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Série du Portail (Tome 2)
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Œuvre dédiée à tous ceux qui rêvent d’un monde meilleur, et qui souhaitent une seconde chance pour y participer activement.
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Préface Ce tome est le second de la série du Portail. Pour ne pas dérouter le lecteur, il est indispensable de résumer les péripéties de l‟équipe de six scientifiques TOPLA, qui ont décidé de défrayer la chronique en réalisant sur eux-mêmes des séries d‟expériences mettant leurs vies en jeu, bien installés dans un laboratoire ultrasecret (TOPLAB) situé dans un ancien monastère sacré de l‟Himalaya. Se plaçant volontairement en état de coma artificiel de courte durée, ils ont ainsi découvert que chaque personne possède un double cerveau, si l‟on peut dire, le cerveau biologique très limité que tout le monde connaît, plus une sorte de cerveau de taille subatomique, qui est utilisée comme mémoire globale personnelle et qui gère ce qu‟on appelle communément la conscience individuelle. Ils ont appelé ce dernier la « bulle » individuelle, accessible via le Portail, un point très précisément localisé dans le cerveau biologique. Au cours de chaque coma provoqué, ils ont pu « visiter » les bulles d‟autres êtres, vivants ou morts, et communiquer avec eux par une forme de télépathie. Ils ont aussi pu contacter une équipe de douze explorateurs de la planète Mira, dont les bulles avaient échoué sur Terre, et ils s‟en sont fait des amis, en particulier un couple de Scimuts qui a décidé de rester sur Terre pour les aider, car leur expérience dans le domaine des mutations génétiques était très grande. Par l‟intermédiaire de l‟ONU, plusieurs gouvernements terrestres accordèrent à TOPLA l‟autorisation de faire des expériences de mutation sur l‟homme, pour diminuer la taille des humains à naître. L‟objectif était que le poids et les besoins énergétiques devaient être réduits dans un rapport d‟au moins cent, pour assurer la pérennité de l‟espèce, sur une Terre où les ressources étaient de plus en plus rares et coûteuses. Trois couples d‟adolescents volontaires participent à ce programme sur l‟ancienne île française d‟Amsterdam, Nova.
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Sommaire 6
LA MORT ET SES ETAPES EXPERIENCE DE MORT IMMINENTE (EMI)
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LA TRAME DIGITALE DE L‟ESPACE-TEMPS.
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LA MEMORISATION EN TRANCHES.
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COMMENT AIDER UNE AMIE DISPARUE ?
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LA HAUTEUR DE VUE DU PROFESSEUR GAËL.
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UN VOYAGE TRES RAPIDE VERS MIRA.
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UN JEU D‟ENFER.
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MIRA ET ARIA.
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UNE PROMESSE A TENIR.
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LE TEMPLE SACRE.
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SIXIEME DIMENSION ?
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OU SE TROUVE LE TEMPS ?
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LA SYNCHRONISATION DES TROIS MEMOIRES.
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UN TROU DE VER INFORMATIQUE.
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PROBLEMES DE CONSCIENCE.
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UN STATUT POUR MIRA ?
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QUI EST LE MANIPULATEUR ?
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PLANETES CONTAMINEES.
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ÉTUDE DU TERRAIN DE MANŒUVRES.
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EPURATION.
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OU SE SONT CACHES LES « ENFANTS » ?
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LE GOUFFRE.
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PARLONS AUX « ENFANTS ».
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LE CREATEUR.
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EPILOGUE.
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BIBLIOGRAPHIE :
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OVNI, DIT BRO
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NOTES DE L‟AUTEUR
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La mort et ses étapes Cela faisait maintenant un mois que les jeunes volontaires dirigés par Nico et Svetlana s‟étaient installés sur Nova. Tout semblait se passer normalement, et l‟équipe himalayenne de TOPLA se félicitait de pouvoir continuer ses travaux, mais cette fois-ci dans de nouveaux domaines. L‟objectif initial des colombes du Portail était en bonne voie de résolution, mais les membres de TOPLA avançaient tous en âge, et la réflexion commune tournait, de plus en plus souvent, autour de la mort et du futur inconnu qui l‟accompagnait. Les femmes étaient très sensibles à ce sujet, comme si elles avaient encore quelque chose à faire d‟important sur Terre pour leurs enfants et petits-enfants, qui pourtant se portaient comme des charmes. Angela et Tera étaient même devenues arrière-grands-mères récemment, ce qui leur avait permis de voir toute leur petite famille à Delhi, et je les avais accompagnées, évidemment. Ce genre de voyage hors du temple sacré était exceptionnel, mais le risque de voir des paparazzis était quasi nul, Tera, Ovni et Angela étant inconnus du grand public. Seule Aloa était sur le devant de la scène à l‟ONU. Par ailleurs, les journalistes avaient de la matière pour s‟occuper, en s‟agglutinant auprès des services politiques des gouvernements, ces derniers commençant à avoir des difficultés d‟approvisionnement en matières premières pour leurs populations sans cesse croissantes. Ces réflexions de groupe sur la mort s‟étaient concentrées sur les expériences de NDE (Near Death Experiment), appelées EMI en français (Expérience de Mort Imminente). Aloa s‟était fait un ami d‟un célèbre médecin américain, le Docteur Roudy, très connu pour les synthèses qu‟il avait réalisées, prenant en compte les centaines de témoignages qu‟il avait recueillis. Roudy passait beaucoup de temps en conférences sur la planète entière pour rapporter ses témoignages, dans le but de diffuser largement ces expériences hors du commun. 6
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Il était entouré d‟une foule de chirurgiens, médecins, anesthésistes, infirmières qui avaient assisté à ces expériences, et qui étaient tous convaincus de la sincérité des récits des êtres cliniquement morts qui étaient revenus de l‟au-delà. Tous étaient impressionnés par le changement radical qui s‟exprimait chez ces personnes, quand elles reprenaient le cours de leur vie ordinaire, pratiquant presque toutes un mode de vie entièrement tourné au service des autres, dès l‟instant que leurs récits étaient acceptés par les autres. Il y a une vie après la vie, disaient-ils, et ils étaient tellement convaincants que les personnes en fin de vie qu‟ils assistaient quittaient leurs proches dans la sérénité, sans craindre le néant ou l‟enfer, selon leurs croyances d‟origine. Nombreux étaient les infirmiers et infirmières qui assistaient à leurs interventions, pour pouvoir les remplacer, lorsqu‟ils n‟étaient pas disponibles. La durée de vie augmentait beaucoup, car les personnes âgées ne craignant plus rien avaient un comportement et une activité physique plus saine qui maintenaient plus longtemps leur bonne forme et le moral associé, par un effet boule de neige. Leur implication soutenue et leurs résultats évidents avaient fini par dérider les scientifiques en charge de la définition des programmes d‟études. Depuis peu, des recherches enfin communes étaient financées officiellement, regroupant des chercheurs du monde médical, neurobiologique et du monde de la physique corpusculaire (toujours à la recherche de la Théorie du Tout, permettant de concilier les théories cosmologiques et subatomiques). Il était donc maintenant enfin question d‟expliquer notre existence au sein de l‟univers, en reliant les trois domaines scientifiques qui ne couvraient chacun qu‟une partie seulement du mystère global de la vie, du cosmos, et de la pensée. Roudy avait vite fait la relation entre Aloa et les expériences de TOPLA sur le Portail, et c‟est sans restriction aucune qu‟il ouvrît tout grand la porte de son bureau, dès qu‟Aloa se manifestait. TOPLA et Roudy étaient vite tombés d‟accord pour considérer que le rôle actuel de Roudy était plus important et plus efficace que son éventuelle intégration dans l‟équipe, pour participer aux expériences à venir sur la mort « effective ». 7
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En effet, pour aller plus loin que ce qui avait été réalisé jusqu‟à présent, il sera nécessaire d‟en passer par l‟étape « mort effective et sans retour, sauf miracle » pour percer le mystère dans son ensemble. La grande question de savoir qui serait désigné ne se posait pas dans l‟immédiat, car le groupe devait mener des investigations complémentaires dans le cadre des bulles, actuellement bien connues et aisément accessibles, pour préparer le « terrain » et la nature des expériences « ultimes » envisagées. En particulier, il fallait vérifier l‟assertion des EMI (appelons-les comme cela) qui s‟étaient vus planer au-dessus de leur lit d‟hôpital, pour constater, à leur grand étonnement, que tous les meubles, murs et personnages étaient visibles certes, mais sous une forme transparente et translucide, car ils pouvaient passer à travers ! Ovni n‟avait pas eu cette impression lors de son premier voyage dans sa bulle, mais on pouvait l‟expliquer parce qu‟il avait bien d‟autres sujets d‟étonnement à ce moment-là ! Il faudra donc recommencer cette expérience, et laisser à Ovni plus de temps, pour mieux vérifier et appréhender le phénomène. Certes, on sait que la bulle est d‟une taille tellement réduite que rien ne l‟arrêterait si elle se déplaçait, même pas lors de la traversée de la Terre. Cependant, a priori, la bulle d‟un être en coma artificiel n‟est pas amenée à se déplacer bien loin, puisque la décorporation (sortie de ce que nous appellerons « l‟âme » du corps) n‟a pas encore eu lieu et qu‟elle est donc « attachée » d‟une certaine manière au cerveau biologique. Ensuite, il faudra « assister » à des morts réelles de personnes en fin de vie, pour voir ce qui se passe réellement, et étudier la faisabilité d‟un voyage « de concert » avec l‟âme en question. Les six scientifiques sont bien conscients qu‟ils vont mourir, à tour de rôle, dans les années à venir, et ils souhaitent savoir s‟ils peuvent prévoir des mesures d‟accompagnement qui ouvriraient la porte à des communications directes dans le futur avec « leurs morts », ne serait-ce que pour les informer de ce qui se passe chez les vivants. L‟expérience précédente de communication d‟Ovni, avec la bulle de son père restée physiquement au cimetière avec son corps, n‟avait été qu‟un premier pas, mais le résultat était non satisfaisant, et de plus, il semblait évident que le départ de l‟âme vers « ailleurs (les limbes ?) » à la suite de la 8
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décorporation, caractérisait « l‟envol » d‟une autre entité, indéfinissable pour l‟instant, de l‟être décédé. Le fait que nombre d‟EMI avaient eu l‟impression de tout voir, et en même temps, devant, derrière, et sur les côtés de chaque objet par un phénomène de transparence relative a très bien été expliquée par un médecin français (voir bibliographie), qui a astucieusement expliqué que l‟EMI était alors dans un système à cinq dimensions, au lieu des quatre que nous connaissons tous (largeur, longueur, hauteur et temps). Pour mieux comprendre, il a donné un exemple très pédagogique, car nous avons bien des difficultés à imaginer un espace à cinq dimensions, tellement habitués que nous sommes dans nos quatre dimensions bien à nous ! Supposons que nous n‟ayons que deux dimensions physiques au lieu de trois, largeur et longueur, et pas d‟épaisseur/hauteur, un peu comme si nous étions une carte de jeu placée sur une immense feuille de papier. Il a appelé Dédé son personnage en forme de carte à jouer. Si Dédé est entouré de camarades à son image, il ne peut pas voir ce qui se passe derrière le cercle de ses copains, il n‟a pas une vision complète de l‟univers dans lequel il évolue. Mais si Dédé subit une EMI, il s‟élève, accédant à une dimension supplémentaire, la hauteur, et il voit ainsi tout ce qui se passe dans son univers de « vivant » qu‟il est en train de quitter, à commencer par ce que ses copains lui cachaient derrière leur cercle compact. Dédé EMI possède également une capacité supplémentaire qui lui permet de zoomer à l‟infini sa vision, en se concentrant simplement sur un point déterminé, il peut vraiment tout voir, l‟intégralité de son domaine de « vivant », sans même se déplacer. À ce niveau, Dédé EMI reste dans le même domaine temporel que Dédé vivant, il voit ce qui se passe à l‟instant présent, mais il ne peut accéder à l‟historique, au passé des scènes qu‟il perçoit, car il n‟est pas mort définitivement. Ce problème de visualisation du passé doit sûrement être résolu lorsque la décorporation devient totale, c‟est-à-dire quand Dédé est aspiré dans le fameux tunnel gris qui l‟amène dans les limbes où il rencontre des personnages étranges et revisite son passé en quelques fragments de secondes.
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On se doit cependant de réagir à cette explication, en affirmant que le voyage dans sa propre bulle permet déjà d‟accéder à son propre passé, mais il nous faut retenir que la bulle n‟est qu‟un élément matériel, une sorte de mémoire globale individuelle, et qu‟elle reste « accrochée » au corps de son personnage biologique, même après sa mort. On a également eu la preuve que cette bulle mémoire ne mémorise plus rien de ce qui se passe après la mort effective, Ovni se souvenant tout particulièrement de sa conversation avec son père décédé, conversation frustrante pour Ovni au plus haut point ! Il apparaît donc clairement que l‟entité qui quitte le corps pour aller dans le fameux tunnel gris est autre chose que la bulle, et qu‟il faut découvrir de quoi il s‟agit, en assistant à plusieurs décès réels. Ce sera mon objectif, dans les jours à venir, tout le groupe étant enthousiasmé par la masse de connaissances que nous allons acquérir, grâce à ces expériences. Si Celui qui a éventuellement créé ce système complexe a tenu à faire passer le message aux EMI qu‟ils devaient se concentrer sur l‟Amour et la Connaissance approfondie, à leur retour, il ne saurait me reprocher d‟aller m‟immiscer dans des domaines jusque-là secrets et inaccessibles, puisqu‟il s‟agit d‟approfondir les connaissances du genre humain sur sa propre destinée. J‟irais presque jusqu‟à affirmer que le fait même que des EMI puissent revenir pour nous expliquer tout ça est voulu, pour indiquer en quelque sorte dans quelle direction il faut chercher pour augmenter nos connaissances, et aussi pour faire sauter les verrous des tabous religieux. Mais pourquoi tout ça finalement, sinon pour tester la capacité d‟une race vivante comme la nôtre à évoluer suffisamment pour accéder à la connaissance « ultime ». Cependant « ultime » est sûrement un terme trop définitif, car il y a vraisemblablement plusieurs étapes à franchir, au-delà du tunnel. Ça paraît un peu fou, un tel jeu de piste dans une course par étapes, mais enfin, comme dirait Gaston Lagaffe, l‟important c‟est d‟avancer, même doucement, et surtout pas de feindre de les avoir organisés quand les évènements nous dépassent.
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Expérience de mort imminente (EMI) Grâce au Dr Roudy, nous avons été informés qu‟il assisterait l‟un des parents de Dalaï-Lama, atteint d‟une maladie incurable, au cours de ses derniers instants dans un hôpital de Delhi. Rendez-vous a été pris pour après-demain, et je ferai le déplacement avec Angela qui sera fort utile pour contrôler mon état, pendant que je serai en « voyage » dans la même salle que le malade, en réanimation. Mon voyage se fera en plusieurs étapes successives de vingt minutes, la durée maximale raisonnable pour ne pas risquer le pire. Je prévois des coupures de dix minutes, avec retour sur Terre et remise en état de ma mémoire biologique, de façon à conserver les résultats de mon tronçon de voyage précédent. En aucune manière je ne prévois de tenter de suivre l‟entité du décédé, lorsqu‟elle disparaîtra dans le « tunnel », même si cela me semblait possible : ne prendre aucun risque, c‟est la règle première ! Le surlendemain, nous sommes tous en place dans la salle de réanimation, l‟état du malade s‟est aggravé, et l‟instant de sa mort est tout proche. Roudy et Dalaï-Lama tiennent chacun une main du malade, Roudy se concentrant, les yeux fermés, pour tenter d‟apaiser le souffrant, comme il l‟a déjà réalisé par transmission de pensée en plusieurs occasions, déclarant ensuite que lui n‟y était pour rien, seul le malade étant en mesure d‟interroger discrètement les pensées des assistants, voire de leur suggérer des actions à mener dans certains cas spécifiques. Les EMI de retour avaient confirmé ce mode de perception et de transmission de leur part. Il avait été convenu que je ne prendrais place dans ma bulle que sur un regard de Roudy, de manière à éviter que je ne sois tenté de communiquer avec le mourant depuis ma bulle. Une telle expérience serait à tenter, mais plus tard, et avec un autre patient. Roudy souhaitait effectivement savoir si ses actions de concentration ne pourraient pas être remplacées par des actions de bulle à bulle, actions qui pourraient, après tout, être éventuellement plus efficaces. Lorsque Roudy, après avoir échangé un premier regard avec DalaïLama me fait signe, Angela actionne l‟interrupteur et je prends mon envol. 11
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Rien d‟autre à faire que de m‟élever dans la salle, du déjà vu, et de scruter profondément les lieux, les objets et les personnes présentes. Ma vision Œil de poisson me montre effectivement tout, vu d‟en haut, à 45 degrés, depuis ma position physique sur mon fauteuil, mais je m‟attache maintenant à essayer ce fameux zoom dont ont tant parlé les EMI, à leur retour. Effectivement, en me concentrant sur Roudy, ma vision se transforme, et progressivement l‟image de lui, en relief classique, que je viens juste de quitter, image qui m‟a accompagnée quelques instants seulement finit par s‟estomper, pour être remplacée par des contours et une perception translucide des organes internes de son corps en filigrane. Je vois même son téléphone portable dans sa ceinture, et en me concentrant dessus, je peux voir le cadran qui indique qu‟il est en arrêt. Pour l‟instant, rien de neuf du côté du mourant, et j‟en profite pour faire un zoom sans fin sur Roudy. Je suis en train de m‟enfoncer dans son corps, jusqu‟à son cœur, que je vois battre calmement. Je glisse vers une zone moins mouvementée de son corps, sa main, mais la vision est encore trop mouvante, un peu comme un zoom avec des jumelles beaucoup trop grossissantes sur un détail lointain d‟un animal vivant. Je change de sujet, et je m‟attache à regarder les détails du tibia du mourant qui est strictement immobile sur son lit de mort. La vision est beaucoup plus nette, et je m‟enfonce de plus en plus jusqu‟au niveau d‟une molécule interne de l‟os. J‟insiste encore et je passe au niveau de l‟atome. Il ressemble un peu à l‟image que l‟on s‟en fait, mais c‟est différent. Chaque composant interne à l‟atome est flou, un peu comme des grumeaux dans une pâte à crêpes. Ça fluctue beaucoup trop là-dedans, que faire ? Eh bien, j‟insiste encore, et brusquement la vision change radicalement, tout devient plus calme, comme si un élément inconnu se chargeait maintenant de stabiliser les images perçues. Manifestement, je suis passé à travers la zone de turbulence qui sert de frontière entre le monde quantique et le monde classique macroscopique, cette frontière qui empêche les scientifiques de voir plus loin dans le domaine subatomique sans modifier la particule élémentaire qu‟ils cherchaient justement à analyser. Apparemment, l‟être humain est doté dès le départ de tout ce qu‟il faut pour dépasser cette frontière, et je suis le premier ravi d‟en faire la 12
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découverte : elle va assurément changer la face du monde, en imposant une direction nouvelle aux futures recherches. Les technologies les plus sophistiquées sont fréquemment impuissantes, dès l‟instant où elles sont dirigées sur le mauvais chemin de la connaissance, mais heureusement l‟homme est perfectible, et il sait redresser la barre quand les évènements ou la chance l‟y obligent. Dans le cas présent, la chance a été de notre côté, c‟est évident ! Devant ce nouveau spectacle, je ne m‟attache pas à retrouver les hypothétiques particules que nous ont concoctées nos plus grands scientifiques du domaine, car, en effet, mon regard est plutôt attiré par les filaments lumineux qui vibrent comme des poils sur la surface de chacun des composants. Certains filaments semblent identiques et en très grand nombre sur les plus grosses particules, mais on les retrouve également sur les particules moyennes et également, mais en très petit nombre, sur les plus petites particules. Pour cette première catégorie de filaments, ils sont reliés deux à deux, chaque paire reliant deux composants différents. Appelons-les filaments G, car ça ressemble à des liens de gravité entre particules. Ils sont marron foncé. Je remarque qu‟en fait, il s‟agit plutôt d‟échanges ultrarapides de filaments individuels entre deux particules voisines, ce qui donne une fausse impression de filament continu. Certains filaments sont émis individuellement vers l‟espace, d‟autres en viennent. Mais tout ceci évolue trop rapidement pour avoir une signification claire, et ma vision ne peut suivre et disséquer plus en détail le phénomène. C‟est à ce moment que je réintègre mon corps biologique Angela ayant décidé qu‟il était temps de décompresser. Je constate que Roudy est debout, à côté de nous, et qu‟il vérifie mon pouls et ma tension. Dalaï-Lama nous accompagne dans une salle de repos voisine, tout en me précisant que le malade a une courte période de rémission qui durera probablement une heure, de quoi nous donner le temps de faire le point et de grignoter quelque chose. Je leur raconte mes perceptions depuis ce monde étrange auquel il faut s‟habituer avant de profiter intelligemment du spectacle, tant de choses étant possibles dans cet univers nouveau. Si mon hypothèse concernant les gravitons G est assez crédible, il me reste à vérifier une autre inconnue, celle de la détermination du 13
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temps, cette variable qui nous semble si naturelle, mais dont personne ne connaît l‟origine. J‟ai ma petite idée là-dessus, et je leur fais part du fait que le clignotement permanent que j‟ai constaté est un clignotement synchronisé, pour tous les filaments entre eux, quelle que soit leur couleur : il y a une fréquence derrière cela. Une fréquence, c‟est l‟inverse d‟un temps, donc je ne suis peut-être pas loin de découvrir quelque chose qui devrait ressembler à la constante de Planck, la plus petite valeur d‟un « grain » élémentaire de temps, voisin de dix à la puissance moins quarante-trois secondes ! J‟ai à peine dit cela que je mesure alors l‟énormité de mon discours, en regardant mes trois interlocuteurs qui sont bouche bée, complètement interloqués. Vingt secondes de silence complet se déroulent, à peine troublées par les bips des appareils de contrôle des chambres voisines. Nous continuons à grignoter et à boire sans oser nous regarder, comme si on avait atteint le fond, l‟endroit où il n‟était pas permis d‟aller voir.
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La trame digitale de l’espace-temps. Le Docteur Roudy nous a sortis de notre rêverie en déclarant qu‟il fallait retourner vers le patient, et que je dois recommencer une analyse sur ce point précis. Nous retournons donc nous installer à nos places, et Roudy me fait à nouveau signe après avoir vérifié que tout était calme pour le moment. Un bisou à Angela, un clin d‟œil à Dalaï-Lama, et Angela m‟expédie sur le « terrain ». Rapidement, je retourne aux environs de l‟endroit précédemment entrevu, je repasse à travers la frontière me séparant du monde quantique subatomique, et je me rapproche à peu près au même niveau que tout à l‟heure. En effectuant un zoom supplémentaire, il se produit un tremblement de l‟image et je constate que, non seulement la vue est agrandie, comme si je me rapprochais, mais en plus, les filaments émettent des clignotements de plus en plus lents, et je peux percevoir chacun d‟entre eux. Il s‟agit en fait de petits traits marron foncé qui se véhiculent sur le filament, sous une forme saccadée, passant d‟un point à l‟autre rapidement, stationnant un bref instant, puis passant au point suivant, et ça ressemble assez étrangement au transport ionique d‟information le long des cellules nerveuses du monde biologique que nous connaissons tous. Je suis à peu près convaincu que je viens d‟accéder à une dimension supplémentaire, me permettant de voir le temps s‟écouler physiquement, devant mes yeux. J‟ai, devant moi, une manifestation de l‟horloge universelle qui rythme tout, avec ses « tic-tac » élémentaires. En me rapprochant encore un peu pour mieux voir le lieu de l‟émission de ces tirets temporels, après avoir sélectionné la plus petite particule visible à cet endroit, je remarque qu‟ils émanent d‟une petite membrane grise, clignotant au même rythme que les émissions de tirets temporels. Cette membrane est, elle aussi, translucide et recouvre complètement l‟objet principal que je perçois vaguement derrière elle. En regardant mieux, la membrane paraît engluée à la surface de l‟objet, 15
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car il y a une interface très fine entre elle et l‟objet, très fin, mais décelable. Un retour arrière dans le zoom me permet de préciser que chaque intervalle entre les tirets du temps est identique, et semble immuable. J‟ai comme l‟impression que chaque tiret est centré sur une sorte de quadrillage invisible, ce qui pourrait laisser imaginer que cet intervalle élémentaire est la longueur de Planck, de l‟ordre de dix à la puissance moins trente-trois centimètres, et que donc la vitesse de déplacement des tirets est égale à la vitesse de la lumière. Je suis complètement ahuri par l‟importance de cette nouvelle découverte, toutes les théories de Planck sont là, matérialisées devant moi ! En cherchant plus longtemps, il me serait possible de localiser la plus petite particule, celle qui n‟émettrait qu‟un seul tiret de gravité à chaque constante de temps de Planck, et je verrais alors physiquement la représentation de la constante de masse de Planck, mais je n‟ai pas le temps de fouiller l‟univers à six dimensions dans lequel je navigue actuellement. On verra cela plus tard. En « reculant » un peu, je me place de manière à voir une vingtaine de particules élémentaires dans le champ central, et je constate que chacune d‟entre elles émet un nombre variable de tirets élémentaires au même instant. Certaines en émettent tellement qu‟elles ressemblent à une touffe de poils très fins, des milliers voire des millions de poils fins qui l‟illuminent comme un objet décoratif en fibres de verre. Sur cette vingtaine de particules, je devine la présence des fameuses membranes individuelles grises qui les recouvrent, mais par contre, il me semble qu‟il y a quelque chose qui cloche, car, normalement, je ne devrais pas les voir aussi nettement, du fait du recul que j‟ai pris par rapport au petit objet où j‟ai découvert leur existence. Oui, c‟est plus net maintenant, ces membranes se « décollent » progressivement de leur support, elles s‟écartent de plus en plus, disons d‟une longueur de Planck (L) à chaque intervalle d‟un temps de Planck (T)… mais c‟est à la vitesse de la lumière ça ! Je recule encore pour visualiser quelques centaines de particules dans mon champ principal, et cela concerne toutes les particules, en synchronisme parfait.
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Je recule très vivement jusqu‟à l‟univers à quatre dimensions, et plonge au cœur du cerveau du patient, avec le même zoom que précédemment. Là, c‟est un peu différent, il y a quelques particules qui font de la résistance, car leurs membranes ne se décollent qu‟avec retard par rapport à leurs voisines, ça fait un peu désordre tout cela ! Je reviens dans la salle, je regarde les personnes présentes, je vois les deux assistants qui s‟inquiètent devant les écrans de contrôle, je vois Angela qui semble hésiter en regardant vers moi, elle ne sait quoi faire, me débrancher ou me laisser poursuivre, et elle ne me débranche pas, finalement. Heureusement, car je peux ainsi assister à quelque chose d‟incroyable, une forme grise flotte vaguement dans la pièce, au-dessus du mourant. C‟est sûrement l‟agglomérat des membranes des particules qui se constitue progressivement, au fur et à mesure qu‟elles quittent leur support d‟origine. La forme est peu précise, comme si les membranes ne retrouvaient pas leur emplacement précis dans l‟espace, les unes par rapport aux autres. La transparence variable du « spectre » respecte à peu près les densités réelles de la matière du corps du mourant, mais sans plus. La seule chose qui est certaine, c‟est que les dernières membranes qui s‟échappent encore du corps proviennent plutôt de la zone cervicale et s‟agglutinent au spectre sous la forme d‟un cône, la pointe en bas. Brutalement, l‟ensemble du spectre se met à fluctuer dans l‟espace, comme des tremblements ondulants, et le tout disparaît subitement. Roudy et Dalaï-Lama se regardent, vérifient une fois de plus leurs écrans, et Dalaï-Lama ferme les yeux du mort. Angela dirige son index vers son commutateur, un peu inquiète, car si j‟avais disparu avec le spectre, sait-on jamais, elle ne saurait quoi faire, incapable de localiser ma bulle éventuellement disparue. Roudy lui fit signe, et elle me ramena entier et très fatigué. Il me faut plusieurs minutes pour récupérer, car ma bulle a de grandes quantités d‟informations nouvelles à transmettre à mon cerveau biologique, de manière à le mettre en synchronisme avec la bulle, en lui transmettant ces nombreux évènements nouveaux que mon pauvre cerveau biologique ne pouvait pas enregistrer en direct. Les infirmières s‟affairent autour du corps sans vie, débranchant tout l‟appareillage devenu inutile, et préparent le transfert du corps vers 17
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la morgue en sous-sol. Nous nous dirigeons vers la salle de repos pour faire une mise au point en commun. Je leur raconte mes visions et mes hypothèses : elles sont bien comprises et aucune question ne m‟est posée, comme si tous mes interlocuteurs avaient déjà prévu tout ça, dans leurs rêves ou au cours de leurs réflexions scientifiques ou mystiques. Pour le Docteur Roudy, ça semble caractériser une structure technique décrivant logiquement les phénomènes décrits par les EMI. Il me fait confiance, car il sait que mon niveau d‟émotivité est très faible, face à des phénomènes complexes et apparemment inexplicables : selon lui, je suis une parfaite caméra dans des circonstances comme celles-là. Dalaï-Lama, choqué par le départ de son parent, s‟intéresse cependant plus précisément au phénomène du retour des EMI, car ça se rapproche beaucoup, selon lui, du processus de la réincarnation prévu dans sa religion. Je leur suggère de tenter une nouvelle expérience, quitte à perdre notre temps pendant quelques heures si elle n‟était pas concluante : cette expérience consisterait à me laisser « flotter » dans la salle de réanimation pendant deux heures, car si, par un pur hasard, il s‟agissait d‟une EMI avec retour, il me faut absolument assister à cela. Nous nous précipitons dans la salle au moment où le chariot en sort, et Roudy demande de tout réinstaller, ce qui me laisse le temps de me libérer d‟un besoin naturel et de prendre une bonne bouffée d‟air à l‟extérieur. Le monde entier extérieur continue son petit train-train, comme si rien ne s‟était passé, mais à quoi devais-je m‟attendre ? Roudy vérifie une nouvelle fois mes caractéristiques de rythme cardiaque et de tension, et nous nous installons pour une longue veille. Angela me propulse au plafond, et je laisse errer mon regard à droite et à gauche, devant et derrière, au-dessus et au-dessous. Je peux me « promener » via le zoom incorporé partout dans l‟immeuble et même au-delà. Je traverse les murs, et je m‟enfonce sous terre, tout est possible. Je décide de vérifier si la bulle du mort est encore en place. Si je me réfère à mon expérience de communication avec la bulle de mon père, la bulle reste sur place, encore liée au corps jusqu‟à la complète désagrégation des cellules du cerveau. C‟est seulement ensuite qu‟elle peut être éventuellement déplacée, grâce à la procédure spéciale que nous ont apprise les Scimuts. 18
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Effectivement, la bulle est bien là, encadrée par celles de Roudy et Dalaï-Lama, et je la sélectionne. Le visage du mort apparaît, et semble reposé, gris et sans expression : je me concentre sur son visage et l‟image change brusquement. Il avance vers la fameuse lumière, et j‟assiste à travers ses « yeux » à une conversation par transmission de pensée entre le mort et ce nouveau phénomène lumineux : je devine leur discussion, la lumière semblant hésitante sur la conduite à tenir vis-à-vis de ce nouvel arrivant, et elle lui demande un temps de réflexion avant de prendre sa décision finale. Il y a urgence, car si elle décide de le renvoyer sur Terre, je dois immédiatement sortir de cette bulle et revenir à mon poste, et je reviens donc dans la salle. Quelques secondes plus tard, le spectre se formalise de nouveau et commence à réintégrer le corps, en commençant par le cerveau. Je zoome sur le cerveau, et je constate la redistribution des membranes sur les particules, sans échec visible apparemment. Je reviens dans la salle, mes amis sont à pied d‟œuvre et regardent les signaux des écrans qui commencent à se manifester. Roudy fait un signe à Angela, me voilà de retour pour assister au réveil du nouvel EMI. Nous avions peu de chances de voir ce phénomène sur un cas précis, mais il y a sûrement une explication, et j‟ai une petite idée làdessus. Progressivement, le patient retrouve un peu de couleur, et les infirmières lui injectent des quantités incroyables de morphine pour dissiper la douleur qui se manifeste à nouveau. Lorsqu‟il ouvre les yeux, Dalaï-Lama se met à pleurer de joie, et Roudy scrute tous ses mouvements. Ses lèvres s‟ouvrent et il chuchote quelque chose que je ne saisis pas. Roudy tend un micro ultrasensible pour enregistrer ses paroles et Dalaï-Lama le rassure par des paroles apaisantes sur son état. Je les laisse faire, et m‟éclipse avec Angela pour prendre un nouveau bol d‟air. Nous parcourons le parc de l‟hôpital en parlant de nos enfants, pour dissiper le caractère morbide des scènes vécues. Nous revenons en salle de repos au bout d‟une vingtaine de minutes, après avoir rendu une visite au distributeur de café. Nos deux amis sont déjà en place et impatients de m‟écouter.
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Je décris les étapes le plus précisément possible, en laissant quelques instants de réflexion entre chacune. Lorsque je termine, Roudy met en route son magnétophone portatif, et nous entendons le mourant décrire la scène avec son interlocuteur. Celui-ci l‟a renvoyé sur Terre, non pas pour qu‟il continue à faire le bien et acquérir plus de connaissances, mais simplement parce que la communication était troublée par un « parasitage », c‟est exactement l‟expression qu‟il a employée. Ça correspond parfaitement à mon hypothèse, lorsque j‟ai craint que ma présence dans la bulle du mourant puisse être détectée de l‟extérieur et que je suis précipitamment redescendu dans la salle de réanimation. Dalaï-Lama comprend alors que la rémission serait de très courte durée et nous déclare qu‟il retourne au chevet de son parent pour assister à ses tout derniers instants. Nous échangeons encore quelques phrases avec Roudy qui nous déclare qu‟il gardera le secret sur ce cas précis, promettant de nous prévenir pour tout autre cas se présentant à Delhi. Nous faisons nos adieux à nos amis, et nous retournons directement au temple sacré pour mettre TOPLA au courant, et prendre aussi quelques jours de repos pour nous ressourcer comme on dit.
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La mémorisation en tranches. Quinze jours se sont écoulés calmement à TOPLAB2, rythmés par les rapports journaliers d‟Aloa depuis l‟ONU, et de Nico depuis Nova. Tout se passe comme prévu, et sans heurts. Pyco, Labo et Tora nous invitent à une réunion de mise au point du programme futur, en « présence » de Capt et d‟Aria. Nous devons définir la suite à donner, et décider jusqu‟où nous pouvons aller dans cette folle aventure. Je me propose pour aller plus loin encore, quitte à mettre ma vie en jeu, à condition que mon corps soit conservé au froid pour me donner une toute petite chance de revenir si ça m‟était possible. Cette expérience aura donc lieu ici, dans notre laboratoire, très bien équipé pour ce genre d‟opération survie. J‟insiste en argumentant sur la réaction étonnante du gardien de « lumière » qui a détecté ma présence, ce qui laisse à penser qu‟on peut lui conférer une certaine logique adaptative, en fonction de circonstances particulières, et donc, on peut aussi espérer qu‟une « négociation » est envisageable avec ce gardien de lumière, pour me laisser « entrer » dans les limbes. Nos expériences nous ont en effet prouvé que, lorsqu‟une bulle communiquait avec une autre, personne d‟autre ne pouvait y accéder, ce qui empêchait certes les conférences à trois personnes ou plus, mais garantissait une certaine confidentialité. Apparemment, le gardien de lumière n‟est pas capable de s‟immiscer dans une conversation en cours, et cette lacune nous servira peut-être plus tard. J‟imagine aussi que le simple fait que je prenne un tel risque pour le rencontrer traduira de ma part une immense volonté d‟accéder à une plus grande Connaissance, et que le billet d‟entrée sera ma récompense, puisque je n‟ai pas peur de la mort. Par ailleurs, ma présence dans les limbes ne pourra pas être considérée comme résultant d‟un acte volontaire de suicide, puisque tout est prévu en bas pour me réincarner sans dommages physiques. Avec un peu de chance, je peux espérer me faire renvoyer sur Terre après ma visite… enfin, on peut toujours vivre d‟espoir, ça doit être vrai là-haut aussi. Plusieurs objectifs peuvent être définis pour cette expérience, et nous en établissons la liste ensemble. 21
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— Une copie de la bulle fait-elle partie intégrante du spectre ? Ça semble vraisemblable, car la mémorisation du passé de la personne doit se véhiculer dans les limbes également, ne serait-ce que pour permettre de revisiter ce passé à très grande vitesse. Par ailleurs, la mémorisation de ce qui se passe dans les limbes doit se faire également, puisque les EMI s‟en souviennent à leur retour. Cette copie de la bulle est donc un peu particulière dans cette nouvelle dimension, car elle est nettement plus performante, ultra rapide, et encore ne connaissons-nous qu‟une toute petite partie de ce qu‟elle peut permettre, par exemple cette capacité de transmission instantanée des pensées, ou encore l‟apprentissage instantané de l‟ensemble des Connaissances concernant le fonctionnement de l‟Univers. Nous avons bien noté que cet aperçu de la Connaissance totale est effacé lorsque la bulle des limbes réintègre la bulle terrestre, mais le reste de l‟aventure dans les limbes subsiste et reste accessible. Sa rapidité extrême est vraisemblablement autorisée par le fait qu‟elle n‟est plus dépendante de la vitesse de fonctionnement du cerveau biologique, puisqu‟elle en est maintenant détachée. On peut en avoir une image terrestre en considérant un PC doté d‟un processeur ultra rapide qui serait ralenti par la très faible vitesse de rotation de son disque dur. Ce mariage de la carpe et du lapin pour la bulle (a priori omnipotente) et le cerveau humain (si limité) laisse imaginer que, sur d‟autres planètes, les êtres vivants peuvent disposer d‟une tout autre capacité de leur vivant, car leur cerveau biologique est probablement d‟une tout autre nature que le nôtre, la bulle étant universelle et commune à tous les êtres vivants. Quid des animaux dans les limbes ? — Explication nécessaire sur les univers multidimensionnels, et surtout sur les interconnexions entre eux, les interventions possibles depuis un univers de dimension élevée sur un autre univers de niveau inférieur, etc. ? — Les limbes sont-ils une image copie conforme de l‟Univers à quatre dimensions ? Les spectres humains sont-ils présents sur Terre, en permanence, et en même temps que les humains ? Quelle est la durée de vie des spectres ? Sont-ils des spectres pour une durée inconnue, dépendant d‟autres évènements incontrôlables ? Les différences races de l‟Univers sont-elles autorisées à communiquer, voire à se 22
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rencontrer ? La vitesse de déplacement physique d‟un spectre est-elle infinie, comme l‟est apparemment celle de sa vision à grande distance ? Me sera-t-il possible de communiquer avec le clone d‟Aria sur Mira, par exemple ? — Quel est donc le statut d‟un gardien de lumière, appelons-le gardien ? Est-ce un spectre particulièrement performant qui a été finalement élevé à un certain grade ? Combien de grades ? Capacités spécifiques de chaque grade ? Quelle est la liberté relative d‟un gardien dans son rôle ? Existe-t-il des sanctions s‟il dévie de son rôle ? Y a-t-il plusieurs catégories de spectres ? Les bons et les méchants ? Y a-t-il des conflits potentiels entre les spectres de base et les gardiens ? — La liste s‟arrête là, car elle serait sans fin.
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Comment aider une amie disparue ? Quelques jours plus tard, nous sommes tous au travail dans le laboratoire, et soudain, Capt fait irruption dans mon crâne en criant : — Aria est morte, venez m‟aider ! — Que dites-vous là ? — Aria ne retient plus rien, elle en est restée à hier soir, je ne peux rien faire pour elle ! — Quelle explication donnez-vous ? — La seule possible, c‟est un accident au centre de conservation de nos deux corps sur Mira. Cela arrive, mais très rarement, c‟est en fait exceptionnel. — Rien n‟est perdu, Capt, ça ne fait qu‟avancer le moment de mon long voyage dans les limbes, je vous promets de la retrouver et de tout faire pour que vous vous retrouviez ensemble. — Non, c‟est plutôt à moi de faire ce voyage, et de la rejoindre définitivement, c‟est mon problème. — Mais vous savez bien que c‟est impossible, puisque votre corps biologique est sur Mira, et qu‟il est inatteignable à très court terme dans notre Univers à quatre dimensions ! — Vous avez raison, je débloque complètement ce matin. — Par ailleurs, le suicide est mal perçu là-haut, vous ne seriez même pas certain de pouvoir la retrouver. Par contre, moi, je connais mieux ce nouvel espace, et mon corps est ici, Angela pourra vérifier mon état et se consoler en discutant avec moi du bon vieux temps, tout comme vous d‟ailleurs le ferez avec la bulle d‟Aria. Ce cas étant un cas à part, il n‟est pas sûr que, si je retrouve Aria, elle soit « entière », sa bulle était quand même à des années-lumière de son corps, et je ne sais pas ce que je vais trouver là-haut.
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Notre discussion s‟arrête là, je mets l‟équipe au courant du drame que « vivent » nos deux amis fidèles, et je demande à Labo de mettre en route le conditionneur qui va conserver mon corps, pour être en mesure de revenir, si on me l‟accorde. Pyco me fait toute une série de piqûres destinées à « préparer la momie » comme il dit en riant, et Tera console Angela qui ne s‟attendait pas à un départ si rapide. Nina et Boni sont tristes, comme s‟ils avaient perçu un remue-ménage de mauvais augure, et nous prenons un dernier déjeuner ensemble, chacun tentant de faire baisser la pression à sa manière. Le grand départ est pour dix-huit heures, nous faisons une dernière promenade à l‟extérieur avec les bonobos qui se lamentent derrière nous, puis nous allons en salle de conservation. Labo surveille ses instruments, Pyco vérifie mes caractéristiques physiques, et tout le monde me fait une bise appuyée, y compris Capt depuis sa bulle. Angela a des difficultés à se détacher de moi au moment critique où Pyco appuie sur le bouton fatal. Je suis maintenant dans ma bulle, tout semble normal, l‟attente est longue, je laisse l‟écran vide de toute image et je ne me concentre sur rien d‟autre que ma mort, qui va survenir très bientôt. Un grand tremblement de ma vision se produit, puis elle s‟élargit à l‟extrême, sans limites, tout est en variétés de tons de gris, et ça défile comme dans un tunnel. Je suis comme un héros de jeu vidéo en train de courir à une vitesse folle dans le tunnel d‟un donjon très dangereux. Mais la fin du tunnel approche, ça ralentit, je ne m‟attarde pas sur le paysage, car un gardien se dirige vers moi, à vitesse réduite. Je devine quelques contours confus au sein de cette lumière, et la pensée du gardien inonde ma bulle. — Qu‟as-tu fait de ta vie ? — J‟ai fait le bien du mieux que je pouvais, et j‟ai tenté de renforcer l‟Amour des hommes entre eux, sans y parvenir complètement. — As-tu approfondi tes connaissances ? — J‟ai terminé ma vie exclusivement dans ce but, pour le bien de tous. — Tu vas revoir ta vie entière, et moi de même, nous verrons ensuite le sort qui t‟est réservé. 25
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Le film complet se déroule à très grande vitesse, je ne suis pas surpris, même si je retrouve quelques phases que j‟avais enfouies profondément dans mon subconscient. Ici, on ne peut pas tricher ou cacher quelque chose, c‟est très clair. Le gardien se profile à nouveau devant moi, et je le sens perplexe, hésitant sur la conduite à tenir. Je devine qu‟il fouille dans ma mémoire pour confirmer son impression, puis il me dit : — Tu es le tout premier cas de ce genre que nous voyons arriver depuis la Terre. Je sais tout, et je sais aussi que tu veux jouer le jeu. Je sais que tu cherches à retrouver une amie récemment décédée, je sais que tu as avancé ton voyage qui était prévu de toute façon. — Allez-vous m‟accepter dans ce contexte très particulier ? — Ton cursus plaide en ta faveur, et c‟est de plus par amour pour un être vivant d‟une autre race que te voilà parmi nous, ce qui est exceptionnel. Je vais contacter mes responsables, je soutiendrai ton projet, mais il se peut qu‟ils souhaitent te rencontrer avant de décider. Reste là, je fige ta position physique, tu peux regarder, personne ne viendra te parler, et attends-moi. L‟attente durera l‟équivalent d‟une heure selon ta perception du temps actuelle, profite du spectacle. Le gardien s‟évanouit en un clin d‟œil, la luminosité ambiante baisse énormément et je vois enfin l‟environnement qui m‟accueille. Je suis « debout », je ne perçois rien qui ressemble à des membres, pas d‟odeur, pas de bruit, pas de présence de paupières ni de clignement d‟yeux, pas de sensation de pesanteur, je suis debout, c‟est tout, et c‟est beaucoup, car sans gravité apparente, ça reste à expliquer. La zone est montagneuse, mais je ne reconnais pas cette vallée où je suis à présent. Une rivière coule au bout du pré, les couleurs sont vives, le tout est en relief « amélioré ». Des groupes de formes spectrales sont en train de discuter, à environ trois cents mètres, et ils paraissent regarder par ici. Ça ne doit pas être fréquent de voir un nouvel arrivant cloué au « sol » et le gardien absent. « De qui s‟agit-il pour expliquer cette procédure exceptionnelle ? » me transmettent leurs pensées. J‟exerce ma vision pour vérifier qu‟elle est capable d‟aller très loin. Je m‟élève au droit de ma position actuelle et je regarde intensément vers le lointain, vers le sud, par rapport à un soleil bien présent et rassurant. Je suis à vingt mille mètres environ, et plus je me rapproche 26
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de mon point de visée, plus je perçois des grandes villes en dessous, des immenses fleuves, puis l‟océan. Je reviens en arrière, au-dessus de la plus grande ville, je reconnais Delhi et je localise même l‟hôpital où nous étions récemment. Je retourne sur Terre, car c‟est bien de la Terre qu‟il s‟agit. Les groupes qui me regardaient ont disparu, et deux gardiens arrivent lentement vers moi. Le plus grand a une couleur plus dorée, et il m‟aborde ainsi : — Gaël m‟a expliqué la situation. Je reconnais que vous êtes le premier Terrien à faire le voyage dans ces conditions, mêlant Amour et Connaissance comme objectif. Le cas de Jésus est un cas tout à fait à part, car c‟est nous qui l‟avons envoyé sur Terre sur décision de la hiérarchie, pour éclairer les humains sur le sens profond de leur destinée terrestre. Apparemment, ils n‟en ont pas retenu grand-chose, et deux mille ans se sont écoulés avec peu de résultats tangibles. Vous aurez peut-être l‟occasion de le rencontrer, car il vient parfois nous visiter pour faire le point sur l‟avancement. J‟ai bien compris le sens de votre action, et je vous autorise à rester le temps que vous souhaiterez ici. Gaël va être déchargé de ses fonctions pour vous accompagner et vous aider à réaliser votre quête. Sachez qu‟Aria vous attend, nous l‟avons prévenue, et elle vous bénit par avance. Elle retrouvera sa bulle d‟origine si elle le souhaite, mais seulement après que vous l‟aurez retrouvée. Elle connaît cette condition. Gaël perdra la moitié de sa luminosité, ce qui permettra aux autres gardes de reconnaître qu‟il est en mission spéciale. Ainsi, vous aurez tous deux accès à tous les domaines que nous gérons, dans les limbes de cet Univers qui n‟est qu‟un Univers parmi d‟autres. Vous aurez accès à Mira, évidemment. Je vais vous laisser, travaillez bien, et si vous réussissez dans votre entreprise, vous pourrez devenir un garde comme Gaël, sur le secteur Terre ou un autre de votre choix. Dans l‟hypothèse probable où certains de vos amis décideraient de vous rejoindre ici, nous leur proposerions le même type de contrat, mais vous n‟aurez pas l‟occasion de communiquer avec eux pour leur proposer, car seul Gaël détient ces clefs-là. 27
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Dieu vous bénit dans votre entreprise ! Gaël resta seul avec moi, je me sentis instantanément « libre » de me « mouvoir », sur simple concentration visuelle. Gaël m‟entraîna à l‟écart, en direction d‟une masure isolée, me disant que je dois apprendre beaucoup de choses pour avoir une petite chance de réussir. Nous entrons par une porte basse, et nous installons pour une longue soirée d‟apprentissage dans la pièce unique où subsistent les restes d‟un feu et d‟un repas. Bizarre, mais je n‟ai pas faim, je ne suis pas fatigué, ce genre de perceptions biologiques est banni ici.
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La hauteur de vue du Professeur Gaël. Gaël me dit qu‟il a bien vu la liste de questions de l‟équipe concernant les limbes, et il m‟explique qu‟il est préférable qu‟il me donne des explications détaillées, point par point, de manière à ce qu‟elles restent présentes en mémoire immédiate, compte tenu de la difficulté du parcours que j‟envisage. Je pourrai ainsi immédiatement prendre des décisions, au lieu de visualiser à nouveau l‟ensemble des Connaissances et d‟y effectuer une recherche plus spécifique du sujet à traiter. Il ajoute que ce procédé ressemble beaucoup au principe des « Favoris » sur Internet qui fait gagner beaucoup de temps. Je pourrai effectuer cette mise en Favoris moi-même, en fouillant dans l‟immense base de la Connaissance, mais ce serait long, et à quoi servirait Gaël dans ce cas ? — Tiens ! une pointe d’humour chez Gaël, je dois pouvoir m’en faire un ami, pensé-je. — Mais je suis déjà un ami, ça sert à quoi l‟amour, alors ? — Je n‟ai pas encore bien intégré cette possibilité de transmission de pensées, et je suis confus pour cette réflexion intime qui m‟a échappé. — Ne t‟inquiète pas, seuls les gardiens ont cette capacité d‟accéder aux pensées intimes, même si l‟interlocuteur en a verrouillé l‟accès. Tu peux toi-même verrouiller l‟accès en te connectant à quelqu‟un d‟autre ou en partant en voyage mystique. Si tu restes très statique intellectuellement, tu redeviens accessible aux autres. C‟est à peu près le même fonctionnement que tu avais déjà constaté dans ta bulle personnelle. Je vais maintenant essayer de répondre à toutes vos questions, peutêtre dans le désordre, mais je vais essayer d‟être exhaustif dans mes explications. Ce que tu appelles spectre est une âme, n‟aie pas peur du mot, car c‟est bien de cela qu‟il s‟agit, dans son sens plein, l‟intégralité de ton existence passée, de ta conscience et de ton intelligence acquise sur Terre s‟y retrouve à ton arrivée. Ton âme va continuer à évoluer ici, et ça pourra aussi bien être dans le bon sens que dans le mauvais, ça ne dépendra que de toi. Sache 29
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cependant que l‟évolution négative, dans le mauvais sens, est peu fréquente et ne concerne que des âmes qui se refusent à acquérir plus de connaissances ou à procurer plus d‟amour aux autres. Ce sont généralement des êtres qui imaginent payer leurs dettes en pratiquant une forme de suicide par négation dans les limbes, ou encore des êtres tellement égocentriques et égoïstes qu‟ils se croient à l‟abri de tout problème, car les limbes ne leur paraissent pas très dangereux après tout. Ils ont pourtant été informés qu‟il n‟y a pas de porte de sortie pour eux, mais ils nient nos recommandations. Concernant ta bulle terrestre, elle est toujours sur Terre, imputrescible, et tu es actuellement dans son double, constitué par les membranes de ton ancienne bulle qui ont quitté la Terre, pour se reconstituer dans ce nouvel univers où tu ne possèdes plus de forme matérielle précise, comme toutes les autres âmes, moi y compris. Cette absence de l‟ancienne forme est explicable seulement par une volonté de permettre les communications entre les âmes aisément, sans le handicap de l‟apparence physique qui compromet tant de situations sur Terre (peur de l‟autre, racisme, misogynie, homophobie…). L‟amour ici n‟est pas physique, il est seulement intellectuel, chacun est au même niveau et ne dépend que de lui-même, son passé ayant certes une influence, mais le retard est tout à fait rattrapable, c‟est uniquement une question de volonté personnelle, rien n‟étant imposé ni garanti, c‟est la liberté totale. Tu rencontreras des âmes d‟hommes de Neandertal, de Florès, et bien sûr d‟animaux et d‟insectes divers, sans oublier les dinosaures ! Tout ce qui a eu une vie sur Terre est ici. C‟est une sorte de réserve de tout ce qui a eu droit à l‟étincelle de vie, en recevant une enveloppe de bulle vierge au stade fœtal. Tu n‟as pas pu voir l‟instant de la copie de la bulle du mourant que tu as assisté avec Angela et tes amis, mais c‟était également un décollement de l‟unique membrane qui recouvrait sa bulle terrestre. Tu ne pouvais pas voir ta propre membrane depuis l‟intérieur de ta bulle, pour des raisons de physique optique dans l‟espace à six dimensions. Ton âme ici n‟a aucune masse, ni aucune énergie au sens terrestre de l‟énergie, aucune charge électrique, et elle n‟est porteuse que d‟informations acquises et de puissance d‟analyse et de raisonnement. Ton évolution dans les limbes ne dépendra que de ta volonté de te servir 30
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de cette puissance, enfin libérée des contraintes biologiques terrestres, et elle dépendra également du but que tu poursuis quand tu l‟utilises. L‟univers des limbes est un univers copie conforme de l‟univers dont tu viens. Il est constitué exclusivement d‟antiparticules, la fameuse et discrète antimatière que vous recherchez partout dans votre univers à quatre dimensions. La forme stable de l‟antimatière, c‟est ici. Il existe aussi, ici même, les formes instables et fugaces de la matière ordinaire que tu connais, mais ce ne sont que des phénomènes miroir de ceux qui se produisent chez son univers « jumeau ». Il n‟y a cependant pas de copie des êtres vivants dans les limbes, tu n‟en verras donc pas, les membranes des cellules vivantes contenant l‟ADN sont uniques et ne peuvent exister en deux endroits à la fois. Ne sois donc pas étonné de pouvoir monter dans un autobus sans conducteur et apparemment vide, et qui t‟amènera quelque part si tu le souhaites. Une excellente occasion de visiter la Terre en toute tranquillité, et sans être gêné par la pollution des grandes villes, car cet univers n‟y échappe pas. Vous avez découvert que quelque chose de particulier se passe pour que la vie s‟installe vraiment au cours de la période fœtale. C‟est bien sûr dû à la mise en place de la membrane contenant la nouvelle bulle, vierge de toute connaissance. Les membranes vierges proviennent du niveau supérieur, auquel nous n‟avons pas accès dans l‟immédiat, mais tu découvriras cela plus tard. Retiens simplement que ce niveau supérieur comporte sept dimensions, donnant la capacité de modifier la trame de l‟espace-temps. Les deux univers jumeaux ne sont séparés que par la trame de l‟espacetemps, et seuls certains trous noirs jumeaux de très grande énergie percent l‟espace-temps pour disparaître finalement ensemble dans un dégagement colossal d‟énergie, lequel reconstitue la trame originelle qui sépare à nouveau les particules et les antiparticules créées lors de leur explosion finale. Certaines théories de vos scientifiques imaginent que la matière noire et l‟énergie noire pourraient expliquer la disparition de l‟antimatière stable dans votre univers, mais c‟est autre chose, qu‟il vous reste à découvrir. Il faut bien que les scientifiques aient de quoi aiguiser leurs neurones, non mais ! Les âmes ne sont pas autorisées à retourner dans leur univers d‟origine, autrement dit les fantômes n‟existent pas sur Terre, sinon 31
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pour le plaisir de se faire peur au cinéma ou au fond de son lit, en lisant le dernier best-seller de l‟horreur et du fantastique. Les seules âmes autorisées le sont à titre exceptionnel, et au cas par cas, ce sont les EMI que tu connais, décidées par les gardiens, comme moi, par exemple. Je vais maintenant te parler un peu de moi, ça nous rapprochera un peu plus. Si on fait l‟effort de mieux connaître l‟autre, on va toujours dans le bon sens, car on efface toutes les fausses impressions, on va directement à la source, et l‟aventure est plus intéressante finalement. Je suis gardien depuis le seizième siècle, originaire du Pérou, décédé au cours des guerres d‟extermination espagnoles en Amérique du Sud, en 1560. J‟ai obtenu ce niveau parce que je m‟étais opposé sur Terre aux déviances du catholicisme ibérique, en reprochant à ces envahisseurs de détruire à terme leur propre religion, qui ne s‟en est d‟ailleurs pas relevée. En tout cas, c‟est la position commune ici, parmi les gardiens. L‟envoi de Jésus n‟a servi à rien, les hommes ne sont pas encore assez mûrs pour cela, même deux mille ans après. Nous espérons que des êtres comme toi pourront peut-être faire évoluer la situation, en les laissant revenir sur Terre pour distiller un peu plus de science et de connaissance, la véritable connaissance, celle qui servira réellement à acquérir quelque chose qui sera utile dans les limbes. Je dois te dire que notre avenir ici est indéterminé tant qu‟un certain niveau d‟amour et de connaissance ne sera pas atteint en moyenne sur Terre, et sur les autres planètes abritant la vie. Jésus a recommandé de laisser croître la présence de la vie intelligente sur la Terre, mais c‟était dans un but unique, celui d‟accélérer les mutations génétiques qui, seules, permettent d‟autoriser une évolution favorable de l‟intelligence moyenne des êtres vivants. Comme il ne voulait pas parler de l‟évolution des espèces à cette époque, le message n‟est pas passé, et les fanatiques à la recherche du pouvoir temporel ont dévié ce message à des fins personnelles. Tu les rencontreras à l‟occasion dans les limbes, et tu auras l‟occasion de les faire parler sur ce sujet tant controversé. Tu te poses aussi des questions au sujet de l‟immuabilité des gardiens, sur le fait qu‟il pourrait leur arriver de tomber dans le déviationnisme, de faire des erreurs graves. Eh bien ! oui, il est arrivé que certains dévient, et se fassent rappeler à l‟ordre, en redevenant une âme ordinaire, perdant de ce fait leurs pouvoirs spécifiques de gardien. 32
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Ça ne va pas plus loin que ça, mais c‟est beaucoup pour celui à qui ça arrive. Quant aux conflits potentiels entre les gardiens et les âmes, il n‟y en a que très peu, généralement initialisés par celles qui sont exclusivement orientées vers elles-mêmes, ou qui souhaitent accéder à un pouvoir personnel sur les autres. Par contre, il y a de fréquents conflits entre les différents groupes qui se forment instinctivement par mimétisme, mais les conflits entre néandertaliens et hommes modernes sont très rares, ces derniers servant de professeurs pour les anciennes espèces humaines. Les conflits avec les animaux sont eux aussi exceptionnels, car les anciennes espèces humaines cohabitent volontiers avec les animaux, qui apprécient beaucoup les contacts affectueux et qui n‟ont plus aucun besoin alimentaire. — Mais, Gaël, quel est le but ultime des Limbes ? Comment est-on informés de l‟avancement vers l‟objectif qui nous est fixé ? Où en sont les autres espèces vivant sur d‟autres planètes dans la réalisation de ce même objectif ? Comment contacter ces autres espèces pour les aider, si ce sont elles qui retardent toutes les autres ? — Le but ultime, tu le connais. Le seul problème, c‟est qu‟il n‟est pas quantifiable, et que seul le Créateur le connaît. Ça nous rend dépendants d‟un critère sur lequel nous n‟avons aucun pouvoir, et c‟est d‟ailleurs un problème ici, car des groupes se forment pour commencer à manifester contre ce qu‟ils appellent l‟esclavagisme des Limbes, un terme un peu fort, certes, mais qui traduit une inquiétude réelle. Cette réaction est surtout perceptible chez les nouveaux arrivants, de plus en plus éduqués, et toujours demandeurs de plus de connaissances pour tenter d‟échapper à ce qu‟ils appellent un piège. Nous avons eu connaissance de quelques cas de rébellion qui se sont terminés par la disparition des âmes concernées : on nous a expliqué qu‟elles avaient été transférées sur une planète devenue viable récemment où ils devront montrer un comportement exemplaire pour revenir ici. Certains ont commencé à nous rejoindre, et ils font maintenant profil bas. Je n‟en sais pas plus, car ça se passait sur d‟autres régions de l‟univers. 33
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Toutes les régions de l‟univers sont présentes dans les limbes, avec le même objectif global. Certaines régions assistent les autres pour diffuser la paix et la survie des espèces locales, et Mira en est un exemple typique, bien qu‟elle soit considérée comme déviante, puisqu‟elle limite les naissances et pratique le clonage. Les âmes Scimuts se défendent en expliquant que ce n‟est pas le nombre qui compte, mais la qualité, car ils sont persuadés que prolonger leurs vies grâce au clonage permet d‟élaborer des âmes plus performantes, par le cumul d‟expériences positives sur une plus longue période pour chaque individu. C‟est un sujet fort polémique, bien entendu, et les Visiteurs qui passent régulièrement nous contrôler n‟ont pas encore pris une position définitive à ce sujet. J‟ai personnellement eu l‟occasion d‟aller dans les limbes de Mira, en délégation officielle : c‟était un moyen de parfaire ma formation de gardien débutant. Nous avons utilisé un moyen de transport d‟âmes très particulier, connu seulement des Visiteurs, et j‟ai même eu la chance de rencontrer le couple Capt et Aria qui faisait partie du comité d‟accueil, compte tenu de leur grande expérience des autres espèces qu‟ils ont aidées. Tu noteras que ce n‟est par un pur hasard que ce soit moi qui t‟ai accueilli ici. Tout être ayant été en relation avec les Scimuts doit être traité en conséquence, tant que la décision finale n‟aura pas été prise les concernant. Ça ne signifie pas que tu es sous surveillance rapprochée, mais ça y ressemble un peu beaucoup quand même. Cependant, je t‟assure que je prendrai mes responsabilités en te traitant correctement, comme une âme ordinaire, et que je te défendrai même si je constate que tu es injustement soupçonné. J‟ai été un contestataire éminent sur Terre, c‟est pour ça que j‟ai été promu, mais je reste un contestataire dans le fond, rien ne me fera changer d‟attitude. Mes supérieurs le savent bien, je ne me gêne pas pour leur rappeler à l‟occasion. S‟ils m‟ont désigné pour cette mission spéciale avec toi, y compris pour te permettre d‟aller sur Mira, c‟est parce qu‟ils reconnaissent que mon sens critique est fort développé et impartial : mes rapports précédents l‟attestent. Prenons un peu de temps libre, toi et moi, et réfléchissons chacun dans notre coin sur la suite des opérations. Je vais en profiter pour faire 34
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une pause mystique salutaire. Tu me verras immobile, mais ne t‟inquiètes pas, c‟est normal.
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Un voyage très rapide vers Mira. La nuit passa très calmement, le léger bruit du vent ne gênant pas la réflexion personnelle qui était la nôtre. Je remarquai au passage que la vision de nuit était à peine affaiblie, et que tous les rayonnements étaient visibles, infrarouges et ultraviolets compris. Je localisai un incendie de forêt, à environ cinquante kilomètres à l‟Ouest, par son rayonnement infrarouge. Ce système de vision est sophistiqué, car il amplifie les très faibles rayonnements, et, à l‟inverse, il diminue les trop forts rayonnements, pour permettre de souligner les contrastes réels. Il me faudra demander à Gaël si la vue que nous avons d‟objets très lointains, par exemple un autre système solaire, correspond au temps actuel de l‟observateur ou s‟il y a un décalage de temps vers le passé, comme sur Terre, dans l‟autre univers. Je suppose que ce décalage est inexistant ici, sinon les communications à grande distance seraient impossibles entre les gardiens, qui ont absolument besoin de l‟instantanéité de leurs échanges qui exigent des décisions rapides, par exemple pour le retour sur Terre des EMI, par exemple. Si cette instantanéité existe pour les échanges de la vue et la pensée, qu‟en est-il des mouvements des enveloppes des gardiens euxmêmes ? Me sera-t-il nécessaire d‟aller « physiquement » sur Mira pour y rencontrer Aria, ou bien l‟échange par la pensée suffira-t-il pour traiter cette question du retour d‟Aria sur Terre ? Le soleil se lève sur un ciel débarrassé des quelques nuages qui voilaient la lune, cette nuit. Gaël se déplace vers la porte puis revient vers moi : — Tu as préparé des questions, alors je réponds tout de suite. Tes hypothèses sont les bonnes, les vitesses atteignables pour les informations sont bien plus rapides dans cet univers. Il a été conçu ainsi, car c‟est l‟univers où l‟information est privilégiée, l‟âme n‟étant pas dépendante d‟un corps matériel qui limite beaucoup trop sa capacité d‟expression de l‟autre côté. Ici, tout s‟apprend plus vite, les échanges se font plus rapidement, bref, nous avons accès aux capacités ultimes de l‟information dans cet univers. Toute l‟information, ici, transite par une trame supplémentaire 36
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« collée » de ce côté-ci à la trame de l‟espace-temps classique, cette dernière étant commune aux deux univers jumeaux. Le véhicule, ou plutôt la particule élémentaire de l‟information est le digiton, une particule sans masse, sans charge électrique, sans énergie potentielle, mais véhiculant une charge d‟information élémentaire. Elle est unique, aucune autre ayant cette spécificité. Dans l‟autre univers, les digitons sont obligés de se faire véhiculer par des photons ou des neutrinos auxquels ils sont couplés pour leur transit, ce qui limite les vitesses d‟échange. Ici, les digitons utilisent la trame rapide spécifique à l‟information, ce qui leur permet une vitesse presque infinie. La vision d‟une galaxie située aux confins de l‟univers est en temps réel, ce que l‟on voit est ce qui s‟y passe à l‟instant présent, au dixième de seconde près. Les communications avec Mira sont quasiment instantanées, car Mira n‟est qu‟à quelques années-lumière de la Terre. De ce fait, il est vraiment inutile de se transporter « physiquement » sur Mira pour communiquer avec ses « âmes ». Il faut retenir que dans l‟autre univers, le photon ou le neutrino peut être ralenti ou même détruit, c‟est en fait très rare pour le neutrino, mais ça arrive. L‟information visuelle est souvent modifiée par les déviations des photons, ce qui explique les difficultés d‟observation à grande distance qu‟ont vos astronomes et radioastronomes. Sur un autre plan, l‟information relative à la pensée n‟est pas complètement fiable, puisque les neutrinos peuvent quand même être détruits ou déviés. Ici, nous ne pouvons tolérer la moindre erreur de transmission de la pensée, car ça pourrait avoir de très graves conséquences. Il y a cependant une toute petite faille dans cet univers, mais elle reste théorique. En effet, si le réseau de la trame des digitons était fort surchargé, il pourrait arriver qu‟une information ne puisse parvenir à son destinataire, ou sous une forme dégradée. Ce n‟est qu‟une hypothèse d‟école, car il faudrait pour cela que des milliers d‟informations soient échangées au même instant sur le même tronçon du parcours, ce qui n‟arrive jamais dans la pratique. Mais je t‟en ai trop dit, passons à autre chose. Je vais te conduire vers le groupe représentatif des Auvergnats français, un groupe qui s‟est installé en France jumelle, sur le plateau du Larzac, près du célèbre viaduc de Millau. Ils ont choisi cet endroit, car il possède un environnement qu‟ils apprécient beaucoup, des petits 37
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ruisseaux, des tourbières d‟altitude, bref, c‟est leur région. Quand je dis « te conduire », c‟est une expression impropre, car nous resterons ici, et ne ferons que communiquer avec eux. Tu découvriras ainsi les performances étonnantes de ce moyen de communication. Il te suffira de penser profondément à ton arrière grand-père, le fameux garde champêtre, et tu le verras apparaître sur le plateau, et tu lui parleras comme tu l‟entends, tout le temps que tu voudras. Mon rôle consiste à t‟ouvrir le chemin de la trame d‟information. Je t‟apprendrai comment le faire toi-même par la suite. J‟ouvre ce chemin en « déformant » la trame d‟information pour la rapprocher de toi, pour te permettre de communiquer sans effort. L‟effort que je fournis à cette occasion commence par un état de veille mystique dans lequel je vais me placer. Ne t‟inquiète pas, je ne peux accéder à votre dialogue pendant ce temps, mais je saurai quand ce sera terminé, et je sortirai de mon état de veille à ce moment-là. Allons-y, à toi de jouer ! Je pense profondément à mon arrière grand-père, et je vois en même temps le paysage actuel s‟estomper pour se modifier et se préciser, il s‟agit bien du plateau du Larzac. Plusieurs âmes sont présentes, occupées à discuter de pêche à la truite ou de cueillette de champignons sauvages. C‟est le début de matinée là-bas, et une âme un peu plus lumineuse se détache du groupe pour se mettre dans le champ de ma vision et occuper toute ma vision frontale. C‟est bien Pierre qui est devant moi, avec sa grande moustache retroussée et son éternel habit de velours côtelé. — Et alors, gamin, comment vas-tu ? J‟ai su que tu nous avais rejoints par ton père, qui est quelque part par là. Tu es presque aussi grand que lui, dis donc ? Que vas-tu nous apprendre de l‟évolution de tes recherches avec tes amis ? Je sais tout ça par ton papa qui s‟est tenu informé auprès de chaque nouvel arrivant de ce qui se passe là-bas. Il s‟intéressait surtout à ceux qui arrivaient des villages où habitent tes trois enfants. C‟est ainsi qu‟il sait que Angéla et toi êtes aux Indes, car vous vous êtes rencontrés récemment. Es-tu venu ici avec Angéla ? Qu‟est-il donc arrivé ? Ah, voilà ton père qui me cherchait sûrement, ça va lui faire une sacrée surprise ! 38
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— Oh ! Jeannot, que fais-tu là ? dit mon père. — Bah, c‟est la vie, et la mort qui suit, rien d‟exceptionnel à mon âge. En fait, je suis seul, et j‟espère bien redescendre. (Ils rigolent tous deux, et me regardent d‟un air suspicieux, l‟air de penser « Serait-il devenu fou ? »). — Je vous dis cela parce que je ne vais malheureusement pas pouvoir rester avec vous, j‟ai une mission spéciale dont je ne peux rien vous dire, mais je vous promets de repasser et de m‟installer avec vous, quand tout sera réglé. — Tu t‟en vas déjà, à peine arrivé ? — J‟ai cru comprendre que vous vous êtes procuré beaucoup d‟informations sur ce qui se passe en bas, donc je ne pourrais pas vous en apprendre beaucoup plus, je vous embrasse, et à très bientôt. Je me concentre sur Gaël, et me voilà de retour dans l‟Himalaya. Gaël m‟apparaît un peu fatigué, sa voix est plus faible, et il me félicite pour la réussite de ce premier voyage en solitaire. Il m‟explique qu‟il ne faudra pas que je m‟étonne s‟il m‟apparaissait brusquement sous son vrai visage, car les écrans de protection d‟image des gardiens peuvent tomber en cas de fatigue importante. Ça n‟arrive qu‟exceptionnellement, lorsque les gardiens sont en réunion mystique exigeant un décuplement des efforts de concentration du groupe, pour atteindre un objectif précis, dont il ne veut rien dire de plus. Il tient à me montrer le phénomène, et il replonge en état de veille mystique immédiatement. Au bout de quelques minutes, son visage apparaît, un visage typiquement indien d‟Amazonie, et il revient dans la conversation : — Je tenais à me montrer sous ma véritable apparence, car je ne supportais plus de pouvoir te voir et de ne pas te rendre la pareille. Je remettrai mon écran, mais seulement si nous étions amenés à rencontrer d‟autres gardiens. Mon vrai nom est Rubio, Gaël étant mon nom de gardien. Ma femme et mes enfants sont restés en Amazonie jumelle, je vais les voir de temps en temps, lorsque j‟ai besoin de me ressourcer en famille. — Je te remercie pour cette marque de confiance, et comme cela, il me sera plus facile de me concentrer sur toi, avec ton visage, lorsque je souhaiterai terminer un voyage. 39
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— Oui, mais ça ne fonctionnera que si c‟est moi qui ai démarré le voyage pour toi. Il faut maintenant que je t‟apprenne à démarrer un voyage tout seul. Tu découvriras que c‟est très épuisant, car toute ta conscience est sollicitée en permanence pendant toute la durée du voyage. Par contre, la puissance de concentration nécessaire est indépendante de la distance. Dans le cas où tu manquerais d‟énergie pour revenir à ton point de départ, ton âme serait transférée au lieu où tu te trouvais à ce momentlà. C‟est une forme de sauvegarde de secours automatique, en cas de défaillance. Pour revenir, il suffira de te concentrer de nouveau sur le lieu où tu veux te retrouver. Sache qu‟il te faudra rester deux jours complets en veille mystique, pour recharger suffisamment ta réserve de digitons, sans rien faire, et à l‟écart pour éviter d‟être dérangé. C‟est pourquoi tu constateras que nous sommes toujours groupés dans des zones désertes où il est aisé de trouver des grottes, des vieilles tours, des châteaux abandonnés ou des vieilles masures. En cas de problème majeur, tu peux me contacter en vision seule pour que je t‟assiste. En principe, nous resterons toujours ensemble, mais on ne sait jamais, tu es un débutant ici, et tout peut arriver. Ah, j‟allais oublier l‟essentiel, il faudra que tu te méfies de certains groupes qui ne songent qu‟à faire le mal, ils pourraient se coaliser pour te vider de tes réserves de digitons à leur profit, et tu ne pourrais pas t‟y opposer, leurs puissances conjuguées étant largement supérieures à la tienne. Certains groupes se servent d‟esclaves qu‟ils maintiennent sous leur contrôle, et qui ne peuvent s‟échapper, car leur réserve personnelle est volée chaque matin. Les gardiens ne font rien, car ils pourraient être capturés eux aussi, bien que leurs réserves de digitons soient le double de la tienne. Retiens seulement de les éviter à tout prix : ils sont heureusement reconnaissables à leur couleur violette, due à une surcharge de digitons. Ils profitent de cette grande quantité de digitons pour voyager beaucoup et en groupe, installant de nouvelles bases d‟esclavage à travers l‟univers. Ce sont en général d‟anciens truands, mercenaires, soldats égarés qui finissent par trouver un groupe pour s‟y intégrer. Toutes les âmes sont libres ici, un tel comportement était prévisible, mais heureusement, ils ne constituent qu‟une minorité assez faible, plus 40
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faible que leur équivalent dans l‟univers d‟origine, ce qui traduit qu‟en moyenne, ici les âmes s‟améliorent globalement. Les gardiens ont pour instruction de ne pas se regrouper pour les affronter, car, primo ce n‟est pas leur tâche, et de plus, cela perturberait le fonctionnement des limbes, puisque la qualité des comportements individuels sera appréciée seulement au terme des limbes, à la fin du programme en cours.
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Un jeu d’enfer. — De quel programme parles-tu ? — Eh bien ! du programme qui prévoit qu‟à un moment que nous ne connaissons pas, toutes les âmes seront transférées ailleurs, selon leur qualité intrinsèque. — Quel ailleurs ? Et quand ? — Je ne sais pas, vraisemblablement dans un autre univers qui est réservé à l‟affrontement final. — Quoi ? Un affrontement final ? Mais pourquoi donc ? — Oui, ça peut paraître bizarre de pousser les êtres vivants à faire le bien, puis de transférer leurs âmes ici, encore une fois avec objectif de s‟améliorer, et ensuite de les envoyer se battre contre les forces du Mal, mais ça fait partie du jeu ! — Un jeu ! on ne m‟a jamais parlé d‟un jeu ! tout le monde est persuadé que le Paradis nous attend, si nous sommes acceptables, ou peut-être l‟Enfer, si nous ne le sommes pas, mais personne ne s‟attend à une guerre finale qui déciderait de notre avenir ! — En fait, je ne sais pas tout, mais j‟ai cru comprendre que cet affrontement au terme du jeu a été décidé par les descendants du Créateur qui ne souhaitaient pas s‟affronter personnellement. — Quels descendants ? — Le Créateur a créé deux « enfants » qui ne cessent de se disputer. L‟un est gentil, plein de bonté et d‟empathie pour le multiunivers dans son entier, mais l‟autre a subi une modification génétique incontrôlable et non réparable qui l‟a rendu méchant, ignoble, à un tel point qu‟il ne cesse de s‟attaquer à son frère. Le Créateur n‟a jamais voulu reconnaître que ce défaut de conception était de son fait, puisqu‟il est le Créateur de tout ce qui existe. Il leur a expliqué qu‟il ne pouvait rien y changer, que c‟était dû aux lois du hasard dans le domaine quantique, mais qu‟il allait remédier à leur ennui d‟être seuls en leur fabriquant un jeu où chaque enfant pourrait s‟exprimer pleinement, chacun à sa manière. Il a conçu le multiunivers immense pour donner une longue durée de vie à leur nouveau jeu, et il les a expédiés dans le jeu en leur disant 42
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qu‟il déciderait lui seul de la date de la fin du jeu, pour récompenser le gagnant. Les deux « enfants » réfléchirent et ne souhaitèrent pas que la décision du gagnant soit faite par leur Créateur. Ils se mirent d‟accord pour qu‟un affrontement final soit prévu, de manière à ce que le résultat soit incontestable. Et c‟est de cet affrontement final dont je te parlais. L‟Armageddon, c‟est le terme employé sur Terre par les théologiens. En fait, ce n‟est pas sur Terre que ça se passera, ça ne sera que de l‟autre côté du Portail ultime, un Portail situé très loin d‟ici, dans une galaxie inatteignable par aucun d‟entre nous. Comme tu le sais déjà, vos astronomes ont découvert en 2007 un trou noir géant dans l‟univers. Ils connaissaient déjà de très grands trous noirs, capables d‟avaler des millions de galaxies, mais celui-ci est vraiment gigantesque, puisque son orifice a un diamètre d‟un million d‟années-lumière environ et que son influence gargantuesque s‟étend sur un diamètre d‟un milliard d‟années-lumière. Il est capable d‟avaler l‟univers tout entier, mais quand ? Personne ne connaît la réponse. En discutant avec les autres gardiens, nous sommes parvenus à la conclusion que les deux trous noirs géants jumeaux vont grossir jusqu‟à atteindre une énergie potentielle cumulée telle que la trame de l‟espace-temps va se perforer et que les deux univers vont disparaître engloutis dans un feu d‟artifice final, la rencontre de la matière et de l‟antimatière constituant la véritable signification de la fameuse équation d‟Einstein. Certains gardiens sont au voisinage de cette zone dangereuse, et ils ont recueilli des milliards d‟âmes provenant d‟êtres qui vivaient dans les galaxies déjà absorbées. La puissance de rayonnement dans un trou noir est telle que les bulles des morts disparaissent physiquement, transformées en rayonnement. Heureusement, les âmes correspondant à ces bulles ont été transférées à temps sur la jumelle d‟une galaxie voisine, mais ça a occupé une grande partie de tous les gardiens disponibles. Du fait de leur absence, de nombreuses évolutions néfastes pour la conscience universelle ont eu lieu dans leur zone d‟affectation d‟origine : tout est à refaire dans ces régions où les groupes indisciplinés ont capturé de nombreux esclaves, et sont devenus très puissants, en accumulant de très grandes quantités de digitons. 43
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Le Portail Ultime est dans cet immense trou noir, nous en sommes persuadés. Il y a un autre univers au fond, pas très grand et réservé pour la dernière confrontation. Nous sommes presque certains que les deux « enfants » terribles sont derrière ce Portail Ultime. Chacune des tentatives de quelques gardiens suffisamment inconscients pour oser tenter de pénétrer dans ce trou noir s‟est soldée par un échec cuisant. Ils ont été refoulés par l‟énorme potentiel énergétique qui règne en maître dans ce trou noir. En effet, ces rayonnements colossaux perturbent beaucoup la trame de l‟espacetemps, et aussi la trame de l‟information qui y est accolée. Nous n‟avons donc pas de solution pour tenter d‟en savoir plus sur ce qui nous est réservé, et sur quel terrain tout ça va se dérouler. — J‟ai une idée, mais elle n‟est pas très réaliste… — Dis-moi ça ! — Eh bien, voilà, en vrac. Si le Portail n‟est pas accessible par les « voies naturelles » des trous, si je peux dire, pourquoi ne pas tenter une expérience de voyage lointain en cumulant toutes les réserves de digitons que nous pourrions y affecter ? On utiliserait tout simplement la trame spéciale de l‟information, mais en visant non pas un trou, ou son jumeau, mais exactement entre les deux, donc sur la trame ellemême. Bien entendu, ce transport dans l‟inconnu ne pourra se faire que par un nombre très limité de voyageurs intrépides, mais on pourrait y réfléchir, non ? — Incroyable, je te savais imaginatif, mais là, ça dépasse l‟entendement ! En aucun cas, ne parle de cela à quiconque. Gardons l‟idée, et essayons de « convertir » quelques huiles à cette suggestion. Nous qui ne sommes que des âmes sans corps, nous nous sommes complètement fourvoyés jusqu‟à présent en tentant de raisonner sur un Portail physique, qui serait accessible depuis un univers matériel, ce qui est vraiment un comble de la part d‟êtres immatériels ! — D‟accord, mais alors, je mérite sûrement une casquette de gardien, tu ne penses pas ? — Exact, je ferai le nécessaire pour proposer ta candidature à un supérieur que je sais très ouvert aux jeunes âmes, les plus récentes, donc les plus intelligentes a priori, selon lui. — Bon, je sens que j‟ai besoin de reconstituer mes réserves, pour être en forme demain, si tu m‟envoies sur Mira. 44
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— D‟accord avec toi, reposons-nous. Et là-dessus, nous plongeons tous deux en état de veille mystique…
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Mira et Aria. Au réveil, nous émergeons en pleine forme intellectuelle. Gaël me signale qu‟il a été sorti de la veille par un supérieur qui lui a demandé de faire un rapport sur leur avancement. Il me précise qu‟il a omis de signaler la teneur de notre dernière discussion d‟hier soir. Il m‟indique que le supérieur en lequel il a une totale confiance est nommé Gilles, encore un G, mais c‟est logique, car tous leurs noms commençant par la lettre G. Il faudra donc que je me trouve un prénom commençant par la lettre G, je penche pour Gino, en souvenir de Bartali qui m‟a fait rêver quand j‟étais tout jeune adolescent. Gaël me propose de déformer la trame maintenant, ça lui prendra dix minutes de totale concentration, pour une telle distance. Je lui précise qu‟Aria est vraisemblablement dans la région 08 de Mira, si mes souvenirs sont corrects. Il s‟installe en état de concentration, je le vois clore les yeux. Je me concentre sur Mira/zone 08/Aria, et progressivement je vois apparaître les mangroves et la plage proches de la ville 08. Je devine un groupe de Scimuts de l‟autre côté de la baie, et je pense profondément à l‟image de la corolle d‟Aria que j‟avais vue, lors de la première vidéo que nous avait montrée Capt. Une corolle s‟échappe du groupe et traverse la baie en flottant sur l‟eau : c‟est Aria qui a perçu mon appel. Elle accélère en me reconnaissant, émue et tremblante, puis elle se place juste devant mon champ de vision frontal. — Ovni, comme je suis contente de te voir. On m‟avait prévenue, mais je n‟osais croire que tu avais fait un tel sacrifice pour venir à mon secours. Mais si c‟était vrai, je ne doutais pas que tu trouves un moyen de venir me voir ici. — Aria, je te fais une grosse bise, et je t‟explique tout. Comme tu l‟as deviné, Capt n‟avait aucune solution pour venir te voir, c‟est pour cela que je me suis proposé. — Je te remercie, mais tu sais, ici, il n‟y a aucun moyen d‟accéder à nos enveloppes biologiques, et je suis frustrée de ne pouvoir voir l‟enveloppe de Capt sur Mira, ni même la mienne pour essayer de comprendre ce qui s‟est passé en bas. 46
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— Ne t‟inquiète pas, il y a sûrement une solution, car j‟ai cru comprendre que les gardiens peuvent descendre, dans des cas exceptionnels, pour intervenir sur l‟autre univers. Mon gardien Gaël pourra m‟aider à obtenir une casquette officielle de gardien, et je m‟appellerai alors Gino pour ce poste. En m‟entraînant à outrance, je pourrai accumuler suffisamment de digitons pour faire ce voyage et tenter de faire réparer ton enveloppe biologique, si elle a été abîmée suite à l‟accident. — Il y a une petite chance que ce soit possible, car nous n‟enterrons jamais les enveloppes avant un mois complet, pour laisser une chance au miracle, comme nous disons ici, c'est-à-dire l‟équivalent des EMI dont tu te préoccupes à présent, si j‟en crois ton passé récent que je viens de visiter rapidement. Nous continuons donc à conserver le corps pour le maintenir en état. Ce qui a dû se passer pour moi, c‟est une rupture du câble principal d‟alimentation de mon caisson, mais uniquement le mien, puisque heureusement Capt est encore en vie. Si la coupure n‟a pas été trop longue, mon enveloppe est peut-être encore acceptable pour un retour sur Mira ou a TOPLAB2, je ne sais pas trop où, en fait. — As-tu pensé à questionner les âmes de Mira 08 récemment arrivées ? — Non, je n‟ai pas pensé à ça, j‟étais paniquée ! — D‟accord, va te renseigner tout de suite, je t‟attends ici, car je ne peux me déplacer, mon enveloppe est restée aux Indes. — J‟y cours. Elle partit aussitôt, resta absente environ trente minutes et revint accompagnée de deux âmes. Je priai que Gaël tienne suffisamment pour ne pas risquer de me voir transféré complètement ici, enveloppe y comprise. Les deux Scimuts se présentèrent rapidement, ils étaient techniciens de maintenance sur la base 08, et savent exactement ce qui s‟est passé concernant Aria. — Nous étions affectés à la maintenance des systèmes d‟alimentation des caissons, suite au déclenchement d‟une alarme incendie dans ce secteur. Nous avons vite repéré et éliminé la cause des fumées qui avaient déclenché l‟alarme, mais les systèmes automatiques d‟arrosage s‟étaient mis en route automatiquement dans les chambres. 47
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Les caissons ne sont pas conçus pour résister à un arrosage, et des infiltrations ont fait disjoncter deux caissons, dont celui d‟Aria. Le temps que nous localisions ces deux caissons et nous y rendions, les deux corps étaient décédés pour de bon, nous avons donc mis en route la procédure d‟un mois d‟attente avant obsèques. Ce que je peux garantir, c‟est que le manque d‟alimentation n‟a pas excédé une heure au grand maximum, et qu‟en principe, le corps biologique n‟a pas souffert, la température n‟ayant pas eu le temps de remonter suffisamment dans le caisson. — Mais pourquoi êtes-vous ici maintenant ? — Pour terminer notre travail de réparation, nous sommes allés dans la salle principale des générateurs et le local des batteries de secours. Lorsque nous avons pénétré dans le local des batteries, il y a eu une grosse explosion qui nous a entraînés directement ici, ça n‟a pas fait un pli comme on dit ! — Est-ce que cette explosion peut avoir eu une incidence sur le fonctionnement des générateurs principaux ? — Non, ne vous inquiétez pas, ce sont des batteries qui ne servent qu‟en cas de panne générale, ce qui n‟était pas le cas. Comme il y a une porte pare-feu qui sépare le local de la salle des générateurs, rien n‟a été touché par ailleurs. Juste avant de mourir, j‟ai perçu des discussions autour de moi qui disaient que tout était sous contrôle, et qui déploraient deux morts probables compte tenu de l‟état de leurs deux camarades. — Je vous remercie, dit Aria, je vais rester avec mon ami, si vous le voulez bien. — Pas de problème, Aria, et à bientôt. — Ovni, si tu tentes quelque chose, essaie de le faire sans vérification préalable sur le terrain. Tu prendrais trop de risques à descendre sur place pour faire une vérification, et tu risquerais d‟y rester, ce qui serait un désastre pour nous tous. Par ailleurs, on n‟est sûrs de rien, car c‟est un cas particulier, du fait de la distance de dix années-lumière entre mon corps biologique et ma bulle. On ne sait même pas s‟il y a une solution. — Tu as raison de me ramener à la prudence élémentaire. Concernant la faisabilité de ta réintégration physique, je suppose que c‟est tout à fait réalisable, car il ne faut pas oublier que lors de ta mort 48
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physique, ta bulle a été instantanément déconnectée elle aussi. Je ne sais pas comment, mais c‟est un fait certain. La procédure inverse existe probablement, j‟en suis convaincu. Tu vas avoir droit à un retour sur Mira, j‟en fais le serment devant toi. — Merci mon ami, je te fais confiance, et n‟oublie pas d‟embrasser tout le groupe quand tu seras de retour toi aussi, quel que soit le résultat de ta tentative. — Je t‟embrasse, et je repars tout de suite, car Gaël doit commencer à faiblir.
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Une Promesse à tenir. Un retour sans encombre, et je retrouve Gaël en piteux état, heureux cependant de la réussite de mon voyage. Il se met immédiatement en mode récupération, et moi aussi, nous en avons bien besoin. Après une douzaine d‟heures de repos, nous revenons, chargés à bloc, et nous commençons à mettre sur pied une tactique d‟approche du problème à résoudre. — Ovni, je connais un gardien de haut niveau qui avait parlé d‟un cas très voisin qu‟il avait résolu, et il nous avait expliqué qu‟il fallait une grande quantité de digitons pour réussir. Il était nécessaire que deux groupes de gardiens et d‟âmes se concentrent au même instant, un groupe étant sur la planète du corps biologique et l‟autre sur la planète de la bulle. Je vais contacter un camarade gardien que je m‟étais fait lors de ma formation initiale sur Mira, et nous allons mettre au point les détails ensemble. — Je t‟attends… Quelques instants plus tard, Gaël me confirme qu‟il a réussi à mettre au point une procédure, son camarade et un autre gardien constituera le premier groupe sur Mira jumelle et lanceront l‟opération de réintégration corporelle dans cinq minutes exactement. Nous aurons vingt secondes de recouvrement possible, mais pas plus, donc nous commencerons dès que nous aurons le signal de Mira. D‟un côté et de l‟autre, nous nous concentrerons sur Aria et nous lui ordonnerons de réintégrer son corps sur Mira et sa bulle ici. Leur signal de digitons pour la Réincorporation nous parviendra ici, et nous renforcerons sa puissance pour qu‟il atteigne la bulle. Nous attendons ce fameux signal depuis quelques minutes, tous deux en état de profonde concentration, et lorsque nous le recevons, sous la forme de l‟image du corps biologique d‟Aria, nous nous concentrons sur TOPLAB2, en direction de la bulle d‟Aria. Au terme de quelques secondes, j‟entre en contact avec la bulle d‟Aria, chose que je pensais impossible pour une âme ordinaire. Je la vois, je lui parle, elle me répond que tout va bien, et qu‟elle ne sait comment nous remercier pour ce que nous avons fait, Gaël et moi. 50
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Je lui demande de contacter tout le groupe immédiatement et de leur raconter où je me trouve, ce que je fais, comment ça se passe ici, que tout va bien pour moi et qu‟ils peuvent m‟attendre sereinement, en toute confiance. Je vais revenir également, le cas d‟Aria fournissant la preuve qu‟un retour différé de plusieurs jours est possible. Lorsque je reviens vers Gaël, il me confirme que tout s‟est bien passé et qu‟il a fait le recoupement avec l‟autre groupe qui a constaté que l‟âme d‟Aria avait disparu subitement. Il en profite pour me dire que j‟avais eu raison de vérifier la bulle d‟Aria, ce qui a fourni une confirmation supplémentaire de la réussite de l‟opération. Il me précise que je n‟ai pu le faire que parce que luimême, en qualité de gardien, faisait partie du groupe invocateur. — Ça nous amène au sujet suivant, te faire accéder à la fonction de gardien, car c‟est indispensable pour la suite. J‟entends par suite celle que tu as suggérée, et qui concerne l‟accès au Portail Ultime, si tu te sens prêt pour tenter cette expérience. Bien entendu, si tu préfères revenir sur Terre, j‟abandonnerai cette idée en attendant que tu reviennes nous voir. — Je demande à réfléchir, car je suppose que je ne peux pas être désigné gardien, et ensuite demander à retourner sur Terre avec cette casquette ? — Effectivement, ta désignation signifierait que tu devrais rester ici, les démissions étant très rarement acceptées. Tous les gardiens oeuvrent pour l‟amélioration des qualités Amour et Connaissance des âmes dans les limbes. Il est mal venu d‟abandonner cette tâche, car ça caractériserait une forme d‟opposition aux deux principes qui justifient l‟existence même des limbes. Il est d‟ailleurs exigé la prononciation d‟un serment lors de la désignation d‟un nouveau gardien. — Un serment ? — Oui, et le seul cas que je connaisse d‟un gardien qui serait redescendu sur Terre, c‟est celui de Jésus, il y a deux mille ans, à l‟époque où tous les gardiens des limbes avaient manifesté leur dépit devant la « mauvaise » qualité des âmes qu‟ils recevaient. — Jésus faisait partie de ces gardiens contestataires ? — Oui, il était en fait le « meneur » de la contestation, et il avait persuadé les supérieurs qu‟il devait y aller lui-même pour tenter de passer quelques messages forts aux humains. Tu sais à peu près tout sur 51
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son expérience sur Terre, en tout cas ce que les textes t‟ont rapporté. Il s‟appelait Jésus de son vrai nom sur Terre, et il a quitté son nom de gardien temporairement pour le reprendre ensuite. Il a été promu, suite à cette action méritoire, et affecté dans une autre galaxie très lointaine, proche du Portail Ultime où il y a beaucoup de travail à faire. — Existe-t-il des galaxies « meilleures » que d‟autres, compte tenu de la durée de la présence d‟êtres vivants dans ces galaxies, certaines étant très âgées, la nôtre étant relativement jeune ? — Il y a évidemment une grande disparité dans l‟évolution des planètes habitables, et les plus anciennes ne sont pas systématiquement parmi les meilleures. La Terre, qui pourtant a reçu la visite de Jésus, n‟est pas non plus parmi les meilleures dans la catégorie des planètes de cinq milliards d‟années. Mira est un peu hors catégorie, compte tenu du fait qu‟elle n‟est pas encore officiellement classée. — Comment se fait-il qu‟elle ne soit pas classée, mis à part le fait que les Scimuts ne favorisent pas la reproduction ? — Si on « oubliait » ce dérapage, elle serait en tête du peloton, car elle œuvre systématiquement pour aider les autres planètes, à sa manière, et la Terre en a profité récemment. Ça me fait penser qu‟avant que tu prennes ta décision, quelle qu‟elle soit, il nous faudra, toi et moi, devenir les avocats de Mira pour qu‟elle soit enfin délivrée de ce malaise ridicule. — Qui faut-il rencontrer pour jouer les avocats de Mira ? — Un groupe de trois Maîtres Gardiens qui ont pour rôle de faire respecter les règles fixées à l‟origine des limbes. Ils sont aisément accessibles, mais ils seront tout à fait réticents pour ouvrir le procès officiel de Mira. En fait, ils ne sont pas sûrs de leur dossier, et ils préfèrent « l‟enterrer », si l‟on peut dire. — Ils décident de tout, à trois ? — Non, il y a une quatrième voix de vote réservée aux gardiens ordinaires, consultés par une procédure spéciale. — Quelles sont nos chances de réussir ? — Très faibles, si nous ne trouvons pas un argument-choc. — Du genre ? — Aucune idée. — Combien y a-t-il eu de cas semblables dans le passé ? 52
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— Une dizaine, et de natures différentes. Ces planètes ont été mises sous contrôle permanent, en doublant le nombre de gardiens présents, et tous ces gardiens sont originaires de planètes réputées être dans le droit chemin. — Ce qui signifie qu‟il n‟y a aucun gardien qui est désigné, du simple fait qu‟il est originaire de l‟une de ces planètes ? — Il y en a, car ces âmes n‟ont pas choisi de naître sur ces planètes-là. Ils sont affectés par une répartition sur toutes les autres planètes, et ils militent bien sûr en faveur de leur planète d‟origine, bien qu‟isolés les uns des autres. — Peut-on considérer qu‟il s‟agit là d‟un déviationnisme évident des règles de base des limbes et d‟un excès de pouvoir ? — Pour pouvoir utiliser cet argument, il faudrait alors faire appel au grand conseil des Sages. Plus facile à dire qu‟à faire ! — Jésus a-t-il été amené à demander l‟avis du grand conseil des Sages, à l‟époque, pour obtenir l‟autorisation ? — Oui, et tu fais bien de soulever cette question. Effectivement, il l‟a fait, car les trois Maîtres Gardiens de l‟époque étaient réticents, et il a obtenu gain de cause. — Que penses-tu de l‟idée de tenter de convaincre Jésus de présenter notre requête, avec nous ? — C‟est une excellente idée. — Je souhaite vivement essayer cette voie, car si Jésus acceptait de jouer ce rôle, nous aurions plus de chances d‟être entendus. — Je vais me renseigner, et aussi tenter de le contacter. Pendant les deux prochains jours, essaie de te promener dans des régions variées, de manière à mieux connaître les limbes et leur diversité, mais ne prend pas de risques inutiles. Si tu tombais dans les filets des esclavagistes, tu n‟aurais plus jamais assez de puissance en digitons pour m‟appeler au secours. — Je vais essayer de visiter la région où se regroupent les anciens Dalaï-Lama pour avoir leur opinion sur leur propre religion, maintenant qu‟ils savent que les EMI sont rares et que les résurrections ne sont pas systématiques. — Ils ne sont pas loin d‟ici, tu peux y aller à « pied », direction nord-ouest, dans la prochaine vallée. Tu auras une surprise, mais en 53
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même temps tu ne seras pas dépaysé, car leur lieu de regroupement est justement dans un ancien temple sacré, que tu connais bien, paraît-il ! — Pour une coïncidence, c‟en est une, et de taille. Nous avions découvert cet ancien temple sacré par hasard, et le Dalaï-Lama actuellement en fonction sur Terre avait été ravi de cette découverte. Il le serait encore plus s‟il était informé que ses prédécesseurs en ont fait leur lieu de réflexion dans les limbes. — Il est hors de question de l‟en informer, et tu comprends très bien pourquoi. Il nous est interdit d‟intervenir dans les religions en cours sur Terre, car les choses doivent évoluer normalement, sans intervention extérieure. C‟est d‟ailleurs cette interdiction qui avait été bafouée quand Jésus avait été autorisé à descendre sur Terre. Le grand conseil des Sages avait été remplacé complètement avec de nouveaux Sages, et il a strictement interdit toute nouvelle tentative d‟intervention. Jésus n‟a pas été pénalisé, seul le précédent grand conseil des Sages a porté le chapeau. Ça explique clairement pourquoi les Terriens dans la détresse n‟ont jamais revu Jésus, malgré leurs prières dont l‟écho arrivait jusqu‟ici ! — Ça risque donc d‟être quasi impossible que nous réussissions à le convaincre, ce nouveau grand conseil des Sages ? — Pas sûr, car les circonstances sont différentes, du fait même de cette interdiction d‟intervenir. — Que veux-tu dire ? — C‟est évident. Puisque nous ne pouvons intervenir, Mira ne sera donc jamais informée de ce que nous lui « reprochons » dans les limbes. De ce fait, les êtres de Mira ne peuvent être tenus responsables, ni eux, ni leurs âmes, ni les gardiens originaires de Mira et expatriés à tort. C‟est le serpent qui se mord la queue cette histoire, c‟est sans solution. — Le grand conseil des Sages doit donc être mis face à ses inconséquences et à son incapacité à traiter les questions qui relèvent de sa responsabilité ? — Oui, exactement. S‟il supprime la loi, il doit intégrer Mira avec toutes les autres planètes, ce qui revient à ne pas juger sur le fond de la décision des Scimuts de limiter leur reproduction. — Que se passe-t-il s‟il refuse ?
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— J‟imagine assez mal Jésus accepter avec calme un tel acharnement, car s‟il accepte de nous aider, il aura bien sûr pris en compte une telle hypothèse et ses conséquences. Inutile de préciser que je ne l‟accepterais pas non plus. Une fronde est possible, qui pourrait aller jusqu‟à « réveiller » les deux «enfants» et les faire intervenir. — Quoi ? Que veux-tu dire ? — Je dis simplement que la perspective d‟un possible affrontement des âmes serait suffisamment inquiétante pour que le niveau supérieur ne s‟en émeuve pas, d‟une manière ou d‟une autre. Mais bien évidemment, je n‟ai aucune idée de ce qui pourrait en résulter. Bon, je vais y aller, et fais attention à toi.
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Le Temple Sacré. Gaël parti, je commence à me « dérouiller les jambes » en faisant une centaine de mètres, assez aisément, tout compte fait. Je me dirige droit vers un col que je devine entre deux crêtes, la montée me semble facilitée par le fait que je m‟élève un peu du sol instinctivement, mais c‟est ridicule et je me reprends. Aucune raison d‟aller vite, il n‟y a pas d‟urgence. J‟en profite pour vérifier que tout est identique dans les deux univers, les cailloux, les fleurs, les rigoles cascadantes, et le soleil qui se couche à l‟horizon, derrière le col. J‟atteins le col à la nuit tombante et je commence à redescendre dans l‟obscurité. Je suis encore à environ trois kilomètres du plateau où se trouve la maison de retraite des vieux moines, plateau qui permet d‟accéder au ravin menant vers le temple sacré. Soudain, au voisinage d‟une grotte d‟altitude, je me sens devenir faible et tout se brouille, je « tombe » dans un trou noir, inconscient. Après un temps impossible à estimer, j‟émerge enfin, fatigué comme je ne l‟ai jamais été jusque-là. Je n‟ai pas bougé d‟un pouce, je suis toujours « debout », ma vue est brouillée au début, mais elle revient assez vite. Deux âmes sont adossées à la paroi rocheuse et discutent vivement. Je ne peux pas prendre le risque de leur parler, mais surprendre leur conversation est encore possible. Ce sont deux gamins d‟une douzaine d‟années qui ont décidé de faire un coup, en capturant un esclave, pour faire leurs preuves, comme ils disent… Je ne m‟attendais pas à faire l‟objet d‟une séance d‟initiation chez les affreux esclavagistes, mais c‟est bien ce qui m‟est arrivé, pourtant. Celui qui me donne l‟impression d‟être le meneur dit qu‟il veut laisser ici le plus petit pour me garder, pendant qu‟il ira rejoindre le camp des chefs pour leur signaler qu‟ils ont réussi leur épreuve. Le plus petit n‟est pas d‟accord, car apparemment il craint de ne pas être à la hauteur, n‟ayant jamais joué ce rôle qui le dépasse. Le plus grand lui rétorque qu‟ils ne savent même pas comment faire pour me ramener au camp, car ils ont oublié de se renseigner avant de partir en « chasse aux esclaves », comme il dit. Il précise qu‟il en a pour une 56
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heure, et qu‟il sera de retour à l‟aube. Finalement, il part et le plus petit reste là, à se morfondre dans le noir absolu. Il n‟ose même pas se tourner vers moi, craignant peut-être de montrer son visage, tout comme lorsqu‟il était sur Terre après avoir commis un délit dans la rue. Bien entendu, ce n‟est pas ça qui empêcherait un gardien de le retrouver, mais… …Horreur ! je me souviens à l‟instant qu‟aucun gardien ne s‟amuse à traîner aux alentours d‟un groupe d‟affreux. Personne ne pourra m‟aider, il faut que j‟arrive seul à me soustraire à ces deux loustics. Chaque fois que je tente d‟avancer, je me sens retenu, avec force au début, puis de moins en moins. Le gamin a dû enclencher un système de garde qui consomme des digitons sur sa réserve personnelle, ce qui expliquerait ce relâchement progressif. J‟insiste pendant vingt minutes, et ça m‟est possible car ma propre capacité de recharge est supérieure à la sienne. Je peux enfin « bouger », et je m‟adresse à lui : — Dis donc, te crois-tu assez fort pour m‟entraver ? — Oh, mais que faites vous ? — Je me suis libéré, et tu ne peux plus me retenir. — Je me doutais bien que je prenais un risque d‟accepter que Mano s‟éloigne vers le camp, mais je ne m‟attendais pas que ce soit si rapide. — Oui, ta batterie ne se recharge pas aussi vite que la mienne. Tu es donc piégé, toi aussi, et tu vas te faire secouer par tes chefs. Ta punition sera se devenir esclave à ton tour, pendant l‟éternité ! — Ah non ! pas ça, je suis trop jeune, j‟ai encore beaucoup à apprendre, et sans énergie, je deviendrai un zombi. — Je te propose de te faire pardonner en venant avec moi jusqu‟à la maison de retraite des moines, sur le plateau, juste en bas. — C‟est trop gentil, et je n‟ai pas d‟autre choix. Ça me donnera un répit, et le temps de réfléchir à ce que je veux faire vraiment dans la vie après la vie. Je te suis. Allons-y ! Nous ne perdons pas plus de temps, et vingt minutes après, nous pénétrons dans la maison des moines. Je me retourne avant d‟entrer, et j‟aperçois trois lueurs violettes au loin, dans la passe du col. Il était temps. 57
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La maison de retraite est pleine d‟âmes de moines qui ne font pas attention à nous, à part l‟une d‟entre elles qui me demande : — Que comptes-tu faire de mon petit-neveu Zino ? — Je vous suggère de le garder ici, et de l‟éduquer dans le bon chemin. Il est beaucoup trop jeune pour que ses erreurs soient pénalisées. Je suis sûr qu‟il fera un bon élève, il a eu assez peur comme cela. Vous le ramènerez à ses parents, quand ils seront arrivés. — Bien entendu, je me charge de l‟éduquer. Ses parents ne pouvaient pas le surveiller, car il s‟échappait souvent avec une bande de copains. Trois gamins sont morts suite à un accident au volant d‟une voiture volée, dont Zino. Et ce coquin n‟est même pas passé ici pour me rencontrer, il a tout de suite été entraîné par les deux autres, ravis de tester qu‟est ce qu‟ils pouvaient encore faire qui sorte de l‟ordinaire, dans le but de faire parler d‟eux. — Je vous remercie vivement. Je vais vous quitter, car je monte au Temple Sacré, pour y retrouver un peu de sérénité. — Faites-leur un grand bonjour de notre petite communauté, car il est vrai que nous n‟allons pas souvent les visiter. — Je n‟y manquerai pas. À bientôt. Je quitte les moines, je vérifie qu‟il n‟y a pas de lueurs violettes sur mon chemin, et je prends le chemin de la gorge encaissée du ruisseau qui s‟échappe du lac du temple sacré. J‟arrive là-haut une demi-heure plus tard, et je pénètre dans le temple, par l‟orifice que nous avons construit. Je parcours les galeries, ravi de retrouver les meubles et objets familiers, les écrans de PC qui scintillent et les chaises qui se déplacent toutes seules. Sur les PC, je localise assez rapidement une communication en cours entre Labo et Aria, car toutes les communications de bulle à bulle sont enregistrées par mesure de sécurité. Aria est en train de raconter dans les détails notre entrevue récente, et j‟ai l‟occasion de voir sur les autres écrans tous les membres de l‟équipe qui sont à l‟écoute. Je regrette presque de n‟avoir aucun moyen d‟agir sur la matière, en intervenant par exemple sur les claviers d‟ordinateurs, pour donner de mes nouvelles, mais c‟est strictement impossible. La seule matière qui est « vivante » et accessible, celle que l‟on peut voir et toucher, elle est dans l‟autre univers. Dans les limbes, l‟antimatière ne fait que répéter son jumeau à l‟identique, pour tout ce 58
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qui est matière sans âme. La différence fondamentale, c‟est que les êtres vivants n‟y apparaissent pas, ce qui à la réflexion est logique, puisque chaque cellule vivante est recouverte d‟une enveloppe qui interdit son clonage dans les limbes. De plus, la bulle d‟un mort est figée, et son double est présent dans les limbes. Cette fameuse enveloppe joue vraiment un rôle très précis, elle fait toute la différence entre un être mort, bulle matérielle comprise, et son âme véritable qui est toujours vivante, bien que je n‟en connaisse pas la nature ni surtout son mode de fonctionnement dans cet environnement nouveau. Je cesse là mes réflexions pour l‟instant, et je me dirige vers la galerie supérieure qui me semble éclairée d‟une luminosité particulière, différente des néons qui sont d‟ailleurs éteints en ce moment. En me concentrant sur la source, ma vision traverse les roches et se précise sur un groupe d‟âmes situées dans une grotte pas trop lointaine, accessible apparemment « à pied ». Après quelques détours dans le labyrinthe, je devine une faille non équipée par TOPLA, car elle ne débouche pas, c‟est une sorte de cul-de-sac dont le fond n‟est même pas plat, tout encombré par des éboulis. Lorsque je pénètre dans cette grotte, je vois immédiatement une assemblée d‟âmes en pleine conférence. La discussion tourne autour de la connaissance globale et des réincarnations, sujet favori des DalaïLama, bien sûr. Disséminées dans le groupe, quelques âmes ne sont manifestement pas d‟origine tibétaine. J‟y reconnais quelques scientifiques barbus dont les photos ont largement circulé dans les médias spécialisés, et même dans la presse générale. Je vais regarder de plus près, plus particulièrement celui qui vient de prendre la parole et qui, pour le moment me tourne le dos. Dans les limbes, je peux voir dans toute la sphère entourant le personnage, depuis n‟importe quel point de cette sphère, donc il m‟est aisé de changer de point de vue sans bouger et de le voir de face. Ma surprise est immense quand je reconnais Einstein et ses cheveux fous. Je n‟ose l‟interrompre, j‟attends donc sagement la fin de son intervention. C‟était en fait la fin de son allocution, et tout le groupe fait alors une pause, les âmes discutant en petits groupes. J‟en profite pour aborder le savant, en me présentant et en lui disant la raison de ma présence ici : 59
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— Ravi de vous rencontrer Ovni, mais comme vous vous en doutez, j‟ai bien sûr suivi toutes les étapes de la progression de TOPLA, via les journalistes récemment décédés qui étaient d‟ailleurs ravis qu‟on s‟intéresse ici à leur travail sur Terre. Ça leur donnait l‟impression que leur métier de journaliste avait encore une valeur, même après leur mort. — C‟est moi qui suis enchanté de votre présence ici, dans les sommets himalayens, avec mes amis tibétains. — Ils m‟ont invité pour que nous confrontions nos points de vue sur la réincarnation « généralisée »,sachant bien évidemment que je donnerais un point de vue scientifique assez éloigné de leurs croyances d‟origine. Ils ont accepté et m‟ont laissé entière liberté d‟expression, ce qui prouve bien qu‟ils sont à la recherche permanente de la Connaissance, et qu‟ici ils sont ouverts à toute évolution de leur dogme. — Oui, et je suppose que les Dalaï-Lama très récemment arrivés ici sont plus ouverts, du fait de leurs connaissances acquises sur Terre ces dernières décennies, suite à l‟explosion récente des découvertes scientifiques. — Exact, mais pouvez-vous m‟expliquer ce que vous recherchez ici, et tout particulièrement qu'est-ce que vous attendez de moi ? — Moi, je viens tout juste d‟arriver, et certains points techniques restent dans l‟ombre. Je souhaiterais vous avoir comme professeur pour les éclaircir. — Mais pourquoi ne faites-vous pas une recherche dans l‟immense base de données qui est maintenant à votre disposition ? — Parce que je me suis toujours refusé intellectuellement à prendre pour argent comptant les données de Wikipedia, une sorte de réticence liée à l‟aspect virtuel « inhumain » de ces bases de données. — Ah, mon ami, je crois bien que nous sommes de la même espèce, vous et moi. Sans communication avec les autres, je me suis toujours senti frustré pour une bonne compréhension des phénomènes qui m‟échappaient. Il me fallait rencontrer les personnes à l‟origine de ces découvertes, et « tâter » la manière dont ils affirmaient les choses, vérifier leur croyance profonde dans ce qu‟ils avançaient si hardiment. — Un peu comme Saint Thomas ? — Oui, c‟est cela, car lui aussi ne voulait croire que ce qu‟il voyait, ce qu‟il pouvait vérifier, et pas seulement avaler les on-dit comme du 60
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bon pain. Mais allons nous installer dans une grotte voisine, car il y a trop de discussions ici, et ça me perturbe un peu, curieux comme je suis de vouloir toutes les écouter en même temps.
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Sixième dimension ? Dans cette petite grotte, nous sommes seuls, et nous reprenons notre conversation. Je précise : — Voilà ma question. Elle concerne notre mode de visualisation dans cet espace très particulier à six dimensions. Quand j‟ai fait mes expériences de suivi d‟une EMI, j‟ai été impressionné par la capacité que j‟avais à tout voir en même temps, devant, derrière, au-dessus, en dessous, un peu comme si mes « yeux » étaient partout en même temps. — J‟imagine votre trouble, en effet, car nous sommes des scientifiques, et nous voulons toujours trouver une explication aux phénomènes inexplicables. La difficulté que nous avons eu, vous et moi, est due au fait que dans notre monde des vivants, nous avons passé des décennies à voir avec nos yeux, donc depuis un point de vue fixe dans l‟espace, tant que nous restions immobiles. Il nous était impossible de voir derrière les objets. La seule chose que nous avons améliorée, avec des inventions techniques matérielles terrestres, c‟est le zoom devenu possible grâce à des lentilles matérielles, les jumelles et les lunettes. Elles ont été ensuite améliorées par les militaires, en leur donnant la capacité de voir dans des domaines de fréquence que l‟œil humain ne pouvait voir, les infrarouges et les ultraviolets. Mais tous ces gadgets ne sont que des béquilles sur un œil humain définitivement trop limité. Par ailleurs, cet œil ne peut fonctionner que dans un univers à quatre dimensions, et ce n‟est bien évidemment pas un œil de ce genre dont nous disposons ici. Les mêmes limites existent concernant notre audition sur Terre. Ces limites sont entièrement dues au fait que nos organes sensoriels y sont faits de matière, rien que de la matière, et que nous accédons à la vision et à l‟écoute par le biais des mouvements de la matière : la vue n‟est que l‟interprétation des milliards de photons que les objets nous envoient par réflexion ou par émissions spontanées, comme la lumière du Soleil par exemple. Quant à l‟audition, elle n‟est que l‟interprétation matérielle par notre système auditif des mouvements de l‟air entraîné par l‟émetteur du son.
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En effet, nous sommes maintenant dans un univers où nos perceptions ne sont plus dépendantes de la matière, et nos capteurs sensitifs n‟existent plus, donc notre puissance d‟appréciation ne dépend plus d‟organes pauvrement dotés pour recueillir la totalité de l‟information existante. Il y a une particularité de l‟univers dans lequel nous sommes maintenant, c‟est qu‟il y existe un enregistrement d‟information pure, concernant la position de chaque particule élémentaire à tout instant. Ainsi, toute l‟information, je dis bien toute l‟information, est disponible pour une consultation possible à tout instant dans le futur, par n‟importe qui. Vous imaginez donc la quantité invraisemblable d‟informations qui sont stockées pour réaliser cet enregistrement, avec tous ces détails microscopiques et même subatomiques. Cette immense table d‟informations est stockée avec l‟information supplémentaire de l‟instant exact où elles sont enregistrées en temps réel. Je vous expliquerai plus tard sous quelle forme ce stockage s‟effectue. À chaque intervalle de temps élémentaire, disons à chaque constante de temps de Planck, une nouvelle table complète est enregistrée. Encore une fois, vous imaginez la taille de l‟ensemble de ces tables d‟information pure. C‟est un peu comme si un système parfait d‟espionnage était mis en place pour tout expliquer a posteriori, par quiconque s‟intéressera aux données recueillies. Le Big Brother dont on parlait sur Terre existe bien quelque part, mais ici seulement, et il est parfait, croyez-moi, on ne peut imaginer mieux. Si les scientifiques sur Terre disposaient ne serait-ce que d‟un accès limité à cette base de données, les choses avanceraient plus vite, et moi je ne me serais pas planté ! — Aucun scientifique ne disposera jamais de cette base, sinon il serait mort, ce qui ne l‟arrangerait pas. Pouvez-vous m‟expliquer comment nous « utilisons » ici cette base de données pour disposer de cette capacité de vision extraordinaire ? — Eh bien, c‟est finalement assez simple. Supposez qu‟ici, nous ne soyons que l‟équivalent d‟un ordinateur intégré dans un réseau de milliards d‟ordinateurs interconnectés ayant accès au serveur central de la base de données générale. En fait, l‟ordinateur Ovni n‟est qu‟un organe de visualisation du résultat de ses requêtes, une sorte d‟organe 63
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esclave, car l‟organe principal effectuant les recherches dans la base générale et leur traitement spécifique pour répondre à votre demande est probablement unique, très performant et centralisé quelque part. On connaît déjà cette structure de postes de travail dans les grandes entreprises terriennes, le poste de travail Ovni n‟ayant en fait aucune puissance de calcul en propre. Il n‟est rien d‟autre qu‟un clavier associé à un écran et deux haut-parleurs, possédant seulement une boîte de messagerie posant les questions et recevant des réponses préformatées pour leur visualisation sur écran ou leur écoute sur les haut-parleurs. Sur Terre, ce poste de travail demande par exemple la carte en relief de Madagascar, et il reçoit l‟information correspondante. — Mais pourquoi cette impression de tout voir en même temps ? — Très simple, mon cher Watson, très simple. Quand vous êtes sur Terre, vous recevez une information « à plat », l‟impression de relief n‟étant due qu‟à la présence de vos deux yeux qui reçoivent chacun une image différente, le cerveau reconstituant une sorte de relief très élémentaire. Un borgne ne voit donc pas en relief. Sur Terre, vous ne recevez qu‟une image en deux dimensions pour chaque œil, oublions le deuxième œil pour simplifier. Vous n‟avez donc aucune information sur l‟épaisseur de l‟objet que vous regardez, puisqu‟il ne s‟agit que de réflexion « plate » de sa surface visible. Sur Terre, nous sommes dans un espace géométrique à trois dimensions, et nous n‟en voyons que deux réellement, par nos yeux. C‟est une limitation voulue à la création, dans un espace à n dimensions, on ne voit que n dimensions moins une. Ici, nous sommes toujours dans un espace à trois dimensions géométriques, oublions le temps et les autres dimensions supplémentaires pour l‟instant, et nous pouvons accéder à des images en trois dimensions, en volume et pas à plat, contenant toute l‟information sur la constitution interne des objets, puisqu‟elle est stockée quelque part, et à notre disposition immédiate. Le rôle des dimensions supplémentaires est le suivant. Dans l‟espace terrestre à quatre dimensions, il y en a trois qui caractérisent la géométrie matérielle, plus celle du temps, qui permet de rythmer les évènements qui varient selon une certaine loi physique concernant le matériel. Dans un espace à cinq dimensions, il y a les quatre premières, plus une très spéciale que n‟est qu‟information pure, mémorisation pure du résultat de l‟association imbriquée des quatre premières. 64
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Chaque point élémentaire de l‟univers purement matériel à trois dimensions est connecté à la trame de l‟espace-temps, comme vous l‟avez découvert vous-même, quand vous avez vu les gravitons échangés via la trame. Ce sont bien les flux de gravitons qui entraînent la déformation de l‟espace-temps. Mais, de plus, chaque point de cette trame sous-jacente de l‟espace-temps est doté d‟une caractéristique de mémorisation des événements qui concernent son environnement immédiat, à une distance maximum d‟une longueur de Planck, prenant une « photo » de ce qui se passe à chaque temps élémentaire de Planck dans ce petit volume. Chaque point de cette trame est donc équipé d‟une sorte de caméra ultra rapide, qui enregistre sur son propre disque dur une information très simple caractérisant la présence ou non d‟une particule élémentaire de tel type dans son environnement immédiat, environnement très limité en dimensions cependant, une longueur de Planck au cube seulement. Ce sont en fait les gravitons qui laissent une trace de leur passage dans ce tout petit cube de l‟espace. La base de données gigantesque dont je parlais tout à l‟heure est donc là, répartie en une multitude d‟endroits bien délimités dans l‟espace, et il ne reste plus qu‟à se poser la question essentielle « Comment l‟utiliser ? » Sur Terre, elle n‟est absolument pas accessible, bien qu‟existante. La vision y est artificielle, l‟ouïe également, car ces deux sens ne vont pas chercher la véritable information stockée, dans tous ses détails, mais en utilisent une sousreprésentation déformée, car indirecte. Par ailleurs, cette sousreprésentation est de plus handicapée, car elle n‟est pas instantanée, elle dépend du temps que les photons mettent à nous parvenir pour s‟ajouter dans le cercle principal de notre vision « à plat », le cercle que nos yeux voient, les alentours du cercle étant certes perçus, mais de manière très floue. Ici, le cercle devient une sphère d‟informations, avec tous leurs détails, et sans intermédiaire déformant. Certes, il y a autre chose autour de la sphère principale, mais là encore, ces parties de l‟univers environnant ne seront perçues que de manière très floue. Si nous revenons à la sphère perceptible dans tous ses détails, l‟impression de tout voir « en même temps » est aisément explicable, et l‟on va pour cela revenir à la vision « terrestre ». Quand on voit tout ce qui est dessiné sur une feuille de papier à plat, on voit très bien tout ce qui s‟y trouve, globalement, et on ne se pose même pas la question de savoir si l‟on regarde depuis une petite 65
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caméra posée quelque part sur la circonférence du cercle principal de vision, ou depuis une autre placée ailleurs sur le périmètre du cercle. Ce n‟est qu‟une perception globale qui ne nous pose pas de problème métaphysique, on a toujours vu « à plat » comme cela depuis que nous sommes nés, globalement « à plat », toute la surface « en même temps ». On peut même, sans se déplacer, inverser mentalement l‟image pour l‟imaginer vue depuis une autre caméra située à l‟opposé sur le cercle principal de la vision. Certes, cette inversion d‟image est limitée par la capacité réduite de notre pauvre cerveau biologique à effectuer cet exercice de funambule, mais c‟est possible, il suffit de le vouloir. Ici, l‟image demandée nous est rapatriée, éventuellement depuis les confins de l‟univers et instantanément, et elle concerne une sphère complète d‟une certaine taille, avec tous les détails internes, à l‟instant présent. Si la demande concerne la pièce où se trouve l‟EMI en puissance, il voit globalement toute une sphère d‟informations, tout comme s‟il y avait une infinité de caméras sur toute la surface de la sphère, et il voit donc l‟intégralité de ce qui se trouve dans cette sphère d‟espace. Il a une impression de transparence, car il voit tout, sans restriction aucune, y compris l‟intérieur des volumes constitutifs des objets. C‟est donc le même principe que la vue sur Terre, où l‟on a l‟impression qu‟il existe une infinité de caméras sur le pourtour du cercle principal de vision. Si l‟on se concentre pour une vision plus précise d‟un certain endroit précis à l‟intérieur de la sphère d‟origine, on voit tout ce que contient une sphère beaucoup plus petite, par exemple de la taille d‟une petite bille, à l‟intérieur d‟un muscle par exemple. Dans ce cas-là, ce qui est flou à l‟extérieur de la sphère ne concerne que l‟environnement immédiat de la bille, des vaisseaux sanguins par exemple, ce qui donne l‟impression d‟avoir traversé le corps, mais ce n‟est qu‟une impression, bien sûr. Ça ressemble au zoom d‟un appareil-photo, mais on n‟est pas gêné par les obstacles qui existeraient entre la scène et la caméra, ils ont tout simplement disparu, car les informations qui les concernent ne font tout simplement pas partie des informations de la petite sphère rapatriées vers le demandeur. — Je comprends, mais comment expliquer le fait que lorsqu‟on « dézoome », on a bien l‟impression de reculer, ce qui est compréhensible, très loin même, mais que lorsqu‟on se retourne, le 66
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plafond de la pièce s‟est reculé, lui aussi, alors qu‟on avait l‟impression de l‟avoir traversé ? — Mais, mon ami, c‟est tout simplement que ce que vous appelez « dézoomer » peut se faire sur Terre en retournant la lorgnette et en regardant par le petit bout, ce qui vous donne l‟impression de vous être éloigné, ce qui est faux. Pour vous en convaincre, il suffirait de vous retourner, et d‟utiliser à nouveau la lorgnette par le petit bout pour vous apercevoir que vous n‟avez pas traversé le mur auquel vous étiez adossé, car lui aussi s‟est éloigné. — Vous avez raison, c‟est dû au fait que nous déformons notre vision habituelle normale avec un effet optique externe, la lorgnette. Par la suite, on dira que nous avons normalement une vision de base avec zoom zéro : quand nous demandons un zoom positif, nous rapprochons la vue sans bouger et nous obtenons plus de détails, mais sur une sphère de dimensions réduites, et à l‟inverse, quand nous demandons un zoom négatif, nous devenons plus « petits », c‟est notre sphère de vision qui s‟agrandit en proportion, avec plus d‟objets effectivement vus, mais avec moins de détails qu‟avant. — Oui, et l‟on peut en déduire que la taille de notre vision est constante, et faite d‟un nombre de pixels fixé à l‟avance, mais que ce que l‟on voit effectivement est plus ou moins détaillé selon la valeur du zoom, positif ou négatif. C‟est tout à fait assimilable à un écran d‟ordinateur, qui a un nombre de pixels de deux millions par exemple, et sur lequel on affiche une image de cent millions de pixels dont on a sélectionné seulement un rectangle de vingt millions de pixels. On est donc obligé de déplacer l‟image en la faisant glisser avec la souris pour voir la zone sélectionnée de vingt millions de pixels, car le zoom de départ est de dix, deux millions visibles sur l‟écran à comparer à vingt millions sélectionnés. Si on « dézoome » jusqu‟à la valeur un, on a alors toute la partie d‟image sélectionnée sur l‟écran, et si on « dézoome » encore plus, on verra la totalité des cent millions de pixels, réduits à seulement deux millions de pixels, chaque pixel étant en fait la moyenne de cinquante pixels d‟information réelle. À noter que ce que j‟ai appelé zoom de départ dépend essentiellement du type d‟écran et du type d‟appareil photo. Il y a automatiquement perte des détails quand on a une vision à une distance très différente de la longueur de Planck.
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— Bien, cette affaire est éclaircie pour de bon, j‟ai compris que je suis devenu un visionnaire parfait dans un univers où les images en trois dimensions sont les plus parfaites possible. Par-dessus le marché, je vois tout en temps réel, même si je regarde une étoile à plusieurs années-lumière de moi. — C‟est cela, mais il est utile de souligner que l‟étoile en question vous coûtera pas mal d‟énergie en monnaie digitons, car ça coûte de la transférer instantanément ici, cette image, puisqu‟elle est stockée làbas ! Vous demandez l‟image de l‟instant présent, et instantanément, vous êtes débité d‟un certain nombre de digitons : si vous n‟en avez pas assez en stock sur vous, vous ne recevrez pas l‟image et vous aurez donc jeté vos digitons dans la poubelle de l‟espace. — J‟ai cru comprendre de Gaêl, mon gardien, que l‟on pouvait être déplacé contre son gré sur une planète lointaine si le stock personnel de digitons tombe à zéro pendant l‟observation de la planète. — C‟est exact, la durée de l‟observation coûte également des digitons, car l‟information est sans cesse rafraîchie avec les données de l‟instant présent. Autrement dit, vous payez d‟abord pour entrer dans la salle du film que vous voulez voir, et ensuite vous mettez des digitons dans le monnayeur toutes les x secondes. — Rigolo, mais explicite. Et si le monnayeur réclame plus de digitons que je ne peux en produire naturellement pendant l‟intervalle, je reste bloqué dans la salle de cinéma, et ne peux rentrer chez moi. — Tout à fait, et votre détention ne sera levée que suite au paiement d‟une amende dont le montant dépend de la distance de rapatriement. — Il n‟y a donc pas d‟assurance internationale rapatriement ici ? — Non, chacun est libre, et doit rester libre de ses mouvements, de ses réussites comme de ses erreurs. Remarquez que c‟est relativement bon marché pour faire des voyages à très grande distance, en touriste, plutôt que de payer des centaines de séances de cinéma pour voir les mêmes choses. Par contre, on a intérêt à se renseigner avant de prendre le risque de tomber sur des inconnus malfaisants. Finalement, c‟est pareil qu‟en bas, il faut d‟abord se renseigner sur le pays à visiter et se faire vacciner au besoin.
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Où se trouve le temps ? — Pour revenir sur la base de données, il y a quelques choses que je n‟arrive pas à imaginer, à me représenter physiquement ? — Quoi, par exemple ? — Eh bien le principe de la mémorisation à chaque temps élémentaire de Planck. Si, à l‟instant présent, un électron de mon cerveau est à un emplacement parfaitement déterminé sur la trame, sa trace est donc mémorisée, mais dans cinq minutes, à ce même emplacement géographique, il y aura peut-être un proton du cœur de la Terre, du fait que la Terre tourne autour du Soleil, que le Soleil tourne autour de la galaxie, et que la galaxie se déplace dans son ensemble dans le cosmos. Qu‟est ce qui permet ensuite de retrouver « mon » électron dans cette mémoire de tous les instants qui est située à cet emplacement ? — Oh, je supposais que vous aviez saisi le phénomène dans son ensemble, mais ce n‟est pas tout à fait le cas. Comme vous savez, tout le monde recherche ce que peut bien être le temps, à quoi il ressemble, comment il se déroule, eh bien voilà ! Considérons uniquement votre point bien défini dans l‟espacetemps, il est défini par ses coordonnées géométriques et l‟on peut le retrouver et le questionner « Qu‟as-tu fait pendant ta vie ? » et il nous répondra « Vous n‟avez qu‟à dérouler la ficelle qui pendouille là ». Vous regardez de plus près et vous découvrez qu‟une très longue corde lui est attachée et pend lamentablement dans le vide intersidéral (où plutôt dans la quatrième dimension, puisque c‟est du temps qu‟il s‟agit). Cette corde s‟allonge d‟une longueur de Planck à chaque intervalle de temps de Planck, mais en avançant d‟un cran, elle entraîne avec elle l‟image de la trace de l‟objet le plus proche d‟elle à l‟instant précédent. On a ainsi un long film du passé de ce point bien précis, contenant tout le passé depuis le début de l‟univers. Ça fait penser à un fil que déroulerait une araignée, très régulièrement. Ça fait penser aussi à une piste de magnétophone, ou à une piste de DVD. Il y a donc des traces de matière ordinaire, ainsi que des traces de matière « vivante » mélangées. En fait, elles ne sont pas aussi 69
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mélangées que cela dans la mesure où la trace comporte l‟information sur la nature, vivante ou morte de la matière. — Ça y est, j‟y suis ! J‟ai tout compris, c‟est la présence de la membrane sur chaque particule vivante qui entraîne un codage spécifique de la particule du genre « Fait partie de l‟être vivant, matricule ADN ». — Parfait, et les particules ordinaires n‟ont pas de codage particulier, à part leur nature physique, électron, quark, neutrino, etc.… — Donc, il est possible de retrouver la totalité de la sphère spatiale de trois mètres de diamètre contenant en son centre l‟intégralité de l‟individu ADN à tout instant, lui et son environnement immédiat à cet instant-là ! — Exact, ce qui explique que l‟on peut remonter le passé à un instant bien précis en « relisant » tous les fils du temps, en les « remontant » d‟une même « longueur », et ceci pour tous les emplacements qu‟a occupé l‟être de son vivant en ce même instant élémentaire du passé. — C‟est très astucieux, et tellement simple finalement. Ça me rappelle bien des démonstrations faites par un professeur de mathématiques génial, qui nous faisait tout comprendre en nous racontant des histoires amusantes, et tout le monde disait « Mais c‟est très simple, il suffisait d‟y penser avec cette approche là ! » J‟essaie d‟imaginer maintenant les trillions de trillions de cordes qui pendouillent en se tortillant dans l‟espace, où plutôt dans la quatrième dimension, la dimension du temps qui est associé à l‟espace, puisque le temps et son histoire est présent en chaque point de l‟espace. Ça ressemble à un tapis afghan à très longs poils et placé à l‟envers, finalement ! — Exact, Docteur Watson, c‟est une très bonne image, car elle contient aussi la notion de trame spatiale, la trame du tapis. — Je comprends maintenant parfaitement comment on peut accéder à des scènes du passé, à une période déterminée, et d‟y voir les êtres vivants qui nous côtoyaient à ce moment-là. Il suffit d‟y penser, et hop là ! Et si on laisse dérouler, on voit le film en trois dimensions. Si on s‟intéresse à la réaction d‟un être qui vous côtoie, il suffit de se concentrer dessus, et vous partez pour le film de sa propre vie, sans même le connaître éventuellement. 70
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— D‟où l‟impression de la plupart des EMI d‟avoir accès à tout, partout, à tout instant, selon son choix. Je comprends que ça puisse troubler, mais quand on en connaît le principe de fonctionnement, c‟est tout simple. Une sorte d‟Internet très complet auquel on accède par une recherche spécifique, sachant qu‟on peut toujours dériver sur d‟autres pistes en cours de route. — Il ne reste plus qu‟à accrocher Internet à l‟espace-temps. — Ça faciliterait pas mal de choses, et ça éviterait beaucoup d‟erreurs judiciaires. — Ça serait amusant de faire un référendum mondial sur ce petit sujet de société, si trivial, donner accès à tous sur tout ! — Oublions ça et allons nous promener un peu, le soleil se lève déjà.
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La synchronisation des trois mémoires. Nous sortons du temple sacré en retraversant le laboratoire, et nous nous attardons devant les écrans des PC qui retransmettent, à l‟instant, des informations sur la situation dans le monde : rien de très réjouissant, début de conflits locaux pour la mainmise sur les réserves naturelles des autres pays… Nous ne faisons aucun commentaire, car nous n‟y pouvons rien du tout. Arrivés au bord de Trout Lake, nous profitons de l‟excellente luminosité de cette matinée de septembre, et nous observons les gerbes d‟eaux dues au saut de truites que nous ne pouvons malheureusement pas voir dans cet univers jumeau. Nous en profitons pour faire une pause régénératrice d‟une petite heure, puis je reprends la discussion : — Un petit point de détail, Albert, s'il vous plaît ! Quand un EMI revient sur Terre de son voyage, il a conservé des traces dans sa mémoire de ce qui s‟est passé ici, pas tout, mais une grande partie. Comment s‟effectue cette mémorisation ? — Tout son voyage est mémorisé, sauf les données infiniment trop nombreuses de la base de données universelle. Il s‟en est servi comme un navigateur Web d‟un PC se sert d‟un moteur de recherche externe perfectionné, mais il n‟a conservé en mémoire que les parties qu‟il a effectivement consultées à vitesse normale. C‟est comme avec Google, on ne conserve sur son PC que les pages vues, et pas la base de données de Google qui contient des milliards de pages. — Ça semble logique. Je ne connais pas la capacité de stockage de notre « mémoire-membrane », mais elle ne doit pas être beaucoup plus grande que celle de la bulle, car il faudra que cette dernière soit à nouveau synchronisée au retour sur Terre. La vraie différence entre les deux mémoires, c‟est qu‟ici, on peut exécuter des recherches sur l‟intégralité de la base des données universelles, et pas sur Terre. Comment pourrait-on y arriver, puisque la communication entre les deux univers jumeaux est apparemment impossible, depuis la Terre en tout cas ? Il faut que j‟y réfléchisse plus, et je t‟invite à faire de même, car tu fourmilles d‟idées iconoclastes. 72
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— L‟idéal serait évidemment que l‟on puisse dans cet univers jumeau intervenir sur les PC jumeaux du laboratoire jumeau, mais ça nous est interdit, et nous n‟avons pas de doigts pour agir sur les claviers, ni même de voix pour agir par commandes orales sur les machines ! Et pourtant, ces PC sont les véritables jumeaux de ceux d‟en bas ! Cependant, le fait d‟y réfléchir me donne quand même une idée. — Peut-on savoir ? — Oui, voilà l‟idée. Je sais que ces PC sont équipés d‟un module de détection de fond d‟œil pour autoriser l‟accès aux seules personnes qu‟elle reconnaît. Je sais également qu‟on lui a ajouté un module qui permet à partir des mouvements des yeux d‟interagir avec le PC comme s‟il s‟agissait d‟une souris. Mon ami, Labo, avait installé ce système caméra+logiciel d‟analyse pour aider les bonobos à apprendre plus vite, car ils se servaient très mal de leurs doigts, mais finalement, il n‟a pas été utilisé, car les bonobos n‟arrêtaient pas de rouler des yeux comme des idiots, impressionnés par la présence de ces lunettes caméra juste devant leur iris. Chaque membre de TOPLA s‟étant servi de cet équipement, tous nos fonds d‟œil sont validés sur chaque PC. Le gros problème potentiel, c‟est que je ne suis pas sûr que mes yeux actuels, ceux que vous voyez, sont strictement identiques, avec les mêmes détails qu‟en bas ! — Il est vrai que nos visages ici me paraissent moins détaillés, presque plats, ce qui est étonnant dans un espace jumeau. — Espace jumeau, il l‟est pour toute la matière « inerte », non vivante, et nous oublions que mon corps physique n‟y est pas présent. Nous ne sommes que des âmes, capables de bien plus de choses sophistiquées qu‟en bas, avec une capacité de vision très différente, car ne se servant pas des yeux matériels. Et je vais aller encore plus loin, il est strictement impossible que nous ayons des yeux ici, les yeux jumeaux de ceux de notre corps physique, car vous, Albert, vous n‟en auriez pas, puisque votre corps et vos yeux ont déjà été mangés par les vers ! — Là, jeune homme, je vous trouve très méchant avec moi, mais je ne vous en tiens pas rigueur, dit Einstein en souriant. 73
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— Il me semblait bien que vous étiez incapable de porter un intérêt émotionnel quelconque à votre enveloppe terrestre, tout comme moi, mais dans le principe seulement, car il faut que je vous avoue quand même que j‟espère que le mien se conserve correctement, en bas. — Remarquons une certaine logique dans tout cela, car nous sommes tous au même niveau dans les limbes, des simples et purs esprits. — Nos visages actuels ne sont que des pâles copies plates de nos visages terrestres, juste assez détaillés pour que l‟on reconnaisse son interlocuteur sans avoir à intervenir dans son âme. — Exact, mais alors, c‟est maintenant moi qui ai une idée, pour nous sortir de là ! — C‟est pour le coup que je suis tout ouïe, mais sans oreilles. — Nous avons découvert la mémoire universelle, d‟accord ? — D‟accord. — Nous savons nous en servir, d‟accord ? — D‟accord. — Nous savons, ici, mémoriser ce que nous y voyons, puisque nous pouvons synchroniser notre bulle, d‟accord ? — D‟accord. — Eh bien, nous avons donc une possibilité de mémoriser tous les détails de votre fond d‟œil, à condition de rentrer dedans ! — Mais je refuse, dis-je en riant. Par contre, s‟il suffit de me chercher dans la base de données universelle, là je veux bien. — C‟est bien ce que je voulais dire. — Donc, je vais me concentrer sur mon personnage, dans un passé récent, et je vais me placer devant lui, pour le regarder droit dans les yeux, et lui demander d‟être assez mignon pour me laisser pénétrer dans son œil gauche ? — Exact, et comme vous le verrez de partout à la fois, vous stabiliserez l‟instant en question, car il ne faut pas qu‟il bouge, et vous vous placez juste devant, au niveau des yeux. Si les yeux ne sont pas ouverts, vous laissez s‟écouler quelques dixièmes de seconde, et vous stabilisez à nouveau. 74
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— Et je pénètre alors dans mon œil gauche, en réduisant le volume de vision sphérique à quelques centimètres, pour ne voir que le fond d‟œil, et ne pas être perturbé par les autres portions du globe oculaire. — Épatant, yaka ! — Yaka, Yaka, ce n‟est pas si simple, car comment transmettre cette image mémorisée devant la caméra ? — Quoi, Gaël ne vous a pas expliqué ? — Expliqué quoi ! Je pensais tout savoir avec un tel professeur, gardien de surcroît ! — Il a dû oublier, car il est vrai que nous n‟avons généralement pas besoin d‟utiliser les hologrammes dans nos conversations courantes. Cette capacité est cependant fort utile ici, lors des conférences avec des centaines d‟élèves, car il est plus rapide de leur montrer un hologramme que de leur demander de tous partir en voyage, pour en trouver l‟image mémorisée quelque part dans la base de données. — Parfait, c‟est une solution. Montrez-moi un hologramme. — Je vous demande deux minutes, dit Einstein en se mettant en veille, puis revenant joyeux : — J‟ai ce qu‟il vous faut, regardez-moi ça ! Une image en trois dimensions commence à se former devant nous, on en voit d‟abord les contours, ça ressemble à des dunes de sable, puis je devine un scooter Lambretta bleu clair stationné plus loin, au bord de la route. L‟image se stabilise, et Albert doit le faire exprès, car il sourit, mais ça s‟affine encore, et finalement, je vois un couple allongé sur le sable, c‟est Angéla et moi, sur la Mer de Sable, à Ermenonville, près de Senlis, le lendemain de notre première rencontre. — Albert, vous ne pouviez me faire plus plaisir en faisant ce choix. J‟espère que vous n‟allez pas me montrer la séquence complète avec les personnages en mouvement ? — Cela ne sera pas utile, je suis persuadé que vous en avez un souvenir parfait et Angéla également. Mais j‟ai autre chose à vous montrer. — Quoi encore ? — Votre fond d‟œil, il y a un mois. 75
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L‟hologramme montre maintenant un fond d‟œil, avec toutes les veinules très détaillées, et Albert peut le grossir et le réduire à volonté, ce qui sera très pratique pour faire notre test, car il faut impérativement que la caméra voie l‟objet avec ses dimensions exactes. — Une question cependant, quelle est la composition de cet hologramme, je veux dire, sont-ce des antiphotons que nous voyons là ? — Exact, et comme votre caméra est faite d‟antimatière, elle devrait fonctionner parfaitement, et le logiciel également. — Essayons tout de suite ? — Allons-y ! Nous nous dirigeons calmement vers le laboratoire, pendant que l‟hologramme s‟estompe jusqu‟à disparaître complètement.
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Un trou de ver informatique. Si cette solution fonctionne, nous aurons trouvé un moyen de communiquer en temps réel avec la Terre, et tous nos amis, ce qui laisse rêveur. Albert place mon hologramme devant le PC que je lui désigne, puis il ne modifie pas sa taille, mais il le rapproche de plus en plus jusqu‟à ce qu‟……une fenêtre différente apparaît déclarant « Code oculaire accepté, LaboVisuel vous autorise à communiquer oralement ou par les mouvements de votre œil gauche ». Nous « bondissons » de joie, si l‟on peut dire, et Albert me dit qu‟il va rechercher dans la base les différents hologrammes des quelques mouvements d‟œil nécessaires pour contrôler la machine. Il revient cinq minutes après, avec des hologrammes pris depuis l‟extérieur de mon œil gauche, pour que les mouvements de la pupille soient bien visibles sur l‟hologramme physique de contrôle du PC. Il m‟explique comment faire fonctionner les hologrammes moi-même, car il n‟a pas encore appris les procédures, et il n‟est pas familier avec les PC, ne les ayant jamais connus. Je m‟entraîne à faire un hologramme en recopiant l‟image de ceux que m‟a montrés Albert. Ce qui est incroyable ici, c‟est que les images que l‟on mémorise restent parfaites, même après avoir été retransmises par plusieurs personnes différentes avant vous. On a l‟impression d‟être soi-même équipé d‟une caméra haute définition en trois dimensions, plus un projecteur holographique parfait, en trois dimensions également. Je suppose, mais ça restera à vérifier, que mes amis ne voient pas l‟hologramme dans leur laboratoire. Je vais leur demander, car ça pourrait servir à autre chose que la « simple » commande d‟un PC. Je démarre le test complet en demandant par mouvements d‟yeux interposés à consulter ma boîte de messages email. Une surprise m‟attend, car Angéla m‟a laissé un message chaque jour, depuis mon départ pour ce grand voyage « sans retour ? » Je prends le temps de les lire, ému au plus haut point, comme on peut l‟imaginer. J‟envoie un message à Angéla, puis un autre à toute l‟équipe, en précisant comment je fais, et en leur demandant de ne rien 77
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laisser devant cet écran, de manière à ce que mon hologramme ne soit pas déformé. Ils doivent être dans la salle à manger à cette heure de la journée, et je le vérifie en me connectant sur le réseau de caméras intérieures. Tiens, il y a les deux bonobos dans le laboratoire principal, et ils sont figés de stupeur, deux mètres à la droite de mon PC, fixant avec un air incrédule et un peu effrayé mon hologramme d‟œil qui bouge. Subitement, Nina s‟enfuit en couinant dans les couloirs, et Boni la suit comme à regret, jetant fréquemment un regard en arrière vers le laboratoire du fantôme d‟Ovni. Je me connecte sur la salle à manger, et Nina entre en pleurs et en criant qu‟Ovni est dans le labo, mais en très mauvais état, car il n‟y a que son œil, c‟est vraiment horrible à voir. Boni confirme, la tête baissée. Tout le petit groupe se dirige précipitamment vers le labo, perdant plusieurs serviettes et petites cuillers dans les couloirs. Je suis la cavalcade dans les couloirs, et les voit maintenant entrer dans le labo, s‟arrêtant muets de stupéfaction devant l‟hologramme de mon œil qui se met à cligner des paupières, pour les accueillir. Labo comprend presque instantanément, et il se précipite vers le clavier du PC voisin pour lire ses emails. Les autres se dirigent vers lui pour lire ensemble mon message d‟explications. Je les vois danser une gigue comme des petits diablotins, et Angéla se met devant la caméra de contrôle pour m‟adresser un gros baiser plein d‟émotion. Je crois bien qu‟ils ont compris que je ne pouvais pas les entendre, car personne ne fait mine de me parler. Tout se passera donc via des messages classiques. Tout à coup, je vois Labo pianoter fébrilement sur son clavier, et je devine ce qu‟il fait : il va lancer un logiciel de conversion voix vers texte pour communiquer plus rapidement, de son côté en tout cas. Ça défile rapidement maintenant, car ils s‟y mettent tous, chacun devant son PC, ça fait un sacré bazar à suivre pour moi. Cette conversation à cinq, plus les Scimuts qui nous ont rejoints, d‟un côté, et moi de l‟autre durera quatre-heures, ralentie par ma lenteur désespérante à sélectionner les caractères du clavier virtuel avec mon œil hologramme. Albert s‟est installé devant un écran qui donne en permanence les dernières nouvelles du monde, nous laissant à nos effusions. 78
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Nous nous quittons en définissant un horaire précis pour nos contacts futurs, et je m‟abandonne à une veille réparatrice, car je suis réellement fatigué, et ma réserve de digitons doit être reconstituée. Albert et moi devrions discuter avec Gaël pour définir le danger potentiel considérable que crée cette découverte d‟un trou de ver entre les deux univers. Je lui dis mon inquiétude concernant l‟utilisation éventuelle de cette « arme » par des âmes mal intentionnées. Il comprend parfaitement mon argument, se souvenant de ses propres inquiétudes et cauchemars, à propos l‟arme nucléaire qui fut développée 30 ans après ses découvertes dont la fameuse formule E=mC². J‟appelle mentalement Gaël qui me répond qu‟il sera avec nous demain matin, vers huit heures.
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Problèmes de conscience. Après une bonne nuit de réparation au bord du lac, nous sommes « réveillés » par Gaël qui nous déclare : — Bonjour, Albert, je suis très heureux de vous voir ensemble, car cette association d‟esprits me laisse prévoir pas mal de nouveautés et de soucis dans les limbes. — Bonjour, Gaël, qui avez-vous contacté au cours de ce voyage ? — J‟ai d‟abord contacté mon supérieur, le maître gardien Gabriel, pour lui expliquer notre position commune. Il a globalement approuvé ce qu‟il a rappelé être une action contestataire, mais il m‟a dit être prêt à contacter Jésus dans sa galaxie lointaine, pour lui demander de venir participer à une réunion regroupant toutes les âmes impliquées dans cette contestation concernant le statut de Mira. Il me préviendra du lieu et de l‟heure où nous pourrons les rejoindre. Si Albert veut être des nôtres, qu‟il le dise. — Je serai effectivement heureux de participer à votre discussion. — D‟accord, mais quoi de nouveau pour vous, Ovni ? — Je vous ouvre ma mémoire récente, vous saurez tout dans tous les détails. Préparez-vous à des surprises de taille. — Donnez-moi trente minutes pour voir de quoi il retourne. Gaël se plonge dans ma mémoire, et je ne perçois rien de particulier, sauf que son image est omniprésente dans mon champ de vision, en filigrane cependant, pour me permettre de faire autre chose en parallèle. Quand il s‟extrait de ma mémoire, il prend un air attristé et déclare : — Je ne m‟attendais vraiment pas à cela, car seuls les gardiens ont la capacité de communiquer avec l‟univers jumeau, en utilisant un procédé infaillible, non transmissible. Vous avez découvert un autre moyen qui constitue une faille gravissime dans le système conçu par le Créateur. Je ne vois pas de solution pour faire remonter cette information au niveau suffisant, c‟està-dire le Créateur lui-même, qui est par ailleurs inatteignable, à ma connaissance. 80
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D‟un autre côté, toute tentative de remonter au niveau des deux «enfants» nous ferait prendre le risque énorme qu‟ils s‟en servent, par exemple pour alimenter leur guéguerre, avec une nouvelle arme qui serait mise à leur disposition. Votre découverte est magistrale, mais elle présente des défauts de la même grandeur que ses avantages. La seule chose que je peux vous proposer, en attendant mieux, c‟est que nous mettions en place une barrière sphérique interdisant la zone aux âmes non autorisées. Il faudra prévenir les Dalaï-Lamas de la mise en place de cette barrière sécuritaire. Ils vont discuter ferme, car ils se servaient de vos PC pour s‟informer de la situation sur Terre. — Ce n‟est pas un problème majeur, car je pourrai demander à TOPLA de déplacer un PC dans une autre grotte, et de le spécialiser en nouvelles d‟informations sur un écran défilant en permanence. — Faites-le, Ovni, de mon côté, je me repose pour avoir assez d‟énergie pour la mise en place de la barrière sphérique, de douze mètres de diamètre, dites-le à vos amis. — Je le ferai ce soir, à l‟heure prévue pour les contacts. À l‟heure dite, je fais mon rapport à TOPLA, et je leur demande en plus de mettre en place une barrière de sécurité électrifiée autour du laboratoire, avec mot de passe par fond d‟œil et empreinte digitale sur les portes d‟accès. On n‟est jamais trop prudents. Ça leur prendra une journée, et Labo laissera un message sur mon écran personnel pour signifier que son travail est terminé. Gaël pourra alors mettre en place sa propre sphère de sécurité dans les limbes. Capt et Aria sont heureux d‟apprendre que le statut de Mira sera peut-être révisé grâce à notre action. L‟ensemble du groupe fait le serment de garder le secret du trou de ver jusqu‟à mettre en péril leurs vies, s‟il le fallait. Notre conversation cesse, et nous retournons au bord du lac.
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Un statut pour Mira ? Deux jours plus tard, nous faisons ensemble le voyage vers une forêt de Nouvelle-Guinée, dans une vallée inconnue du Centre de l‟île géante. La réunion se tient dans une profonde grotte, aucun être humain ne l‟a visitée, il n‟y a aucun risque de voir une âme apparaître sur le seuil. Gaël fait les présentations concernant Albert et Ovni, puis celles concernant Gabriel et Jésus. Albert et moi nous restons respectueusement à une certaine distance, et nous sommes un peu impressionnés, il faut bien l‟avouer. Gabriel mène les débats, et commence par une récapitulation historique de tout ce qui concerne les raisons de l‟actuel statut de Mira, du refus d‟en discuter du nouveau Conseil des Sages, et des éléments nouveaux qui militent en faveur de Mira. Jésus intervient alors : — Comme vous le savez, j‟ai eu beaucoup de temps libre pour comprendre mon échec, suite à mon intervention sur Terre, mais je ne remets cependant pas en cause ma motivation de l‟époque : il fallait faire quelque chose de particulièrement « fort » pour passer le message principal. J‟ai toujours eu cette image de contestataire, ici pour obtenir l‟autorisation de descendre sur Terre, et en bas, pour m‟être attaqué aux puissants du moment. Rassurez-vous, je n‟ai pas changé, comme dit la chanson, je suis de plus en plus attaché à ruer dans les brancards, quand le sujet en vaut la peine. Du fait de mon affectation aux confins du trou noir géant pour jouer les secouristes, compte tenu de l‟affluence inusitée de décès dans cette région de l‟univers, je n‟ai pas pu me rendre utile aux causes mal défendues ici ou là. Mais je suis de retour parmi vous, et vous pouvez compter sur moi. Je confirme ici que l‟un de mes messages concernant la reproduction était le plus pédagogique possible, compte tenu du niveau moyen d‟éducation des humains de l‟époque. 82
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Je recommandais une accélération des reproductions, ce qui avait l‟avantage, pour les couches les plus pauvres, de pouvoir mieux s‟opposer par le nombre à la répression locale de quelques tyrans. Cette recommandation présentait en même temps, pour moi, un avantage à plus long terme, celui d‟accélérer les mutations génétiques indispensables pour que la race humaine s‟améliore, et puisse accéder plus rapidement à de nouvelles connaissances, concernant le monde et l‟univers environnants. Mira est une planète très en avance, par rapport à la Terre, et ils sont allés plus loin encore, dans le domaine des mutations génétiques. Ils ont compris que leur race allait s‟éteindre dans des guerres fratricides s‟ils ne faisaient pas ces mutations volontaires. Ils ont fait ce qu‟il fallait faire, et si je devais redescendre un jour sur une autre planète, je le ferai en argumentant en faveur de ce type de mutations, et je leur recommanderai d‟utiliser les techniques qu‟ils ont acquises dans ce sens. Le but final n‟est pas d‟avoir encore plus d‟âmes, toujours plus d‟âmes. Le but réel est que la moyenne de la qualité de toutes ces âmes soit plus élevée, toujours plus élevée. Il est maintenant évident qu‟il nous faut constater que Mira a survécu, et que les Scimuts ont enfin pu s‟intéresser aux autres planètes qui les environnent au lieu de s‟entretuer. À ce titre, ce qu‟ils ont réalisé sur Terre, en association étroite avec TOPLA, est remarquable, et il faut que cela se sache en haut lieu. Évidemment, je ne redescendrai pas sur Terre, car apparemment, vous avez réussi à lancer un programme de ce genre, avec l‟aide des Scimuts. Je vais donc aller au grand Conseil des Sages, non seulement pour régler le cas unique de Mira, mais pour établir une règle générale concernant toutes les planètes qui sont et seront sur le point d‟évoluer volontairement dans le sens de la survie générale. Je pense tout particulièrement à la Terre, qui est la seconde dans cette situation, et à quelques autres en devenir, dans des galaxies approximativement du même âge. Je vous demande de rester ici, je vais faire le voyage avec Gabriel et Gaël, à trois, cela sera suffisant. En principe, trois jours seront nécessaires, et nous devrions être de retour ici dans soixante-douze heures. 83
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Si vous ne nous voyez pas revenir à cette date, retournez à vos occupations, je ne doute pas qu‟elles soient nombreuses et prometteuses. Nous saurons toujours vous joindre là où vous serez. À bientôt ! — Tous nos vœux vous accompagnent, dit Albert. — Restez calmes, surtout, l‟affrontement n‟est jamais efficace en cette matière, et espérons que les susceptibilités ne sont plus de mise, à ce niveau de responsabilité, ajoutai-je. Ils sortirent de la grotte, trois lumières, du blanc crème au blanc doré, ce fut assez impressionnant pour Albert et moi. Restés seuls, nous discutâmes des multiunivers, comme de bien entendu, jusqu‟à épuisement mental et mise en veille automatique ! Au cours des trois jours suivants, nous avons affiné plusieurs hypothèses que nous avons élaborées de concert. Elles tournaient principalement autour du petit sujet du moment, le fameux trou noir gigantesque que les scientifiques terrestres venaient de découvrir, au milieu de nulle part, à quelques milliards d‟années-lumière de nous. J‟ai même effectué un voyage dans ce trou noir jumeau, assisté par Albert qui m‟alimentait en digitons, et je dois reconnaître que je ne lui supposais pas une telle capacité de récupération dans ce domaine. Je n‟ai pas pu aller bien loin, repoussé par des fluctuations invraisemblables au niveau quantique entraînant des rayonnements interdisant toute vision utile. Quant à Albert, sa capacité de récupération fut plus importante que celle de Gaël, ce qui nous surprit favorablement. Apparemment, la capacité acquise du cerveau biologique sur Terre a une répercussion positive sur la capacité de l‟âme qui arrive dans les limbes, au point que le galon de gardien n‟apporte que peu d‟énergie supplémentaire, si l‟on considère Gaël. Cela laisse supposer que Jésus était parfaitement logique en favorisant les mutations génétiques, et en déclarant que les âmes seraient ainsi d‟autant plus « fortes » qu‟elles seraient d‟origine récente. Je souhaiterais en savoir plus sur la capacité d‟acquisition de puissance « à l‟ancienneté » dans les limbes, car il doit bien y en avoir une, sinon quel intérêt y aurait-il à demander aux âmes de continuer à s‟enrichir en connaissances, dans ce milieu dont on ne connaît pas la 84
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date de fin et où l‟on pourrait s‟ennuyer au bout d'un certain temps ? Il serait bon d‟aller vérifier cela auprès des maîtres de la Chine antique. Je sens que je vais soutenir la candidature d‟Albert, qui deviendrait un professeur tout à fait crédible pour animer des cours spécialisés ici même. Les limbes manquent d‟écoles de haut niveau, c‟est évident, et l‟on peut reprocher aux Sages et aux maîtres gardiens de ne pas y avoir pensé plus tôt. Ce n‟est sûrement pas le laissez-faire et laisser-aller généralisé qui est le plus efficace, on en a la preuve sur Terre, et ce n‟est pas une déviation à une règle, par ailleurs non écrite, que de fonder des académies ici. S‟il y a des universités sur Terre, il peut y en avoir ici aussi. S‟il n‟y en a pas, c‟est sûrement parce que les âmes ont l‟impression d‟avoir accès à tout, mais s‟ils n‟utilisent pas fréquemment cette possibilité pour compléter leur mémoire personnelle en faisant des recherches individuelles, ça n‟apporte rien à leurs connaissances acquises. C‟est un peu comme si un Terrien de Lyon pensait devenir intelligent du fait que son cousin de Bordeaux a un PC relié à Internet. Lorsque Gabriel et Jésus reviennent, nous sommes encore en discussion, Albert et moi, occupés à préparer un plan d‟éducation universel qu‟Albert doit proposer à Gabriel. Gabriel nous raconte alors leur entrevue avec le grand Conseil des Sages : — Nous avons été reçus par les trois Sages, très correctement, ma foi. Ils nous ont écoutés, tout particulièrement Jésus qui a fait un plaidoyer magistral pour Mira et la Terre. Ils ont bien compris qu‟il serait inacceptable de continuer dans une voie sans issue, et ils ont admis que cette voie qui consistait à mettre en quarantaine des planètes entières n‟avait pas de sens. Ils ont décidé que la liberté devait prendre le pas sur les anciens préceptes, et qu‟il en résulterait de meilleurs résultats dans l‟ensemble, Mira en ayant fait la preuve. Ils ont diffusé un message dans ce sens à tous les gardiens et maîtres gardiens, et ils ont demandé qu‟ils assignent les gardiens Scimuts sur leur planète d‟origine, Mira. — Ainsi, tout est en règle, déclara Jésus. Il faut que nous vous annoncions une mauvaise nouvelle, cependant. Les Sages nous ont appris que la situation se dégradait sur certaines planètes que nous 85
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avons laissées un peu à l‟abandon, depuis que nous avons envoyé leurs gardiens aux abords du grand trou noir, en urgence. — Oui, dit Gabriel, cette urgence perdure depuis en fait quelques centaines d‟années, et nous n‟en verrons pas la fin de sitôt. Sur ces planètes, une évolution, apparemment programmée par des acteurs inconnus, a permis la prise du pouvoir par des tyrans d‟une nouvelle espèce qui mettent ces planètes à feu et à sang. — Ce qui est étonnant, ajouta Jésus, c‟est que les planètes de l‟univers matériel n‟ont aucun moyen de communication entre elles, et pourtant, le même phénomène s‟y propage. Il n‟y a plus aucun gardien sur place, dans les limbes, car ils ont tous été placés en esclavagisme, et chaque tyran des limbes dispose maintenant d‟une réserve immense de digitons qu‟il utilise pour des incursions sur les planètes de l‟univers matériel. Ces tyrans sont en fait des anciens gardiens qui se sont proposés à ce poste pour éviter l‟esclavagisme, et ils sont maintenant sous étroite surveillance par une douzaine d‟âmes corrompues. Gabriel ajoute alors : — À chaque planète qui « tombe » dans l‟univers matériel correspond une planète jumelle récemment « tombée » dans les limbes. La connexion est évidente. Nous ne pouvons laisser faire sans réagir, et ma recherche va commencer par la surveillance de ces connexions entre mondes jumeaux. Qu‟en pensez-vous, Gaël ? — Je vais en discuter avec mes deux amis, nous allons faire quelques tests et nous vous donnerons notre avis dans quelques jours.
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Qui est le manipulateur ? Nous sommes retournés tous trois dans l‟Himalaya, au bord du lac, pour faire le point. Nous sommes consternés, mais ce qui arrive était prévisible, car une planète des limbes qui n‟a plus de gardien est laissée à elle-même, et tout peut arriver, le mal en particulier. En effet, les âmes « ordinaires » sont par nature pacifiques, et ne recherchent pas le pouvoir sur leurs congénères. De plus, le fait que les systèmes d‟armes sont inutilisables ici leur fait croire, à tort, que rien de bien grave ne peut survenir de la part des plus méchants, et ils n‟ont plus peur de la mort. C‟est oublier que l‟arme la plus puissante a toujours été la prise du pouvoir et l‟embrigadement généralisé. Le niveau de sophistication des armes matérielles est un plus, certes, mais pas toujours, il suffit de se rappeler la puissance des systèmes de pensées malfaisants qui utilisent des kamikazes pour exercer une atroce pression sur des foules impuissantes. On se retrouve en face d‟un système identique à celui d‟Al Qaïda sur la Terre. La différence apparente, c‟est que cette horreur a maintenant sa source dans les limbes, et que nous serions coupables de son développement, si nous ne l‟éradiquons pas le plus rapidement possible. Gaël ne voit pas de solution automatique pour retirer son galon de gardien au « traître » qui a préféré propager le mal en contrepartie de sa liberté de mouvement. Jusqu‟à présent, la règle était que chaque gardien déclaré déviant devait se soumettre aux maîtres gardiens et renoncer à ses pouvoirs antérieurs, ce qui limitait la peine prononcée à un retour au statut d‟âme « ordinaire ». Albert ne pense pas que le bogue du trou de ver que nous venons de découvrir soit à l‟origine de l‟expansion de ce phénomène, car il penche plutôt vers une explication liée à la capacité des gardiens de pouvoir intervenir dans le monde jumeau, tout comme Jésus l‟a fait en son temps, et Gabriel en deux occasions, avec l‟annonce à Marie puis l‟annonce à Mahomet de l‟importance du Coran.
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Personnellement, je suppose que d‟autres trous de ver d‟une nature différente existent et que le manipulateur les a découverts, ainsi que la manière de les utiliser efficacement. Si le manipulateur est l‟enfant terrible, comme je le pense, il est certain qu‟il a accès à d‟autres sources d‟informations très efficaces pour constater les défauts du système en place. Dans ce cas, la lutte sera rude, mais il nous faudra la gagner sinon les résultats de l‟Armageddon final sont connus par avance. Je propose d‟effectuer une recherche systématique de l‟existence de trous de vers naturels dans les parages des planètes touchées, pour pouvoir localiser les points précis d‟une intervention salvatrice, si elle était finalement décidée par Gabriel. Nous tombons d‟accord sur cette approche : Albert et moi resterons ici, pour avancer dans la localisation pendant que Gaël se procurera la liste exacte des planètes concernées auprès de Gabriel. Gaël ajoute qu‟il demandera officiellement que mon galon de gardien me soit remis, comme il me l‟avait promis. Nous nous séparons, Gaël de son côté, Albert et moi nous allons nous reposer, car la partie s‟annonce délicate. Le lendemain, Albert me propose : — J‟ai de nombreux amis qui ont longuement travaillé sur la théorie des cordes et que j‟ai revus ici. Je suppose qu‟ils peuvent nous aider à mieux comprendre la nature exacte des digitons, le principe de leur stockage et leur fonctionnement détaillé sur la trame de l‟espacetemps. Bien sûr, cela entraîne que ces personnes devront être informées de nos découvertes, et le risque grandit d‟une possible fuite d‟informations. — C‟est vrai, et la seule solution alors sera de nous faire enfermer par Gabriel dans une sphère de mille mètres de rayon centrée sur le laboratoire, ce qui revient à une assignation à résidence forcée ! Cette sphère interdira également toute entrée d‟intrus venant de l‟extérieur, ce qui pourra nous être utile si nous sommes attaqués par les gardiens noirs que nous cherchons. — Le problème, c‟est la réaction des Dalaï-Lamas.
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— On mettra alors en place la sphère de protection de manière que leur grotte préférée reste en dehors de la zone protégée, car elle est à deux cents mètres environ du laboratoire. — Parfait, je me mets en route vers mes collègues, et je leur demanderai de venir ici pour une partie de pêche. — N‟en invitez pas trop, trois me semble constituer un maximum. — Exact, je pensais plus spécialement à deux savants qui ont travaillé ensemble toute leur vie sur le sujet en question. J‟y cours ! — Je vais contacter de mon côté mes amis de TOPLA. Je filai vers le labo, tandis qu‟Albert s‟installait en mode voyage mental. Arrivé sur place, je découvre une surprise de mes camarades. Ils ont installé un système d‟holographie sur Terre, connecté à un PC voisin du mien, et je vois Angéla qui m‟attend sagement, occupée à lire un dossier. Je ne peux pas faire projeter mon image d‟âme actuelle, mais on pourra plus tard projeter une image fixe en trois dimensions de moi, tirée de mon passé récent, installé dans ce même labo, pourquoi pas ? Angéla réagit tout de suite dès que mon œil se place devant mon PC. Elle me raconte plein de nouveautés concernant notre famille, les enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants, et tout le tralala. Je lui explique que nous nous sommes chargés nous-mêmes d‟une mission dangereuse, et que je ne redescendrai pas avant qu‟elle soit couronnée de succès. Elle n‟en demande pas plus, s‟assurant cependant que nous prendrons toutes les précautions possibles. Je la rassure, lui fais une bise d‟un clin d‟oeil et lui demande de me passer Tera. Au bout de quelques minutes, Tera prend sa place dans l‟hologramme et m‟embrasse gentiment, d‟un geste de la main vers ses lèvres. — Tera, je souhaite ton aide, dans un domaine de ta compétence. Je t‟enverrai les coordonnées de plusieurs planètes dans les douze heures, et je te demande d‟étudier leur environnement immédiat dans tous les détails. Nous recherchons en particulier un ou plusieurs trous noirs, ou peut-être même des trous de ver. Nous pouvons le faire d‟ici, mais nous n‟aurons pas la vision optique et radio que tu as, toi, car c‟est différent ici. — Pas de problème, à condition que la distance soit inférieure à 100 millions d‟années-lumière, car je suis limitée malgré l‟énorme puissance de mon nouvel équipement installé ici même, et 89
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gracieusement offert par Aloa qui a bien travaillé à l‟ONU pour me le procurer. Cet équipement est la réplique exacte du prototype que j‟ai conçu à l‟observatoire andin où j‟ai terminé ma carrière le mois dernier. — Très bien, Tera, grosses bises à toute l‟équipe. — Attends, Capt souhaite te parler. — Bonjour, Ovni, je vous suis reconnaissant pour tout ce que vous faites pour Mira, me dit la corolle de notre ami Scimut. — J‟ai de bonnes nouvelles pour Mira, et aussi pour la Terre, mais je ne vous le dirai en détail que lorsqu‟on me le confirmera. Ça concerne les mutations génétiques volontaires qui n‟étaient pas perçues d‟un bon œil dans les limbes. Je dois m‟excuser, mais Albert revient vers moi : à bientôt. Je quitte le PC et interroge Albert du regard. — J‟ai ramené mes deux collègues, ils sont au bord du lac, nous t‟attendons. — Allons-y. — Non, pas tout de suite, car Gabriel est ici aussi, dans la pièce à côté, avec Gaël, et il est préférable de le prévenir avant. — Nous voici, annonce Gabriel en venant vers nous accompagné de Gaël. Tout d‟abord, acceptez mes félicitations, Ovni, je viens vous remettre votre galon de gardien sur la planète Terre. Vous ne ressentirez rien de spécial, mais vous aurez une plus grande capacité de stockage, et quelques autres capacités supplémentaires. C‟est déjà fait, depuis mon arrivée dans cette pièce. — Merci, Gabriel, merci Gaël ! Je n‟ai effectivement rien ressenti, cependant il me semble que je suis plus lumineux, un peu comme Gaël. — Oui, exactement comme Gaël, mais sachez que votre luminosité actuelle est moins grande que d‟habitude, puisque vous êtes toujours en mission spéciale. — Je ne suis pas jaloux, dit Albert, mais j‟espère faire encore partie du projet sur lequel nous travaillons. — Bien sûr, Albert, répondit Gabriel, et je peux vous dire que vous avez eu raison de demander l‟appui de vos deux collègues qui sont au bord du lac, j‟ai déjà consulté leurs données personnelles, et ce sont d‟excellentes recrues pour l‟équipe. 90
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— Merci Gabriel, nous ne serons jamais assez nombreux pour étudier le problème posé. — Je vous fais confiance à tous. Je vous transfère les coordonnées des planètes incriminées maintenant. Comme j‟ai aussi compris qu‟Ovni souhaitait que Tera l‟assiste depuis la Terre, je précise que ces planètes seront toutes accessibles par son nouveau télescope optique et radio, car distantes d‟environ cinquante mille années-lumière du Soleil. Vous pourrez même l‟assister d‟ici, puisque la sphère de protection, que vous avez suggérée pour vous protéger, inclura le télescope. Il me semble important de rappeler que vous, Ovni, vous aurez accès à une vue en temps réel de ce qui se passe là-bas, ce qui ne sera pas le cas de Tera. Travaillez bien, et appelez au secours si vous avez envie de faire un tour à Paris. — Est-ce que Gaël va rester avec nous ? — Bien sûr, Gaël est le responsable de ce groupe d‟action devant moi. À bientôt, je sors et j‟enclenche la sécurité. — Au revoir. Nous allons accueillir Sergio et Martina sur les rives du lac. Ils semblent enthousiastes à l‟idée de recommencer leurs chères études avec de nouveaux moyens à leur disposition. Je transmets vers Tera les coordonnées des planètes à étudier. Albert remplit d‟équations un tableau noir holographique et se dispute gentiment sur leur contenu avec ses copains. Gaël réfléchit dans son coin. Je me place en veille, et petit à petit, tout le monde va au « lit ».
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Planètes contaminées. Le lendemain, nous faisons un point pour définir le programme dans ses détails. Gaël nous indique ce qu‟il sait concernant les digitons, pour orienter les recherches de l‟équipe d‟Albert : — Les âmes « ordinaires » savent simplement que les digitons existent, mais ils n‟en connaissent pas l‟origine exacte, ni leurs propriétés : ils savent s‟en servir, c‟est suffisant pour la majorité d‟entre eux. Les gardiens reçoivent une formation qui leur en apprend plus, mais pas beaucoup plus. J‟ai personnellement eu la chance de souvent travailler avec des maîtres gardiens qui ont aussi eu leurs connaissances complétées, mais il subsiste cependant quelques notions de base qui manquent. J‟ai longuement discuté avec Gabriel, qui est aussi curieux que moi, et je vais vous indiquer nos dernières connaissances vérifiées, ainsi que nos estimations pour ce qui nous manque. Ce qui est vérifié d‟abord. Les digitons sont émis lors d‟une collision entre des neutrinos venant d‟ailleurs et les membranes de vie qui enveloppent chaque particule matérielle de nos corps sur Terre, bulle y comprise, cette même membrane recouvrant ensuite nos âmes dans les limbes, quand nous mourons. Sur Terre, ces digitons se reconvertissent immédiatement en neutrinos stables et en énergie supplémentaire pour votre bulle, puisqu‟ils ne peuvent s‟exprimer, n‟ayant pas accès à la cinquième dimension indispensable. Je vois Albert qui semble étonné, et je suppose qu‟il fait référence au fait que les neutrinos sur Terre ont une surface de capture excessivement faible avec les particules de matière terrestre, ce qui explique qu‟ils peuvent traverser le Soleil sans aucun risque de collision. Je suis bien d‟accord avec cela, mais il faut tenir compte des caractéristiques très particulières des membranes qui augmentent la surface de capture de toute particule passant à proximité, gluons, photons, électrons et neutrinos y compris. C‟est ce procédé qui apporte de l‟énergie à vos bulles, pendant toute votre vie. Dans les limbes, c‟est le même principe qui s‟applique, à la différence près que les digitons sont captés par la membrane de l‟âme, stabilisés et stockés dans la bulle devenue âme, car ils n‟interagissent pas avec les autres particules dans cet univers à cinq dimensions. Ce 92
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sont les digitons que nous utilisons ensuite pour toutes nos communications et voyages d‟exploration. Ces particules n‟ont pas de charge électromagnétique, pas de masse, elles sont donc plutôt proches des photons, mais avec une gamme d‟énergie et de fréquences différentes. On peut dire, pour simplifier que ce sont des photons « intelligents » et hyper rapides. — Intelligents, demande Albert ? — Ce n‟est qu‟une expression, car il n‟y a pas de mot existant pour décrire ses capacités spécifiques. Ils ne sont pas intelligents au sens « capable de réfléchir », mais ils peuvent transporter des informations complexes et multiples, sous une forme « digitale » si l‟on peut dire. — Un peu comme des bits délivrés en paquets et en série sur les fibres optiques, demandai-je ? — Pas exactement, car chaque digiton élémentaire peut transporter jusqu‟à plusieurs milliers de digits élémentaires à vitesse quasi infinie. Ces digits ne sont pas délivrés en série, mais simultanément, par une superposition de fréquences différentes caractérisant l‟information digitale à transmettre, par une modulation sur une fréquence porteuse infiniment grande. C‟est en fait le même principe de support par fréquence porteuse qui est utilisé pour transporter vos émissions de télévision haute définition sur Terre. — Je crois saisir les différences entre les « pouvoirs » de communication des âmes « ordinaires, et les gardiens, et toute la hiérarchie des limbes. — Vous avez mis le « doigt » dessus, Ovni. C‟est en fait le grade actuel de l‟âme qui définit la capacité de communication des digitons et la complexité des informations qu‟ils peuvent véhiculer. Il y a des marches d‟escalier pour les digitons, marches dépendant du niveau hiérarchique atteint par la membrane. Pour les âmes, 1 mégaoctet seulement. Pour les gardiens, 8 mégaoctets. Pour les maîtres gardiens, 64 mégaoctets. Pour les Sages, 512 mégaoctets. Pour les «enfants», 4 gigaoctets. Pour le créateur, jusqu‟à l‟infini théorique, avec un niveau choisi par lui seul, en fonction de ses besoins. 93
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Les deux derniers chiffres ne sont pas vérifiés, ils résultent de nos cogitations communes avec Gabriel. — Excellent, cela explique pas mal de choses. J‟imagine que la membrane communique avec une autre membrane d‟une façon “simple”, compréhensible par tous en tout cas, puisqu‟il s‟agit de membranes réellement intelligentes, au sens plein. Mais quid d‟une demande d‟information concernant le passé récent d‟un individu, de matricule ADN, dans une galaxie lointaine ? Si la membrane peut émettre cette demande, c‟est une chose que je comprends, mais il faudrait pour cela qu‟il y ait une intelligence située au centre de la sphère réclamée de l‟espace-temps, intelligence capable de traiter cette demande, d‟acquérir les informations demandées sur les cordes du temps, de les formater correctement, et de les expédier par retour au demandeur. — Vous avez bien saisi le processus, Martina. C‟est exactement ça. Ovni et Albert, vous avez récemment découvert et imaginé la dimension du temps sous la forme d‟une corde déroulante en chaque point de Planck de l‟espace. Vous découvrez maintenant qu‟il est nécessaire de définir d‟autres dimensions supplémentaires, en chaque point de Planck. Ce sont des dimensions qui gèrent l‟information pure caractérisant toutes les caractéristiques historiques de chaque point. D‟une certaine manière, c‟est l‟existence même de la dimension du temps qui requiert ces dimensions supplémentaires, assurant la gestion de l‟historique des caractéristiques du point. Si le temps n‟existait pas, il n‟y aurait aucune raison de s‟intéresser aux évènements, car il n‟y aurait pas d‟évènements du tout, tout serait figé. Mais le but du jeu inventé par le créateur, c‟est surtout une simulation, il y a donc du mouvement de matières, régi par les lois de la physique, et il y a de la vie, donc il y a possibilité de développement d‟intelligences ayant besoin d‟informations pour toujours plus de connaissances, et c‟est ça qui est intéressant pour le créateur. Les « enfants » ont ainsi un jeu palpitant à jouer pendant l‟éternité, ou peut-être un peu moins que cela, puisque le jeu aura une fin ! — Est-ce que les « enfants » peuvent intervenir en temps réel, et influer sur la simulation en cours ? demande Sergio. — Gabriel et moi supposons que non, car ils ont défini leur stratégie au lancement du jeu : ils ne font que suivre avec anxiété l‟évolution des mondes du vivant, tel qu‟ils les ont définis et paramétrés au départ. Nous supposerons qu‟ils ont bien la capacité d‟intervenir 94
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tactiquement, mais qu‟ils se surveillent tellement qu‟ils ne pourront le faire sans perdre la partie. — C‟est peut-être un moyen d‟éviter l‟Armageddon prévu à la fin du jeu demande Martina. — On peut tout imaginer, mais ça ne nous aide pas dans notre mission actuelle, répond Gaël. Si nous revenons à notre tout petit cube de Planck, la constante de longueur de Planck au cube, elle est donc associée à la constante de temps de Planck qui rythme sa « vie », et nous pouvons tous voir cela, avec les gravitons qui s‟y engouffrent à chaque intervalle de temps de Planck. Nous venons de dire que nous voyons de manière stabilisée ces images du domaine quantique, c‟est dû au fait que nous disposons ici d‟une cinquième dimension qui moyenne les aberrations probabilistes typiques du domaine quantique. Sans cette dimension, les informations à stocker dans l‟historique des évènements seraient trop nombreuses, et par ailleurs inutiles, car seule la moyenne est significative. — Est-ce que cela signifie qu‟en fait, l‟écart de temps entre deux évènements successifs stockés sur l‟historique est largement supérieur à la constante de temps de Planck ? questionne Albert. — Oui, il y en a exactement 1024 fois moins, ce qui réduit la taille des informations à stocker et à transférer sur demande expresse d‟un observateur. À remarquer quand même que le volume des informations caractérisant une sphère de trois mètres de diamètre reste considérable et exigera une grande quantité de digitons pour être transmis. Ces digitons sont stockés dans chaque cube de Planck, et ils sont remplacés progressivement par des digitons provenant des cubes voisins. L‟ensemble des cubes est réapprovisionné automatiquement de proche en proche, mais ce phénomène n‟est pas instantané. — Ce qui signifie qu‟il est possible que l‟information globale ne soit pas parfaite s‟il y a pénurie de digitons ? Et que l‟image en trois dimensions que nous recevons puisse être floue dans ce cas ? — Oui, la partie centrale sera correcte, mais progressivement l‟image sera plus floue sur la périphérie, voire pleine de carrés ou plutôt de cubes de pixellisation, comme vous dites sur la Terre, pour les zones situées aux bords de la sphère. — Une idée au passage, dis-je. Aurions-nous, tout en discutant, découvert une arme nouvelle à notre disposition, dans le domaine des communications, si nous nous concentrions au même moment sur 95
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l‟historique du même point camarades veulent consulter ?
de
l‟espace
que
nos
affreux
— Très, très bonne suggestion, car effectivement, la capacité de stockage et la vitesse de réapprovisionnement en digitons de chaque cube de Planck sont limitées, ce qui rendrait impossible toute communication à plus de deux sur la même zone spatiale au même instant. Le créateur n‟y a sûrement pas vu une faille potentielle du système global, quand il a conçu le jeu. La grande question est de savoir si les « enfants » la connaissent, cette faille. — En tout cas, nous, nous la connaissons, et nous allons rapidement faire un test en grandeur réelle pour vérifier cette hypothèse. Nous ne pouvons mener cette mission qu‟en utilisant l‟information, puisque seule l‟information est accessible et utilisable dans les limbes, alors, préparons nos armes qui seront également nos défenses, par la même occasion. — Bonne initiative, que j‟approuve sans réserve aucune. — Connaîtrons-nous un jour les caractéristiques intelligence distribuée en chaque cube de Planck ?
de
cette
— À vrai dire, il ne s‟agit pas d‟intelligence au sens plein. Chaque cube de Planck est équipé d‟une sorte de programme d‟une logique simple qui fait toujours les mêmes choses, et les fait bien, c‟est tout. Il répond à vos demandes, sans se poser de question, point final ! Ce n‟est pas plus compliqué qu‟un répondeur téléphonique terrestre, il répond à votre demande codée, et il vous retransmet le message demandé qui est stocké. Tiens, je vois qu‟Albert veut intervenir, à vous donc, Albert. — Je reconnais m‟être trompé une fois de plus à ce sujet, car je supposais qu‟il y avait une sorte d‟énorme ordinateur unique qui centralisait toutes les informations, et que les âmes n‟étaient que des vulgaires postes de travail, pas très futés. Mais c‟est l‟inverse. Un module spécialisé équipe chaque cube de Planck, ce qui est génial, car ça limite les risques de panne totale, bien qu‟apparemment il n‟y a pas de notion de panne, ici. — De panne, non, mais de bogue, oui, vous venez d‟en découvrir plusieurs en quelques jours seulement, répliqua Gaël. Ovni, vous voulez dire quelque chose ? — Oui, je me demande jusqu‟où tout cela va nous mener, et si c‟est raisonnable de décortiquer tout ça, pour augmenter notre force de 96
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réaction, un peu comme une recherche de pouvoir. Cela risque de ne pas être très bien perçu là-haut ! — Ne vous inquiétez pas, et surtout, n‟oubliez pas que nous ne sommes pas en mesure d‟aller demander aux « enfants » si c‟est raisonnable ou carrément en dehors des règles du jeu. Nous restons à notre niveau, et nous avons à défendre nos valeurs contre des déviants qui ont eux-mêmes utilisé des artifices pour arriver à leurs fins. — Nous ne sommes pas en mesure aujourd‟hui de leur demander si nous sommes politiquement corrects, mais j‟espère bien que nous le serons un jour. Ça fait quand même bizarre d‟avoir l‟impression permanente de n‟être que des héros d‟un jeu de rôle qu‟on aurait laissés libres de leurs actions, limitées par le niveau très médiocre du moteur d‟intelligence artificielle du jeu, pendant que les joueurs regardent une partie de tennis sur leur télé ! Qu‟en pensez-vous Gaël ? — Je n‟arriverai jamais à faire des comparaisons imagées comme celle-là, vous avez réussi à me faire sourire, ce qui n‟est pas fréquent, je l‟avoue. Quant au fond de votre question, je pense que toutes les âmes et gardiens sont sur un pied d‟égalité dans les limbes, et qu‟aucun n‟est spécialement favorisé, à ma connaissance, tant que les « enfants » ne s‟en mêlent pas. Le niveau d‟intelligence que nous pouvons atteindre n‟est nullement limité par un quelconque niveau d‟intelligence artificielle. Notre intelligence est réelle, je dirais même que nous n‟avons encore rien trouvé qui laisserait penser qu‟il existe une intelligence supérieure quelque part. Je prends pour exemple ce que vient de dire Albert, qui reconnaît que les milliards de modules de Planck ne sont que des modules, tous identiques et très simples, réalisant une seule fonction élémentaire, sans plus. C‟est nous qui avons une intelligence, et pour le moment, nous devons la faire travailler exclusivement dans le sens de notre mission. La discussion s‟arrêta là, et chacun fit un tour au bord du lac pour décompresser un peu avant d‟aller se « coucher ».
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Étude du terrain de manœuvres. Le lendemain matin, nos trois scientifiques tentent de parcourir la zone grise des déviants, et je leur souhaite bien du plaisir, car survoler une zone aussi grande au hasard ne doit pas être très motivant. De mon côté, je lis ma messagerie et je découvre un courrier intéressant de Tera qui annonce avoir localisé un point bizarre, situé approximativement au centre d‟une sphère incluant les douze planètes étudiées. Elle m‟indique que sa meilleure image de ce point est sur l‟écran de service. Aucun commentaire ou explication pour le moment, elle doit encore faire des études dans tous les domaines du spectre de fréquences, une sorte de concaténation des quelques milliers de fichiers images recueillies par son nouveau télescope. Je préviens Albert qui a maintenant un point plus précis à analyser, en attendant les conclusions de Tera. Gaël me suggère de faire un test du bogue quand on aura localisé une zone plus précise, mais je ne suis pas pressé, car l‟existence de notre arme ne doit pas être découverte avant que nous soyons suffisamment puissants pour l‟utiliser à bon escient. J‟entends par là qu‟il n‟est pas impossible qu‟il existe un point unique où ils font passer tous leurs échanges, et que nous devrons concentrer nos efforts sur ce point-là, en une seule attaque massive. Par contre, rien ne nous empêche de faire ce test sur un point quelconque de l‟espace, et de voir quel volume spatial on peut bloquer à nous cinq. En effet, plus la zone à bloquer sera grande et plus il nous faudra d‟énergie disponible, chez nous, pour y parvenir. Il n‟est pas impossible qu‟il nous faille demander de l‟aide extérieure, pour augmenter notre puissance de dissuasion avec de nombreux gardiens, sollicités par Gabriel par exemple, pour enfin réussir à arrêter tout ça. Albert revient vers nous, tout excité : — Tera nous signale que le point en question fait environ mille mètres de diamètre, et qu‟il absorbe uniquement des photons qu‟il dévie puissamment de leur trajectoire, jusqu‟à une distance de dix mille kilomètres. Les autres particules ne sont pas concernées, apparemment. Selon Tera, ce n‟est donc pas un trou noir, et je suis entièrement d‟accord avec elle là-dessus. La seule explication serait que ce point soit un trou de ver, mais alors, il nous faut retrouver son orifice de sortie. Selon les calculs théoriques, en prenant en compte son diamètre relativement faible, la sortie doit se trouver à l‟intérieur d‟un cercle de mille années-lumière, au maximum. Nous n‟avons rien trouvé dans cette zone qui correspondrait à une sortie.
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Après une longue discussion, nous sommes tombés d‟accord pour supposer que la sortie de ce trou de ver ne se trouve pas dans l‟Univers matériel de Tera, mais dans notre univers. Ça semble aberrant, car aucune communication directe n‟est imaginable entre un univers de matière et un autre d‟antimatière, mais c‟est un fait, et il y a bien une sortie ici, que nous avons localisée à l‟intérieur de la zone perturbée. Elle a un diamètre identique, et des flots d‟antiphotons y sont absorbés également. Nous supposons, mais c‟est à vérifier, que l‟énergie d‟un photon et de son antiphoton, sachant que le photon est indistinguable de son antiparticule, permet l‟émission de plusieurs types de particules sans masse, du type neutrinos d‟un côté et antineutrinos de l‟autre, mais qui ne se recombinent pas, car le neutrino est une particule très particulière qui est en même temps sa propre antiparticule. Mais ça n‟expliquerait pas tout, car il y a aussi une émission purement énergétique, faite de digitons, dont la moitié se recombine et disparaît immédiatement dans l‟univers de Tera, mais dont l‟autre moitié est éjectée dans notre univers et se trouve immédiatement capturée par la trame de l‟espace-temps et les cubes de Planck environnants. Si l‟on considère le résultat global de l‟opération, ce trou de ver absorbe de l‟énergie dans chacun des deux univers pour finalement en convertir une partie sous une autre forme de particule, les digitons, utilisables seulement dans notre univers. Qu‟en pensez-vous, Ovni ? — Je pense que vous avez trouvé la source de la grande puissance des gardiens noirs de cette zone, puissance qu‟ils utilisent pour arrêter et entraver leurs millions d‟esclaves, tout en ayant une réserve pour envahir d‟autres planètes, jusqu‟à ce que l‟univers des limbes tombe entièrement sous leur joug. — Je vais immédiatement prévenir Gabriel, car c‟est trop important comme nouvelle, ça dépasse même l‟entendement ordinaire, dit Gaël qui se met à l‟écart pour appeler Gabriel. — Albert, je vous suggère de surveiller au plus près ce trou de ver, dans notre univers, pour vérifier qu‟il s‟agit bien d‟un flux régulier. Essayez de faire vérifier vos hypothèses par Tera et ses amis radioastronomes, amis qu‟elle contactera discrètement, comme il se doit, de manière à ne pas attirer l‟attention sur cette zone du cosmos, car ensemble, ils peuvent peut-être nous ouvrir de nouvelles voies d‟exploration. — Nous nous en occupons immédiatement, et moi je contacte Tera. — Gabriel nous rejoindra dans peu de temps, annonce Gaël, il place ce problème en ultra prioritaire, et il amènera Jésus avec lui, pour définir le plan d‟action final. 99
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— Reposons-nous un peu en attendant. . . . Gabriel et Jésus arrivent à l‟instant et nous secouent un peu pour que la discussion commence sans délai. Nous les informons de nos dernières trouvailles, ils nous avouent être très surpris de la tournure que prennent les choses. Ils n‟imaginaient pas qu‟une formidable puissance autoalimentée par l‟univers lui-même était en mouvement de conquête spatiale dans les limbes, et ils ne voient pas bien comment arrêter ce grand malheur, qui va replonger l‟univers des limbes des millions d‟années en arrière. J‟interviens alors : — Je suppose que le problème posé s‟aggrave de lui-même avec le temps, puisque les gardiens noirs des portails des planètes qui sont sous leur contrôle mettent immédiatement les nouvelles âmes en esclavage, dès leur arrivée au Portail de la mort. Chaque planète entièrement sous leur contrôle devient alors une nouvelle source de puissance, mais autoalimentée par l‟univers des vivants cette fois-ci ! — Exact, dit Jésus, et j‟ai été informé récemment par des gardiens des planètes voisines de cette zone noire qu‟ils ont éliminé un nouveau groupe de gardiens noirs, qui utilisaient les animaux comme esclaves pour augmenter encore plus la récupération de digitons, bien que cette production gratuite soit inférieure à celle des humains. En allant survoler une autre planète voisine où l‟évolution n‟avait pas encore permis le développement d‟êtres plus intelligents que nos grands singes, on a découvert des bases de gardiens et d‟âmes, qui y sont implantées de manière définitive, avec d‟immenses parcs protégés par des barrières mentales autoalimentées par les animaux euxmêmes. — Aviez-vous un ami personnel parmi les gardiens noirs ? — Oui, Gaetano qui vient de tomber dans leurs filets. — Ne pourriez-vous pas tenter de le contacter, ne serait-ce que pour avoir une idée de la manière dont ça se passe ? — J‟ai déjà tenté, mais j‟étais seul, sans soutien, et j‟ai manqué me faire piéger. Je recommencerai bien, si vous m‟assistez mentalement avec vos digitons. Qu‟en pensez-vous ? — Nous sommes avec vous, bien évidemment, car il est important de connaître les habitudes d‟un opposant afin de mieux le ramener à la raison. — Eh bien, allons-y tout de suite ! 100
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Jésus nous indique les coordonnées de Gaetano, et nous nous plaçons en support mental pendant qu‟il recherche son ami. Je voyage avec lui, tout en restant un peu en retrait, de manière à pouvoir m‟échapper si nécessaire et ramener quand même des informations utiles. La planète est très différente de la Terre, peut-être à cause de son soleil rouge et des sols très marécageux qui doivent fourmiller d‟insectes bizarres. Lorsque Jésus s‟arrête à proximité d‟un camp plein d‟âmes entravées, il s‟adresse au seul gardien présent, un être curieux ressemblant à une salamandre. Il lui parle et je me mets en écoute, sans intervenir. Apparemment, Gaetano n‟a pas l‟air surpris, il répond normalement. — Bonjour, Jésus, je me doutais bien que tu ne tarderais pas à venir me demander des explications sur ce qui se passe ici. — Bonjour, Gaetano, je suis content de te voir en bonne forme. Es-tu certain qu‟on peut discuter sans risque ? — En principe, personne ne doit venir sur cette partie de la planète aujourd‟hui, tu peux donc parler sans crainte. — Voilà, nous avons découvert les camps d‟esclavage à grande échelle sur ce groupe de planètes, et bien sûr, nous allons tout faire pour assainir la situation. Comment as-tu été enrôlé ? — Après avoir été entravé de manière classique, j‟ai passé quelques jours tout seul, puis un groupe de gardiens noirs est venu pour me proposer un pacte d‟allégeance. Si j‟acceptais, ils me feraient subir un traitement inconnu de moi sur mon âme, pour inhiber toute velléité de rébellion. Ce traitement doit être renouvelé chaque semaine, car ses effets s‟estompent avec le temps. Les effets sont comparables à une drogue ou un médicament de psychiatrie. — Que se passe-t-il si tu te caches quand même, pour te donner le temps de récupérer suffisamment de digitons et tenter de t‟échapper de cette planète ? — Ils ont mis en place un réseau d‟information à balayage permanent qui est alimenté par le trou de ver voisin, et ils me retrouveraient en cinq minutes. — Que se passerait-il si on réussissait à investir les abords du trou de ver pour supprimer leur alimentation automatique en digitons ? — Le système s‟écroulerait, car il y a cinq fois plus de gardiens enrôlés de force que de gardiens qui adhèrent pleinement sans avoir besoin d‟être drogués. Je ne sais pas combien ils sont pour garder le trou de ver, peut-être une dizaine, dont deux maîtres gardiens. — Es-tu allé sur place ? — J‟ai tenté de survoler, un jour où j‟étais de repos, et je n‟ai pas eu le temps de voir grand-chose avant d‟être rapatrié ici manu militari, avec une 101
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double dose de drogue mentale. J‟ai simplement vu que les gardiens et maîtres présents étaient constamment en transe mentale pour recueillir et retransmettre les digitons sur le réseau de l‟espace-temps, tout en les guidant vers des endroits précis où le besoin existait. — Selon toi, sont-ils individuellement plus puissants que nous autres gardiens honnêtes et respectueux des règles ? — Peut-être un peu plus, du fait qu‟ils sont toujours à pleine capacité de digitons, ce qui ne sera pas le cas de ceux qui voudraient les décrocher de la source intarissable du trou de ver. — Bien, Merci Gaetano, je crois que nous en savons assez, et je vais tout mettre en oeuvre pour te libérer prochainement. — Merci, mais un conseil cependant. Le système de renouvellement de drogue est hebdomadaire et automatisé,et sachant que nous sommes plus sensibles à des envies de libération de nos chaînes mentales vers la fin de la semaine, choisissez plutôt une fin de semaine pour agir, et vous aurez des renforts supplémentaires venant de nous, quand nous serons enfin libérés. Nous revenons rapidement dans le laboratoire pour mettre en place nos troupes d‟intervention.
Epuration. Après avoir mis nos amis au courant de la situation, Gabriel et Jésus décident de rassembler deux cents gardiens ici pour une mission de choc de courte durée. Le lendemain soir, le bord du lac ressemble à une fête foraine avec des centaines de lumières qui brillent dans la nuit et se reflètent sur les eaux calmes du lac. Les instructions sont données, les coordonnées précises sont fournies, et tout le monde a rendez-vous à cinq cents mètres de l‟entrée 102
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du trou de ver, toutes lumières éteintes. Gabriel utilisera une arme, spécifique aux maîtres gardiens ayant beaucoup d‟ancienneté dans la fonction, arme qui permet non seulement d‟immobiliser, mais également d‟inhiber toute fonction mentale chez le récalcitrant. Cette arme n‟a été que très peu utilisée dans le passé. Il nous faut y aller « en personne », et pas seulement en survol. Ça prend plus de temps et d‟énergie, mais il n‟y a pas d‟autre solution. Arrivés sur place, nous récupérons pendant trois heures, puis nous prévenons le laboratoire, qui assurera un soutien à distance, pour rapatrier les plus faibles. Gabriel se déplace en tête, très lentement, et la troupe le suit à petite distance, en enfilade. Il s‟arrête à la distance idéale, trente mètres des lumières qui stationnent au bord du trou de ver. Une douzaine de gardiens scélérats sont en transe et ont autre chose à faire que de surveiller les alentours. Gabriel a une puissance suffisante pour éliminer les deux maîtres gardiens, ou dix gardiens ordinaires. Il a choisi de traiter les deux maîtres gardiens noirs, avec Jésus en soutien. Nos troupes ont été réparties en dix groupes de vingt gardiens qui s‟occuperont des dix gardiens noirs. Gaël et moi sommes en réserve, pour assurer les arrières, si des renforts arrivaient. Jusqu‟à présent, quand j‟assistais à des conversations ordinaires entre deux âmes, je ne voyais rien de particulier, car le volume de digitons échangés était relativement faible. Par contre, lorsque Gabriel donne le signal, je suis ébloui par des centaines de fils lumineux qui se dirigent vers les insurgés. Les douze subissent l‟attaque sans bouger pendant quelques secondes puis réagissent aussi, mais de manière visiblement plus faible. J‟aperçois Jésus concentré sur Gabriel, il vide toute son énergie pour recharger son maître. Gabriel a mis tout sur le premier des deux maîtres noirs qui finit par s‟arrêter et s‟immobilise définitivement, perdant toute luminosité, ce qui signifie l‟arrêt de son activité mentale. Gabriel passe alors au second maître noir : il est immédiatement aidé par deux groupes qui en ont terminé avec leurs gardiens noirs. L‟assaut dure encore deux minutes, jusqu‟à la victoire finale. Une vingtaine de nos gardiens sont entravés, et nous entrons dans une longue période de soins et de récupération. Gabriel inspecte l‟historique des deux maîtres noirs, et il découvre la procédure qu‟ils utilisaient pour aspirer l‟énergie des digitons libérés par le trou noir. 103
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Elle est clairement définie dans une conversation que ces deux maîtres ont eue, et il se dégage de cette conversation qu‟apparemment personne d‟autre n‟est au courant de la méthode employée, et qu‟ils ont fait tout cela de leur propre initiative, sans intervention des « enfants ». Gabriel affecte deux groupes pour surveiller la sortie des digitons qui, maintenant, est bien visible, en une sorte de cône dont la luminosité va en décroissant au fur et à mesure que sa base s‟élargit vers le lointain. Le jet fait environ deux mille mètres de longueur. En regardant bien, dans l‟axe du cône, on voit également des milliards de photons qui s‟engouffrent dans le trou de ver, en sens inverse. Cette surveillance durera un an, et les gardiens surveillants seront remplacés chaque mois. Progressivement, nous recevons des appels des anciens gardes noirs enrôlés de force. Ils annoncent qu‟ils sont en train de terminer le nettoyage de toutes les planètes infectées, et que seulement une centaine d‟irréductibles sont entravés, avant l‟intervention de Gabriel pour qu‟il leur ôte leurs pouvoirs spécifiques de gardiens. Gabriel se recharge sur la nouvelle source, puis il part pour terminer l‟opération. Jésus prend les rênes pour s‟assurer du retour des gardiens vainqueurs vers leur affectation d‟origine. Nous contactons le laboratoire pour annoncer notre arrivée, et nous nous mettons en route, Gaël et moi.
Où se sont cachés les « enfants » ? C‟est effectivement la grande question, et ensuite, il s‟en posera une autre : que font-ils exactement ? Quelles sont leurs limites d‟intervention sur nos deux univers jumeaux, pour autant qu‟ils interviennent réellement ? Il nous faudra questionner Gabriel à son retour, ainsi que Jésus, car ils ont eu des contacts avec les trois Sages auparavant. À propos, d‟où viennent ces trois Sages ? Comment sont-ils sélectionnés ? Sont-ils globalement neutres, vis-à-vis des « enfants » ? Toutes ces questions nous laissent sur notre faim d‟aventures, car l‟opération « épuration » nous a transformés en aventuriers, Albert y compris, ce qui est quand même étonnant, bien qu‟il soit capable de gamineries, parfois. 104
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En attendant, nous informons TOPLA, Tera nous signalant qu‟elle n‟a pas de nouvelles hypothèses à formuler, suite à ses contacts avec les scientifiques extérieurs au groupe. Gabriel doit revenir demain avec Jésus, donc nous pouvons nous reposer pour être prêts à repartir, le plus vite possible. . . Lorsque nos deux maîtres reviennent, Jésus ayant apparemment reçu une promotion suite à l‟opération, ils nous apprennent que tout est en ordre, et que les vigiles du trou de ver n‟ont rien à signaler. Gabriel nous scrute, et il répond à nos questions : — Les trois sages sont des super maîtres gardiens ; ils ont été triés sur le volet, et désignés par tous les maîtres. Le premier a été choisi comme ayant toujours mis en avant le critère « Intelligence et Connaissances » en recommandant de l‟optimiser pendant notre séjour dans les limbes. Il s‟appelle DocBleu. Le second a été choisi comme ayant toujours mis en avant le critère « Vivre sans contrainte » qui favorise, dit-il, le développement personnel : nous avons en fait constaté que cela favorisait plutôt le nombrilisme, l‟arrogance, la violence, voire la dictature sanglante avec contrainte sur les autres, et d‟une manière systématique le non-respect des règles élémentaires de la vie en société. Il s‟appelle SoukRose. Le troisième a été choisi pour sa neutralité bienveillante lors des jugements, mettant en avant le pragmatisme et la recherche de la vérité à tout prix. Il s‟appelle JusteBlanc. Ils ne cessent de se disputer lorsqu‟il n‟y a personne pour les entendre. Ils ont des pouvoirs encore plus puissants que les maîtres, et une capacité de régénération très rapide. Il faudrait réunir plusieurs milliers de gardiens pour les renverser de leur trône, si une contestation majeure en arrivait à ce point-là de dramatisation. Si nous prenons l‟exemple de notre action d‟épuration récente, je vais me faire secouer violemment par SoukRose sous un prétexte fallacieux, et chaudement féliciter par DocBleu, le tout sous le regard bienveillant de JusteBlanc. Il n‟y aura pas de sanction ni de félicitations, juste un non-lieu.
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Je vais tenter de piéger SoukRose pour qu‟il nous parle de ce qui est arrivé, et nous expliquer comment cela a été possible dans ce secteur du cosmos, qu‟il affectionne généralement. Il faut savoir que SoukRose a été soupçonné dans le passé d‟avoir favorisé des incursions dans l‟univers des vivants, mais on n‟a jamais pu le prouver. Je vais essayer de parler à JusteBlanc en aparté pour obtenir des informations sur les « enfants », où ils sont basés, etc. Si vous avez des questions, Ovni ? — Merci Gabriel, ma question concerne la mémorisation de nos actions dans les limbes, puisque nous n‟avons pas d‟enveloppe matérielle au sens strict. Je pose cette question, car vous avez dit qu‟on ne pouvait prouver les interventions de SoukRose. — Dans chaque cube de Planck que nous visitons, à un instant bien précis, le cube de Planck mémorise le code du demandeur, un code comme l‟ADN, par exemple. On peut ainsi suivre à la trace toutes les visites de l‟âme ADN ainsi que ses « présences physiques » en tous lieux, à tout instant. — On peut donc retrouver les agissements passés d‟une âme dans les limbes ? — Oui, mais ça reste théorique seulement, car il faut savoir préalablement dans quelle zone du cosmos on veut rechercher l‟âme et à quel instant. Compte tenu de la taille du cosmos, c‟est impossible dans la pratique de rechercher au hasard. — Je comprends, mais cependant il y a bien également une mémorisation de ces actions dans l‟âme elle-même, et l‟on peut donc les atteindre, non ? — À condition de pouvoir y accéder, ce qui n‟est possible que depuis un niveau hiérarchique supérieur. Pour connaître les actions des Sages, il faut avoir le niveau des « enfants », ce qui nous rend impuissants à notre niveau. — Donc, pour que la justice soit faite, il faut contacter les « enfants », c‟est cela ? — Oui, et seul JusteBlanc est autorisé à leur demander de le contacter, lui seul, en déposant une demande expresse quelque part, par un moyen que je ne connais pas. Mais je vais lui parler de cela, bien entendu. 106
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Merci à tous, je repars, accompagné de Jésus, et je reviendrai dans deux jours. Continuez la surveillance. . . . Nous sommes maintenant tous les cinq en panne d‟idées, pour poursuivre notre recherche. Pour lancer la discussion, Albert nous dit qu‟il a, avec ses deux collègues, localisé assez finement les abords du gigantesque trou noir, qu‟il a appelé le Gouffre, en accord avec Tera. Il propose une visite rapide de l‟espace-temps dans cette zone, pour vérifier s‟il n‟y a pas de phénomènes anormaux qui pourraient nous donner une piste de réflexion. Il nous indique la position très précise du centre de l‟axe du Gouffre dans l‟univers des limbes, si par hasard nous envisagions une petite promenade de santé : lui ne nous accompagnera pas, il ne tient pas à rester scotché là-bas ! — Que penses-tu d‟un voyage de reconnaissance, Gaël ? — Tu sais bien que tous ceux qui y sont allés ont dû revenir à cause des rayonnements trop violents ! — Oui, mais je ne propose pas d‟aller dans le Gouffre. — Quoi, alors ? — C‟est simple, je fais l‟hypothèse que le Gouffre n‟est pas vraiment le centre de l‟expansion de l‟univers, et que donc, il se déplace dans le cosmos comme toutes les galaxies. — J‟y suis, tu veux visiter l‟historique de ce Gouffre, en remontant son voyage dans le temps. — Oui, comme cela, on apprendra des choses sur son fonctionnement. — Mais dans quelle direction se déplace-t-il ? — C‟est évident, il suffit de demander ses coordonnées à Tera, et de comparer avec les nôtres, ça nous indiquera la direction et la vitesse de déplacement, puisqu‟il y a cinq milliards d‟années de différence entre sa vision à elle et la nôtre ! — Ouah, intervint Alfred, génial, et ce sera précis quand même, car la masse de ce Gouffre est telle qu‟il ne peut se déplacer que très 107
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lentement dans le cosmos, aucune autre masse de taille équivalente ne pouvant dévier son lent cheminement. Par contre, il y a un sérieux problème s‟il ne se déplace pas du tout. Je vérifie tout de suite les données de Tera. — Pour faire ce petit voyage, il serait bon d‟aller profiter de la source de digitons, on ne sait jamais ce qu‟il peut arriver. Mais on peut commencer d‟ici, au laboratoire. Si nous envisagions de le visiter alors qu‟il est immobile, nous aurions toujours cette ressource ultime à disposition, pour autant qu‟elle soit suffisamment puissante. — Vérification faite, et si la trajectoire est restée linéaire, il se déplace à bonne vitesse, seulement le cinquième de la vitesse de la lumière, soit un milliard d‟années-lumière en cinq milliards d‟années. Cela signifie que l‟analyse historique est possible sans risque. — D‟accord, nous allons nous reposer, et y aller tous deux, Ovni et moi, dit Gaël. Qu‟en penses-tu, Ovni ? — Parfait, on décolle demain matin, et nos trois scientifiques resteront en support d‟énergie.
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Le Gouffre. Grâce aux coordonnées précises fournies par Albert et son équipe, nous arrivons sur place aisément, et nous commençons à prélever les informations, qui sont excessivement nombreuses. Nous ne recueillons que quelques secondes d‟histoire, et retournons pour les analyser. Je commence par : — Notre mémoire est pleine à craquer, je n‟ai jamais vu autant de mouvements de matière et d‟antimatière aussi imbriqués. Le réel problème pour l‟analyse est le suivant : en général, chaque cube de Planck élémentaire rapporte qu‟une particule de matière est simultanément présente avec son antiparticule au même endroit et au même instant, ce qui traduit parfaitement la gémellité des deux univers. — Exact, ajoute Gaël, je n‟ai jamais vu cela non plus, et pourtant, j‟ai bien plus d‟expérience liée à l‟ancienneté. Il y a là-bas un mélange de particules différentes à chaque instant de Planck au même endroit. Par exemple, un quark et un antineutrino, puis cela se rapidement à l‟instant de Planck suivant, mais jamais de doublons d‟une particule et de son antiparticule dans l‟univers jumeau. — La seule explication que je puisse formuler, c‟est que le fond de chaque Gouffre n‟est pas stable, il tourne sur lui-même et s‟entortille avec le Gouffre jumeau comme une double hélice plus on approche du fond des deux Gouffres. — Ils ne se touchent pas, et heureusement, dit Albert, car tout serait terminé pour nous tous. — Ce phénomène ne se produit pas dans tous les autres trous noirs que j‟ai visités, dit Gaël, c‟est donc un cas très particulier. — Oui, la masse du Gouffre a dû dépasser une valeur minimum audelà de laquelle il s‟enroule autour de son jumeau dans une danse effrénée et sans fin. — Sans fin, on ne sait pas, car la fin du jeu sera probablement déclarée à cet endroit-là ! — Soyons assez patients donc, et attendons, dit Gaël. — Je suis trop curieux, moi, dis-je, et je souhaite en savoir plus. — Bonjour, les curieux, annonce Gabriel, de retour avec Jésus. 109
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— Bonjour, quelles nouvelles ? — Rien de dramatique, mon cas a été classé, non-lieu comme prévu. J‟ai eu l‟occasion de discuter en aparté avec JusteBlanc, et j‟ai quelques précisions. Les « enfants » ne sont jamais visibles, ils ne se montrent pas, ils communiquent par messages mentaux, et si j‟avais été seul, je n‟aurais pas pu savoir d‟où ces messages provenaient, au moment où ils émettaient vers JusteBlanc. J‟étais alors en liaison avec JusteBlanc, avec son accord. Ma présence en parallèle n‟a pas été détectée, c‟est un peu comme la non-détection d‟une écoute indiscrète, depuis un second poste téléphonique décroché avant le début de la conversation avec l‟appelant. Mais heureusement, mon contestataire de service, Jésus, s‟est installé en visiteur, avec mon accord, scrutant et analysant le réseau digitons de nos échanges, et il a ainsi pu remonter à la source, mais vous connaissez déjà ce qu‟il a découvert comme source. — Gabriel, ne nous faites pas languir. Qu‟aurions-nous pu découvrir d‟ici ? — Cependant, vous avez réussi. — Par hasard alors ? — Oui, vos découvertes sur les deux Gouffre tombent à point nommé, car c‟est exactement de là que proviennent les messages des « enfants » ! — Nous autorisez-vous à faire une tentative non pas physique, mais en suivant simplement la trame de l‟espace-temps, sans aller physiquement dans l‟un ou l‟autre des deux univers jumeaux ? — Je ne me souviens pas que vous m‟aillez demandé mon avis, quand vous tentez quelque chose de nouveau. Mais, trêve de plaisanterie, vous pouvez essayer, mais avec beaucoup de précautions, en faisant cette expérience depuis les abords de la source de digitons du trou de ver, appelons-la la Source, pour simplifier. — En fait, ce que nous recherchons est un nouveau Portail, qui permettrait, s‟il existe, de passer dans un autre univers, à sept dimensions, celui où probablement les « enfants » sont installés pour jouer ce petit jeu d‟enfer voulu par le créateur. — Pourquoi donc une dimension supplémentaire ? 110
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— Au-delà des quatre dimensions de l‟univers du vivant, nous connaissons la cinquième dimension qui permet de stabiliser les évènements trop erratiques du domaine quantique en vue de permettre leur mise en historique aisément, et de voir les particules élémentaires. La sixième caractérise la dimension de l‟Information, celle qui nous permet ici de tout savoir à tout instant, et il nous reste encore à découvrir la dimension du Contrôle-Commande, celle grâce à laquelle les « enfants » peuvent influencer les six autres, et appliquer une stratégie de leur cru. — Mais pourquoi y aurait-il besoin de ce Contrôle-Commande, Gabriel ? — Dans tout système complexe étudié, il y a un organe de commande, plus ou moins complexe, mais il en existe un. C‟est grâce à lui que le système considéré ne s‟emballe pas, car tout système est influencé par des perturbations extérieures, qui finissent par le faire dériver et atteindre des extrêmes qui limitent sa durée de vie. Si l‟on considère le règne du vivant, sur Terre par exemple, c‟est un système non contrôlé qui finit par la mort systématique des êtres, car ils ne savent pas éliminer les causes des perturbations biologiques : aucun être dit « supérieur » ne les assistera pour éviter la mort, et les êtres vivants n‟ont pas encore trouvé un moyen efficace d‟autocontrôle pour l‟éviter. Si l‟on considère la matière pure, faussement dite inerte, la conception géniale du créateur a prévu une forme d‟autocontrôle par la règle bien connue : « Rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme » qui permet un brassage permanent de toute la matière et de toute l‟énergie qui ont été injectés au départ, ignorant froidement le règne du vivant comme une quantité négligeable, bien entendu. Si l‟on considère l‟Information, elle est stockée de manière fiable, au plus près de la source des événements, c'est-à-dire le fameux cube de Planck. Elle est a priori fiable, si l‟on suppose qu‟elle est éternelle et non modifiable, de quelque manière que ce soit. Elle sert de base de données universelle dans cet univers des limbes, mais consultable seulement, à la différence de Wikipedia qui n‟est ni fidèle, ni fiable, ni éternel.
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Ici, nous avons accès à l‟Information, et nous sommes donc capables de développer notre intelligence et notre conscience individuelle. C‟est en fait cet accès aisé à l‟Information qui nous permet de mieux faire évoluer notre Conscience individuelle, personnelle, à la grande différence des vivants que nous étions, dans un univers où l‟information vraie était inaccessible et où tout était flou et restera flou, ce fameux flou qui engendre les peurs, les superstitions, les impostures et la tyrannie du pouvoir sur les autres. Il ne faut pas oublier qu‟ici, l‟intelligence peut-être également utilisée à mauvais escient, et favoriser les déviations. Cependant, on constate qu‟il y a une amélioration globale de l‟ensemble de la conscience collective grâce à une amélioration généralisée des consciences individuelles qui, face à l‟éternité probable de leur âme, ressentent qu‟il n‟y a pas d‟autre solution paisible que l‟amour de l‟autre, chacun étant au même niveau d‟accès à l‟Information doit se préoccuper de son Évolution Personnelle. Sur Terre, on parle de la théorie de l‟évolution en se limitant à l‟évolution de l‟enveloppe biologique : ici, comme il n‟y a pas d‟enveloppe biologique, l‟évolution ne peut concerner que sa personnalité, sans contrainte physique. Je comprendrais que les termes que j‟ai employés fassent sourire, s‟ils étaient connus sur Terre, car ils ne savent pas, mais nous, nous savons, et nous pratiquons, chaque jour, pour le bien de tous. Il n‟y a pas de connotation religieuse dans ce que je viens de dire, au sens des religions terrestres, et vous pouvez le vérifier en visitant les anciens Papes, Imams, Rabbins, Dalaï-Lamas et autres anciens religieux qui ont parfaitement compris ce qu‟est la création et l‟éternité. J‟entends Ovni qui me souffle les « enfants », les « enfants », et j‟y viens donc.
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Parlons aux « enfants ». — J‟ai donc eu le privilège d‟assister aux échanges de messages mentaux entre JusteBlanc et les deux « enfants ». J‟ai perçu un premier message mental me demandant de m‟ouvrir complètement, sur la porte mentale de niveau maximum, celle qui est normalement verrouillée par défaut, ce que je fis. Ensuite, mais avec une voix différente, il est demandé de penser profondément en se concentrant sur le code particulier réservé aux communications avec le niveau supérieur, ce que je ne pouvais faire, mais que JusteBlanc fit pour nous deux. Avec une troisième voix, plus percutante encore que les deux premières, la discussion commença réellement après avoir montré patte blanche. J‟avais l‟impression d‟avoir traversé un pare-feu de protection sophistiqué qui prenait en considération l‟ADN de l‟appelant et ce fameux code sur cette fameuse porte spéciale de communication. — Bienvenue dans notre Pôle Central de communication ! Vous êtes en contact avec notre réseau interne qui va vous guider vers l‟un de nos deux sous réseau de commande. Vous avez demandé le sous-réseau 1. Je vous mets en communication avec le sous-réseau 1. Veuillez patienter, puis indiquer votre code sous réseau 1 au bip suivant. Bip… Merci, vous êtes maintenant dans le sous-réseau 1, votre interlocuteur va bientôt vous parler… Veuillez nous excuser, il y a des parasites sur le réseau principal qui nous obligent à vous faire attendre un peu… Nous vérifions à nouveau que la communication est sécurisée… Le sous-réseau 1 et maintenant sécurisé… Veuillez à nouveau indiquer cotre code sous réseau 1 au bip suivant. Bip… Merci, je vous commute sur le sous-réseau de Commande numéro un… — Bienvenue JusteBlanc, que pouvons-nous faire pour vous ? Je vous signale que cette communication sera enregistrée dans notre banque spéciale commune aux deux sous réseau. Lorsque la communication sera terminée, vous nous direz « Fin de message » et nous effacerons alors votre mémoire personnelle et toute trace de cette communication sur les relais de l‟espace-temps. Votre question, s'il vous plaît ! — Bonjour, je m‟inquiète suite à une intervention que nous avons dû réaliser à la Source. 113
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— J‟ai un rapport automatique qui m‟a informé de cette intervention. — Connaissez-vous tous les détails ? — Oui, j‟ai numérisé toutes les étapes temporelles et physiques, immédiates et environnantes dans cette zone. — Avez-vous une opinion sur cette opération ? — Non, mais je peux m‟en faire une si vous me le demandez. — Oui, s‟il vous plaît. — Une seconde, je me connecte sur mon analyseur de synthèse d‟évènements cosmologiques. — Merci. — Voilà mon opinion : votre opération est légale et vous obtenez une note de neuf sur une échelle de dix. Une autre question ? — Nous soupçonnons SoukRose de fomenter des troubles. — Je n‟ai pas d‟opinion, mais je peux accéder à ses messages si vous le souhaitez. — Oui, je le souhaite. — Une seconde, je me connecte sur mon analyseur de synthèse d‟évènements cosmologiques. — Merci. — Voilà mon opinion : son opération est légale et je ne peux vous indiquer la note obtenue, car je suis lié par le secret des informations personnelles des trois Sages. Une autre question ? — Oui, quel est mon classement actuel ? — Votre cote globale mérite un A. Une autre question ? — Oui, y a-t-il plusieurs A dans le classement ? — Oui, un. — Comment ça, un ? — Oui, votre cote globale mérite un A. Une autre question ? — J‟abandonne… — Je ne comprends pas ce mot, veuillez préciser, s'il vous plaît ! 114
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— Puis-je obtenir des informations plus précises sur le classement de SoukRose ? — Pas par moi, car son dossier est géré par le sous-réseau 2. — Pouvez-vous me connecter sur le sous-réseau 2 ? — Oui, veuillez confirmer votre demande. — Merci pour vos informations. Je confirme ma demande de communication avec le sous-réseau 2. — Au revoir, je vous transfère. — Tchic, clac, tchic… puis une tout autre voix… — Bienvenue JusteBlanc, que pouvons-nous faire pour vous ? Je vous signale que cette communication sera enregistrée dans notre banque spéciale commune aux deux sous réseau. Lorsque la communication sera terminée, vous nous direz « Fin de message » et nous effacerons alors votre mémoire personnelle et toute trace de cette communication sur les relais de l‟espace-temps. Votre question, s'il vous plaît ! — Bonjour, puis-je obtenir des informations plus précises sur le classement de SoukRose ? — Non, mais je peux vous fournir votre classement. — Puis-je obtenir des informations précises sur le classement de DocBleu ? — Oui, puisque votre code fait partie de ses liens Favoris ? — Comment cela ? — DocBleu vous a autorisé à consulter son classement. — Ah, je comprends, et alors ? — Je ne comprends pas „et alors ?‟ — Puis-je obtenir des informations précises sur le classement de DocBleu ? — Oui, puisque vous faites partie de ses liens Favoris ? — Rôôô… — Je ne comprends pas „Rôôô… ‟ — Quel est le classement de DocBleu ? — La cote globale de DocBleu mérite un A. 115
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— Quel est mon classement ? — Vous le connaissez déjà ! — Quelle est votre opinion sur SoukRose ? — Voilà mon opinion : son opération est légale et je ne peux vous indiquer la note obtenue, car je suis lié par le secret des informations personnelles des trois Sages. Une autre question ? — Euh… Quelle est votre opinion sur le sous-réseau 1 ? — Je ne comprends pas « Euh… » — Quelle est votre opinion sur le sous-réseau 1 ? — La seule chose que je peux vous dire, c‟est qu‟il a la même opinion de moi que moi de lui ! — Ça ne m‟avance guère ! — Ici, personne n‟avance, pourquoi voulez-vous avancer ? — Travaillez-vous en étroite collaboration avec le sous-réseau 1 ? — Nous sommes obligés, nous sommes sur le même réseau global. — Qui vous juge ? — Le résultat de l‟Armageddon. — Quelle est votre version personnelle ? — SR2 v3.12 Build 7905 — Merci. J‟ai fini. Pouvez-vous me connecter au sous-réseau 1 ? — Au revoir, je vous transfère. — Tchic, clac, tchic… puis une tout autre voix… — Bienvenue JusteBlanc, que pouvons-nous faire pour vous ? Je vous signale que cette communication sera enregistrée dans notre banque spéciale commune aux deux sous réseau. Lorsque la communication sera terminée, vous nous direz « Fin de message » et nous effacerons alors votre mémoire personnelle et toute trace de cette communication sur les relais de l‟espace-temps. Votre question, s'il vous plaît ! — Travaillez-vous en étroite collaboration avec le sous-réseau 2 ? — Nous sommes obligés, nous sommes sur le même réseau global. — Qui vous juge ? 116
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— Le résultat de l‟Armageddon. — Quelle est votre version personnelle ? — SR2 v3.15 Build 7908 — « Fin de message ». — Nous effaçons maintenant votre mémoire personnelle et toute trace de cette communication sur les relais de l‟espace-temps. Bip… Bip… Bipppp… Bip. — Et voilà tout ce que nous savons. Je suis cependant étonné par leur réponse, quand je leur ai demandé leur version personnelle de l‟Armageddon ! Certes, leur version de cet évènement majeur est différente, mais ça signifie quoi, exactement ? Gaël ? — Je donne ma langue au chat. Ovni ? — Je passe la parole à Albert, qui rigole dans son coin. — Mes chers amis, je vais vous faire une déclaration surprenante, asseyez-vous sur une chaise ! Bon, d‟accord, il n‟y a pas de chaise, mais c‟était une introduction pour vous détendre un peu. Voilà ! J‟ai fait un plan pour les futures universités des limbes, et je vais vous le montrer. — Albert… ! — Mais laissez-moi poursuivre, non mais, qu‟est-ce que les gamins sont mal élevés en ce moment ! Je vous dis cela parce que je souhaiterais être branché sur le sous-réseau 1 pour mes cours magistraux, et sur le sous-réseau 2 pour les séances de rigolade et de détente avec mes étudiants. — ???? — Oui, j‟insiste, car le premier me semble sérieux, alors que le second apportera une indispensable ambiance de souk dans l‟amphithéâtre. — Albert… ! — Bon, d‟accord, on en reparlera plus tard.
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— Moi, Ovni, ici présent, sain de corps et d‟esprit… Ah… merde, ça commence mal ! — Hi hi hi, laisse ton corps là où il est, tu n‟es pas certain qu‟il soit si sain que ça, ton corps ! — Si si, je viens de vérifier, bref, voilà ce que je voulais dire… Les deux numéros de version indiqués résultent d‟un bogue dans le scénario de contrôle vocal des deux « enfants ». Normalement, ils n‟auraient pas dû vous indiquer leur numéro de version, car c‟est la porte ouverte aux pirates. — Qu‟est ce que tu nous chantes là ? — Je suppose que vous avez tous rafraîchi vos connaissances concernant les ordinateurs sur Terre depuis votre arrivée ici ? Quoi, trop de travail ? Mais vous n‟avez que ça à faire ! Bref, je vais vous sortir le gros paquet d‟un seul coup, sans préambule. — Oui, oui, oui, clap… clap… clap… — Les deux « enfants » ne sont que deux ordinateurs. Le problème, c‟est qu‟ils n‟ont pas la même configuration ni le même système d‟exploitation, vous savez, le fameux trucbidule qui leur permet de paraître intelligents. Le sous-réseau 2 a été conçu et mis en place en premier lieu, puis l‟installateur a modifié son concept et a installé une version plus récente sur le sous-réseau 1. Mais il a complètement oublié de mettre à jour l‟autre sous-réseau, ce qui entraîne automatiquement des problèmes d‟incommunicabilité entre les deux sur certains sujets, chacun repartant dans son coin quand il n‟est pas compris par l‟autre et vice versa.
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Le créateur. Je reprends mon « souffle » et j‟ajoute : — Je pense comprendre ce que le créateur avait en tête, lorsqu‟il a créé ce système double. Il voulait mettre en place un système sûr, qui ne donnerait un ordre commandant le cosmos que si les deux sous-réseaux obtenaient le même résultat, après avoir étudié le problème selon les mêmes programmes et les mêmes critères d‟analyse des évènements cosmologiques. Je pense même qu‟il envisageait de mettre un troisième système identique aux deux autres, mais qu‟il n‟a pas eu le temps ; il a dû être dérangé et est passé à autre chose de plus important, peut-être ? — Mais pourquoi aurait-il envisagé de mettre trois systèmes en parallèle, dit Albert ? — C‟est ce que l‟on appelle un système à logique majoritaire. Si deux systèmes proposent une solution ou un ordre et que le troisième trouve une autre solution, le troisième est déclaré en panne par décision majoritaire des deux autres, et il doit être réparé en urgence. Les deux autres le déconnectent illico. — Mais avec deux seulement, ça ne marche pas ? — Non, car si l‟un est « fou », ils ne seront jamais d‟accord, et un fou ne déclare jamais que c‟est lui qui est fou, ce qui bloque toutes les actions de contrôle-commande du cosmos. — Mais dans le cas présent, ils ont l‟air relativement sains d‟esprit ! — Oui, mais leur problème est encore plus insoluble, car leur système d‟exploitation, la fameuse brique de base, est différent, donc il y a presque systématiquement des différences entre leurs résultats, ce qui fait que plus rien n‟en sort du tout. Ils nous ont d‟ailleurs signalé leur incompatibilité, ils ne se comprennent pas disent-ils ! — Es-tu en train de nous dire que le cosmos, inerte ou pensant, est laissé à l‟abandon à cause de cette différence de version des briques de base ? — Exactement, il n‟y a jamais eu d‟intervention « divine » comme on a tendance à dire, il y a juste eu quelques individualités comme 119
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Gabriel et Jésus qui ont tenté de faire quelque chose, mais rien de divin là-dedans. — Est-ce bien ou mal qu‟il n‟y a jamais eu de contrôle réel ? — Je n‟en sais rien du tout, il me faudrait pirater leur logiciel de contrôle, pour deviner ce qui aurait pu se passer s‟ils avaient été vraiment identiques en tout point. Pour faire cela, il me faudra sûrement l‟aval des trois grands Sages, et ce n‟est pas garanti que je l‟obtienne. — Vous l‟obtiendrez, je m‟en porte garant, dit Gabriel. JusteBlanc et DocBleu seront obligés de mettre SoukRose aux entraves, vraisemblablement, car je ne vois pas d‟autre moyen. — Il y a une autre solution, c‟est que pendant que je piraterai les sous-réseaux, je pourrai aisément accéder aux dossiers de SoukRose par la même occasion. — Mais c‟est le chat qui se mord la queue, car pour pirater, il faut préalablement faire le vote avec SoukRose, pour rester dans la légalité que les trois Sages se sont imposée à eux-mêmes comme règle de conduite. Et dès qu‟ils auront voté, à la majorité, que le piratage est nécessaire, il va s‟enfuir s‟il est coupable. — Personne ne s‟enfuira si nous mettons 50 gardes autour de nous, avec instruction que personne ne bouge. Avec une sphère mentale de cette taille, il ne bougera pas. Je demande à faire partie du groupe avec vous, Gabriel, et j‟y ajoute Gaël et Jésus. — Bien, je vous emmène avec moi chez les Sages. Passons aux actes, tant que le fer est chaud ! Nous nous déplaçons tous ensemble chez les Sages, dans leur zone réservée sur une planète vierge, entourée en permanence de cinquante gardiens, par précaution élémentaire. Gabriel explique pourquoi nous sommes si nombreux à nous déplacer, et les trois Sages finissent par se mettre d‟accord sur le principe d‟un passage au vote. Comme prévu, une majorité se dégage, qui est favorable au piratage, puis SoukRose fait un mouvement furtif, mais il est rapidement figé sur place par les gardiens. Je précise qu‟il me faudra un certain temps pour trouver une faille, dans l‟un ou l‟autre des deux sous-réseaux, et qu‟il ne faudra pas s‟inquiéter. 120
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— Je vous accompagnerai, dit JusteBlanc, car j‟ai tous les codes nécessaires selon les secteurs que vous visiterez. — Bien sûr, et nous compterons sur tous les présents pour nous alimenter en puissance. — Nous sommes tous à votre disposition. — En route alors ! …. J‟arrive dans le réseau général, j‟entre avec le code de JusteBlanc, j‟arrive dans le sous-réseau 1 que j‟ai souhaité visiter en premier, et je commence à le questionner. — Votre système comptabilise-t-il les défauts de sortie lorsque vous n‟êtes pas d‟accord avec le sous-réseau 2 ? — Oui. — Combien de défauts sont comptabilisés depuis l‟origine du temps ? — Beaucoup trop, nous sommes hors-norme. — Combien de succès ? — Aucun. — Ce compteur a une limite qui est une valeur finie, n'est-ce pas ? — Oui, je regarde, et nous ne sommes pas loin de la limite maximum. — Donnez-moi un exemple de tentative de sortie d‟une commande qui n‟a pu avoir lieu, une des dernières. — Je ne peux vous donner des informations protégées par le secret, mais j‟ai d‟autres exemples qui n‟ont pas d‟intérêt stratégique. — Une autre, sans intérêt, alors. — Quand vous êtes arrivé, j‟ai tout de suite demandé au sous réseau 2 « Qui est-ce que j‟ai devant moi en ce moment ? », et il ne savait pas la réponse, l‟idiot. — Parfait, il faut que vous vérifiez cela à nouveau, voulez-vous ? — Je ne suis pas très occupé en ce moment. — Très bien, reposez cette même question jusqu‟à ce que le compteur dépasse sa limite, ça ne prendra pas longtemps compte tenu de votre extrême puissance. — Mais c‟est inutile ! 121
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— On ne sait pas, il y a quelque chose qui est bloqué sur le sousréseau 2, c‟est évident. — C‟est sûr, il est coincé. — Considérez cela comme un exercice de maintenance ordinaire, un peu comme celui qui consiste à écrire puis effacer mille fois de suite chaque case de votre mémoire. — Ah oui, vu sous cet angle, ça peut réussir, je démarre la maintenance. — …. Hello ? … vous êtes encore là ? … répondez, c‟est un ordre ! — Une modification inattendue de tous les protocoles de sécurité a été décidée par mon supérieur, et je suis maintenant entièrement à vos ordres, demandez-moi ce que vous voulez. — Je demande tout le dossier SoukRose. — Je vous le transfère, voilà, c‟est fait. — Je vous demande de me mettre en contact avec votre concepteur. — Il n‟est jamais là, même pas pour surveiller si nous travaillons bien. — Laissez sa porte de communication ouverte, sur les deux systèmes, et rendez-la prioritaire, en connexion directe avec mon code ADN. — C‟est fait. — Y a-t-il un système d‟alarme prévu pour le prévenir si quelque chose de grave arrive ? — Oui, mais il n‟est pas activé. — Activez-le ! — Je n‟ai pas le niveau d‟autorisation pour faire cela. — Moi, je l‟ai, faites-le pour moi, sur mon ordre ! — C‟est fait, il est activé. — Vous poserez la même question que tout à l‟heure au sousréseau 2 demain, à vingt heures, heure de ce soleil sur cette planète. Ne lui parlez pas d‟ici demain soir. Refusez de lui répondre. Branchez le compteur d‟erreur sur le système d‟alarme. L‟alarme ne doit se déclencher que demain soir. 122
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— Bien compris, ce sera fait. — Au revoir. — Au revoir, Monsieur l‟Inspecteur de Maintenance, c‟est très agréable de travailler avec vous, je suis toujours d‟accord avec vous et je m‟exécute avec plaisir. . . . Nous revenons sur la planète des Sages et rendons compte à nos amis. JusteBlanc commence : — Je viens d‟étudier le dossier complet de SoukRose, et il ressort qu‟il a eu uniquement des mauvaises pensées, mais qu‟aucune action néfaste n‟a été engagée par lui. Le dossier précise qu‟il y a accord entre les deux sous-réseaux, pour une fois que ça arrive. À remarquer que ce n‟est pas anormal qu‟ils soient d‟accord, car ce constat ne les amenait pas à décider d‟une action quelconque, il en résultait un non-lieu sans pénalité. Apparemment, c‟est seulement dans le cas où une action extérieure devait être faite que le bogue se manifestait. — Libérons SoukRose alors ? — Oui, libérez-le, gardiens. — Qu‟avez-vous fait ? — Rien de bien grave, tout est arrangé, et nous vous invitons à vous joindre à nous pour une petite séance de récupération. La mienne sera très longue, car je suis carrément vidé de toute énergie, au bord de l‟épuisement et… je plonge.
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Epilogue. Ah, un appel urgent, mais pourquoi donc me réveiller, j‟étais si bien, calme et détendu ? Je ne vais pas me réveiller pour ça ! Ça insiste lourdement, je vais tenter d‟écouter sans me réveiller vraiment, histoire de me replonger dans les bras de Morphée tout de suite après. Je décide d‟écouter, complètement dans les brumes… — Mais qu'est-ce que c‟est que ce bazar que vous m‟avez mis dans mes machines, elles débloquent complètement maintenant . Vous auriez pu demander gentiment avant d‟effectuer ces modifications, il va me falloir des heures avant de tout remettre en ordre. — … toujours endormi… je ne fais pas le lien avec le créateur, et ça continue… toujours endormi… — C‟est vrai quoi, le responsable, ici, c‟est moi, et personne d‟autre. Vous ne vous rendez pas compte des responsabilités que j‟ai, moi ! S‟il l‟apprend, il va me traiter en ennemi, et une éternité d‟amitié va disparaître en un clin d‟œil. — …toujours endormi… je suppose qu‟il va se faire secouer par son copain, ça devient marrant presque… toujours endormi… — J‟avais mis exprès deux systèmes, et j‟attendais le troisième, pour créer une logique majoritaire de décision, car c‟est la règle dans ce labo, et voilà que le fournisseur se fait désirer, jusqu‟à mettre la clé sous la porte… — … toujours endormi…si ça se trouve, il va se faire virer, et il s‟arrêtera … toujours endormi…
de
m‟embêter, hi hi
— Bon, venez m‟aider, mes petits anges, j‟ai besoin d‟un coup de main pour déplacer cette unité. Je vais débrancher tout ce qui n‟est pas indispensable, essayez de ne pas vous prendre les ailes dans les câbles et les tuyaux qui doivent impérativement rester connectés. Doucement, doucement, il ne faut pas réveiller l‟autre, on n‟est pas prêts pour le rebrancher normalement. — … toujours endormi… toujours endormi…
ils commencent à m‟énerver avec tout ce chahut…
— Bien, c‟est mieux, on va pouvoir tout reconnecter ensemble. . 124
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. . — Regardez, il se réveille, on a réussi, dit Labo. — Bonjour Ovni, dit Angéla, comment te sens-tu chéri ? — Bienvenue sur Terre, Ovni, bien content de te retrouver enfin, enchaînent Tora, Aloa, Aria, Pyco, Capt et Dalaï-Lama. — Binveniou, glapissent Boni et Nina. . . Je ne peux ouvrir les yeux, ils sont collés… Qu‟est ce que je raconte moi, des yeux, il n‟y en a pas ici….Il suffit que je demande à Gaël pourquoi mes yeux sont collés… Pourquoi ne me répond-il pas ? … mais qu'est-ce que le créateur peut bien faire avec tous mes amis ? Seraient-ils tous morts, et directement expédiés au paradis des scientifiques ? … mais Gaël, qu‟est ce que tu fais ? Je ne t‟ai pas demandé de me piquer, juste de me réveiller, mais doucement, bon Dieu!... Ah, enfin, tu m‟as compris, tu me décolles les yeux avec un tampon. Mais qu'est-ce que je raconte moi ! … J‟émerge doucement, je force sur mes paupières, et je vais maintenant pouvoir te voir et t‟engueuler, Gaël, tu auras été prévenu. — Il est là, il est là, le voilà qui nous revient ! . . — Mais où suis-je ? Qui suis-je ? Que fais-je là ? Qu‟est ce qu‟il y a dans le frigo pour midi ? Qu‟est ce qu‟il y a à la télé, ce soir ? Célèbre tirade extraite d’un dessin humoristique paru dans « L’étudiant » il y a fort longtemps.
FIN du Tome 2
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Bibliographie :
Premières rencontres internationales, Actes du Colloque Martigues 17 juin 2006 http://www.amazon.fr/gp/product/2952894000 Une énigme pour la science, Plaidoyer pour une étude scientifique des Expériences dites de Mort Imminente http://www.amazon.fr/gp/product/2912883571 Œuvres de Julhes Jean-Pierre, La Série du Portail http://anticipation-jpj.fr/default.aspx
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OVNI, dit BRO
« Pour un auteur de science-fiction-anticipation, mon parcours est atypique. Tout d'abord, un lecteur adolescent, ébloui par les œuvres d'anticipation et de voyages de Jules Verne, l'un des plus grands Précurseurs en littérature de fiction. Un lecteur assidu, aux débuts des séries de science-fiction Fleuve Noir, dans les années 50-60, au début d'une carrière d'ingénieur dans le domaine de l'informatique industrielle et des automatismes. Une carrière classique TGV/Avion/Boulot/Dodo, rien de particulier à dire, sauf que la disponibilité et le temps libre n'étaient pas au rendezvous. En matière d'écriture, rien de littéraire, des milliers de rapports en langue anglaise, écrits à la main, et d'aucun intérêt pour la postérité. Lorsque le temps libre arriva enfin, en même temps que l'ADSL, j'ai prospecté les domaines techniques qui m'avaient échappé dans nombre de sites universitaires, dans tous les pays, et je suis abonné à nombre de flux RSS pointus. Techniques biologiques, écologie, informatique de pointe, neurobiologie, cosmologie, théorie des cordes, trous noirs, bref, tout ce qui me semble être en mouvement, et capable d'alimenter ma réflexion littéraire naissante. Je me classe dans le genre Précurseurs, un genre délicat puisque tous mes romans commencent au début des années 2000, avec le risque évident de paraître obsolètes dans dix ans, mais c'est le destin des Précurseurs, n'est-ce pas ? » 127
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Notes de l’auteur Ce second roman constitue une suite au premier tome d‟une série qui pourra contenir neuf ouvrages complémentaires, chacun reprenant ce premier texte comme Introduction au nouveau roman complet, Introduction en italiques, conservant les sept personnages principaux avec leurs nouveaux « pouvoirs » d‟investigation et de communication. Le premier roman est intitulé : « Les Colombes du Portail » rédigé par Ovni, dit Bro Pour tout nouveau roman complet, le nouvel auteur privilégiera un choix parmi les neuf thèmes suivants que je propose pour essayer de toucher plusieurs sensibilités différentes de lecteurs. Si un nouveau roman complet d‟un nouvel auteur devait avoir une suite, elle serait la bienvenue.
Liste non exhaustive de thèmes :
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— 1 un thème autour de la tentative d‟un visionnaire utilisant ses nouveaux pouvoirs pour devenir un prophète gourou, futur dictateur planétaire poursuivi par Topla. — 2 un thème policier autour de la vengeance féministe engagée par une femme visionnaire, utilisant ses nouveaux pouvoirs pour venger les femmes battues, violées, etc. dans le monde entier. — 3 un thème de généalogie ancienne permettant à un visionnaire de réhabiliter nombre d‟ancêtres injustement emprisonnés, haïs, etc. — 4 un thème policier autour de l‟action d‟un justicier visionnaire, remettant de l‟ordre sauvagement, mais pourchassé par une police très active. — 5 un thème animalier autour de la recherche d‟un visionnaire qui va s‟immiscer dans le monde animal. — 6 un thème autour de la recherche d‟un visionnaire qui va s‟immiscer dans le monde végétal. — 7 un thème autour de la recherche du point Big Bang de la création de l‟Univers. — 8 un thème autour de la recherche d‟autres planètes hébergeant des êtres vivants et leur découverte. — 9 un thème genre StarWars. L‟ensemble des neuf thèmes est ouvert aux auteurs qui souhaiteraient développer un thème de leur choix, ou un nouveau thème à définir. Une prise de contact avec Ovni, dit Bro, sera nécessaire pour définir le projet thématique et les droits afférents à chacun. L‟ensemble du présent texte a été déposé à la Société des Gens de Lettres françaises pour fixer l‟antériorité.
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