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Étude procedis-cetim
Maîtrise de l’encrassement des systèmes de transfert de produits solides Cette étude réalisée par le Cetim (centre technique des industries mécaniques) a pour objet de contribuer à réduire les encrassements qui se produisent dans les systèmes de transfert de produits pulvérulents, dans le secteur agroalimentaire. Plus précisément, il s’agit de caractériser les processus d’encrassement pour différents types de produits (pulvérulents humides et fins, produits friables, produits comportant une composante fusible tels que des graisses, etc.) et pour différents procédés (écoulement par gravité à partir de silos, transport par vis, transport pneumatique ou vibré, etc.). Différentes solutions sont envisagées : adaptation des matériaux des dispositifs de stockage et de transfert, ou modification des conditions de transfert (utilisation d’air froid, déshumidification, etc.). La première phase, exposée ici, consiste à définir un test caractérisant l’interaction entre le produit, le matériau et l’encrassement des surfaces ; elle sera suivie de la mise en place d’un dispositif pilote pour caractériser l’encrassement dans les processus de transfert en continu. Notre action a débuté par une analyse préliminaire des mécanismes de transport de particules par des gaz, et des processus de dépôts associés. Nous avons ensuite examiné : - la conception d’un dispositif expérimental pour caractériser les interactions entre les produits et les matériaux lors de l’encrassement de surface ; - l’influence des conditions opératoires sur le processus de dépôt : effet de la température de l’air, de sa vitesse tangentielle, de la température et du matériau de la paroi (acier brut, acier inox, plexiglas), etc. ; - le comportement de plusieurs produits industriels : aliment pour poissons se déclinant en trois taux de matières grasses, aliment pour chiens à fort taux de suif, semoule fine de maïs (deux granulométries).
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conduite (verticale, horizontale, avec ou sans coudes, etc.) Peuvent provoquer un dépôt de matière dans une conduite.
L’impact des particules sur les parois sous un effet d’inertie L’impact de particules entraînées par un courant gazeux résulte de leur inertie qui empêche les particules les plus lourdes de suivre les lignes de courant du gaz, lors d’une variation rapide de direction, au voisinage d’un obstacle ou d’un coude de la conduite. Ce mécanisme, régi par le nombre de Stokes particulaire, augmente avec la concentration de particules dans le gaz, l’inertie des particules, la vitesse du gaz, le rayon de courbure relatif autour de l’obstacle, etc. Les particules d’un diamètre inférieur à 3 µm ont en général un faible taux d’impact avec les parois. En revanche, au-delà de 10 µm, elles dévient considérablement par rapport à l’écoulement du gaz et sont sujettes à un fort taux de collision.
La diffusion turbulente Cet effet se produit lorsque les particules traversent la couche limite turbulente qui longe la paroi de la conduite. Dans le cas général, la plage de granulométrie des particules de masse volumique p, qui atteignent effectivement la paroi par diffusion turbulente, pour un écoulement de gaz (µ, ) dans une conduite rectiligne de diamètre D, avec un temps de passage !p (durée du transit dans la conduite) et un nombre de Reynolds Re, est donnée par :
La diffusion brownienne Les particules très fines (moins de 1 µm) en suspension dans un écoulement, subissent des déplacements aléatoires qui résultent de l’agitation thermique intense des molécules gazeuses. Ces particules sont alors poussées vers les zones où la concentration de particules est plus faible.
Les mécanismes du dépôt lors du transport de particules par les gaz
La thermophorèse (précipitation thermique)
De nombreux phénomènes, liés aux caractéristiques des particules, au régime d’écoulement du gaz, à la géométrie de la
Un gradient de température dû aux collisions des molécules du gaz porteur entre un côté chaud et un côté froid, fait varier
Le Journal du VRAC - N°79
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les quantités de mouvement des particules : il en résulte une impulsion orientée en sens contraire du gradient local de température, qui peut conduire à un impact. Ceci se produit par exemple au voisinage d’une paroi froide soumise à un écoulement gazeux chargé en fines particules solides (moins de 1 µm). À ces effets s’associent des mécanismes d’adhésion des particules à la paroi, ou d’arrachement de particules par le courant gazeux.
Les paramètres suivant ont été examinés :
L’adhésion des particules à la paroi
La composition du mélange et la nature de la paroi Nous avons testé l’influence de la nature de la paroi (plexiglas ou acier inox 304) pour différentes compositions du mélange, en réalisant deux séries d’essais : - une série où l’on a fixé le taux d’huile et étudié l’influence de l’eau ; - une série où l’on a fixé le taux d’eau et étudié l’influence de l’huile.
L’adhésion d’une particule à une paroi dépend du matériau de la particule, de sa forme et de sa taille, de la nature de la surface, de sa rugosité, de la température, de l’humidité, de la durée et de la vitesse d’impact. Des particules isolantes et peu humides peuvent aussi être retenues par des forces électrostatiques. Enfin, dans des conditions normales de température et de pression, la plupart des matériaux possèdent une fine couche de liquide adsorbé à leur surface, en présence d’humidité. L’adhésion peut résulter de forces d’origine capillaire, par suite de la tension superficielle exercée par le film liquide.
L’arrachement des particules
La durée de l’essai La mesure du taux de déposition en fonction du temps de séjour du produit dans le lit fluidisé présente une bonne reproductibilité ; le taux se stabilise au bout de 9 minutes, ce qui rend pertinente une durée d’essai de 10 minutes. On a alors atteint un régime permanent avec équilibre entre déposition et arrachement.
L’humidité du produit Pour un mélange à 15 % d’huile (en masse), nous avons testé des taux d’humidité de 10, 15, 20 et 25 %. La figure suivante présente les résultats pour une paroi en plexiglas ou en acier inoxydable :
Le principal mécanisme d’arrachement d’une particule résulte de la force de traînée imposée par le courant gazeux. De ce fait, plus les particules sont fines, plus elles se détachent difficilement de leur support. Ceci peut concerner en particulier les solides qui se fragmentent en poudres fines. La diversité et la complexité des mécanismes en jeu justifient la mise en place de dispositifs expérimentaux pour caractériser l’aptitude d’un solide à former un dépôt lors de son transport.
Essais préliminaires Le dispositif utilisé pour étudier les phénomènes de déposition et d’encrassement contient 180 g du « produit de référence » choisi, mis à l’état d’un lit fluidisé confiné dans une enceinte qui permet de faire varier les paramètres opératoires (température de la paroi, débit d’air, humidité, pression de l’enceinte, nature de la paroi). L’alimentation en air est conçue de manière à ce que la direction des impacts soit uniforme (dépôt radial sur l’intérieur de la paroi cylindrique). Elle comprend un débit d’air primaire (pour la fluidisation) de 4,8 m3/h, et d’air secondaire (pour la mise en rotation) de 82,4 m3/h. Le taux de déposition mesuré est défini par la masse de produit déposée sur la paroi, rapporté à la masse de produit qui a été fluidisée. Le produit de référence choisi est un mélange de sciure de bois, d’huile et d’eau, dont les caractéristiques sont proches de celles des produits industriels : - humidité de 9 à 10 % ; - masse volumique de 2,4 g/cm3 ; - granulométrie comprise entre 100 et 600 µm.
Taux de déposition en fonction de la teneur en eau, pour différentes parois, avec un mélange sciure + 15 % huile, t = 10 minutes. L’influence de l’humidité initiale du produit n’est pas significative pour l’acier inox, mais avec le plexiglas, les produits plus secs semblent se déposer plus fortement. L’interprétation de ces résultats exige de considérer l’influence de la granulométrie des produits ; de plus, ceux qui sont les plus humides ont tendance à s’agglomérer (ce qui limite leur dépôt). Enfin, un séchage progressif des produits par l’air de fluidisation se manifeste au cours de l’essai. La teneur en matière grasse Nous avons testé des mélanges dont la teneur en huile était de 5, 10, 15, 20 et 25 %, avec un taux d’humidité initial de 15 %. Le taux de dépôt est alors proportionnel au taux d’huile aussi bien pour les parois en plexiglas que pour celles en acier inox (il est très voisin pour ces deux types de parois). Le Journal du VRAC - N°79
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Influence de la granulométrie et du gradient de température (Tparoi - Tair) Le produit de référence a été divisé par tamisage en trois lots de granulométrie différente : - lot 1 (d < 350 µm) : d50 = 175,5 µm ; - lot 2 (350 < d < 600 µm) : d50 = 465,1 µm ; - lot 3 (600 < d < 800 µm) : d50 = 734,0 µm. Nous avons fluidisé chaque lot dans des conditions opératoires strictement identiques (10 % d’eau, 15 % d’huile, même débit, même pression). Le taux de déposition augmente nettement lorsque la granulométrie du produit diminue, ce qui s’explique par l’augmentation de la diffusion turbulente. Il diminue avec le gradient de température ( T = Tparoi - Tair). Si la paroi est plus froide que l’air, le dépôt est plus important, ce qui montre l’influence du transport thermophorétique.
Influence de l’état d’encrassement initial des parois Nous avons utilisé des parois « propres » (nettoyées à l’acétone) et des parois « sales » (recouvertes d’une couche de matière grasse sur les parois, à l’aide d’un chiffon imbibé d’huile hydraulique). L’état de la surface apparaît important pour le processus de dépôt, en particulier pour les particules les plus grossières. Le dépôt varie alors selon le gradient thermique. Pour les gradients de température négatifs (la paroi est plus froide que l’air), le film d’huile adsorbé sur la paroi, a priori très visqueux, ne modifie pas les propriétés de rebond des particules. Quand la température de la paroi augmente, la viscosité apparente du film d’huile diminue : celui-ci peut alors se comporter comme un piège à particules, du fait d’une augmentation de la force d’adhésion entre les particules, le film d’huile et la paroi. Ces processus n’interviennent pas avec une paroi propre : on retrouve alors une décroissance du dépôt en fonction du gradient de température.
Essais sur produits industriels Différents produits ont été testés : de la nourriture pour chiens, trois variétés de nourriture pour poissons, deux variétés de farine de maïs. Pour les échantillons de nourriture pour poissons, les parois en acier ordinaire subissent moins de dépôts que les parois en acier inox. Les poudres les plus grasses déposent moins sur les parois, ce qui va a priori, à l’encontre des conclusions des essais préliminaires, mais ce sont aussi les moins fines, on peut en déduire que, pour le taux d’encrassement, l’effet granulométrique a une influence prépondérante par rapport à la matière grasse. On note ici aussi la tendance à la décroissance en fonction du gradient de température ; l’influence de l’état de surface est peu sensible. Avec la nourriture pour chiens, plus la température de l’air diminue par rapport à la température de la paroi, plus le taux de déposition diminue. Ceci confirme les observations obtenues avec le produit de référence. L’influence de l’état de la paroi 34
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reste faible, mais une paroi sale recueille des dépôts plus importants. De même, les dépôts sont moins importants pour des parois en acier ordinaire que pour des parois en acier inox. Avec la farine de maïs, les évolutions sont similaires : pour une température de paroi donnée, plus le gradient de température augmente, plus le taux de déposition diminue. Comme précédemment, une granulométrie plus fine favorise la déposition, l’état de la paroi reste sans grande influence, les parois en acier inox attirent plus de dépôt que des parois en acier ordinaire.
Conclusions et perspectives Sur l’installation que nous avons mise au point, les essais avec des produits de référence à base de sciure, d’huile et d’eau, ont montré une bonne reproductibilité en terme de taux de déposition. Les essais ont montré une bonne sensibilité à la variation de la composition du produit de référence, en particulier sur le taux de graisse du mélange (teneur en huile) : plus la teneur en huile dans le mélange augmente, plus le mélange adhère à la paroi. Par contre, l’humidité n’apparaît pas comme un paramètre déterminant. La granulométrie du solide a un effet notable sur le taux de déposition : les solides les plus fins entraînent les dépôts les plus importants. Une diminution du gradient de température entre la paroi et l’air de convoyage entraîne une réduction des taux de particules déposées : pour une température de paroi donnée, les dépôts sont plus importants lorsque la température de l’air augmente. Des parois en acier inoxydable ou en plexiglas entraînent des taux de déposition voisins, mais un acier ordinaire subit moins de dépôts. L’encrassement préalable des parois ne paraît pas être un facteur déterminant. Dans une seconde étape, le dispositif pilote a été testé sur des produits fournis par des industriels. Trois séries de produits ont été testés : nourriture pour chiens, pour poissons, et farine de maïs. D’une manière générale, ces produits industriels confirment les résultats obtenus avec le produit de référence. De plus, nous avons pu mettre en évidence, lors des essais avec la nourriture pour chiens, la prépondérance de l’effet granulométrique sur l’effet du taux de matière grasse : les produits les plus fins entraînent un dépôt plus important bien que leur taux de matière grasse soit plus faible.
Perspectives Le dispositif expérimental permet de caractériser les processus de dépôt pour différents produits industriels en faisant varier les températures de l’air de transport, la température et la nature des parois, la granulométrie, le taux de matière grasse et la composition du produit. Une seconde phase concernera l’étude des processus d’encrassement en continu, sous différentes conditions aérauliques de transport, en conduites comportant ou non des singularités, en séparateurs cyclones, ou lors d’un stockage-transfert. Christophe Hermon, Cetim