capitale, pour la région Ile-de-France.
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Cette réflexion accompagne un constat: la ville-lumière étouffe à l’intérieur de ses murs, ses premières couronnes sont en pleine urbanisation et leurs ressources foncières arrivent à épuisement. Adopter une pensée régionale voire nationale permet de mettre en valeur les espaces au fort potentiel de développement aux deux échelles. Plusieurs grands axes rapides sont programmés, pour renforcer l’accessibilité de ces espaces et le développement des villes dans lesquelles ils se situent. Le premier Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisation de la Région Parisienne est donc défini par le département de la Seine en 1965 [extrait ci-contre], densifiant le maillage des transports routiers et ferrés. Pour le mettre en oeuvre, un réseau de transport en commun plus vaste que le métro voit le jour, le Réseau Express Régional, délimitant les nouvelles banlieues parisiennes. Facilitant les liaisons entre la capitale et ces nouveaux quartiers, de nouveaux axes majeurs voient le jour, tels que l’autoroute A4, en direction de Marne la Vallée puis Strasbourg en passant par Nancy. Au même moment, pour faciliter les croisements et changements de direction, le périphérique parisien se construit progressivement.
«En limite sud de l’urbanisation de la Vallée de la Marne, à la frange du massif forestier de Crécy-Armainvilliers, un dispositif de voies rapides sera mis en place. [[...] L’urbanisation de la Vallée de la Marne, déjà articulée autour du RER s’appuiera donc sur un dispositif autoroutier important dont la fonction sera triple : - assurer le trafic national par A4, sans que celui-ci soit perturbé par le trafic interne de la Vallée de la Marne; - permettre le trafic entre la Vallée de la Marne et l’agglomération parisienne par l’intermédiaire de l’ A4 ; - relier entre eux et avec le centre urbain régional de Noisy le Grand les quatre secteurs d’urbanisation nouvelle par l’autoroute [...].»
La ville nouvelle de la Vallée de la Marne, Cahiers de l’IAURP, volume 21, 1968 Cité dans Reconquête de l’autoroute A4 - Vers une avenue métropolitaine, Cahier 1: A4, Principes d’une reconquête
1965
Lille
Caen
Paris
marne-la-vallée
Charenton
Strasbourg
0
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Lyon
Centre Universitaire ou culturel important Grande école, centre de recherche
Moyenne densité Faible densité
)
Zone à dominante d’habitat
Forte densité
Zone d’urbanisation nouvelle (représentation schématique d’une localisation déterminée) Zone d’urbanisation nouvelle (localisation à déterminer) Zone de transition à traiter Zone réservée pour les grands équipements Zone principale d’activités Zone portuaire principale Aérodrome important avec zone d’interdiction ou de restriction
et de loisirs
Centre administratif [Paris et préfectures]
Zone d’espace vert
Centre urbain
40km
Voie routière
30
Espace boisé urbain En secteur urbain En secteur rural Forêt
Autoroute principale
Autre voie importante gare routière
principale ligne voyageurs
Voie ferrée
20
) )
10
)
0
emprise ferroviaire
gare bis de grande ligne
Charenton le Pont/ Confluence Seine-Marne/ Quartier du Quai des Carrières
Au moment de la planification de l’autoroute, la hiérarchie entre le nord et le sud de Charenton est installée. Le Nord est desservi par des lignes d’omnibus, de tramway et de métro. Il est traversé par l’axe historique reliant Paris au pont. La mairie, l’église ainsi que les écoles principales de la ville s’y trouvent. Le bâti se densifie peu à peu, offrant des logements pour une population plutôt aisée. Le centre-ville et la place des écoles
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Au Sud en revanche, sur le coteau et le long du quai, le quartier ouvrier vieillit, en marge du réseau de transports reliant la ville à Paris. Les équipements industriels deviennent également obsolètes, et les îlots d’habitations deviennent de plus en plus insalubres, n’offrant pas encore ce qui deviendra le confort minimal: l’eau courante et le chauffage central.
1 Ci-contre: Schéma (sans légende) cité dans Reconquête de l’autoroute A4 - Vers une avenue métropolitaine, Cahier 1: A4, Principes d’une reconquête
Le bâti vieillissant dans les Carrières
À ce stade, la politique d’aménagement prend donc une direction pour chacune des parties de la ville, adaptée au stade d’évolution du quartier. Au Nord, le maire lance un programme de ré-aménagement de l’espace public pour créer un centre -ville agréable, et éviter que ce dernier ne devienne un gigantesque rond-point. Les circulations sont donc restructurées, donnant plus de place aux piétons. Le plateau de Charenton se dote d’une grande place centrale constituée de deux grands parvis, celui des écoles et celui de l’église, offrant des lieux de rencontre, accueillant des animations municipales. Au Sud, l’objectif répond à une urgence: reloger la population charentonnaise peu aisée dans des logements offrant le confort minimum, et accroître sensiblement le nombre de logements.
1968
Le quai des arrières avant aménagement de l’A4 - un vllage ouvrier
Paris
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Charenton
1974
N
Le quai des carrières après aménagement de l’Autoroute A4: le quartier des grands ensemble de la ville
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A cette époque, le besoin de logements à loyers modérés est général dans l’agglomération parisienne: c’est ainsi que se sont développés les programmes des grands ensembles sur le quai des Carrières. La superposition des deux projets, c’est-à-dire de l’aménagement de l’axe ParisStrasbourg et de l’aménagement d’habitations à bon marché a abouti à la métamorphose du quartier du quai des Carrières, dans sa forme actuelle. Les priorités en terme d’urbanisation étaient différentes de celles d’aujourd’hui: la question de l’espace public dans Construction de l’échangeur porte de Bercy et de l’A4 ce quartier, et notamment des liens entre les projets de rénovation urbaine, n’a fait l’objet d’aucune réflexion. On peut penser, au regard de l’ambiance urbaine du nord de la ville, que le travail sur l’espace public est secondaire, et qu’il viendrait dans un deuxième temps sur les quais de Charenton. L’inauguration du premier tronçon de l’A4 et les premières années des différents îlots de logements sociaux à Charenton ont marqué le début d’un nouveau mandat municipal dans une continuité politique. Mettant en application la loi d’orientation foncière, le nouveau maire a réalisé un Plan d’Occupation du Sol, présentant les orientations en terme d’urbanisation, dans lesquelles il inscrivait son programme:
«[...] Faire de Charenton une cité de vie et d’animation avec un équilibre harmonieux. Nous ne voulons en aucun cas d’une ville dortoir semblable à tant d’autres cités. [...] le centre le charenton: la vie l’animation la rue de Paris: le charenton commercial la proximité du Bois de Vincennes: le charenton résidentiel la porte de Paris: le charenton moderne les autres zones: le charenton calme».
Alain Griotteray, maire entre 1973 et 2001, Rapport sur les grandes orientations du POS, BOM, n°21, 1973
3F Immobilière 3F Immobilière
3F Immobilière Crédit FOncier Valophis
Bailleur social Propriétaire foncier fournissant un service public ou une activité économique N.B: Le reste du foncier est géré par des syndicats de copropriété, la commune , le département ou le département.
? Centre-ville Rue commerçante Porte de Paris Charenton résidentiel Charenton calme Quai des Carrières
N
Emmaüs habitat
Emmaüs habitat
Emmaüs habitat
XXX XXX XXX
RTE
Port de Paris SIAAP 27
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Dans quelle catégorie le quai des Carrières est-il compris ? Déjà, la difficulté de le qualifier, de l’intégrer vraiment dans un projet urbain municipal, le place à la périphérie, voire en dehors des préoccupations. En effet, il n’est pas tout à fait commercial mais pas uniquement résidentiel, ni ancien, ni vraiment moderne et ne montre pas d’animation comparable à celle du centre ville. Enfin, il ne peut en aucun cas faire partie des «autres zones». Le calme n’y règne plus depuis l’ouverture de l’A4, comme beaucoup d’habitants s’empressent d’en faire la remarque. Dès les premières années de cohabitation du quartier avec ce nouvel axe, l’insatisfaction des habitants se fait entendre. Ils demandent à la mairie de prendre des mesures pour réduire les nombreuses nuisances.
EN BREF:
Située à un point stratégique par rapport à Paris, nous pouvons dire que Charenton doit en grande partie son urbanisation à Paris. Telle est la problématique des communes situées en périphérie et dans l’aire d’influence des grandes métropoles, et combien plus de Paris. Les politiques municipales ont donc tenté depuis de longues années de préserver le caractère de «ville à vivre» à Charenton. Faute d’avoir pu maîtriser tout à fait le processus d’urbanisation, les différentes équipes municipales ont fait de leur mieux pour exploiter les potentiels offerts par la grande proximité avec la capitale, et pour valoriser le patrimoine existant et la vie locale. Après avoir été le pôle «moteur» du développement de la ville, le quartier du quai des Carrières a, peu à peu, perdu de son dynamisme avant de connaître une transformation totale de son paysage. Il semble être dorénavant une exception dans la ville.
Quel est vraiment ce quartier ? Comment vit-il ? Quelle est sa place dans la ville ? Comment faire évoluer la vie, le vécu et le paysage de ce quartier à l’heure actuelle, en prenant en compte les évolutions à venir de Paris, de Charenton mais aussi des communes qui l’entourent ?
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«Accepter le réel ne signifie pas refuser d’agir sur lui, mais implique d’en prendre la mesure et de mobiliser les acteurs et les moyens susceptibles de ne pas admettre comme inélucatbles tous les processus en cours» Stéphane Marot
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II] VIA LE QUAI DES CARRIERES: UN QUARTIER ENTRE INFRASTRUCTURES ET MOBILITÉS
De par sa géographie, le quai des Carrières a toujours été un lieu
dynamique de passage et d’échanges. Avant même la modernisation des moyens de transport, il a été une étape sur les routes à travers la Gaulle puis la France. Les trajets avaient un caractère quelque peu «exceptionnel», dignes de véritables aventures parfois. Les infrastructures ferrées et routières ont tranformé ces mobilités. Elles les ont «banalisées». Elles sont alors la cause et la conséquence d’une grande croissance des mobilités, les facilitant par la régularité de la desserte et des aménagements permettant la vitesse. Comme l’exprime Anne Grillet-Aubert, les aménagements routiers ont permis la circulation automobile; ils sont donc en partie la cause d’un essor massif de son utilisation. «des travaux récents montrent que la demande de circulation est relativement sensible à l’offre de capacité routière; un équilibre s’installe entre les deux si bien
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qu’en zone urbaine dense, tout accroissement de la capacité routière appelle un trafic automobile supplémentaire, au détriment des autres modes: transports collectifs, bicyclette et marche.» Le quartier a subi la transformation d’une route nationale peu passante en une autoroute vite surchargée. Cette dernière a rapidement crée une rupture dans le tissu urbain. Aujourd’hui on entend beaucoup parler d’une «intégration» des infrastructures dans le tissu urbain, pour panser les plaies provoquées. De quoi est-il question précisément ? Couverture ? Transformation ? Bien qu’elles aient « permis » l’urbanisation de la ville et la rénovation urbaine du quartier, les infrastructures ont apporté de nombreuses nuisances, et semblent avoir cristallisé le quartier sur lui-même. De fait aujourd’hui, on observe un paradoxe: le quartier est traversé par de nombreux flux, par des mobilités de divers types, mais reste quelque peu enclavé. Dès lors, devant le bouleversement apporté par l’infrastructure, la prise en compte de chacune des mobilités, de la plus locale à la plus globale, peut permettre d’amorcer le processus de restauration d’un plus grand confort urbain pour les usagers.
Grillet-Aubert A., Guth S., Transport et
architecture du territoire, Recherche: état des lieux et perspectives,
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A) Le fleuve supplanté par des flux à grande vitesse : quelle intégration de l’infrastructure dans le tissu urbain ?
I ntégrer , dissimuler
L’agitation générée par les activités industrielles et portuaires sur le
quai des Carrières a été remplacée par un bruit de fond quasi ininterrompu tout au long de la journée. Avec le temps, le flux autoroutier n’a cessé de croître atteignant un peu moins de 300 000 véhicules jours, passant aux pieds du quartier des Carrières. Associé à une pollution grandissante, ce bruit est devenu inconfortable pour les habitants. Ces derniers ont fait entendre leur voix, initiant ainsi des études sur la réduction de ces nuisances, posant la question d’une intégration, au sens de dissimulation, de l’autoroute derrière un mur, ou sous un tunnel. La conclusion de l’étude a montré que les gros travaux étaient peu souhaitables au regard des impacts urbains qu’auraient les éléments bâtis.
34
«Présence trop pesante des protections dans l’environnement. Hauteur importante des protections. Protection accousitique inefficace pour les étages supérieurs des immeubles. Nécessité d’abattre l’ensemble des végétaux se trouvant sur le bord de l’autoroute. Suppression pour les riverains de la vue sur la Marne et la Seine. [...]» L’autoroute étant au niveau du quartier, sa dissimulation est complexe. La situation semble dès lors figée et difficilement évolutive en faveur du quartier. La solution votée a été d’insonoriser les fenêtres des logements, préservant ainsi l’ouverture naturelle du quartier sur son environnement. En outre, lorsque le revêtement de chaussée devient trop bruyant, il est refait, réduisant ainsi une partie du bruit.
Extrait d’un article paru dans le Charenton Magazine
Etude de couverture et de construction d’une casquette sur m’A4 pour protéger le quartier du bruit
35 Intégrer, dissimuler, réduire les nuisances induites par l’A4
Couverture par une structure type «tunnel»
Installation d’un mur anti-bruit type «casquette»
I ntégrer , associer à une dynamique urbaine
Aujourd’hui, dans le cadre des nouvelles politiques de déplacements et des réflexions portant sur l’évolution nécessaire des comportements urbains, une solution à très long terme s’esquisse: celle de l’intégration de l’axe Paris Strasbourg dans une logique urbaine, en multipliant ses échelles de desserte et les mobilités qui en découlent. Ainsi, toujours associée à une petite échelle, elle pourrait devenir le support d’un transport en commun en site propre, comme le propose l’équipe Leclerc, TVK, Agence TER (...) dans l’étude qu’ils ont menée. Dans le projet présenté, le fonctionnement urbain ne changerait pas vraiment. On devine que les nuisances diminueraient, et que l’axe serait davantage caché dans le paysage urbain, puisque entouré d’un quadruple alignement. L’intégration de l’axe pacifié ne pourrait-elle pas aller jusqu’à desservir le quai des Carrières ? En plus d’engendrer moins de nuisance, l’A4 serait ainsi support
36
d’une nouvelle échelle qui profiterait au quartier. Le caractère multi-scalaire de l’axe serait alors plus visible et «tangible» par les usagers, qui associeraient très probablement davantage l’autoroute à leur vécu quotidien, comme une urbanité positive. De la sorte, le quartier serait relié et desservi par un transport collectif supplémentaire. Il est aujourd’hui traversé directement ou indirectement par de nombreux flux, mais est peu desservi. Cette localisation des arrêts du tranport express trouve probablement une explication du fait de la présence de ponts, reliant des grands axes de part et d’autres des cours d’eau. Comment faire alors, pour que l’A4 soit davantage intégrée dans la dynamique urbaine et apporte au quartier un réel bénéfice ? En attendant qu’une traversée piétonne de l’avenue métropolitaine puisse être envisagée, une ou plusieurs traversées supplémentaires ne pourraient-elles pas être mises en place à plus court terme.
Ci-contre Coupes extraites de l’étude réalisée par l’équipe Leclerc/ TVK/TER sur la métamorphose de l’A4
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B) Le mur anti-bruit de Charenton: un quartier habité et en marge de plusieurs réseaux de mobilités
Les passants sur le quai des Carrières ne sont à l’abri ni du bruit ni
de la pollution. On observe un phénomène intéressant: le front bâti et les
Ci-contre: Vue en axonométrie à partir d’une carte réalisée par le département du Val de Marne
grands ensembles constituent en eux-mêmes un mur anti-bruit. En dehors de la diminution du bruit à mesure que l’on s’éloigne de l’autoroute, les îlots, dans leur version actuelle, ont un effet «barrière» sur le bruit, isolant le reste du quartier, comme nous pouvons le voir sur la page ci-contre. Sur le long de l’autoroute, lorsque les piétons marchent, ils qualifient leur expérience d’insupportable
«on ne s’entend pas, c’est terrible»
Dès lors que nous gravissons les quelques mètres, et arrivons derrière le bâti,
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l’impression d’un certain soulagement est partagée par beaucoup, même si un certain fond sonore demeure. Cet effet bloc, perceptible par les dimensions des ensembles de logements est donc renforcé. Il se détache encore davantage du reste de la ville, par sa localisation par rapport au maillage des transports et mobilités. Au début de son premier mandat, Alain Griotteray dressait un bilan de la rénovation urbaine du quartier: «On accuse l’exiguité du périmètre de rénovation. il est vrai qu’un périmètre plus étendu aurait permis l’établissement d’un plan d’ensemble plus ambitieux et plus fonctionnel [...].»
Rapport sur les grandes orientations du POS, Bulletin Officiel Municipal, n°21, 1973
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A
A’
0
50 100m N
Nuisances A’ A
0
25 50
100
200m
On n’a pas pensé aux arbres, c’est vrai aussi, et me promenant récemment dans le quartier, j’ai constaté, comme tout le monde, que c’était du béton. On a également négligé l’aspect commercial, pourtant fondamental, si l’on veut donner la vie et de l’animation.»
Rapport sur les grandes orientations du POS, Bulletin Officiel Municipal, n°21, 1973
Outre l’évocation de l’effet «bloc» du quartier, par l’exiguité du périmètre, Il n’est ici pas directement question de mobilités et de transports. Néanmoins on voit apparaître en filigrane l’idée de l’importance de l’animation de l’espace public pour le développement d’une vie de quartier. Aujourd’hui, les commerces ne manquent pas réellement, comme nous le préciserons. Néanmoins, «la vie et l’animation» ne semblent pas avoir grandement évolué, selon les dires de quelques habitants. Mis à part les commerces, qu’est-ce qui anime l’espace public ? Si l’on compare avec le quartier du centre-ville, on constate que la desserte directe par de nombreuses lignes de transports en commun est un des élements majeurs dans l’animation de l’espace. Des gens attendent le bus, se donnent rendez-vous à la station de métro, s’y arrêtent le temps d’une conversation imprévue. Ce fourmillement d’ individus n’existe pas dans le quartier du quai des Carrières. Les seuls lieux autour desquels une certaine animation se crée
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sont les quelques stations de bus. On constate que le quartier est rattaché aux axes structurants en deux points majeurs, associés à des franchissements à l’échelle des infrastructures, donc loin de celle des piétons. Le piéton ne se déplace dans le quartier, que lorsqu’il y est «obligé», ou lorsqu’il l’a prévu précisément: aller au travail, rentrer chez lui, se rendre dans tel ou tel équipement, faire ses courses. L’animation du quartier est donc profondément liée à la temporalité diurne et hebdomadaire.
Quai des carrières
Une autre mobilité s’est développée ces dernières années: celle des cyclistes. Une fois encore, le quartier est longé par un axe majeur de la mobilité cycliste entre Paris et la proche banlieue. Le chemin de halage quasi-ininterrompu, offre une voie rapide, isolée des automobiles, en bord de Marne et de Seine. Or les habitants du quartier n’y ont accès de manière dédiée et confortable que depuis l’île Martinet. Le long du bâti, une bande cyclable côté autoroute leur permet de rejoindre le pont y débouchant, au milieu du bruit et des risques engendrés par la circulation.
Centre-ville Ligne 24 Ligne 325 Ligne 111 Ligne 180 Ligne 109 Sorties de station de métro Station autolib’ Station vélib’ Chemin de halage 0 10
40m
N
Quai des carrières
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C) La résilience : De la réduction L’évolution du mode de vivre en ville
des nuisances à
Le grand bouleversement engendré par le flux automobile, qui a déferlé dans les années après-guerres, a fait de la ville l’espace de la voiture. Le quartier tel qu’il est aujourd’hui résulte majoritairement de l’autouroute. Pour retrouver l’équilibre des usages dans le milieu urbain, la diminution des gaz à effet de serre et l’optimisation de l’espace urbain, sont des éléments fondamentaux. Les pensées et politiques d’aménagement mais aussi la prise de conscience d’une partie de la population ont amorcé, depuis quelques temps, une réorientation en ce sens. On entend beaucoup parler des voyages collaboratifs (co-voiturage, auto-partage...) mais aussi, moins original, une réelle volonté, de la part des individus, de privilégier les transports en commun. Des moyens de locomotion sont de plus en plus présents dans le paysage urbain : les vélos, les rollers, le gyropode (Segway®). Se pose alors la question de la gestion des relations entre ces divers usagers, et de donner à chacun la place dont il a besoin de manière sécurisée et confortable. Une réduction de la place donnée aux automobilistes permettrait d’apporter un confort aux piétons, de pacifier les flux et d’améliorer l’ambiance dans la rue.
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Ce changement de considération de l’espace public mono-fonctionnel, c’est-à-dire destiné à la voiture, ou aux piétons est donc accompagné d’un glissement vers un espace public favorisant la rencontre des différents modes de déplacements, des différents usages. Ce type d’espace est reconnaissable, la plupart du temps par une ouverture de l’espace: les limites entre voie automobile et espaces piétons s’adoucissent, éveillant l’attention de chacun des usagers. Les espaces produits sont de fait apaisés, plus calmes. Leur pratique est plus agréable et les usagers ont plus de plaisir à les emprunter, à s’y promener. Cette ambiance est celle que l’on retrouve à Charenton sur un tronçon du centre ville. Bien que le quai des Carrières soit différent, amorcer cette résilience urbaine, en terme de circulation et de mobilités, permettrait d’animer le quartier en accueillant mieux et davantage le piéton et les circulations dites «douces».
La zone de rencontre rue de Paris, un tronçon calme et très confortable
5m
2,5 m
5m
2,5 m
5m
Le quai des Carrières, un axe bruyant, peu agréable
3m
2,5m
6m
3m
Autoroute
La rue de Paris, un axe large et circulant et agréable pour les piétons 43
2,5m
1m 0,5m
2,5m
5m
3m
2,5m
0,5m 1m
4m
EN BREF:
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Le quartier s’est reconstruit dos aux infrastructures. Les grands ensembles sont juxtaposés, sans réflexion globale donnant une cohérence au quartier. L’intégration de l’autoroute semble se limiter aujourd’hui à une diminution des flux dans l’objectif de transformer l’axe Paris-Strasbourg en avenue métropolitaine, sur ses trente premiers kilomètres. Les mobilités ne se limitent pas à la seule circulation automobile. Dans le quartier, elles y sont nombreuses et variées, renforçant le caractère stratégique de sa localisation. La plupart de ces mobilités partagent un point commun: elles traversent le quartier plus qu’elles ne s’y arrêtent.
L’enjeu est donc de prendre appui sur la trame dessinée par les déplacements, pour amorcer un renouvellement du quartier et une mutation de l’ambiance urbaine existante. Ainsi les usagers traversant le quartier pourraient avoir envie de s’y arrêter
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46
«la maîtrise d’un espace est en grande partie liée à la manière dont on rend explicites ou non les relations qui l’ enchaînent aux espaces alentours» Michel Corajoud
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III] SUR LE QUAI DES CARRIERES: LA CONFLUENCE
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D’un point de vue géographique et historique, la confluence de deux cours d’eau offre un réel potentiel de développement. En effet, généralement associée à un élargissement du lit majeur et de la plaine fluviale, la confluence offre un espace au relief généralement peu marqué, offrant un cadre environnemental de qualité et rafraîchissant. Une confluence, lorsqu’elle est composée d’au moins un axe fluvial favorise les échanges, donc l’installation humaine. Situés sur la rive droite de la Seine, le quai des Carrières puis, plus tard, Charenton, ont profité du lien direct qui les reliait au centre de Paris; nul besoin de traverser à nouveau le fleuve pour l’atteindre, grâce au pont de Charenton. Progressivement l’urbanisation est venue combler les vides; aujourd’hui la confluence est au coeur d’un tissu urbain dense. Ces avancées successives de Paris vers sa province font néanmoins émerger un espace caractérisé par une grande diversité, et des qualités paysagères réelles et singulières. Il semble être devenu davantage un lieu dans lequel on passe, qu’une destination.
Paris
Charenton Ivry
Maisons-Alfort
Alfortville
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N
A) Une entité paysagère latente
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On constate aujourd’hui une orientation de la confluence, et une réelle complémentarité entre les quais. Au nord du point de confluence, le socle, plus dur et moins facilement dissoluble par l’érosion fluviale, a favorisé le développement d’une agglomération en surplomb des deux vallées fluviales. Charenton et son coteau sont donc les espaces les moins vulnérables de la confluence, face aux aléas naturels d’inondation. Cette localisation géographique est l’un des éléments expliquant le développement premier de cette commune par rapport aux autres. Ivry, Alfortville et Maisons-Alfort se sont développées dans un deuxième temps, de manière plus ou moins orientée par la capitale et ses besoins, toujours par rapport à la rivière et au fleuve. Ces communes offrent aujourd’hui différents rapports à l’eau et ont amené une «spécialisation» des quais, corroborant la hiérarchie spatiale. En effet, se dégage une réelle typologie des quais, et des usages associés à la localisation, à l’aménagement et/ou aux équipements actuels.
1
2 Le port met à distance du quai
Habitat collectif haut Habitat collectif bas Activité en tissu mixte Zone industrielle et d’activité
Charenton
Ivry M
Seine Alfortville / Maisons-Alfortarne
Zone submerssible jusqu’à 2 mêtres
N
Lits mineurs
Les chemins de la confluence: plusieurs ambiances
7
6
5
2
3
1
4 N
Quartier du quai des Carrières Espaces industrialo-portuaires Complexe touristique asiatique Equipements sportifs
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3m
3
2m
6
2m
9m
4
3m
7
1,5m
Les promenades étroites, à hauteur d’eau
9m
3m
5 Le chemin de halage, large, tantôt planté, tantôt plus ouvert
B) La confluence: vers un lieu de convergence[s] ? La confluence, telle qu’elle apparaît et est vécue par les usagers, se présente de manière un peu différente. Les potentialités paysagères de la confluence sont en arrière plan d’un fonctionnement très linéaire: on passe à côté de la confluence, à plus ou moins grande vitesse, et on la traverse peu. Pourquoi ? Une réponse s’impose d’emblée: la traversée est compliquée pour les piétons: la majorité des habitations sont situées entre les deux ponts sur lesquels les piétons peuvent traverser l’autoroute. Les personnes intérrogées n’ont bien souvent pas l’idée d’aller au délà de l’axe ParisStrasbourg, parce que c’est «laid», parce «passer au dessus de l’autoroute ça fait peur, c’est pas agréable».
Rejoindre le chemin de hallage: une épreuve présentant peu d’intérêt
52
500 Mètres
400 Mètres
Lorsqu’ils veulent aller se promener, ils choisissent le bois de Vincennes, situé sur le plateau au nord de la ville, ou d’autres destinations. La vallée de la confluence est donc davantage une succession de lignes parallèles, suivant le relief. La transversalité du plateau à la rive gauche de la confluence ne se fait pas, ou très peu. Elle est associée à une addition d’infrastructures.
Le quartier du quai des Carrières: entre des infrastrcutures suivant le relief
Axe Autoroutier Voie SNCF Chemin de hallage Axe historique primaire (voie romaine,...) Axe périphérique secondaire Passerelle Accès piéton au chemin de hallage
Paris 53
Vincennes
Ivry
Charenton Maisons-Alfort
St Maurice
400 m
N
A
54
Vue actuelle depuis le chemin de hallage de Charenton
Dans le cadre du projet d’aménagement d’un nouvel axe de transport en commun le «Grand Paris Express» et d’un grand projet de renouvellement urbain, la ville d’Ivry a lancé le projet de la ZAC Ivry-Confluence, dont le schema ci contre et l’axonométrie montrent une esquisse. Aujourd’hui cette partie de la ville d’Ivry est un tissu industriel minéralisé et poussiéreux, sur lequel le quartier du quai des Carrières a deux angles de vue: une vue de type «façade», sur les bâtiments longeant le quai, et une vue plongeante, depuis les logements situés dans les tours. Lorsque je leur ai demandé de dessiner ce qui représentait leur quartier, certains habitants sont allés jusqu’à dessiner la zone industrielle. Dans l’imaginaire du quartier, elle participe à l’ambiance, bien qu’elle soit au delà de l’autoroute et de la Seine. La confluence semble ne pas se faire de manière fluide en terme de mouvements, mais se fait de manière visuelle. Comme le montre le schéma ci-contre*, un grand parc est projeté non loin de la pointe du méandre de la Seine et est orienté vers Charenton, donc vers le quai des Carrières. Si l’ambiance industrielle participait à l’atmosphère peu qualitative du quai, le nouveau quartier et le parc projetés dans la ZAC IvryConfluence participeraient-ils à une amélioration de ce dernier? Le présent projet amorce un retournement de la ville d’Ivry sur la confluence. Est-il possible de prendre appui sur ce projet pour amorcer de la même manière un retournement de la ville de Charenton vers la confluence ?
* Le schéma directeur
et les esquisses de l’évolution du quartier présentés dans le présent document ainsi que dans le projet ont été définis par des architectes urbanistes mandatés [Bruno Fortier,-coordinateur-, Bernard Reichen, FRrnçois Leclerc, Nicolas Michelin et Paul Chemetov]
Une profonde métamorphose du paysage de la confluence : la ZAC Ivry-Confluence
A (la photo est prise aujourd’hui) Esquisse présentant un scénario d’évolution* du quartier
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Bois de Vincennes
Ivry-Confluence
N
Parc de la confluence
Quai des Carrières
Charenton
C) La confluence, un patrimoine fluvial et culturel remarquable
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Le département du Val de Marne a le privilège d’être traversé par un fleuve et une rivière: la Seine et la Marne. Bien qu’ils présentent un aléa très important, chacun des deux porte une histoire et un paysage particuliers. Ils ont participé au développement du département, de la région et de la France plus généralement. Avec eux, se sont développés tout un patrimoine architectural composé d’ouvrages d’arts (ponts, moulins...) et un patrimoine culturel et artistique (guinguettes, peintures des deux cours d’eau...). Tels sont les deux éléments que le département s’est donné pour objectif de donner à [re]voir et à [re]vivre. Chaque année depuis 2001, pendant deux jours en fin de semaine, il devient le médiateur d’un programme d’animation ayant lieu le long d’un des deux cours d’eau (en alternant Seine et Marne) et propose divers événements. Pendant ces fins de semaine, les visiteurs sont invités à partir en croisière, à assister à des spectacles, à suivre des parcours de promenade, ... Chaque nouvelle édition du festival présente une problématique liée à l’eau (crue, sécheresse...) ou bien son caractère universel, en mettant à l’honneur un fleuve dans le monde. Quelque soit le thème, la commission médiatrice de l’événement le présente de manière ludique et originale, en faisant intervenir diverses dimensions culturelles, dans les communes partenaires. Devant la crainte suscitée par les risques d’inondations - tels que nous les avons vécus en Juin dernier-, un tel événement permet de s’intéresser au fleuve et à la rivière, et d’apprendre à mieux les connaître. Les communes qui participent au festival et organisent des événements, le font de manière volontaire. Les espaces exploités pour les diverses activités ne sont donc pas nécessairement occupés d’une année sur l’autre. Ils offrent néanmoins des conditions favorables d’accueil du public (accessibilité, équipements, espace...), et ont un accès direct au quai
Ci-contre: Plan de localisation des événements de long de la Marne, lors de la saison 2015 du festival
Ci-contre: Le festival de l’Oh, associer le patrimoine culturel et la partimoine naturel Sélection d’affiches des saisons précédentes
Ci-dessous: Le village du festival à Ablon-sur-Seine, Mai 2016
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N
ŠDÊpartement du Val de Marne
EN BREF: Pour qualifier le Quai des carrières et sa place dans la ville, il est indispensable de questionner le rapport du «quai» avec l’eau. Bordé par un flux automobile, situé à proximité d’un tissu industriel gris, le quartier a vu les liens qu’il entretenait avec la confluence et en particulier avec la Seine se réduire et se détériorer. L’entité paysagère «Confluence» est présente, de fait, mais reste latente, en attente de valorisation. L’arrivée successive des infrastructures a estompé l’épaisseur de la confluence. Cette dernière se résume aujourd’hui à une juxtaposition de lignes dessinées par les différents flux. Ces lignes sont peu mises en lien: le coteau et le plateau sont donc d’autant plus mis à distance et échappent à la dynamique émergeante, avec le projet de la ZAC Ivry-Confluence.
Tous les éléments sont là pour faire émerger la polarité. L’enjeu est donc d’adopter un regard transversal, de la confluence à la ville et de part et d’autre du fleuve.
58
59
«[la discipline du paysage] sait jouer avec ces vides et tenter 60
de trouver un lien entre les éléments épars sans toujours faire appel au construit. Ainsi peut s’inventer une manière de relier les fragments urbains qui constituent la ville périphérique en se juxtaposant au gré des opportunités» Ariella Masbungi
IV] DANS LE QUARTIER DU QUAI DES CARRIERES : LA VILLE DU « BAS » Topographiquement marqué comme le « bas » de Charenton, ce quartier s’est développé autour d’activités regroupant une population ouvrière, alors que le haut de Charenton -le plateau- était davantage habité par des personnes aux professions et niveaux de vie plus confortables. Lors de plusieurs visites de site et d’échanges avec des passants et habitants, l’identité du Quai des Carrières est clairement ressortie: cette partie de la ville apparaît en négatif par rapport à la partie Nord de la ville. Une phrase prononcée par une habitante résume cela très simplement:
«c’est pas le haut de Charenton, vous savez».
Cette remarque est compréhensible à plus d’un titre: les habitants ne vivent pas de la même manière dans le haut et dans le bas de Charenton. Historiquement, le quartier est beaucoup plus pauvre et ouvrier. L’ambiance urbaine n’est donc pas la même que dans le nord de la ville. En outre, le tissu urbain du quartier, contraint par le relief et par les infrastructures, se différencie de celui du nord de la ville: l’espace public y semble globalement moins présent. Ces deux éléments restent actuellement deux indicateurs différenciant le nord et le sud de la ville.
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A)
« ce n’est pas le haut de Charenton» : Du quartier populaire au quartier « social »
Associé à des activités d’extraction minérale et à des activités portuaires ( liées à l’industrie légère), ce quartier était le lieu de vie et d’évolution d’une population pour la plupart issue de classe populaire. Le quartier était très animé, mais les logements y étaient très vétustes. L’ambiance qui y régnait était caractéristique de la vie ouvrière: les rues et le port fourmillaient au rythme d’une temporalité diurne importante. Des évènements populaires, comme la fête patronale ou la fête de la Saint Jean, s’y sont déroulés: les spectateurs s’installaient sur le quai et les rivages pour assister à des joutes fluviales par exemple. Le silence n’a donc jamais été une caractéristique du quartier. Comme Zola l’a décrit de nombreuses fois avec un grand réalisme, la vie ouvrière est souvent associée à un fort taux d’alcoolisme: le quai des Carrières a connu cette ambiance, avec les problèmes qu’elle engendre.
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Aujourd’hui, il ne reste rien de tout cela: plus de logements vétustes, l’activité portuaire s’est transformée. Les grands changements sociaux et surtout l’arrivée de l’A4, ont permis d’améliorer les conditions de vie*. Lorsque le projet d’aménagement de l’autoroute A4 est arrivé, il a été en quelque sorte l’élément déclencheur d’une vaste opération de rénovation urbaine. Le foncier y était bon marché, la ville y a donc aménagé une grande part de ses logements sociaux. Revenu médian, 2007
* [cf. première partie]
Ci-dessous:
Cartes extraites de La Confluence de Seine et la Marne, Diagnostic prospectif, réalisé par l’Atelier Parisien d’Urbanisme en 2011
Densité de la population, 2006
La rue des Carrières: une rue commerçante et des bâtiments en mauvais état
Le quai des Carrières particulièrement vulnérable aux inondations avant l’aménagement de l’A4
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B) Un quartier à la fois indépendant mais offrant des équipements attirant des usagers «du nord» et des villes voisines
«Un des problèmes les plus difficiles à résoudre pour la communauté française est celui de ce que l’on appelle aujourd’hui pudiquement «les cités» ou «les quartiers». Ces dénominations paraissent bien mal venues puisque leurs difficultés proviennent du fait que ces enclaves urbaines manquent précisément de tout ce qui caractérise un quartier ou une cité: commerces et services, monuments, lieux symboliques, etc.»
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Ce constat, fait par Pierre Merlin dans l’introduction de son ouvrage sur les Grands ensembles, trouve ici un exemple. Comme nous pouvons le constater sur la carte ci-contre, la grande rue commerçante de la ville se situe sur le plateau. Le bas de la ville est également doté de commerces, bien que dans une moindre mesure. Le quai des Carrières n’est pas non plus dépourvu d’équipements. Chaque génération, de manière générale, y trouve un équipement et des services qui lui sont associés. Certains équipements présents ont même une influence intercommunale, attirants des usagers à certains moments de la journée et/ ou de la semaine (établissements d’enseignement, équipements sportifs, médiathèque, etc.) Selon P. Merlin, l’absence de ces éléments explique l’absence d’ambiance de quartier. Ici, la rénovation urbaine liée au grand projet d’infrastructure a été malgré tout accompagnée d’une volonté d’offrir aux habitants des équipements et des services indispensables. Pourquoi la vie de quartier ne semble-t-elle pas exister ? Pourquoi le quartier semble-t-il plus «désert» à certains moments de la journée ? Pourquoi semble-t-il globalement moins animé que le nord de la ville ? L’autoroute ne joue pas en faveur de l’attractivité du quartier. De plus, comme nous l’avons vu précédemment, le dynamisme issu de la rencontre de différents moyens de transports et de leurs usagers est moins important. Du fait de la linéarité du quartier, aucun espace public ne permet la formation d’une centralité dynamique dans le quartier.
MERLIN P., Les Grands ensembles, Ed.La documentation Française, 2010, Paris
Un quartier bien pourvu en commerces et équipements
65
0
100
200
300
400m N
Services municipaux et sanitaires
Accompagnement de chaque génération
Equipements sportifs
Vie commerciale
Mairie
Crèche
Terrain d’athélisme/ sport en salle
Centre commercial
Maison des Associations
Etablissement scolaire
Terrain de football
Commerce de proximité
Médiathèque des quais
Maison de retraite
Mur d’escalade
Café / restaurant
Terrains de sports
Boulangerie
Centre médical
Centre-ville
C)
« Ce n’est pas le haut de Charenton»: une trame urbaine contrainte, des espaces publics moins présents
Le relief a été un des premiers éléments contraignant le développement du tissu urbain. Le quartier du quai des Carrières est parcouru de galeries souterraines, autrefois exploitées pour extraire le calcaire. Bien qu’elles ne soient plus exploitées et comblées pour la plupart, les carrières ont orienté l’urbanisation primaire de la ville.
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Par la suite, l’installation des équipements et infrastructures nécessaires au bon développement de la capitale et de la ville ont abouti au tissu urbain tel qu’on le connaît. Dans ce tissu, on observe une forte différenciation de la composition de l’espace public entre le nord et le sud de la ville. Au nord de la ville, les espaces publics sont concentrés en majorité dans le centre-ville et relativement diversifiés. Sur un tronçon de moins de 500 mètres sont rassemblés les espacesphare de la vie municipale: la place des écoles, des stations de transport en commun, une zone partagée commerçante, le parvis de la mairie et des équipements sportifs. Bien que la trame viaire soit dense, ces espaces plus ouverts, dynamiques et attractifs donnent une vie et une ambiance de grande place urbaine, sur laquelle on se rend, plus pour profiter de l’animation que pour être au calme. Laplace Aristide Briand, dans le centre-ville de Charenton : une place support de l’animation municipale tout au long de l’année.
B
Le nord de Charenton, bien desservi, rassemble les espaces centraux support de l’animation municipale
B’ B C C’
N Centre-ville
67
Jardins publics, squares Jardin collectif en intérieur d’îlot
0
100 200 300 400 m
La rue de Paris, axe majeur de Charenton, entre le pont et la capitale : les déplacements piétons y sont agréables et sécurisés
B 0 1
B’ 3m
C
C’
Dans la partie sud de la ville, le maillage viaire est nettement plus lâche, et, comme nous l‘avons évoqué auparavant, moins agréable pour le piéton. Le quai des Carrières à proprement parlé, axe majeur en terme de circulation de la ville, est bordé directement par un trottoir étroit par rapport à l’espace circulé. Les commerces et quelques entrées d’immeuble y débouchent immédiatement. (coupe).
68
Comme le regrette Alain Griotteray [précédemment cité], le quartier n’est pas pourvu d’un espace public structurant: l’espace central, polarisant n’est pas identifié aujourd’hui, comme l’est la place des écoles. Dans cette partie de la ville, les espaces publics, au sens strict du terme, sont moins présents. Par contre, on observe que les espaces collectifs, c’est-à-dire privés ou semiprivés sont plus nombreux et plantés pour la plupart. Situés aux pieds des barres et tours de logements, ils donnent au quartier une ambiance assez verte et renforcent l’échelle du piéton. Ainsi, par leur présence, même aux pieds des tours, les piétons ne sont pas «écrasés» par le gigantisme, à partir du moment où le couvert arboré joue le rôle d’«intermédiaire». Lors de mes diverses visites, j’ai été intriguée par deux éléments: une très faible utilisation de ces espaces et une juxtaposition, parfois immédiate [une grille les sépare], de certains d’entre eux. Situés à l’intérieur du mur anti-bruit constitué par le bâti, ces petits jardins publics ou privés sont plus silencieux. Tel est l’atout du square de la Cerisaie, que l’on assimile à l’espace public le plus «central» du quartier.
De vastes espaces ouverts que les habitants ne s’approprient pas, dans lesquels ils ne vivent pas
Des espaces juxtaposés mais non communiquant
Lors de la fête des voisins, fête qui rencontre un franc succès à Charenton, par sa convivialité et l’aide apportée par la municipalité et ses partenaires, certains espaces restent déserts bien qu’ils paraissent agréables de prime abord. Pourquoi les habitants ne descendent-ils pas? Que faut-il pour les habitants sortent de chez eux et passent un moment dans l’espace collectif, animant ainsi la rue ?
Une vie de quartier trop peu visible
Le sud de Charenton, moins desservi, rassemble une plus grande proportion d’espaces collectifs plus à l’échelle du quartier
F F’
E E’
N Jardins publics, squares Jardins privés mais accessibles Terrains de sport Jardins collectifs privés
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Placette/tronçon de ruecommerçante
0
100 200 300 400 m Les échelles sont juxtaposées, engendrant un malaise pour les piétons, les piétons ont une place réduite proportionnellement à la voiture.
E 0 1
E’ 3m
F
F’
Deux espaces transversaux entre ville et confluence : la question de la résidentialisation Comme nous pouvons le voir sur le plan ci-contre, les espaces collectifs sont situés «à l’abri» du mur habité, la gêne liée au bruit de fond est donc minimisée. Quelle est la raison pour laquelle les habitants des logements ne descendent pas, en fin de semaine ou bien pendant des temps festifs collectifs, dans ces espaces ? Socialement, et surtout actuellement, la crainte des autres, et de l’autre peut être un élément explicatif. La question de la sécurité revient depuis quelques années, dans les résidences, avec le phénomène de résidentialisation. « Ce néologisme qualifie le traitement, non seulement des logements, mais aussi de l’espace urbain environnant afin d’améliorer la vie quotidienne des habitants. Il a été appliqué surtout aux quartiers de logement social. La résidentialisation consiste à sectoriser les espaces (publics et privés) à redéfinir les statuts et les usages des différents espaces, ainsi que les modes de gestion de ceux-ci. Elle peut conduire à recomposer des quartiers pour faire émerger des résidences facilement appropriables par les habitants et les valoriser[...]. On en attend aussi une meilleure sécurisation et un embellissement.»
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Dans les Carrières, se trouve la résidence Bobillot-Henri Sellier, premier grand ensemble de la ville alors conçu comme une «cité jardin», autour notamment de l’escalier de l’ancien château de Conflans. Il y a quelques années, cet ensemble a fait l’objet d’un programme de résidentialisation mené par le bailleur Valophis, pour résoudre des problèmes de sécurité et de dérangement nocturne. Par ce programme, un accès piéton au quai des Carrières a été supprimé, augmentant l’ effet mur et bloc du quartier, en aval du quartier. Actuellement, en amont du quartier, on trouve un espace associé à une autre résidence, gérée par le bailleur Emmaüs Habitat. Dans le cadre de la rénovation urbaine du bâti de la résidence, un programme de résidentialisation est projeté. Lors de l’étude préalable, une servitude de passage a été identifiée à travers le jardin sur dalle au centre de la résidence. Bien que le bailleur et la mairie n’aient plus connaissance des raisons d’existence de cette servitude, on comprend son importance. Elle permet, en amont du quartier, le passage à travers le «mur». Elle offre un espace vacant (au sens de non bâti), et ouvert sur la confluence, offrant un potentiel lieu de repos, en retrait de la rue Victor Hugo et du bruit de l’A4. Bien qu’il soit peu emprunté cet espace constitue le repaire de certains jeunes, venant y manger leur pizza et passer un moment en dehors des cours, faute de trouver un autre endroit. Ces espaces peuvent devenir support de la vie de quartier. Certains, ouverts sur le quai, sont une sorte de «point d’accroche» du quai sur l’intérieur du quartier. D’autres, à l’intérieur du quartier présentent l’avantage d’être beaucoup plus calmes.
MERLI N P., CHOAY F. Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement «Résidentialisation»
Rue Paul Eluard
1
1
La résidence Bobillot-Sellier: des espaces de qualité, inaccessibles pour les non résidents
1 71
2
N 0
100 200 300 400 m La dalle Emmaüs : un espace technique à travers lequel le passage est possible, mais peu agréable
Quai des Carrières
2
EN BREF:
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De tous les entretiens que j’ai pu mener auprès des passants et des habitants, ressort au moins une chose. La nature du quartier tient en deux mots: «quartier social». Social ? En effet, les loyers y sont plus modérés et les logements y semblent très nombreux, de part la présence de grands ensembles. Peut-on néanmoins parler du quartier comme étant aussi un quartier sociable ? Favorise-t-il les relations ? Les observations de l’espace public et des espaces collectifs dans la ville de manière générale, et plus précisément dans ce quartier auraient plutôt tendance à renforcer l’impression d’absence d’animation. Où sont les habitants ? Leur arrive-t-il de sortir de chez eux ? Si oui, où se rendent-ils? Comment les usagers des équipements viennent-ils, comment en repartent-ils ? Pourquoi avons-nous cette impression de vide ?
Un enjeu majeur, pour renouveller ce quartier, est de favoriser la mobilité en mettant en lien les divers petits espaces, de rendre agréables les déplacements internes, et de proposer des espaces de rencontre. Ainsi, les habitants et usagers auraient plaisir à pratiquer les espaces et le quartier semblerait moins désert, donc plus vivant et attractif.
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V] une dynamique intercommunale pour un renouvellement urbain local
Vers le projet
Renouveller et redynamiser ce quartier nécessite une intervention qui soit durable. Il ne suffit pas uniquement de panser des plaies urbaines locales, mais d’intégrer le quartier dans une dynamique d’évolution, un cercle vertueux porteur d’améliorations. Cette démarche s’inscrit dans une perspective de renouvellement urbain que je qualifierai d’intercommunal: chacune des communes, Ivry et Charenton, participe plus ou moins indirectement au renouveau de son tissu urbain. Alors que Paris cherche une nouvelle identité, à travers les travaux sur le Grand Paris, je propose de fédérer les différents acteurs autour d’un projet fondé sur la valorisation d’une entité paysagère remarquable aux portes de la capitale: la confluence. Une énergie émerge sur la berge d’Ivry, avec l’aménagement d’un nouveau quartier, sur laquelle le quai des Carrières à une vue directe. Ce projet constitue une opportunité réélle pour retourner le quartier des Carrières vers l’eau, permettre la traversée de cette énergie vers Charenton et insuffler cette nouvelle énergie au quai. Ainsi un nouvel axe transversal et à l’échelle des piétons, de la confluence à la ville, organisera le quartier, favorisera les mobilités et permettra une augmentation des flux piétons et doux dans le quartier. Le projet de renouvellement que je propose au sud de Charenton prend donc appui sur ce grand programme d’urbanisation.
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Se rencontrer Se promener Traverser venir
Parc de la onfluence
0
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150
225
300m
N
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Le paysage de la confluence, support de renouvellement urbain Le quai des Carrières est le fruit d’une politique d’urbanisme adaptée à une époque, celle d’ après-guerre, celle au cours de laquelle la construction de logements était primordiale. Ce quartier se démarque du reste de la ville par son caractère figé. La mairie et les bailleurs cherchent à le faire évoluer. Je propose un élément de réponse en regardant au delà de l’axe qui cristallise la problématique. Ce paysage de la confluence, remarquable aux portes de Paris, est présent et sur le point de se révéler, grâce notamment au projet IvryConfluence.
Traverser // Venir
On comprend qu’une réponse centrée et limitée à une intervention sur le quartier ne peut résoudre l’entièreté du problème. Le paysage, l’environnement plus global offrent une opportunité de ré-activer une énergie dissipée et remplacée par le flux automobile: celle de l’activité et de l’ambiance fluviales. L’enjeu est alors bel et bien de faire participer le quartier à cette renaissance de la confluence comme entité paysagère à part entière. Pour cela je propose de considérer l’île Martinet comme une partie intégrante et intégrée du quartier. Il s’agit également d’inviter les Charentonnais-e-s, mais aussi les Ivryen-e-s, les Maisonnais-e-s et les Alfortvillais-e-s à rejoindre les autres rives de ce point de repère, d’aller au-delà des infrastructures.
Se promener // se rencontrer
Cette énergie insufflera une nouvelle dynamique. Mais pour que celleci «prenne» et atteigne réellement le quartier, il est nécessaire d’y favoriser la vie sociale dans le quartier, plus qu’elle n’existe aujourd’hui. L’enjeu est bel et bien de permettre aux usagers de se rencontrer, de se cotoyer davantage dans un espace public qui soit autre qu’une voirie monofonctionnelle . A ce titre, le quartier présente une qualité supplémentaire: il est composé de plusieurs espaces non bâti. Telle semble être la préoccupation actuelle en matière d’aménagement urbain. Le foncier se fait de plus en plus rare dans la ville. L’inventaire des espaces publics fait ressortir les espaces «de poche». Ce sont des espaces généralement de dimensions réduites mais importants pour le repos et la respiration en ville et de la ville. L’idée est alors d’adopter une stratégie pour les mettre en lien les uns avec les autres, pour proposer des parcours urbains et inviter les usagers à redécouvrir leur quartier.
N.B: Le plan du projet de la ZAC Ivry- Confluence tel qu’il apparaît est issu de travaux et d’études menées par des architectes-mandataires et validé par l’aménageur. Je prends en compte tel quel, sans y apporter de modification.
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SE PROMENER DE LA VILLE À LA CONFLUENCE : POUR UN QUARTIER RENOUVELÉ - LE PROJET -
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De l’enclave à l’entre-deux amorcer un renouvellement urbain: deux échelles d’action et de temps
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Moyen et long terme: Aujourd’hui le quartier constitue une sorte d’enclave au bord d’un fleuve autoroutier, mais également en surplomb d’une vallée fluviale et aux portes de la capitale. Ce projet propose de considérer le quartier comme un entre-deux plus que comme une enclave. Les projets d’urbanisation de la ville d’Ivry impulsent une énergie pouvant trouver un écho à Charenton par un projet de rénovation urbaine du quai des Carrières.
Inscrire le quartier dans son territoire et adopter un regard transversal passant par le quartier
Court terme
Le quartier dispose d’ espaces «intérieurs» peu appropriés par les habitants et résidentialisés pour certains. Pour animer le quartier la matière première est donc présente. Ce projet propose de dérésidentialiser les espaces et de les mettre en liens de manière à multiplier les itinéraires et les espaces de rencontre dans le quartier. exploiter les espaces existants, favoriser les mobilités dans le quartier
Pour un renouvellement urbain: divers outils Rénover le bâti Le bâti participe à l’ambiance du quartier. Le remembrement projeté de l’emprise RTE et la construction de logements à l’intérieur du quartier apporteront un premier renouveau, depuis l’intérieur du quartier. Moderniser la façade commerciale et les équipements (collège et port de Paris) du quai des Carrières constitue un point central dans le renouvellement du quartier depuis l’«extérieur».
Centre-ville
Diminution de l’emprise RTE - construction de logements Modernisation pour un renouvellement de l’activité économique du quartier Construction de nouveaux logements et rez-de-chaussée commerciaux (boulangerie, café) Modernisation des équipements publics: établissement scolaire et crèche
Dérésidentialiser et densifier les réseaux de mobilités Pacifier la circulation sur l’A4 et réduire les nuisances induites constituent un autre point central dans le renouvellement du quartier. Traverser l’autoroute ouvrira le quartier sur la Seine et sur Ivry, reliant également le haut de la ville au nouveau quartier d’Ivry. A l’intérieur du quartier, les nombreuses circulations douces amèneront les habitants et usagers des équipements à favoriser la pratique des espaces publics.
Centre-ville
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Aménager les espaces publics Le sud de Charenton manque d’un espace central fédérateur et polarisant. Le quai des Carrières présentent des espaces à l’échelle adaptée à ce type d’espace. Aménager des espaces centraux insufflera un dynamisme nouveau. Exploiter les espaces vides ou sousutilisés en favorisant l’appropriation par les habitants Mettre en lien ces espaces permettra la création de nouveaux itinéraires dans le quartier.
Place de la Cerisaie
Place de la conFLuence
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Plan Masse
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Place de la Cerisaie : une nouvelle polarité urbaine Une place urbaine: de multiples usages
Associée au collège de la Cerisaie et à la médiathèque intercommunale, la place de la Cerisaie est le prolongement «à l’intérieur» du quartier de la dynamique impulsée par la confluence. Elle présente les dimensions adaptées pour accueillir des activités municipales et une ambiance plus calme lors des heures creuses. L’échelle locale que présente le square actuel, et pour laquelle il est apprécié, est conservée et soulignée par l’aménagement d’un espace central à l’accès pacifié. Les piétons et cycles y ont une place importante, par la diminution du nombre de stationnements.
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B 0
Parvis du collège 3
6
9m
Zone de rencontre
place
Parvis du collège Boulangerie Aire de jeux
Sorties d’école - du collège
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bosquet / aire de jeu, de repos
acces en pente douce
B’
Une place, plusieurs ambiances pour chacun des usages
La place de la Cerisaie conserve ce caractère de «bosquet», existant aujourd’hui. A cet espace plus «intime» apprécié des familles, est associé un espce de l’ordre du parvis, plus ouvert pouvant accueillir un marché hebdomadaire et des activités municipales. Lors de ces derniers, la rue traversant le parvis est piétonisée, offrant un espace d’un seul tenant. La rénovation du collège et des logements y faisant face permettent de faire émerger cette forme de place. Deux commerces (boulangerie et café), en rez-de-chaussée du bâti en angle de la place offrent une présence et une activité tout au long de la journée au rythme des divers équipements.
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A
espace libre pour la circulation piétonne
Terrasse
place
Aire de jeux
Heures creuses - calmes
Terrasses Assises
Zone e x pour d ploitable es bro cantes
Passage piétonisé lors de brocantes
Jours de marché
zones de déchargement potelet sécable / borne escamotable
ou événements municipaux
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Zone de rencontre
Trottoir d’accès aux logements
A’
Place des confluences une place bien desservie
Le nord de Charenton est desservi par le métro, et ouvert sur le bois de Vincennes. Le sud de la ville et particulièrement le quartier du Quai des Carrières est bordé par l’axe privilégié menant vers Paris: la Seine, longée par un chemin de hallage permettant de rejoindre le centre de la capitale vélo, en 20 minutes. Comme le montre le plan suivant, le carrefour central du quai des Carrières présente un potentiel majeur en terme de mobilité à l’échelle de la capitale mais aussi à l’échelle des communes de la première couronne parisienne. Pour faire émerger ce potentiel, le projet propose le prolongement de la passerelle aux câbles - et sa remise en état-, permettant d’accroître l’accessibilité du quartier et de ses équipements depuis la ville de Charenton et depuis Ivry. Le carrefour devient alors un nouveau pôle pour la commune, et une place à la géométrie particulière: allant des façades de l’imposante façade du quartier, au quai à proprement parlé.
88 Bois de Vincennes Charenton centre ville-metro 10 min Station Pont Nelson Mandela TCSP Paris-Marne-la-Vallée 10min
Station Pont de Charenton TCSP Paris-Marne-la-Vallée 10min
Paris 20min
Station Voguéo envisagée à long terme Ivry-metro 10 min
Arrêts de Bus P
Stationnements
Station V’lib
Intégrer le port dans une dynamique
Charenton St Maurice
urbaine MAisons-Alfort
La ville a perdu progressivement les liens avec son port. Ce dernier est aujourd’hui consacré à des activités de stockage, profitant de sa localisation provilégiée aux portes de Paris. Les équipements sportifs et la piste cyclable sont les seuls éléments attractifs du quai, n’encourageant pas les usagers à venir au bord de la Seine profiter de paysage pourtant remarquable de la confluence. Dans un tissu si densémeent urbanisé et si bien exposé, un parcelle en bord d’eau telle que celle du port de Charenton présente un potentiel en terme d’activité et d’ambiance urbaines. A l’heure où le Port Autonome de Paris projette le réaménagement de certaines parcelles plus en amont, le projet propose de déplacer les activités de stockage dans le port de Vitry, et d’exploiter le port de Charenton pour des activités tertiaires et de loisirs.
Alfortville
VItry sur Seine
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0
25 50m
projet de réaménagement en cours
- HAROPA
une place traversante : confluence d’échelles, confluence d’ambiances
Orientée à la fois vers la Seine et vers la place de la Cerisaie, la place des Confluence présente une géométrie atypique, faisant cohabiter des ambiances diverses. Pacifié et sécurisé sur un plateau surélévé, l’axe du quai des Carrières reste un axe passant, à proximité de l’autoroute A4, elle aussi passante, bien que réorganisée. Sa location «en bordure de ville» en fait un axe périphérique, tout en offrant des commerces de proximité et un bâti renouvelé. Le projet lui donne une nouvelle urbanité, adaptée au mode de vivre en ville aujourd’hui, c’est-àdire en redistribuant l’espace au profit des circulations douces et usages locaux. La passerelle construite dans le prolongement de la passerelle aux câbles permet le passage au-dessus de «l’avenue métropolitaine»* et l’accès à la Seine et au chemin de hallage. La partie fluviale de la place, ouverte vers la confluence, redonnant à la ville un accès à l’eau.
* expression employée par l’équipe de TVK dans l’étude de faisabilité de reorganisation de la circulation sur l’autoroute A4 [voir en annexe]
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piste cyclable Trottoir Accès en site axe automobile terrasses à la passerelle propre 0
1
3
Boulevard métropolitain Province-Paris
TCSP
Boulevard métropolitain paris-province
6m
Ambiance urbaine / echelle locale
Ambiance routière // Echelle régionale-nationale Réaménagement de l’autoroute A4 : projet esquissé par TVK/Leclerc/TER Restauration, ré-aménagement et prolongement....
pour la troisième mi-temps et occuper les parents
pour
la tr oisi m i et oc -temps ème cuper les p arent s
pour
la tr oisi m et oc i-temps ème cuper les p arent s
présen Galer tation ies s inté rieure s Zone d’exposition d’événements (jeux, spectacles, ...)
Stationnements
Promenade au Parc de la Confluence 5 min
Festival de l’Oh !
jours de match
Espace polyvalent voie de service (loisirs, télétravail...)Terrasse
quai
Ambiance Quai de Seine // Echelle intercommunale ... de la passerelle aux câbles: concours proposé dans le cadre du dîplome
Le quai du port de Charenton est rendu accessible aux piétons et cyclistes. L’activité portuaire est remplacée par une activité redonnant une urbanité à l’île Martinet: espace de télé-travail, café, salle de jeu. Non loin du collège, des terrains de sports, et des commerces le port est idéalement situé pour permettre aux jeunes de «traîner» après leur journée de cours, ou de se donner rendez-vous en fin de semaine pour passer un moment ensemble. C’est ce que leur permet les locaux de l’espace jeune situé plus loin dans le quartier. Ainsi, ils disposeront d’un espace supplémentaire qui leur est dédié.. Les places de stationnement aménagées entre la passerelle et les terrains de sports permettent d’absorber le stationnement désordonné des parents et usagers des terrains de sports en fin de semaine et lors de rencontres sportives. Ainsi les accès sont dégagés, et l’espace mieux réparti. Lors d’événements tels que le festival de l’Oh, le stationnement peut maisser place à des manifestations diverses et variées (kermesse, lieu d’exposition, scène de concert/spectacle...) profitant de la confluence, point emblématique part rapport à la thématique d’un tel événement.
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Niveau de la Crue 2016
quai
0
1
3
6m
Terrasse
espace de loisirs [bar, salle de jeu, salle d’exposition, salle de télétravail...]
Références L’abaissement progressif du quai du port de Charenton permet un rapprochement bien orienté par rapport à l’eau (le port est exposé plein Sud) . Il constitue également une anticipation à l’aménagement d’une halte de batobus [voir le quai François Mauriac, en référence] desservant le centre de Paris. Située à la confluence, cette halte permettrait de desservir Ivry et Charenton, voire également MaisonsAlfort et Alfortville.
Un quai urbain offrant des activités/services cuturels - Quai de la Loire (Paris 19eme)
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Un quai urbain offrant des activités/services cuturels - Quai de la Loire (Paris 19eme)
voie de service [sans issue]
Accès à la passerelle : escalier et ascenseur
Boulevard métropolitain [anciennement A4]
Escalier et station Vogueo Quai François MAuriac (Paris 13eme)
Conclusion Aujourd’hui, le quartier se situe à proximité d’espaces sur lesquels se posent des questions de transformation spatiales aux stades d’étude ou même de réalisation: Ivry, dont le projet de ZAC est bien défini, et avance progressivement, et de l’A4, dont la question est celle de sa transformation en boulevard urbain. J’ai donc pris le parti de m’appuyer sur ces deux projets : en effet, l’aménagement de la ZAC Ivry-Confluence s’inscrit dans le contexte paysager de la porte de paris, en ouvrant un grand parc urbain sur la confluence, donc vers Charenton. De cette manière, s’installe une sorte de relation entre le nouveau quartier, le parc, et le bois de Vincennes, principal parc à l’échelle de l’agglomération parisienne, à l’Est. La question est alors de savoir ce qu’il va se passer dans l’entre-deux, et donc à Charenton. Comment Charenton peut-elle et comment va-t-elle profiter de cet aménagement, de cette énergie nouvelle qui émerge entre deux polarités ? L’enjeu est bel et bien de faire traverser cette énergie et de favoriser sa diffusion dans le tissu charentonnais.
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Restaurer la traversée de la Seine via la passerelle aux câbles et permettre son prolongement après le futur boulevard urbain: tel est l’axe majeur du projet. Le long de ce dernier, le ré-aménagement des espaces publics et le renouvellement urbain sont la traduction de la mise en valeur de ce paysage remarquable de la confluence, et le moyen de tourner la ville de Charenton vers ce dernier. Ainsi, les Charentonnais et tous les usagers seront plus à même de se promener, de la ville à la confluence, au milieu des infrastructures.
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Quartier de la Confluence Projet en cours Prolongement et restauration de la passerelle aux câbles
Proposition dans
Réaménagement du port de Charenton Proposition dans
le cadre du diplôme
le cadre du diplôme
déclassement de l’autoroute A4
Etude réalisée
Bibliographie MASBUNGI Ariella (dir.), Penser la ville par le paysage, coll.Projet Urbain, Editions de la Villette, 2002, Paris POUSIN Frédérique, «La création de paysage au risque de l’urbain», dans Les Annales de la Recherche Urbaine n° 85, 0180-930-XII-99/85/p. 32-41
Grand Paris Atelier Parisien d’Urbanisme, Une petite synthèse du grand pari(s) de l’agglomération parisienne, coll. ParisProjet n°39, 2009 GUILLOT P., André Morizet, un maire constructeur dans le Grand Paris, Creaphiseditions, Coll. Lieux habités, Vérone (It), 2013
Ville, infrastructures et Mobilités Espaces publics en ville, dans Annales de la recherche urbaine, no 57-58, décembre 1992-mars 1993, 240: ill. ; bibliogr.
96
GRILLET-AUBERT A., GUTH S., Transport et architecture du territoire, Recherche: état des lieux et perspectives, Ed. Recherches/Ipraus, Paris, 2002 Revue Urbanisme n°346, Janvier-Février 2006 Revue Urbanisme n°347, Mars-Avril 2006 «La marche urbaine : un enjeu de mobilité à l’échelle de la métropole», article publié sur le magazine web midi:onze, le 30 mars 2016 [http://midionze.com/actualites/marche-urbaine-enjeu-mobilite-alechelle-de-la-metropole/] VODOZ L, PFISTER GIAUQUE B, JEMELIN C, Les territoires de la mobilité L’aire du temps, Ed. Presses Polytechniques et Universitaires romandes, Lausanne, 2004
Banlieue et ville PAQUOT T., Banlieues : une anthologie, Lausanne (Suisse) :Presses polytechniques et universitaires romandes copyright 2008
Historique POISSON G., Charenton le Pont, cinq mille ans d’histoire, Ed.Albatros, Paris 1982 FERRE Max, Charenton le Pont, Pierre Jean Mathan, Paris, 1971
La Seine AUDUC A. (dir.), La Seine en Amont de Paris, Inventaire Général du Patrimoine Culturel, Région Ile de France Atelier Parisien d’Urbanisme, La confluence de la Seine et de la Marne, Diagnostic Prospectif, Janvier 2011
L’autoroute A4 GRECO B. , «L’A4, future avenue urbaine en Ile-de-France ?», dans Traits Urbains, n° 71, Novembre 2014.
Urbanisation/ Rénovation urbaine/Grands ensembles Atelier Parisien d’Urbanisme, Les îlots de chaleurs urbains à Paris, Cahiers #1 et #2, 2014 BURGEL G., Histoire de l’Europe urbaine : Tome 6 : La ville contemporaine après 1945 Broché, 2012 MERLIN P., Les Grands ensembles, Ed.La documentation Française, 2010, Paris MERLIN P., Des grands ensembles aux cités, l’avenir d’un utopie, Ed.Ellipses, 2012, Paris PINOL J-L., WALTER F., Histoire de l’Europe urbaine : Tome 4, La ville contemporaine jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, Poche , 2012
Documents règlementaires PLU Charenton PADD Charenton PPRI Charenton
Archives municipales :
Bulletins officiels municipaux ( de 1945 à aujourd’hui) Documents graphiques : plans, photographies, photos aériennes
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Annexes
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Annexe 1: Travail de réflexion avec un groupe de jeunes,
Mots écrits par les jeunes pour décrire leur quartier
(classement personnel)
sur leurs vécus dans le quartier ciale o s e c n a et les rêves qu’ils ont pour leur quartier L’ambi Riche
Connaissant l’existence de l’Espace Jeunesse de Charenton, sur le Mixité e quai des Carrières, j’ai très vite envisagé inclure dans ma démarche de réflexion Pareilll iance une rencontre spécifique avec les jeunes. Ces derniers ont une perception fort intéressante de la ville, de leur quartier et de l‘espace public. Ce dernier constitue leur premier espace de liberté, en dehors de chez eux/de leurs parents et différent des espaces dans lesquels ils sont cadrés (collège, lycée…). «[...] L’enfant est un « chercheur d’hors ». Pour grandir en lui-même et par luimême, il doit sortir de son propre corps, de sa chambre, de sa famille, de son école, de son quartier, il doit aller voir ailleurs s’il s’y trouve ! [...] J’en appelle au terrain d’aventures qui offre à chaque enfant un territoire de jeu avec des arbres, des dénivelés, un ruisseau, des haies, des stères de bois, des cachettes, une vieille carcasse de voiture, etc. Là, il invente des histoires avec ses copines et copains. Là, il est au contact des quatre éléments – la terre, l’air, l’eau et le feu – et en saisit la dialectique interne.»*
100
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*Paquot T., «Condition humaine, condition urbaine…», dans Le Monde
Initialement mon projet était d’organiser une promenade avec les jeunes, en partenariat avec les animateurs de l’espace jeunesse. L’objectif était de faire s’exprimer les jeunes sur ce qui constitue le patrimoine immatériel du quartier, ce qui selon eux, n’y fonctionne pas. J’attendais également de ces échanges des éléments complémentaires sur la compréhension du quartier. Peut-être
ntre
usages ,
renco lieux de
c leur imagination débordante me donnerait-elle des indices pour comprendre Par de quelle manière ils rêvaient de vivre dans leur quartier.
éos
Jeux vid
adolescents, à l’espace jeune. J’ai été étonnée à plus d’un titre : - les 8 jeunes se sentent globalement bien dans leur quartier, en sécurité.
ercy 2]
ercial B
re comm B2 [Cent
Pour des questions organisationnelles, j’ai partagé une heure avec 8
ALDI
- le quartier tel qu’ils le décrivent a un tracé auquel je ne m’attendais pas. Ke centre du quartier qu’il m’ont décrit se trouve autour de l’espace jeune. - les jeunes désirent assez peu de changement : ils aimeraient seulement avoir davantage de «choses à faire» le week-end».
J’ai donc mesuré l’importance de l’espace jeune, comme lieu de rencontre et d’activités. Le développement d’un lieu de vie pour les jeunes à un autre endroit dans le quartier donnerait certainement de l’épaisseur au quartier et permettrait d’accroître son dynamisme.
Bus
ents
lém autres é Calme
Banque
Le quai des Carrières selon les jeunes: où
vont-ils
Bercy 2
? quels sont les points de repères du quartier ?
Liberté
Jardin du Cardinal Richelieu
Bois de Vincennes
Parc de l’archevéché Charenton-Ecoles Monoprix Arcades
Ivry Equipements pratiqués Commerces visités banques - nombreuses dans le quartier LOgements des jeunes interrogés ALIAJ - Espace jeunes
0
Axes empruntés à pieds Bus - Ligne 109 (pour aller au métro) Bus - Ligne 24 Métro ligne 8 250 500
101
750
Ce dont rêvent les jeunes dans leur quartier...
1000 m
N
Cinéma Restaurants Commerces, Fast Food(KFc®, Chicken food, Tacos...) Base de loisirs Parcs Espace couvert Colorer les bâtiments
Annexe 2: D’un urbanisme de zones à un urbanisme de flux Grand prix de l’urbanisme 2005, Bernard Reichen nous livre ici ses réflexions sur une articulation entre la problématique des mobilités urbaines, les évolutions sociétales contemporaines et l’intervention sur les grands ensembles. Une incitation à penser la rénovation urbaine dans le cadre des flux de la “ville territoire”. La question de la mobilité ne se réduit pas à celle des déplacements. Elle doit se comprendre maintenant comme le premier révélateur d’une évolution des modes de vie plus forte que jamais dans toute l’histoire des villes. Pour évoquer une telle dynamique et la façon dont un projet localisé peut la prendre en compte, on peut considérer la mobilité comme une équation à établir entre des usages (comment et pourquoi une population se déplace et quelles sont ses aspirations pour l’avenir), des moyens (quelle sont la situation et l’évolution prévue des infrastructures et de l’offre de transport) et des espaces (comment sont organisés les fonctions urbaines et les lieux de sociabilité au regard des réseaux de déplacement, et comment ces dispositifs vont influer sur les usages). On peut ajouter à ces critères la notion plus générale de “mise en mouvement” des territoires refermés sur eux-mêmes.
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Dans le cadre particulier de la rénovation urbaine, la relation entre mobilité et mobilisation est essentielle. Comment, par exemple, un concept de mobilité et la dynamique d’un grand chantier d’infrastructure peuvent-ils “induire” des décisions urbaines touchant d’autres domaines comme l’emploi, l’éducation ou les loisirs ? “L’effet tramway” est le premier exemple évident d’un tel urbanisme induit. Il préfigure l’idée d’un urbanisme de flux. En élargissant le champ de vision d’un grand ensemble à une échelle territoriale, on peut aussi sortir de l’idée réductrice de la “réparation” pour mettre en évidence les hypothèses de transformation urbaine par lesquelles ces cités pourront trouver leur place. Ce n’est pas le catalogue des dysfonctionnements qui sera mis en avant, mais bien celui des ressources urbaines et humaines d’un territoire donné. Comment fonctionne cette “ville de la mobilité” ? Dans un premier état des lieux, on peut d’abord constater que le droit à la mobilité est le fait social le plus évident dans les villes de la seconde moitié du xxe siècle. C’est en tout cas celui qui a l’impact le plus important sur la façon de penser l’urbanisme. Il correspond à deux facteurs d’évolution simultanés : l’extension et la métropolisation des villes, et l’individualisation de la société. Au regard de ces transformations, on peut maintenant constater que les grands ensembles constituent en quelque sorte un “contretemps” dans l’histoire de la ville. Sous la pression des nécessités de l’après-guerre et sous l’influence des hypothèses du Mouvement moderne, l’espace des villes a évolué alors plus vite que la société elle-même. Le “zonage urbain” conçu pour les besoins d’une société industrielle a mis en œuvre un couple grands ensembles/bassins d’emploi en figeant dans l’espace l’hypothèse d’une société du plein-emploi.
L’effondrement rapide du tissu industriel a très rapidement rompu l’équilibre de ce pacte urbain et a mis en évidence les lacunes d’une ville “hors les murs”, conçue sans autres principes de continuité que cette relation habitat/travail. Faut-il pourtant quarante ans plus tard continuer à faire le procès de Le Corbusier, comme si nous avions la capacité ou même la possibilité de renouer avec les hypothèses de la ville historique ? Après des décennies de laisser-faire qui ont produit l’étalement urbain sans résoudre la question des grands ensembles, ce débat me semble incongru. Contrairement à ce qui se passait dans les années d’après guerre, c’est maintenant la société qui évolue plus vite que l’espace, et c’est à ce paradoxe que va devoir répondre l’urbanisme contemporain. Un fait nouveau qui change le regard que l’on peut porter sur la ville et donc sur les grands ensembles. Dans toute l’Europe, mais aussi en France, grâce aux vertus de l’intercommunalité, se développent maintenant les hypothèses d’une “ville territoire” explorant les conditions de maîtrise et de développement du puzzle urbain complexe qui compose nos métropoles. À la “ville de la proximité” qui peut rendre compte des espaces de la ville ancienne comme d’ailleurs de ceux des grands ensembles (même si beaucoup d’équipements prévus dans leur conception d’origine n’ont pas été réalisés) s’ajoute maintenant la notion de “territoires d’échanges” aux contours plus flous, mais qui correspondent pourtant aux besoins et aux pratiques réelles d’une population. Dans ces “secteurs d’enjeu”, une charte des mobilités pourrait permettre non seulement de bâtir une politique de déplacements, mais aussi de promouvoir de nouvelles chaînes d’espaces et une nouvelle distribution des fonctions urbaines. Ce mode d’action comme ces échelles d’intervention sont les chaînons manquants d’un urbanisme toujours centré sur l’idée de zone. De la ZUP à la ZAC ou à la ZEP, comme dans l’organisation en champs disciplinaires, les notions de flux ou même de transversalité des actions pénètrent difficilement dans le projet urbain. Le “plan Marshall” tel qu’il est conçu actuellement pour intervenir sur les grands ensembles est par nature le déclencheur d’un processus tourné vers l’avenir et vers de nouvelles pratiques. Après un quart de siècle de politique de la Ville, cette “territorialisation” du propos est une chance nouvelle pour les grands ensembles car elle met en évidence, au-delà de la question de la forme urbaine, la grande diversité des situations et donc des hypothèses d’aménagement concernant ces sites en difficulté. Deux objectifs prioritaires peuvent sous-tendre cette action : • Réinventer la mobilité ou plutôt le rapport entre les visions statiques et dynamiques de l’espace urbain, tout en construisant une politique environnementale cohérente, est l’objectif prioritaire pour concevoir un cadre de vie contemporain. C’est celui d’une “éco-mobilité”, répondant à une politique de développement durable. • Équilibrer ces territoires et maintenir les vertus d’une “ville partagée” sont les enjeux pour éviter les écueils liés à une fragmentation naturelle des espaces métropolitains, qui peut se traduire facilement en ségrégation sociale.
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Bernard Reichen, Urbanisme, n°347, Mars-Avril 2006, p.43-45
Annexe 3 - A4: L’ autoroute métamorphosée Une étude sérieuse préconise de transformer les 35 premiers kilomètres de l’autoroute A4, où transitent 250.000 véhicules par jour, en «avenue métropolitaine». Révolutionnaire? Ils veulent «pacifier» les autoroutes d’Île-de-France, les transformer en «boulevards urbains» et Photos ci-contre chambouler les habitudes. La métamorphose commencerait par l’A4, sur une quinzaine de kilomètres, Extraites de l’étude de faisabilitéentre la porte de Bercy (Paris) et Champs-sur-Marne (77). Une équipe d’architectes urbanistes, emmenée TVK- réalisée en 2014 par François Leclercq, vient de finaliser une très sérieuse étude de faisabilité, intitulée «Reconquête de dans cet ordre: l’A4, vers une avenue métropolitaine». Ce travail a duré vingt-quatre mois, il a été présenté la semaine - Axonométrie de principe dernière à ses commanditaires. Il a été réalisé pour le compte de l’Association des collectivités territoriales - Etat Actuel de l’Est parisien (Actep), qui regroupe quatorze communes traversées ou bordées par l’A4. «Cette portion d’autoroute est l’une des plus encombrées de France, voire d’Europe, à égalité avec le périphérique. Plus - Evolution de principe à court-terme -Evolution de principe à long terme de 250.000 véhicules y circulent chaque jour. On peut dire qu’elle a un goût de bouchon très prononcé», dépeint François Leclercq. «Ces idées peuvent s’appliquer aux autres autoroutes» L’idée avancée consiste, dans un premier temps, à limiter la vitesse de circulation à 50 km/h au sortir de Paris, du côté de Charenton, Saint-Maurice et Joinville (94) ; puis à 70 km/h ; 90 km/h… et ainsi de suite. En s’éloignant de la capitale, l’autoroute de l’Est recommence peu à peu à ressembler de nouveau à une autoroute, progressivement, jusqu’à Marne-la-Vallée et Disneyland (77). L’étude propose de réserver une voie centrale en double sens aux bus, aux taxis et au covoiturage (trois personnes au minimum par véhicule, contre 1,1 en moyenne aujourd’hui). Huit lignes de bus «A4 Express» seraient spécialement créées. Elles seraient dotées de trois «stations connectées» au milieu de l’A4 – avec «pôles de rabattement» – accessibles aux habitants et salariés par des passerelles piétonnes. Pour compenser la perte d’une voie de circulation dans chaque sens (la file de gauche), la bande d’arrêt d’urgence pourrait être ouverte aux voitures aux heures de pointe. Cela est rendu possible grâce à la réduction de la vitesse, qui permet de rétrécir la largeur de chaque file. Le trafic serait donc ralenti mais aussi fluidifié.
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Selon François Leclercq, ce dispositif – assorti de la création de quelques parkings relais – permettrait de transporter 25.000 personnes supplémentaires sur cet axe tout en réduisant le nombre de véhicules individuels de 25.000 (– 10 %). L’opération ne coûterait que 30 millions d’euros. «L’équivalent de 2 km de tramway ou de 250 m de métro Grand Paris Express», précise-t-il. Surtout, elle peut être mise en œuvre très rapidement : «Un an de chantier après le top départ.» L’architecte urbaniste estime que, pour toutes ces raisons, le projet a «de grandes chances» de se concrétiser. Les collectivités locales y sont favorables, dit-il. «Ce n’est pas un fantasme d’architecte. C’est un plan B pour le Grand Paris en matière de transport, qui ne nécessite pas de débourser des milliards et de patienter vingt ans. De plus, nos propositions peuvent s’appliquer à tous les tronçons d’autoroute en zone dense. Ça marche partout!» Mais l’idée ne plaît pas à tout le monde. Pierre Chasseray, délégué général de l’association 40 Millions d’automobilistes, n’est pas séduit : «Ils sont devenus fous. Limiter la vitesse à 70 km/h sur une deux fois quatre voies, c’est délirant. On est en train de créer de nouveaux otages : ceux qui passent deux ou trois heures par jour dans leur voiture. C’est très bien de développer des transports en commun, mais pas au détriment des automobilistes. On ne va pas se laisser faire!» À l’inverse, le premier vice-président de l’Actep (commanditaire de l’étude), Jean-Pierre Spilbauer, maire DVD de Bry-sur-Marne, compte beaucoup sur la concrétisation de ce projet. «Les habitants en ont marre d’entendre dire que le nœud A4-A86 forme le plus gros bouchon d’Europe sans que rien ne se passe.» Il cite des exemples de transformations réussies d’autoroutes urbaines, à Madrid, Istanbul ou Atlanta. «Il faudra une loi pour déclasser l’A4 en avenue entre Paris et Disneyland. Ce n’est pas compliqué, c’est une question de volonté politique. Nous comptons aussi sur la Région pour s’emparer de l’étude», ajoute-t-il. Cent hectares récupérés pour des logements et bureaux Dans un second temps, la transformation de l’A4 peut «monter en puissance». Le long de la Seine et de la Marne, l’effacement de l’autoroute autorise l’aménagement des berges sur le modèle de ce qui a été fait à Paris, avec promenades et animations au bord de l’eau. Ici, des franchissements de l’autoroute pour les piétons pourraient relier les fleuves à la ville. Plus loin, entre Champigny et Champs-sur-Marne, en passant par Bry, Villiers et Noisy-le-Grand, les architectes urbanistes imaginent, à long terme, des contre-allées de part et d’autre de l’A4 «apaisée». Ce segment – qui borde déjà quelques grands programmes urbains comme le cluster Descartes – pourrait être largement urbanisé. «Dès lors que ça roule mieux et moins vite, on peut bâtir sur les débords et ériger des passerelles.» Quelque 100 hectares pourraient être dégagés pour construire des logements, des bureaux, des commerces et autres équipements publics ; soit environ deux millions de mètres carrés. «Ils seraient les bienvenus au moment où on recherche du foncier désespérément», sourit François Leclercq.
Article de Bertrand Gréco, pour le Journal du Dimanche du Dimanche 29 juin 2014
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Annexe 4 -La marche urbaine : un enjeu de mobilité à l’échelle de la métropole Depuis une quinzaine d’années, la marche en ville suscite de nouveau un engouement. De nombreuses associations et collectifs s’emparent de la marche pour proposer balades et explorations. A l’heure de la métropolisation, la marche devient un véritable enjeu de mobilité pour l’aménagement urbain. Des initiatives pour promouvoir la marche urbaine Après une première expérience à Paris, Fanny Rahmouni décide de développer l’expérience de la marche urbaine à Nantes lorsqu’elle déménage. Cette jeune urbaniste lance ainsi en 2015 le collectif « Les Explonautes » qui se veut informel et expérimental. « Aujourd’hui, nos marches rassemblent près d’une cinquantaine de personnes venues d’univers assez différents, estime la jeune femme. Nous avons proposé un cycle de marches autour de la Loire au moment des réflexions sur la métropole nantaise. Marcher est une manière de retrouver l’échelle humaine au sein de grands systèmes métropolitains et de travailler sur l’identité des territoires. » Comme pour les marcheurs du Voyage métropolitain (Lire notre interview), l’idée est bien d’aller sur des territoires diffus, dévalorisés ou du moins non habituels dans le tourisme classique afin d’appréhender la métropole d’une autre manière, et de reconnecter les espaces entre eux.
106 Dans la même dynamique, les Promenades urbaines ont lancé en 2011 avec l’association étudiante A Travers Paris « Les promenades du Grand Paris » dans une volonté de mieux envisager la nouvelle métropole et ses problématiques. « Les questions d’identité et d’appartenance, l’immigration ou les transports constituent des angles d’approche pertinents pour réaliser nos marches », souligne Emilie Bierry, paysagiste dplg et directrice des Promenades urbaines. Cette association collabore avec la Société du Grand Paris pour la mise en place de promenades. En mai prochain, deux promenades seront organisées dans le cadre de l’exposition « Les passagers du Grand Paris Express ». Ces initiatives illustrent une tendance bien réelle, qui semble aussi intéresser les pouvoirs publics. Car l’enjeu est bien, au-delà de ces expériences associatives menées le plus souvent par des professionnels de la ville et de l’urbanisme, de faire basculer une démarche occasionnelle vers une pratique de mobilité quotidienne pour des déplacements de proximité. « Après un premier mouvement de piétonnisation dans les centres villes au début des années 1970, on constate une seconde vague d’engouement fort en France depuis 2008. C’est une tendance internationale. Les pouvoirs publics s’en préoccupent pour des raisons de santé publique et de climat », explique Sonia Lavadinho, experte en mobilité et développement territorial. En avril 2006, le gouvernement a lancé à l’instar d’autres pays européens, notamment
la Belgique, une réflexion autour du Code de la route. A l’occasion du Grenelle de l’Environnement, la démarche devient participative. Des objectifs de partage de l’espace public, de sécurité renforcée et de développement des alternatives aux déplacements automobiles vont conduire à l’adoption du nouveau code de la rue en 2008 qui introduit et de nouvelles règles d’aménagement des voiries urbaines [...]. La marche à l’échelle de la métropole Reste que ces aménagements en faveur des piétons demeurent le plus souvent confinés à l’échelle du centre et des quartiers historiques des villes. Dans le cadre de son développement métropolitain, Strasbourg a lancé un plan piéton « Strasbourg en marche » sur la période 2011-2020. Le diagnostic a révélé un véritable « archipel » de quartiers «marchables » dans un vaste espace motorisé avec des coupures urbaines importantes du fait de nombreuses infrastructures ou voies d’eau. Ainsi, l’objectif de la communauté urbaine est de renforcer l’usage de la marche à pied en intermodalité au-delà de 2 kilomètres. Pour Sonia Lavadinho, « l’enjeu est l’articulation vitesse/urbanité. Au XXe siècle, on voulait aller vite et loin, au XXIe siècle, le défi de l’échelle métropolitaine, c’est de pouvoir offrir de la proximité dans un territoire de la vitesse et de permettre de la vitesse dans un territoire de la proximité ». A Paris, l’aménagement de l’espace métropolitain et la politique locale de l’habitat seront à l’horizon 2017 une compétence de la toute nouvelle Métropole du Grand Paris qui a vu le jour le 1er janvier 2016. Comment à l’échelle de la métropole connecter les communes entre elles ? « Le passage de compétence de l’espace public de la commune à la métropole suscite de nombreux enjeux, rappelle Sonia Lavadinho. Ce changement d’échelle est très intéressant : comment va-t-on connecter les mobilités entre elles ? La marche est le pivot de la ville multimodale. Faire une politique métropolitaine est compliqué car les territoires sont très disparates avec des communes très monofonctionnelles (dortoirs, de liaison, etc.). Il faut fabriquer des territoires « marchables » comme les promenades « vertes » ou « plantées » offrant une continuité dans les espaces, favoriser les connecteurs inter-quartiers et donner aux gens un accès à un portefeuille de mobilités ». La ville de demain aspire à ralentir et la marche installe un rythme en phase avec ces aspirations. L’essor des villes créatives, le développement de l’économie collaborative transforment aussi la sociologie des villes attirant des profils ayant une préférence pour le vélo ou la marche. Les villes du XXIe siècle devront s’adapter à ces nouveaux modes de vie pour rester dynamiques.
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Article de Déborah Antoinat, pour le magazine web midi:onze, issu du blog Ecofaubourg, dédié à la ville, l’architecture et le développement durable. 30 Mars 2016
Mentionné dès le 1er siècle suite à une conquête Viking, le pont de Charenton a engendré le développement de la ville qui en prendra le nom. Déjà considéré comme un lieu stratégique, il permet la traversée de la Marne, reliant ainsi Lutèce (Paris) à Lugdunum (Lyon). L’histoire du pont et de ses environs est donc invariablement liée aux passages sur le fleuve et la rivière et aux flux depuis et vers la capitale. La dépendance entre Paris et sa première couronne est d’ores-et-déjà installée, et fondée sur deux types d’infrastructures majeures : le premier « naturel » orienta de manière inéluctable le processus d’urbanisation des bourgs composant Charenton ; le deuxième type, anthropique, métamorphosa durablement la ville en allongeant et en densifiant les réseaux de transports et de desserte reliant les périphéries parisiennes au centre de la ville-lumière. Avec cet accroissement des déplacements et des mobilités, entre les XIX et XXèmes siècles, apparurent des problématiques et des enjeux aux échelles de réflexions très différentes et nouvelles pour l’époque. Charenton perdit alors un peu plus la maîtrise des grandes orientations d’aménagement de son territoire, et de ses ressources foncières. La politique d’aménagement de chacun des maires s’inscrivit dans une grande continuité: préserver l’identité propre à chacun des quartiers pour marquer un caractère indépendant par rapport à la capitale et maintenir une qualité de vie « locale ».
Page de couverture d’après «...Umgehungsstrassen», de Rolf Müller 1961/1962
Aujourd’hui, les problématiques de transition énergétique et de réchauffement climatique font émerger une évolution dans la conception de la ville, dans la manière d’orienter ce qui la constitue et à terme, dans la manière dont les urbains sont amenés à y vivre d’ici à plus ou moins long terme. Face aux réflexions régionales telles que les stratégies de développement du Grand Paris, les volontés politiques de garantir une vie et une ambiance locales sont plus que jamais à l’ordre du jour. À ce titre, la commune de Charenton est un exemple intéressant, au regard des politiques d’aménagement menées pour conserver une ambiance «village» depuis plusieurs dizaines d’années. Ce travail présente une hypothèse d’évolution du quartier du Quai des Carrières à Charenton le Pont. Le projet consiste en la mise en réseau des espaces publics et collectifs du quartier et en leur réaménagement pour développer de nouveaux usages, à partir du quartier tel qu’il s’offre aujourd’hui. Ainsi mis en lien avec leur environnement et entre eux, les espaces publics enrichiront la vie locale. Ils donneront au quartier une épaisseur au delà du mur qu’il représente et permettront des échappées au-delà de l’autoroute, vers le paysage de la confluence.
Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et du paysage de Lille