ARPENTER LA VILLE LE PROJET URBAIN PAR LE PARCOURS ET L’ESPACE PUBLIC
J’aimerais remercier Flora Pescador, Vicente Mirallave et Joan Casanelles pour l’aide et le soutien qu’ils m’ont apporté dans mes recherches et la rédaction de ce mémoire d’initiation à la recherche. Ils ont su me donner le goût et la curiosité pour la recherche «By Design» et l’envie de poursuivre cette démarche en dehors du cadre de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon. J’espère avoir l’occasion de pouvoir travailler et échanger de nouveau avec eux afin de continuer à ouvrir mon esprit à la variété des champs que propose le domaine de l’architecture, de l’urbanisme et de la recherche.
École Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon Domaine d’étude Architecture, Ville et Périphérie Cycle Master 2014-2015 Mention Recherche «By Design» Juin 2015 Josselin Cabaret josselin.cabaret@lyon.archi.fr Encadrants de mention recherche: Flora Pesacador et Vicente Mirallave Encadrants de projet: Flora Pesacador, Vicente Mirallave et Joan Casanelles
00. Sommaire
01. Corpus de Recherche
01.
Définition du Sujet de Recherche
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02.
Objectifs
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03.
Méthodologie
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04.
Résumé
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02. Conceptualisation 01. Cadre Conceptuel _ Kevin Lynch et le paysage urbain: quelle image de la ville? _ La séquence visuelle: outil d’analyse et de conception du parcours urbain 02. Hypothèses _ Isochronie et temps de parcours: idée de la distance acceptable _ Les zones de densité minimum, un pré-requis pour le projet urbain _ Itinéraire urbain: ponctuer, varier, choisir son parcours _ Gabarits urbains et points de repère: s’orienter à toutes les échelles du projet _ Parcs, parcours, biodiversité: connexion urbaine par le végétal
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36 38 40 42 44
03. Contexte
01. Approche Photographique du Site 02. Analyse du Site _ Potentialité piétonne et publique du site: réseau viaire, lien à l’eau, végétation _ Le parcours du piéton: isochronie d’un lieu _ La densité, reflet de la qualité et de l’usage de l’espace public _ Gabarits existants: rapport à l’eau, rapport d’échelles
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03. Orientations Stratégiques _ Stratégie 1: la ville excellence, industrie et campus de la santé _ Stratégie 2: la ville abondance, l’espace public comme lieu de la santé _ Stratégie 3: «Health City», le glissement vers la ville santé
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04. Synthétisation
01.
Approche Itérative
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02.
Références
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03. Définition des Scenari _ Scénario 1: la ville diffractée 78 _ Scénario 2: le fleuve abondance 80 _ Scénario 3: vers un métacentre de la santé 82
04.
Comparaison des Scenari
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05.
Discussion Théorique
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06.
Applicabilité au Projet
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05. Bibliographie consultée
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06. Annexe
PROJET URBAIN
01. Généalogie Urbaine _ Le parcours: savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on va 02. En Préalable, un Site _ Procédé isochronique et rapport temporel de mise en œuvre
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03. Le Paysage Zéro _ Inventaire typo-morphologique des éléments architecturaux constituant le paysage zéro
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103 104
04. Genèse Urbaine _ Le tracé de l’ancien réseau ferré, itinéraire du parcours urbain
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05. Entités Urbaines _ Identité(s) urbaine(s) et découpage urbain par le paysage zéro
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114
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05.1.
Axonométries
FORME URBAINE 01. Le Quai, Espace de Connexions _ Quels enjeux pour ce fragment du parcours urbain ? 02. Une Façade «Signal» _ Utiliser la façade pour rendre perceptible le parcours à petite et à grande échelle 03. Parcours Multiples, Échelles Multiples, Temporalités Multiples _ Le quai et le cœur d’îlot: quelles identités ? Quel(s) statut(s) ?
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FORME ARCHITECTURALE
01. Du Quai au Coeur d’Îlot _ Mettre en relation le quai et le cœur d’îlot grâce au projet architectural
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02. Articuler l’Espace _ Lier le quai et la place par le projet architectural
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03. Composer la Façade _ Composition plein/vide de la façade
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04.
Genèse Architecturale
05. Coupes _ Silhouette extérieure/silhouettes intérieures
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01_ CORPUS DE RECHERCHE
_Giambattista NOLLI, Plan de Rome, 1748 http://www.architectural-review.com/Journals/2013/02/26/r/b/f/ NOLIRome-01.jpg http://mappingrome.com/wp-content/uploads/2014/01/nolli.jpg http://www.imago-terrae.com/images/s_pietro.jpg
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01. Définition du Sujet de Recherche
Ce qui apparait comme étant la première difficulté du projet urbain, c’est la nécessité d’englober une multitude d’échelles, imbriquées les unes dans les autres, en permanent dialogue, tout en préservant une logique de mise en relation, une fluidité de projet mais avant tout, une fluidité de pensée. Le fonctionnement d’un projet urbain, du moins dans son dessin (dessein?) opère d’une certaine manière à la façon des fractales, c’est à dire comme des courbes ou des surfaces de formes irrégulières ou morcelées qui se créent en suivant des règles déterministes ou stochastiques impliquant une homothétie interne. Par cela j’entends qu’il existe un fonctionnement interne au projet urbain qui le rend en partie autonome, induit par un processus logique mis en place lors de sa conception, mais que certaines variables en restent néanmoins aléatoires. Une de ces variables va en être l’usager ou l’habitant. Dès lors, si l’on décide de partir de cette variable, à savoir, l’usager, peut-on la transformer en un vecteur de développement du projet urbain, afin de supprimer cette partie aléatoire du fonctionnement du projet urbain? C’est ce que je pense. En effet, si l’on prend en compte dès le début de la conception du projet ce qui apparait comme étant la plus petite échelle représentée (l’usager donc)et en faisant l’effort de la conserver au centre du processus de conception de toutes les autres, alors nous devrions être en mesure de pouvoir dire que le projet est créé par l’homme (vecteur), pour l’homme (destination). Mais réinvestir l’échelle humaine en premier lieu dans le projet urbain ne s’avère être qu’un premier point. Ce qui fait l’essence du projet urbain, c’est la composition pleins/vides, la transition de l’espace public vers l’espace privé, et réciproquement. Si l’on additionne ces deux différents points, alors le résultat obtenu est un outils de dessin du projet urbain qui permettra de dessiner un espace public à l’échelle humaine pour induire une urbanité et une architecture qui le soit également. En composant le projet urbain en pensant d’abord le vide, puis le plein, on projette le réseau des perméabilités et des connexions du projet (ce qu’illustre parfaitement l’architecte italien Giambattista Nolli, qui réalise en 1748 un plan détaillé de Rome, avec la particularité de représenter tous les édifices à accès public comme du vide) pour ensuite amener une densité bâtie qui va permettre une structuration et une cohérence globale. Dans la présente recherche, le représentant de l’échelle humaine que je choisis est le marcheur urbain. En effet, les nouvelles préoccupations environnementales
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et de santé publique du début du XXIème siècle opèrent un changement brutal de l’ordre des mobilités urbaines. Après l’avènement du rêve du tout automobile, le retour du tramway, du vélo, des modes de déplacement doux et la marche en ville viennent susciter un nouvel intérêt dans la conception urbaine. Les raisons de ce nouvel intérêt, et en particulier celui de la marche en ville sont nombreuses. La marche en ville apparait comme une pratique respectueuse du cadre de vie, garante de la santé du citadin, grâce (et cela et potentiellement dû à sa relative lenteur) aux formes d’introspection qu’elle permet, au frottement qu’elle propose avec la rue et le public. Sous cet angle, marcher constitue donc avant tout autre chose une manière bien spécifique de s’ancrer à la ville ainsi qu’à ses ambiance, mais aussi de les modeler et de leur donner un sens. Utiliser le marcheur comme étalon du projet urbain permet également d’appréhender deux autres échelles, celle du temps ainsi que celle de la distance. En partant du piéton pour élaborer l’espace public qui sera amener à connecter l’ensemble du projet urbain, on s’assure de préserver un certain sangfroid dans le dimensionnement de l’espace, dans le parcours urbain, et l’on peut donc mieux temporiser le cheminement, placer de manière stratégique des entités importantes que seraient les places, les parcs, les points d’affluences,... Une nouvelle logique de conception voit le jour, où la vitesse ne trouve plus une place prépondérante. De par sa lenteur, la marche et le piéton reconnectent les espaces urbains les uns avec les autres, retissent le lien social en permettant l’arrêt, la confrontation et l’échange. Dans cette recherche, j’aimerais donc tenter d’apporter des éléments de réponse(s) à deux questions. La première: « Que signifie marcher en ville? », et la seconde: « Quel dessin de l’espace public pour le piéton dans le projet urbain ? »
02. Objectifs
L’objectif de cette recherche est de montrer qu’il est possible de renouer avec l’échelle humaine dans le projet urbain en prenant le piéton comme étalon du dessin de l’espace public et en prenant l’espace public comme celui du dessin du projet urbain. De cette manière, le piéton et plus généralement l’usager reste au centre de la démarche de conception. Le piéton est vu comme un vecteur de «réhumanisation» de l’espace urbain, un acteur et surtout un outils du projet.
simplicité évidente en comparaison avec d’autres moyens de déplacement que l’on qualifie aujourd’hui comme «doux» (lenteur, interaction directe du corps du piéton avec son environnement, absence d’utilisation de médium technique,...), la complexité qui s’en dégage est encore loin d’être appréhendée et surtout prise en compte comme elle le devrait. On assiste néanmoins à un changement de mentalité et à une nouvelle prise de position, une nouvelle considération du piéton dans la ville. Une nouvelle ère arrive pour le piéton, étant peu à peu pris en compte dans l’équation des travaux d’ingénieurs ou d’économistes des transports, qui louent la faible consommation spatiale et énergétique de la marche à pied. Elle devient même envisageable comme un des vecteurs de développement d’une urbanité durable, ou du moins plus durable qu’elle ne l’est maintenant. La marche et la mise au premier plan du piéton apparaissent donc sous ce jour comme un enjeux majeur de la ville future, comme une autre échelle de l’hyper-connectivité et de la mise en réseau.
Nous nous trouvons actuellement en pleine mutation de la pensée sur le devenir des villes, et assistons à des tentatives de changements des modes de vie et de déplacement. En cela, la marche en ville et le statut de piéton sont des approches dans la conception de la ville qui pourraient, par le futur, devenir des principes fondateurs de tout projet. L’un des objectifs de cette recherche est donc de mettre en avant la pluralité des statuts de la marche en ville, car actuellement, si l’on fait fit de quelques exceptions, la marche dans un contexte urbain n’est réduite qu’à un statut instrumental. En effet, dans la littérature, marcher peut être considéré soit comme un instrument observatoire, analytique, voire même un instrument contestataire des transformations urbaines à l’œuvre dans une époque donnée. Mais elle peut également être un outils méthodologique d’appréhension des manières d’être et d’agir en ville, un outils de confrontation et d’échange. Cependant, si marcher en ville peut être perçu comme un instrument exceptionnellement précis de lecture et de décryptage du projet urbain, cela peut aussi devenir une posture intellectuelle, ainsi qu’un objet de recherche. Marcher peut alors devenir une façon de «résister au présent», de réfléchir au monde «en train d’arriver» en intégrant une variation dans le rythme de la ville, un changement de temporalité. La marche étant une manière d’appréhender la ville, elle parait donc capable de renouveler les savoirs qui y sont liés et la façon dont celle-ci est établie et pensée. Elle incitent au questionnement des présupposés théoriques et des concepts qui sont à l’origine de son fondement et qui nécessitent une évolution.
Mais marcher ne doit pas être considérer comme un seul moyen de traverser un espace ou de se rendre d’un point A à un point B. Marcher induit une temporalité et une spatialité. Dans l’espace-temps quotidien, l’activité piétonne prends des formes bien plus variées et bien plus changeantes qu’elle n’y parait: on peut aisément glisser de la promenade au piétinement, de la traversé d’une rue en glisse urbaine,... Il peut parfois même arriver que l’ambiance urbaine, sa spatialité, nous mène vers l’errance, la flânerie, désintéressée de toute influence liée aux flux de circulation pré-établis. La ville doit donc être capable, pour le piéton, de rendre possible la mise en retrait du parcours, sa transition vers un autre, ou bien même de s’y arrêter, de figer un instant le temps sans mettre en péril une mécanique de mouvement et de dynamisme. Cela fait apparaître la multiplicité des temporalités et des espaces inhérents à la ville. Peu importe la situation, l’ensemble des qualités physiques et sensibles de l’environnement dans lequel la pratique piétonne prend place (comme par exemple l’afflux, la foule, les flux directionnels,...) ont un impact perceptible sur le pas et la marche. Elles le modulent, le transforment, le fige, l’accélère, mettant l’espace public en mouvement, le faisant vibrer tantôt à l’unisson, tantôt à contre temps. La ville influence le piéton, le contraint. La longueur et la hauteur d’une
La prise de conscience du statut et du rôle du piéton dans la conception du projet urbain met au jour la complexité de l’acte si banal qu’est de marcher. Même si marcher apparait être d’une
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façade, en créant un écho, en amplifiant une sonorité, révèle la présence du passant, le bouillonnement de la rue (ou son calme), et amène l’usager à adopter une attitude discrète, le faire marcher «sur la pointe des pieds»; en un autre lieu, l’installation d’une fontaine pousse à l’arrêt, au séjour, en apportant de la fraicheur et une possibilité d’assise; ailleurs, la variation de l’éclairage permet l’alternance des zones d’ombres aux zones de lumière, redessinant le flux de passants. Mais le piéton ne pourrait-il pas lui aussi contraindre la ville, en être l’essence ? La ville (et l’espace public) ne peut-elle pas exister PAR le piéton et non POUR le piéton ? L’espace public ne peut-il pas générer la ville? Voila un nouvel enjeux pour une urbanité future.
L’ensemble de ces contraintes met à l’épreuve la capacité d’adaptation des piétons aux variation des contextes sensibles, culturels et sociaux dans lesquels ils évoluent. Nos choix d’aménagement des espaces publics revêtent le même caractère que celui de la foule, à savoir ce jeu d’évitement, de fuite de la confrontation, cette contorsion pour éviter le contact et qui amène à l’exclusion et entrave la cohésion urbaine à l’échelle de la ville, et sociale à l’échelle de l’individu. Cela fait apparaître un dernier objectif: repenser l’espace public comme un espace partagé, aussi bien au niveau des usagers, des usages, que des réseaux qui le traversent.
Marcher revêt une dimension corporelle dans l’expérience de la ville, une projection dans son espace. L’acte de marcher provoque la confrontation du piéton à une matérialité urbaine, avec les autres usagers, ainsi qu’à l’ensemble des éléments sensibles qui confèrent à nos trajets quotidiens leur identité, leur attractivité, leur ambiance. Ces confrontations sont constitutives de la ville et du rapport ville/piéton et doivent donc être prises en compte dans le dessin du projet urbain, de l’espace public et de l’architecture. Mais ce rapport, ces aspérités, ces porosités, ces ambiances, semblent aujourd’hui menacés par cette volonté de venir «lissé» l’urbain, ce soucis «d’aseptisation» et d’esthétisation vers lesquelles les nouveaux projets tendent dans la conception de leurs espaces publics. La cohésion urbaine par l’espace public se disloque au profit d’un urbanisme de dalles, vastes et lisses, de la mise en place de littérales «artères» de circulation visant à concentrer les flux de manière étanche et souvent «végétalisées» pour amener l’idée d’une écologie, sans mise en réseau vers d’autres lieux à d’autres échelles. On assiste à une séparation de tous les réseaux de transport (piéton, routier) et donc à la rupture de toute connexion urbaine pour éviter les conflits d’usages, comme si nous ne savions plus coexister, et bien plus grave encore, comme si nous ne savions plus concevoir la ville autrement. Mais ce n’est pas parce que nous en somme séparés que nous vivons mieux pour autant. Nous restons inscrits dans cette politique de «repousser chez le voisin» les nuisances que nous ne savons pas, plus, ou pas encore gérer.
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03. Méthodologie
finale où ils passent un moment et profitent des lieux (flâneurs sur place, personnes à l’arrêt) et ceux qui ne font que passer ou traverser la place. Les usagers en déplacement transitent par les places pour aller à un autre point de la ville. En effet ces personnes traversent ces espaces pour rejoindre les arrêts des transports en commun, ou tout simplement rejoindre leurs lieux de travail ou des cours. Ils ne restent donc pas sur place mais ne font que passer. La plupart de ces piétons en déplacement sont néanmoins des usagers réguliers de la place (ils habitent ou travaillent dans les quartiers environnants et connaissent bien les lieux), dans le cas des grandes places-nœuds ils peuvent utiliser la place seulement comme point de rupture de charge dans une chaine de déplacement, étant ainsi mois liés aux quartiers environnants. Par ailleurs, les flâneurs et les personnes à l’arrêt sont ceux qui y viennent pour des raisons précises (rendez-vous, manger sur place) ou non (flâner, prendre de l’air), cependant, le point en commun est qu’ils y passent du temps et profitent d’avantage des différents services proposés par la place. Ces usagers, qu’ils soient des passants, des flâneurs ou à l’arrêt, contribuent tous à l’animation de l’espace public, par leur présence et par leurs mouvements» 2.
La méthodologie envisagée dans le cadre de cette recherche est la celle du «BOTTOM UP», en prenant pour point de départ le piéton en tant qu’étalon du projet pour le confronter à l’échelle du projet urbain et du projet architectural. En utilisant le piéton, et donc l’échelle humaine, cela permet de proposer une échelle de dimensionnement et une inscription de toutes les phases de conception du projet dans une logique de rapport à l’individu. La situation de l’usager dans le projet, dans le parcours urbain, se fait de manière spatiale mais également temporelle. La mise en réseau de ce que l’on pourrait qualifier de «centres d’intérêts urbains» non pas en terme de distance, mais de terme de temps s’ancre dans une logique de changement de mesure du déplacement. La mesure d’une distance de manière métrique (voire kilométrique) et liée à une idée de vitesse de déplacement relativement élevée. De telle sorte qu’elle ne semble pas la plus appropriée pour caractériser un déplacement piéton ou en mode dit «doux», car le rapport de vitesse ne s’y retrouve pas. Il semble en effet plus conventionnel, avec ces types de déplacements, d’utiliser un référentiel temporel afin de les caractériser. La réflexion quant à la mise en place d’espaces d’intérêts urbains, répartis de manière homogène dans le projet urbain apparait donc comme primordiale. Cette homogénéité dans les distances, ou plutôt dans les temps de parcours fait apparaître un concept de dessin du projet que l’on appellera «isochronie urbaine». Le terme «isochronie», emprunté au domaine de la musique, «souligne la faculté d’être égal en durée» 1, ce qui s’applique dans notre cas au temps de parcours. Il persiste néanmoins un rapport espace/temps entre un point A et un point B, d’un espace à un autre, et ce rapport va permettre de mettre en place une temporalité de parcours et de positionner les différents espaces publics, connectés au parcours urbain. Ces places, lieux, sont donc mis en valeur par un itinéraire urbain qui permet de hiérarchiser l’espace public et de lui donner son identité urbaine: «Les espaces publics en général et les places en particulier, offrent une large palette d’usages (repos, flânerie, restaurations, spectacles de plein air...). Toutefois, ce potentiel est différemment utilisé par les usagers. Il convient de distinguer parmi les usagers des places ceux pour qui ces lieux sont la destination
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_Un système urbain isochrone, à l’image d’une molécule, crée une première structure urbaine permettant la mise en réseau et le développement de centralités réparties schéma de Josselin Cabaret
Dictionnaire Hachette Encyclopédique Édition 2001, Éditions Hachette Livre 2000, Paris, 2066p., page 988. L’analyse des espaces publics – Les places, Université de Nice en partenariat avec l’UNT UOH. http://www.espaces-publics-places.fr
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La mise en place d’un parcours urbain structurant pour connecter des centres d’intérêts engendre une première ossature urbaine, une première trame qui va permettre d’impulser le projet. Le terme «matrice» définit avec exactitude le rôle du parcours urbain : «un élément qui fournit un appui ou une structure, et qui sert à entourer, à reproduire ou à construire» 3. En effet, il traverse, connecte, ceinture et nourrit le projet urbain en générant son contexte d’implantation, en le desservant et en l’organisant. Le parcours urbain devient donc le lieu du projet, son espace de représentation, son espace social, culturel, identitaire. Si il est possible de structurer le projet urbain non pas par le plein mais par le vide, alors on s’assure de la pérennité du projet. L’aborder d’un point de vue «bâti» rend le parcours résiduel et crée un risque de voir son dessin (ou dessein) maladroit ou incohérent. La démarche inverse, consistant donc à assurer le dessin et définir les objectifs du parcours urbain, engendre un projet architectural en cohérence avec ce dernier, un projet qui ne sera pas une maladresse puisqu’il répondra à des enjeux contextuels définis et solides. De plus, entrer dans le projet par le parcours urbain permet un dessin capable de créer la particularité architecturale, la mise en valeur de certains édifices qui pourront alors constituer des repères clairement identifiables. On peut énoncer le principe de «paysage zéro» de Michel Desvignes dans son concept de «paysage en préalable»: «Le paysage zéro n’est pas une première tranche d’un projet entièrement défini, mais une première action sur le sol, une première couche, une première couche d’accroche en quelque sorte. Évolutif et flexible, il accompagne la progression naturelle du développement du quartier et l’apprivoise au regard des habitants. (...) Conçu de manière stratifiée et inscrit dans une géographie, ce paysage a pour fonction d’apprivoiser le site, de rendre palpable sa future utilisation, d’y faire pénétrer les usages» 4. L’impulsion engendrée par la mise en place d’un «paysage matriciel» permet de concilier les différentes temporalités et échéances liées au projet urbain, ainsi que son utilisation anticipée. Cela permet également de communiquer sur le projet en proposant un parcours à l’intérieur d’une enceinte qui a pour habitude d’être close. Les usagers parcours ainsi le projet tout au long de son érection et s’approprient un lieu selon une temporalité plus ou moins longue.
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parcours
paysage zéro
matrice
_La mise en place d’une matrice urbaine à partir du «paysage zéro» permet de mettre l’architecture au service du parcours urbain en le ponctuant et en mettant en valeur certains espaces et éléments du paysage schéma de Josselin Cabaret
À la fin du chantier, il n’y a plus cette effet de surprise (bonne ou mauvaise). Le paysage en préalable et le parcours urbain en préalable, pour réinterpréter les mots de Desvignes, possède une faculté psychologique d’appropriation spatiale sur les usagers. L’évolutivité du parcours en fonction de l’avancement du chantier du projet urbain amène à la création de parcours alternatifs qui rendent possible la perception du lieu sous un nouvel angle, et peut amener à de nouvelles pratique de ce lieu. Un chemin de traverse peut devenir un sentier, puis un chemin avant d’éventuellement devenir un élément majeur du parcours. Laisser la possibilité à l’usager d’arpenter un site lui permet d’y trouver sa place mais
http://fr.wikipedia.org/wiki/Matrice DESVIGNE, M., 2011, Le paysage en préalable, Éditions Parenthèses, Paris, 125 p., page 48.
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façonne indubitablement l’espace. Cela souligne le besoin d’adaptabilité que nécessite l’espace public de manière générale. Forcer l’usager à pratiquer un lieu ne lui procurera aucune sensation de plaisir ou de bien-être, alors que lui laisser l’occasion de «laisser sa trace» aura sur lui l’effet psychologique de l’appropriation et permettra une meilleure projection spatiale. L’image du lieu se dessinera de manière plus prégnante dans son esprit et lui permettra de l’identifier et de le pratiquer.
du principe d’isochronie sur le parcours urbain afin de créer une trame matricielle du projet. Mais pour que ces centres d’intérêts soient identifiables et participent à construire le projet, ils doivent engendrer ce que l’on peut qualifier de «densité minimale» autour d’eux. La densité, ou tout du moins la sensation de densité étant une des caractéristiques des espaces attractifs des zones urbaines, essentiellement due à l’opposition plein/vide qui s’opère. Cette densité minimale doit permettre de tenir les limites de ces espaces urbains et d’accueillir une mixité programmatique. La conséquence de ceci devrait être d’impulser une dynamique urbaine qui permettra de lier chaque pôle d’intérêt à l’aide d’entités bâties, en lien avec le parcours urbain. On peut ici dresser la comparaison d’un réseau connectant plusieurs hameaux au sein d’un même territoire. Le développement de ces hameaux amène à une densification urbaine, en premier lieu autour de chaque centre, puis en second lieu dans les zones environnantes, jusqu’à ce que les entités urbaines de chaque hameau se rencontrent pour former un maillage urbain solide, et donc une nouvelle entité urbaine globale. Ce qui était auparavant identifié comme «hameau» devient alors une entité «quartier» ou «arrondissement». Néanmoins, il est impératif d’apporter une importance particulière à toujours anticiper l’expansion urbaine par le parcours urbain, par l’approche d’un «paysage zéro». Le parcours urbain est le degré zéro de chaque étape du projet et continue de l’organiser et de l’engendrer. On accorde en cela une importance spécifique au déplacement, par l’utilisation de moyens «doux» (piéton, cyclable, transport en commun,...). Le projet urbain répond donc à la bonne gestion de trois échelles: la grande échelle, qui permet la planification urbaine; l’échelle médiane, qui concerne la conception à l’échelle du quartier; la petite échelle, humaine, qui se préoccupe de l’espace perceptible à hauteur du regard. Ces trois échelles doivent être pensées de manière simultanée afin de préserver le contrôle du projet. C’est ce qu’exprime Jan Gehl: «Idéalement, les trois (échelles) devraient être prises en compte et amalgamées en un tout cohérent dans le but de créer un espace accueillant pour les citadins. L’objectif devrait être une intervention globale qui tienne compte de l’ensemble des composantes d’une ville (silhouette, disposition des immeubles,
îlot_1
îlot_2
îlot_3
ITINÉRAIRE_1 ITINÉRAIRE_2 (alternatif) _Donner la possibilité à l’usager de créer son propre itinéraire au sein du tissus urbain, en parallèle du parcours urbain, permet une meilleur perception et facilite la projection spatiale. L’individu choisit ses repères et peut à tout moment se référer au parcours urbain qui agit alors comme une ligne guide à l’échelle urbaine. schéma de Josselin Cabaret
Nous avons évoqué précédemment le besoin de répartir des «centres d’intérêts urbains» à l’aide
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proportions de l’espace urbain), combinée à un traitement rigoureux des séquences spatiales, des détails du mobilier urbain à hauteur du regard» 5.
une base (le parcours urbain) qui sera assurément remanié afin de parfaire les interactions entre celui- ci et le projet architectural. L’objectif de cette démarche est que ces deux entités puissent se dynamiser l’une et l’autre. Le piéton à travers le parcours urbain assure la cohérence du projet à travers les échelles de travail (urbaine et architecturale). Pour reprendre les mots de Robert KRIER dans l’introduction de son ouvrage L’espace de la ville, théorie et pratique: «Le concept d’espace fait aujourd’hui l’objet d’âpres polémiques; mon propos n’est pas ici de lui trouver une nouvelle définition mais, au contraire, de réactualiser sa signification originelle» 6.
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_Schéma d’organisation autour de ponctualités urbaines et extension par zones concentriques et successives ( 1 et 2 ) jusqu’à la formation d’un unique tissu urbain traversé par le parcours pré-établi schéma de Josselin Cabaret
Le développement du projet s’inscrit dans une temporalité et fonctionne sur un principe de diffraction urbaine, de propagation, à l’image d’une onde. Cette diffraction sous-entend qu’à un instant t, deux ondes sont susceptibles de se rencontrer, d’interférer l’une avec l’autre. Cette instant t crée une particularité urbaine et architecturale au sein du projet et est ce que l’on peut appeler un «événement». Cela provoque nécessairement une variation sur l’espace d’interférence, faisant de lui un nouveau point clé du projet urbain, tant au niveau du parcours qu’au niveau des entités bâties. On se trouvera sur le lieu de création d’un nouveau centre d’intérêt urbain qui viendra modifier le schéma de développement et impulser une nouvelle dynamique dans le projet. Cette méthodologie ne s’inscrit pas dans un processus linéaire, bien au contraire, mais utilise
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GEHL, J., 2012, Pour une ville à échelle humaine, Éditions Écosociété, Montréal, 273 p., page 206. KRIER, R., 1975, L’espace de la ville, théorie et pratique, Éditions AAM, Bruxelles, 179 p, quatrième de couverture.
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_Robert KRIER, L’espace de la ville, théorie et pratique, 1975, page 47 Compositions cohérentes importantes: 1_ Terracine, Italie, vers 1700 / 2_Perge, époque romaine / 3_Gerasa, Palestine, époque romaine
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04. Résumé / Abstract
La réflexion et la conception en amont de l’espace public dans le projet urbain permet de rattacher ce dernier à l’échelle de la ville et de prolonger les réseaux déjà établis dans un soucis de cohérence et d’articulation urbaine. Introduire l’étalon de l’homme et plus particulièrement celui du piéton dans cette conception amène à un séquençage spatial et temporel qui vient redéfinir la notion d’espace public et par extension la notion d’urbanité. Quel modèle peut offrir la ville en reconsidérant les modes de déplacement et en réintégrant l’échelle du piéton plutôt que de faire perdurer le principe du «tout automobile»? Quelle architecture peut venir prendre racine sur cette nouvelle définition d’espace public et cette nouvelle échelle temporelle? Est-ce le modèle actuel, ou cela va t-il nous amener à reconsidérer le concept de la ville, en réinvestissant l’espace de la rue, de la place, du parc? Quelles conséquences le fait de ramener l’ensemble du projet urbain à l’échelle de l’homme cela va t-il induire sur le dessin architectural et urbain, et quelles nouvelles dynamiques vont alors pouvoir voir le jour ?
Public space reflection and conception upstream urban project allow to link it to the city scale and to extend networks already established, in an interest of urban coherence and articulation. Introduce the human scale, and more specifically the pedestrian scale, in this conception brings to a space and temporal sequencing. This sequencing redefine the notion of public space and by extension, the notion of urbanity. Which model can offer the city in reconsidering modes of travel and by re-entering the pedestrian scale instead of continue the «omnipresent automobile» principe? Which architecture can take roots on this new public space definition and this new temporal scale? Is this the actual model, or are we supposed to reconsidering the city concept, by re-entering the the street space, the town square, the park? What consequences bring the urban project to the human scale might have for the urban and architectural design? Which new dynamics wiil be created?
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02_ CONCEPTUALISATION
_Guide Agir pour un urbanisme favorable à la santé, concepts & outils, «Liens de causalité entre les espaces verts et la santé, École des Hautes Étude en Santé Publique, 2014 http://www.ehesp.fr/wp-content/uploads/2014/09/guide-agir-urbanisme-sante-2014-v2-opt.pdf
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01. Cadre Conceptuel
Le concept de mise à l’échelle du projet urbain par et pour le piéton cherche à placer l’espace public au coeur du projet urbain, dans une logique de recherche d’accès et de connexions à un ensemble plus vaste, celui de la ville. La ville n’est plus perçue comme une machine, impersonnelle et neutre (comme ce qu’elle pourrait tendre à devenir aujourd’hui), mais plutôt comme un organisme vivant qui nécessite des ressources et une ossature afin de se développer, d’évoluer et de s’adapter. On peut ici imager l’espace public comme la colonne vertébrale du projet urbain et l’eau amenée au port Edouard Herriot par le Rhône comme la ressource principale autour de laquelle va venir graviter ce nouveau morceau de ville. La notion d’eau par le fleuve et d’espace public induit une idée de transition et de continuité, mais aussi de paysage. Un paysage qui viendrait façonner le projet et non pas l’inverse, un paysage en préalable. Cela sous-entend que l’on ne pense plus la transformation d’un espace résiduel de la ville comme une potentialité d’aménagement paysager, mais plutôt que chaque espace résiduel laissé par le paysage possède une potentialité d’urbanité. Cette inversion de tendance place le paysage et par rattachement l’espace public et l’individu comme dessinateur de l’implantation du projet urbain et de ses limites. Nous entrons alors dans la notion de tiers paysage conceptualisée par Gilles CLÉMENT. Dans son Manifeste du Tiers paysage, il propose un rapport à la société de ce dernier: «Du point de vue sociétal, le Tiers Paysage est regardé comme: un espace de nature (saisissement du Tiers Paysage par l’institution; un espace de loisir; un espace improductif (délaissement du Tiers paysage par l’institution); un espace sacré. 7»
urbain sur une base stérile et dénuée de fonctions. Notre volonté se tourne ici dans la mise en place d’un dispositif de santé citoyenne, lié aux préoccupations environnementales et de santé publique à l’oeuvre en ce début de XXIème siècle, qui vient s’ajouter à l’inscription de la ville de Lyon à la liste du réseau des villes santé de l’OMS. Comme le montre le schéma conceptuel réalisé par l’École des Hautes Études en Santé Publique, la qualité des espaces (donc le paysage) et par affiliation celle de l’espace public participe au premier plan à l’état de santé mentale et physique de l’individu. Il apparaît donc comme tout à fait rationnel de concevoir un projet urbain en prenant pour vecteur de développement le paysage, l’espace public et le piéton, pour former une matrice réceptive et qualitative capable d’accueillir par la suite le projet architectural.
Dans l’application que nous pouvons en faire, il parait nécessaire de reprendre le point de l’espace improductif. En effet dans notre projet l’institution sociale n’investit pas le Tiers paysage mais l’espace n’en est pas plus «improductif» puisqu’il matérialise la limite d’implantation du projet et opère la transition de celui-ci. La ville n’est plus au premier plan est apparaît comme une résultante de la conception du paysage et de l’espace public. Cependant, maintenant que nous avons mis en évidence l’aspect préalable de la conception de l’espace public et paysager, il est important d’en exprimer les usages afin de ne pas tomber dans la mise en place d’un processus d’élaboration de projet
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CLÉMENT, G., 2004 et 2014. Manifeste pour le tiers paysage, Collection l’autre fable (Sens&Tonka), Paris, 70 p., page 55.
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KEVIN LYNCH ET LE PAYSAGE URBAIN: QUELLE IMAGE DE LA CITÉ ?
cette perception est différentes de la lisibilité que cherche à produire l’architecte ou l’urbaniste dans la conception du projet urbain. En effet, ce qui est alors recherché tend plutôt à une mise en relation logique de formes visuelles, selon une temporalité qui correspond à celle de l’établissement du paysage urbain. On cherche de cette manière à exprimer une absolue rationalité de l’espace urbain pour créer dans l’esprit de l’usager une représentation claire. Mais faire abstraction des autres sens qui permettent la projection spatiale (comme l’orientation propre ou la mémoire) diminue les possibilités de rendre l’espace urbain lisible, car on ne se concentre qu’à lui donner une seule et unique qualité, une qualité visuelle. C’est la combinaison des moyens perceptifs qui permet de rendre le paysage de la ville perceptible au plus grand nombre d’individus. C’est ce qu’exprime simplement Kevin Lynch: «Tout comme cette page imprimée est lisible si on peut la percevoir comme un canevas de symboles reconnaissables et liés entre eux, de même une ville lisible est celle dont les quartiers, les points de repères ou les voies sont facilement identifiables et aisément combinés en un schéma d’ensemble» 8.
Urbaniste et ancien professeur au MIT, Kevin Lynch est un des acteurs majeurs dans la théorisation de la perception de l’espace urbain. Il fut le conseiller dans le cadre de plusieurs projets urbains et a par ailleurs participé au re-dessin du centre de Boston, une des trois villes, avec Los Angeles et Jersey City, qu’il analyse dans son livre L’image de la cité (1960). Son ouvrage s’inscrit depuis lors en tant que référence sur le décryptage de l’espace urbain. Dans celui-ci, Lynch propose une nouvelle forme d’analyse visuelle de la ville et du paysage urbain dans un contexte d’époque où l’analyse fonctionnaliste de la ville prévaut. Kevin Lynch s’inscrit dans l’avant garde des architectes et urbanistes ayant pour base de réflexion l’espace urbain et la perception que l’usager s’en fait. Quelle projection le citadin se fait de l’espace dans lequel il évolue. Dans L’image de la cité, Lynch passe au crible la ville américaine sous l’angle de sa qualité visuelle, et se penche plus précisément, comme nous l’avons dit plus haut, sur trois villes offrant un fort contraste dans l’analyse: Boston, Los Angeles et Jersey City. L’approche de Lynch est novatrice puisque dans un premier temps il n’applique pas sa propre analyse. Il effectue en préalable des entretiens avec un échantillon d’usagers de chaque ville, leur demandant de représenter sur le papier la projection qu’ils se font du plan de leur ville, ainsi que de décrire de la manière la plus détaillée possible un parcours sans hiérarchiser les informations, qu’elles soient de l’ordre du visuel, de l’audible, du senti, du ressenti,... Sa méthode lui permet de projeter l’image mentale de chaque ville et de faire ressortir les traits caractéristiques des différents paysages urbains selon leurs usagers. Cette méthodologie exprime la faculté de chaque paysage urbain à agir sur la lisibilité, l’orientation, la mémoire et l’identité. Pour Lynch, la lisibilité est le degré zéro de la perception urbaine, car elle exprime la clarté du paysage et la possibilité de structurer de manière cohérente les éléments repères et constitutifs de la ville après les avoir identifié. Cette clarté fait ensuite appel aux autres facteurs en permettant l’orientation à l’aide des sens et de la mémoire, ce qui permet une projection spatiale de l’individu, un repérage instantané dans le paysage urbain. Avec ses premiers éléments, on peut s’apercevoir que
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Dans l’analyse de Lynch, on retrouve également des notions affectives et émotives dans la perception du paysage urbain. Une forme urbaine doit posséder des caractéristiques uniques qui la rendent clairement identifiable. Ce sont ces caractéristiques qui vont permettre aux citadins, de manière individuelle ou par regroupements sociaux, de s’approprier l’espace urbain et de créer une image collective du paysage dans lequel ils se situent. Même si cette image n’est pas identique pour tous, il existera néanmoins des lieux communs ou des projections communes qui permettront de clairement identifier des secteurs ou des séquences urbaines. C’est ce que Lynch appelle lui même le concept «d’imagibilité» de la ville et qui exprime la faculté d’un environnement à provoquer une image chez son usager et qui facilitera la fabrication d’une image mentale collective/ «Ceci nous conduit à la définition de ce que nous pourrions appeler l’ «imagibilité»: c’est, pour un objet physique, la qualité grâce à laquelle il a de grandes chances de provoquer une forte image chez n’importe qu’elle observateur. C’est cette forme, cette couleur
LYNCH, K., 2007 (première édition en 1960), L’image de la cité, Éditions Dunod, Belgique, 221 p., page 3.
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ou cette disposition, qui facilitent la création d’images mentales de l’environnement vivement identifiées, puissamment structurées et d’une grande utilité. 9»
le paysage perçu. La perception que l’on a des voies et leur capacité à provoquer une image mentale est augmentée grâce à plusieurs facteurs comme leur continuité (aspect continu d’un point de départ jusqu’à une destination, identification, largeur de la chaussée,...), leur direction (comme pour la physique appliquée, il s’agit ici de prendre la voie comme un vecteur, défini par une intensité de fréquentation, de densité bâtie en abord, appuyée par des éléments repères permettant de l’affirmer et de la percevoir), leur étalonnage (quels éléments permettent de lire sa continuité tout au long du parcours, entre les éléments repères de début et de fin? On peut ici faire le lien avec le concept d’isochronie et de répartition le long du parcours urbain), les connexions qui s’opèrent avec le reste du réseau (connexion à angle droit, voie parallèle, dilatation spatiale, dissociation entre les voies du réseau de métro et les voies de surface qui ne permet pas d’établir de connexion claire). D’autres caractéristiques des voies permettent une imagibilité forte. Il peut par exemple s’agit du champ visuel qu’elles proposent, large ou resserré, mais également des sensations qu’elles peuvent provoquer, comme une sensation de vitesse, d’entrée ou de sortie d’un environnement, ou encore de changement d’altitude et donc de lieu (dissociation ville basse/vile haute).
Si l’on continue d’explorer le concept d’imagibilté formulé par Lynch, alors une ville possédant une forte imagibilité sera perçue par les citadins comme une continuité urbaine, du moins dans leur projection mentale, alors qu’elle peut justement de pas l’être en certains points (fractures physiques ou «vides» urbains). Le degré d’imagibilité exprime la force structurelle d’un paysage urbain, la cohérence et la logique d’objets carartéristiques qui sont mis en relation de manière claire avec d’autres objets. Cela permet de structurer un parcours urbain, une séquence, qui définissent l’identité d’une ville ou d’un projet urbain. Toutefois, la ville possède des caractéristiques physiques qui nous semblent élémentaires, mais qui apparaissent fondamentales dans leur capacité à engendrer une image perçue. Lynch dresse alors la liste de cinq types d’éléments constitutifs du paysage et du parcours urbain: les voies, les limites, les quartiers, les noeuds et les points de repère. Les voies: Les voies apparaissent comme une part structurante du paysage urbain car elles permettent le déplacement, organisent et régulent la vitesse. Quelles soient rues, avenues, piétonnes, chemins ou axes de transports en commun, les voies accueilleront l’ensemble des moyens servant à se déplacer d’un point A à un point B, et sont donc réceptives à tout type d’usager. Ce qui les rend constitutives du paysage et du parcours urbain, c’est le réseau qu’elles engendrent, les connexions qu’elles permettent à travers l’espace. Elles sont la base de notre système urbain actuel. Toutefois, on peut aisément les hiérarchiser, et cette hiérarchie induit des comportements et des usages spécifiques. Mais avant tout, elle permettent la perception de l’environnement urbain car elles sont une interface entre le plan horizontal du sol et celui vertical des façades. Elles supportent la ville et la dessinent. Ce renversement de plan a une incidence sur la façon dont on les parcourt. Un rapport s’établit entre voir et être vu dans cet espace que créent les voies. C’est cette capacité à voir et être vu, de manière combinée, qui détermine et ordonne l’importance du parcours au sein du paysage urbain et qui constitue
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_Hiérarchisation et amélioration de la perception de la structure urbaine à l’aide des voies de circulation schéma de Josselin Cabaret
LYNCH, K., 2007 (première édition en 1960), L’image de la cité, Éditions Dunod, Belgique, 221 p., page 11.
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Les limites: Tout comme les voies, les limites sont des éléments urbains aux caractéristiques linéaires. Par définition, une limite vient marquer de manière visuelle et/ou physique le bord d’un volume ou d’une surface. On peut ici faire la comparaison avec le volume urbain. La nature des limites peut varier extrêmement facilement. Elles peuvent en effet être constituées d’éléments naturels (comme une rivière, un front de mer, la topographie d’un site, des masses végétales) mais aussi définies de manières artificielles par l’action de l’homme (voies ferrées, autoroutes, ponts, murs). Il se peut que dans certains cas, voies et limites soient une seule et même chose, ce qui permet de hiérarchiser des espaces urbains de manière lisible. La limite participe donc bien à l’imagibilité du paysage urbain dans le sens où elle le contient: «Ces éléments de limites, bien qu’ils prédominent probablement moins que les voies, jouent pour beaucoup de gens un rôle important de caractéristiques servant à l’organisation; une de leurs fonctions en particulier est de maintenir ensemble des zones, comme dans le cas où une ville est entourée d’eau ou cernée par un mur» 10. La continuité d’une limite la rend perceptible de la manière la plus efficace qui soit, puisqu’elle devient lisible depuis une multitude de lieu et provoque un comportement similaire de l’usager le long du parcours urbain. Toutefois, pour qu’une limite soit continue, elle ne doit pas nécessairement être de même nature tout du long. Si une masse végétale reprend le gabarit d’une façade, il y a continuité mais changement de nature. Il ne faut donc pas assimiler le concept de limite à un élément infranchissable qui emprisonnerait ou exclurait. Sa perception dans le paysage urbain ne rend pas obligatoire cet amalgame. La majeure partie du temps, la limite urbaine est travaillée de manière à hiérarchiser un espace par rapport à un autre, sans pour autant qu’il n’existe aucun lien entre eux. Il faut donc assimiler le terme limite à l’idée de couture urbaine, de maillon capable de poursuivre une logique de continuité tout en étant capable de transformer les principes urbains opérants. On peut néanmoins jouer sur le degré de perceptivité et donc d’imagibilité de la limite en s’en servant comme un élément fort de changement de nature du paysage urbain, de part et d’autre de cette dernière.
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_La limite urbaine, entre frontière spatiale et continuité linéaire schéma de Josselin Cabaret
Les noeuds: Le noeud est par définition un élément urbain ponctuel capable de concentrer et distribuer les influences du paysage urbain. Cela en fait donc un lieu où la nécessité de faire des choix s’applique: changement de direction, de mode de transport, de vitesse de déplacement,... Ce besoin de prise de décision en fait un espace particulier car cela induit des fonctionnements à des vitesses variées, que l’on soit à son entrée, sa sortie, ou en son sein. En effet, les points d’entrée/ sortie seront susceptibles de voir des changements brutaux de vitesse, selon que l’on doive prendre une décision ou qu’on l’ait déjà prise. Cela rend les usagers plus attentifs à leur environnement immédiat car il y a nécessité de prise de repères instantanée, repères possédant une grande visibilité. L’imagibilité d’un noeud est renforcée par plusieurs facteurs, comme sa forme, la lisibilité des connexions entre les voies y arrivant et en sortant, et la force visuelle des édifices ou éléments urbains proches qui en marquent les limites. Les éléments architecturaux peuvent parfois être euxmême constitutifs du noeud comme par exemple dans le cas d’un centre commercial ou d’un centre intermodal: «Certains de ces noeuds de concentration sont le foyer et le résumé d’un quartier, sur lequel rayonne leur influence, et où il se dresse comme un symbole: on peut les appeler centres. Le concept de noeud est lié à celui de voie puisque les points de jonction sont par nature des convergences de voies, des évènements sur le trajet» 11.
LYNCH, K., 2007 (première édition en 1960), L’image de la cité, Éditions Dunod, Belgique, 221 p., page 54. LYNCH, K., 2007 (première édition en 1960), L’image de la cité, Éditions Dunod, Belgique, 221 p., page 55.
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Kevin Lynch opère toutefois une différenciation entre noeud et noyau, le noyau étant une sorte de sous-catégorie de noeud. Dans un noyaux, la concentration d’éléments caractéristiques (architecturaux, urbains, fonctionnels) est nettement plus importante que dans un noeud, et sa surface opérante s’en voit réduite, mais non pas moins influente. Ce n’est plus la convergence des voies qui structure cet espace, mais plutôt la concentration d’éléments caractéristiques. Ces noeuds et noyaux peuvent être assimilés au concept d’isochronie dans le parcours urbain car ils peuvent concentrer une mixité programmatique capable d’impulser le projet urbain en différents endroits et de manière simultanée.
à la fonction même du quartier (quartier résidentiel, commercial, de bureaux). On peu donc définir le quartier comme une unité thématique du paysage et du parcours urbain.
_Les noeuds, points de jonction, de concentration et de dispersion schéma de Josselin Cabaret
_Les quartiers, fragments de l’espace urbain et unité thématique du paysage du parcours urbain schéma de Josselin Cabaret
Les quartiers: Les quartiers peuvent être pensés comme des volumes constitutifs de la ville, qui doit quant à elle être pensée comme un volume global et englobant. Un quartier en particulier se doit d’être homogène dans son ensemble, de manière à pouvoir provoquer chez le citadin une image identitaire, une sensation d’entrée ou de sortie d’une entité urbaine. C’est cette image identitaire qui définit principalement un quartier et qui lui permet son imagibilité. On parlera par exemple de Chinatown ou de Little Italy, du quartier des affaires dans de nombreuses villes américaines et même maintenant européennes. Dans ces cas là, le facteur socio-culturel apparait comme étant un élément prépondérant de l’identité du quartier et de l’image mentale que chaque individu s’en fait. Toutefois, l’homogénéité d’un quartier à l’autre n’est pas indispensable, et cela est très souvent lié
Les points de repère: La nature des points de repère est très variée, car objectivement, tout élément urbain peut servir de repère dans le parcours: édifice, place, élément végétal, intervention artistique. Ils possèdent la même caractéristique ponctuelle que les noeuds, mais permettent de se situer à grande échelle, de s’orienter dans la projection mentale de la ville et du parcours que se fait chaque individu. Toutefois, cette orientation est tout-à-fait relative puisqu’elle va dépendre de la projection de l’individu. C’est en cela que le concept d’imagibilité collective du paysage urbain est intéressant et prend tout son sens: elle permet la mise en relation de points de repère identifiables et de façon similaire par tous. Le point de repère apparait comme un invariant de l’image
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collective, ce qui constitue un élément clé de chaque projet urbain ou de parcours urbain. Le rayon d’influence d’un point de repère est une considération importante. En effet, certains points de repère sont capables de structurer un quartier ou une ville si ils présentent une grande visibilité en tout lieu de l’espace urbain et une grande imagibilité à l’échelle de la ville. Kevyn Lynch prend l’exemple du campanile de la place Saint Marc de Venise ou encore le Duomo de la cathédrale de Florence, qui sont des repères rayonnant sur l’ensemble du paysage urbain: «Le dôme de Florence est un excellent exemple de point de repère lointain: visible de près et de loin, de jour et de nuit, on ne peut pas le manquer; il domine par sa taille et sa silhouette; en relation étroite avec les traditions de la ville, il coïncide avec le centre religieux et géographique; il est couplé avec son campanile de telle manière qu’il permet de jauger de loin la direction sous laquelle on le voit. Il est difficile de penser à la ville sans que ce vaste édifice vienne à l’esprit» 12.
généraliser à l’ensemble d’une population. Cela ne pose cependant pas de problème puisque dans tous les cas, suffisamment de point de repère dans le paysage et le parcours urbains sont clairement identifiés et permettent d’engendrer une structuration mentale collective du plan de la ville. Cela assure une capacité de projection globale et généralisée qui exprime l’efficacité fonctionnelle des points de repères collectifs. Cela permet de créer une sensation de confort dans l’orientation au sein de l’environnement urbain pour l’ensemble des citadins, mais aussi des visiteurs, touristes, qui arrivent très rapidement à se créer une projection mentale et à se situer dans le lieu où il se trouve. On peut caractériser ce confort de confort émotionnel, en opposition avec la sensation de perte de repère qui peut être vécue comme une expérience traumatisante. Les cinq éléments que nous venons de développer et de conceptualiser apparaissent comme des éléments clés dans la perception du paysage
Certains points de repère ont une influence nettement moins grande, mais servent à jalonner un parcours ou à valoriser un noeud. Il doivent cependant posséder les mêmes caractéristiques que les points de repère influant à plus grande échelle afin d’être clairement perçus par une personne lambda. Ils doitvent opérer un contraste marquant avec les éléments qui les entourent. Dans l’imaginaire de chaque individu viennent s’ajouter des points de repère à ceux présent dans l’image collective de l’espace urbain. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que ces points de repère particuliers se situent généralement à proximité de lieux ayant provoqué une prise de décision. Dès lors, ces points de repères particuliers peuvent prendre n’importe quelle forme, du moment qu’elle fait sens à l’individu. On constate donc une hiérarchie très claire dans l’établissement de points de repère: 1) repère collectif à l’échelle de la ville ou d’une vaste zone urbaine; 2) repère collectif à l’échelle d’un quartier ou d’une zone urbain restreinte; 3) repère particulier ou individuel qui va concerner un parcours personnel, quotidien. Selon Lynch, l’analyse collective du paysage urbain ne peut pas prendre en compte ces éléments particuliers car même si ils étaient perçus par différentes personnes, leur spécificité et leur interprétation seraient trop personnelles pour permettre de les
_Les repères urbains, outils de projection spatiale et d’imagibilité collective au sein du parcours et de l’espace urbain schéma de Josselin Cabaret
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LYNCH, K., 2007 (première édition en 1960), L’image de la cité, Éditions Dunod, Belgique, 221 p., page 96.
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urbain. C’est ce que Kevin Lynch appelle la «relation entre les éléments»: «Ces éléments ne sont que la matière première de l’image de l’environnement à l’échelle de la ville. Pour aboutir à une forme satisfaisante, il faut les modeler ensemble» 13.
Afin de limiter cette fragmentation, il est donc nécessaire de s’appuyer sur des éléments capables de composer le parcours, mais qui soient intangibles. On peut donc s’appuyer sur une topographie ou bien un cour d’eau, qui vont être capables de créer ou de renforcer la mise en place de concepts urbains. Du point de vue de notre projet, la présence du Rhône, des darses et des collines formant le paysage lointain sont des éléments sur lesquels il est possible de s’appuyer. Cela doit être mis en relation avec une hiérarchisation des centres urbains, des noeuds et noyaux ainsi que des parcours qui permettent de les connecter. De cette manière, on vient une fois encore renforcer et clarifier la perception de l’environnement. A l’échelle plus réduite d’un projet urbain ou d’un quartier, on peut mettre en oeuvre une composition urbaine guidée par des principes de continuité des limites, de contraste entre singularité de la silhouette architecturale et simplicité de la forme urbaine, d’articulation de champs visuels afin de lier différentes séquences du parcours urbain. La mise en place d’une structure hiérarchisée dans le dimensionnement et la dénomination des espaces permet également de créer une image claire et structurée de l’ espace urbain (articulation entre place, placette et cours; parc et jardin; quai et bas-quai,...). L’objectif étant en définitif de pouvoir faciliter l’orientation des usagers, leur projection mentale d’un plan global de la ville, et surtout de rendre possible la projection d’un itinéraire leur permettant depuis un point A de rejoindre un point B.
La mise en système de ces éléments peut engendrer un paysage à très forte imagibilité, capable de créer une image collective immédiate et durable. Toutefois, il est aussi possible qu’ils créent un sentiment de confusion et une image peu claire si ils sont mal employés. La lisibilité d’un paysage et d’un parcours urbain résulte donc d’une alchimie fine et précise dans la structuration de la ville au moyen des voies, des limites, des quartiers, des noeuds et des points de repère. Ce que propose Lynch consiste en une structuration sensorielle de la ville plutôt que fonctionnaliste, ce qui amène à un remaniement important de notre manière de composer la ville et d’aborder la conception urbaine. Il n’est pourtant pas nécessaire de faire une tabula rasa de nos villes pour arriver à cette mise en système. Il est possible de se donner pour objectif de recomposer les éléments perceptibles de l’espace urbain afin d’en donner une image claire, ou du moins plus claire si besoin. Par analogie, cela équivaudrait à réaménager une pièce ou un logement afin d’en optimiser les usages et à mieux en définir les espaces. Avec cette comparaison, on peut affirmer qu’il est possible de mettre en relation l’aménagement de la ville, des quartiers, jusqu’à l’échelle du logement, ce qui crée une logique de la grande à la petite échelle dans le processus de conception des projets urbains. Mais il faut s’entendre sur le fait que les enjeux n’en reste pas moins à différencier. L’échelle de la ville et du parcours urbain à l’échelle métropolitaine est bien plus difficile à appréhender et à travailler. Cela résulte du fait qu’elle fonctionne sur une idée de rapidité de déplacement et de grandes distances à couvrir (notamment avec les voies de circulation rapide comme les périphériques, les autoroutes, les lignes de chemin de fer), ce qui entre en contradiction avec l’échelle médiane du quartier et la petite échelle du logement. Cela provoque une lecture à différentes vitesses qui peut provoquer la confusion chez le citadin et faire perdre toute capacité d’imagibilité à une ville ou à un itinéraire urbain. On se retrouve confronté à une fragmentation spatiale et temporelle.
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LYNCH, K., 2007 (première édition en 1960), L’image de la cité, Éditions Dunod, Belgique, 221 p., page 97.
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LA SÉQUENCE VISUELLE: OUTIL D’ANALYSE ET DE CONCEPTION DU PARCOURS URBAIN.
de la cité de par leur qualité à articuler le parcours urbain, mais qui ne doivent cependant pas être confondues avec les carrefours qui ne sont que des noeuds (pour reprendre les termes de Kevin Lynch) capables d’orienter les flux de circulation. Camillo Sitte dresse ainsi trois différentes catégories de places: la place de cathédrale, la place de marché et la place civile. Toutefois, ces trois fonctions peuvent être superposées, se télescoper en un même lieu. Toujours selon Camillo Sitte, les voies de circulation doivent trouver une organisation hiérarchique claire et identifiable par l’usager qui se déplace, de manière à rendre clair la circulation au sein de la ville. Il prescrit donc d’abandonner les grands principes des tracés géométriques afin de pouvoir opposer la courbe et la ligne droite, de manière à mettre l’espace urbain en tension, à le rendre moins monotone. Ce procédé amène à la destruction des grandes perspectives qui structurent (à l’époque et encore de nos jours) la ville, pour amener une structure plus romantique de l’espace. Cette façon de concevoir la ville s’oppose aux principes de Cerda et des grands tracés régulateurs. Selon Camillo Sitte, la ville doit s’affirmer grâce à ses points de vues et devrait se développer en prenant pour précepte l’esthétique de l’observation.
L’approche de la perception visuelle de l’espace urbain et du parcours induit une succession d’images urbaines, que sont les rues, les places, les éléments repères, les limites,... La conception et l’analyse d’un tel espace au moyen de la séquence visuelle semble donc tout approprié. Cette technique se base sur l’utilisation de techniques empruntées à la photographie, la vidéo, l’esquisse ou même au collage, dans leurs capacités à décomposer en plans successifs un parcours, afin d’en faire ressortir les éléments marquants, constitutifs du paysage (qu’il soit urbain ou «zéro»). Avec cette approche, on peut plus facilement mettre en relation les espaces et leurs articulations, identifier les «vides» du parcours urbain, et donc les éléments à créer ou à renforcer afin de produire un parcours qui ne laisse pas se perdre l’usager qui se déplace dans le labyrinthe de la ville. Bien que clairement empruntée aux techniques cinématographiques et en particulier à celle du «story board», l’analyse séquentielle était déjà présente dans la théorisation de la vision de l’espace dans les domaines de la peinture et de l’architecture. On la retrouve en effet depuis la Renaissance, dans les mouvements baroque et romantique, et plus proche de nous, dans les réflexions sur la perception des espaces urbains que propose Camillo Sitte.
Bien que l’utilisation de l’outil de la séquence visuelle soit présente depuis un certain temps comme nous venons de le voir, la première personne à l’avoir clairement codifié, décrit et mis en oeuvre est l’architecte anglais Gordon Cullen. En effet, Cullen propose dans son livre Townscape (1961) une lecture sérielle du paysage et du parcours urbain. Cette lecture se fait au moyen de croquis, localisés sur un plan, et qui proposent une succession d’images urbaines telles que le percevrait n’importe quel usager piéton lorsqu’il se déplace à travers l’espace public. L’approche que Cullen met en place permet de questionner l’analyse morphologique de la ville, que l’on a pour habitude de ne percevoir que sous un regard en plan, élément de repérage et d’orientation par prédilection. Certes le plan permet une perception immédiate du tracé régulateur des villes, mais il fait abstraction d’une perception que l’on peut qualifier «d’in situ» et qui permet de mettre oeuvre une perception non plus bidimensionnelle mais tridimensionnelle de la ville. Avec son approche par la séquence visuelle, Cullen cherche à montrer l’impact en trois dimensions que
Architecte et théoricien de l’architecture autrichien du XIXème siècle, Camillo Sitte est avant tout célèbre pour son ouvrage L’art de bâtir les villes (1889). Ce qui démarque Camillo Sitte de ses contemporains c’est son approche de l’espace urbain et sa manière de penser la ville, qui va à l’encontre de la démarche des progressistes. En effet, l’aménagement qu’il propose de la ville se fait par observation des espaces publics existants et donc par incorporation et retour critique sur l’histoire de l’urbanisme dans ses réflexions. Il réalise la description de nombreuses villes, principalement italiennes, en en faisant une transcription en plan, simple, et en y faisant apparaître l’emprise au sol des îlots, des monuments et des espaces publics. Selon Camillo Sitte, la ville doit se construire autour des places, qui composent la structure primaire
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_GORDON CULLEN, Townscape, 1961, page 17 Casebook: serial vision
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peut avoir la plus infime décision en plan: recul de façade, écart d’alignement, projection,... Il insiste sur le travail qui doit être fait par l’architecte sur la mise en relation d’un espace urbain «plan» et d’un espace urbain «vécu», afin de proposer un aménagement de la ville et du parcours urbain qui réponde à l’échelle du quotidien (le quartier, l’arrondissement) autant qu’à l’échelle urbaine. Cette démarche est due à l’évolutivité du paysage à laquelle est soumis le piéton lors de ses déplacements, évolutivité qui doit être prise en compte dès la conception du projet et du parcours urbain. En effet, les représentations en perspective ne présentent d’habitude que les éléments forts du parcours, les articulations urbaines, mais ne permettent pas d’appréhender un paysage continue et évolutif. Cela provoque le dessin d’une urbanité par ponctuation et non pas selon une logique de fluidité et de continuité du paysage urbain. Dans son ouvrage, Gordon Cullen mêle les exemples pratiques avec une lecture théorique et conceptuelle de cas de figure concrets, largement inspirés par la perception que l’on peut se faire des paysages traditionnels des petites villes anglaises. Cela amène, comme le souhaitait Camillo Sitte, à une lecture poétique et esthétique du parcours et du paysage urbain. Cela a pour effet de donner une fonction et une signification symbolique aux éléments architecturaux qu’il représente sur ses croquis, et qui montrent comment s’articule la ville, d’un espace à l’autre.
d’avantage de précisions à la définition que Cullen fait des concepts de l’analyse des successions visuelles. Pour cela, ils établissent que le trajet que réalise un piéton dans un parcours urbain, et ce dans une direction déterminée, peut en premier lieu être l’objet d’un découpage en séquences, qui peuvent elles-même être fragmentées en plans successifs dans lequel le champ visuel est constant ou ne subit que d’infimes modifications, afin de toujours pouvoir percevoir les éléments du parcours selon le même point de vue. Chaque plan isolé est susceptible d’être décrit de manière objective, c’est à dire de ne présenter que les caractéristiques propres au champ de vision appliqué. C’est la succession des plans et donc la mise en séquence qui permet alors de donner du sens au parcours et de mettre en place une signalétique ou une symbolique dans la perception du déplacement du piéton. Cette mise en relation que font Panerai, Depaule et Demorgon permet d’établir les bases d’un véritable langage de composition de l’espace public paradoxalement grâce à sa décomposition par plans successifs. La définition des plans: Un plan visuel peut être comparé à un tableau, puisque nous sommes ici dans une perception pittoresque, un arrêt sur image permettant d’avoir une vision objective d’un espace dans le parcours urbain. Chaque tableau présente une vision schématique et codifiée du paysage observé, et chaque plan permet d’exprimer une mise en ordre et une mise en forme particulière du paysage que le piéton perçoit. Il pourra s’agir de rapports géométriques ou de sensations visuelles comme la symétrie ou l’asymétrie, d’ouverture du champ visuel ou bien de fermeture, d’impressions de déformations spatiales,... Toutefois il est intéressant de mettre chaque plan en lien avec le précédent afin de «savoir d’où l’on vient», et ainsi savoir si le nouveau plan s’inscrit dans une continuité ou bien entre en rupture. De cette manière on peut créer des combinaisons urbaines par succession de plans, ou bien amorcer des séquences autonomes de lecture du paysage urbain.
Comme nous l’avons évoqué précédemment, se déplacer dans la ville est une chose qui s’opère à différentes vitesses: celle de l’automobiliste, et celle du piéton. Le point de vue diffère également. En effet, la hauteur du piéton et sa relative lenteur par rapport à l’automobile ne lui offre pas la même perception de l’espace urbain, ce qui signifie que les repères, les limites, les articulations diffèrent elles aussi. L’analyse du parcours urbain que réalise Cullen est faite pour appréhender le parcours à l’échelle humaine, celle du piéton, ce qui explique son découpage en séquences. La perception depuis l’automobile revient en effet à une succession d’images rapides. Phlippe Panerai, Jean-Charles Depaule et Marcelle Demorgon, dans leur ouvrage Analyse urbaine (1999), soulignent ce phénomène, comme le faisait Lynch auparavant et opérationalisent l’approche des séquences visuelles que propose Cullen. Ils apportent cependant
Le passage d’un plan à un autre: Il existe deux variations pour le passage d’un plan à un autre. L’une est progressive, ou continue, et se fait par superposition de plusieurs plans sur un fragment du parcours urbain. Cette superposition permet de
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parcours
_ A droite: variation progressive du passage entre différents plans d’une séquence visuelle, amenant à la constitution du paysage urbain. En bas: variation du champ visuel dans une séquence par rupture de plans successifs schéma de Josselin Cabaret
plan_1
plan_2
plan_3
parcours paysage constitué
plan_1
rupture
rupture plan_2
plan_3
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créer une image combinatoire se construisant par accumulation d’éléments constitutifs du paysage urbain. L’autre succession se construit par rupture de plans, se qui occasionne un changement de champ visuel, une redirection qui correspond à une articulation du parcours urbain. On ne se situe plus dans un processus de linéarité, mais plutôt dans la mise en place de sinuosités et de variations amenant une dynamique. Pour donner un effet pittoresque à une succession de plans, on pourra provoquer des ruptures de plans relativement fortes sur de courtes distances. Cela aura pour effet de créer la surprise dans le parcours urbain. A contrario, afin de produire des effets monumentaux, on mettra en place une succession de plans de manière lente, afin d’amener le piéton d’un point A à un point B en jouant sur des effets de symétrie, d’axialité (comme on peut le voir dans l’architecture ou la peinture baroque).
le besoin de mettre en valeur un espace en particulier. Dans ce cas on réalisera un ralentissement dans l’enchaînement des plans afin de permettre à l’usager de s’attarder sur un point de vue ou un espace. S’offrent au concepteur urbain plusieurs choix: si il y a modification du champ visuel, on provoque un effet de surprise, une mise en scène de la destination que l’on ne peut percevoir qu’en toute fin de parcours. Il également possible de mettre en scène de manière monumentale la destination du parcours en permettant à l’usager de percevoir très tôt sa destination à l’aide d’un élément de repère qui agira comme guide. Dans ce cas-ci, il apparait judicieux de proposer une progression lente limitant les effets de rupture afin de ne pas perdre l’objectif du parcours et ainsi brouiller le sens que l’on souhaite donner à l’enchaînement des plans. Le recours à la séquence visuelle, que ce soit dans la conception ou l’analyse du parcours et du paysage urbain permet de mettre l’observateur ou l’usager en «condition réelle» de perception de l’espace public, de le transporter au milieu de la scène. Cependant, on peut se questionner sur la réelle objectivité des plans choisis pour créer la séquence et leur capacité à devenir un outils d’aide et de prise de décisions dans le cadre de la composition urbaine. En effet, le recours à cette technique ne fournit pas que des préconisations d’aménagement, mais permet de stimuler la réflexion sur la perception des espaces urbains, même si ceux-ci sont déjà en partie constitués. Le champ d’application peut donc devenir trop vaste et peut être responsable d’un fourvoiement sur les réels objectifs du projet. Toutefois, dans le cadre d’un projet et grâce aux simulations numériques, cette approche permet la présentation des intentions d’intervention des concepteurs de manière très réaliste quand à la perception visuelle des aménagements dont il est question.
Définition d’une séquence: L’enchaînement de plusieurs plans portant sur un même élément du paysage urbain permet de constituer une séquence visuelle. Alors qu’on pouvait opérer le passage d’un plan à un autre de manière progressive, le passage d’une séquence à une autre doit se faire quant à lui systématiquement par rupture. Si il n’y a pas d’effet de rupture, alors on continue de s’inscrire dans la séquence précédente, et cela peut occasionner des maladresses dans la constitution du paysage urbain. La rupture provoquant le changement de séquence est liée à un changement des éléments perçus dans le champ visuel ou par un changement dans la façon de les percevoir. C’est à ce moment que l’on peut faire le parallèle avec les techniques cinématographiques. On peut construire une séquence de deux manières distinctes. Soit on décide de regrouper un ensemble de plan se focalisant sur un même objet et ces objets sont les éléments constitutifs de la séquence (différent points de vue peuvent alors être proposés, mais le sujet du point de vue reste le même); soit on regroupe des plans présentant des caractéristiques similaires quant à la composition visuelle (on fonctionne donc ici par analogie dans le parcours urbain), et on introduit des coupures au moment où on passe d’une famille de plans à une autre. Il est envisageable que la succession des plans puisse s’accélérer ou se ralentir si l’on éprouve
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02. Hypothèses
ISOCHRONIE ET TEMPS DE PARCOURS: IDÉE DE LA DISTANCE ACCEPTABLE
de certaines infrastructures, équipements ou services de proximité. Il peut également permettre d’identifier des zones de densification urbaine pour anticiper et stopper l’étalement que connait actuellement le tissu urbain. A l’échelle du quartier, le concept de distance acceptable offre une solution à la limitation de l’utilisation de l’automobile, puisqu’il sous-entend la réimplantation de services de proximité selon un maillage relativement serré. Perdre la nécessité de devoir aller dans les grands espaces commerciaux devrait avoir pour cause une re-dynamisation des quartiers et nouveau développement de la vie sociale et associative. L’espace public et par extension le parcours urbain pourrait alors retrouver leur fonction de partage et de mise en relation des espaces et des individus, et ne plus être qu’un simple espace dédié au déplacement où la grande vitesse prévaut actuellement. Cela pourrait opérer un changement de rapport au temps et à l’espace pour l’usager.
Comme nous avons commencé à le développer précédemment, le concept d’isochronie permet de mettre en place une première structure urbaine basée sur le temps de parcours entre différents centres d’intérêt urbain. Le piéton est donc l’étalon initial du projet et de la mise en œuvre du parcours urbain. Toutefois, la figure engendrée par ce dispositif est celle d’un modèle théorique idéal, où tous les centres sont situés à égale distance les uns des autres. De ce fait, il n’y a aucune distinction possible entre distance métrique et distance temporelle. Dans la réalité, ce modèle est impossible à reproduire, puisqu’il ne tient compte d’aucun contexte ou environnement. Les segments, ou parcours permettant de joindre les différents centres vont donc être amenés a avoir des «longueurs» différentes. Les centres d’intérêt urbain vont donc être espacés par des distances et des temps de parcours variables. Cette modulation amène à la projection de «zones temporelles» concentriques et relatives au temps de parcours entre chaque centre. On peut donc définir la notion de «distance acceptable» entre deux centres, le terme «distance» étant ici assimilé à un temps de parcours. Mais qu’elle peut être cette distance acceptable? En effet, elle ne sera pas la même selon le contexte d’implantation du projet ou selon le type d’infrastructure que l’on trouvera au sein du centre d’intérêt urbain. Par exemple, en milieu rural, la distance acceptable sera bien supérieure à celle d’un milieu urbain dense, du à la différence des modes de vie, la densité urbaine, la population. Les attentes des usagers ne seront pas les mêmes. Appliquée de manière concrète, la distance acceptable entre des équipements culturels pourra être nettement supérieure à celle des services de proximité, des commerces, des médecins, des équipements sociaux,... Aborder le projet urbain selon un processus isochronique permet donc de proposer une première répartition des centres d’intérêt urbain à l’échelle du projet, centres qui seront capables d’engager une mécanique de développement et d’extension. A plus petite échelle, le processus permet également le «zoning» d’espaces stratégiques pour l’implantation
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centre d’intérêt urbain_1 et sa zone d’influence
centre d’intérêt urbain_2 et sa zone d’influence
«x» minutes
_Schéma idéal de répartition urbaine sur le principe d’isochronie. schéma de Josselin Cabaret
centre d’intérêt urbain_2
centre d’intérêt urbain excentré (10 minutes)
périmètre de temps de parcours de 10 minutes périmètre de temps de parcours de 5 minutes centre d’intérêt urbain idéal centre d’intérêt urbain_1 périmètre d’isochronie idéale
_Schéma réel de l’application du processus d’isochronie. Quelle durée devient admissible pour une «distance acceptable»? schéma de Josselin Cabaret
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LES ZONES DE DENSITÉ MINIMUM, UN PRÉ-REQUIS POUR LE PROJET URBAIN
appelant d’autres citoyens à venir s’installer dans cette zone. L’implantation de plusieurs centres de ce type à l’échelle du projet, et la mise en place de parcours les reliant permet de venir densifier l’espace urbain par cercles successifs, générant eux même de nouveaux points d’interférences et composant un support pour l’accueil de nouvelles centralités, une matrice urbaine. En continuant le processus, on arrive à une densification continue et régulée du territoire, densification qui permet l’implantation de commerces de proximités, de services, une diversité programmatique et un maillage urbain autour de parcours majeurs, ceux connectant initialement les centres du projet. Une stratification temporelle s’opère, qui va renforcer le réseau urbain par création de nouvelles zones de densité minimum. Toutefois il existe une limite qui sera atteinte lorsque les zones de densité minimum seront trop proches les unes des autres. Le territoire doit en effet être capable de «respirer», permettre une circulation fluide et efficace. C’est donc le rôle de l’espace public et du parcours urbain de réguler la densité minimum, de structurer le territoire et de mettre en place une matrice urbaine.
L’existence d’une relation entre la concentration d’une population et la variété des commerces et activités qu’elle est capable de faire vivre est une évidence. En effet, créer des amorces urbaines peu peuplées ou incapables d’accueillir un minimum d’habitants voue le projet urbain à l’échec, car aucune dynamique de densification et d’extension ne pourra être engagée. Le développement de la vie et de ses agréments autour d’un foyer de population n’est possible qu’à la condition que suffisamment de gens y vivent. La mise en réseau de ces foyers, au moyen du parcours urbain, permet de dessiner une première carte d’occupation du territoire et identifie les zones de développement potentiel des foyers, ainsi que les zones d’intersection de leur périmètre d’expansion. La densité minimum induit une idée de concentration, de masse. On constate aujourd’hui une tendance à l’étalement urbain, tendance que l’on arrive pas encore à endiguer car trop dépendante de la volonté d’accession au logement des ménages. La densité minimale sous-entend donc un requestionnement, une remise en cause du mode de vie et du rapport que l’on entretient avec son voisin. «Densité minimum» peut donc être assimilé au principe de «vie communautaire». L’étalement urbain auquel nous faisons aujourd’hui face rend difficile la prise de décision quant à la transformation du paysage urbain car il empêche la formulation de souhaits clairs pour l’espace de la ville. Chacun cherche à augmenter le confort et la qualité de son espace propre, au détriment de l’espace collectif. La densification minimum et la concentration de populations autour d‘un espace public capable d’être connecté à d’autres espaces publics (et donc d’autres foyers de densification minimum) permet de provoquer une bascule économique. Le nombre fait la force et permet de créer ou de dynamiser une vie de quartier. Le concept de centre ville illustre tout à fait ce propos. Cette dénomination d’un espace urbain n’est possible que parce qu’il accueille une concentration de population, installée ou temporaire. Cette fréquentation constante à toute heure de la journée amène un besoin de services, qui, si ils sont correctement implantés, provoquent un effet domino
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zone de densité minimum stade_1
foyer de densification minimum
_L’implantation de zones de densité minimum permet de rendre le territoire attractif et dynamique. schéma de Josselin Cabaret
zone d’interférence
zone de densité minimum stade_2
_L’extension et la connexion des zones de densité minimum permet de créer des zones d’interférence, qui deviendront de nouvelles zone de densité minimum. schéma de Josselin Cabaret
maillage et hiérarchistion temporelle du territoire par le parcours et les zones de densité minimum
_La multiplication des zones de densité minimum maille le territoire et dessine la matrice urbaine au moyen du parcours qui les connecte. schéma de Josselin Cabaret
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ITINÉRAIRE URBAIN: PONCTUER, VARIER, CHOISIR SON PARCOURS
champ visuel et la monotonie de son parcours seront peu susceptibles de le dévier de son itinéraire. Cette expérience montre qu’il est possible de moduler et d’homogénéiser les temps de parcours des usagers selon les trajets empruntés, bien que les distances de ces trajets soient variables.
La mise en œuvre d’une trame isochronique sur le site va permettre de dégager des centres d’intérêt urbain. Mais comme nous l’avons montré précédemment, retrouver le modèle idéal d’isochronie dans le dessin du projet n’est pas envisageable puisqu’il ne prend pas en compte le contexte du site. Les tronçons de parcours vont donc posséder des tailles différentes, et par conséquent des temps de parcours différents. Cependant, il est possible de dissocier les notions de temps et de distances afin de rendre perceptibles les parcours comme étant égaux. En effet, au moyen de ponctuations paysagères, urbaines ou architecturales, il est possible de ralentir ou d’accélérer le temps de parcours, ou du moins son ressenti. L’implantation de parcs, d’infrastructures, la mise en place de dilatations ou de contractions spatiales vont changer la perception du parcours par l’usager et sont capables de modifier sa perception du temps.
La mise en place de parcours alternatifs au parcours urbain, dans le développement des formes urbaines, peut permettre la variation des itinéraires et la mise en rapport des différentes échelles du projet. Le parcours principal, clairement identifiable à l’échelle urbaine, est propice à accueillir ce que nous avons qualifié précédemment de perturbations du parcours et du champ visuel de par son statut et sa fonction. Les temps de parcours sur ce dernier seront donc possiblement rallongés, l’usager étant «distrait» par l’environnement dans lequel il se trouve. La force des parcours alternatifs peut donc venir de leur sobriété et de leur neutralité, de leur capacité à rejoindre une destination de manière plus rapide que sur le parcours urbain, car soumis à moins de perturbations. Cela permet de lier les parcours, de les hiérarchiser mais aussi de permettre aux usagers de découvrir des espaces qu’ils ne fréquentent pas par habitude, et donc de venir augmenter la connaissance de l’environnement dans lequel ils évoluent. L’avantage que cela procure est de leur laisser le choix de leur itinéraire, tout en leur permettant à tout moment de passer d’un parcours à l’autre et de pouvoir se situer de façon précise dans l’espace. Cette orientation est rendue possible grâce à l’identification de lieux clés, d’articulations urbaines, participant à une image collective et/ou individuelle de la ville selon les échelles de parcours empruntés.
Une expérience peut être menée pour illustrer le phénomène: On demande à deux piétons d’effectuer un trajet entre deux points, sur deux parcours différents. Le parcours A mesure une distance x (distance métrique) et le parcours B mesure une distance significativement supérieure à x (de plusieurs centaines de mètres). Le parcours B, le plus long, ne présente aucun élément susceptible de perturber l’objectif du piéton d’arriver à destination: pas de dilatation spatiale, pas d’élément remarquable ou de commerces, et un caractère homogène sur l’ensemble de sa longueur. Le parcours A, le plus court, possède quant à lui des caractéristiques beaucoup moins neutres: commerces, restauration, ponctuation du parcours par des dilatations spatiales comme des places, et un gabarit de rue relativement large. Si l’on attend les deux piétons à la fin du trajet, il est fort probable que celui ayant emprunté le parcours B, le plus long, arrive quasiment en même temps que celui ayant emprunté le parcours le plus court. En effet, les perturbations spatiales du champ visuel et les activités auxquelles est confronté ce piéton sont susceptibles de ralentir son allure, voire de l’arrêter. Dans le cas du piéton ayant emprunté le parcours B, l’absence de perturbation dans son
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dissociation/reconnexion des parcours zone de tranition inter parcours
pa
rco
urs
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rna
tif
point de choix d’itinéraire
point de changement de diretion et de vitesse de déplacement
ernatif
urs alt
parco
dissociation/reconnexion des parcours
_Parcours urbain et parcours alternatif, deux façons de se déplacer rendant possible la variation de son itinéraire. schéma de Josselin Cabaret
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GABARITS URBAINS ET POINTS DE REPÈRE: S’ORIENTER À TOUTES LES ÉCHELLES DU PROJET
Dans un tissus urbain moins dense que le précédent, avec une ouverture du champ visuel plus large, du fait du niveau plus bas des îlots ou édifices par exemple, c’est la forme urbaine dans son ensemble qui peut être le support de repérage du parcours urbain. L’identification d’une forme urbaine signifie le repérage d’un regroupement d’entités architecturales dans un même ensemble. Même si les édifices ou îlots ne sont pas tous identiques, il existe une constante dans leur composition qui permet de les lier les uns aux autres. Dès lors, cette constante peut devenir le support de l’identification du parcours au moyen de la forme urbaine. Que ce soit par similarité de traitement d’un élément de façade, une continuité de l’attique d’un îlot à l’autre, une composition en séquence, un traitement du socle particulier, tout élément peut être support de communication pour l’orientation, si il est intégré à un ensemble plus large. La rupture de cette mise en cohérence peut être l’occasion de signaler l’articulation du parcours, encore une fois par une opération forte de contraste. Une autre manière de procéder à la signalisation du parcours à l’échelle de la forme urbaine, plus subtile cette fois, consisterait à placer l’individu dans une séquence d’enchaînement d’espaces, comme par exemple une suite de contractions et de dilatation spatiales. Cependant, il est important dans ce cas de figure de soigner les transitions d’un espace à un autre et de les rendre clairement visible afin que le piéton ne «s’échappe pas» de la séquence et ne se retrouve pas en difficulté d’orientation et de re-connexion au parcours. Des zones de «fuite» peuvent toutefois être pensées et intégrées à ce type de séquence afin de permettre de rejoindre un autre parcours. Dans ce cas, c’est l’articulation d’un parcours à l’autre qui devra être traitée avec attention, tout en laissant à l’usager le choix de son orientation pour son itinéraire.
Être capable de se situer dans un environnement et pouvoir créer une image mentale de son itinéraire dans l’espace de la ville est une nécessité. Premièrement car cela permet de se déplacer de manière efficace entre deux points, deuxièmement parce que connaitre son environnement, c’est avoir le choix de son itinéraire et l’assurance de s’être «approprier» un espace. Toutes les parties du plan d’une ville ne peuvent pas être toutes aussi détaillées dans l’esprit de l’usager, il persiste des zones de flou, d’hésitation. C’est pour minimiser ces zones que le parcours urbain et sa perception dans l’espace doivent être le plus clair et efficace possible. Cependant, ce repérage ne s’opère pas de la même manière en tout point de l’espace urbain, comme il ne s’opère pas non plus de façon similaire à toutes les échelles. Par exemple, dans un tissu urbain dense, la nécessité de repères évidents, singuliers, apparait comme une primordiale. Le repérage par contraste, comme un changement spontané de hauteur, couleur, nature d’un élément architectural, en comparaison à l’environnement dans lequel il s’inscrit, permet une situation immédiate de l’usager dans l’espace. La mise en place de ces éléments repères en bordure de parcours peut permettre de pouvoir s’y reconnecter et reprendre son itinéraire dans le cas où on l’aurait perdu. Les exemples les plus caractéristiques de ces repères en zone dense sont les grattes-ciels, ou édifices de grandes hauteurs, mais aussi les éléments de végétation de grandes tailles, dépassant le niveau de la nappe urbaine (ces types de repères peuvent être constitutifs du paysage zéro du projet et être l’origine du dessin du parcours). Il peut également s’agir de certains éléments paysagers particuliers, capables d’engendrer une image immédiate pour le piéton à une grande distance et perceptible depuis plusieurs points de vue. Dans ce dernier cas, c’est en effet l’absence de changement de perception depuis des postes d’observation variés qui permet de faire image. Ces différents repères sont des éléments repérables à une échelle relativement importante et permettent aux usagers de créer une première projection de leur environnement d’évolution et de parcours.
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signal urbain
ur ba in
parcours
ni
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au
ha
ut
du
tis
su
paysage zéro
_Création de repères singuliers dans un tissu urbain dense. schéma de Josselin Cabaret
forme urbaine #1
forme urbaine #2
parcours
_Participation de la forme urbaine à la signalisation et l’articulation du parcours. schéma de Josselin Cabaret
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PARCS, PARCOURS, BIODIVERSITÉ: LA CONNEXION URBAINE PAR LE VÉGÉTAL ?
Îlots verts, les parcs urbains, connectés au sein d’une trame verte multifonctionnelle, ont un rôle essentiel pour la conservation de la biodiversité. Ces dernières années, l’état et la gestion de la biodiversité en milieu urbain sont devenus des préoccupations majeures. Comprendre l’utilité de la biodiversité à travers les services rendus est un levier important pour l’intégration du végétal en ville. Elle passe par l’information, l’éducation des jeunes enfants et la formation des habitants tout au long de leur vie. Les parcs urbains présentent souvent une diversité spécifique plus importante que d’autres types d’espaces verts. La présence d’espèces exotiques y contribue fortement. La distribution relative entre espèces indigènes et exotiques diffère en fonction du type d’organisme considéré : on observe généralement une plus grande proportion de flore exotique que de faune exotique. La présence d’espèces indigènes dans les parcs est conditionnée par plusieurs facteurs : l’urbanisation (densité de bâti), l’isolement, la taille et la diversité d’habitat. Les caractéristiques spatiales des espaces verts et leur mode de gestion influent sur la diversité des espèces et des habitats rencontrés. Pour une urbanisation croissante, on observe une diversité spécifique décroissante. Le niveau d’urbanisation favorise également certaines espèces, plus généralistes ou exotiques (particulièrement visible sur la faune des parcs urbains). La perte d’espèces indigènes peut être masquée par la présence d’espèces exotiques moins sensibles. Ce gradient peut être vu comme un gradient de perte d’habitats, avec comme extrême un effet d’isolement lorsque la matrice urbaine ne permet pas la dissémination des espèces. Les travaux scientifiques récemment menés en France dans le cadre de l’étude Trame Verte Urbaine ont montré l’importance pour la biodiversité urbaine de reconnecter les parcs entre eux pour créer des trames multifonctionnelles répondant aux enjeux environnementaux et sociaux.
L’accès aux espaces verts et à la nature en ville contribue directement à la santé des habitants en réduisant le stress, en favorisant l’activité physique, en améliorant le cadre de vie et l’état de santé ressenti. Des effets indirects sont également recensés, tels que l’augmentation de la satisfaction liée au cadre de vie du fait d’aménagements fonctionnels pour la pratique d’une activité récréative ou sportive. Des bénéfices forts ont pu être associés à l’accès à un parc ou à la présence de végétal en ville, tout particulièrement pour les populations sensibles que sont les enfants et les personnes âgées. De par leur fréquentation et les activités qui s’y déroulent, les espaces verts renforcent localement la cohésion sociale. Les espaces verts publics créent des opportunités de contact entre des personnes de milieux sociaux et ethniques variés. Ces interactions sont autant de moyens de participer à la vie de la communauté et développer un sentiment de convivialité. L’attachement communautaire est déterminant pour l’implication des populations dans les choix de développement, dans le dialogue et la concertation. Les espaces verts offrent potentiellement plus d’opportunités d’interactions sociales que tout autre espace, grâce à leur facilité d’accès et à leurs caractéristiques. Néanmoins, les usagers des parcs sont souvent en famille ou entre amis, et les interactions entre inconnus restent généralement limitées. L’attachement communautaire semble renforcé par la présence d’espaces verts de qualité à proximité des zones de résidence denses. Des espaces verts très ou trop fréquentés peuvent cependant avoir un effet inverse, associé à une demande de nouveaux aménagements. L’organisation d’événements, d’actions pédagogiques et/ou participatives dans les parcs sont autant d’opportunités de rencontres et d’échanges, contribuant aussi à la culture et l’éducation. Il faut néanmoins signaler que certains parcs publics sont parfois des lieux d’incivilité ou d’inquiétude accrue pour les usagers du fait de la présence de groupes de populations marginales. Un accompagnement par la concertation, une médiation adaptée et une sensibilisation des habitants facilitent souvent l’acceptation et la cohésion sociale autour du jardin.
La présence de végétal en ville réduit l’effet d’îlot de chaleur urbain et contribue à une meilleure efficience énergétique des bâtiments. L’effet d’îlot de chaleur urbain, déséquilibre thermique entre ville et campagne, est problématique en raison des dérèglements provoqués par la chaleur sur la santé, la durée de vie des matériaux et le climat local.
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_Un espace public favorisant la pratique sportive http://www.lyon.fr/cs/Satellite?blobcol=urldata&blobkey=id&blobtable=Mungo Blobs&blobwhere=5000000650967&ssbinary=true
_Le jardin communautaire, espace de rapprochement social et ethnique http://www.leveil.com/Actualites/2011-08-11/article-2698747/Un-premierjardin-communautaire-a-Saint-Eustache/1
_Jardins communautaires et espaces vert, valorisation des dĂŠlaissĂŠs urbains http://allthingsfoodbouffe360.ca/en/2011/community-gardens/
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Par transpiration, la végétation relâche de l’eau dans l’atmosphère, ce qui permet la régulation thermique de ses organes aériens. En s’évaporant, l’eau consomme de l’énergie et rafraîchit l’atmosphère. Il a ainsi pu être démontré que les parcs sont plus frais que les zones qui les entourent, cette différence étant plus marquée la nuit que le jour. L’intensité et la netteté de ce phénomène sont liées à la taille du parc et à sa composition végétale. L’ombre des arbres évite que la surface du sol ne chauffe trop et, cumulé à l’effet rafraîchissant de l’évapotranspiration, l’air sous la canopée reste à des températures plus agréables. Une étude sur la longévité des revêtements urbains montre qu’une couverture arborée protège efficacement l’asphalte, et permet de réaliser des économies sur les coûts d’entretien. La présence d’arbres autour d’un bâtiment augmente la rugosité générale de la surface, réduisant la vitesse du vent et sa force de pénétration. Cet effet réduit les entrées d’air chaud dans les bâtiments en été et d’air froid en hiver et permet une efficience énergétique accrue. D’autres dispositifs végétaux ont un effet sur le microclimat urbain, notamment la végétalisation du bâti et toutes les surfaces perméables végétalisées. Ainsi, les toitures et murs végétalisés contribuent à une meilleure isolation thermique des bâtiments, grâce à l’ombre, l’évapotranspiration et l’épaisseur du substrat.
de grandes distances, alors qu’elles perdent presque l’ensemble des précipitations qu’elles reçoivent. Les parcs, les toitures végétalisées, les bois urbains etc. représentent autant de surfaces perméables, offrant des points de rétention temporaire, de ralentissement de l’écoulement, voire d’infiltration des eaux pluviales. Les espaces végétalisés jouent donc un rôle important dans la gestion des eaux de pluie, et doivent par conséquent être pris en compte dans les prises de décision concernant le risque d’inondation. En outre, un volume d’infiltration plus important suppose une meilleure recharge des ressources souterraines, et une meilleure qualité des eaux. Une surface urbaine dédiée aux espaces verts et au végétal est une forme de garantie de préservation du sol contre son artificialisation, la perte de ses propriétés physiques, et de ses fonctions ou services écosystémiques (fonctions hydrauliques, épuration, support de vie). La présence d’un couvert végétal le protège de l’érosion et du tassement provoqué par l’impact des précipitations et leur écoulement. Le système racinaire de la végétation en ville créé une véritable architecture de protection dans le sol, ce qui permet de le structurer et de le prévenir encore davantage contre l’érosion.
Par sa contribution au cycle de l’eau et à son infiltration, la végétation urbaine constitue un atout contre les risques environnementaux, notamment les inondations et l’érosion des sols. L’imperméabilisation des sols en ville limite fortement l’infiltration des précipitations dans le sol : l’eau ruisselle immédiatement et rejoint les écoulements superficiels aboutissant dans le milieu naturel. Ce phénomène a plusieurs conséquences, qui peuvent être graves en milieu urbain: d’une part, les eaux de ruissellement se chargent en matières en suspension et polluants tout le long des surfaces qu’elles parcourent. Plus la distance de ruissellement et de collecte est longue, plus l’eau se charge en polluants. D’autre part, le volume des écoulements peut provoquer des inondations, occasionnant accidents et dégradations. Enfin, le ruissellement constitue une perte de ressource : le cycle urbain de l’eau est bien plus rapide que son cycle naturel, et l’infiltration n’est souvent pas suffisante pour recharger les nappes phréatiques. Ainsi, les villes puisent et importent de l’eau parfois à
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_Concept de mise en réseau de l’eau pour venir découper l’espace urbain et l’organiser (méthode de découpage et d’approvisionnement du territoire en eau utilisée à l’époque galloromaine : CENTURIATION schéma de Josselin Cabaret
eaux pluviales
évaporation ++
espace innondable connecté aux darses Été infilatration --
eaux pluviales
canal de reg. therm.
évaporation =
Printemps infilatration =
eaux pluviales
Automne / Hiver
évaporation --
infilatration ++
_Schéma du cycle de l’eau et de sa gestion par l’aménagement de l’espace public et paysager schéma de Josselin Cabaret
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03_ CONTEXTE
01. Approche Photographique du Site
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6
5
3 _Photographies de Lucas GUYON
Le port Edouard Herriot est un site dont l’accessibilité et la circulation interne excluent d’une manière quasi totale le piéton. Cela est du à l’avenue Tony Garnier (1) qui le longe, ainsi qu’aux modes de déplacement à l’intérieur du port: voiture, camion, train. Le déplacement piéton ne trouve pas sa place dans cet espace de par son rapport au temps, sa vitesse, mais également par le rapport d’échelle qui existe, ou plutôt qui n’existe pas avec les bâtiments et infrastructures qui sont implantées sur le port. On peut prendre pour exemple le premier édifice auquel un piéton est confronté lorsqu’il arrive sur le site: l’incinérateur (2). On retrouve cette fracture d’échelle qui fait comprendre à l’usager piéton qu’il ne se trouve pas dans un lieu fait pour lui, et ce à de multiples endroits du port. En effet, l’empilement de conteneurs, les grues et les éléments mobiles font
7 8 9
N
_Plan de repérage des prises de vue photographiques schéma de Josselin Cabaret)
52
4
7
5
8
6
9
percevoir ces espaces au piéton comme des zones hostiles, réfractaires à une appropriation autre que celle liée à l’industrie (5,6,7). Toutefois, il existe des «poches» poreuses où l’échelle humaine et piétonne a été réintroduite. Il s’agit des espaces aménagés en lien avec l’administration du site, comme la capitainerie, les pavillons de restauration ou les espaces publics créés en relation avec ces derniers. Une sorte de microcosme est mis en place, fermé sur lui même où l’on oublie un temps soit peu la disproportion du site face à l’échelle humaine (3). Malgré le gigantisme mis en place par les grues, piles de conteneurs et bâtiments industriels, un aspect non traité dans le programme du port fait son apparition. Il s’agit de la dimension paysagère. En effet, une fois parvenu au bord des darses, on constate une grande ouverture sur un paysage plus ou moins proche: visibilité des
autres darses (4,8) visibilité sur le paysage lointain à l’Ouest (8) et au Sud (10). Cet aspect négligé du site démontre une réelle potentialité dans le rattachement du port à un contexte environnant, et ce à plusieurs échelles. Il apparait donc possible de reconnecter le site par divers interventions en libérant des axes visuels vers le parc de Gerland (rattachement proche) ainsi que vers les collines d’Oullins et de la Mulatière (rattachement éloigné) afin de réinscrire le port Edouard Herriot dans un contexte urbain et environnemental. Enfin, la typologie particulière des édifices bordant les darses (architecture industrielle) offre un potentiel de valorisation et opère différents cadrages sur les différents paysages intérieurs et extérieurs au site (5,6,8,10).
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02. Analyse du Site
POTENTIALITÉ PIÉTONNE ET PUBLIQUE DU SITE: RÉSEAU VIAIRE, LIEN À L’EAU, VÉGÉTATION. 1_ La trame viaire existante sur le port offre un découpage purement fonctionnel de l’espace, en desservant les différentes industries et entreprises se trouvant sur le site. L’accessibilité piétonne, ne serait-ce que pour les employés n’est pas envisagée à cause de l’échelle du site, de son activité et du rythme des circulations que l’on peut y trouver. Aucun aménagement ne semble avoir été conçu pour l’utilisation piétonne du port. Les seules interfaces entre la trame viaire et l’eau que l’on peut trouver sont celles liées à l’utilisation des quais par quelques entreprises, mais qui sont cependant relativement rares sur le site du port, à la vue du linéaire de quais disponibles pour l’industrie portuaire. La notion d’espace public qualifié est totalement étrangère au site, qui n’est envisagé que comme une plateforme logistique servant à l’acheminement de matériaux. Peu de tracés sont directement en contact avec l’eau. Ceux-ci sont déplacés sur l’intérieur de chaque bras de terre afin de pouvoir desservir les entreprises situées de part et d’autre. La plupart de ces axes se terminent en cul-de-sac, ce qui montre la volonté de rentabiliser au maximum l’espace foncier du port, ainsi que l’emprise des principales entreprises du site. 2_ La «trame végétale» implantée au sein du site reprend le tracé de la trame viaire, seul espace envisagée comme «végétalisable». Encore une fois, cela souligne la volonté de rentabilisation du foncier à son maximum. Le marquage de la pointe de chaque éperon de terre par une mole, mise en place de manière symbolique par un «arbre de grande hauteur» (cf charte paysagère du port Edouard Herriot) démontre le manque de considération pour la qualification paysagère et végétale du site. Des tentatives de liaisons par la trame végétale sont tentées avec le prolongement de voies plantées provenant du parc de Gerland, mais leur échelle, en comparaison à celle du parc, est anodine. La charte paysagère mise en place sur le port Edouard Herriot ne concerne que les espaces de circulation. Aucune entreprise n’est contrainte à un niveau de végétation sur sa parcelle, du fait que la CNR soit le bailleur du port. Cette décision lui revient donc totalement.
interface trame viaire/eau trame viaire
_Trame viaire et rapport direct à l’eau sur le site du PLEH schéma de Josselin Cabaret)
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PARC DE GERLAND
espaces publics verts trame viaire
N
allées plantées
N
moles
_Trame viaire et trame végétale selon la charte paysagère du PLEH schéma de Josselin Cabaret
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LE PARCOURS DU PIÉTON : ISOCHRONIE D’UN LIEU. Un des parcours urbains les plus fréquentés de l’agglomération lyonnaise est celui traversant la presqu’île avec la rue de la République entre la place des Terreaux et la place Bellecour, repris ensuite entre Bellecour et la place Carnot par la rue Victor Hugo, et enfin de la gare de Perrache jusqu’au nouveau quartier de la Confluence avec le cours Charlemagne. Tout ce cheminement piéton se fait de manière linéaire et est ponctué périodiquement par des places publiques de tailles variable, qui proposent des dilatations spatiales et des ré-orientations de parcours. Le temps de parcours moyen entre les différentes places publiques est de 10 minutes. De par son tracé rectiligne, et le gabarit des rues qu’il emprunte et les façades donnant sur ces rues, le parcours est clairement identifiable en tout point. Le gabarit de la rue et les commerces qui la longent sont les éléments qui permettent de se situer dessus. Dans le cas du port Edouard Herriot, la modification du paysage par la création des darses ne permet pas la mise en place d’un parcours du type de celui de la presqu’île et permet encore moins la réalisation d’une boucle permettant de repartir. Les darses forment un ensemble de cul-de-sac qu’il apparait intéressant de désamorcer au moyen d’un dispositif de «paysage zéro» et de parcours urbain réfléchi. Toutefois, il est possible de disposer sur l’ensemble du site des «points» capable de jouer un rôle dans la composition ou l’articulation d’un parcours urbain, points situés sur des édifices industriels qu’il pourrait être judicieux de conserver afin de valoriser le parcours et le rendre clairement identifiable à grande échelle en lui donnant une identité industrielle/portuaire. Comme dans le cas de la prequ’île, si c’est points étaient retenus pour développer un parcours urbain sur le site du port, le temps moyen de parcours entre eux serait d’une dizaine de minutes, ce qui permettrait de rattacher le port Edouard Herriot au reste de l’agglomération lyonnaise non pas par analogie morphologique, mais pas analogie de temps de parcours. De ce fait, ces potentiels centres d’impulsion urbaine pourraient constituer la base du «paysage zéro» et du parcours urbain pour le développement d’un projet urbain sur le site du port.
MÉTRO
GERLAND
10 min.
ENTRÉ OUES
8 min.
B
N
56
0’
1’
2’
3’
0m
67
134
201
_Isochronie du PLEH: parcours piét schéma de Josselin Cabaret
TERREAUX ENTRÉE NORD
8 min.
11 min. 8 min.
ÉE ST
A
JACOBINS
4 min.
RÉPUBLIQUE
F
BELLECOUR
4 min.
26 min. 10 min.
10 min.
12 min.
CARNOT
D
18 min.
E
5 min. ARCHIVES
G 15 min.
C
ton du métro jusqu’aux extrémités du site
PLACE NAUTIQUE
_Isochronie de la presqu’île de Lyon: un parcours piéton urbain ponctué d’espaces publics schéma de Josselin Cabaret
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LA DENSITÉ, REFLET DE LA QUALITÉ ET DE L’USAGE DE L’ESPACE PUBLIC. La forte densité est un concept traditionnellement difficile à proposer car trop injustement assimilé à l’image des grands ensembles et du surpeuplement des logements. Il n’existe pas de valeur normative de densité minimale à atteindre dans la conception urbaine du fait du caractère spécifique de chaque projet en fonction de son environnement. Néanmoins l’objectif reste d’obtenir une densité nécessaire pour assurer une diversité fonctionnelle qui viendra impulser une dynamique propre au projet, alimentée par celles du contexte environnant du projet. Cela passe par exemple par l’économie d’échelle des équipements publics, une forte utilisation de l’espace public,... En effet, le rattachement à une trame d’espaces publics existante et des propositions qualitatives dans la composition de ces nouveaux espaces va permettre de fédérer le projet autour de ces nouveaux points, d’intégrer la notion de parcours urbain, et de proposer une répartition fonctionnelle des espaces bâtis le long de ce parcours, redonnant au piéton l’appropriation de l’espace de la ville. Ces espaces publics maillant le projet doivent permettre le contact social entre les citoyens: la confiance réciproque se bâtit par l’interaction constante et fortuite dans les espaces publics. Les activités qui peuvent y être associées permettent de graduer l’interaction sociale des citoyens. C’est précisément l’absence d’espaces publics qui contraint les habitants des zones périurbaines à utiliser l’espace privé de leur domicile et/ou de leur jardin pour développer leur sociabilité. Ces nouveaux espaces doivent donc permettre entre ces «vides» urbains de générer et de mettre en place une densité bâtie, reflet de leur qualité, attractivité, et synonyme de connexion sociale. Comme on peut le voir sur la projection des zones de densité en 2100 sur la zone du port Edouard Herriot, l’alternance de zones de forte densité avec des espaces publics connectés et de qualité vient proposer un tissu urbain maillé et fort, proposant un parcours urbain ponctué répondant à différentes temporalités de déplacement (travailler, se divertir, habiter, flâner,...)
N
_Densité du 7ème arrondissement de lyon_2000 http://www.urbalyon.org/AffichePDF/Observatoire_dudeveloppement_ urbain_de_la_Ville_de_Lyon_-_n-_1_-_Demographie_a_Lyon_-_ dynamiques_et_processus_de_densification-3574
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N
N
_Densité du 7ème arrondissement de lyon_2010 http://www.urbalyon.org/AffichePDF/Observatoire_dudeveloppement_ urbain_de_la_Ville_de_Lyon_-_n-_1_-_Demographie_a_Lyon_-_ dynamiques_et_processus_de_densification-3574
_Projection hypothétique de la densité sur le site du PLEH_2100 schéma de Josselin Cabaret
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GABARITS EXISTANTS, RAPPORT À L’EAU, RAPPORT D’ÉCHELLE. Le port Edouard Herriot regroupe différents édifices et infrastructures liés aux entreprises installées et à l’activité portuaire, comme le chargement et déchargement des matériaux et marchandises arrivant par bateaux, la manutention des conteneurs, les circulations d’acheminement et d’évacuation des conteneurs,... L’ensemble de ces activités confronte l’usager piéton à différentes échelles, spatialités, et différentes façons de cheminer jusqu’à l’eau. Dans le cas de l’incinérateur, son gabarit est hors échelle face à celle du piéton affichant une frontalité et une imperméabilité de par son emprise au sol. Il coupe l’accès au bord de l’eau et crée une rupture spatiale. Les entrepôts possédant une extension sur les darses proposent un gabarit plus raisonnable, nettement moins massif et imposant, et ce en partie grâce à leur structure en acier qui laisse des perméabilités visuelles. Ils empêchent toutefois l’accès à l’eau et viennent empiéter sur l’espace de la darse par extension de la toiture. Les entrepôts équipés d’un quai de déchargement ainsi que d’un pont mobile offre une spatialité et un gabarit intéressant du point de vue du piéton. En effet, la mise en place du quai de déchargement éloigne l’édifice de la darse, libérant un passage physique et visuel sur l’ensemble du quai ainsi que sur l’eau. Le quai du pont roulant offre une extension au dessus de l’eau exploitable dans l’usage pour le piéton qui lui permet de venir se projeter au dessus de la darse et de sortir de la limite physique du quai. Ce type d’édifice génère un potentiel d’appropriation de l’eau par le piéton car il n’y a pas de rupture physique quai/ eau. Les zones de stockage de conteneurs, quant à elles, offrent une échelle tout à fait à celle de l’usager de par le gabarit de chaque conteneur qui équivaut à celui d’un étage construit environ. Les espaces entre chaque pile sont assimilables à des rues ou des ruelles, et la variation du nombre de conteneurs empilés ainsi que leur densité simule l’échelle de la ville. Les zones de stockage permettent un accès à l’eau par porosité entre chaque pile de conteneurs, ce qui ne rompt pas totalement entre l’espace de la darse et le quai du port.
_Usine d’incinération des ordures ménagères de Lyon
_Entrepôt avec extension sur les darses
_Entrepôt avec quai de déchargement et pont mobile
_Zone de stockage et de manutention de conteneurs
_Pavillon de restauration et édifices administratifs du por schémas de Josselin Cabaret
60
1.8m
1.8m
1.8m
1.8m
1.8m
rt
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03. Orientations Stratégiques
LA SANTÉ COMME MOTEUR DE DÉVELOPPEMENT URBAIN. Comme nous l’avons déjà exprimé auparavant, notre approche vise la mise en place d’un dispositif de santé citoyenne, liée aux préoccupations environnementales et de santé publique. Dans les précédents points abordés, nous avons pu mettre en évidence la forte présence du bio-district, implanté le long de l’avenue Tony Garnier, axe majeur longeant notre site de projet. En supposant que son expansion se fera de manière croissante dans les décennies à venir, il semble donc important de considérer ce «voisin», qui pourrait influer dans le processus de conception et de développement du projet. Du point de vue du statut, le bio-district apparait comme étant l’entité «santé» du site du port Edouard Herriot. Il véhicule une image de marque par sa capacité à attirer au Sud de Lyon de grands groupes pharmaceutiques, spécialisés dans la technologie médicale de pointe. Il peut potentiellement servir de levier d’impulsion économique et démographique en attirant un certain type d’habitants, comme par exemple des chercheurs ou des étudiants dans le domaine pharmaceutique. Cela peut être appuyé par la possible création du campus Mérieux. La zone du port Edouard Herriot se situerait alors sur un point stratégique de cet axe universitaire. Nous avons également montré que des espaces au fort potentiel d’articulation urbaine et paysagère apparaissent lorsque l’on combine les composantes existantes de la trame viaire, du rapport direct à l’eau et de la végétation. Ces espaces de premier ordre, incluant le parc des Berges et sa possible extension sur l’emplacement des actuels terrains d’entraînement du stade de Gerland, pourraient alors être considérés comme des espaces majeurs de pratiques pour la santé. Ils s’inscriraient dans un parcours urbain plus global, à l’échelle de l’agglomération lyonnaise, en poursuivant par exemple l’aménagement des quais du Rhône entrepris par le Grand Lyon. Lyon étant inscrite sur la liste des villes santé de l’OMS, elle pourrait alors bénéficier d’un itinéraire santé, possédant des aménagements spécifiques permettant la pratique sportive, par exemple, depuis le parc de Miribel Jonage au Nord jusqu’à notre site de projet, aux portes de la vallée de la chimie.
63
STRATÉGIE 1: LA VILLE EXCELLENCE, INDUSTRIE ET CAMPUS DE LA SANTÉ.
il s’inscrit et induit un fonctionnement en autarcie. Afin de venir balancer ce système, il conviendrait de venir y articuler ce que l’on peut qualifier d’une «ville lente», plus conventionnelle et résidentielle afin de permettre l’accueil d’une population familiale, elle aussi nécessiteuse du même type de services que les espaces de campus. Il peut être envisagé que les chercheurs et agents de production industrielle, voire même des étudiants puissent intégrer ces zones urbaines, afin de venir mixer les différentes populations au sein d’un même ensemble urbain. La mise en place de parcours urbains ou d’itinéraires permettrait d’optimiser les déplacements laboratoire/ lieux de vie, lieux d’étude/lieux de vie, lieux de vie/ espaces de connexion vers l’extérieur du site, etc. La mise en relation des laboratoires et des lieux d’enseignement forment alors un ensemble qui se dissocie de celui plus résidentiel, dans sa forme urbaine et dans son rapport à l’environnement. La mise en place d’un campus vert et ouvert, permettrait d’étendre le parc des Berges et de végétaliser les bords de darse et ainsi créer un parcours végétal, une ceinture verte autour des darses, permettant de relier laboratoires, lieux d’enseignement et les zones résidentielles se positionnant sur la boucle extérieure. Cela permettrait également de créer la liaison entre le projet et l’actuelle zone urbaine du 7ème arrondissement.
Avec la probabilité de l’expansion du biodistrict sur le Sud du 7ème arrondissement, et donc vers le site du port Edouard Herriot, le projet urbain pourrait viser comme objectif la création d’un site dédié à la santé, son étude et la recherche/fabrication médicamentaire tel que c’est aujourd’hui le cas, mais à une échelle bien plus importante. Avec pour appui la création du campus Mérieux, le site présenterait tous les avantages d’un lieu de recherche et de production en lien avec la santé. L’attraction d’une population de chercheurs et d’étudiants induit en revanche un changement de morphologie et de fonctionnement du projet. En effet, le changement de rythme de vie serait vecteur d’une nouvelle forme d’urbanité. Si l’on considère que les chercheurs ne se rendent sur le site du port que pour travailler, alors on peut obtenir un temps de présence très concentré, sur seulement quelques jours par semaines par exemple. Pendant ce court laps de temps, leurs demande squant aux services seront très précises et personnalisées. Il s’agira d’avantage de services à la personne que de «self service». Cela induit donc la nécessité d’une connexion métropolitaine efficace et facilitée pour pouvoir se rendre des lieux de transit comme les gares ou les aéroports jusqu’au site du port de manière rapide, et inversement. Les structures de logements de ce type de population devra se trouver au plus près de leur lieu de travail (laboratoires, site de production,...) ce qui limite leur interaction avec l’extérieur. Avec l’arrivée d’une population étudiante, en lien avec le développement des industries et des laboratoires pharmaceutiques, des zones de campus voient le jour, ce qui nécessite la mise en place de services et d’infrastructures (services de proximité, bibliothèques, restauration, loisirs, sport, ...) accessibles de manière permanente, le rythme de vie étudiant étant bien différent de celui d’une population résidentielle. Ce type de population, couplé à celle des chercheurs est donc synonyme de la mise en place d’une ville «24/7», hyper-connectée.
résidentiel + liaison à la ville campus fleuve + darses
Toutefois, le risque de ce type d’urbanité est le fonctionnement sur un système exclusif qui ne tient pas compte du contexte urbain dans lequel
64
CONNECTION INTERNATIONALE
entreprises de pointe
EQUILIBRE URBAIN
cellules familiales LOGEMENTS FAMILIAUX
MIXITE DE SERVICES
ESPACE PUBLIC PAYSAGER
VILLE ‘’LENTE’’
VILLE ‘’24/7’’ laboratoires universités
sercices de proximité
_Système d’équilbrage entre «ville rapide» et «ville lente» schéma de Lucas Guyon
logements étudiants services variés vivant accessible
PARIS
MECANISME DU RENOUVELLEMENT URBAIN
120 m
OPÉRA
in / 46
5 km
VIEUX - LYON
PART-DIEU
CONFLUENCE
30
in
m
3
/3
km
90 min / 314 km
60 min / 110 km
MARSEILLE
_Schéma de stratégie schéma de Josselin Cabaret
_Nécessité d’une connexion métropolitaine schéma de Josselin Cabaret
65
GRENOBLE
STRATÉGIE 2: LA VILLE ABONDANCE, L’ESPACE PUBLIC COMME LIEU DE LA SANTÉ.
un nouvel espace de production n’aurait donc pas de sens, mais créer un centre de développement et de recherche sur le site du port apparait comme tout-àfait approprié. Le Rhône peut alors servir d’interface de transport entre les Ardennes et l’Ardèche, et Le port de Lyon trouve une place centrale sur ce parcours. La mise en place à l’échelle nationale d’un réseau de recherche/production/transport/création de médicaments élaborés à partir d’espèces végétales permettrait à Lyon de conserver son statut de chef de file dans la recherche pharmaceutique, et permettrait d’opérer une mutabilité de l’activité du port, ainsi que l’optimisation de l’utilisation des quais et des darses du site. Cela propose une alternative à la vallée de la chimie présente au Sud et à l’industrie chimique en général. De plus, cela permet à Lyon, en tant que ville inscrite sur la liste des villes santé de l’OMS, de développer un urbanisme éco-responsable.
La stratégie mise en place ici consiste à considérer la santé sous l’angle de l’environnement. Le postulat est qu’un environnement sain encourage un mode de vie sain. Ce rapport et cette pratique de la santé ce fait par l’intermédiaire de l’environnement, du dispositif de parcours urbains et d’espaces publics mis en place. Il est ici question d’un espace public actif, appropriable par l’usager. Par exemple, on peut envisager l’installation d’équipements sportifs dans l’espace public, aménager les parcours afin d’inciter la pratique du sport, ... Le parcours urbain devient alors synonyme de parcours santé. L’espace public de la ville, d’habitude essentiellement minéral devient une extension du parc des Berges, ce qui occasionne la création de coulées vertes au sein de l’espace urbain. Cela provoque ainsi un changement du mode d’habiter: on n’habite plus la ville, on habite un paysage, un parc. L’ensemble des tracés et des parcours peuvent également être renforcés par la mise en place de modes de déplacement doux et de transports en commun. L’espace public, redevenu appropriable, redevient peu à peu l’espace de représentation de la ville et l’espace de la cohésion sociale et citoyenne.
Le principe de résilience est au coeur des objectifs, et des dispositifs envisagés ci-dessus. En utilisant le Rhône, les darses et de manière plus générale l’eau pour assainir le site du projet cela permet de générer une nouvelle typologie urbaine et d’améliorer le cadre de vie au sein de la ville. En effet, en utilisant l’eau du fleuve pour créer un réseau de canaux urbains et d’espaces publics (verts ou plus urbains) résiliants, il est possible de venir «climatiser» la ville, ou du moins d’absorber de manière significative les écarts de températures au fil des saisons. Au printemps et en été, cela permettra d’apporter de la fraicheur. Les espaces de résilience permettront quant à eux d’amortir les phénomènes de crues du fleuve à l’automne et en hiver. La variation du niveau de l’eau dans ces espaces permet une évolutivité paysagère et urbaine, une variation des parcours à travers la ville en fonction des saisons, et apporte une qualité de l’espace public pour les habitants et les usagers du projet.
Toutefois, l’aménagement d’un parc urbain au sein de la ville ou la notion d’habiter le paysage nécessite une réflexion sur les espèces à insérer dans le milieu. Il apparait judicieux d’implanter une végétation exploitable, en lien avec le domaine de la santé et les sites de recherches pharmaceutiques présents dans le bio-district au Nord du port. En effet, une douzaine de variétés de végétaux sont utilisés dans le secteur pharmaceutique pour produire la base des ressources nécessaires à l’élaboration de médicaments. Il semble donc opportun d’introduire ces espèces dans les espaces publics, non pas dans un but de production pour l’industrie pharmaceutique, mais plutôt dans l’objectif de créer un laboratoire urbain dans lequel l’usager vient prendre sa place et peut même être amené à utiliser les espèces nouvellement plantées. En effet, des lieux de production de ces différentes espèces se trouvent au Nord dans les Ardennes et au Sud en Ardèche. Créer
66
_La découpe territoriale par le réseau de canaux et les espaces résilients schéma de Josselin Cabaret
eaux pluviales
évaporation ++
ÉPICÉA
espace innondable connecté aux darses Été infilatration --
eaux pluviales
EUCALYPTUS
canal de reg. therm.
évaporation = ACACIA
PINUS
POPULUS
QUERCUS
Printemps infilatration =
eaux pluviales
Automne / Hiver
évaporation --
infilatration ++
_Les espaces innondables et les canaux de régulation thermique: mise en oeuvre de solutions de résilience. schéma de Josselin Cabaret
_Introduction d’une végétation exploitable schéma de Josselin Cabaret
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La ville de Lyon dispose d’un réseau d’espaces publics relativement dense et connecté, à l’exemple du parcours que l’on peut suivre depuis la place des Terreaux jusqu’à la Confluence, en raliant au passage les places de la République, des Jacobins, des Célestins, Bellecour, Carnot, et enfin la place nautique de Lyon Confluence. Sur la rive gauche du Rhône, le réseau de places urbaines laisse place à l’aménagement des quais du Rhônes depuis le parc de la Tête d’Or au Nord jusqu’au quartier de Gerland et son parc au Sud. Bien que le parcours puisse continuer le long du Rhône afin d’atteindre l’extrémité Sud de l’agglomération de Lyon, le port Edouard Herriot bient faire front et obstruer cette continuité spatiale jusque sur l’île de l’Archevêque. Cet aménagement des quais et les parcs qui le ponctuent viennent créer une trame donc l’interruption brutal doit être repensée dans le cadre du développement du projet urbain sur le port Edouard Herriot. En effet, la presqu’île de l’Archevêque était autrefois une lône aujourd’hui disparue, mais qui constituait une zone paysagère et verte jusqu’à la pointe de Sud de Lyon. La réimplantation de cet espace paysager viendrait de manière logique et naturelle s’inscrire dans la continuité du parcours vert établi le long des quai du Rhône et offre la possibilité de marquer et valoriser cette extrémité Sud par un espace naturel. Dans l’optique du développement de zones de cultures urbaines, les anciens terrains d’entrainement liés au stade de Gerland pourraient être resturés en zone d’agriculture urbaine. Cette zone offre la possibilité d’être mis en rapport avec le parc de Gerland, ce qui propose une continuité végétale, mais avec un changement d’usage, ce qui viendrait diversifier les qualités paysagères du projet. Cette nouvelle zone d’agriculture urbaine pourrait-être à son tour mise en relation avec la darse Sud du port Edouard Herriot ou même avec le fleuve pour une proposition logistique du traitement des espèces cultivées. De cette manière, une transition pourrait s’opérer entre urbanité et fleuve au moyen d’un aménagement d’espace public et paysager, ou la participation citoyenne sera mise au premier plan par la mise en place de jardins communautaires et de zone de loisirs.
N
_Empreinte du fleuve dans le contexte urbain lyonnais (BOURGUIGNON, Q., MASSOT, L., PERROT, A.)
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_RĂŠseau des places publiques et des espaces verts lyonnais (BOURGUIGNON, Q., MASSOT, L., PERROT, A.)
N
N
_Interfaces entre le fleuve et les places publiques / espaces verts (BOURGUIGNON, Q., MASSOT, L., PERROT, A.)
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STRATÉGIE 3: «HEALTH CITY», LE GLISSEMENT VERS LA VILLE SANTÉ.
pas considérer le fleuve et sa capacité à découper le territoire ainsi que de ne pas générer des espaces mutables et évolutifs. Tout simplement de ne considérer le fleuve que comme un élément paysager décoratif, voire de ne pas le considérer du tout bien qu’il soit un élément fondateur du site. Prendre en compte le fleuve induisait dans le second scénario la possibilité de favoriser les espaces publics verts, nécessiteux d’une ressource en eau. L’eau et la végétation auraient alors fonctionné de paire dans le découpage urbain du site. L’absence de traitement du fleuve amène donc à l’absence de la présence du végétale au sein du projet de manière naturelle.
Dans cette dernière stratégie, le terme «santé» est envisagé comme une dérive, au delà de l’acceptable, des deux précédentes stratégies. Dans le cas de la première stratégie, l’objectif était de venir implanter sur le site un centre universitaire et de recherche et d’intégrer à ce mécanisme de ville rapide «24/7» hyper-connectée aux métropôles européennes, un rouage «ville lente». Cela afin de la temporiser, apporter une autre population que celle des chercheurs et des étudiants pour une plus grande mixité. L’intégration de cette nouvelle population permettait de générer des zones résidentielles, des espaces où habiter, mais aussi de venir se connecter au reste des ensemble urbain du 7ème arrondissement. Cela avait pour objectif d’éviter la mise en système de cette stratégie et le fonctionnement en autarcie d’un projet urbain que l’on aurait dès lors pu implanter n’importe où dans le monde. Ce que l’on aurait dans ce cas considéré comme inacceptable aurait été la fermeture du projet sur son environnement, et la concentration des intentions de projet envers un type de population très particulier (à savoir les chercheurs et les étudiants). Cela n’aurait permis, dans le dessin, aucune connexion urbaine sur l’extérieur du site ni sur le reste de l’agglomération lyonnaise. Une sorte de place forte hermétique vouée à la recherche sur la santé.
En combinant l’ensemble des facteurs semblant inacceptables, nous arrivons néanmoins à une stratégie viable. Certes tout-à-fait générique dans sa forme, mais non pas moins inenvisageable d’un point de vue économique et politique. Cette dernière stratégie évoque la possibilité, avec un développement considérable des activités du biodistrict, de générer un projet urbain sous forme d’un métacentre du secteur de la santé de pointe lui procurant une image de marque. Ce métacentre aurait le potentiel de créer une nouvelle centralité lyonnaise à travers le rassemblement de grands équipements médicaux, pharmaceutiques et hospitaliers, de salles de spectacle, d’équipements, etc. Sur le modèle de la confluence de Lyon, l’ensemble de ces infrastructures seraient dessinées par des «archistars» afin d’accentuer l’image de marque du site. Cette fois, la notion de parcours urbain serait synonyme de parcours à travers les différents équipements de santé construits sur le port Edouard Herriot. Le schéma urbain s’en dégageant ressemblant à une «collage city», amalgame de fragments urbains liés les uns aux autres par une architecture spectacle de la santé. Le projet se construirait alors de manière générique, sans processus réfléchi. Les espaces «naturels» n’auraient qu’une fonction esthétique visant à renforcer l’image de carte postale du projet. On assisterait à ce que l’on peut qualifier de tourisme de la santé, constitué d’une population aisée présente sur un temps très court, une population de passage. La connexion avec le reste de l’agglomération lyonnaise serait inexistante car non indispensable. Le fleuve aurait quant à lui un rôle de mise en scène, une fonction décorative pour la ville.
Dans la seconde stratégie, il était question de favoriser la pratique de la santé par la mise en oeuvre de parcours à travers la ville, parcours incitant à la pratique du sport, à l’aménagement d’espaces de culture, de potagers communautaires, à l’intégration d’espèces végétales exploitables au sein de l’espace public. Le fleuve jouait également un rôle important dans l’hygiène urbaine et la qualité de vie en permettant une régulation thermique et en proposant des espaces de résilience capables de pondérer les phénomènes de montée du niveau de l’eau. Le rapport à l’eau et à l’environnement était alors placé au premier plan, et ces deux éléments venaient littéralement dessiner le projet urbain à force d’axes structurants, et de mise en relation des milieux. Cette fois, la notion d’inacceptable aurait été de ne
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+
+
=
_«Collage City»: l’élaboration d’un projet urbain par un processus générique schéma de Josselin Cabaret
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04_ SYNTHÉTISATION
8 min. parc des Berges 8 min.
Vénissieux
3 min.
5 min. 5 min.
5 min.
N
_Application de l’isochronie piétonne aux espaces à fort potentiel d’articulation urbaine schéma de Josselin Cabaret
espace potentiels d’accueil des espaces publics
N
_Espaces potentiels d’accueil des espaces publics qui pourront articuler le projet urbain sur le site du PLEH schéma de Josselin Cabaret
_Parcours des traboules sur le secteur de Lyon presqu’île centre http://www.lyontraboules.net/images/plans/preskile_centre.jpg
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01. Approche Itérative
En combinant le schéma de la trame viaire/ rapport direct à l’eau avec celui de la trame végétale décrite dans la charte paysagère du PLEH, des zones de regroupement se dessinent sur le site du port. Ces zones apparaissent comme possédant un fort potentiel d’accueil des espaces publics majeurs du futur projet sur le site, ainsi qu’un fort potentiel d’articulation urbaine: liaison entre espace végétal (parc) et eau (darse), espaces stratégiques d’entrée sur le site du port, articulation des différents bras de terre autour des darses, ... Ces différents espaces peuvent permettre de créer les zones de pause ou d’arrêt du parcours urbain, et commencent à dessiner une première structure urbaine. Cependant, il est nécessaire de relier ces espaces, de les articuler, afin de venir densifier le réseau d’espaces publics, commencer à varier les parcours urbain en fonction des points d’intérêts et des flux. Grâce à ce maillage de parcours, le squelette urbain se dessine, et les différentes zones bâties commencent à pourvoir être perçues et induisent une certaine densité en fonction de leur positionnement, de leur rapport à l’eau, au parc, de leur proximité des axes majeurs de circulation comme l’avenue Tony Garnier.
inter et intra îlots, ce qui permettra de ramifier d’une manière optimale les réseaux de circulations, en adaptant leurs gabarits, depuis les axes majeurs d’accès au site jusqu’à «l’adresse» de chaque habitant du projet (avenue, rue, ruelle, venelle, cours, passage, etc) La question de l’accès à l’eau au moyen du parcours urbain peut être pensée de la même manière que les systèmes de traboules qui serpentent à travers les rues et les îlots des pentes de la CroixRousse. En effet, ce dispositif permettait de gagner les abords de la Saône d’une manière rapide pour les soyeux lyonnais, en s’affranchissant du parcours de la rue, trop restrictif et peu efficace, pour privilégier un parcours alternatif passant par les différents ateliers, créant ainsi un nouveau type de circulation urbaine et modifiant les limites de l’espace privé et de l’espace public. Cette nouvelle manière de circuler apparaissant avec le modèle des traboules permet de questionner la nécessité d’une limite franche entre espaces publics et privés dans le dessin du projet. Une nouvelle qualité transitoire, un nouveau glissement de l’un vers l’autre semble pouvoir offrir une alternative au parcours urbain que l’on peut qualifier de «classique», qui se cantonne seulement à proposer un parcours entre un point A et un point B, très rectiligne et invariant. La solution d’un parcours alternatif type traboule semble pouvoir offrir une variation des gabarits des espaces de circulation, des porosités entre public et privé, et induire des typologies bâties spécifiques sur les espaces de changement de milieu.
En organisant une «première ligne» constructive autour de ces différents points, on peut commencer à amorcer le processus de conception urbaine et le développement du projet urbain. En effet, chaque espace n’accueillera pas le même type d’urbanité, la même densité bâtie, ni la même densité de réseaux articulant les différentes zones. Cependant, forte densité ne signifie pas nécessairement grande hauteur bâtie. Comme on a pu le voir, dans l’analyse photographique du port, une grande partie des espaces longeant les quais et accessibles de manière piétonne offrent une vue dégagée sur le paysage lointain du port avec les collines d’Oullins et de la Mulatière ainsi que sur le paysage de l’écluse au Sud. Afin de pouvoir conserver cette visibilité et cette connexion visuelle au paysage, il est important de préférer un gabarit peu élevé, mais qui pourra cependant présenter un tissu urbain très resserré, offrant une connexion (à définir) à l’eau, au parc, aux espaces publics majeurs développés dans le projet. Ce type de gabarit urbain aura également la tache de lier les différents secteurs du projet en épousant et en appuyant le dessin du parcours urbain pré-établi. Il va également permettre la variation et la mise en oeuvre des espaces interstitiels
Si on applique l’analyse isochronique faite précédemment, on constate que les différentes zones qui se dégagent ponctuent temporellement le site de manière régulière et proposent des temps de parcours entre ces différents points tout à fait raisonnables et définissent des périmètres qui pourraient contenir l’ensemble des activités, services et infrastructures nécessaires au projet de manière répartie. Cela éviterait la concentration d’un ensemble d’entités en un même lieu, ce qui sectoriserait de manière trop radicale le projet. Ce que nous cherchons avant tout, c’est proposer une grande mixité dans chaque zone bâtie afin de permettre un déplacement piéton maximum et la génération voire régénération d’une vie de quartier autour d’espaces publics et de parcours urbains de qualité. L’espace public redeviendrait l’espace à s’approprier, le nouveau lieux de la vie en communauté, et non pas juste un espace de circulation stérile.
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02. Références
LA HIGH LINE DE NEW YORK: RÉINVENTER LE JARDIN SUSPENDU, RÉHABILITER LES DÉLAISSÉS URBAINS.
la forme et la hauteur des nouvelles construction qui se trouveront à proximité de celle-ci. L’objectif de ce changement de réglementation étant la préservation des corridors visuels à partir du futur parcours suspendu.
Le projet de la High Line de New York consiste en la requalification d’une ancienne voie ferrée aérienne, aujourd’hui désaffectée, pour la transformer en une ligne «verte» serpentant au dessus de l’espace de la rue. Elle se situe dans un secteur industriel en pleine revitalisation, insufflée à partir de 2004 par le projet des architectes Diller Scofidio+Renfro, le paysagiste James Corner et le designer de jardin Piet Oudolf. La structure sur laquelle vient s’appuyer le projet fut érigée entre 1929 et 1934 afin de soulager les problème de circulation des marchandises au niveau de la rue. Le parcours que forme la High Line franchit 22 îlots construits, entre la 34ème rue et la rue Gansevoort. À plusieurs endroits, elle vient littéralement traverser de vieux entrepôts. Cette position de belvédère qu’elle offre sur la ville de New York et sur la Hudson River en fait aujourd’hui un point incontournable de la vie new yorkaise. Les points forts du projet résident dans la conservation d’une infrastructure à valeur historique et esthétique, qui aura permis de relancer une dynamique urbaine dans les différents districts qu’il traverse. Cela passe par une hausse de la valeur foncière aux alentours et l’apport d’un espace vert totalement libre de circulation sans aucune interface directe avec les voies automobiles au sol. Mais avant tout, la High Line définit l’identité du quartier qu’elle vient générer autour d’elle. Le parcours urbain génère une nouvelle urbanité et vient modifier la perception et la pratique de la ville. Pour apporter quelques éléments de dimensionnement, ce parcours vert s’étend sur 2,3km, sa largeur varie entre 9 et 18 mètres, la hauteur du tablier varie entre 5,5 et 9 mètres au dessus du sol. Cela signifie qu’en plus de se démarquer du niveau de la rue, la High Line propose une variation typologique qui va entrainer une variation des espaces aménagés.
Le principe présenté par le groupe Field Operations and Diller Scofidio + Renfro est simple: «Keep it simple, keep it wild, keep it quiet, keep it slow». Le projet de la High Line vise en effet à aménager un site délaissé pour en créer un chemin entièrement pédestre, des places publiques, tout en respectant un patrimoine urbain. La végétation naturelle qui s’était installée, composée d’herbes, de fleurs et d’arbustes est conservée et accentuée par l’insertion de plantations indigènes. L’opération de la nature reprenant ses droits sur une infrastructure industrielle est qualifiée «d’agri-tecture» tant l’un semble dépendre de la présence de l’autre. Un fait intéressant sur le projet est qu’il n’est pas envisagé comme définitif et immuable. En effet, la conversion en parc public urbain s’est réalisée selon une procédure américaine de «rail banking». Cette procédure engage la ville de New York à maintenir le tracé linéaire existant de la High Line afin de permettre un possible réemploi en tant que voie ferrée si les conditions l’exigeaient. Le principe de résilience urbaine prend ici tout son sens car le projet ne fige pas l’espace ni sa destination d’exploitation, mais reste suffisamment souple pour être transformé selon les besoins. Toutefois, le projet de la High Line ne fait que mettre en oeuvre une prescription faite par l’architecte Steven Holl en 1979 qui proposait de réaménager les voies suspendues en jardin et les immeubles mitoyens en lofts et logements sociaux. Le projet de la High Line est le premier projet de réhabilitation d’une voie ferrée aérienne.
Le projet a été impulsé par le groupe citoyen «The Friends of the High Line», qui ont d’abord réalisé des campagnes de sensibilisation communautaire et des collectes de fonds. Suite à cela, la ville de New York a modifié les règles d’urbanisme des différents districts traversés par la High Line pour réglementer
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_Réglementation urbaine: front bâti sur la 10ème avenue http://www.nyc.gov/html/dcp/html/westchelsea/westchelsea3a.shtml
_Réglementation urbaine: façade Ouest de la High Line http://www.nyc.gov/html/dcp/html/westchelsea/westchelsea3a.shtml
_Réglementation urbaine: front bâti sur la High Line http://www.nyc.gov/html/dcp/html/westchelsea/westchelsea3a.shtml
_Réglementation urbaine: espace ouverts requis vers la High Line http://www.nyc.gov/html/dcp/html/westchelsea/westchelsea3a.shtml
_Réglementations urbaine pour la préservation des corridors visuels depuis la High Line de New York http://www.nyc.gov/html/dcp/gif/westchelsea/transfer_diagram.gif
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Cependant cette volonté de mettre en valeur des éléments historiques et patrimoniaux du début du siècle s’est également manifestée dans d’autres villes américaines telles que Chicago, Philadelphie et Jersey City. A Philadelphie, une étude est en cours afin de transformer le Reading Viaduct, une voie ferrée aérienne construite à la fin du XIXème siècle, en un parc public. La ville de Chicago est quant à elle sujette à la pression de groupes citoyens voulant convertir la Bloomingdale Trail, une voie ferrée appartenant à la compagnie Canadian-Pacific, en un parcours multifonctionnel. La ville de Chicago a par ailleurs inscrit la Bloomingdale Trail dans son plan directeur des espaces verts du Logan Square, le quartier où la voie ferrée se trouve. Si le projet devait voir le jour, il viendrait alors, comme la High Line, modifier les règles urbaines du district. Encore une fois, le parcours urbain serait moteur de l’urbanité, et non pas résiduel de cette dernière.
semble offrir un fort potentiel, à la vue des possibilités urbaines que cela propose (dans l’élaboration d’un parcours induisant l’établissement de règles urbaines précises) ainsi que dans un objectif d’usage social. Ce type d’approche permet en effet de réintégrer la nature au sein de la ville, mais participe sur le plan culturel et identitaire à affirmer le projet en valorisant une ancienne composante urbaine dégradée et en la rendant motrice d’un nouveau modèle urbain.
Mais ces différents projets, réalisés ou en cours d’étude, font écho au projet de la promenade plantée de Paris, seul comparable connu dans la réhabilitation d’une voie aérienne de transport. Il s’agit d’une ancienne voie aérienne de métro construite au XIXème siècle, transformée en espace vert. Elle s’étend de la Bastille au bois de Vincennes sur une longueur de 5km, et intègre boutiques, cafés et ateliers sous la structure faite d’arches en pierre. Au Québec, plusieurs emprise ferroviaires ont fait l’objet de reconversions en bandes cyclables. L’ensemble de ces projets posent la question du réemploi des infrastructure, de leur changement de destination, mais également des effets que cela peut avoir sur l’évolution du tissu urbain alentours. Comme nous l’avons vu pour la High Line, cela entraine une modification des règles urbaines afin de pouvoir mieux insérer les projets dans le tissu urbain existant, mais aussi développer ce même tissu en valorisant les nouveaux liens qui s’opèrent avec ces parcours et parcs urbains. Cela questionne la mise en valeur et la réhabilitation d’un patrimoine industriel que l’on retrouve sur le site du port Edouard Herriot. Cela peut donc constituer un exemple d’applicabilité au projet. Selon Dorel Ferré (1998), la sauvegarde du patrimoine industriel peut s’opérer de deux manières: soit par la muséification soit par la réhabilitation fonctionnelle. Dans le cas de New York aussi bien que dans le cadre de notre projet, la réhabilitation fonctionnelle
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_La High Line: deux niveaux de circulations, variétés des usages photographie de Josselin Cabaret
_La promenade plantée de Paris: réutilisation de la structure voûtée http://rowleywriter.blogspot.fr
_La High Line: espace vert, parcours urbain, transformation urbaine photographie de Josselin Cabaret
_La promenade plantée de Paris: un parcours urbain alternatif http://landarchs.com/wp-content/uploads/2012/04/PromenadePlantee4.jpg
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03. Définition des Scénari
SCÉNARIO 1: LA VILLE DIFFRACTÉE.
doivent également établir un lien avec l’environnement végétal et naturel dans lequel ils s’inscrivent afin de minimiser leur impact sur le site et s’intégrer au mieux au parcours vert et au parc.
Par définition, la diffraction est le phénomène affectant une onde lorsque celle-ci rencontre un obstacle. Il peut s’agir d’une diffusion ou d’une concentration de cette onde, qui continue dans n’importe qu’elle cas de se propager.
Cette première «ceinture verte» autour des darses est ceinte d’une deuxième ligne de parcours, urbain cette fois-ci, venant organiser une structure plus résidentielle et permettant de faire la couture avec les ensembles urbains au Nord du site. Afin de créer une interaction entre toutes les entités du projet, les zones communes des cercles isochroniques décrites plus haut servent de lieux de regroupement des services, des équipements publics, de loisir, etc. Ils mettent en oeuvre des espaces publics majeurs visant la cohésion sociale des citoyens et viennent marquer des ponctualités dynamiques, interfaces entre «ville rapide» et «ville lente». Du point de vue du gabarit urbain, ces zones de concentration admettent une hauteur plus importante que le reste du projet afin d’être repérables. Les zones à caractère résidentiel placées sur l’extérieur de ce parcours forment un tissu urbain dense mais de petit gabarit afin de pouvoir générer sur l’espace public une vie de quartier dynamique et proposer des gabarits de voirie pour des modes doux de circulation.
Appliqué au scénario urbain, le campus, dans sa globalité, est le générateur de l’onde qui se répand sur le territoire et qui va se trouver modifiée dès lors qu’elle rencontrera un obstacle, comme les darses ou une zone de végétation. A une échelle plus réduite, on retrouve le même système opérant, à la manière d’une fractale, mais cette fois-ci, ce sont les pôles de recherche et d’enseignement qui sont générateurs d’une dynamique urbaine, dynamique qui va se voir modifiée lorsqu’elle en rencontrera une autre. Cette idée de propagation peut être illustrée par une série de cercles ayant pour centres les différents pôles du campus. Cela résonne également avec le concept d’isochronie présenté dans l’analyse du port, du fait que chaque cercle peut correspondre à une distance, ou plutôt à un temps de parcours entre chaque pôle. La rencontre de deux cercles isochroniques crée alors une zone de regroupement qui pressent un changement de caractère du projet urbain, un changement de milieu ou encore un regroupement d’éléments urbains et architecturaux communs aux différentes population du projet (chercheurs, étudiants, habitants, etc). Cette zone d’intersection agit comme une interface urbaine et sociale et permet de créer des points de cohésion.
Un dernier point vient dessiner le projet. Il s’agit du réseau de communication et de transport traversant le site. Comme nous l’avons exprimé dans les orientations stratégiques, le pôle universitaire et recherche nécessite, afin de pouvoir attirer une élite scientifique, d’être rattaché à un réseau de transport rapide et en liaison avec les différents centres intermodaux lyonnais. La création d’une gare à l’Est du site, dans la prolongation de la ligne TGV Lille/Marseille ,passant par Paris et la gare de la Part-Dieu, permet de connecter Lyon aux métropoles européennes et évite le fonctionnement en cul-de-sac comme c’est actuellement le cas avec la gare de Perrache. La prolongation de la ligne de tramway T1 depuis la station Debourg permet également de rattacher le centre ville de Lyon d’une manière rapide et d’irriguer le projet du point de vue des circulations en mode doux.
La position des différents pôles du campus est privilégiée autour des darses mais également sur les points d’entrée du site. En effet, le déploiement d’édifices universitaires dans un environnement vert et ouvert permet de libérer l’accès aux berges et aux darses pour l’ensemble de la population, de proposer des parcs visuellement et physiquement en lien avec l’eau, mais également de créer un premier parcours vert, ponctué de repères grâce aux différents pavillons. Ces pavillons n’admettent pas une grande hauteur, malgré leur rôle de repère dans le parcours vert, afin de rester dans le gabarit de la végétation environnante. Ils possèdent un caractère dense et massif afin de proposer une façade lisible et perceptible depuis les autres pôles universitaires. Ils
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INTERFACE ACTIVE
+ ville rapide
= ville lente
projet
_La mise en système de deux temporalités urbaine schéma de Josselin Cabaret
N
les zones de campus et leur rayonnement
parcours vert et axes de laisons rapides
_Processus de conception de la «ville diffractée» schéma de Josselin Cabaret
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projet
SCÉNARIO 2: UN FLEUVE ABONDANCE.
conservées pour pouvoir être réhabilitées. Leur structure constitue en effet un avantage et une facilité de mise en oeuvre pour leur réutilisation. La presqu’île de l’archevêque propose un potentiel de résilience important en raison de la pollution de son sol. Sa dépollution entraînant l’excavation d’un volume conséquent de terre, la fosse créée permet de faire pénétrer le fleuve à l’intérieur des terres dès lors que son niveau augmente, venant encercler les cuves reconverties en logements ou en équipements. L’aspect «naturel» que l’on peut donner à cet espace permet d’effectuer une transition entre le parc des Berges et le fleuve. Sur le reste du site, les espaces publics majeurs résiliants revêtent un caractère plus urbain. Afin de clairement identifier le parcours urbain, les édifices jouxtant les espaces publics et permettant leur articulation les uns par rapport aux autres doivent être traités de manière spécifique afin de servir d’éléments de repère urbain et générer une image forte dans l’esprit du piéton. Les façades des axes structurants doivent également permettre d’identifier les parcours. Cette projection mentale couplée au fil de l’eau circulant au sol permet une orientation rapide dans le site. Chaque élément repère de chaque espace public doit pouvoir être perceptible depuis un autre espace afin de renforcer la projection et le positionnement du piéton dans le projet. Dès lors, le parcours définit le tracé du projet urbain et induit une variation typologique selon son gabarit. Ces typologies sont accompagnées d’une variation de la végétation plantée tout au long du parcours, grâce à la présence de l’eau.
L’enjeu de ce scénario est l’interaction entre l’eau (par l’intermédiaire des darses), l’espace public et le parcours urbain. A première vue, la présence de l’eau à l’intérieur du port marque une limite physique pour le projet, limite accentuée par la fracture entre le niveau du quai et le niveau du fil de l’eau. Toutefois, si l’on parvient à faire rentrer l’eau dans la ville, alors nous nous affranchissons de cette limite et nous atténuons la différenciation urbanité/paysage par interpénétration des milieux. Introduire la composante «eau» dans l’espace urbain par l’intermédiaire d’espaces résiliants va amener à redéfinir les limites et les porosités de la ville. Le parcours urbain devient le parcours de l’eau et la présence de cette dernière agit comme ligne guide dans l’espace de la ville. La stérilité des revêtement bitumineux et minéraux qui ne laissaient place qu’à une végétation très controlée, dans le sens où on ne lui réservait que des espaces ponctuels et très limités, est remplacée par des lignes urbaines «naturelles», perméables et fertiles. L’objectif à travers ce scénario est d’identifier les espaces résiliants à mettre en place et à aménager en lien avec le fleuve pour qu’ils constituent les espaces publics majeurs du projet. Ces différents espaces vont permettre l’amorce de la pénétration de l’eau dans la ville et vont définir une première spatialité dans le découpage de la forme urbaine. Dans l’identité urbaine du projet et la projection que l’on s’en fera, les espaces publics majeurs seront clairement identifiés comme dépendants des caractéristiques du fleuve: niveau de l’eau, aspect, végétation, ... Une fois ce premier découpage effectué, la mise en oeuvre d’axes structurants entre les différents espaces publics majeurs permet de proposer une première ossature urbaine. L’eau étant intégrée au dessin de ces axes, le projet devient une extension de la ville sur l’eau, et la limite franche qui existe à l’heure actuelle continue d’être atténuée. Le fleuve, que l’on cherchait à canaliser pour les activités du port vient redéfinir une spatialité territoriale par ramification. La variation des ramifications concorde avec celle de l’aménagement de la voirie, de telle sorte que l’eau agit comme élément de repère ainsi que sur le gabarit urbain du projet. A l’image d’un plan de circulation de métro, le fil de l’eau inscrit le plan du projet au sol. Dans ce scénario, les cuves d’hydrocarbure sont
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+
=
+
=
l’eau comme limite urbaine
faire rentrer l’eau dans la ville
projet
_La mise en réseau de l’eau, outil de développement d’une urbanité résiliente schéma de Josselin Cabaret
_Exemple d’espace de résilience urbaine schéma de Josselin Cabaret
_Principe de résilience pour la presqu’île de l’archevêque schéma de Josselin Cabaret
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SCÉNARIO 3: VERS UN MÉTACENTRE DE LA SANTÉ.
urbain qui génère ici le tracé du projet, mais plutôt l’inverse. Les infrastructures médicales agissant comme éléments de repère urbain, des accès directs sont générés pour les rejoindre les uns aux autres le plus rapidement possible. La définition d’axes majeurs dans le projet se fait donc de manière résiduelle et non pas structurante, la priorité ayant été donnée aux équipements médicaux et à leur positionnement privilégié autour du plan d’eau. Les axes de circulation sont tracés pour être le plus efficace possible et sont rigoureusement rectilignes, s’organisant parallèlement aux darses. Afin de rompre l’isolement de l’île que nous avons créé, puisque celle-ci doit accueillir un centre urbain dynamique et actif de manière continue, un axe Est/Ouest est mis en place, est accueille le prolongement de la ligne T1 s’arrêtant aujourd’hui au niveau de la station Debourg. De cette manière, il est possible de rallier le quartier de la Confluence en quelques minutes et ainsi de lier deux métacentres lyonnais. L’objectif de ce scénario n’étant pas de proposer un lien particulier ni au paysage ni à l’environnement urbain extérieur au site, l’importance des déplacements est donnée à la facilité et la vitesse. Le paysage du Rhône, le parc des Berges, les espaces verts créés ne possèdent pas de réel lien avec le projet. Comme Manhattan possède Central Park, un parc urbain est créé au niveau de la presqu’île de l’archevêque afin d’apporter un poumon vert au projet et donner la sensation d’un lien ville/ nature. Cependant, les limites franches de ce parc et son unicité expriment son artificialité. Il est encore ici question de pouvoir offrir un logement avec vue. Le tissu urbain résiduel venant s’organiser autour des axes de circulation et des centres de santé se met en place de manière générique. Son image architectural reste relativement neutre de manière à accentuer le caractère spectaculaire des centres de santé, à ne pas entrer en concurrence avec eux et ainsi éviter la possibilité de perdre cet effet de repère urbain qu’ils possèdent.
Dans ce dernier scénario, le concept repose sur une ville spectacle, organisée sur elle même et autour d’équipements de santé de pointe et de loisir. Un fonctionnement autonome induit une centralité, qui n’est pas clairement présente sur le port à l’heure actuelle et qu’il convient donc de créer. La partie Sud du bras de terre central est donc supprimée et excavée pour créer un bassin autour duquel vient s’organiser l’ensemble du projet urbain, à la manière d’une base de loisir qui vient se positionner autour d’un plan d’eau. Mais pour que cette centralité «vide» prenne toute sa force, elle doit être l’aboutissement de quelque chose. Pour se faire, le bras de terre central du port Edouard Herriot est isolé en prolongeant les darses qui l’entourent. De cette manière, on génère une centralité bâtie, un coeur de ville attractif, dynamique, avec une densité forte rendue possible par des édifice de plus grande hauteur que sur le reste du projet. De cette manière, cette entité urbaine est clairement repérable depuis n’importe quel lieu du site. On utilise ici l’image archétypale de Manhattan pour marquer l’esprit de l’usager. De plus, en laissant la nouvelle pointe Sud libre de construction, cela permet de la mettre directement en lien avec le bassin créé en premier lieu. La ville s’ouvre sur le fleuve, le contemple, et ce dialogue permet de générer une centralité combinée, à partir de deux éléments antagonistes, l’un vide, l’autre plein. La seconde intervention consiste à définir les espaces qui permettront d’accueillir les grands centres de santé générateurs de l’image de marque du projet. Puisque nous disposons par l’intermédiaire du bassin d’un vaste espace de représentation de la ville, ces différents lieux sont positionnés et s’organisent autour de ce dernier afin d’effacer, de lisser l’image médicale des édifices construit. Cela permet également de leur donner un caractère plus résidentiel, de telle sorte que les patients (ou plutôt les résidents temporaires) de ces cliniques ne possèdent pas une chambre d’hôpital standard, mais plutôt , une chambre ou un appartement avec vue sur le plan d’eau. Comme nous l’avons mentionné dans la précédente parties concernant les orientations stratégiques du projet, ce n’est pas un parcours
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+
=
+ création d’une centrailité autour d’un bassin
= création d’une centralité bâtie en lien avec le bassin
projet
_Une centralité urbaine, symbole d’une «ville spectacle» schéma de Josselin Cabaret
N
espaces d’implantation des infrastructures de santé
infrastructures de santé et axes de liaison
_Processus de fabrication d’une «health city» schéma de Josselin Cabaret
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projet
04. Comparaison des Scénari
Le premier scénario se base sur la mise en place de deux grands cercles de circulations, deux parcours servant à desservir deux entités urbaines distinctes: la boucle des campus formant une ceinture végétale autour des darses, et une entité plus résidentielle, venant créer des connexions par entremêlement. Les pôles universitaires sont dans ce scénarios les réels vecteurs de l’impulsion urbaine puisqu’ils viennent se greffer sur la ligne de dessin des darses et provoquent l’arrivée d’une population active, mobile, nécessitant un accès à des services, équipements et réseaux de transport de manière continue. La mise en place de ces équipements urbains permet alors à une population plus résidentielle de venir s’installer et de bénéficier de l’ensemble des infrastructures utiles à son développement et son installation. Le processus opère comme un système mécanique, ou chaque engrenage génère un nouveau mouvement, une nouvelle dynamique de développement, jusqu’à se rattacher de manière totale aux ensembles urbains du 7ème arrondissement de Lyon. Ce processus amène un phasage, qui permet d’échelonner les temporalités du projet, tout en assurant une continuité. La notion de parcours est présente dans les trois différents scénari, mais n’a pas la même force dans le dessin de la forme urbaine. En effet dans le deuxième scénario, l’intégration de l’eau et du paysage pour venir renforcer le tracé des espaces publics, des parcours urbains et mettre en place un système de résilience urbaine fait de ce geste le point d’orgue du projet. Tout le projet se déploie autour du séquençage que génère le parcours. Dans le troisième scénario, nous sommes confrontés au phénomène inverse, puisque le parcours apparait de manière résiduelle à l’implantation des équipements médicaux. On ne peut d’ailleurs parler de parcours que de manière limitée puisqu’il s’agit plus d’un couloir directeur, stérile et artificielle visant seulement l’optimisation du déplacement entre un point A et un point B. Dans les deux premiers scénari, la notion de déambulation, de cheminement constitué d’étapes s’ouvrant sur un paysage tantôt urbain, tantôt paysager est présente, même si cela s’opère à différents degrés.
recherche de pointe dans le domaine de la santé ne peut se mettre en place que sous l’impulsion et l’essor du bio-district, ce qui rend le scénario très dépendant d’un contexte économique. Dans le cas du scénario 3, on se trouve dans un cas quasi similaire même si les formes urbaines sont très dissociées. C’est encore une fois le levier que peut opérer le bio-district qui rend possible la mise en marche et le fonctionnement du projet urbain. C’est ce qui rend, de ce point de vue, le second scénario plus viable et plus pérenne. En effet, les structures urbaines du scénario 1 et 3 sont tout à fait capables d’accueillir un autre type de programme, ce qui pourrait totalement évacuer le thème de la santé du projet. L’avantage que présente le scénario 2 est d’également pouvoir assimiler n’importe quel programme et pourtant conserver son approche santé dans le projet urbain. Cela est du au fait que le projet propose une approche environnementale de la santé. Une fois «l’environnement santé» généré, les programmes architecturaux qui viendront s’implanter dessus devront opérer une transition avec leur environnement, ce qui créera une logique «santé» du projet urbain jusqu’à l’édifice, à la manière d’un système fractal. De plus, on peut se poser la question de la compatibilité des différents scénari en rapport avec le site du port Edouard Herriot. Tout l’intérêt du projet réside dans sa capacité à pouvoir absorber les différents enjeux et contraintes du site du port, qui sont la présence de l’eau, un dessin des darses qui oriente conséquemment celui du projet si l’on veut minimiser la modification paysagère du site, le potentiel qu’offre le parc des Berges pour la création d’un parc à plus grandes échelle, en lien avec le fleuve, et qui pourrait venir pondérer la masse végétale du parc de la Tête d’Or et du parc de Miribel Jonage (permettant ainsi l’aménagement d’un parcours vert du Nord au Sud de l’agglomération lyonnaise). Le lien entre projet urbain et environnement naturel est faible dans le scénario 1 voire inexistant dans le scénario 3, alors que dans le scénario 2, l’environnement naturel est constitutif du projet, il en dessine les grandes lignes urbaines. En effet dans le premier scénario, le lien entre nature et urbanité se fait par mitoyenneté, mais sans réelle interpénétration. L’un s’organise autour de l’autre, et l’on rentre dans un dispositif d’espace servant et d’espace servi. Dans le troisième scénario, le rapport à la nature se fait de manière totalement artificielle. Il
Le thème de la santé, qui est le point de départ de chaque scénario est mis en oeuvre dans le scénario 1 et 3 sous la forme d’interventions architecturales. Il est d’abord lié à un programme architectural plutôt qu’à des intentions urbanistiques comme c’est le cas pour le scénarios 2. La mise en place d’un campus de
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s’agit plus d’une mise en spectacle de la nature, très maîtrisée, afin de permettre de générer une idée de bien vivre. Le rapport à l’eau est un rapport d’espace utilitaire, outils de développement de loisirs, mais qui n’agit à aucun moment sur le projet ni son dessin. On retrouve encore une fois une notion de décors pour la ville, capable de procurer une sensation de bien-être et de vie saine. Toutefois ce n’est pas parce que la mise en oeuvre des intentions semble moins porteuse dans les scénari 1 et 3 qu’ils ne proposent pas certaine sformes urbaines au potentiel intéressant. Dans le scénario 3, l’isolement du bras de terre central pour créer une île permet de définir un espace dont les dimensions permettent l’implantation d’un centre dynamique sur un parcours urbain à travers le projet, en lien avec l’eau et facilement accessible de par son caractère central. Il permet d’organiser une urbanité autour de lui et peut servir de première étape dans le phasage du projet. Dans le scénario 1, le parcours vert longeant les darses permet de générer une zone d’interface eau/ville qui peut par la suite être renforcée par le dispositif de résilience et le dessin urbain par le parcours du scénario 2. De tout cela, on peut retirer que le processus urbain proposé dans le scénario 2 permet de mettre en place un environnement, support du projet extrêmement lié au thème de la santé, et que les scénari 1 et 3 proposent quant à eux des parcours et des systèmes urbains qui peuvent très clairement trouver leur place sur ce support et venir le renforcer. Le scénario définitif apparait donc comme pouvoir être un amalgame de composantes des trois différents scénari proposés précédemment.
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05. Discussion Théorique
SCÉNARIO 1:
SCÉNARIO 2:
Le premier scénario propose la création d’un projet universitaire puis urbain sous l’impulsion du développement du bio-district, donc d’un facteur économique. Si l’on retire la composante «campus» de l’équation du projet, sa légitimité disparaît. Cela rend le scénario très fragile et trop dépendant d’un contexte sociétal. De plus, ce type de projet ne s’inscrit pas dans une culture française de développement mais repose plutôt sur le modèle universitaire étatsunien. Si l’on prend par exemple le modèle du MIT à Boston, son développement est entièrement basé sur le principe de mécénat des grandes richesses, des grandes industries et des grands groupes américains. En finançant un campus universitaire, ou des pavillons, les mécènes s’assurent la mise en place de partenariats université/industrie, et sont assurés de la possibilité de recrutement d’étudiants formés à pouvoir travailler au sein de leur firme. La présence de ces différentes entités économiques sur le campus est d’ailleurs une des caractéristiques de ce type de culture. Un étudiant nouvellement diplômé ayant été recruté n’a littéralement qu’à traverser la rue pour aller travailler, puisque les grands groupes et industriels sont implantés sur le campus. L’enseignement et la recherche sont, dans ce modèle, perçus comme des investissements économiques, et le recrutement d’un étudiant spécialement formé pour un emploi apparaît donc comme un retour sur investissement. Sur ce principe, le développement de projets urbains et universitaires devient donc pérenne et provoque la création de véritables villes campus, très concentrées pouvant vivre en autonomie car possédant leurs propres infrastructures et équipements, services, logements, et même service d’ordre. La mise en place d’un tel modèle sur le site du port Edouard Herriot serait synonyme d’un véritable virage culturel, mais aussi politique puisque l’enjeu ne serait plus la recherche, la culture et l’enseignement comme on le voudrait, mais plutôt un enjeu économique en permettant la mise en place d’une ville sous le contrôle des grands laboratoires pharmaceutiques. La volonté du projet urbain étant de proposer la mise en place d’une urbanité permettant d’accueillir une population variée et de lui proposer un cadre de vie de qualité, il semble donc émerger une sorte de conflit d’intérêts dans le projet. Un double discours essayant de concilier urbanisme, citoyenneté et économie de marché au sein d’un même programme.
La résilience urbaine est un concept relativement jeune quant à sa mise en oeuvre dans le cadre du projet urbain. Par définition, la résilience est la capacité d’un matériau à pouvoir résister aux chocs, les encaisser, mais également la propriété d’un individu à résister psychiquement aux épreuves de la vie. Le principe de résilience fait donc intervenir aussi bien le projet urbain, en tant que «matériau ville», que son usager, ce qui induit la mise en place d’un environnement permettant une bonne qualité de vie, physique et mentale. C’est l’idée que reprend le diagramme page 13, selon lequel la mise en oeuvre d’espaces verts participe de manière directe à la santé physique et mentale d’un individu en permettant la cohésion sociale ou la pratique sportive. Le scénario 2 traite donc de la «fabrication» d’un support urbain fertile permettant l’érection du projet, à l’image d’une graine que l’on plante et qui va pouvoir, grâce à des conditions optimales, se développer sur l’ensemble d’une parcelle. La résilience ne génère pas une urbanité totalement nouvelle, mais doit plutôt être vue comme un processus de recyclage urbain, s’appuyant sur les spécificités d’un territoire afin de le dynamiser, le valoriser. Dans le cas du second scénario, la conservation et la réhabilitation des cuves d’hydrocarbure marque cette volonté de s’appuyer sur des éléments pouvant accueillir une urbanité et amorcer un nouveau dynamisme urbain. Toutefois, même si la résilience vise à la revalorisation et la mutabilité d’un site, elle ne doit pas être synonyme de stricte conservation. En effet, même si l’on conserve les anciennes cuves, la presqu’île de l’archevêque subit une transformation paysagère afin d’amorcer le principe de résilience et faire pénétrer l’eau du fleuve dans le projet urbain en aménageant un parc inondable autour des cuves. Cet aménagement induit la mise en oeuvre d’une urbanité souple qui puisse absorber les phénomènes de montée des eaux dans notre cas. Étendu à l’ensemble du territoire, la mise en pratique de système résiliants permet de générer un site pour le projet urbain possédant sa dynamique propre et permettant l’accueil d’une variété de programmes architecturaux ainsi que la mise en place de parcours urbains aux aspects variés mais participant de manière forte à la structure urbaine.
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SCÉNARIO 3: Le processus de constitution de l’entité urbaine du scénario 3 repose sur un principe de ville générique, un fragment urbain déplaçable, malléable, ne nécessitant qu’une faible préparation du site sur lequel il vient s’implanter, ou alors une tabula rasa. Cependant ce type de système urbain tire parti des éléments valorisant de son environnement, mais cela sans qu’ils soient constitutifs ou n’aient un réel impact sur le projet. Dans le cas du scénario 3, l’installation des équipements de santé en bord d’eau sert principalement à mailler visuellement le paysage au moyen d’architectures remarquables, et afin de proposer une architecture «avec vue». Le paysage n’est qu’un plus, un décor. Les axes de circulation prennent la typologie des grands boulevards, impersonnels, propices au lèche vitrine et à la consommation de masse. Car dans ce scénario, c’est le recours à la médecine de pointe qui est massivement utilisé, créant une nouvelle forme de commerce poussé par un jeunisme omniprésent. Ce type d’organisation urbaine rappelle le concept de Bigness énoncé par Rem Koohlaas (1995) dans son essai Bigness, ou le problème de la grande dimension. Selon Koohlaas, dans la Bigness, «La rue est devenue un résidu, un outils d’organisation, un simple segment du plan métropolitain continu, où les restes du passé rencontrent les équipement du présent dans un faceà-face gêné. La Bigness peut exister n’importe où sur ce plan. Non seulement la Bigness est incapable d’établir des relations avec la ville classique - au mieux elle coexiste - mais, par la quantité et la complexité des services qu’elle propose, elle est elle-même urbaine» 14. On retrouve bien dans cette description le processus du scénario 3, qui fonctionne en autonomie, en bon voisin, mais qui génère une urbanité sans se rattacher à celle environnante. Dès lors le projet urbain prend le statut d’un parasite se nourrissant de son hôte (le site) pour en tirer le meilleur parti, mais qui à aucun moment de participe à son développement. Dans ce type de scénario, il est d’ailleurs fort probable que la destination des programmes architecturaux se fassent selon un effet de tendance du moment. Sur ce raisonnement, la production d’une architecture générique permet néanmoins d’assurer une longévité du projet de par son caractère mutable et adaptable. C’est ce qui en fait sa dangerosité mais également son potentiel.
14
KOOHLAAS, R,. 2001, Junkspace, Éditions Manuels Payot, Paris, 121 p., page 41.
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06. Applicabilité au Projet
Le scénario que nous avons fini par développer résulte de la combinaison de différentes notions et partis pris des trois scénari précédemment présentés. Le première élément à prendre en compte est celui de l’importance du support du projet urbain, la création d’un environnement de projet avant l’implantation du projet en lui même. En cela, le scénario du fleuve abondance répond à cette première problématique en permettant la mise en place d’un réseau d’espaces publics résiliants, ainsi que le tracé de grandes lignes directrices, de parcours urbains, qui vont permettre de définir la première ossature du projet et générer des solutions d’articulations urbaines en préalable. En parallèle de cette première intervention, Il semble que la création d’une centralité puisse impulser une dynamique de développement. Pour se faire, l’isolation du bras de terre central du site permet de générer cette «île», à l’image d’un Manhattan lyonnais, ayant la capacité de concentrer une majeure partie des infrastructures publiques et des services à grande échelle comme un regroupement de commerces, et non pas un centre commercial, une halle de marché, des équipements culturels et de loisir, des bureaux, etc. Le regroupement de ces entités en un même lieu permet de dégager le reste du site de projet afin de se concentrer sur la mise en place d’un réseau de parcours urbains permettant de lier les différents espaces publics et de rendre possible d’habiter la ville, au sens large. Ce qui est sous-entendu par «habiter la ville», c’est avant tout de rompre l’image de la cellule de logement comme seule entité permettant d’habiter. Habiter la ville, c’est rendre possible l’appropriation d’un logement, mais aussi de permettre le développement d’une vie sociale et d’une sensation de bien-vivre en rendant l’espace public aux citoyens, plutôt que de le laisser à la seule utilisation de la circulation et des flux. L’espaces public doit être considérer comme le lieu de la vie urbaine, une extension du logement. L’extension de la ligne T1 depuis la station Debourg passant par cette nouvelle centralité permet de drainer et d’organiser une zone de flux importante. Les différents parcours à travers le projet vont en effet accueillir divers façons de se déplacer: modes doux, transports en commun, axes de circulations rapides (nécessaires mais limités), axes piétons, axes végétalisés, etc... Les zones d’habitat seront desservies principalement par des accès piétons et des modes doux. Il est certain que la circulation automobile ne peut être totalement éradiquée du projet, mais elle peut cependant être
limitée , en implantant par exemple des parking silos pour chaque îlot. Cela induit un changement radical dans la façon dont nous organisons nos déplacements, mais serait l’opportunité d’amorcer un changement comportemental. Le fait de retirer l’automobile en tant que composante dans la conception du projet permet de libérer de l’espace au sol et rend possible une autre utilisation de ce dernier. Les quais des darses sont entièrement dédiés à la circulation piétonne et sont aménagés afin de mettre en place le processus de résilience et d’effectuer un lien entre paysage et ville. Le processus est appuyé par la conservation des cuves d’hydrocarbure ainsi que de plusieurs édifices industriels actuels du port, amenés à être réhabilités. Cette conservation s’inscrit dans une volonté de préservation d’un héritage industriel présentant un potentiel urbain dans le futur projet. De plus, il est possible de raccrocher ces entités architecturales au parcours urbain, ce qui permettra de disposer d’éléments de repère sur le site, clairement identifiables et participant de manière forte à l’identité du projet. La reconversion architecturale des anciennes cuves et des autres édifices industriels permet également de créer une nouvelle idée d’habiter, habiter un patrimoine, voire, dans le cas des cuves d’hydrocarbure et de l’aménagement paysager qui y est lié, habiter le paysage. La variation des gabarits bâtis se fait en fonction de ce lien au paysage. Sur les quais des darses, nous sommes en présence de gabarits bas (R+2) qui vont croître jusqu’à R+6 sur les limites extérieures du site, notamment à l’Est afin de faire écran aux nuisances produites par le boulevard périphérique et les lignes SNCF. Ce gabarit haut se retrouve également sur «l’île» concentrant les infrastructures publiques et les équipements afin de créer un fragment urbain identifiable et perceptible depuis n’importe quel endroit du site. Le projet s’établit donc sur la mise en place de parcours urbains, de repères urbains et d’interfaces ville/paysage qui vont permettre d’organiser le reste du projet et de l’articuler via l’espace public.
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VILLE
PAYSAGE
MISE À DISTANCE
CONFRONTATION
_Quel rapport entre environnement et urbanité ? schéma de François Garric
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_Le port actuel et la mise en évidence d’élément patrimoniaux à valoriser schéma de Josselin Cabaret
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INTERACTION
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_Le redessin des darses et la création des amorces résilientes schéma de Josselin Cabaret
_La mise en place d’espaces publics en lien avec le paysage pour générer des parcours urbains schéma de Josselin Cabaret
La création d’un espace de représentation pour le site du port Edouard Herriot était rendu difficile avec la configuration actuelle des darses. Afin de proposer un tel espace et de rendre le port attractif du point de vue des loisirs un bassin est aménagé en tronquant une des avancées de quais, et l’isolant du reste du site par raccordement des darses. «L’île» ainsi créée acquiert un statut particulier quand au reste du site et permet de localiser la ville «24/7» évoquée précédemment. La darse Sud est prolongée vers le parc de Gerland afin de faire pénétrer l’eau dans le territoire et redonner à la presqu’île de l’archevêque une réelle identité de presqu’île. La zone de stockage des hydrocarbures est quand à elle transformée en bassin résilient, e qui permet de ré-accentuer l’aspect plus sauvage de la presqu’île de l’archevêque.
La notion de paysage et de parcours urbain se confondent pour ne faire apparaître qu’une seule entité: le «paysage zéro», c’est à dire le réceptacle du projet urbain. Grâce à l’application de ce principe de conception, c’est la ville qui apparaît comme résiduelle de l’implantation du parcours, de l’itinéraire et du paysage, et non pas l’inverse. Le dessin de la ville ne se fait plus uniquement par grands tracés régulateurs, mais offre la possibilité d’ouvertures spatiales et paysagère, de mise en relation autrement que par l’intermédiaire d’une voie carrossable. Un espace naturel peut en effet tout aussi bien lier deux entités urbaines que le ferait une rue ou un boulevard. Cela permet de proposer une autre approche de l’urbanité et transforme l’idée de «vivre en ville» en «vivre dans un paysage».
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_Le drainage des flux et la minimisation des circulations rapides schéma de Josselin Cabaret
_Le projet comme résultante des parcours urbains, des axes de circulations et des interfaces paysagères schéma de Josselin Cabaret
Afin de ne pas contrecarrer la mise en place d’un réseau de circulation «vert» au moyen du paysage zéro, il est important de veiller à minimiser les axes de circulation automobile pour privilégier les modes de déplacements piétons et doux, et encourager l’utilisation des transports en commun. Toutefois, on ne peut pas encore éliminer l’automobile de nos ville. C’est pour cela que le réseau est développé au minimum requis, pour irriguer les différents quartiers du projet organisés autour d’axes de circulation majeurs. Le recours aux parkings silos ou à l’organisation des centres d’impulsion urbaine sur le principe de l’isochronie permet de proposer aux usagers des services de proximité susceptible de limiter leur usage de l’automobile, augmenter les déplacements piétons et dynamiser la vie de quartier.
Une fois les connexions établies grâces au paysage zéro, au parcours urbain et aux réseaux de transport rapide, les différentes entités urbaines peuvent venir se déployer sur cette matrice. L’avantage d’une conception paysagère en amont de la conception urbaine est de pouvoir proposer des espèces qualitatifs non résiduels mais créateur d’urbanité et d’identité. En effet, chaque quartier ne possèdera pas la même identité car il sera en interface avec un paysage différent d’un autre. Cette différenciation pourra permettre la création d’une identité paysagère de quaque quartier, et non plus nécessairement sociale ou ethnique comme c’est souvent le cas aujourd’hui. Le rapport au paysage induit également une identité architecturale ainsi qu’un gabarit urbain afin de s’intégrer au mieux à l’environnement d’implantation.
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05_ BIBLIOGRAPHIE CONSULTテ右
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06_ ANNEXE
PROJET URBAIN
01. Généalogie Urbaine
_OCTOBRE_HYPOTHÈSE 1 «La ville campus»: mise en réseau d’édifices et d’équipements dédiés à l’éducation et la recherche médicale.
_NOVEMBRE_SCÉNARIO 1 «La ville campus»: les campus comme espaces d’impulsion urbaine et destinations d’axes de circulation rapide.
schéma de Josselin Cabaret
schéma de Josselin Cabaret
_NOVEMBRE_SCÉNARIO 2 «La ville résiliente»: mise en réseau d’espaces urbains résilients. schéma de Josselin Cabaret
_OCTOBRE_HYPOTHÈSE 2 «Parcours urbain»: mise en oeuvre d’un parcours urbain qui permet de desservir l’ensemble du site. Articulation urbaine grâce à des éléments architecturaux. schéma de Josselin Cabaret
_NOVEMBRE_SCÉNARIO 3 «La ville santé»: mise en oeuvre d’un parcours urbain jalonné par des équipements médicaux et de spectacle. schéma de Josselin Cabaret
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LE PARCOURS: SAVOIR D’OÙ L’ON VIENT POUR SAVOIR OÙ L’ON VA
Ces éléments sont les premiers à être constitutifs du paysage zéro du projet, de sa matrice originelle. Ils vont également servir d’articulation pour la mise en place d’un parcours urbain et vont en renforcer son identification et son identité. Le processus de création du projet urbain est donc à l’image du parcours urbain: une ligne non figée, opérant des allers et venus, des mises en relation entre des points , des lieux, qui agissent comme des balises, des repères à l’échelle urbaine. Cela permet, entre ces points, de proposer des espaces moins définis, plus adaptables aux différents contextes, environnements, aux différentes fonctions que l’on retrouve sur le site du port Edouard Herriot.
Le processus de création du projet urbain n’est pas un processus linéaire mais une démarche itérative. Le projet retenu est le résultat de la synthèse d’hypothèses urbaines, de scénari urbains et de la mise en relation de systèmes. Les réflexions et orientations conceptuelles mises en œuvre ont permis de faire ressortir des similitudes lors des différentes étapes du processus. Ces similitudes ont permis l’établissement de jalons du projet urbain. Elles agissent comme des éléments repères, autour desquels le projet urbain va pouvoir venir s’organiser.
_FÉVRIER_PROJET 2 élaboration d’un projet urbain à partir d’un paysage zéro constitué d’éléments paysagers et architecturaux procurant son identité au site et permettant l’lélaboration d’un parcours urbain clairement identifiable. schéma de Josselin Cabaret
_DÉCEMBRE_PROJET 1 «Révéler et habiter le paysage fluvial»: évocation d’un paysage zéro, support du projet urbain. schéma de Josselin Cabaret
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_MARS_PROJET 2.1 modification des gabarits des rues formant le parcours urbain afin de valoriser les éléments constitutifs du paysage zéro et l’identification des espaces publics majeurs. schéma de Josselin Cabaret
02. En Préalable, un Site
PROCÉDÉ ISOCHRONIQUE ET RAPPORT TEMPOREL DE MISE EN OEUVRE L’un des outils de positionnement des repères urbains est le principe d’isochronie, ou d’égale distance en temps de parcours à pied. Si l’on conserve la logique de l’agglomération lyonnaise concernant l’espacement en temps de parcours entre ses espaces publics majeurs, alors une moyenne de 5 minutes entre chaque repère urbain peut être mise en œuvre. La présence d’infrastructures importantes sur le port Edouard Herriot (entrepôts, halls,...) et les capacités de mutabilité et de modularité qu’elles offrent permettent de conserver une identité industrielle pour la mise en place du parcours urbain. De cette façon, les édifices d’articulation du parcours seront clairement identifiables, et ce depuis différents points d’observation sur le site de projet. La volonté avec ces objets architecturaux n’est cependant pas de les conserver dans leur état actuel. Le but est d’en préserver l’enveloppe pour sa qualité «d’imagibilité» et de repère, mais de libérer l’emprise au sol afin de créer un espace public et un parcours urbain continu sur l’ensemble du site. Le projet urbain et l’architecture n’étant envisagés que comme des résultantes du paysage zéro, ils doivent limiter au maximum les points de contact avec celui-ci. De la sorte, on pourra clairement identifier l’espace balisé au sol, le parcours urbain en soi, et une seconde couche en suspension qui viendra délimiter des espaces particuliers comme des halles marchandes, des équipements, des lieux de rassemblement, des jardins,...
phase 1: amorce végétale du parc de Gerland pour la constitution du paysage zéro
phase 2: transformation des terrains d’entraînement du stade de Gerland pour étendre le parc
phase 3: création d’un espace résilient après décontamination. Re-création du paysage naturel de la presqu’île de l’archevêque
édifice industriel conservé pour la mise en œuvre de repères urbains
De par son caractère industriel et artificiel, le port Edouard Herriot rend difficile voire impossible la valorisation d’espaces paysagers «verts», excepté si l’on se rattache au parc de Gerland. Toutefois, la réhabilitation de la presqu’île de l’archevêque comme espace résilient et végétal est un enjeu primordial dans la constitution d’un paysage zéro de qualité pour accueillir le projet urbain. Un des premiers objectifs est donc de re-créer cet espace naturel à l’extrême Sud de l’agglomération lyonnaise. Le processus de décontamination de l’ancien site de stockage d’hydrocarbure nécessitant un temps considérable, cela donne une première échelle temporelle dans la mise en œuvre du projet urbain.
périmètre de temps de parcours rayon= 5minutes à pied
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_Isochronie du PLEH: éléments repères à l’échelle urbaine et rayon de mise à distance schéma de Josselin Cabaret
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03. Le Paysage Zéro
INVENTAIRE TYPO-MORPHOLOGIQUE DES ÉLÉMENTS ARCHITECTURAUX CONSTITUANT LE PAYSAGE ZÉRO Certains bâtiments industriels possèdent un fort potentiel de reconversion en repères urbains, de par leur position sur le site du port Edouard Herriot, leur gabarit et leur système structurel. En effet, le but est de pouvoir utiliser des édifices capables de libérer leur emprise au sol, ou du moins de la réduire au minimum, tout en affirmant leur identité industrielle, clairement reconnaissable et qui permettra de jalonner le parcours urbain. La structure en poteaux/treillis des hangars du port permet cela, et offre une surface sous couverture considérable qu’il sera possible de réinvestir ou de transformer. Les avancées sur l’eau et les dispositifs de déchargement installés dans ces bâtiments sont également des points importants à relever. Dans un esprit de mutabilité, il peut être envisagé de conserver une activité portuaire sur le site. La fonction industrielle du port Edouard Herriot ne sera plus la principale activité, toutefois on peut imaginer la mise en place de navettes fluviales ou la centralisation du commerce de fruits produits dans le département de la Drôme au Sud. Des bâteaux-marchés itinérants pourraient également être accueillis dans l’enceinte du port puisque les darses restent navigables. Les bâtiments industriels reconvertis pourraient alors servir de marchés couverts ou de centre de traitement des marchandises.
_Les anciens bâtiments industriels offrent des espaces modulables et identifiables. schéma de Josselin Cabaret
Le stade de Gerland est aussi intégré dans les transformations du site. Dans la même optique que pour la presqu’île de l’archevêque, la volonté du projet est de lui redonner son aspect originel. Ne nécessitant plus l’accueil d’un public aussi large qu’aujourd’hui après l’achèvement de la construction du stade de Decines, un retour à l’architecture initiale de Tony Garnier est préconisé afin de redonner au stade une dimension plus à l’échelle du projet urbain.
_Redonner au stade Tony Garnier son aspect originel pour un équipement à l’échelle du fragment urbain. schéma de Josselin Cabaret
Le bâtiment de la capitainerie du port est conservé comme emblème architectural et comme élément d’articulation et de repère urbain. Sa tour surmontée de son horloge en fait un élément caractéristique et visible de loin, à l’image des campaniles des villes italiennes à l’époque médiévale. De plus, il est un des seuls symboles architecturaux, à proprement parler, du port. _La capitainerie et son horloge, emblème architectural du port et repère du parcours urbain. schéma de Josselin Cabaret
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_Paysage zéro: transformer le patrimoine industriel en repères urbains structurant le parcours schéma de Josselin Cabaret
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04. Genèse Urbaine
LE TRACÉ DE L’ANCIEN RÉSEAU FERRÉ, ITINÉRAIRE DU PARCOURS URBAIN
au maximum l’utilisation de l’automobile, afin de faire du projet urbain un modèle de mise en œuvre d’un parcours à l’échelle du marcheur.
Une fois les éléments majeurs du paysage zéro positionnés à travers le site , il est nécessaire de les connecter entre eux afin d’achever la mise en œuvre du parcours urbain. C’est le tracé de l’ancien réseau ferré du port Edouard Herriot qui va permettre cette mise en relation. En effet, son implantation devait permettre la desserte de l’ensemble des infrastructures du site afin de pouvoir acheminer les différentes marchandises et matériaux transitant par le port. Par conséquent utiliser ce réseau comme élément de matérialisation du parcours urbain s’avère judicieux, car il ordonne l’ensemble du site, le trame, et induit donc un premier tracé des différentes formes urbaines du projet. Il permet l’articulation urbaine lors des changements de direction des darses, ce qui permet de distinguer différentes entités urbaines selon son tracé.
L’intérêt de l’utilisation du réseau ferré comme élément majeur de constitution du parcours urbain réside également dans le fait qu’il permet la mise en relation des différents environnements et contextes du site. A l’Est, en longeant la darse principale du port, il permet l’ouverture sur l’eau sur une grande distance de quais et permet de ce fait de définir une forme urbaine. Au Nord du site, il longe le stade Tony Garnier et se sépare, cernant une nouvelle zone urbaine. Au centre, en articulant le changement de direction des darses, il engendre un découpage particulier de la forme urbaine qui donne à ce nouveau fragment une identité particulière, en rupture morphologique avec le reste du projet. A l’Ouest, il vient connecter le projet avec le nouvel espace naturel du parc de Gerland (phase 2 de l’extension, cf «procédé isochronique et rapport temporel de mise en œuvre»). Enfin au Sud, il vient cerner la presqu’île de l’archevêque et les espaces résilients créés après la phase de décontamination de la zone de stockage des hydrocarbure. L’utilisation du réseau ferré pourra d’ailleurs permettre l’évacuation des sols contaminés lors de la phase de travaux, et l’acheminement des matériaux nécessaires à la régénération du site de la presqu’île de l’archevêque.
L’ancien réseau de chemin de fer constitue donc le dernier chaînon dans l’établissement du paysage zéro et du parcours urbain sur le site du port Edouard Herriot. A l’image du «freedom trail» de la ville de Boston (parcours matérialisé par une ligne rouge au sol permettant aux touristes de suivre l’itinéraire historique à travers la ville), le rail sert de repère à l’échelle urbaine. Il devient un élément physique de positionnement et de projection d’itinéraire. Mais audelà d’une simple ligne au sol jalonnant l’espace urbain, son utilité se situe également dans la possibilité qu’il offre de mettre en place un réseau de transport doux connectant le site du port au reste de l’agglomération lyonnaise, notamment avec l’extension de la ligne de tramway T1 s’arrêtant aujourd’hui à la station Debourg. Cette connexion au réseau de transport en commun permettrait même l’extension de la ligne plus à l’Est vers les communes de Saint-Fons et Vénissieux. Le projet urbain devient donc un enjeux de la reconnexion de la métropole lyonnaise. A une échelle plus réduite, le reste du tracé des rails peut être le support d’un réseau de dessertes locales permettant de rejoindre plus rapidement un autre lieux du site de projet, toujours au moyen d’un mode de déplacement doux. Le tracé pourrait également être combiné avec un réseau de pistes cyclables et de larges espaces piétons, l’objectif étant de minimiser
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_1 Paysage zéro: l’ancien réseau ferré du port, matérialisation physique du parcours urbain et ligne guide du projet schéma de Josselin Cabaret
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2_ Paysage zéro: l’orientation des darses trame et ordonne le site, permettant de développer une première forme du projet urbain schéma de Josselin Cabaret
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3_ Le projet urbain est résultant du découpage de la trame urbaine par le paysage zéro schéma de Josselin Cabaret
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05. Entités Urbaines
IDENTITÉ(S) URBAINE(S) ET DÉCOUPAGE URBAIN PAR LE PAYSAGE ZÉRO
en apportant une variation dans le découpage de la trame urbaine; de proposer des espaces résilients en permettant de rendre à la presqu’île de l’archevêque son aspect paysager et naturel originel; d’intégrer des équipements et de mettre en œuvre des espaces publics couverts en réinvestissant les édifices industriels conservés; de créer un fil conducteur à l’échelle du projet urbain en utilisant le rail comme ligne de repère au sol permettant de proposer un itinéraire urbain; de créer un lien visuel en utilisant les édifices industriels conservés comme éléments de repère, tous connectés les uns aux autres grâce au réseau ferré.
Le paysage zéro, et plus particulièrement le tracé du réseau ferré du port agit à la fois comme un élément régulateur mais aussi perturbateur du projet urbain. Régulateur dans le sens où il guide le chemin de l’usager à travers le site et permet de parcourir des espaces très distinctement identifiables tout le long du parcours. Il permet d’opérer la transition des espaces de quais aux espaces de parcs, des espaces urbains aux espaces naturels. Perturbateur car il vient découper la trame urbaine s’alignant sur les axes des darses au centre du site de projet. Il crée une rupture dans le parcours pour le ré-orienter, engendrant ainsi une spécificité urbaine. La position centrale de cette spécificité à l’échelle du projet en fait un lieux potentiel pour la mise en place d’un quartier dynamique, à l’image de la perturbation que provoque le paysage zéro. Il serait envisageable d’y implanter des commerces ou des équipements culturels afin de souligner ce dynamisme urbain. La diagonale qui se met en place permet d’articuler la zone bordant le stade Tony Garnier et un espace de quais donnant sur la darse principale. Cette diagonale n’est pas sans évoquer l’image de la «Broadway Avenue» de New York, qui vient perturber la trame orthogonale de Manhattan. Pour rappel historique, «Broadway Avenue» est la plus vieille avenue de New York et est l’empreinte de l’ancienne voie qu’utilisaient les Amérindiens pour traverser l’île. Tout comme le réseau ferré de notre projet, c’est un élément constitutif du paysage zéro qui vient découper la «matière urbaine» et apporter une variation dans l’organisation de la trame. Dans des proportions gardées, il serait donc envisageable de trouver dans cette zone du projet des particularités architecturales engendrées par le changement de trame, comme c’est le cas à New York avec le Flatiron de Burnham, ou des espaces publics très dynamiques à l’image de Times Square. De manière plus générale, le parcours urbain revêt plusieurs fonctions, qui sont identifiables dans le découpage qu’il opère dans le projet urbain. Il va permettre de souligner les axes de circulation en y intégrant par exemple un réseau de transport en commun; comme nous l’avons vu plus haut, de créer des formes urbaines identitaires et identifiables
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_Broadway traversant l’île de Manhattan du Nord au Sud http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/4/4e/Broadway_ in_Manhattan.png
_La perturbation de la trame urbaine par le découpage du réseau ferré sur le site du port Edouard Herriot schéma de Josselin Cabaret
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05.1 Axonométries
1
2 3 4 5
6
PLAN DE REPÉRAGE DES AXONOMÉTRIES
114
1
GÉNÉRER UN LIEN VISUEL
Utiliser les édifices conservés comme repères visuels à travers tout le site, connectés grâce au réseau ferré schéma de Lucas Guyon
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2
CRÉER DES FORMES URBAINES IDENTIFIABLES Utiliser le réseau ferré comme élément de découpage de la trame urbaine et apporter une variation urbaine schéma de Lucas Guyon
3
SOULIGNER LES AXES DE CIRCULATION Utiliser le réseau ferré pour y intégrer les réseaux de transport en commun schéma de Lucas Guyon
116
4
LE RÉSEAU FERRÉ COMME FIL CONDUCTEUR Utiliser les anciennes voies de chemin de fer comme un repère au sol permettant de proposer un itinéraire urbain à travers tout le site de projet schéma de Lucas Guyon
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5
INTÉGRER LES ÉQUIPEMENTS
Réinvestir les édifices conservés et y intégrer des équipements et des espaces publics couverts schéma de Lucas Guyon
118
6
PROPOSER DES ESPACES RÉSILIENTS Rendre à la presqu’île de l’archevêque son aspect paysager originel, en lien avec le Rhône schéma de Lucas Guyon
119
FORME URBAINE
01. Le Quai, Espace de Connexions
QUELS ENJEUX POUR CE FRAGMENT DU PARCOURS URBAIN? Du à l’ancienne activité portuaire du site, les espaces de quais dessinent le contour des darses et jouent le rôle d’interface entre l’eau et le projet urbain. Ils sont amenés à accueillir la majorité des formes urbaines du projet ce qui en fait des espaces à forts enjeux. Ils délimitent le site et dessinent par conséquent un second parcours, celui du front d’eau. La section de quais dont il est ici question de proposer le dessin se situe au Nord-Est du port Edouard Herriot et présente une double particularité. La première est qu’elle met en relation trois places publiques donnant toutes sur la darse principale, mais appartenant à deux entités urbaines différentes. Ce fragment de parcours à donc pour objectif l’articulation de deux parties du projet urbain attenantes au quai, et ce à une échelle relativement importante, puisqu’il s’étend sur près de 800 mètres. La seconde particularité réside dans le fait que l’ancien réseau ferré du port passe sur ce quai. Cela fait de ce lieu non seulement un espace de connexion de deux entités urbaines voisines, mais aussi un fragment du parcours à l’échelle du projet urbain. Il est donc amené à connaître une fréquentation importante car intégré au parcours que propose le tracé du rail sur l’ensemble du site.
N
_Repérage de la forme urbaine développée le long du quai. schéma de Josselin Cabaret
Ne disposant que d’un seul édifice industriel conservé et réhabilité pour servir de repère urbain, situé à l’extrémité de la section de quai, il va donc s’agir de mettre en œuvre une signalétique permettant d’identifier ce tronçon et de montrer son appartenance au parcours urbain. La présence du rail ne propose en effet qu’un repérage au sol du parcours (donc sur un plan horizontal) ce qui est insuffisant pour le percevoir depuis un point éloigné et sur de grandes distances comme c’est ici le cas. Pour se faire, nous allons mettre à contribution la forme urbaine afin de proposer une «architecture signal» pour cet espace de quai, permettant de le rattacher au parcours urbain sur un plan vertical, grâce à la façade. En procédant de la sorte, le parcours sera perceptible dans les trois dimensions de l’espace, peut importe que l’on se trouve sur le quai ou à bonne distance de celui-ci. Ech. 1:5000
1_Le tracé du rail, ou le parcours par capillarité. schéma de Josselin Cabaret
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2_Le front d’eau, dessin d’un second parcours/définition d’une limite. schéma de Josselin Cabaret
3_Entrelacement de deux parcours urbains pour un maillage du site. schéma de Josselin Cabaret
123
02. Une Façade «Signal»
FORME URBAINE
Le cœur d’îlot public, subordonnée au parcours urbain pour créer un parcours alternatif à l’échelle de l’îlot
7
PRÉFORME URBAINE #2
6
Les voies d’accès au quai pour opérer un premier découpage de la préforme urbaine
5
PRÉFORME URBAINE #1
La façade sur quai comme guide visuel et physique du parcours à grande échelle
4
3
Mise en relation des espaces publics majeurs grâce au quai et au rail
2
1
124
UTILISER LA FAÇADE POUR RENDRE PERCEPTIBLE LE PARCOURS À PETITE ET À GRANDE ÉCHELLE 1
L’utilisation du réseau de voies ferrées du port permet d’identifier le parcours urbain par un tracé au sol. Ce tracé agit comme un fil conducteur à travers l’ensemble du site et permet de connecter les différents quartiers et zones urbaines. Ici, il permet de relier, par l’intermédiaire du quai, trois espaces publics majeurs qui viennent ponctuer le tissu urbain.
_Mise en relation des espaces publics majeurs grâce au quai et au rail. schéma de Josselin Cabaret
125
2
Afin de clairement identifier le quai comme appartenant au tracé du parcours, on utilise la façade de la forme urbaine donnant sur celui-ci pour en marquer la limite et créer une continuité visuelle. Le fait de se servir de la façade permet d’opérer une transposition de plan qui vient renforcer le tracé au sol et offrir une perception dans les trois dimensions de l’espace.
_La façade sur quai comme guide visuel et physique du parcours à grande échelle. schéma de Josselin Cabaret
126
3
La continuité visuelle et physique de la façade sur quai permet la création d’une préforme urbaine.
_PRÉFORME URBAINE #1. schéma de Josselin Cabaret
127
4
Des voies d’accès au quai sont créées à travers la première préforme urbaine. Ces voies permettent un accès depuis l’axe de circulation majeur desservant l’Est du site de projet. Elles permettent également des entrées/sorties du parcours urbain de manière rapide et répartie. La façade sur quai ne permet pas le passage du cœur d’îlot au quai.
_Les voies d’accès au quai pour opérer un premier découpage de la préforme urbaine. schéma de Josselin Cabaret
128
5
Cette deuxième intervention engendre un nouveau découpage de la préforme urbaine créant ainsi un enchaînement d’îlots similaires le long du quai.
_PRÉFORME URBAINE #2. schéma de Josselin Cabaret
129
6
Afin d’introduire un parcours alternatif, plus à l’échelle du quartier qu’à l’échelle du projet urbain, les cœurs d’îlots sont rendus traversants sur un axe parallèle à celui du quai. Ceci dans le but de différencier les parcours et de préserver la linéarité physique de la façade sur quai. Le statut public des cœurs d’îlot permet de venir dynamiser ces derniers et de créer une hiérarchie et une subordination spatiale.
_Le coeur d’îlot public subordonné au parcours urbain/création d’un parcours alternatif. schéma de Josselin Cabaret
130
7
La forme urbaine résultante de ces différentes interventions permet de mettre en avant l’espace du quai et propose un guide visuel et physique sur l’ensemble de sa longueur au moyen de la façade. Il y a dissociation de deux parcours parallèles, possédant des rapports d’échelles, de pratiques et de temporalités différentes.
_FORME URBAINE. schéma de Josselin Cabaret
131
03. Parcours Multiples, Échelles Multiples, Temporaltés Multiples LE QUAI ET LE CŒUR D’ÎLOT: QUELLES IDENTITÉS? QUEL(S) STATUT(S)?
le parcours à l’échelle urbaine permet de relier des points d’intérêt du site, comme les équipements, les infrastructures, les parcs, le parcours à l’échelle de la forme urbaine cherche quant à lui l’appropriation d’un espace par ses usagers, une prise d’habitudes et de repères à l’échelle de son lieu de vie proche. Cela induit un changement de vitesse dans la façon d’arpenter ces deux parcours, car les objectifs en sont différents. Toutefois, il est important de laisser possible la reconnexion d’un type de parcours à un autre, car ceux-ci appartiennent à un même ensemble, en obéissant à des relations hiérarchiques. Le parcours à l’échelle de la forme urbaine apparait comme une possibilité de mise en retrait, de ralentissement, par rapport au parcours de l’échelle urbaine.
Prendre la décision de rendre le cœur d’îlot totalement ouvert, donc de le rendre public, crée un «statu quo» entre celui-ci et l’espace du quai. Toutefois leurs identités diffèrent et les rendent distincts l’un de l’autre. Le quai, par sa morphologie, sa longueur et son contact à l’environnement du site et clairement identifiable comme appartenant à un ensemble plus large, celui du parcours urbain. Le tracé du rail au sol et le renversement de plan qui s’opère grâce au système des façades donnant sur le quai permettent de l’identifier que l’on en soit proche ou éloigné. Son aspect minéral continu renforce cette perception sur de grandes distances. Le fait que plusieurs tronçons de quais soient aménagés dans le projet permet un fonctionnement par image analogique pour l’usager, qui met en relation ces différents espaces pour se projeter une image du parcours sur lequel il évolue et s’y situer. En revanche l’identité des cœurs d’îlots est quant à elle plus subtile. L’objectif de rendre les cœurs d’îlots publics est de permettre la mise en place d’un parcours alternatif à celui du quai et de proposer des changements de spatialités et d’ambiances d’un cœur d’îlot à un autre. Alors que le quai revêt un caractère uniforme afin d’être immédiatement perceptible et rattaché au parcours urbain, les cœurs d’îlots jouent sur la variation, les changements de repères, la sinuosité du parcours afin de permettre à l’usager de créer son propre itinéraire, de revenir à l’action de flâner, et donc de désinstrumentaliser la marche. Ce type de parcours se prête à l’errance, à la promenade et à la découverte. Cela amène donc à une variation des échelles de parcours, mais aussi à un changement de temporalité. En effet, alors que
Il est important de définir le statut du cœur d’îlot. Et c’est un statut public. Le cœur d’îlot devient le lieu de l’adresse, ce qui permet de former des espaces ou la vie en communauté va se voir dynamisée. Le cœur d’îlot devient espace public et collectif, l’espace privé étant relégué au niveau du R+1. Comme souhaité dans la définition du paysage zéro, le sol constitue un espace public continu. On peut cependant mettre en évidence la variation du degré d’intimité que l’on va rencontrer entre l’espace du quai et le cœur d’îlot. Le fait de se retrouver dans un espace mi-clos dans les cœurs d’îlots permet de modérer la fréquentation, qui deviendra alors une fréquentation d’habitués, de riverains, ou de flâneurs.
PLACE
ÉQUIPEMENT
QUAI/parcours urbain
_Deux parcours, l’un à l’échelle du projet urbain, l’autre à l’échelle de la vie quotidienne et de la flânerie. schéma de Josselin Cabaret
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QUAI/parcours urbain
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parcours alternatif
_La façade, outils de repérage et d’orientation des différents parcours. schéma de Josselin Cabaret
rail
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FORME ARCHITECTURALE
01. Du Quai au Coeur d’Îlot
METTRE EN RELATION LE QUAI ET LE CŒUR D’ÎLOT GRÂCE AU PROJET ARCHITECTURAL Les différents îlots qui se développent sur le quai constituent une façade continue sur l’ensemble du rez-de-chaussée. Les seuls perméabilités offertes sont celles des rues piétonnes entre les îlots, perpendiculaires au quai et qui permettent de sortir du parcours urbain, jalonné par le rail, et de rejoindre l’Est du site. Se pose alors la question de la mise en relation du quai et du cœur d’îlot, qui sont tous deux des espaces publics. Puisque le lien visuel direct est rendu interdit par la continuité du rez-de-chaussée, c’est par l’architecture que cette mise en relation va s’opérer, et ce à plusieurs niveaux d’échelles. Le concept est ici de guider l’usager jusqu’au cœur d’îlot en lui faisant pratiquer l’espace public, et potentiellement le faire sortir du tracé du parcours urbain afin de lui faire emprunter le parcours alternatif mis en place sur la forme urbaine que nous avons précédemment développé. L’architecture permet le passage d’une échelle à une autre: de l’échelle urbaine à l’échelle du parcours quotidien. Pour se faire, il y a nécessité d’une accroche visuelle depuis le quai jusqu’au cœur d’îlot, d’un élément architectural capable de faire appel par la mise en contraste avec l’environnement visuel que perçoit l’usager sur le parcours urbain. C’est l’enveloppe de l’aire de stationnement de l’îlot qui nous sert ici de fil d’Ariane, depuis le quai jusqu’au cœur d’îlot. La similarité de matériau permet de percevoir l’identité globale de l’îlot, le changement de traitement de la surface permet de le dissocier du reste du projet. Alors que la façade possède un caractère uniforme et lourd, le mur formant l’enceinte du stationnement est quant à lui ajouré. Afin de comprendre que cet élément architectural agit comme un guide, il est nécessaire de marquer les pignons de l’îlot, comme l’angle quai/ rue piétonne, afin que l’usager ne perçoive pas ce changement de matériau de manière anecdotique, mais l’identifie comme un élément dissonant de son champ visuel. Depuis la place, seul un élément ajouré est perceptible, jouxtant le passage couvert jusqu’au cœur d’îlot. Le passage signalant suffisamment la mise en relation entre les deux espaces, la paroi ajourée n’a pas besoin de se déployer de manière
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_Repérage de la forme architecturale développée. schéma de Josselin Cabaret
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E N N PI ÉT O E RU E N N O ÉT PI E RU
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Q _Mise en relation de trois espaces: le quai, le cœur d’îlot, la place. schéma de Josselin Cabaret
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plus importante. Elle marque néanmoins l’angle place/passage pour affirmer le retournement, et s’interrompt à la fin du passage en limite du cœur d’îlot. Depuis ce point, on récupère visuellement l’autre section de paroi ajourée qui peut alors ramener l’usager de l’intérieur de l’îlot jusqu’au quai. Une fois arrivée dans le cœur d’îlot en ayant suivi la paroi ajourée depuis le quai, cette dernière continue de longer la façade avant de devenir un élément vertical. Au sein du cœur d’îlot, la paroi a également pour fonction de matérialiser l’accès aux logements. Elle marque la limite entre espace public et espace collectif par changement de plan. Pour la partie Nord de l’îlot, elle s’enfonce dans le bloc accueillant le stationnement, menant ainsi jusqu’aux escaliers d’accès aux logements; pour le bloc Ouest, elle se relève sur toute la hauteur de la façade pour signaler le bloc de distribution; au Sud, la paroi ajourée forme un élément clos signalant l’accès à la coursive du niveau R+1 depuis le passage couvert entre le cœur d’îlot et la place.
_En bas à gauche: Kolumba Museum par Peter Zumthor. Variation de traitement du matériau: opaque/ajouré http://ad009cdnb.archdaily.net/wp-content/ uploads/2010/08/1281116901-1-custom.jpg _En bas à droite: Kolumba Museum par Peter Zumthor. Marquer et articuler l’angle de la façade http://ad009cdnb.archdaily.net/wp-content/ uploads/2010/08/1281116907-4-custom.jpg
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Rez-de-chaussée (1)
RUE PIÉTONNE
parking
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local_3
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5 4 3 2 1
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DARSE
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QUAI
local associatif
COEUR D’ÎLOT
CONTRE ALLÉE
5 4 3 2 1
restaurant/ bar
espace de co-working
PLACE
0
_Projet architectural, plan de niveau RDC. image de Josselin Cabaret
139
4
12
24
N
02. Articuler l’Espace Public
LIER LE QUAI ET LA PLACE PAR LE PROJET ARCHITECTURAL
et R+2 signalant le parcours à l’échelle urbaine est ré-employé, mais cette fois-ci au rez-de-chaussée. Le caractère mobile des brises soleil est une métaphore de l’idée d’articulation et de mouvement entre le quai et la place.
Comme nous l’avons expliqué dans la partie dédiée à la forme urbaine, la façade des îlots sert à signaler le parcours urbain sur l’espace des quais sur le plan vertical afin que celui-ci soit repérable à grande échelle. Le rez-de-chaussée étant dédié à l’orientation vers le parcours alternatif, à l’échelle du quotidien, c’est grâce aux niveaux supérieurs des îlots que le parcours est rendu visible. Du point de vue de l’usager, cela permet d’offrir de longues ouvertures visuelles. Il peut alors effectuer un double repérage: dans un champ de vision proche et à hauteur du regard, il identifiera le traitement apporté au socle pour le parcours à l’échelle du quotidien; dans un champ de vision large, il remarquera l’identité architecturale et visuelle développée sur toute la longueur du quai. La perception dissociée des parcours grâce aux niveaux des îlots est voulue afin de proposer une information d’orientation claire et immédiate.
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Q Q
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La place étant un espace public en retrait du quai, le retournement de la façade permet de l’y connecter. En effet, en utilisant le même langage architectural pour la façade sur quai et la façade sur place, cela les rend solidaires d’une même entité et assure une continuité de l’espace public. Pour affirmer l’angle de retournement, le dispositif de brises soleil mobiles mis en place aux niveaux R+1
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PL AC
Le procédé mis en place dans l’îlot ici traité, et applicable à l’ensemble de la forme urbaine, est l’utilisation d’une façade équipée de brises soleil mobiles sur toute la hauteur des différents niveaux et sur la quasi totalité des surfaces vitrées. Ce dispositif propose plusieurs avantages. Le premier est qu’il permet pour les différents habitants des logements de gérer leur confort visuel et lumineux grâce à l’orientation des brises soleil et leur fermeture/ouverture complète ou partielle. Cela permet également de moduler le degré d’intimité du logement au cours de la journée. Le second avantage est l’apport d’un système articulé qui permet de moduler l’aspect de la façade. L’aspect figé de l’îlot est rompu, tout en conservant son aspect monolithique et son traitement par blocs distincts. La retranscription en façade de la trame constructive est conservée.
Le système de façade est réutilisé sur la façade Sud du bloc Nord, donnant sur le cœur d’îlot. L’opération par analogie permet d’identifier des rapports entre espaces publics similaires, bien que hiérarchisés (bloc Nord/cœur d’îlot ; îlot/place). Les différents retournements de façade créent une continuité d’un espace public à un autre. Cela illustre la volonté de connexion à l’espace public en tout point du projet. Il y a continuité entre quai, place et intérieur d’îlot.
_Retournements des façades à l’échelle architecturale. schéma de Josselin Cabaret
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BLOC OUEST
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BLOC SUD
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du
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_Axonométrie. Langage architectural des façades opérant l’articulation de l’espace public. schéma de Josselin Cabaret
7
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Etage 1er (1)
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9 8 7 6 5 4 3 2 1
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_Projet architectural, plan de niveau R+1. image de Josselin Cabaret
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_Projet architectural, plan de niveau R+2. image de Josselin Cabaret
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3
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9
18
N
03. Composer la Façade
COMPOSITION PLEIN/VIDE DE LA FAÇADE
des parcours mis en place aussi bien dans le projet urbain, la forme urbaine ou le projet architectural, le bandeau de façade propose une ligne constante marquée par la ligne de dalle du niveau R+1 qui vient lier l’ensemble des différents niveaux du projet. Ce bandeau de façade opère la mise en rapport des éléments architecturaux signalant le parcours à l’échelle urbaine (niveaux R+1 et R+2) avec ceux signalant le parcours à l’échelle du quotidien (rez-dechaussée).
La trame constructive du projet est régulière. Chaque bloc est défini par une largeur de 6 mètres et une profondeur de 12 mètres, ce qui engendre une composition en plan selon des séries de doubles carrés. La mise en commun de différents blocs pour créer un unique logement (de manière horizontale ou verticale) provoque des variations dans la façade mais qui participent à la composition de ce que l’on peut qualifier de «bandeau de façade». Nous sommes ici en présence d’ un langage architectural qui laisse lire la structure et la composition du projet par la mise en avant de la trame porteuse en façade. Ce procédé permet de la libérer et de venir y insérer les éléments vitrés et les systèmes de brises soleil dans les espaces vides de la trame. La mise en retrait des baies vitrées permet de mettre le système constructif au premier plan. Les dispositifs de brises soleil, lorsqu’ils sont ouverts, viennent affleurer au nu de la façade, ce qui vient affirmer le découpage horizontal des niveaux, soulignés par les lignes de dalles et de toiture, et en même temps créer une verticalité visuelle. Avec les variations d’ouverture des brises soleil en fonction de l’utilisation qu’en font les usagers, cela permet de donner un effet de désarticulation à la façade et offre la possibilité de rompre le caractère rigide de la trame structurelle. La variation des types de vide (vitrage ou vide réel) permet de déstructurer le bloc monolithique initial. Le projet se dessine par retrait de matière, par allègement d’un volume plein. Le bloc est sculpté, et la forme résultante de ce travail apparait sous la forme d’un bandeau de façade jouant sur des contractions et des dilatation, sur des masses et des vides, sur des effets de verticalité et d’horizontalité. A l’image
_Logement sur une trame simple. schéma de Josselin Cabaret
_Façades Ouest et Sud développées. Composition continue pour articuler le quai à la place. schéma de Josselin Cabaret
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_Composition d’un logement sur une double trame horizontale. schéma de Josselin Cabaret
_Composition d’un logement sur une double trame verticale. schéma de Josselin Cabaret
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04. Genèse Architecturale
PL
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U
Q
AC
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E
U
Q 1
Le projet architectural est un volume sculpté venant border l’espace du quai. Le point de départ du projet est un îlot plein d’une longueur de 54 mètre sur quai et 40 mètres sur place.
Le volume de l’îlot est sculpté afin d’offrir 3 un minimum de deux orientations pour chaque bloc inscrit dans la trame. A l’Est, le niveau est rabaissé pour éviter un masque solaire trop important par l’îlot voisin qui comporte deux niveaux supplémentaires.
146
2
Le premier découpage effectué est celui de la trame constructive, soit 6 mètres de distance entre les porteurs, sur une longueur de 12 mètres. Les zones grisées figurent les espaces résiduels après application de la trame constructive.
Les espaces résiduels apparus lors de la mise en place de la trame constructive sont utilisés pour accueillir les accès aux distribution des logements. Ils sont prolongés du bloc Nord au bloc Sud ce qui permet de créer un découpage de la façade donnant sur la place et de la mettre en rapport avec la façade du cœur d’îlot. Cela prolonge le champ visuel depuis le cœur d’îlot vers l’extérieur.
L’îlot est ouvert afin de le rendre public. Les deux accès possibles sont créés dans la façade donnant sur la place et sur celle donnant sur la contre allée. Le bloc de stationnement est intégré au Nord. Sa dimensionnement provoque une avancé qui permet de créer des terrasses exposées au Sud et donnant sur le cœur d’îlot. 4
5
147
05. Coupes Rez-de-chaussée (3)
Les façades extérieures de l’îlot offrent une continuité visuelle et un découpage net de la forme architecturale. Cette simplicité est mise au service d’une meilleure perception des traitements architecturaux en œuvre afin d’orienter l’usager dans son parcours. Le rapport entre la façade, le quai et la place est un rapport frontal et donne une sensation de linéarité de massivité. Dans le cœur d’îlot, ce rapport se perd pour proposer un découpage plus complexe, des jeux de pleins et de vides qui permettent de composer les différents espaces et différencier leurs statuts (public, collectif, privé). Cette opération par contraste permet de hiérarchiser les différents espaces publics. La façade en cœur d’îlot ondule à la manière d’un ruban.
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SILHOUETTE EXTÉRIEURE/SILHOUETTE INTÉRIEURE
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_Coupe FF image Josselin Cabaret
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E _Plan de repérage des coupes
_Coupe EE image Josselin Cabaret
A
5 4 3 2 1
_Coupe DD image Josselin Cabaret
_Coupe CC image Josselin Cabaret
_Coupe BB image Josselin Cabaret
_Coupe AA image Josselin Cabaret
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