2015 11 26 recours gracieux mellinet

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FORUM NANTES PATRIMOINES Association Loi 1901 - 31 rue de Racapé 44300 – NANTES

Nantes, le 16 novembre 2015 Madame le Maire de Nantes Présidente de Nantes Métropole Hôtel de Ville 2 rue de l’Hôtel de Ville 44094 – NANTES Cedex 01 LETTE RECOMMANDÉE AR Objet : Recours gracieux contre le permis de démolir n°44109 15 A0020 du 15 septembre 2015 visant 26 bâtiments situés 4 place du 51e Régiment d’Artillerie à Nantes.

Madame le Maire, Madame la Présidente, Nous vous adressons par la présente un recours gracieux vous demandant de procéder au retrait du permis de démolir n°44109 15 A0020 du 15 septembre 2015 par lequel vous avez autorisé la démolition de 26 bâtiments appartenant aux anciens casernements du site du quartier militaire « Mellinet » à Nantes. La « Notice descriptive du projet de démolition » qui accompagne le permis énonce que les « Motifs de la démolition » sont de « créer un quartier nouveau » sur ce site. Il n’est aucunement dans nos intentions de contester l’intérêt d’un tel projet. Mais nous constatons que cet objectif n’est pas expressément indiqué dans le permis lui-même et qu’aucun des documents produits à l’appui du permis ne permet d’avoir une quelconque description de ce que sera ce projet, qui est pourtant invoqué pour justifier les démolitions autorisées. Néanmoins, dans cette perspective, la Notice fait état que « des études préalables ont été engagées, parmi lesquelles une analyse approfondie des bâtiments existants, portant à la fois sur leur intérêt patrimonial et sur leur capacité d’évolution ». Elles sont même citées dans plusieurs des documents publiés par la Ville de Nantes et Nantes Métropole. Ainsi, dans le document « Reconversion de la caserne Mellinet » du 1er juillet 2015, sont cités : le bureau d’études FORMA6, la DPARC, la DRAC et l’ABF, l’équipe GRETHER. Mais nous constatons qu’aucune de ces études n’est visée par le permis de démolir et qu’aucune ne figure dans son dossier. Il est donc impossible de connaître les critères qui ont présidé aux choix des 26 bâtiments désignés pour être démolis sur les 50 bâtiments existants sur le site. On apprend pourtant, par la dite Notice, qu’une liste aurait été établie « en concertation avec la Direction Région des Affaires Culturelles (D.R.A.C.) et l’Architecte des Bâtiments de France (A.B.F.) ». Mais, si le permis de démolir fait bien mention d’une saisine de ces deux autorités, il ne comporte aucune mention dans ses visas d’un avis de la D.R.A.C. ni d’un avis de l’A.B.F. et aucun n’est joint au dossier. On ignore donc toujours sur quels critères cette sélection a été faite. 1


De même, le permis de démolir ne fait aucune mention dans ses visas de l’arrêté du préfet de Région du 29 avril 2015 prescrivant un diagnostic archéologique du site, portant sur le sous-sol et le bâti. Ce diagnostic constitue un élément essentiel à prendre en compte lorsqu’il s’agit d’avoir une connaissance précise de la nature et de la valeur patrimoniale des sites et bâtiments concernés. D’autant que l’ensemble des bâtiments présents sur la parcelle visée sont inscrits au « patrimoine nantais » par le plan local d’urbanisme (PLU) de Nantes. Il est évident que le permis de démolir ne peut autoriser la démolition de bâtiments en méconnaissance d’un arrêté prescrivant leur diagnostic et, de surcroît, avant même que ce diagnostic ait pu avoir été mené. Ce permis ne saurait non plus, anticiper les résultats du diagnostic et les conséquences que l’autorité préfectorale sera amenée à en tirer. Ces divers constats font apparaître que le citoyen ne dispose d’aucune information lui permettant d’avoir connaissance des raisons expliquant les décisions qui ont été prises, et sans qu’il y ait eu, semble-t-il, délibération des instances élues concernant ce qu’il convient de conserver et réhabiliter, ou au contraire de détruire, du patrimoine présent sur le site. Pourtant, conformément aux intentions exprimées par la municipalité et par Nantes Métropole, plusieurs instances de « concertation » avec les citoyens ont été saisies de ce dossier. À commencer par le Conseil de quartier Malakoff-Saint-Donatien qui, de 2010 à 2014 a constitué un « groupe projet urbain » pour l’étudier. Celui-ci a produit en conclusion de ses travaux un document de 8 pages : « Propositions d’orientations d’aménagement du site de Mellinet », remis aux élus, dans lequel il est considéré que, parmi tous les bâtiments du site, ceux qui représentent la plus importante valeur historique, mémorielle et symbolique sont les bâtiments centraux en U de l'administration militaire, face à la place d'armes et correspondant à l'emprise de l'ancien manoir de l’Eperonnière puis à celle de l'ancien couvent religieux, avec une petite chapelle en bon état et une autre plus grande de style néo-gothique. Il était donc demandé explicitement leur conservation. Ce faisant, le Conseil de quartier rejoignait, contrairement à ce que laisse entendre le document de Nantes Métropole « Reconversion de la caserne Mellinet » évoqué ci-dessus, les positions exprimées par la DPARC (Direction du patrimoine et de l’archéologie de la Ville de Nantes) dans une Note du 1er septembre 2010, qui concluait, notamment en référence à cet ensemble central : « il est indispensable de protéger des bâtiments à valeur historique ». Aujourd’hui, les propositions du conseil de quartier n’ont toujours pas fait l’objet de réponses argumentées et documentées, et les « études préalables » ne sont toujours pas publiques. Et, depuis juillet 2015, de nouveaux « ateliers de co-production » avec les citoyens ont été mis en place par vos soins. Ce sont 80 habitants volontaires qui ont pris la suite du Conseil de quartier sans qu’il soit fait mention du travail que celui-ci avait réalisé ni des propositions qu’il avait énoncées. Ces nouveaux « ateliers » n’ont évidemment pas eu connaissance, non plus, des « études préalables », ni connaissance du permis de démolir accordé. Tout est ainsi mis en place, sous votre autorité, pour amener les Nantais à penser que vous les associez à des projets concertés avec eux et avec leurs associations, alors que ceux qui s’engagent ainsi, dans l’espoir d’une véritable participation citoyenne, ne peuvent disposer ni des moyens ni des informations qui leur permettraient d’exercer, sérieusement, efficacement et positivement cette fonction. Il est à craindre, Madame le Maire, que bien des Nantais ne soient amenés à interpréter ces initiatives comme une sorte d’ « écran de fumée » destiné à faire entériner des décisions déjà prises par votre équipe municipale, à travers des opérations de communication masquant la réalité à l’opinion publique. Tout cela est fort éloigné de la « démocratie participative » que vous affirmez vouloir promouvoir. Nous le regrettons profondément.

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En l’occurrence, nous espérons sincèrement que vous accéderez à notre demande de retrait de ce permis de démolir, dernier exemple en date de décisions de destruction ou d’atteintes irrémédiables de sites ou édifices que la municipalité a pourtant, elle-même, décidé d’inscrire au « patrimoine nantais » dans le PLU. De plus - et trop souvent - ces décisions interviennent, dans une grande méconnaissance de la valeur patrimoniale des édifices concernés (au moins une demi-douzaine de cas depuis un an et demi). Et trop souvent aussi, dans la méconnaissance du droit, comme il apparaît que c’est ici encore le cas, ainsi que nous le relevons ci-dessous. I. Le défaut d’information des habitants Dans un document de référence “Dialogue citoyen et co-construction”, adopté par le conseil municipal de Nantes le 30 janvier 2015, la municipalité fixe son cahier des charges en matière de “co-construction” des projets urbains dans les quartiers. Il y est question de « transparence », de « clarté des règles du jeu », de « faire ensemble », et de « garantir la sincérité des démarches » Dans plusieurs de ses déclarations et, en particulier, dans l’éditorial du numéro de novembre de “Nantes Passion”, la maire de Nantes s’est engagée sur une « manière concertée d’agir » en matière d’aménagement urbain. Elle explique aussi sa volonté « d’associer les habitants à l’élaboration de propositions concrètes pour mettre en valeur le patrimoine de proximité ». En matière de grands projets d’aménagement urbain, le code de l’urbanisme a prévu, aux article L.300-1 et suivants le cadre juridique de cette concertation, dont relève le projet du quartier Mellinet. Les objectifs et les modalités de cette concertation doivent être précisées par une délibération du conseil municipal (L.300-2), laquelle fait défaut pour ce projet. Le même article prévoit aussi que les informations relatives au projet et aux avis requis doivent être accessibles. Or, si le Conseil de quartier Saint-Donatien - Malakoff n’a pas été spécifiquement constitué pour suivre cette opération d’aménagement, un “Groupe projet urbain” a été constitué en son sein. Quoiqu’il en soit, ce Groupe n’a pas été informé des raisons devant aboutir à la délivrance du permis de démolir, ni des motifs ayant conduit à la décision de démolition des 26 bâtiments concernés plutôt que d’autres. Plus significatif encore de l’absence de réelle concertation, la communication de l’étude commandée à FORMA6, et de l’avis de la DPARC, expressément demandés, ont été refusés au Conseil de quartier et à son “Groupe projet urbain”. Il est évident que les démolitions autorisées n’ont pas été décidées au hasard. Elles sont explicitement en rapport avec les études en question, et sont évidemment en rapport direct avec le plan des futurs aménagements, pourtant encore inconnu de tous. La concertation, pourtant obligatoire, est donc largement vidée de son contenu, ce qui vicie le permis contesté. II. L’absence de délibération du conseil municipal autorisant ces démolitions Les 26 bâtiments dont la démolition est autorisée ont fait l’objet d’une inscription au “patrimoine nantais” dans le PLU. En application de la règle du parallélisme des procédures, il est donc nécessaire que leur démolition soit autorisée par une autre délibération du conseil municipal de Nantes. Même si les articles L.300-1 et suivants du code de l’urbanisme ne s’appliquaient pas, le respect de cette règle de procédure s’imposerait à l’autorité municipale. En l’absence d’une telle délibération, le permis de démolir attaqué encourt l’annulation. III. Le permis de démolir viole l’arrêté préfectoral du 29 avril 2015 prescrivant une étude d’archéologie préventive

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Par arrêté du 29 avril 2015, le préfet de Région Pays de la Loire a prescrit la réalisation d’une opération d’archéologie préventive sur la parcelle CD 176, support du projet d’aménagement du quartier Mellinet. Cette opération comprend le diagnostic archéologique du bâti comme du soussol, et l’arrêté précise que « l’opérateur soumettra au préfet de région un projet d’intervention élaboré sur la base des objectifs scientifiques et des principes méthodologiques définis aux articles 1 et 2 » (de l’arrêté). Le permis de démolir ne vise pas l’arrêté préfectoral prescrivant cette étude. Il ne vise pas non plus l’étude elle-même qui n’a probablement pas encore été réalisée. Or les prescriptions de l’arrêté préfectoral doivent être strictement respectées, et leur exécution est un préalable obligatoire au commencement des travaux. De ce fait, le permis de démolir a été illégalement accordé. IV. Le permis de démolir accordé sans contrepartie, porte atteinte à la valeur du patrimoine communal Dépositaire du patrimoine communal, la Ville de Nantes ne saurait en diminuer la valeur sans contrepartie. La contrepartie de la démolition des 26 bâtiments visés est, évidemment, un ensemble de constructions objet du projet d’aménagement. Or, dans la phase actuelle de concertation et d’élaboration du projet, il est encore impossible de dire quelles sont les constructions projetées puisqu’aucun plan d’aménagement approuvé n’existe à ce stade. Il y a donc un risque que la perte de valeur engendrée par la démolition ne soit pas au moins compensée par des constructions juridiquement approuvées, sans parler de la destruction des bâtiments ayant une valeur patrimoniale qui sera, elle, irrémédiablement perdue. Dépositaire des biens publics, la Ville ne peut les dilapider. Le permis est donc illégal de ce point de vue. Par ces moyens, et tous autres à produire, déduire ou suppléer, même d’office et y compris au contentieux, nous vous demandons le retrait du permis de démolir n°44109 15 A0020 du 15 septembre 2015 (ou son abrogation). Nous espérons, Madame le Maire, que vous serez soucieuse de rétablir et maintenir des conditions satisfaisantes de participation des citoyens et citoyennes aux projets urbains qui les concernent et, dans cete perspective, nous vous prions, Madame le Maire, Madame la Présidente, de croire à notre engagement dans la défense et la promotion de tous les patrimoines de notre Cité, et à toute notre considération. Au nom du Forum Nantes patrimoines le président,

Philippe LE PICHON PJ- Permis de démolir n°44109 15 A0020 du 15 septembre 2015.

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