Jules Billaud Mémoire de Master

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Remerciements à : Joanne Vajda, pour son suivi, ses critiques et la motivation qu’elle sait toujours nous apporter. Maxime Le Trionnaire, Gwénaël Le Chapelain et Virginie Guillevic, architectes de la Résidence de Beauregard - Agence a/LTA, Sandra Leblond, responsable du Pôle Habitats Pluriels, NeoToa, François Rénier, architecte de le Résidence Simone de Beauvoir, Jean-Yves Loury, directeur, Espacil – Promotion locative, Brigitte Rault, directrice du Pôle Social, Espacil Habitat, pour les entretiens qu’ils ont bien voulu nous accorder, les documents qu’ils nous ont fournis et pour l’intérêt qu’ils nous ont porté. Yves-Marie Maurer, architecte, Point Info – Hôtel de Rennes Métropole, Bureau du Droit des Sols – Hôtel de Rennes Métropole, Archives Municipales de la Ville de Rennes, Bibliothèque de l’ENSAB : Sylvie Calvez, pour leurs aides ponctuelles mais nécessaires. et Françoise Baty pour ses relectures.



Sommaire

Glossaire ...............................................................................................................................3 Introduction ......................................................................................................................... 5

I- Les dimensions politiques et territoriales comme initiateurs de l’habitat intergénérationnel ..............................................................................................................11 A-

Des réflexions lancées à échelle sociétale ................................................................. 11

B-

A Rennes, des politiques engagées en faveur de l’habitat et du vieillissement ............ 19

II- Les dispositifs urbanistiques et architecturaux ou la construction d’un cadre de vie favorable à l’intergénérationnel ..........................................................................................25 A-

Intégration urbaine et mixités : à l’échelle de la ville ................................................... 25

B-

Qualité architecturale et mutualisation : à l’échelle du bâtiment .................................. 43

III- Le Projet de Vie, concrétisation du vivre ensemble ......................................................59 A-

Anticiper les besoins des résidents et fixer les ambitions du projet de vie .................. 59

B-

Après la livraison du projet : impulser la dynamique et mesurer la réussite ................ 65

Conclusion ..........................................................................................................................71

Corpus ................................................................................................................................75 Bibliographie ........................................................................................................................77 Annexes ..............................................................................................................................79 Table des Illustrations ..........................................................................................................87 Table des matières ...............................................................................................................89

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Glossaire ASL : Association Syndicale Libre : assemblée de différentes copropriétés pour la gestion de biens communs. EHPAD : Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes PADD : Projet d’Aménagement et de Développement Durable PLAI : Prêt Locatif Aidé d’Intégration PLH : Programme Local de l’Habitat PLS : Prêt Locatif Social PLU : Plan Local d’Urbanisme PLUS : Prêt Locatif à Usage Social SCCV : Société Civile de Construction-Vente SCoT : Schéma de Cohérence Territoriale ZAC : Zone d’Aménagement Concertée

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« Encore faut-il non seulement couvrir le manque de logements, mais encore, à l’instar de l’expérience néerlandaise, aller plus loin, se saisir de la nécessité de construire pour proposer des logements variés, innovants et contemporains, des typologies originales et attractives dans un environnement mixte, agréable, convivial et bien desservi par le transports publics. Derrière la question de « l’habiter aujourd’hui» c’est le projet social de demain qu’on enclenche et qu’on initie (…)1. »

Introduction Une formation d’architecte embrasse, tout comme la profession, un champ disciplinaire très large. La finalité de ces enseignements est, selon nous, à travers tous ces domaines, de confronter l’acte de bâtir à son contexte contemporain. Au centre de cette confrontation se trouve l’usager. Etre attentifs aux individus pour lesquels on conçoit est un principe qui nous est transmis à travers les enseignements reçus en école d’architecture et qui ne doit jamais être perdu de vue. Mon parcours à l’ENSA Bretagne m’a conduit à prendre conscience du rôle social et humaniste de l’architecte, au-delà de la culture technique et artistique qu’il doit posséder. A travers les ateliers de Lucas Lotti, de Joanne Vajda et Cécile Mescam et de Philippe Madec, j’ai appris que la responsabilité première de l’architecte face aux décisions concernant la conception architecturale et urbaine était à l’égard des habitants. En tant qu’acteur de la construction du cadre de vie, l’architecte se doit en effet d’inscrire sa réflexion dans le contexte social et culturel qui l’entoure. Au croisement de ces questions, les problématiques de l’habitat et du renouvellement urbain occupent aujourd’hui une place primordiale dans le débat social et architectural en France. A travers ces notions se dessine la volonté de construire une société plus durable et plus solidaire, notamment entre les générations qui cherchent à récréer des liens entre elles. Nous en sommes donc venus à choisir comme thématique d’étude pour ce mémoire, l’intergénérationnalité au travers de la question du vivreensemble. Dans cette optique, l’habitat intergénérationnel s’impose naturellement comme sujet d’étude puisqu’il traduit aussi, à notre sens, cette ambition d’un renouvellement urbain, durable et solidaire.

Tania CONCKO. Pays-Bas, France : d’une attitude à l’autre… in Frédéric LENNE (dir.). (2013). Habiter. Imaginons l'évidence ! à l'occasion de la Biennale d'architecture et d'urbanisme de Caen : Les Belles Urbaines. p.109 _______________________________________________________ 1

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L’habitat intergénérationnel pourrait se définir comme un ensemble de logements conçu pour accueillir différentes générations : étudiants, familles, personnes âgées2. Au-delà de cette définition concrète, l’habitat intergénérationnel cherche à mettre en relation ces habitants dans un esprit de solidarité et de convivialité au sein du voisinage. L’AUDIAR3 le définit en ces termes : « Projets urbains […] conçus pour prendre en compte tous les âges de la vie et faire cohabiter au sein d’un même espace des habitants aux profils et aux besoins fort différents. Dans ces programmes, des étudiants, des couples, des familles, des jeunes seniors et des personnes très âgées, en perte d’autonomie, se retrouvent en proximité4. » Cette proximité sociale suscite des échanges entre les générations et fait que l’on associe souvent le « bien vivre ensemble » à ces projets. Un dossier de la Caisse d’Allocations Familiales complète cette définition en ajoutant que cet habitat groupé intègre « des espaces privés et des espaces communs, animés d’une vie collective et autogérés dans une perspective participative.5 » Nous associons à cela des enjeux de renouvellement urbain. En effet, la pénurie de logements et la volonté d’habiter autrement font que l’habitat pourrait-être « le levier principal du renouvellement des villes6. » Tania Concko, compare la situation actuelle du logement en France avec celle du logement aux Pays-Bas en 1989. Selon cette architecte et urbaniste, le logement en France se trouve dans une impasse normative et sécuritaire qui appauvrit la qualité de la ville, prenant exemple sur la crise passée du logement aux Pays-Bas, pour recommander une vision nouvelle de la construction de la ville.

Si l’intergénérationnalité, au sens premier, n’a pas vraiment d’âge, l’habitat intergénérationnel, lui, a vu le jour dans un contexte démographique particulier : l’augmentation de l’espérance de vie bouscule aujourd’hui l’environnement social en faisant coexister jusqu’à quatre générations. Ce phénomène a trouvé différentes réponses pour gérer à la fois l’accroissement et le vieillissement de la population. Aux Etats-Unis et au Japon par exemple, la tendance est plutôt à des pratiques ségrégatives entre les générations. Philippe Dehan7 décrit ces pratiques à travers les exemples de Sun City, en Arizona et de Sun City Takatsuki, près d’Osaka. Ces gated communities, ou communautés fermées sont en fait des quartiers entiers, réservés aux personnes âgées, en général aisées. A l’opposé de cette recherche de l’entre soi, la question du vieillissement de la population a très vite rejoint la question de l’habitat groupé, participatif et intergénérationnel en Europe. C’est au Danemark, aux Pays-Bas ou en Suède que l’habitat groupé, à partir du milieu des années 1970, a de plus en plus cherché à créer du lien entre les générations. On peut citer par exemple le projet Wandelmeent, près d’Amsterdam. Construit dès 1977, ce woongroepen, coopérative habitante, est l’un des premiers ensembles de

CNSA - Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie. (2015, Jan.). « L'habitat intergénérationnel ». Portail national d’information pour l’autonomie des personnes âgées et l’accompagnement de leurs proches, Consulté le 16 Jan. 2016 : http://www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr/ 3 AUDIAR : Agence d’Urbanisme et de Développement Intercommunal de l’Agglomération Rennaise. Une association de droit privé qui remplit des missions de service public pour la Ville de Rennes et Rennes Métropole notamment. Elle accompagne le développement de l’aire urbaine rennaise. 4 AUDIAR. (2015, Oct.). Habitat et Vieillissement. Les formules de logements intermédiaires pour personnes âgées, entre domicile personnel et l'hébergement institutionnel. p.102 5 Hervé BARRY et alii. (Sept. 2010). Dossier d'Etudes n°132 : Le logement intergénérationnel : évaluation de l'offre et de la demande potentielle. Rôle des politiques publiques. CAF, p.13 Récupéré sur le site de la CAF le 03 Fév. 2016 :https://www.caf.fr/ 6 Tania CONCKO, in LENNE, Frédéric (dir.). (2013). op. cit. p.108 7 Philippe DEHAN. (2007). L'habitat des personnes âgées : du logement adapté aux Ehpad , USLD et unités Alzheimer. Editions du Moniteur. p.78 _______________________________________________________ 2

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logements intergénérationnels autogérés8. Les pratiques solidaires et le partage des espaces collectifs sont devenus des habitudes au sein de ce petit village. Ces initiatives se sont très vite diffusées en Belgique et en Allemagne où le vieillissement de la population est particulièrement accru9. Dans ces deux pays, respectivement à partir des années 1980 et au début des années 1990, on observe une réelle coopération entre les gouvernements et le monde associatif. En Belgique, l’impulsion de ce lien intergénérationnel est venue des associations mais a trouvé très rapidement un soutien, notamment financier, de la part des politiques publiques. En Allemagne à l’inverse, c’est le gouvernement fédéral qui a lancé le débat sur l’intergénérationnel, provoquant une mobilisation du secteur associatif. Le quartier Vauban à Fribourg est issu de ce débat10. L’écoquartier est une réhabilitation d’un site militaire qui propose aujourd’hui un cadre de vie partagé fonctionnant selon un processus de participation citoyenne, encadré par une association. En France, c’est seulement depuis les années 2000 que des problématiques d’isolement des personnes âgées et d’habitat en général ont conduit à la conception de cette nouvelle forme d’habitat, mixte et dotée d’une dimension de vie collective. Des projets voient le jour dans des villes comme Angers, Lyon, Dijon ou Rennes. Au départ expérimentales, ces opérations commencent aujourd’hui à se répandre. Ces démarches, sociales et urbaines répondent à la fois à des problématiques d’habitat, mais aussi de vieillissement. Force est de constater que ces projets sont issus d’une réflexion sur le cadre de vie des personnes âgées, même s’ils sont bénéfiques à l’ensemble de la population. La ville de Rennes a été l’une des premières à lancer la construction d’une résidence intergénérationnelle au sein d’une opération urbaine favorisant les mixités : l’Espace Simone de Beauvoir qui fait aujourd’hui référence dans ce domaine. Aujourd’hui, un second projet de ce type est en construction dans le quartier de Beauregard et deux autres sont programmés et en cours de conception.

Ainsi, la ville de Rennes a lancé une politique nouvelle qui trouve un écho auprès des promoteurs et bailleurs sociaux et des architectes et urbanistes. Ces acteurs travaillent à mettre en place le « mieux vivre ensemble » en expérimentant des opérations d’habitat intergénérationnel. Comment l’architecture et l’urbanisme peuvent-ils participer à ce « mieux vivre ensemble » ? Nous étudierons à travers ce mémoire les moyens dont dispose l’architecte pour faire cohabiter des générations différentes de manière à ce que cela profite à chacune d’elles. Nous devrons aussi questionner le rôle et l’implication de la maîtrise d’ouvrage et des collectivités territoriales initiateurs de ces projets. La réflexion sera basée sur l’analyse des deux projets rennais évoqués : l’Espace Simone de Beauvoir, inauguré en 2009 et la Résidence intergénérationnelle de la ZAC Beauregard-Quincé, en cours de construction. Les deux autres projets rennais11 étant en cours de conception, nous avons choisi de ne pas en tenir compte pour

Le Labo ESS. (2013, Jan. 25). « Habitat et Citoyenneté ». Le Labo de l'Economie Sociale et Solidaire. Consulté le 8 Fév. 2016, sur http://www.lelabo-ess.org/ 9 France Bénévolat. (2012). « Note de synthèse rédigée à partir de "La solidarité intergénérationnelle en Europe" ». Solidages21, Consulté le 8 Fév. 2016 : http://www.solidages21.org/ 10 Le Labo ESS. (2013, Jan. 25). op. cit. 11 Sur la ZAC Normandie-Saumurois (a/LTA architectes et urbanistes) et la ZAC de la Courrouze (Bruno Gaudin architectes) _______________________________________________________ 8

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conserver un équilibre documentaire entre les projets étudiés12 et parce que la situation urbaine de ces opérations est assez similaire à la Résidence de Beauregard. Le choix des deux opérations se justifie aussi par leur état d’avancement. Les habitants de l’Espace Simone de Beauvoir, installés depuis plusieurs années (inauguration en 2009), se sont appropriés les lieux, ce qui nous permettra d’étudier l’usage qu’ils en ont et d’évaluer la réussite du projet. La Résidence intergénérationnelle de la ZAC Beauregard-Quincé, actuellement en construction nous intéresse également car, d’une part, l’avant-projet architectural a été finalisé et d’autre part, le projet de vie est en cours d’élaboration, ce qui nous a permis d’analyser la manière dont il se préparait. Outre l’état d’avancement, ces projets présentent des similitudes, en termes de type de maîtrise d’ouvrage (bailleurs sociaux), de programme, d’ouverture urbaine sur leur environnement et de publics ciblés. (Voir fiches récapitulatives des projets en annexe 1 p.81 & 2p.83) Nous tenterons d’articuler l’analyse de ces projets avec des apports théoriques, progressivement au cours de la réflexion. Des entretiens réalisés avec les architectes, les promoteurs, et les documents qu’ils nous ont fournis ont permis de comprendre les projets à la fois architecturaux, sociaux et territoriaux, ainsi que le rôle de chacun des acteurs et d’établir, sur ces bases, notre corpus d’étude. Souhaitant étudier le contexte territorial qui encadre de tels projets intergénérationnels, nous avons choisi de nous intéresser principalement à des projets rennais. Ainsi ce corpus se limite à la ville de Rennes, fortement engagée dans ce domaine et qui fait souvent référence à l’échelle nationale. De plus, les projets étudiés se trouvent en secteur urbain, dans la mesure où nous souhaitons nous interroger sur les relations intergénérationnelles qui participeraient à une certaine urbanité. L’échelle des projets est elle aussi urbaine, c’est-à-dire que les opérations que nous étudions intègrent l’espace public à leur conception. Le but n’est pas ici de questionner tous les types de logements où se croisent différentes générations, cela pourrait être a priori le cas dans n’importe quelle opération, mais bel et bien l’habitat qui cherche à les faire interagir. Nous n’aborderons donc, ni les colocations intergénérationnelles (type étudiants – personnes âgées) ni les établissements institutionnels (EHPAD13…) qui intègrent un équipement destiné aux jeunes enfants par exemple (crèche, école maternelle…). Ainsi, nous tenterons de voir ce qu’implique l’apparition de l’habitat intergénérationnel en termes de pratiques urbaines et domestiques et ce qui conditionne la mise en place d’une vie collective au sein de ces projets. Notre objectif sera de voir comment l’habitat intergénérationnel, comme lieu du vivre ensemble, traduit la volonté d’une nouvelle manière d’habiter et de construire la ville.

Dans ce but, nous avons identifié plusieurs acteurs dont la participation conditionne la réussite de ces projets. D’une part, le cadre de la politique territoriale est déterminant pour expérimenter de telles opérations et nous analyserons aussi bien les politiques publiques que les initiatives citoyennes contribuant à installer durablement ce type d’habitat.

Très peu d’éléments étaient disponibles dans notre phase de recherche, autant du côté des architectes que du côté de la maîtrise d’ouvrage. 13 EHPAD : Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes _______________________________________________________ 12

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Nous en viendrons ensuite au cadre de vie, mis en place par les architectes et les urbanistes, à l’échelle urbaine et à l’échelle du bâtiment, pour déterminer ce qui crée concrètement le lien entre les générations. Nous verrons ainsi que certains dispositifs novateurs sont nécessaires. Enfin, nos recherches nous ont permis de comprendre que la dynamique de vie au sein de ce cadre bâti ne se mettait pas en place spontanément, une fois les habitants installés. Celle-ci est le fruit d’un important travail de mise en cohésion et en interaction des usagers entre eux. C’est ce que l’on appelle « le projet de vie », mis en place, généralement par la maîtrise d’ouvrage.

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I-

Les dimensions politiques et territoriales comme initiateurs de l’habitat intergénérationnel L’habitat intergénérationnel découle d’abord d’un besoin identifié au sein de la société. C’est en Europe qu’est apparu l’habitat intergénérationnel, pour répondre aux enjeux du vieillissement de la population et au désir de créer des relations durables et solidaires entre les générations. En France, cela a tardé à se mettre en place de manière formelle. En effet, si l’engagement des autorités publiques allemandes ou belges par exemple a été rapide et fort, la France a d’abord laissé la société civile s’organiser. La nécessité d’adapter le cadre juridique pour qu’il permette la création de nouveaux modes d’habiter a ensuite poussé les instances à rattraper ce « retard ». Nous étudierons les solutions qui sont aujourd’hui mises en place au niveau national, tant par les institutions légales qu’au sein de la société. Cela nous montrera qu’une intervention à échelle locale est plus adaptée pour inscrire l’habitat intergénérationnel dans une démarche territoriale. Ceci nous conduira donc à étudier plus précisément les politiques territoriales de la Ville de Rennes.

A- Des réflexions lancées à échelle sociétale L’habitat intergénérationnel en France trouve en effet ses origines dans des initiatives sociétales pour retrouver une cohésion entre les générations. Ces initiatives ont soulevé des questions d’ordre légal auxquelles les pouvoirs publics tentent de répondre par des directives nationales. Ces nouveaux outils juridiques permettent aux initiatives citoyennes de se développer, en relation avec les collectivités territoriales.

 Contexte historique de l’intergénérationnel en France L’intergénérationnel est loin d’être un concept nouveau : « avant que l’on ne commence à en parler, il était tout naturel !14» Jusqu’au 19ème siècle, les aînés font en effet partie intégrante du schéma familial standard et c’est surtout les liens de parenté qui assurent les liens entre les générations. L’époque de l’industrialisation a segmenté la vie humaine en trois stades (la jeunesse, la vie adulte et la vieillesse), conduisant à un desserrement de ces liens. La montée en puissance de l’Etat Providence a donc pris la suite des solidarités familiales. C’est à la fin des années 1960, avec l’avènement de la jeunesse et des libertés individuelles que l’on identifie une rupture de l’intergénérationnel dans sa dimension familiale. Par la suite, l’affaiblissement des solidarités publiques (1975-80) a forcé un retour des solidarités informelles. Cependant, ces dernières relevaient surtout d’une logique unidirectionnelle jusqu’à la fin des années 1980. L’émergence de l’intergénérationnel dans le débat social et citoyen en France, notamment à propos de l’habitat, s’est faite face au constat d’un manque15 autour de 1993, à l’occasion de l’Année européenne des personnes âgées et de la solidarité entre les générations. Au départ, cette visibilité consistait à créer des liens entre les générations pour éviter que, face au vieillissement grandissant de la population, un conflit social entre elles ne naisse16. Caroline GUFFENS, Le Bien Vieillir asbl. (2006, Juin). Où vivre ensemble ? Etude de l'habitat à caractère intergénérationnel pour personnes âgées. Bruxelles : Les éditions namuroises & Fondation Roi Baudouin. pp.15-17 15 Ibid. p.15 16 Notamment à propos des dépenses sociales que cela pouvait impliquer : généreuses pour les vieux, au détriment des jeunes. Dominique ARGOUD, (2012, Sept.). « L'habitat intergénérationnel : vers une nouvelle forme de mixité ? » Pouvoirs Locaux (94 - III), p.103 _______________________________________________________ 14

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Le secteur gérontologique s’est, dès les années 80, imposé comme leader de ces questions avec pour objectif de réintégrer les personnes âgées dans la société et dédramatiser ainsi la vieillesse17. Peu à peu, de nombreuses initiatives ont été mises en place, allant de simples échanges ou visites entre une école et une maison de retraite jusqu’à l’intégration de structures destinées à la petite enfance au sein de structures type EHPAD. Ces échanges concernent très souvent les générations les plus éloignées l’une de l’autre et plus rarement les générations intermédiaires18. Malgré tout, Philippe Dehan reconnaît que les pratiques intergénérationnelles sont bénéfiques à tous : « Les enfants voient d’autres rythmes, d’autres univers, les familles s’ouvrent à la solidarité et profitent de l’expérience et de la disponibilité de certains aînés tandis que le moral et la santé des vieux sont améliorés par ces rencontres qui leur évitent le confinement social.19 » Puis, ces liens sociaux ont évolué vers le concept de « vivre ensemble » qui vise à instaurer une nouvelle manière d’habiter, dans une relative solidarité en étant plus au contact de son environnement, de ses voisins. A la fin des années 2000, avec l’année du vieillissement actif et de la solidarité intergénérationnelle, en France, en 2012 par exemple, de nombreuses initiatives sont nées de cet engouement : associations à vocation sociale auprès des personnes âgées notamment ou divers labels20. Que ce soit « un effet de mode ou une transformation à venir des façons de « vivre » les territoires21 », ce concept est aujourd’hui récurrent. Les politiques locales s’emparent d’ailleurs du lien intergénérationnel à de nombreux sujets, notamment pour définir leurs actions en terme de développement durable22. Après plusieurs années de pratiques très diverses, mais surtout faites de démarches sociales et informelles, l’intergénérationnel se développe à présent autour de l’habitat. En effet, jusqu’ici, l’habitat des personnes âgées se divisait majoritairement en deux catégories : l’hébergement en institution (EHPAD ou autre) et le domicile privé, largement plébiscité23. Avec l’habitat intergénérationnel, un type intermédiaire se développe en proposant un domicile privé, mais dans « un cadre sécurisant et adapté au vieillissement.24 » « Parallèlement à l’enjeu de la mixité sociale, celui de la mixité intergénérationnelle semble aujourd’hui de plus en plus présent dans le débat public.25 » L’habitat intergénérationnel émergeant depuis les années 2000 trouve donc son origine dans deux phénomènes sociaux. Tout d’abord, les questions de vieillissement sont posées à l’échelle de la société, les débats sont larges et de plus en plus de personnes y prennent part. Il y a ensuite une volonté nouvelle d’habiter différemment, notamment en ville, sous une dynamique plus solidaire et participative. On constate

Et si aujourd’hui, on considère les générations dans leur ensemble lorsqu’on parle d’intergénérationnel, les questions sur les personnes âgées sont néanmoins centrales. C’est une population dont les besoins très spécifiques sont à prendre en compte dans le projet. 18 Dominique ARGOUD, (2012, Sept.). op. cit. p.103 19 Philippe DEHAN. (2007). op. cit. p.78 20 Label « Bien vieillir, vivre ensemble » en 2009, par exemple, ou les associations MONALISA ou Villes Amies des Aînés en 2012. 21 Problématique de l’article : ARGOUD, D. (2012, Sept.). L'habitat intergénérationnel : vers une nouvelle forme de mixité ? Pouvoirs Locaux(94 - III), pp. 103-106. 22 Dominique ARGOUD, (2008, Oct.). L’habitat et la gérontologie : deux cultures en voie de rapprochement ? Enquête auprès des nouvelles formules d’habitat pour personnes âgées. La Défense : PUCA, p.14 23 AUDIAR. (2015, Oct.). op. cit. p.6 24 Dominique ARGOUD, (2012, Sept.). op. cit. p.104 25 Ibid. p.104 _______________________________________________________ 17

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effectivement que les évolutions de ces questions conduisent à un rapprochement des politiques publiques sur les questions d’habitat et de vieillissement.

 Rapprochement des politiques publiques sur l’habitat et le vieillissement Les exemples, très divers et de plus en plus nombreux d’habitat intergénérationnel cherchent donc à mêler une dimension de vie collective de l’habitat, pratiquée par tous, et en même temps à y intégrer les personnes âgées de manière plus particulière. L’apparition récente de ces questions induit nécessairement une part d’expérimentation dans la mise en œuvre de ces projets. « Depuis près de trois décennies, il y a des tentatives pour instituer des formes d’hébergement pour personnes âgées qui soient intermédiaires entre le champ de l’habitat et celui du social et médico-social26. » Dominique Argoud pose le décloisonnement des politiques en matière d’habitat et du médico-social comme une des conditions pour sortir ces projets du cadre expérimental27. Un rapport de l’AUDIAR qualifie même cette condition de « besoin », face à une « logique binaire [hébergement institutionnel – EHPAD versus maintien à domicile] qui ne correspond plus à la réalité28. » En effet, l’habitat des seniors se divise majoritairement aujourd’hui entre ces deux types de lieux de vie. Ceci réduit les options du parcours résidentiel des personnes âgées qui par conséquent, se répartissent selon leur niveau de dépendance : tant qu’ils sont indépendants, ils se maintiennent à domicile, quitte à adapter leur logement. A partir du moment où cette indépendance pourrait leur nuire, ils s’orientent vers des hébergements dits institutionnels où ils bénéficient d’un cadre surprotecteur, voire médicalisé29. Ceux-ci, malgré des dispositifs pour animer la vie collective et l’ouvrir aux autres générations, sont réservés aux seniors, ce qui de fait, entraine un isolement « collectif » des personnes âgées, un entre-soi. Ces options ne répondent donc pas aux besoins des personnes en situation intermédiaires, isolées mais encore autonomes par exemple, ou semi-dépendantes. Le rapport de l’Audiar introduit donc la notion de fragilité plutôt que de dépendance pour une approche plus transversale de ces questions. Les personnes « fragiles » sont encore autonomes, mais peuvent souffrir d’isolement. Une meilleure intégration sociale et une participation à la vie publique, au travers de l’habitat sont donc bénéfiques et permettent aussi de repousser l’âge de la « dépendance30 ». Cette transversalité impliquerait donc une coordination entre politique de l’habitat et politique du vieillissement or, celles-ci sont menées par des acteurs différents. Sans entrer dans le détail de ces organisations, les politiques locales de l’habitat sont menées par les communes ou intercommunalités alors que les actions qui traitent du vieillissement sont gérées à une échelle départementale31.

Dominique ARGOUD, (2008, Oct.). op. cit. p. 11 Ibid. p.106 28 AUDIAR. (2015, Oct.). op. cit. p.10 29 Ibid. p.7 30 Ibid. p.12 31 Les départements autorisent ou non par exemple, l’ouverture des établissements institutionnels, en concertation avec l’ARS – Agence Régionale de Santé. Ibid. p.10 _______________________________________________________ 26 27

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Par ailleurs, rapprocher ces deux politiques va également dans le sens d’un développement durable de la ville et de la société32. En effet, une conception durable du territoire, au-delà de la dimension écologique, implique une réflexion sur le bien-être social. De ce point de vue, un tel rapprochement apporte une solution à des questions de société (dépendance, isolement…) en même temps qu’il créé un équilibre social, un cadre de vie favorable à tous.

 Des lois nationales pour mettre en place une politique locale Au niveau national, des réflexions sur les deux domaines que nous avons identifiés tendent à rapprocher les politiques publiques de l’habitat et du vieillissement à une échelle locale, en apportant un jeu d’outils supplémentaire aux métropoles, communautés de communes etc. ou aux initiatives en lien direct avec la population (associations, services de proximités…). La loi ALUR (pour l’Accès au Logement et un Urbanisme Rénové) adoptée en février 2014 vise, parmi d’autres objectifs, à renforcer la politique pour l’habitat à l’échelle locale considérant que les collectivités sont les plus aptes à répondre à la « crise qualitative et quantitative du logement33 ». Claire Delpech explique qu’une connaissance précise des parcours résidentiels et des parcs de logements (qu’ils soient privés ou sociaux) n’est possible qu’à une échelle locale. Les compétences des communautés locales (communautés de communes, d’agglomérations, urbaines et les métropoles) sont donc étendues en direction du parc privé, de la gestion locative et des aides à la pierre. Dans le parc privé, l’idée est que l’action publique s’investisse dans la rénovation énergétique, la réhabilitation et l’adaptation de ce parc, collectif ou individuel, mais surtout qu’elle organise la fluidité des parcours résidentiels, pour que chacun soit en mesure de choisir un cadre de vie qui corresponde à ses besoins. Pour le parc social, la loi prévoyait à la base une harmonisation des pratiques d’attribution des logements sociaux (scoring34, selon le système rennais par exemple), cette disposition n’a pas été votée, mais les collectivités territoriales se voient attribuer « le pilotage des stratégies de peuplement sur leur territoire ». Cela signifie que les communautés auront la possibilité d’adapter la gestion de leur parc social en fonction du nombre et du type de demandes35. Enfin, la délégation de l’Etat en ce qui concerne les aides à la pierre36 envers ces communautés devrait permettre d’adapter l’attribution des aides au territoire local. D’une manière générale, la loi ALUR pousse à une plus grande coordination des actions à l’échelle locale pour optimiser l’action publique en matière de parcours résidentiels, basée sur une connaissance précise du territoire. C’est dans ce cadre que les collectivités pourront développer des réponses précises aux besoins et aux exigences de leur population, notamment en matière d’habitat intergénérationnel. Des démarches adaptées aux territoires commencent donc à voir le jour mais cela impose un travail de coordination des instances locales entre-elles. En préambule de sa définition du développement durable, le Projet Urbain 2015 de la Ville de Rennes implique déjà des relations entre générations. Ville de Rennes. (2015). Projet Urbain 2015 Une ville solidaire et durable. p.17 33 Claire DELPECH, (2014, Avril). « Volet logement de la loi Alur ». Intercommunalités - Dossier Politiques locales de l'habitat : Aller plus loin(188), p. 11. 34 Scoring : Attribution des logements selon un système de points qui priorisent les dossiers. 35 Ibid. p.11 36 Aides envers les maîtres d’ouvrage qui construisent ou réhabilitent du logement social ou de l’accession aidée. _______________________________________________________ 32

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D’autre part, la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement, promulguée le 28 Décembre 2015 et en vigueur depuis le 1er Janvier dernier, vise à répondre aux enjeux de dépendance que nous évoquions. Elle cherche à instaurer une vision globale des politiques publiques à travers la question des personnes âgées, de l’augmentation de la durée de vie et de l’apparition progressive de la perte d’autonomie. « Anticiper les conséquences du vieillissement de la population sur la vie sociale et les politiques publiques dans leur ensemble, alors qu’en 2060, un tiers des français aura plus de 60 ans37. » Le rapport de l’Audiar analyse le texte du projet de loi selon trois axes. Il y a d’abord une anticipation de la perte d’autonomie avec une volonté de prévention. En améliorant l’accès aux aides, qu’elles soient financières, techniques ou sociales, elle cherche à lutter contre les inégalités des personnes âgées. La loi s’appuie notamment, en matière d’isolement sur le programme de MObilisation NAtionale contre L’ISolement des Agés38, une collaboration entre la société civile et les pouvoirs publics sur laquelle nous reviendrons. Au-delà de la prévention, la volonté d’accompagnement des personnes en perte d’autonomie vise à améliorer la prise en charge (hausse de l’Allocation Personnalisée d’Autonomie à domicile – APA) et la considération des aidants. Enfin, la loi reconnait la nécessaire adaptation de la société dans son ensemble, à travers les politiques publiques mais aussi par l’adaptation de l’urbanisme, des transports et du logement par la rénovation de l’habitat collectif39 et des logements privés. « Les personnes âgées doivent avoir le choix du modèle d'habitat qui leur convient40. » Pour vérifier la mise en œuvre de ce projet, guider les actions futures et pour mieux représenter les personnes âgées au niveau national, la loi met également en place un Haut Conseil de l’Age. Cependant, c’est avant tout sur une mobilisation sociale que compte cette loi. Au vu de ces lois récentes, sans pour autant rapprocher officiellement les politiques de l’habitat et du vieillissement, des outils se mettent en place pour répondre à des attentes nouvelles de la société. On constate une volonté d’agir plus local pour être plus adapté à des territoires variés. De plus, une dimension « citoyenne » ou participative émerge comme condition nécessaire à une réponse durable à ces questions. Dans ce contexte, l’habitat intergénérationnel pourrait se développer au-delà de l’expérimentation, pour habiter et vieillir différemment.

 Initiatives citoyennes pour l’intégration des personnes âgées Au-delà des projets institutionnels, des réflexions citoyennes pour l’intégration des personnes âgées émergent, issues de la société civile. A l’échelle locale, ces initiatives sont nombreuses et courantes. Le milieu associatif, les réseaux d’aide à domicile ou les services de proximités s’investissent dans le bien-être des personnes âgées, notamment pour celles en perte d’autonomie. Mais plus largement, des associations s’impliquent dans ce débat à une échelle nationale ou plus. C’est par AUDIAR. (2015, Oct.). op. cit. p.111 MONALISA. (2013, Oct.). « Charte de l'équipe citoyenne » Monalisa. Consulté le 20 Nov. 2015 sur http://www.monalisa-asso.fr/ 39 Nous verrons notamment, en partie I-B (p.19), que les bailleurs sociaux s’organisent pour adapter leur parc locatif au vieillissement. 40 Tiré du site gouvernement.fr présentant la loi en question. Gouvernement. (2016). « L'adaptation de la société au vieillissement ». Gouvernement.fr, Consulté le 19 Fév. 2016 : http://www.gouvernement.fr/action/ladaptation-de-la-societe-au-vieillissement _______________________________________________________ 37 38

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exemple le cas de l’association MONALISA ou encore du Réseau Francophone des Villes Amies des Aînés, affiliée à l’Organisation Mondiale de la Santé qui est à l’initiative du réseau international Villes et Communautés Amies des Aînés. L’association MONALISA est née suite au rapport du même nom, présenté en 2012 à Michelle Delaunay, Ministre déléguée aux Personnes âgées et à l’Autonomie. Cette association vise à rassembler associations et institutions concernées pour mener une large réflexion sur l’isolement des personnes âgées41. Elle agit à échelle locale, départementale et nationale. Localement, elle constitue des réseaux de bénévoles pour impliquer les citoyens contre l’isolement. Elle cherche aussi à mettre en cohérence les actions des acteurs territoriaux. Enfin, le réseau national apporte une visibilité et fédère les différents réseaux de villes autour d’une identité commune. Le réseau Ville Amie des Aînés a aussi cette politique de rassemblement qui incite au partage des expériences entre les villes adhérentes. Elles sont en plus mises en relation au niveau mondial, coordonnées par l’OMS. L’impulsion de cet organisme a pour but de s’interroger sur le vieillissement de la population dans les villes selon huit thématiques : l’accessibilité des espaces extérieurs, des bâtiments et des lieux publics, les transports, l’habitat et logement, le respect et la reconnaissance sociale, le vivre ensemble, la culture et les loisirs, l’information et la communication, la solidarité et l’engagement bénévole, les services sociaux et de santé. Plusieurs de ces thèmes renvoient notamment à la question de l’habitat des personnes âgées et à leur intégration dans la vie de la cité.

Le domaine de l’habitat se voit également transformé suite à des expérimentations de plus en plus fréquentes, telles que l’habitat participatif, partagé ou encore les opérations mixtes en termes de programmes, catégories sociales ou générationnelles. Des projets commencent à voir le jour en France, mais on trouve surtout des exemples qui font référence chez nos voisins européens. C’est le cas par exemple en Suisse, où la coopérative de construction et d’habitation Kraftwerk1 a construit le projet du même nom, entre 1999 et 2001 à Zurich (voir Fig.1 & 2 ci-contre)42. Ce projet d’habitat coopératif offre un compromis entre vie privée et communautaire en mélangeant à la fois les générations, mais aussi les groupes sociaux. On y trouve en effet une grande diversité de typologies de logements, individuels ou en grandes colocations (jusqu’à 430m²) et l’absence de promoteur a permis de réduire les coûts, favorisant ainsi l’arrivée des classes moyennes. Les habitants sont propriétaires et se divisent les charges. Ils mutualisent également des équipements, des services et des espaces. Le mélange des logements avec des programmes de bureaux ont permis d’installer une certaine cohésion sociale. Au sein du projet, la vie de cette petite communauté fait preuve d’une réelle dynamique de partage et de solidarité.

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MONALISA. (2013, Oct.). op. cit. Valéry DIDELON & Martin ETIENNE. (2013). « Kraftwerk, vers un nouvel âge de la coopération / Voyage à Kraftwerk ». Criticat 11, pp. 3-12. _______________________________________________________

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Figure 1 : Projet Kraftwerk - Martin Etienne, Criticat 11 p.15

Figure 2 : Appartement du projet Kraftwerk - Martin Etienne, Criticat 11 p.20

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En France, on constate un intérêt fort pour ces nouveaux types d’habitat et si des projets émergent peu à peu, le cadre légal empêche pour l’instant un réel développement. Cependant, des associations telles que la dynamique Coordin’action Nationale de l’Habitat Participatif, qui regroupe des associations régionales comme Parasol en Bretagne, « militent pour favoriser l’inscription de l’Habitat Participatif dans les politiques publiques du logement.43 » Cela nous laisse penser que ces initiatives pourraient devenir courantes en France. Comme nous l’avons vu, des mouvements et des prises de conscience à l’échelle de la société d’une part et des solutions ou des directives nationales d’autre part, apparaissent ces dernières années. Ces deux aspects sont nécessaires au développement de l’habitat intergénérationnel qui s’inscrit en premier lieu dans une démarche volontaire des habitants, mais auquel il convient de fournir un cadre juridique qui assure une cohérence territoriale à échelle locale. Il semble en effet que les instances locales aient un rôle de premier plan à jouer pour mettre en place une nouvelle manière d’habiter et de pratiquer la ville qui s’adresse à tous. Pour que ces projets et ces pratiques puissent participer à une urbanité nouvelle, ils doivent s’inscrire dans le projet urbain conduit par les agglomérations et correspondre à l’aménagement du territoire géré par les instances locales. L’agglomération rennaise est souvent considérée comme précurseur dans la gestion de cette cohérence urbaine et territoriale.

Coordin’action Nationale de l’Habitat Participatif. (s.d.). « La Coordin'action ». Coordin'action des Associations. Consulté le 8 Fév. 2016 : http://www.habitatparticipatif.net/ _______________________________________________________ 43

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B- A Rennes, des politiques engagées en faveur de l’habitat et du vieillissement Le projet politique de Rennes Métropole en matière d’habitat favorable au vieillissement, mais aussi en matière de mixité sociale de l’habitat, fait souvent référence dans les débats nationaux et la métropole est prise en exemple dans de nombreuses villes en France. Rennes place en effet au cœur de sa démarche territoriale des valeurs de solidarité visant à une organisation durable de la société rennaise. A travers cette volonté, les mixités sont récurrentes et notamment la mixité des générations ainsi que la volonté de développer de nouvelles formes d’habitats qui répondent aux besoins de tous. Nous étudierons ces intentions décrites dans la publication de la Ville de Rennes Projet Urbain 201544, un document de vulgarisation de l’ensemble des politiques urbaines de la ville qui met en parallèle les outils urbanistiques (PLU, PLH, SCoT, PADD, etc.)45 et les différentes démarches (Solidarité, Développement Durable, Mixités, Concertation, etc.).

 Le Projet Urbain de la ville de Rennes, en cohérence avec le projet social Ce document explique la démarche de la ville de Rennes et met en avant la solidarité et l’aspect durable que la métropole s’efforce à mettre en œuvre à travers les différents outils que nous évoquions. Le PLH de Rennes Métropole, adopté en 200646, avant d’être renouvelé en 47 2015 a mené une politique de production intensive de logements neufs (environ 4 500 par an) pour répondre à une demande toujours plus forte48. Cette production à l’échelle de la Métropole affiche déjà une volonté de mixité dans les proportions, avec le 25% 49 de logement social qu’elle impose. Le PADD exprime les principes majeurs guidant les politiques publiques de Rennes50. Parmi ces principes, le thème « habitat et mixité » veut faire de Rennes « une ville d’accueil51 ». L’évolution de la population rennaise et l’attractivité de la métropole font que la croissance démographique de la ville est très importante. Cela implique de réfléchir à la manière de répartir la population sur le territoire. La solution est de proposer dans les quartiers une mixité sous toutes les formes. Cela passe par l’équilibre des équipements à échelle urbaine, mais surtout par une mixité des fonctions à l’échelle du quartier, des typologies de logements et des catégories sociales. Plus précisément, le Projet Urbain veut permettre, autant dans le secteur centre que dans les périphéries, de pouvoir choisir entre logement locatif social, en accession

Ville de Rennes. (2015). Projet Urbain 2015. op. cit. Voir Glossaire p.3. 46 Depuis 2005, il est imposé (code de la construction et de l’habitation) que le PLH comporte « les principaux axes d’une politique d’adaptation de l’habitat en faveur des personnes âgées et handicapées ». AUDIAR. (2015, Oct.). op. cit. p.108 47 Un nouveau PLH, adopté en Juillet 2015, à échéance 2020, s’inscrit plus dans une logique de requalification du parc existant. Mais la volonté finale reste la même, proposer une offre de logement pour tous. C’est le cas par exemple dans le cadre de l’Opération Programmée d’Amélioration de l’Habitat – Renouvellement Urbain (OPAH – RU) Centre Ancien menée par la Ville pour requalifier le centre historique de Rennes. 48 Ville de Rennes. (2015). Projet Urbain 2015. op. cit. p.6 49 Ibid. p.42 50 La loi sur l’adaptation de la société au vieillissement indique que le diagnostic préalable au PADD doit prendre en compte le vieillissement de la population et que le PLH doit définir les objectifs et les principes d’une politique visant à répondre aux besoins liés au vieillissement. AUDIAR. (2015, Oct.). op. cit. p.108 51 Ville de Rennes. (2015). Projet Urbain 2015. op. cit. p.32 _______________________________________________________ 44 45

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sociale ou en accession libre pour éviter toute ségrégation et garantir des services de proximité en diversifiant les fonctions52. Cette directive du PADD insiste également sur la nécessité de réfléchir à de nouvelles formes d’habitat pour les populations aux besoins spécifiques (personnes âgées, étudiants, personnes handicapées,…)53. « Le droit au logement pour tous est le précepte d’une ville solidaire ; la diversité des itinéraires résidentiels est la clé de l’égalité des chances et de l’intégration sociale54. » La ville de Rennes voit sa population augmenter, mais aussi vieillir en même temps qu’elle accueille plus de jeunes. C’est dans ces deux catégories que les augmentations sont les plus fortes et cela nécessite donc une adaptation des offres de logements spécifiques55, particulièrement pour le logement social et intermédiaire56. Malgré tout, même si l’on trouve cette volonté d’expérimentation de l’habitat pour couvrir les besoins des populations spécifiques, l’habitat intergénérationnel est initié en premier lieu via la question du vieillissement. En effet, c’est la question de l’intégration des personnes âgées à la société qui suggère les projets plutôt que le rapprochement des jeunes ou des familles avec elles. Cela nous pousse à étudier la politique en faveur du vieillissement à Rennes pour voir d’où émergent ces projets.

 Une démarche rennaise engagée et militante vis-à-vis de l’habitat des aînés Cette politique s’est construite principalement autour de la démarche Ville Amie des Aînés de l’OMS, abordée précédemment, à laquelle Rennes a adhéré en 201157. La ville fait également partie des membres fondateurs du réseau français. Cette démarche aborde la question du vieillissement de la population d’une manière transversale vis-àvis des politiques publiques. L’agglomération rennaise porte donc un regard global sur la place des aînés en même temps qu’elle participe à une diffusion de cette approche au niveau national. Début 2010 un « audit-urbain » a été réalisé dans deux quartiers rennais, Villejean-Beauregard et Bréquigny. Le diagnostic a été élaboré à partir d’échanges avec des groupes de discussions composés de personnes âgées et de leurs proches, aidants, associations, etc. pour connaître précisément leurs expériences. Le diagnostic a été complété par une concertation sous la forme de cafés citoyens pour étendre l’étude au maximum58. A partir de cet audit, un comité de pilotage a été mis en place avec des référents. Ils ont établi un plan d’action pour mieux prendre en considération le vieillissement dans la mise en forme des politiques publiques. Ce plan s’appuie sur trois axes : - Axe 1 : préconiser un habitat favorable au vieillissement, - Axe 2 : agir pour prévenir l’isolement - Axe 3 : améliorer l’information et la communication en direction des aînés

Ibid. p.18 Ibid. p.32 54 Ibid. p.20 – L’Habitat pour tous 55 Ibid. p.103 56 Ibid. p.106 57 Elle avait obtenu en Mars 2010 le label national Bien vieillir, vivre ensemble, inspiré du label Ville Amie des Ainés. 58 Ville et Métropole de Rennes. (2015, Juin 15). « Les personnes âgées ». Rennes Métropole. Consulté le 18 Sept. 2015 sur http://metropole.rennes.fr/politiques-publiques/culture-education-viesociale/les-personnes-agees/ _______________________________________________________ 52 53

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Dans le cadre de l’axe 2, la charte MONALISA, dont nous avons parlé au niveau national, a obtenu l’adhésion de la ville de Rennes en 2014 pour y développer son action contre l’isolement. Dans le cadre de l’axe 3, une plaquette d’information, adressée aux aînés, a été diffusée pour informer et pour faire la promotion des services du Centre Local d’Information et de Coordination (CLIC) de la ville de Rennes. Le CLIC centralise les informations qui concernent les personnes âgées et les aide dans leurs démarches, ce qui offre aux seniors un lieu fixe auquel ils peuvent s’adresser. L’axe 1, pour l’habitat favorable au vieillissement nous intéresse plus particulièrement puisqu’il étudie de manière participative l’habitat des séniors et qu’il en tire des propositions pour orienter la politique de l’urbanisme et de l’habitat dans la ville de Rennes. Sur la base des témoignages et idées de la population âgée, les acteurs concernés (Ville, bailleurs…) ont défini les besoins des seniors en termes de logement59. Il en ressort trois composantes, sur lesquelles nous reviendrons dans les parties suivantes : un logement adapté, un environnement favorable et une intégration dans la vie sociale. Les bailleurs60 ont ensuite défini les adaptations à apporter aux logements (sur la base de la norme handicapés avec des aménagements complémentaires) avant d’effectuer un recensement précis de leur parc locatif social en fonction de leurs niveaux d’accessibilité. Mais cela ne concernant que les bâtiments en eux-mêmes, la ville de Rennes a « radiographié » l’espace urbain selon les « aires d’influence » (Fig.3 cidessous) et la desserte des transports en communs (Fig.4 p.22) pour repérer les secteurs favorables au vieillissement (Fig.5 p.23). Quarante-huit secteurs ont été ainsi identifiés, pour chacun d’eux, une fiche détaillée analyse les possibilités d’adapter les zones au vieillissement. Le but est de prioriser les logements adaptés dans ces zones favorables.

Figure 3 : Cartographie des « Zones d'influence » - Ville de Rennes, Plaquette Habitat Favorable au Vieillissement, la démarche Rennaise p.19 Toute la démarche détaillée : Ville de Rennes. (2014, Oct.). Habitat favorable au vieillissement. La démarche rennaise. 41p. 60 Regroupés dans l’association ADO Habitat Ille et Vilaine : Association Départementale des Organismes de l’Habitat d’Ille-et-Vilaine _______________________________________________________ 59

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A partir de cette analyse, la programmation détermine les réhabilitations à effectuer ou s’il y a lieu, envisage un programme neuf : programme dédié au logement adapté ou programme intergénérationnel. On constate par ailleurs que les bailleurs sociaux, en général et pas seulement à Rennes, adaptent de plus en plus de logements pour les locataires qui en manifestent le besoin61. Ainsi, cette réflexion et ces analyses précises incitent la ville et les bailleurs à expérimenter de nouvelles formes d’habitat en y intégrant toutes les catégories de la population (via les mixités sociales et générationnelles). Cependant, cette démarche est issue d’une réflexion sur l’habitat des personnes âgées et l’on peut se demander ce qu’il en est quant à la considération des autres générations. La finalité de cette démarche à l’égard des populations âgées est d’intégrer ces dispositions dans les documents de planification urbaines et dans les règlements des opérations d’aménagement (Schéma de Cohérence Territoriale, Plan de Déplacements Urbains, Plan Local d’Urbanisme, règlement de ZAC…) et donc d’ancrer le vieillissement dans l’écriture de la ville, par la réglementation locale.

Figure 4 : Cartographie des « Zones bien desservies » - Ville de Rennes, Plaquette Habitat Favorable au Vieillissement, la démarche Rennaise p.20

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Entretien réalisé avec Sandra LEBLOND - Responsable Pôle Habitats Pluriels - NeoToa. Le 29 Décembre 2015, Document de corpus, réalisé par nos soins. _______________________________________________________

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Figure 5 : Cartographie des "Zones Favorables" - Ville de Rennes, Plaquette Habitat Favorable au Vieillissement, la dĂŠmarche Rennaise pp.21-22


 Une politique de la concertation, vers l’intégration de l’usager au processus de conception ? La ville de Rennes développe par ailleurs une large culture de la concertation autour de ses projets d’aménagement. Que ce soit entre les services de la ville pour mutualiser les informations, avec les professionnels (architectes, promoteurs,…) ou les collectivités (locales ou nationales), la ville s’entoure de ces différents acteurs pour une réflexion très large en amont des projets urbains ou architecturaux. De plus en plus, les habitants sont intégrés à ces concertations. La volonté de répondre concrètement aux attentes des premiers concernés est forte. On le constate surtout pour les projets urbains où sont systématiquement concertés les associations de quartiers, les acteurs locaux et les habitants. Dans le cadre d’opérations architecturales, cette concertation est moins systématique62. Mais dans ces différents cas de figure, les usagers ou habitants sont seulement consultés, la plupart du temps. Un dispositif commence à être développé à Rennes, mis en place par l’AUDIAR et Rennes Métropole : l’approche intégrée ou les Processus de Conception Intégrée (PCI). Il s’agit là, non plus de « consulter » les usagers du futur projet, mais de les intégrer totalement à la conception de celui-ci. Cette démarche se fait lors de plusieurs réunions de travail collectives où tous les acteurs participent à l’élaboration du projet, sur un pied d’égalité. Architectes, ingénieurs, artisans ou entreprises, élus, maîtres d’ouvrages, gestionnaires, usagers, habitants, etc. tous travaillent ensemble avec pour premier objectif de concevoir un projet qui répond aux attentes de la maîtrise d’ouvrage et d’usage. Mais cela permet également de réduire les coûts et les délais : les échanges sont directs63. L’AUDIAR a tenté une première expérience dans le cadre de la démarche « BBC pour tous » et cela sera surement réitéré. On pourrait envisager, dans le cadre de l’habitat intergénérationnel, ce type d’expérience afin justement de s’adresser plus largement à toutes les générations concernées et pas seulement aux personnes âgées. Cela permettrait à la maîtrise d’œuvre et aux entreprises d’adapter spécifiquement les projets aux besoins et aux envies de chacun. Au sein même de son projet de développement, la ville de Rennes pose des directives pour un habitat innovant, entre autres autour du mélange des générations. Les services municipaux (et divers acteurs du territoire, comme l’AUDIAR) sont attentifs aux évolutions de la société et proposent des approches nouvelles du développement urbain. En termes d’habitat et de vieillissement ces approches engagent pleinement les dimensions du « mieux vivre ensemble » et du mélange des générations. De même, l’implication de l’habitant dans la vie de la cité est un élément clé de la politique rennaise. C’est en s’appuyant sur des réflexions menées au niveau national et faisant écho à des aspirations de la société que la Métropole Rennaise a conduit une politique volontariste en faveur de l’habitat et des mixités et qu’elle contribue aujourd’hui à faire avancer ces débats à travers des opérations innovantes et parfois inédites. Cela se traduit directement dans l’urbanisme et le cadre architectural de la ville. En analysant plus précisément ces opérations d’habitat intergénérationnel, nous chercherons à déterminer les conditions nécessaires à leur implantation en zone urbaine, de même que nous identifierons les critères architecturaux favorisant le vivre ensemble.

Ville de Rennes. (2015). Projet Urbain 2015. op. cit. p.102 AUDIAR. (2014, Janvier). « Approche Intégrée ». Site web de l'Audiar. Récupéré sur le site de l'Audiar le 20 Déc. 2015 : http://www.audiar.org/sites/default/files/documents/editeur/etudes/refb-fichecontribution_rm_audiar_finale.pdf _______________________________________________________ 62 63

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II- Les dispositifs urbanistiques et architecturaux ou la construction d’un cadre de vie favorable à l’intergénérationnel

L’habitat intergénérationnel est un concept inspiré par la société qui bénéficie aujourd’hui de l’attention des politiques publiques. La population, mais également les professionnels s’engagent peu à peu dans l’expérimentation de ces programmes. Le rôle des architectes et des urbanistes est au centre de ces expériences puisque, même s’ils répondent à une commande, ce sont eux qui façonnent ce cadre de vie favorable au rapprochement des générations. De l’échelle urbaine jusqu’à celle du logement, la conception doit se faire selon cet objectif. Nous étudierons ici en quoi, d’une manière générale mais également par l’étude des références de corpus, la démarche des urbanistes et des architectes permet ainsi le vivre ensemble. Nous identifierons les dispositifs qui le favorisent, tant à l’échelle urbaine qu’à l’échelle architecturale.

« La cohabitation concernant tous les âges, qui a certes des fondements économiques mais aussi des raisons liées aux changements d’idéaux et de valeurs, est une tendance qu’on voit lentement mais sûrement émerger. L’architecture devrait fournir un cadre à ces aspirations64. »

A- Intégration urbaine et mixités : à l’échelle de la ville L’habitat intergénérationnel concerne, par définition, un large panel de populations différentes. Son intégration urbaine doit donc répondre aux besoins multiples de tous ces usagers, des enfants en bas âge jusqu’aux personnes âgées, des actifs jusqu’aux personnes dépendantes. « L’habitat intergénérationnel désigne un ensemble de logements conçu pour accueillir différentes générations : étudiants, familles, personnes âgées. Les différentes générations ne partagent pas le même toit mais vivent dans un même ensemble résidentiel. Ce sont en général des bailleurs sociaux en partenariat avec des associations ou des investisseurs privés qui initient ce type de projets65. » Nous verrons que la mobilité pour tous et la centralité des projets dans leur environnement sont des éléments prérequis pour l’implantation urbaine de ces projets. De plus, l’habitat intergénérationnel sous-entend nécessairement une dimension collective. Ainsi, le projet doit intégrer des programmes variés pour permettre d’installer un cadre de vie quotidienne propre à cet ensemble. Enfin, nous verrons que la mixité des générations va de pair avec une mixité sociale66.

Monique ELEB & Philippe SIMON. (2012). Entre confort, désir et normes : le logement contemporain (1995-2010). PUCA. p. 6 65 CNSA - Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie. (2015, Jan.). op. cit. 66 La plupart des projets d’habitat intergénérationnel sont aujourd’hui menés, au moins en partie, par des bailleurs sociaux et proposent souvent des logements en accession (aidée ou non), en plus des offres de locatif social. _______________________________________________________ 64

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 Un environnement géographique favorable Comme pour de nombreuses questions lorsque l’on parle d’intergénérationnalité, la question de la mobilité et de la proximité se pose surtout pour les personnes en perte d’indépendance – personnes âgées ou en situation de handicap. Malgré tout, cela améliore évidemment la situation de chacun. Le rapport « Vivre chez soi67 » a été demandé par le secrétariat d’Etat en charge des aînés pour étudier l’habitat des personnes âgées qui revendiquent la volonté d’avoir leur propre logement. Ce rapport aborde notamment la notion d’environnement géographique favorable. Il considère qu’au sein d’une même commune, certains sites sont plus propices à construire un cadre de vie pour les seniors. Il semble donc légitime de considérer cette notion pour l’habitat intergénérationnel dans la mesure où ces caractéristiques sont favorables à tous. Selon les études de ce rapport, l’environnement favorable « correspond plutôt aux centres-bourgs ou aux quartiers urbains riches en commerces de proximité » 68. En effet, la proximité de services et de commerces permet, pour les personnes en perte d’indépendance de faciliter les parcours de la vie quotidienne et d’éviter l’isolement69. On remarque souvent par ailleurs un recul de la circulation automobile en faveur d’une piétonisation de l’espace public dans ce genre d’opérations. Les aspects techniques de l’accessibilité à l’échelle du quartier sont également soulignés dans ce rapport.70 « Le « chez soi » inclut à l’évidence l’environnement de l’habitat, l’intégration sociale au quotidien des aînés. La présence de relations de voisinage informelles favorise considérablement cette intégration.»71 D’une manière générale, installer une dynamique de quartier en facilitant les échanges entre les habitants est un enjeu majeur dans la conception d’un ensemble intergénérationnel. De plus, le rayonnement à l’échelle de la ville ou du quartier, d’un projet d’habitat mêlant les générations, nécessite l’installation d’une certaine centralité72. En effet, outre les relations de type voisinage, solidarité et entraide, l’habitat intergénérationnel cherche à éviter l’apparition d’un entre-soi. Dans les deux opérations rennaises que nous étudions, malgré leurs localisations différentes dans la ville (Fig.6 ci-contre), la question de la centralité est présente, comme gage d’ouverture du projet sur le quartier et sur la ville. L’un des principaux objectifs dans ces initiatives est de rompre l’isolement, notamment des plus faibles. En favorisant l’intégration du projet dans son contexte, l’Espace Simone de Beauvoir et la Résidence de Beauregard cherchent par exemple à multiplier les frictions avec les alentours, pour éviter l’entre soi et la ghettoïsation.

Alain FRANCO, (2010). Rapport de la mission "Vivre chez soi", présenté à Nora Berra, secrétaire d'Etat en charge des Aînés. p. 41 68 Ibid. p.41 – Partie 6.3.1.1. Des territoires plus ou moins favorables au vieillissement. 69 Ibid. p.26 – Partie 5.2.1. Le quartier, le cadre de vie 70 Ibid. p.33 – Partie 6.1.2.3. Ne pas dissocier diagnostic de l’habitat et diagnostic de l’environnement immédiat 71 Ibid. p.41 _ Partie 6.3.1.1. Des territoires plus ou moins favorables au vieillissement 72 Pierre-Marie CHAPON et alii, (2011, Jan.). « Architecture et grand âge ». Retraite et société(n°60), p. 243 _______________________________________________________ 67

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Figure 6 : Carte situant les opérations étudiées dans la ville de Rennes - Réalisation personnelle

L’espace Simone de Beauvoir, dont fait partie la résidence intergénérationnelle du même nom, a été conçu sur l’ancien site de la caserne militaire Mac-Mahon. Cette opération de renouvellement urbain a donné une identité forte à ce lieu, entre patrimoine et bâtiments contemporains. La régénérescence de ce site sur le thème du vivreensemble a également donné une image symbolique très forte au projet. Le site se trouve à proximité immédiate du centre-ville de Rennes et est desservi directement par la station de métro Anatole France et un arrêt de bus, garantissant à la fois une bonne visibilité et une facilité d’accès. De plus, à l’échelle du quartier, cette ancienne ZAC articule deux tissus urbains très différents. D’une part, de l’habitat individuel, de type pavillonnaire ; de l’autre, des immeubles collectifs. A la jonction de ces deux morceaux de ville, l’Espace Simone de Beauvoir s’impose comme le cœur du quartier (Fig.8 & 9 p.29). L’ancienne place d’armes de la caserne a été réhabilitée en une vaste place minérale et une aire de jeux végétalisée. Les bâtiments se dressent autour de la place et se répondent, avec des écritures architecturales très différentes (Fig.7 p.28). De même, en lieu et place de l’ancienne commanderie se tient aujourd’hui la Maison de Quartier de La Touche, un lieu très fréquenté par toutes les catégories de population, à toute heure de la journée, toute la semaine.

« La Ville de Rennes a souhaité redonner une centralité à ce site situé à la croisée d’un quartier pavillonnaire, d’un secteur neuf “La Touche” et de deux boulevards structurants. 73 »

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Document de corpus : Plaquette institutionnelle Espacil – Espace Simone de Beauvoir, p.4 Source : www.espacil.com _______________________________________________________ 27


Figure 7 : Photographie des bâtiments alignés sur la place Simone de Beauvoir - Document personnel

En plus de ce programme majeur dans l’animation du quartier, l’Espace Simone de Beauvoir fait face à un ensemble de commerces et de services (Supérette, banque, coiffeur, boulanger, fleuriste, presse…). Ainsi, autant qu’elle fait vivre le quartier, cette opération s’appuie sur une proximité des services. Enfin, contrairement à ce qu’il était à l’époque de la caserne, le mur d’enceinte, même s’il a été en grande partie conservé, est aujourd’hui percé d’ouvertures qui laissent voir le projet depuis la rue. De même que pour le porche percé dans l’ancien casernement qui abrite aujourd’hui la Résidence Simone de Beauvoir, ces ouvertures dans l’enceinte laissent libre la circulation et l’appropriation de l’espace public.

« Ainsi, afin de transformer cet espace clos en lieu d’échange et de circulation des habitants, le site s’est ouvert sur la ville. Pour cela, des percées dans le mur d’enceinte ont été réalisées et des passages sous porches dans plusieurs bâtiments ont été créés.74 »

Dans un contexte urbain très différent, la résidence intergénérationnelle de Beauregard s’attache également à cette notion de centralité. La ZAC de Beauregard-Quincé est une extension urbaine de la ville de Rennes. Loin du centre-ville et des lignes de métro75, les urbanistes ont cependant su proposer une centralité à l’échelle du quartier en s’appuyant sur l’implantation d’un important symbole culturel : le FRAC Bretagne76. Avec le Parc de Beauregard et l’œuvre d’Aurélie Nemours77 à ses côtés, le FRAC Bretagne a construit la notoriété du quartier à l’échelle de la ville. C’est notamment sur cette entité que s’accroche la résidence intergénérationnelle pour installer une centralité de quartier. En effet, l’implantation de la résidence cherche à dynamiser son cœur d’ilot par des espaces communs et des programmes culturels tout en s’ouvrant vers le FRAC, auquel elle fait face (Fig.10 p.30 et Fig. 11 p.31)78. L’ouverture et le dynamisme du projet sur le quartier, même dans une moindre mesure comparé à l’Espace Simone de Beauvoir, correspond néanmoins à l’échelle du projet : celui d’une résidence et non d’une ZAC. Ibid. p.4 La station de métro la plus proche étant la station Villejean-Université (ligne a), à 1.5km de marche. Le quartier est desservi par la ligne de bus n°4. 76 FRAC Bretagne, Studio Odile Deck, architecte, 2012 77 Alignement du XXIe siècle, Aurélie Nemours, artiste, 2005 78 Document de corpus : Plaquette institutionnelle NeoToa – L’intergénérationnel par NeoToa : la résidence Beauregard-Quincé à Rennes p.5 Source : Sandra Leblond, Responsable du pôle Habitats Pluriels NeoToa. _______________________________________________________ 74 75

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Figure 8 : Situation de l'Espace Simone de Beauvoir - Réalisé à partir d'une vue Google Map

Figure 9 : Situation et contexte de l'Espace Simone de Beauvoir - Réalisé à partir d'une vue Google Map

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Figure 10 : Plan de masse de la Résidence intergénérationnelle de Beauregard-Quincé - Source : www.a-lta.fr _______________________________________________________ 30


Figure 11 : Vue de la Résidence intergénérationnelle de la ZAC Beauregard-Quincé, depuis le FRAC Bretagne - Source : www.a-lta.fr

« Il y a une dimension plus de convivialité quand on est à l’intérieur de cette résidence. Et les petites maisons en corten [autour de la « place du village »] s’ouvrent aussi [vers le FRAC]. […] On travaillait vraiment un alignement sur les boulevards de la ZAC, les boulevards existants tout en essayant d’ouvrir un maximum le plan masse vers le FRAC, puisqu’on établissait une espèce de relation à la fois visuelle et physique entre les ateliers d’artistes et le FRAC, en imaginant à termes qu’il puisse y avoir des échanges entre les deux79. »

Dans ces deux projets, une dynamique de centralité de quartier assure aux résidences intergénérationnelles une bonne intégration à échelle urbaine et évite l’écueil de l’entre-soi. Nous pourrions cependant nous demander si l’ouverture sur la ville, en ce qui concerne le projet de Beauregard n’est pas limitée. La desserte du quartier par les transports en commun est faible – une seule ligne de bus (n°4), certes la plus importante de Rennes Métropole80, mais pour les trois ZAC (Beauregard, Beauregard-Quincé et Porte de Saint-Malo). Cela limitera certainement la mobilité des personnes les plus dépendantes à un petit périmètre au sein du quartier et établira donc une certaine « inégalité »…

La situation de l’opération dans la ville conditionne donc la réussite du projet intergénérationnel et notamment sa dimension de vie « collective ». Cela passe à la fois par une attractivité et une ouverture du projet à l’échelle de l’agglomération, en proposant des équipements ou des symboles à forte visibilité, à l’échelle du quartier, en constituant une polarité de la vie de quartier, mais également à l’échelle du projet, en attirant les publics extérieurs au plus proche des générations d’habitants.

Entretien réalisé avec Maxime LE TRIONNAIRE - Architecte de la Résidence Intergénérationnelle de Beauregard. Le 19 Octobre 2015, Document de corpus, réalisé par nos soins. 80 Ville et Métropole de Rennes. (s.d.). Plaquette de présentation de ZAC : Beauregard : Intensifier les lisières entre Ville et Campagne. _______________________________________________________ 79

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 Mixités programmatiques et sociales comme facteurs de cohésion Pour ouvrir le quartier sur la ville et y faire venir des populations « extérieures », l’habitat intergénérationnel ne peut se limiter à proposer uniquement du logement. Ces opérations doivent en effet intégrer des programmes différents et proposer des services à la fois aux résidents et au quartier. De plus, au sein même du projet, il est nécessaire de diversifier les types de financement des logements pour permettre la diversité sociale.

« L’habitat mixte est un assemblage savant de règles financières, de fonctions et de dispositifs spatiaux qui poursuit un but : en rassemblant des populations différentes dans le même espace, il s’agit de créer du lien social, si ce n’est d’installer la paix sociale.81 »

La mixité des programmes, autant que la mixité sociale est donc à promouvoir. Jean Bocabeille, architecte et enseignant, évoque d’ailleurs un « consensus sociétal » sur les aspects positifs de la mixité. Pour lui, les types de mixités qui se développent depuis quelques années témoignent d’une nouvelle vision de l’urbanisme et du bien vivre en ville82. La question du mélange des personnes et des fonctions se pose alors. Comment met-on en place la mixité des populations83 ? Et comment mêle-t-on d’autres programmes aux logements ? Tout d’abord, Monique Eleb et Philippe Simon identifient trois types de solutions pour mélanger les catégories de logements. La mixité par « contiguïté »84 juxtapose des immeubles – ou à minima des « cages d’escalier » – aux financements différents (PLAI, PLS, PLUS, Accession aidée ou libre). La diversité est réelle et relativement simple à gérer puisque les immeubles ne nécessitent pas de montages complexes en termes de financements. Une cohérence d’ensemble doit cependant être présente pour « flouter » les positions sociales. La mixité par « différenciation des types architecturaux et des financements »85 assemble, au sein d’un même immeuble des typologies différentes86. La mixité par « strates »87 est certainement la plus complexe ; elle trouve d’ailleurs tout juste ses premiers montages financiers viables. L’idée consiste pourtant tout simplement à organiser les programmes verticalement. Cela pose néanmoins de nombreuses contraintes en termes de conception mais surtout en termes de ressenti ou d’appréhension des habitants face à l’idée de se mélanger (même si il n’est pas rare de trouver des locataires ravis de ces dispositifs). Dans tous les cas, la vie collective développe une certaine homogénéité. En effet, puisqu’ils vivent dans le même immeuble, les différences (dans la mesure où elles ne sont pas trop extrêmes) s’effacent dès lors que les populations se côtoient. Les Monique ELEB & Philippe SIMON. (2012). op. cit. p.58 Jean BOCABEILLE (2013). Mixité vs mutualisation in Frédéric LENNE (dir.). (2013). op. cit. p.74 83 A ce propos, Jean Bocabeille (ibid. p.74) hiérarchise les mixités de populations comme si elles découlaient les unes des autres : la première serait celle du mélange des « races », puis, la mixité sociale, puis la mixité intergénérationnelle. 84 Monique ELEB & Philippe SIMON. (2012). op. cit. p.61 85 Ibid. p.63 86 Nous reviendrons sur ces assemblages lorsque nous étudierons l’écriture architecturale de ces projets « mixtes ». Cf. Partie II-B (p.43). 87 Ibid. p.65 – Est évoqué brièvement également une mixité « de fait » à propos des logements PMR, dispersés dans l’immeuble pour éviter tout sentiment de ségrégation. _______________________________________________________ 81 82

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auteurs soulignent particulièrement aussi l’importance de l’architecture et de sa gestion : le « sentiment d’être traité dignement […] semble fonder la tolérance à la mixité88. » Le soin porté à la qualité des logements et à celle de l’immeuble joue un rôle fondamental, sur lequel nous reviendrons. Jacques Lucan relie, à cette mixité sociale, une recherche de mixité programmatique89. L’idée est d’associer les programmes d’habitat à d’autres types de programmes, qu’ils soient commerciaux, tertiaires ou encore des programmes d’équipements publics, culturels ou institutionnels90. Pour lui, une nouvelle forme de fabrication de la ville passe par une approche transversale des mixités. C’est ce que traduit en effet l’intérêt qu’il porte aux macrolots comme nouvelle unité de ville. La forme, l’implantation, les populations autant que les fonctions doivent offrir une pluralité des usages et permettre qu’un « quartier, un îlot ou un bâtiment ne soient pas monofonctionnels91 ». Là encore, on distingue différents types de mixité programmatique : « horizontale » ou « verticale ». Comme nous l’avons évoqué précédemment dans une dimension sociale, la mixité « verticale »92 se fait par juxtaposition d’immeubles indépendants avec éventuellement une parcelle partagée pour des espaces extérieurs ou parkings communs. L’unité se fait alors à l’échelle de l’îlot. Dans le cas de mixités « horizontales »93, les programmes se superposent avec un schéma courant : au soussol, parkings et zones de services, au rez-de-chaussée, les programmes en lien avec la rue (commerce, équipements, bureaux…) et dans les étages, s’ouvrant plutôt sur le paysage, les programmes de logements. « On s’aperçoit en étudiant l’histoire de l’habitat que chaque période privilégie un type de mixité et un type d’habitat, et que la nôtre les multiplie94. » L’habitat intergénérationnel doit s’inscrire dans cette idée de diversités plurielles pour répondre à la diversité de sa population. Dans les exemples de résidences intergénérationnelles que nous étudions à Rennes, l’échelle de l’îlot se ressent moins, à part peut-être pour l’Espace Simone de Beauvoir, conçu avec un règlement de ZAC. Les mixités sociales et programmatiques sont néanmoins présentes dans chacune d’elles lorsqu’on compare d’une part les catégories de logement et d’autre part les programmes hors logement, au rez-dechaussée. (Se référer aux programmes détaillés dans les Fiches Récapitulatives des deux opérations en annexe 1 p.81 & 2p.83 et aux plans RDC – Fig.12 p.35 et Fig.13 p.37 + Diagramme programmatique de la Résidence de Beauregard Fig.20 p.48) En ce qui concerne les programmes de logement, la résidence Simone de Beauvoir ne se compose, lors de sa livraison en 2009, que de logements locatifs sociaux et d’une maison relais (gérée par l’association Espoir 35). Cependant, l’intention du projet au départ était d’alterner, d’un étage à l’autre, entre locatif social et accession sociale95. Cette idée a été mise de côté ensuite pour des problèmes de gestion Ibid. p.68 Jacques LUCAN. (2012). Où va la ville aujourd'hui ? Formes urbaines et mixités. Editions de la Villette - Etudes et Perspectives de l'Ecole d'architecture, de la ville et des territoires à Marne-La-Vallée. p. 9 90 Ibid. p.139 91 Ibid. p.9 92 Ibid. p 141 93 Ibid. p.142 94 Monique ELEB & Philippe SIMON. (2012). op. cit. p.60 95 Comme le montre l’examen des plans du Permis de Construire initial de 2005, corrigé ensuite par un PC modificatif de 2006 où l’ensemble des logements est destiné au locatif social. Document de corpus : Jeu de plans – Permis de Construire n°035 238 05 10218 et Permis de Construire Modificatif – Source : Archives Municipales de Rennes – Boites d’archives n°2028W20 et 2028W22 _______________________________________________________ 88 89

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ultérieurs : si le propriétaire veut vendre, le risque est qu’au final cette opération devienne en quelque sorte du logement « standard » comme nous l’a expliqué François Rénier, architecte de la résidence96. On retrouve ici tout l’enjeu de la mixité par strates évoquée plus haut ; les questions de gestion sont parfois bloquantes… Au final, la mixité sociale est toujours présente au sein de l’opération : environ 1/3 des logements sont réservés à des personnes de plus de 60 ans97 et on note que le restaurant associatif, ouvert à tous, permet également aux résidents de croiser des personnes extérieures, des employés le midi par exemple. De manière plus large, au niveau de l’ensemble de la ZAC Mac-Mahon, cette mixité est bien réelle, suivant une logique de contiguïté : des immeubles aux attributions différentes sont juxtaposés (Fig.13 p.37).

A Beauregard, le panel de dispositifs de financement est large pour s’ouvrir à une population cible large elle aussi. On remarque que la majeure partie des logements est en accession qu’elle soit aidée, intermédiaire ou libre (Fig.12 ci-contre). Cette variété s’organise sur la parcelle là encore selon le principe dont la gestion est la moins complexe : celui de la « contiguïté » comme nous l’explique l’architecte : « Il y avait un certain nombre de logements en accession libre, donc destiné à des privés et un certain nombre de logements destiné à du locatif social et une autre partie destinée à de l’accession aidée, de l’accession sociale. Là-dessus, nous avons décidé de travailler par plots et par cage [d’escaliers], en fonction des financements.98 » (voir coupe du projet Fig.19 p.47) Dans ces deux projets, la mixité sociale se mettra donc en place concrètement dans les espaces de rencontres proposés aux habitants, ce qui semble justifier le besoin d’une relative mixité programmatique. Les programmes venant se greffer à l’habitat se trouvent en rez-de-chaussée. « [Le but, c’est] de créer une dynamique habitante et une dynamique, on va dire sociale, autour de logements, qui soient à la fois en locatif et en accession99. » A la résidence de Beauregard, ces « programmes en plus » s’adresseront surtout aux habitants de l’opération. En effet, au cœur du projet, on trouve une « salle de convivialité », une sorte de petite salle polyvalente à laquelle se greffent un bureau de proximité et une buanderie commune. Cette salle destinée à la rencontre entre les habitants pourrait également être accessible aux extérieurs pour des manifestations ponctuelles. En plus de cela, les ateliers d’artistes animent la « place du village » voulue par les architectes100. Enfin, des locaux commerciaux où il est prévu que des professionnels paramédicaux s’installent, se trouvent au rez-de-chaussée, en dessous des habitations sociales et s’ouvrent quant à eux plutôt sur le quartier. (Fig. 12 ci-contre)

Entretien réalisé avec François RENIER - Architecte de la Résidence Simone de Beauvoir. Le 13 Novembre 2015, Document de corpus, réalisé par nos soins. 97 Georges GUITTON. (2011, Oct.). « L’espace Simone de Beauvoir, une voie d’avenir ? » Place Publique - la revue urbaine de l'agglomération rennaise. Consulté le 4 Oct. 2015 : http://www.placepubliquerennes.com/article/Lespace-Simone-de-Beauvoir-une-voie-davenir-1 98 Entretien réalisé avec Maxime LE TRIONNAIRE op. cit. 99 Entretien réalisé avec Sandra LEBLOND op. cit. 100 Entretien réalisé avec Maxime LE TRIONNAIRE op. cit. _______________________________________________________ 96

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Figure 12 : Plan de Rez-de-chaussée de la Résidence intergénérationnelle de la ZAC de Beauregard-Quincé - Plan fourni par l'agence a/LTA, retouché par nos soins _______________________________________________________ 35


La résidence Simone de Beauvoir (qui se distingue de l’Espace Simone de Beauvoir) regroupe aujourd’hui peu de programmes différents alors qu’à la base, elle devait intégrer de plus nombreux espaces collectifs et mêler accession à la propriété et locatif social. Les plans ont dû être modifiés pour faciliter le montage financier. La comparaison des plans des permis de construire (20 Juillet 2005) (Fig.14 p.38) avec ceux du permis de construire modificatif (Mars 2010) (Fig.15 p.39) est d’ailleurs très significative. On y voit en effet disparaitre les salles d’activités réservées à la vie du quartier. Le restaurant se voit privé d’une partie de sa surface, de son salon internet et du bureau de proximité. L’accueil de jour est déplacé et se retrouve séparé de la maison relais alors qu’il devait prendre place sous le porche, face au restaurant. On imagine facilement qu’au cours de la conception, ces décisions ont été prises pour des questions de coûts et de financement du projet et parce que l’utilisation de ces espaces généreux n’était pas garantie. En revanche, l’Espace Simone de Beauvoir propose de nombreux services de proximité et des bureaux dans ses rez-de chaussée (crèche + ludothèque, maison de quartier, cabinets médicaux, bureaux ou cellules commerciales en plus des programmes de la résidence) et tend ainsi vers une diversité à l’échelle urbaine. (Fig.13 ci-contre)

La diversité des programmes, jugée nécessaire au rapprochement des différentes catégories de population, assure également une bonne intégration urbaine de l’opération. Ceci est primordial pour créer un cadre de vie attractif qui permette aux habitants de s’épanouir au sein du projet et d’avoir envie de s’investir dans les relations de voisinage, achevant ainsi le projet intergénérationnel.

« Il résulte de ces objectifs de mixité une autre façon de concevoir les opérations d'aménagement, une autre fabrique de la ville101. »

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Jacques LUCAN. (2012). op.cit. p.9 _______________________________________________________


Figure 13 : Plan de Rez-de-chaussée de l'Espace Simone de Beauvoir + Types de financements des logements situés dans les étages. - Plan estimatif selon constatations sur site, réalisé par nos soins, sur la base du plan d'ensemble de la plaquette "Des friches urbaines pour recoudre la ville" (Rennes Métropole) _______________________________________________________ 37


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Figure 14 : Plans RDC et R+1 de la Résidence Simone de Beauvoir : Version Permis de Construire (2005) - Plans réalisés par nos soins sur la base des plans du Permis de Construire (Archives de Rennes - 2028W20)


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Figure 15 : Plans RDC et R+1 de la Résidence Simone de Beauvoir : Version Permis de Construire Modificatif (2010) - Plans réalisés par nos soins sur la base des plans du Permis de Construire Modificatif (Archives de Rennes - 2028W22)


 Pas d’architecture durable sans démarche éco responsable Mais cette autre fabrique de la ville peut-elle s’installer sans prendre en compte les enjeux écologiques ? Bien entendu, dans une démarche de durabilité sociale, la durabilité écologique réclame toute sa place. Jacques Lucan établit des liens d’interdépendance entre la recherche de mixité sous toutes ses formes et l’idée d’une mutualisation énergétique102. Si cela est envisageable pour des ensembles où la mixité programmatique est forte, cela l’est moins dans des opérations où l’habitat est dominant. Cependant, l’auteur souligne également qu’une gestion commune de l’aménagement des espaces verts serait profitable aux nouveaux rapports que l’on pourrait mettre en place entre ville et nature103 et participer ainsi à un idéal collectif. Et vice versa, selon Pierre Champenois, architecte, « la transition énergétique ne peut se faire sans un projet positif basé sur le lien social104. » Son idée est que les acteurs de la construction doivent penser des bâtiments dans lesquels le lien social est une priorité et que cela ne peut être que profitable à un habitat durable et écoresponsable. Dans les deux opérations étudiées, cette dimension « écologique » ne se retrouve guère, hormis autour d’une idée du « social-durable ». Les deux opérations intègrent certes des jardins partagés, un compost et des zones de tri sélectif, mais a priori, cela s’arrête là. La résidence de Beauregard s’implante tout de même dans une ZAC où c’est le paysage qui a guidé l’urbanisme105 et privilégie les liens visuels avec le paysage naturel106. Lorsque nous avons posé la question au promoteur-bailleur de ce projet, qui pourtant sur certaines opérations est très investi en matière d’écologie, on nous a répondu que la question ne s’était pas vraiment posée. Cela s’explique par le fait qu’il y ait toujours d’assez grosses difficultés à sensibiliser les populations à ce niveau-là et que proposer dans un même projet trop d’expérimentations pourrait mener à un rejet en bloc de celles-ci par les catégories sociales les moins favorisées… « Je pense que l’écologie, c’est encore une chose à laquelle toutes les couches sociales ne sont pas encore sensibilisées. Les couches sociales qu’on loge en tous cas, pas en majorité, mais pour beaucoup, ne sont absolument pas concernées par ça. Ils ont d’autres problèmes à gérer avant ça107. » L’expérimentation de ces nouvelles formes d’habitat pose donc encore quelques questions quant au ressenti des habitants. Ce renouvellement du mode d’écriture de la ville doit se faire de manière progressive pour sensibiliser les usagers à de nouvelles façons de vivre, sans quoi notre ambition du « mieux vivre ensemble » pourrait échouer… Il apparaît néanmoins que la dimension urbaine de ces opérations est un enjeu majeur de la réussite de ces projets. Créer un cadre de vie agréable au sein de la ville peut déterminer l’engouement de la population envers la vie collective qu’il tente de mettre en place en même temps qu’il offre une certaine visibilité et un rayonnement du projet sur la ville. La mixité des programmes va dans ce sens et permet de mettre les habitants en relations à l’extérieur de la sphère du logement. La mixité sociale dépend Ibid. p.183 Ibid. p.181 104 Pierre CHAMPENOIS. Le logement évolutif in Frédéric LENNE (dir.). (2013). op. cit. p.92 105 Ville et Métropole de Rennes. (s.d.). Plaquette de présentation de ZAC : Beauregard : Intensifier les lisières entre Ville et Campagne. op. cit. 106 Ce projet est également conçu sous le label Cerqual, qui pose les bases d’une construction responsable. Cependant, ce label est obligatoire sur Rennes, il n’y a donc pas de volonté particulière d’installer plus encore cette démarche. Entretien réalisé avec Sandra LEBLOND op. cit. 107 Ibid. _______________________________________________________ 102 103

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aussi de ces relations de voisinage au sein du collectif auquel elle évite par ailleurs une certaine forme d’entre soi. L’implantation d’opérations d’habitat intergénérationnel réclame donc une attention particulière en termes d’implantation, pour assurer une bonne intégration dans le tissu urbain et en termes de programmation pour assurer le mélange des populations. A l’échelle du bâtiment, la qualité d’usage doit également permettre la mise en place de la vie collective tout en répondant aux besoins spécifiques de chacun.

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B- Qualité architecturale et mutualisation : à l’échelle du bâtiment

Au-delà de l’intégration de l’habitat intergénérationnel dans la ville et dans la population, c’est à l’intérieur des opérations en elles-mêmes que s’établissent les relations entre les habitants. Nous interrogerons donc d’une part les dispositifs architecturaux qui favorisent le mélange des générations notamment en termes d’écriture architecturale ou de conception des logements. D’autre part, nous tenterons d’identifier le liant de cet habitat qui semble fondé sur une vie collective et commune.

 Création d’une identité par la morphologie du bâti Nous l’avons vu, à échelle urbaine, la mixité des catégories de populations favorise le mélange des générations. A l’échelle d’une opération, cela pose la question de l’écriture architecturale tant au niveau des typologies de logement qu’au niveau du « standing » des opérations. En effet, les moyens financiers étant différents selon que l’on construise du logement social ou de l’accession libre, l’architecte doit résoudre l’équation de concevoir un projet qui mélange les personnes tout en répondant aux critères de chacun. La solution peut être, d’une part de proposer une architecture complètement hybride en mélangeant les formes caractéristiques des catégories de logement. L’exemple présenté par Monique Eleb et Philippe Simon108 à ce propos est assez parlant. Au 169, boulevard Victor Hugo à Saint-Ouen, en 1999, Serge et Lipa Goldstein ont construit un immeuble mélangeant les différents types d’accession dans une diversité morphologique complète. Le mélange de logements « en barres » avec des appartements plus généreux, en duplex par exemple et des maisons semi-individuelles autour d’une cour commune produit une architecture totalement hybride mais qui regroupe sans complexes, différentes catégories sociales. Chacun accepte sa position et à partir de là se construit une vie collective respectée par tous. (Fig. 16 ci-dessous) Figure 16 : Photographie du projet de Serge et Lipa Goldstein, architectes – Issue de l’ouvrage de Monique ELEB et Philippe SIMON, (2012). Entre confort, désir et normes : le logement contemporain (1995-2010) – p.64

Exemple cité par les auteurs : 169 boulevard Victor Hugo à Saint-Ouen, Seine-Saint-Denis, 1999, Serge et Lipa Goldstein architectes, MOa Office HLM de la Ville de Saint-Ouen. Monique ELEB & Philippe SIMON. (2012). op. cit. p.64 _______________________________________________________ 108

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Dans ce type de projet, les différences sont soulignées pour être mieux acceptées. C’est également le cas pour l’Espace Simone de Beauvoir (mais pas pour la résidence intergénérationnelle Simone de Beauvoir), même si cela est moins manifeste car les immeubles sont indépendants selon leurs types de financement. Cependant, l’écriture des bâtiments est très hétérogène. (Fig.17 ci-dessous et ci-contre) D’une manière générale, on remarque des éléments d’écriture architecturale communs à l’ensemble (traitement du socle sur les façades à rez-de-chaussée et des toitures en « penthouse » par exemple), excepté peut-être pour la résidence intergénérationnelle et la maison de quartier qui sont des réhabilitations. Les typologies de logements de la résidence intergénérationnelle ne sont pas perceptibles du fait de sa façade aux fenêtres identiques répétées. La sobriété néanmoins élégante ne laisse donc deviner ni l’usage du bâtiment, ni la catégorie sociale à laquelle il s’adresse. Les bâtiments destinés à l’accession, le Parnasse (55 appartements, du studio au T4 en accession libre), le Chatelet (26 appartements du T1 au T4 en accession libre), le Pavillon et le Carrousel (respectivement 5 et 45 appartements, du studio au T5 en accession libre) ont bénéficié d’un traitement assez riche. Larges ouvertures et balcons, jeux volumétriques, joints creux, ruptures et différences de toitures, choix des matériaux (parement, zinc…) donnent à ces constructions une image de haut standing. En revanche, les bâtiments « sociaux », à savoir la résidence Olympia (17 logements locatifs sociaux, de types familiaux) et la résidence Serena (17 appartements, du T2 au T5 en accession aidée) sont beaucoup plus compacts et sobres. Des percements réguliers, des matériaux de façade bruts ou enduits, etc. témoignent d’une volonté d’économie de moyens. Figure 17 : Les photographies qui suivent sont issues de la plaquette institutionnelle de l'Espace Simone de Beauvoir (Espacil) - dans l'ordre de lecture : Le Parnasse ; Le Châtelet ; Le Pavillon ; Le Carrousel ; Olympia ; Serena ; Résidence Simone de Beauvoir

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Ces différenciations bien sûr très courantes, n’ont cependant pas empêché une dynamique collective de se mettre en place, impulsée par l’association Argo. Il apparait cependant que les habitants des logements en accession participent moins à la vie commune que les résidents en logements sociaux109 (qui s’y sont engagés via une charte de fonctionnement intergénérationnel, cf. III-A – Charte Intergénérationnelle p.62).

D’autre part, certaines opérations choisissent d’atténuer ces différences, dans une logique de non-différenciation. Jacques Lucan s’appuie sur le projet de Louis Paillard, architecte, rue Coulmiers, sur le site de l’ancienne gare de Montrouge pour expliquer ce principe110 (Fig.18 ci-dessous). Une homogénéité des façades et des volumétries, ou a minima de faibles différences évitent de catégoriser les personnes selon leur niveau social. En ce sens, cela favorise la rencontre de différents types de population.

Figure 18 : Visuels du projet de Louis Paillard, architecte pour la gare de Montrouge - issus de l'ouvrage de Jacques Lucan "Où va la ville aujourd'hui ?" (2012) p.137

Le projet de la résidence intergénérationnelle de Beauregard est plutôt dans cette dimension-là. Le bâtiment étant actuellement en cours de construction, seules les images du concours nous permettent de constater qu’effectivement, l’écriture architecturale est assez homogène sur l’ensemble de l’opération. L’architecte nous explique que ce projet a été conçu par plots et cages d’escaliers indépendantes111. Cependant, même si les locataires sociaux et les propriétaires ne partagent pas le même palier, en apparence, depuis l’extérieur du projet, il est difficile de discerner les catégories de logement. Le traitement des volumes et des matériaux comme présentés au concours ne suggèrent qu’un seul et même bâtiment (Fig.19 ci-contre). Ici, le traitement des façades, pour toute l’opération n’était motivé que par la dualité entre façade sur rue et façade sur jardin, au centre de la parcelle (Fig.20 p.48). Seuls les programmes communs et les ateliers d’artistes se démarquent réellement – doubles pentes, acier corten.

Entretien réalisé avec Jean-Yves LOURY - Directeur de la promotion locative - Espacil. Le 15 Décembre 2015, Document de corpus, réalisé par nos soins. 110 Exemple de projet présenté p.137 : Bâtiment de Louis Paillard, architecte, à Paris XIVe, ancienne gare de Montrouge. in Jacques LUCAN. (2012). op.cit. p.137 111 Entretien réalisé avec Maxime LE TRIONNAIRE op. cit. _______________________________________________________ 109

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Figure 19 : Documents du concours pour la Résidence Intergénérationnelle de Beauregard-Quincé Perspective depuis la rue ; Coupe Nord-Sud ; Elévation Ouest - Source : www.a-lta.fr

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Figure 20 : Diagrammes des Façades (en haut) et de la Répartition des programmes (en bas) - Documents du concours pour la Résidence Intergénérationnelle de Beauregard-Quincé - Source : www.a-lta.fr _______________________________________________________ 48


La différence d’approche entre les deux exemples s’explique notamment par le contexte dans lesquels ils se situent. En effet, le premier articule deux quartiers aux bâtiments très différents, ce qui incite, au sein même de l’opération à proposer une grande diversité formelle. A Beauregard, en revanche, le projet se trouve au centre de la ZAC où chaque opération développe sa propre écriture architecturale contemporaine. L’opération a donc eu besoin, elle aussi, de créer sa propre unité.

Au final, si les mixités sociales et programmatiques nous semblaient nécessaires à la rencontre des générations, une diversité formelle ne semble pas être primordiale au projet intergénérationnel si ce n’est dans la mesure où l’écriture architecturale doit créer une identité. Pour l’Espace Simone de Beauvoir, c’est l’écriture contemporaine et les bâtiments réhabilités qui créent cette identité, face à un environnement fait d’habitat individuel d’un côté et de grands ensembles de l’autre. A Beauregard, c’est au contraire une logique homogène qui singularise l’opération dans son contexte très disparate. Néanmoins, le mélange des générations ne s’effectue véritablement qu’au-delà de la façade. En effet, c’est surtout dans la mixité des typologies de logements que l’on trouve une grande diversité. Concevoir de l’habitat intergénérationnel sous-entend répondre à des besoins différents selon les tranches d’âges. En général, de manière basique, ces opérations proposent des logements T4/T5 pour des familles, T2/T3 pour les jeunes couples ou les personnes âgées (auquel cas, les logements sont souvent adaptés), et des studios pour des étudiants. Les résidences Simone de Beauvoir et de Beauregard s’inscrivent complètement dans cette logique avec des offres de logement allant du T1 au T4 pour la première et du T1 au T6 dans la seconde112. Diversifier l’offre permet donc de toucher un public large et favorise une mixité sociale et générationnelle. Mais ce qui va nous intéresser ici, c’est la manière dont les architectes font évoluer ces typologies et la manière dont ils les mettent en contact.

 Appartements partagés : rapprocher les générations au sein du logement Juxtaposer les typologies reste la solution la plus naturelle pour créer une diversité de voisinage. Cependant, certaines opérations poussent un peu plus loin les rapports entre espace publics et espaces privés dans le but de créer une graduation des espaces communs jusque dans la sphère du logement. Dans le projet de Kraftwerk1 que nous évoquions en première partie113, on trouve de nombreux exemples de logements partagés. On le voit notamment à travers les grandes colocations qui rassemblent différentes typologies de logements autour d’espaces communs (salon, salle à manger, cuisine principale, salle de bain…). De la simple chambre au petit T2, ces parties individuelles bénéficient de larges espaces de vie en communs avec les autres habitants. Ces espaces individuels sont mis à distance des communs par des zones tampons qui sont des cuisines secondaires ou les salles de bain. Ainsi, l’intimité et l’indépendance de chacun sont garanties. (Fig. 21 page suivante). Ce projet suisse fait référence et a pu prouver son fonctionnement. En France, ce type de cohabitation est difficile à mettre en place, même si l’on commence à voir apparaître des projets conçus autour de cette idée de partage.

Se reporter au détail des programmes dans les fiches récapitulatives présentées en annexe (1 p.81 et 2 p.83). 113 Voir I-A – Initiatives citoyennes pour l’intégration des personnes âgées : l’exemple de Kraftwerk1 (p.17) _______________________________________________________ 112

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Figure 21 : Projet Kraftwerk - Plan de niveau - Source : Criticat 11 p.6 _______________________________________________________ 50


Dans la résidence Simone de Beauvoir, les architectes ont assez peu développé cette idée au sein des logements. La trame structurelle de ce bâtiment réhabilité a permis d’alterner les typologies en mélangeant aux 1er, 2ème et 3ème étages les T1, T2, T3 et T4. (Fig. 22 page suivante) Le 4ème étage ne comprend en revanche que des T1 destinés à des étudiants du domaine médico-social. Mais en l’occurrence, ce n’est pas vraiment à l’intérieur de la résidence que se côtoient les habitants, mais plutôt dans les espaces communs et publics. La résidence intergénérationnelle de Beauregard pousse en revanche l’idée de la mixité des typologies et de la cohabitation un peu plus loin. En effet, en plus d’un mélange « standard » des types d’appartements, les architectes ont conçu, en suivant l’idée du maître d’ouvrage, 4 paires de logements partagés. Le concept consiste à réunir deux appartements, un T4 et un T2, en locatif social autour d’une pièce supplémentaire. (Fig. 23 p.53) Un espace est donc mis en commun tout en conservant des accès indépendants pour chaque logement. Cette pièce met en relation deux logements sociaux de typologies différentes. L’idée114 est de former un binôme entre une famille et une personne âgée (ou un couple de personnes âgées) qui accepte de mener ensemble ce projet de vie. L’idée de la pièce partagée n’est certes pas nouvelle, on la retrouve dans de nombreux projets d’habitat participatif. Sandra Leblond, en charge du projet chez NeoToa, nous explique que l’idée de la pièce partagée a été inspirée par un projet qu’elle a pu visiter près de Grenoble, à Meylan : le projet des Naïfs115. Ce projet participatif mélange les types d’habitat et met des pièces en commun pour plusieurs logements. Les usages de ces pièces ont su évoluer en fonction des besoins (salle de jeu, buanderie, atelier…)116. Sur l’opération de Beauregard, cet espace facilite les échanges de services et établit une proximité entre les locataires : « A certaines heures de la journée, la personne âgée peut ouvrir son appartement sur cet espace là pour rencontrer les enfants, pour rencontrer les parents de la famille.117 » Au-delà de la dimension de vie commune, l’architecte nous explique que cette pièce offre également une surface en plus (une salle télé, une salle à manger), ce qui est un confort supplémentaire pour ces logements. Sandra Leblond envisage également d’y installer une chambre d’amis, un bureau, etc. : « ça crée de l’espace complémentaire »118. L’expérimentation de ces pièces communes à deux logements pose par ailleurs la question de son financement : le supplément de loyer par appartement pour cette pièce est estimé à 35€/mois par locataire119. Les charges sont réparties entre les deux appartements (chauffage collectif et deux sources lumineuses, chacune commandée depuis un des deux appartements)120. Mais des solutions plus technologiques (connexion internet, gestion du chauffage…) sont expérimentées par le bailleur pour pouvoir étendre ce concept dans de futurs projets.

Nous y reviendrons quand nous aborderons les politiques d’attribution des bailleurs. Voir III-B – Attribution des logements. (p.65) 115 Ce projet est issu d’une collaboration entre le groupe d’habitant, le promoteur Pluralis, la municipalité de Meylan, l’architecte André Zanassi. Il est le fruit d’une concertation mise en place par l’Atelier Public d’Urbanisme (APU). 116 Entretien réalisé avec Sandra LEBLOND op. cit. 117 Entretien réalisé avec Maxime LE TRIONNAIRE op. cit. 118 Entretien réalisé avec Sandra LEBLOND op. cit. 119 Document de corpus : Cahier des Charges – Réponse de NeoToa à l’appel à projet de la ville de Rennes. p.66 – Source : Maxime Le Trionnaire – a/LTA 120 Entretien réalisé avec Sandra LEBLOND op. cit. _______________________________________________________ 114

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Figure 22 : Extrait du plan de niveau 2 de la Résidence Simone de Beauvoir – Ech.1/200 – Réalisé par nos soins sur la base des plans du Permis de Construire (Archives Municipales de Rennes, boite n°2028W20)


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Figure 23 : Vue d'un appartement partagé de la Résidence Intergénérationnelle de la ZAC de Beauregard-Quincé Source : Sandra Leblond (NeoToa)


On doit reconnaitre que ce dispositif semble être une bonne alternative à la colocation par exemple. Elle permet de tisser des liens, tout en conservant son indépendance, ce qui semble souvent nécessaire autant à la personne âgée qu’à la famille. De plus, si jamais ce type d’initiative ne fonctionnait pas, les logements partagés sont tout à fait réversibles et peuvent redevenir un T4 plus un T3 en attribuant la pièce partagée au T2. L’indépendance de chacun doit bénéficier d’une attention particulière de l’architecte, car mélanger les populations et leur permettre de vivre ensemble doit cependant laisser une place à l’intimité. Ainsi, un certain confort d’usage des logements est souhaité, tant en termes d’insonorisation qu’en termes de commodité d’usage du logement121.

 Les circulations comme premier lieu de rencontres La qualité architecturale est également recherchée dans l’ensemble d’une opération et notamment dans les circulations qui sont, en général, le premier lieu de rencontres. Dans une comparaison de deux résidences (à Toulouse et à Savigny-SurOrge)122, Philippe Dehan constate effectivement qu’une circulation qui permet aux habitants de s’installer, de regarder jouer les enfants, discuter, etc. est plus adaptée au développement des relations intergénérationnelles qu’une circulation en couloir123. Ces espaces de circulation deviennent alors de vraies pièces à vivre, entre voisins. Là encore, on retrouve ces deux déclinaisons dans les projets que nous étudions. A la résidence Simone de Beauvoir, le principe de circulation est ultra standard. Le bâtiment est divisé en deux parties, deux noyaux de circulations de part et d’autre du porche central desservent verticalement des couloirs étroits (1.2 à 1.8m de large), pour la plupart sans lumière naturelle. On n’imagine clairement pas que quiconque vienne s’installer ici… Il semble que le dessin des architectes n’ait été dicté que par la morphologie du bâtiment à réhabiliter dont la volumétrie ne laisse pas vraiment envisager d’alternatives qui ne soient trop couteuses… A la résidence de Beauregard, le fonctionnement par plots a permis d’éviter les longs couloirs en multipliant les dessertes verticales qui, pour la plupart, sont ouvertes sur la rue. Dans les étages, les surfaces sont réduites, mais les halls d’entrée au rez-dechaussée offrent une surface plus généreuse. Ces halls traversants font le lien de la rue au jardin et bénéficient de larges ouvertures, pour un ensoleillement maximum. L’architecte nous décrit ces halls comme de vrais lieux d’accueil : « En augmentant ces surfaces-là, on se propose d’en faire un lieu, mais ça passera aussi certainement par un travail sur la couleur, sur la manière d’aménager ces halls de façons à ce que ce soit un espace d’accueil124. » L’idée, en plus d’offrir un espace d’entrée chaleureux, est ici que les gens se croisent et se rencontrent plutôt que de créer des espaces d’où les gens s’échappent, sans les pratiquer125. L’enquête de Monique Eleb et Philippe Simon révèle que les habitants sont beaucoup plus réceptifs aux expérimentations quand la qualité architecturale au sein de la résidence est bonne et qu’ils ont « la sensation d’être traités dignement par l’architecte et les gestionnaires ». Monique ELEB & Philippe SIMON. (2012). op. cit. p.68 122 Comparaison des projets de l’ESH I3F à Savigny-sur-Orge, rue César Franck (1995, architecte non cité) et de la Résidence Sépia, à Toulouse (1995, Louis-Pierre Grosbois architecte), Philippe DEHAN. (2007). op. cit. pp.83-84 123 Ibid. p.84 124 Entretien réalisé avec Maxime LE TRIONNAIRE op. cit. 125 Ibid. _______________________________________________________ 121

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On se rend compte peu à peu que les missions de l’architecte pour développer le vivre ensemble au sein de l’habitat intergénérationnel ne tiennent qu’à peu de choses. A partir du moment où l’accessibilité est bonne, que les logements sont confortables et que la qualité d’usage des espaces communs et des alentours sont au rendez-vous, il n’y a, a priori, plus d’obstacles à la mise en place de la vie collective. Cependant, on remarque que des éléments supplémentaires accentuent cette mise en place, comme par exemple, le fait de partager des espaces communs où puisse s’installer une réelle vie commune à l’échelle du projet et pas seulement à l’échelle du logement.

 Mutualisation d’espaces C’est un élément récurrent dans les projets qui cherchent à installer une dimension collective au sein d’une opération de logement. Nous l’avons vu brièvement dans l’opération de Kraftwerk1 qui met à disposition du collectif, des lieux de rassemblement, des ateliers, une buanderie, etc. (Fig.1 p.17) mais c’est également le cas dans de nombreuses opérations, surtout chez nos voisins européens. En France, d’une manière générale, même si ces initiatives se développent, elles ne sont pas encore systématiques126. De plus en plus, même sans être certains de l’usage à termes de ces espaces, les maîtres d’ouvrages commencent à expérimenter cela. L’Espace Simone de Beauvoir, inauguré en 2009, a veillé à assurer son pari en ouvrant des espaces collectifs qui ne soient pas réservés uniquement aux résidents, mais plutôt à l’ensemble du quartier, comme nous l’avons vu (Cf. II-A Mixités programmatiques p.32). Cependant, ces espaces constituent tout de même le cœur de la dimension intergénérationnelle de l’opération. Le restaurant associatif notamment, dans la résidence intergénérationnelle est devenu en quelque sorte le QG d’un noyau d’habitants qui s’y retrouvent régulièrement pour organiser la vie collective. Dans une interview accordée à Radio Laser127 en 2011, Béatrice Chancereul, coordinatrice de la vie de la résidence128 explique que c’est ici qu’ont lieu les rencontres entre les personnes âgées et les étudiants ou les gens du quartier. Qu’elles soient organisées ou informelles, ces rencontres créent des liens entre les habitants et cela se ressent ensuite dans la vie quotidienne. Pour d’autres activités, une salle polyvalente, située à proximité de la crèche est aussi à disposition pour les associations du quartier. Les ateliers et activités de la maison de quartier participent également à fournir un cadre à ces rencontres. Dernièrement, la mise en place d’un jardin partagé, à l’initiative des habitants, a créé un nouveau lieu d’échanges entre les générations. A Beauregard, la dimension expérimentale (du point de vue du bailleur) est plus prononcée. En effet, un petit équipement est destiné exclusivement à la vie de la résidence. En intégrant au projet une « salle de vie », un espace buanderie et un bureau de proximité, NeoToa, maître d’ouvrage, développe, de manière formelle un lieu de « convivialité129 ». Cet espace, ouvert aux résidents et occasionnellement à des évènements de quartier, sera géré par un agent de proximité. Cette expérimentation, Alors qu’elles le sont dans certains pays européens, en Autriche notamment : Dietmar FEICHTINGER (2013), Ecoconception : l’exemple autrichien in Frédéric LENNE (dir.). (2013). op. cit. p.104 127 Document de corpus : Reportage radio – Simone de Beauvoir, la résidence intergénérationnelle par Radio Laser – Emission du 18.08.2011 Interview de Brigitte Rault, Béatrice Chancereul, Nadine Saliot et Cédric Lavenue. Source : www.radiolaser.fr consulté le 18 Déc. 2015 128 Béatrice Chancereul a aujourd’hui quitté le projet, mais la dynamique perdure via un noyau d’habitants. 129 Document de corpus : Plaquette institutionnelle NeoToa – L’intergénérationnel par NeoToa p.4 _______________________________________________________ 126

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une première pour NeoToa, sera l’occasion pour le bailleur/promoteur d’apprendre un nouveau type de gestion, en lien avec les habitants. «Parfois ça fonctionne, parfois ça ne fonctionne pas… C’est vraiment des choses sur lesquelles, en tous cas, nous sur la buanderie, on va tout apprendre, clairement130. » Le but est que cet équipement d’environ 90m² voit se croiser les habitants de manière informelle131. Il est prévu que la buanderie soit gérée par une association créée avec les nouveaux habitants. En cas de non utilisation, le projet envisage la possibilité de la supprimer en agrandissant la salle de convivialité. L’architecte a choisi d’implanter ce lieu collectif en plein centre du projet, en relation visuelle directe avec la majeure partie des logements, au croisement entre l’espace public de la rue et les jardins partagés. Une bonne visibilité de ces espaces est en effet nécessaire pour créer une dynamique collective et inciter les habitants à les utiliser et se les approprier. On retrouve souvent cette idée d’une centralité où la vie du quartier ou du projet sont bien visibles pour d’une part animer l’espace public et d’autre part, créer une certaine identité à la résidence : ces espaces communs deviennent l’épicentre de la vie collective.

 Une centralité domestique comme lieu de vie commune En effet, que ce soit à l’espace Simone de Beauvoir ou pour la Résidence de Beauregard, les deux projets proposent un espace public ou semi-public autour duquel s’organise à la fois l’implantation des bâtiments mais également la vie collective. Ce type d’espace semble nécessaire pour créer l’identité du lieu132, mais également la dynamique habitante. Comme un point de repère dans la vie de la résidence, c’est le lieu des rencontres informelles ou non, entre les générations. Dans les deux exemples, ces espaces se composent d’une place minérale, propice aux manifestations culturelles ou sportives et d’un espace végétal, que ce soit une aire de jeux pour les enfants (Espace Simone de Beauvoir) ou des jardins partagés (Beauregard). Les architectes et urbanistes de ces opérations ont également veillé à créer des cheminements piétons dans un cadre végétalisé, qui s’écarte de la rue et se rapproche des logements. Il s’agit d’une transition entre espace public et espace privé, avec une forte dimension collective. La progression de l’espace public vers l’espace privé passe désormais par l’espace collectif.

Maxime Le Trionnaire, architecte de la Résidence de Beauregard, décrit cette centralité comme étant une articulation entre les programmes communs et les jardins partagés autour de ce qu’il appelle une « place du Village »133. La notion de centralité à échelle domestique semble là encore nécessaire à la création d’une identité de l’ensemble. Le projet des architectes insiste d’ailleurs sur cette dualité entre façades urbaines, côté rue, et façades plus domestiques, en cœur d’ilot : Entretien réalisé avec Sandra LEBLOND op. cit. Document de corpus : Cahier des Charges – Réponse de NeoToa à l’appel à projet de la ville de Rennes. op. cit. pp.67-68 132 Comme décrit par Philippe Dehan à propos de la Résidence Sépia à Toulouse. in Philippe DEHAN. (2007). op. cit. p.83 133 Entretien réalisé avec Maxime LE TRIONNAIRE op. cit. _______________________________________________________ 130 131

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« On est dans un style un peu plus appropriable, à l’échelle du piéton, avec les petites maisons [en corten], des jeux de filtres sur les balcons…134 » (Voir élévation Fig.19 p.47) Il nous semble néanmoins fondamental que ce besoin identitaire ne conduise pas à un entre-soi trop important et que ces lieux restent ouverts au public et au quartier et qu’ils ne s’adressent pas uniquement aux résidents.

« C’est un projet qui créé une centralité au sein de la résidence, mais en même temps, qui est ouverte sur le quartier135. »  Une diversité par l’appropriation Un autre point nous semble intéressant à aborder, même si on ne le retrouve pas dans les exemples que nous étudions. De la même manière qu’il faut éviter de créer un entre-soi trop hermétique, nous pensons qu’une trop grande uniformité des logements participe à mettre en place un certain anonymat au sein de la résidence. Même s’il y a certes, une mixité des typologies, on peut se demander si une plus grande possibilité d’appropriation du logement ne serait pas intéressante à mettre en place dans ce genre d’opération. La dimension expérimentale de ces projets conduit à envisager la possibilité d’une évolutivité des bâtiments. De même, rendre possible une appropriation du logement pour permettre à chacun de personnaliser son cadre de vie installerait une diversité encore plus grande. Alain Sarfati décrit l’appropriation comme étant une qualité essentielle du logement contemporain136. Sortir de la simple répétition pour offrir une meilleure qualité de vie semble alors nécessaire à la création d’une nouvelle forme d’habiter, qui soit socialement durable. « L’architecture doit renoncer à donner une réponse unique, un idéal pour tous. Elle doit sortir de la production industrielle modulaire et répétitive pour que le plaisir du vivre ensemble soit l’évidence et que les immeubles regorgent de vie137. »

En conclusion de cette approche urbanistique et architecturale de l’habitat intergénérationnel, il ressort que le cadre de vie peut-être effectivement favorable au développement d’un « vivre-ensemble » au sens où il évite une sorte de ghettoïsation des catégories sociales et générationnelles et un entre-soi en s’ouvrant sur la ville. De plus intégrer des espaces où les habitants peuvent se croiser et se rencontrer est nécessaire à l’installation d’une vie collective. Evidemment, cela doit s’accompagner d’une qualité architecturale à tous les niveaux. Cependant, ce sont là des recommandations souhaitables pour tout type d’opérations. Si l’architecture peut mettre en place un cadre de vie propice à la rencontre, la mise en place d’une solidarité entre les âges et de relations de voisinage implique nécessairement un regard porté sur la vie de ces projets, de leurs usages. Pour que les populations interagissent, il y a nécessité de construire un projet social pour accompagner la mixité des générations. Au cours de nos recherches, cela s’est vérifié plusieurs fois auprès de différents acteurs, qu’ils soient architectes ou maîtres d’ouvrages, tous s’accordent à dire que le projet architectural est indissociable d’un projet de vie. Entretien réalisé avec Maxime LE TRIONNAIRE op. cit. Entretien réalisé avec Sandra LEBLOND op. cit. 136 Alain SARFATI. (2013) La normalisation du chez-soi in Frédéric LENNE (dir.). (2013). op. cit. p.66 137 Ibid. _______________________________________________________ 134 135

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« Mais pour que ça marche, il faut qu’il y ait un vrai projet de vie138 » Maxime Le Trionnaire, architecte de la résidence de Beauregard

« L’idée, c’est comment on arrive à créer du lien entre ces différentes personnes qui ont l’habitude de vivre à côté, mais pas forcément ensemble139. » Sandra Leblond, responsable du pôle Habitats Pluriels chez NeoToa

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Entretien réalisé avec Maxime LE TRIONNAIRE op. cit. Entretien réalisé avec Sandra LEBLOND op. cit. _______________________________________________________


III- Le Projet de Vie, concrétisation du vivre ensemble

En parallèle de la conception architecturale, la dimension sociale du projet de vie implique une volonté particulière du bailleur. Cette dimension du projet implique un investissement en termes financiers et de gestion de la part du maître d’ouvrage, surtout lorsqu’il ne s’agit pas d’habitat participatif140. Celui-ci doit s’inscrire dans une politique de « non-profit141 » (au moins pendant les phases expérimentales de ces projets qui cherchent encore aujourd’hui leurs marques). La promotion privée dans ce domaine semble donc difficile à mettre en place si de nouvelles sources de financement ne peuvent être trouvées. « Donc là ça interroge le positionnement du bailleur : finalement, on n’est pas que là pour faire du logement, on est là pour travailler sur une dimension plutôt d’habitat. Moi je me bats un petit peu pour dire : non, on n’est pas un opérateur qui fait du logement social, on fait de l’habitat social. Et ça change tout !142 » Ce que l’on appelle « projet de vie » consiste en un programme à la fois de gestion, d’animation et de coordination de la vie collective au sein des opérations, mais aussi en une certaine flexibilité de ce programme qui doit s’adapter aux évolutions des besoins des habitants. Anticipation et remise en question au fil du temps sont donc de mise. Il semble manifeste que ce projet de vie joue un rôle décisif pour un mélange réel des populations et des générations. Nous étudierons donc les outils disponibles pour mettre en pratique ce projet qui suppose un large travail en amont, mais également le travail de suivi et d’évaluation du projet de vie après livraison du projet architectural.

A- Anticiper les besoins des résidents et fixer les ambitions du projet de vie Dès le départ du projet, c’est-à-dire, dès les phases initiales de la programmation à échelle urbaine, la dimension de vie collective doit faire partie des réflexions. Comme on a pu le voir en première partie, le cadre politique dans lequel émergent les projets initie la dimension collective de ces opérations. Dans nos deux exemples, les propositions des promoteurs, Espacil et NeoToa résultent d’une demande précise de la ville de Rennes pour la création d’une résidence intergénérationnelle. Une cohérence entre tous les acteurs doit donc se mettre en place dès les prémices du projet pour qu’un travail collectif entre maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’œuvre et d’une certaine manière, maîtrise d’usage, se mette en place143.

Dans le cadre d’une démarche participative, toute ou partie de la gestion peut être assumée par des habitants volontaires. 141 Sandra Leblond nous explique que pour NeoToa, cette opération est « une opération zéro » : la marge que récupère la maîtrise d’ouvrage publique en assurant elle-même la promotion privée est destinée à financer les aménagements communs. Entretien réalisé avec Sandra LEBLOND op. cit. 142 Ibid. 143 Maîtrise d’ouvrage (ville ou bailleurs-promoteurs), Maîtrise d’œuvre (architectes, urbanistes et divers experts) et Maîtrise d’usage (associations de locataires et futurs habitants). _______________________________________________________ 140

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 Concertation des trois maîtrises : d’ouvrage, d’œuvre et d’usage Pour l’Espace Simone de Beauvoir, l’appel à projet auprès des promoteurs rennais s’est fait en parallèle du concours d’idées Europan 6 (2000-2002). Un travail commun entre le maître d’ouvrage sélectionné (Espacil Habitat et Espacil Construction, en association avec le groupe Lamotte144) et les urbanistes vainqueurs du concours pour ce site (Nizou et Mauras145) a défini le projet de ZAC. Si on ne peut certes pas parler de concertation extra-ordinaire, on souligne néanmoins les réflexions parallèles menées à propos du site d’une part et du projet social d’autre part qui ont conduit à un projet mêlant les deux dimensions. Par la suite, plusieurs réunions de concertations ont eu lieu, réunissant autour de la maîtrise d’ouvrage l’ensemble de la maîtrise d’œuvre de la ZAC (les quatre architectes et les urbanistes), la Ville, les associations dont les implantations était prévues au sein de la résidence Simone de Beauvoir (Argo et Espoir35) ainsi que des associations de locataires du quartier146. Ces concertations se sont limitées à coordonner les différents acteurs pour que le projet de vie corresponde au projet architectural, mais cela était nécessaire vu l’assemblage complexe des programmes. Pour la résidence de Beauregard, la concertation aurait pu être bien plus large qu’elle ne l’a finalement été. La Ville (services de l’habitat et des personnes âgées) et l’aménageur (Territoires) sont très présents dans le suivi de cette expérimentation, la direction de quartier et l’association de quartier « Vivre à Beauregard » participent également au comité de pilotage du projet. De plus, il était demandé à la maîtrise d’œuvre de s’entourer d’un sociologue ou d’un gérontologue (ce qui n’a pas été le cas pour a/LTA) ainsi que d’un coloriste « sensibilisé aux notions de perte d’autonomie »147. Au-delà de ces concertations entre ces instances, majoritairement professionnelles, NeoToa avait l’ambition, pour la partie en accession de proposer un projet participatif148. La ville de Rennes a écarté l’idée pour des raisons de délais (beaucoup plus longs pour un projet participatif). Il semble là encore, au même titre que ce que nous évoquions pour l’appropriation des logements que l’implication des habitants dans la conception de tels projets soit une piste à ne pas négliger. L’émergence progressive en France de projets participatifs témoigne selon nous d’une volonté nouvelle d’accéder à une nouvelle forme d’habitat. Dans ces projets d’habitat intergénérationnel, qui supposent que les résidents s’engagent dans une sorte de vie collective et plus solidaire et qui bousculent les codes de la conception, ne devrait-on pas accorder une place plus importante à la maîtrise d’usage ? De telle sorte que les projets répondent réellement aux attentes des habitants ? Cette question implique de nombreux aspects à considérer. Si l’habitat participatif s’envisage aujourd’hui pour des programmes en accession, quand les délais de conception le permettent, cela semble plus difficile à mettre en place pour du locatif, social ou non. Pourtant, lorsque nous interrogeons Sandra Leblond (Habitats Pluriels – NeoToa), elle nous apprend qu’un projet est déjà en cours d’expérimentation à Respectivement Entreprise Social pour l’Habitat (soumis aux mêmes règles qu’un bailleur social public) et Promoteurs du domaine privé, appartenant au même groupe. Pour la promotion privée, Espacil Construction s’est associé au groupe Lamotte. 145 Architectes et urbanistes nantais. Dans le cadre du concours Europan : Europan Europe. (20012011). « Arbres à connexions », Europan Europe, Consulté le 5 Nov. 2015 : http://www.europaneurope.eu/ 146 Entretien réalisé avec Jean-Yves LOURY op. cit. 147 Document de corpus : Cahier des Charges – Réponse de NeoToa à l’appel à projet de la ville de Rennes. op. cit. p.29 148 Entretien réalisé avec Sandra LEBLOND op. cit. _______________________________________________________ 144

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Melesse149. Ce projet d’habitat participatif en locatif social est une expérimentation qui pourrait à terme être intégré à de nombreuses opérations par la suite150. En attendant de pouvoir intégrer pleinement les habitants à la conception des projets, il convient de mettre en place des dispositifs qui répondent aux attentes du plus grand nombre.

 Projet de vie – quels dispositifs mettre en œuvre ? Au-delà de cette idée d’implication des habitants, hypothétique pour l’instant, les bailleurs et promoteurs d’habitat intergénérationnel mettent en place des dispositifs qui installent un projet de vie propre à ces opérations. C’est à ce niveau-là que tous les acteurs que nous venons de citer doivent travailler en cohésion. « Le projet de vie, et bien c’est, effectivement de s’intéresser au vécu des locataires et à leur façon d’être dans leur quotidien. Il ne s’agit pas de mettre des personnes âgées, des étudiants, des publics un peu différents les uns à côté des autres, il faut trouver le moyen que ces personnes vivent ensemble et vivent bien151. » Brigitte Rault, responsable du pôle social chez Espacil Habitat

Tisser des liens aux travers des aménagements spatiaux que nous avons étudiés précédemment nécessite que l’on envisage des activités possibles propres à la Résidence ainsi que des échanges avec des structures extérieures au projet. En effet, des espaces collectifs et un environnement « favorable » ne suffisent pas tant les échanges sociaux sont nécessaires et il faut prendre en compte, lors de la conception du projet de vie, la « gestion courante » du projet152. « Car l’intergénérationnel ne se décrète pas. […] En fait, il faut se donner les moyens et trouver tous les prétextes pour la rencontre153. » A Beauregard par exemple, en règle générale, l’espace commun sera disponible à tous les résidents, mais il est prévu qu’il s’ouvre aussi à des associations du quartier pour des évènements ponctuels ou des activités régulières. La possibilité d’ouvrir ces espaces aux assistantes maternelles du quartier est aujourd’hui envisagée154. Au sein du jardin partagé, un espace leur sera également réservé pour partager cette activité avec les résidents. Pour l’entretien des espaces verts et pour aider les habitants autour du jardin partagé, le maître d’ouvrage a pris contact avec une association d’insertion155 afin de diversifier encore plus le paysage social et d’apporter un réel savoir-faire156. Dans la continuité de l’implantation des ateliers d’artistes, NeoToa a l’intention de favoriser leur implication et leur visibilité au sein de la résidence en proposant Ibid. et NEOTOA. (s.d.). « Rubrique actualité - Projet d'Habitat Participatif à Melesse : Appel à candidats et lancement du 1er atelier ! » NeoToa. Consulté le 30 Déc. 2015 sur http://www.neotoa.fr/ 150 Sandra Leblond explique également que parler d’habitat participatif à Rennes est désormais plus envisageable qu’auparavant suite à certains changements de responsables politiques, aujourd’hui plus ouverts à ces questions. 151 Document de corpus : Reportage radio – Simone de Beauvoir, la résidence intergénérationnelle par Radio Laser – Emission du 18.08.2011 op. cit. 152 Pierre-Marie CHAPON et alii, (2011, Jan.). op. cit. p.244 153 Pierre-Henri DAURE, responsable de la Fedosad à Dijon. Propos recueillis par Karine PORTRAIT. (2004, Sept.). « Opac de Dijon, La carte de l'intergénération. » Habitat et Société(35), p.69 154 A l’origine, une micro-crèche devait être ouverte au sein de la résidence, mais l’idée a dû être abandonnée pour cause de délais trop longs, d’ici la livraison. 155 Les Jardins du Breil 156 Document de corpus : Cahier des Charges – Réponse de NeoToa à l’appel à projet de la ville de Rennes. op. cit. p.17 _______________________________________________________ 149

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d’exposer leurs œuvres dans les locaux communs pour faire en sorte que le lien social passe aussi par la culture artistique157. L’anticipation de ces échanges permet de définir un cadre au développement de relations entre les générations et par la même occasion de vérifier la viabilité du projet. NeoToa, maître d’ouvrage de la résidence, a en effet choisi de ne pas répercuter les frais de fonctionnement des espaces communs sur les charges ou sur les loyers, ainsi, une étude approfondie sur le fonctionnement de ces espaces, tout en validant l’économie du projet, a permis de proposer un programme social à développer158. Sur l’Espace Simone de Beauvoir, la présence de la halte-garderie et de la maison de quartier proposant naturellement un grand-nombre d’animations ont facilité la mise en place d’activités entre les générations. En effet, l’implication de la direction de quartier, en charge de la maison de quartier et des associations (Argo pour l’accueil de jour et le restaurant ; Espoir 35 pour la maison relais), au tout début du projet, ont permis à chacun de proposer à la maîtrise d’ouvrage des aménagements pour contribuer au projet de vie. Ainsi le restaurant met en lien tous les habitants et particulièrement les personnes de l’accueil de jour, les personnes âgées et les étudiants. Espacil, maître d’ouvrage du projet et Argo ont travaillé en amont de l’ouverture du restaurant pour pouvoir proposer un menu qui corresponde à la fois aux résidents et aux personnes extérieures (coûts, qualité, variété…)159. Par ailleurs, pour s’assurer de loger des étudiants qui s’investissent dans le projet intergénérationnel, Espacil a établi une convention avec des établissements de formation du domaine médico-social pour attribuer les 10 studios du dernier étage à des étudiants à un prix réduit, s’ils acceptent de participer à la vie de la résidence160. On retrouve ici un principe relativement répandu en France : mettre en place l’intergénérationnel en proposant à des jeunes un logement à bas prix en contrepartie de leur présence auprès des aînés. Mais le plus souvent, cela concerne la colocation entre les deux générations et non l’habitat collectif. Enfin, pour sensibiliser les habitants à ces principes de vie collective, le bailleur demande, sans que ce soit contraignant, à ce que soit signée la charte Vivre ensemble qui explique ce projet de vie et incite les locataires à y prendre part.

 Charte intergénérationnelle – une annexe du bail, un engagement de l’habitant Le principe de charte collective se retrouve dans de nombreuses opérations d’habitat intergénérationnel161. Elle permet de faire connaître les dispositifs du projet de vie et de sensibiliser le nouvel arrivant à une manière différente d’habiter, vis-à-vis de ses voisins et des résidents en général. Un exemplaire de la charte est généralement signé par chaque nouveau locataire en même temps que le bail locatif. Philippe Dehan décrit cette « contractualisation des relations de voisinage » comme ayant pour but « de susciter des contacts, de favoriser les liens interpersonnels,

Ibid. p.16 Ibid. p.16 : NeoToa a prévu de financer les espaces communs sur les marges financières produite par la vente des logements en accession. Ceci équilibre financièrement l’opération. 159 Document de corpus : Brigitte Rault, responsable du pôle social chez Espacil Habitat in Reportage radio – Simone de Beauvoir, la résidence intergénérationnelle par Radio Laser – Emission du 18.08.2011 op. cit. 160 Document de corpus : Plaquette institutionnelle Espacil – op. cit. p.8 : Partenariat entre Espacil Habitat et l’IRTS (Institut Régional du Travail Social) et l’IFSI (Institut de Formation en Soins Infirmiers). 161 Charte « Bonjour voisin », au sein du projet « Générations » par exemple, 76 logements mené par la ville de Dijon, l’Opac de Dijon et la Fedosad. Cette charte est décrite par Karine PORTRAIT. (2004, Sept.). « Opac de Dijon, La carte de l'intergénération. » Habitat et Société(35), p.69 _______________________________________________________ 157 158

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qui ne se nouent pas de manière naturelle162 ». Il situe l’origine de ces chartes dans le projet « Générations » du quartier Saint-Apollinaire à Dijon, mais depuis, de nombreuses résidences ayant la volonté de mettre l’accent sur les relations de voisinage ont repris ce principe. C’est le cas également dans les deux projets que nous étudions. Sur l’opération Simone de Beauvoir, cette charte, nommée « Vivre Ensemble – Charte de fonctionnement intergénérationnel163 » devait à l’origine concerner l’ensemble des immeubles de la ZAC, qu’ils soient destinés à la location ou à l’accession à la propriété. Seulement, il s’est avéré difficile de faire adhérer les propriétaires à cette idée de « contrat », d’autant que ceux-ci participaient déjà financièrement à l’entretien des espaces collectifs. Au final, la charte n’a été appliquée que dans les opérations locatives. Ce texte explique d’abord les idées fondatrices de ce projet de vie : « Le projet social des résidences Simone de Beauvoir et Olympia a pour objectif de permettre à des résidents de tous âges de "Bien vivre ensemble", en bénéficiant de prestations complémentaires à un habitat locatif social traditionnel, dans un but essentiel de maintenir le lien social et de veiller plus particulièrement à lutter contre l’isolement des personnes âgées dans un espace sécurisant164. » Ensuite, les valeurs et les objectifs du projet sont rappelés ainsi que les engagements du bailleur et du locataire. Le premier s’engage à faire respecter ces intentions, notamment en termes d’attribution (équilibre des tranches d’âges), d’adaptation des logements (en cas de besoins spécifiques, même si tous sont déjà accessibles aux personnes handicapées) et enfin en termes d’animation de la vie de la résidence. D’autre part, le locataire, prévenu du cadre dans lequel il accepte de vivre, s’engage à adhérer au fonctionnement intergénérationnel165. Si ce contrat peut paraître contraignant, dans les faits, les locataires le signent sans trop de difficultés car ils adhèrent à l’idée, mais on ne retrouve évidemment pas la totalité de ceux-ci lors de toutes les animations ou activités de la résidence. Sans valeur juridique, il s’agit surtout d’un engagement moral qui officialise la démarche sociale accompagnant le cadre de vie de la résidence et qui prévient le locataire qu’en acceptant de vivre ici, il adhère à un projet d’habitat non conventionnel. A Beauregard aussi, l’idée de la charte a été retenue. Cependant, l’objectif est que cette charte soit rédigée par les résidents, à l’initiative du bailleur. On retrouve ici cette dimension participative que regrettait la responsable du pôle Habitats Pluriels, Sandra Leblond : « Moi l’idée que j’avais, c’était également de la préparer avec les futurs habitants, je n’ai pas forcément envie d’imposer un document166. » Cette position favorisera certainement une plus grande implication des habitants dans la mesure où le « contrat » ne leur sera pas imposé puisqu’ils auront participé à le rédiger. La mise en place de l’ensemble de ces dispositifs vise à anticiper le fonctionnement quotidien des relations entre les habitants. En même temps que cela

Philippe DEHAN. (2007). op. cit. p.92 Charte de fonctionnement intergénérationnel – Vivre ensemble Source : Brigitte Rault, Responsable du pôle social Espacil Habitat disponible en annexe 3 p.85. 164 Ibid. p.2 – Paragraphe d’introduction. 165 Ibid. p.3 : il est aussi spécifié qu’il s’engage à participer aux diverses actions proposées au sein de la résidence, mais cet engagement de « principe » n’est pas contraignant. 166 Entretien réalisé avec Sandra LEBLOND op. cit. _______________________________________________________ 162 163

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assure la viabilité du projet intergénérationnel, cette anticipation permet d’affiner la programmation de l’opération et d’adapter la conception architecturale. En l’absence des futurs usagers, c’est la maîtrise d’ouvrage qui doit définir les grands principes du projet de vie. Pour cela, elle s’entoure, dans une logique de concertation d’un maximum d’acteurs du processus de construction. Cependant, les habitants étant les premiers concernés par ce projet de vie, il est nécessaire de pouvoir l’adapter une fois les habitants installés.

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B- Après la livraison du projet : impulser la dynamique et mesurer la réussite

Après la livraison du projet, pour mettre en place ces dispositifs, il y a d’abord une phase d’initiation, d’explication du projet de vie aux nouveaux arrivants dans le but de lancer dès le départ une dynamique habitante. Dans un second temps, il y a une phase de mise en application et d’adaptation du projet de vie prévu selon le ressenti des habitants. La maîtrise d’ouvrage, qui conduit ce projet de vie encadre alors cette mise en place. Au final, le but est que des habitudes de vie se mettent en place et que les habitants gèrent, en autonomie, la vie collective. Mais avant ces phases avec les habitants, le bailleur-promoteur doit s’assurer que les futurs résidents sont ouverts à cette nouvelle conception de l’habitat.

 Attribution des logements : adhésion des habitants au projet de vie A la fin de la construction du projet architectural, le maître d’ouvrage doit attribuer et commercialiser les logements. Pour assurer la cohérence du projet de vie, la communication de celui-ci est capitale pour démarcher et informer les potentiels acquéreurs et locataires. En vue de la commercialisation et de la mise en location des différents immeubles, la complexité du montage juridique de l’Espace Simone de Beauvoir s’explique par le fait que la plupart de ces entités immobilières partagent des locaux ou des espaces avec les autres. Ainsi, les sept copropriétés, le bailleur social (Espacil Habitat), les associations et la ville ont dû se regrouper en ASL (Association Syndicale Libre) pour la gestion des parties communes, le parking ou les espaces communs à l’ensemble par exemple167. Hormis ce montage juridique complexe, mais néanmoins pas inhabituel, la politique d’attribution des 103 appartements locatifs sociaux et des 17 appartements en accession aidée ont suivi les règles fixées par la Direction de l’Habitat Social de la Ville de Rennes168. En outre, une proportion d’environ 1/3 des logements a été attribuée à des personnes de plus de 60 ans (une proportion induite également par les typologies). Nous nous arrêterons principalement ici sur le projet de la Résidence de Beauregard car la stratégie de communication de ce projet et les modalités d’attribution des logements sont en cours d’élaboration chez NeoToa et nous avons pu nous entretenir avec la responsable du projet, Sandra Leblond. Pour les logements en accession libre169, elle nous explique qu’au vu de l’état actuel des ventes, les acquéreurs ne vont pas se bousculer, il ne semble donc pas nécessaire d’envisager une quelconque « sélection ». Cependant, NeoToa dans sa campagne de communication insistera largement sur la dimension de « l’habitat dédié » pour attirer des acquéreurs qui soient intéressés et motivés par la dimension intergénérationnelle et qu’ils envisagent de s’investir dans la vie collective. L’idée est d’essayer d’installer une dynamique habitante avec ces accédants avant même la livraison des logements pour que chacun ait le temps de se rencontrer et d’envisager déjà la vie de la résidence à leur manière170. Entretien réalisé avec Jean-Yves LOURY op. cit. La politique d’attribution des logements sociaux à Rennes suit un principe de « scoring ». Un système de points qui établit, dans une certaine transparence les priorités d’attribution. 169 Mise en vente prévue pour début 2017 ; livraison prévue pour le 1er semestre 2018. 170 En référence ici : la coop de construction Les Matelouères, à Rennes, Menguy architectes, où les habitants ont déjà investi les lieux alors que la construction est en cours. _______________________________________________________ 167 168

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En ce qui concerne le locatif et l’accession aidée, le mélange des générations devrait se faire assez naturellement dans la mesure où les typologies répondent à des profils bien définis, à des publics déjà ciblés. Cependant, il semble difficile d’échapper à la règle rennaise de scoring alors que le bailleur aurait souhaité y intégrer une approche plus qualitative via peut-être des entretiens pour évaluer la motivation des locataires à s’impliquer dans le projet de vie171. Ces dispositions restent à débattre avec la Direction de l’Habitat Social de la Ville de Rennes172 : déroger à ces règles pourrait peut-être s’envisager pour de tels cas expérimentaux. En tous les cas, le système d’attribution rennais qui fait pourtant référence et sert de modèle pour d’autres agglomérations et pour une réflexion nationale173, montre ici une de ces limites : comment attribuer ces logements sociaux qui présentent des caractéristiques particulières à des personnes qui n’ont peut-être pas le désir de participer à ce projet de vie ? En revanche, l’attribution des logements partagés se fera au cas particulier. La première phase sera d’identifier des binômes prêts à se coopter. Dans un premier cas de figure, ceux-ci pourraient se présenter ensemble, avec la volonté de partager une pièce commune. Sinon les candidats pourraient se présenter seuls à la maitrise d’ouvrage qui formerait alors des binômes en les faisant se rencontrer. Le but est d’attribuer les T4 à des familles dans le besoin qui puissent profiter de la présence de leur voisin retraité (garde occasionnelle des enfants, petits services…), dans l’idée de considérer la personne âgée comme une ressource et que l’intergénérationnel fonctionne réellement dans les deux sens. Il conviendra également d’attribuer le T2 à une personne qui ne soit pas dans une situation de trop grande dépendance pour éviter qu’elle ne soit une charge pour les locataires du T4. « Je pense qu’il faut vraiment le présenter en disant : oui, il y aura un regard plutôt bien veillant à avoir sur cette personne, mais cette personne-là, si vous laissez vos enfants tous seuls le soir après l’école, si il y a le moindre pépin, vous savez qu’elle est là. […] L’idée de ce dispositif, ce n’est pas de compenser la perte d’autonomie, c’est vraiment de travailler sur l’isolement. C’est-à-dire que la personne âgée se sente utile et puis qu’elle se dise que finalement, elle a peut-être des gens à proximité qui sont conscients qu’elle est là, finalement174. » NeoToa travaille déjà sur ces binômes de logement en divulguant l’idée auprès d’organismes tels que le CCAS et le CLIC175 qui en parlent massivement. Les premiers retours suggèrent que plusieurs personnes seules soient intéressées, mais que cela soit plus difficile à envisager pour des familles. L’attribution de ces logements particuliers (au nombre de quatre dans la résidence de Beauregard : 4 T4 et 4 T2) soulève également des questions à plus long terme. Philippe Dehan analyse un projet176 conçu par l’architecte Roland Spitz et géré par le bailleur social Mulhouse Habitat à Mulhouse. Le même principe d’appartements partagés est ici réservé a priori à des familles (noyau familial + grands-parents par exemple). Comme cela est prévu à Beauregard177, deux baux distincts sont signés, mais ici (ce qui ne sera peut-être pas le cas à Beauregard), ils sont liés par une « convention Document de corpus : Cahier des Charges – Réponse de NeoToa à l’appel à projet de la ville de Rennes. op. cit. p.12 – Favoriser l’intergénérationnalité entre les logements familiaux et les logements des personnes âgées. 172 Ibid. p.11 – Modalités d’attributions 173 L'Obs. (2013, Mai). « Attribution de logements sociaux : le modèle rennais fait école ». L'Obs Immobilier. Consulté le 10 Fév. 2016 sur http://tempsreel.nouvelobs.com 174 Entretien réalisé avec Sandra LEBLOND op. cit. 175 CCAS : Centre Communal d’Action Sociale ; CLIC : Centre Local d’Information et de Coordination 176 Immeuble intergénérationnel à Mulhouse, Roland Spitz, 2004 in Philippe DEHAN. (2007). op. cit. p.84 177 Le coût de la pièce partagée est estimée à 35€/mois par ménage : Document de corpus : Cahier des Charges – Réponse de NeoToa à l’appel à projet de la ville de Rennes. op. cit. p.66 – Fiche Projet n°1 _______________________________________________________ 171

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d’occupation » impliquant que les deux locataires sont solidaires pour le loyer. Cette convention établit également qu’au départ de l’un d’eux, le locataire restant devra soit proposer un nouveau partenaire, soit accepter d’être relogé par le bailleur. Cela implique une certaine précarité qui pourrait accentuer la réticence des familles. Outre ces modalités d’attribution, la mission du bailleur lors de l’installation des familles est d’initier les relations de voisinage et de mettre en place des échanges intergénérationnels.

 Tisser des liens entre les générations : le rôle des acteurs sociaux Au-delà de la dimension « contractualisée » de la charte intergénérationnelle, il semble également nécessaire d’avoir une présence sur site de personnes pour impulser une dynamique habitante. Dans de nombreux projets, on constate en effet la présence d’acteurs du domaine social pour mettre en place puis guider une cohésion des habitants et une vie collective avant, dans certains cas de laisser les habitants gérer euxmêmes cette coordination178. La mise en pratique du projet de vie n’est effectivement pas naturelle et le fait d’alerter les habitants, via une charte ne les engage pas nécessairement à s’investir spontanément. Laurent Dory, responsable immobilier chez Habitat et humanisme179 explique la démarche des concepteurs : « le projet humaniste ne s’inscrit pas seulement dans la pierre mais aussi dans la démarche sociale180 ». Et cela passe selon lui, par la mobilisation professionnelle ou bénévole d’animateurs du quartier ou de la résidence. Le terme d’animateur n’est cependant pas celui choisi par la majorité des promoteurs de l’habitat intergénérationnel. On lui préfère, à la résidence Simone de Beauvoir, le terme de coordinateur181. Pour NeoToa, la définition de ce poste est encore en cours, mais ses attributions sont déjà à peu près définies. Si l’opérateur public envisageait au départ le recrutement d’une personne en service civique volontaire, sur une période de six mois à deux ans selon l’évolution du projet182, son statut lui permet également de bénéficier de différents contrats aidés. Un dispositif d’emploi véritable est donc aujourd’hui envisagé (de type contrat d’avenir ou autre, selon les dispositifs possibles en 2018)183. Son rôle serait, dans un premier temps, de faire connaître les intentions du projet de vie auprès des nouveaux arrivants, de cerner leurs attentes et de les mettre en relation avec les associations locales. Ensuite, son but sera d’identifier des habitants qui pourraient être « moteurs » de la vie collective et de proposer diverses actions aux habitants (animations, rencontres, projet de Charte de fonctionnement…). Enfin cette personne devra s’assurer de la bonne appropriation de la résidence par ses occupants, identifier d’éventuels problèmes de fonctionnement dans l’objectif que, à plus long terme, les résidents assurent eux-mêmes cette coordination au sein du projet184.

On retrouve notamment cette disposition dans les deux projets du corpus ainsi que dans plusieurs projets analysés par Philippe DEHAN : Philippe DEHAN. (2007). op. cit. p.78-93 179 Association « Créée à Lyon en 1985 par Bernard Devert, ancien professionnel de l'immobilier devenu prêtre, Habitat et Humanisme agit depuis 25 ans, en faveur du logement et de l'insertion des personnes en difficulté. » http://www.habitat-humanisme.org/ 180 Propos cités par Philippe DEHAN : Philippe DEHAN. (2007). Ibid. p.85 181 Georges GUITTON. (2011, Oct.). op. cit. 182 Document de corpus : Cahier des Charges – Réponse de NeoToa à l’appel à projet de la ville de Rennes. op. cit. p.66 183 Entretien réalisé avec Sandra LEBLOND op. cit. 184 Document de corpus : Cahier des Charges – Réponse de NeoToa à l’appel à projet de la ville de Rennes. op. cit. p.17 _______________________________________________________ 178

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Le but est donc de faire naître chez les habitants cette conscience collective et non de les assister de manière pérenne. Plus qu’une assistance, qui pourrait-être assimilée à un service de la résidence, c’est donc plutôt un accompagnement vers une dynamique habitante que NeoToa cherche ici à instaurer. Cela passe surtout par une implication dans le projet de résidents « moteurs » mais aussi par la mise en relation avec les artistes et le FRAC, dans une dimension plus culturelle et avec les associations locales pour proposer des initiatives au sein de la résidence et qui s’adressent également au quartier. On retrouve pour Espacil les mêmes ambitions pour cette coordination : « Afin de développer la convivialité et les relations intergénérationnelles, l’association ARGO a recruté une coordinatrice. Elle a pour rôle de faire le lien entre les habitants afin que toutes les initiatives, les souhaits, les possibilités, les compétences et les besoins de chacun puissent s’exprimer et que les réponses adaptées soient trouvées et mises en œuvre ensemble. Il s’agit de favoriser dans la convivialité la création d’un cadre de vie solidaire que les habitants s’approprieront et développeront ensuite par eux-mêmes. » Extrait de la plaquette de présentation du projet185. La coordinatrice de l’Espace Simone de Beauvoir a aujourd’hui quitté les lieux, mais la dynamique se poursuit, entre les habitants. L’une des actions menée avec la coordinatrice, Béatrice Chancereul, a été de constituer un « comité d’habitants » afin de concrétiser la dimension intergénérationnelle, de faire se rencontrer les gens, par des rendez-vous mensuels, dans le but de les rendre plus solidaires dans la vie quotidienne186. Le départ de la coordinatrice s’est fait alors qu’un noyau d’habitants s’était déjà formé et menait ses propres actions. En lien avec la ville, le comité a par exemple obtenu la création d’un jardin partagé adapté aux personnes à mobilité réduite, pour tout l’Espace Simone de Beauvoir. Il s’agit donc d’amorcer des nouvelles manières de vivre, les habitants sont libres d’y souscrire ou non, mais au final, même avec seulement un petit noyau de personnes, le projet de vie fonctionne et cela contribue à l’ambiance générale de l’ensemble. Notre expérience personnelle de l’espace public autour de la Résidence Simone de Beauvoir peut témoigner d’une certaine convivialité dans un cadre architectural harmonieux.

En plus de ce « coordinateur de projet » à la Résidence de Beauregard, NeoToa souhaite assurer une présence institutionnelle. Le bailleur voudrait, en effet, implanter sur le secteur de Beauregard un agent de proximité. Cette personne, employée par NeoToa, au même titre que le coordinateur, aurait un rôle, plus pérenne, de « gardien amélioré », comme c’est le cas aujourd’hui dans des opérations d’habitat collectif. Elle représentera plus l’entité NeoToa que le projet de vie, même si rien ne l’empêche de s’y impliquer. Cette personne sera en capacité de gérer les locataires (états des lieux par exemple), les troubles de voisinage, etc. mais avec une formation ouverte aussi sur le social187. L’objectif de ces acteurs sociaux est donc principalement de créer une dynamique et de l’accompagner avant de la laisser fonctionner en autonomie. Ceci va dans le sens d’une pérennisation de la dynamique habitante.

Document de corpus : Plaquette institutionnelle Espacil – op. cit. p.15 Ibid. p.15 187 Entretien réalisé avec Sandra LEBLOND op. cit. _______________________________________________________ 185 186

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 Mesurer la réussite ou l’échec du projet Tout est donc mis en place pour permettre aux habitants qui le souhaitent de prendre part activement au projet de vie. Là où Espacil a fait appel à des associations existantes pour concevoir et mettre en place un projet de vie intergénérationnelle, NeoToa préfère donner des outils aux habitants pour qu’ils puissent eux-mêmes imaginer leur nouvelle manière de vivre. Ces projets font et ont fait l’objet du suivi attentif de la Ville de Rennes. En effet, à travers ces propositions de nouvelles habitudes de vie en ville, la dimension expérimentale n’est pas négligeable. Pour savoir s’il est envisageable de donner plus d’ampleur à ce type d’habitat, la ville de Rennes a besoin d’évaluer la réussite de ces projets afin de capitaliser l’expérience. Tout d’abord, à l’Espace Simone de Beauvoir, les premiers concernés par cette expérimentation, les habitants, semblent être très satisfaits par celle-ci. En effet, qu’ils s’investissent ou non dans les rencontres intergénérationnelles ou le projet de vie, le cadre architectural, urbain et la convivialité à l’échelle de l’ensemble est bénéfique à tous. Aujourd’hui, même si la dynamique n’est portée activement que par un noyau de 50 personnes188 et que les habitants des logements privés sont toujours un peu réticents, on peut considérer l’opération comme étant une réussite. Cette ancienne friche urbaine fait d’ailleurs référence en France : les projets d’habitat intergénérationnel qui s’appuient sur cet exemple sont nombreux. Beaucoup de spécialistes des nouvelles formes d’habitat et notamment celui des personnes âgées citent également ce projet et s’accordent à dire que c’est un modèle à suivre. Enfin, l’ancienne caserne Mac-Mahon trouve un écho au niveau des politiques nationales. La résidence a d’ailleurs reçu plusieurs visites parmi lesquelles celles de Mme Roselyne Bachelot, ancienne ministre des Solidarités et de la Cohésion Sociale et de Mme Martine Aubry, maire de Lille, en 2011. Mais à échelle locale, une évaluation plus objective et précise est nécessaire. C’est ce qui est prévu dans la résidence de Beauregard. D’une part, la Ville de Rennes, suite à son appel à projet, a suivi de très près l’élaboration du projet et c’est encore le cas aujourd’hui, à travers le comité de pilotage. Par ailleurs, un bilan annuel est prévu pour évaluer le fonctionnement notamment des espaces partagés, mais aussi des relations entre les habitants en général189. Cette évaluation sera, a priori effectuée par un cabinet extérieur via des entretiens avec les habitants et les associations et des sociologues190. « Plusieurs questions pourront être au cœur de cette réflexion : en quoi la démarche renouvelle les conditions et les pratiques de voisinage ? Comment les personnes âgées vivent elles l’expérience et ses impacts ?191 » La volonté de la Ville, si le projet correspond aux attentes, serait de reproduire ce type d’opération et de projet de vie « un peu partout dans Rennes et Rennes Métropole192 ». La question de la reproductibilité va donc dans le sens d’une volonté de faire de ces expérimentations un modèle viable et durable d’une nouvelle forme d’habitat et d’une nouvelle vision de la ville. Juvénal Quillet, habitant de l’espace Simone de Beauvoir, très impliqué dans la vie du quartier. cité dans : Georges GUITTON. (2011, Oct.). op. cit. 189 Document de corpus : Plaquette institutionnelle NeoToa op. cit. p.18 – Evaluer le projet. 190 Entretien réalisé avec Sandra LEBLOND op. cit. 191 Document de corpus : Plaquette institutionnelle NeoToa op. cit. p.18 – Evaluer le projet. 192 Sandra Leblond nous rassure cependant : « Ce projet il est reproductible, mais il doit aussi s’adapter à un territoire et ce que je vous propose là, on ne pourra pas faire la même chose à Maurepas, on ne pourra pas faire la même chose ailleurs. » Entretien réalisé avec Sandra LEBLOND op. cit. _______________________________________________________ 188

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En définitive, c’est dans le projet de vie que l’on trouve la plus grande part d’expérimentation. Certains dispositifs, pour guider ce projet de vie sont de plus en plus fréquents, comme les chartes intergénérationnelles ou les coordinateurs, mais des retours d’expériences sont encore attendus pour juger de leur efficacité. « La faiblesse de l’idéal intergénérationnel est qu’il ne repose pas sur une relation mécanique. Comme tout lien social, il est dépendant du facteur humain. […] L’analyse des expériences réussies en la matière témoigne de l’importance du travail d’intermédiation et d’usage pour que l’espace intergénérationnel soit réapproprié par les résidents.193 » Il apparaît que sans ce projet de vie, l’idée de l’intergénérationnel soit difficilement envisageable. En effet, la participation active des habitants à ce projet est indispensable pour qu’il ait un sens. Il s’agit donc pour les acteurs de la construction de s’emparer de ce nouveau champ pour engager une dynamique habitante. Aujourd’hui, le plus souvent, c’est la maîtrise d’ouvrage qui prend en charge ces aspects du projet. On pourrait envisager que cela puisse également faire partie du champ de compétence de la maîtrise d’œuvre, de l’architecte ou de l’urbaniste notamment puisqu’à plus petite échelle, pour l’habitat groupé participatif par exemple, il est déjà amené à assurer ce genre de mission, c’est-à-dire guider les habitants pour trouver une cohérence entre le projet de vie et le projet architectural.

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Dominique ARGOUD, (2012, Sept.). op. cit. p.106 _______________________________________________________


Conclusion Au vu de l’exemple rennais et dans le cadre d’une politique territoriale qui s’adapte, mettre en relation les générations par l’architecture et par un projet social, semble être une solution viable pour répondre aux besoins de plus en plus variés d’une population de plus en plus hétérogène. Dans une démographie urbaine qui ne cesse de s’accroître et dans un contexte où l’immobilier est de moins en moins abordable, il est nécessaire (et ceci est déjà en marche) d’augmenter la construction de logements. Cependant, une approche qualitative de cette démographie témoigne d’un désir d’habiter différemment en ville. Cela se traduit principalement auprès de la population âgée, de plus en plus réticente à vivre dans des établissements spécialisés de peur d’être exclue de la société, mais au vu de l’émergence d’initiatives telles que l’habitat groupé, ce désir peut être partagé par toutes les générations.

Par ailleurs, l’habitat intergénérationnel a l’avantage de soumettre tous les acteurs du projet à apporter une attention particulière à la qualité de celui-ci, dans son ensemble. Dans ses fondements territoriaux d’abord, à travers une analyse précise du territoire et une volonté d’inscrire dans la réglementation urbaine, des principes qui favorisent le vivre ensemble, cette nouvelle forme d’habitat assure une qualité d’aménagement de l’aire urbaine. La mixité des fonctions urbaines incite également à répartir de manière plus homogène les zones d’influence du tissu urbain, hétérogène par définition. Si la ville doit rester plurielle et conserver sa diversité, une équité en termes de développement et d’attractivité entre les différents secteurs urbains est malgré tout nécessaire. Cela contribue à une meilleure répartition des densités de population dans la ville, notamment entre un centre-ville et ses périphéries, mais implique également une cohérence du développement de la ville en termes de mobilité. _______________________________________________________ 71


D’autre part, une plus grande attention est portée aux aménagements urbains et architecturaux, notamment en termes d’usage. En effet, les architectes et urbanistes s’attachent particulièrement dans ces projets à créer une proximité et un mélange des fonctions d’une part, avec une bonne accessibilité des services et commerces, mais également une proximité des habitants entre eux. Cela passe par la création d’espaces communs et de lieux de rencontres, à mi-chemin entre la ville et le logement. Par ailleurs, il semblerait intéressant que les logements, tout en assurant une bonne accessibilité aux personnes en situation de handicap, soient conçus dans l’optique d’une éventuelle évolutivité pour permettre une meilleure appropriation, toujours dans une logique de diversification du cadre de vie. Il faudrait aussi, à terme, que ces expérimentations se saisissent des enjeux environnementaux, dans la perspective de concevoir un habitat durable sous tous les aspects. Enfin, l’habitat intergénérationnel, en plus d’un cadre architectural de qualité, intègre un réel projet de vie. A l’initiative du maître d’ouvrage, ce projet de vie doit cependant répondre aux besoins des usagers et ne pas s’imposer comme un « règlement intérieur » qui réduirait la spontanéité des habitants et qui pourrait mettre en péril les intentions initiales. L’objectif de ce projet de vie est avant tout d’installer une dimension collective au sein de ce type d’habitat pour qu’une réelle relation de voisinage actif se mette en place. Pour cela, le rôle des associations et des acteurs sociaux est indispensable, au moins dans un premier temps. Le projet de vie doit avoir pour but d’impliquer les habitants et de les guider vers une solidarité naturelle et une autogestion de la vie du projet.

Globalement, la manière dont est menée la conception de projets d’habitat intergénérationnel à Rennes répond aux enjeux initiaux. A l’espace Simone de Beauvoir, même si cela ne concerne pas l’ensemble des habitants de l’opération, une dynamique habitante a été lancée et semble aujourd’hui vouloir se poursuivre sous la seule gestion des résidents. Par ailleurs, la qualité de vie au sein de l’opération est reconnue, au sein du projet, par les habitants tout d’abord, mais aussi à l’échelle de la ville ou même au niveau national où la réussite de ce projet est reconnue. L’espace Simone de Beauvoir a donc acquis une bonne visibilité sur le quartier dont il est aujourd’hui au centre. Pour la résidence de Beauregard actuellement en construction, le projet pousse l’expérimentation sur certains dispositifs. Des logements partagés seront proposés et le projet de vie laisse une place importante à la participation des futurs habitants pour adapter le fonctionnement de la vie collective à leur point de vue, après la livraison du projet. Le suivi de la Ville de Rennes, pour ce projet, est extrêmement important, tout comme la mobilisation de la maîtrise d’ouvrage. Ceci montre bien une réelle volonté d’apprendre de ces expérimentations, dans la perspective d’étendre l’implantation de ces projets.

Avant d’envisager un développement plus large de ce type d’habitat, il faudra cependant s’assurer d’éviter un certain nombre d’écueils. En effet, la question de l’intergénérationnel est souvent abordée en cherchant à développer l’offre d’habitat pour les personnes âgées. La démarche est certes très louable, mais il faut se demander dans quelle mesure l’habitat intergénérationnel prend en compte les aspirations des autres générations. S’il n’y a pas vraiment de doutes sur le fait que l’habitat intergénérationnel profite à tous, les expérimentations commencent à en apporter la preuve, est-on certain que c’est le mode d’habitat qu’attendent réellement les étudiants, les jeunes couples ou encore les familles ?

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Par ailleurs, l’habitat intergénérationnel doit éviter l’écueil de l’entre-soi. Ce type d’habitat, pour qu’il soit durable doit en effet rester ouvert sur la ville et s’adresser aussi aux individus extérieurs au projet, sans quoi on pourrait voir apparaître une nouvelle forme de ségrégation, entre ceux qui pratiquent le « vivre ensemble » et ceux qui en seraient alors exclus. De même, il faut éviter de tomber dans une logique de fonctionnement « communautaire » parmi les habitants faisant le choix de l’habitat intergénérationnel. Ainsi, à l’intérieur même du projet, il convient de respecter les individualités pour éviter de réduire les libertés de chacun. Enfin, dans l’optique d’une nouvelle façon de construire la ville et un nouveau mode d’habiter, la réflexion devrait pouvoir être menée plus largement sur certains aspects contemporains. En effet, dans l’idée de construire une ville durable et solidaire194, le domaine de l’habitat devrait se saisir plus encore des enjeux de la question du logement. Evolutivité, appropriation, participation, énergie et environnement sont des dimensions dont ne peut s’extraire un habitat durable.

Malgré tout, l’habitat intergénérationnel propose d’impulser une nouvelle manière d’habiter en ville et de pratiquer la ville. Sur des fondements de solidarité et dans une optique durable, ce mode d’habiter cherche à instaurer une plus grande cohésion sociale à travers tous les âges. Cela passe par la mise en place de pratiques de la vie quotidienne et de relations simples mais bel et bien présentes au sein du voisinage. En s’appuyant sur des échanges de services, sur des attentions de chacun les uns envers les autres et sur des rencontres informelles entre des populations qui n’ont pas l’habitude de se côtoyer, ces projets veulent créer du lien entre les individus. Connaître ses voisins, c’est effectivement, déjà avoir un entourage et c’est bien cela qui, à travers les interactions qu’il suscite, met les individus en société.

Rapprocher ici la question de l’habitat intergénérationnel de la vision du sociologue Georg Simmel soulève également une autre question195. L’habitat intergénérationnel propose plus de convivialité dans l’habiter et l’urbanité. L’engouement émergeant depuis la fin du XXème siècle, au sein de ce type d’habitat, mais aussi dans d’autres196, pour cette idée du « mieux vivre ensemble » ne pose-t-il pas au fond, la question d’une ville moins anonyme ? Si la ville a longtemps été jugée attractive pour cet aspect-là, ne revenons nous pas de ce besoin d’être un inconnu au milieu de la foule ? L’habitat est au centre de la question d’un renouveau de la ville. A travers lui, c’est la place de l’habitant qui est interrogée. Une approche sociologique de ces questions permettrait de mieux comprendre ces aspirations sociétales. On remarque que même si la responsabilité des architectes et des maîtres d’ouvrages est fondamentale dans la mise en place des modes d’habiter et de vivre la ville, c’est bel et bien sur la volonté de l’usager que repose avant tout la construction de ce nouveau cadre de vie. C’est à nous, architectes, urbanistes, de le construire avec eux.

Pour reprendre les thèmes fondateurs du Projet Urbain de la ville de Rennes : Ville durable et solidaire. Ville de Rennes. (2015). Projet Urbain 2015 - Une ville solidaire et durable. op. cit. p.12 195 Presses Universitaires de France. (s.d.). Georg Simmel. Consulté le 20 Fév. 2016 sur PUF: http://www.puf.com/Auteur:Georg_Simmel 196 Habitat groupé, Habitat participatif, Colocation, etc. _______________________________________________________ 194

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Corpus Espace Simone de Beauvoir – Caserne MacMahon  Plaquette institutionnelle Espacil – Espace Simone de Beauvoir Source : www.espacil.com

 Charte de fonctionnement intergénérationnel – Vivre ensemble Source : Brigitte Rault, Responsable du pôle social Espacil Habitat

 Entretien avec l’architecte : François Rénier Source : Acquisition personnelle.

 Entretien avec le promoteur : Jean-Yves Loury, Directeur de la promotion locative, Espacil Habitat Source : Acquisition personnelle.

 Magazine Infos Presse « Simone de Beauvoir » - 27 Novembre 2009 Source : www.espacil.com consulté le 18 Déc. 2015

 Reportage radio – Simone de Beauvoir, la résidence intergénérationnelle par Radio Laser – Emission du 18.08.2011 – Interview de Brigitte Rault, Béatrice Chancereul, Nadine Saliot et Cédric Lavenue. Source : www.radiolaser.fr consulté le 18 Déc. 2015

 Jeu de plans – Permis de Construire n°035 238 05 10218 et Permis de Construire Modificatif Source : Archives Municipales de Rennes – Boites d’archives n°2028W20 et 2028W22

Résidence intergénérationnelle de la ZAC Beauregard-Quincé  Plaquette institutionnelle NeoToa – L’intergénérationnel par NeoToa : la résidence Beauregard-Quincé à Rennes Source : Sandra Leblond, Responsable du pôle Habitats Pluriels NeoToa

 Cahier des Charges – Réponse de NeoToa à l’appel à projet de la ville de Rennes Source : Maxime Le Trionnaire – a/LTA

 Programme du concours Source : Maxime Le Trionnaire – a/LTA

 Entretien avec l’architecte : Maxime Le Trionnaire – a/LTA Source : Acquisition personnelle.

 Entretien avec le promoteur : Sandra Leblond – Responsable du pôle Habitats Pluriels NeoToa Source : Acquisition personnelle.

 Jeu de plans – Rendus de Concours et Pièces graphiques NeoToa Source : www.a-lta.fr et Sandra Leblond, Responsable du pôle Habitats Pluriels NeoToa

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Bibliographie ARGOUD, Dominique. (2008, Oct.). L’habitat et la gérontologie : deux cultures en voie de rapprochement ? Enquête auprès des nouvelles formules d’habitat pour personnes âgées. La Défense : PUCA, 136 p. ARGOUD, Dominique. (2012, Sept.). « L'habitat intergénérationnel : vers une nouvelle forme de mixité ? » Pouvoirs Locaux (94 - III), pp. 103-106. AUDIAR. (2014, Janvier). « Approche Intégrée ». Site web de l'Audiar. Récupéré sur le site de l'Audiar le 20 Déc. 2015 : http://www.audiar.org/sites/default/files/documents/editeur/etudes/refbfiche-contribution_rm_audiar_finale.pdf

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GUITTON, Georges. (2011, Oct.). « L’espace Simone de Beauvoir, une voie d’avenir ? » Place Publique - la revue urbaine de l'agglomération rennaise. Consulté le 4 Oct. 2015 : http://www.placepublique-rennes.com/article/Lespace-Simone-de-Beauvoirune-voie-davenir-1 LABIT, Anne. (2013). L'habitat solidaire intergénérationnel : mythe et réalité en France et en Allemagne. in M. MEMBRANO, & A. ROUYER, Habiter et Vieillir, vers de nouvelles demeures (pp. 245, 260). Toulouse: Editions Eres - Pratiques du champ social. 280p. Le Labo ESS. (2013, Jan. 25). « Habitat et Citoyenneté ». Le Labo de l'Economie Sociale et Solidaire. Consulté le 8 Fév. 2016, sur http://www.lelabo-ess.org/ LENNE, Frédéric (dir.). (2013). Habiter. Imaginons l'évidence ! à l'occasion de la Biennale d'architecture et d'urbanisme de Caen : Les Belles Urbaines. 175p. L'Obs. (2013, Mai). « Attribution de logements sociaux : le modèle rennais fait école ». L'Obs Immobilier. Consulté le 10 Fév. 2016 sur http://tempsreel.nouvelobs.com LUCAN, Jacques. (2012). Où va la ville aujourd'hui ? Formes urbaines et mixités. Editions de la Villette - Etudes et Perspectives de l'Ecole d'architecture, de la ville et des territoires à Marne-La-Vallée. 205p. MONALISA. (2013, Oct.). « Charte de l'équipe citoyenne » Monalisa. Consulté le 20 Nov. 2015 sur http://www.monalisa-asso.fr/ NEOTOA. (s.d.). « Rubrique actualité - Projet d'Habitat Participatif à Melesse : Appel à candidats et lancement du 1er atelier ! » NeoToa. Consulté le 30 Déc. 2015 sur http://www.neotoa.fr/ PORTRAIT, Karine. (2004, Sept.). « Opac de Dijon, La carte de l'intergénération. » Habitat et Société(35), pp. 62-72. PORTRAIT, Karine. (2004, Sept). « Vieillir en HLM ». Habitat & Société(n°35), p. 62. Presses Universitaires de France. (s.d.). Georg Simmel. Consulté le 20 Fév. 2016 sur PUF: http://www.puf.com/Auteur:Georg_Simmel Ville de Rennes. (2014, Oct.). Habitat favorable au vieillissement. La démarche rennaise. 41p. Ville de Rennes. (2015). Projet Urbain 2015 - Une ville solidaire et durable. 108p. Ville et Métropole de Rennes. (2015, Oct.). « Le Programme Local de l'Habitat ». Rennes, Ville et Métropole. Consulté le 7 Déc. sur http://metropole.rennes.fr/politiquespubliques/transports-urbanisme-amenagement/l-habitat/le-programme-local-de-l-habitat/ Ville et Métropole de Rennes. (2015, Juin 15). « Les personnes âgées ». Rennes Métropole. Consulté le 18 Sept. 2015 sur http://metropole.rennes.fr/politiquespubliques/culture-education-vie-sociale/les-personnes-agees/ Ville et Métropole de Rennes. (s.d.). Plaquette de présentation de ZAC : Beauregard : Intensifier les lisières entre Ville et Campagne. Ville et Métropole de Rennes. (s.d.). Plaquette de présentation de ZAC : Mac-Mahon, Lucien-Rose, Brasserie Saint-Hélier : Des friches urbaines pour recoudre la ville.

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Annexes 1 - Fiche Récapitulative de l’opération de l’Espace Simone de Beauvoir 2 - Fiche Récapitulative de l’opération de la Résidence Intergénérationnelle de la ZAC Beauregard – Quincé 3 - Charte Vivre ensemble – charte de fonctionnement intergénérationnel de la Résidence Simone de Beauvoir et Olympia – Source Espacil Habitat

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1 - Espace Simone de Beauvoir

Et notamment > Résidence intergénérationnelle Simone de Beauvoir : 1, place Simone de Beauvoir - 35 000 Rennes Identifiant cadastral : n° 911 à 929, secteur AO PC n° 05 10 218 – Archives Municipales. : Boîte n°2028 W 20 21 22

 Maîtrise d’Œuvre : Nizou et Mauras, architectes urbanistes – dans le cadre du concours Europan 6 (2001) François Rénier, architecte – résidence intergénérationnelle Simone de Beauvoir Jean-François Golhen, architecte – résidences Le Parnasse, Le Pavillon, Le Carrousel Jean-Pierre Crusson, architecte – résidences Séréna, Olympia Julien Chouzenoux, architecte – résidence Le Chatelet  Maîtrise d’Ouvrage : Espacil Habitat (logements locatifs) – Entreprise Sociale pour l’Habitat - ESH Espacil Construction (en copromotion avec le groupe Lamotte pour l’accession libre) Pour la Résidence Simone de Beauvoir, la Ville a mis à disposition d’Espacil Habitat le casernement par un bail emphytéotique).  Cadre de l’obtention de la commande : Consultation de la Ville de Rennes / Rennes Métropole, remportée par Espacil pour la maîtrise d’ouvrage de l’opération.  Objet de la mission de maîtrise d’œuvre : Le concours Europan propose de réfléchir au renouvellement du morceau de ville constitué par la Caserne MacMahon libérée. L’équipe Nizou et Mauras propose en guise d’articulation des quartiers alentours, une réaffectation de certains bâtiments, la création de bâtiments tertiaires et de logement pour installer une nouvelle centralité de quartier. Un travail sur les limites de la caserne est également prévu. Lauréats du concours, les urbanistes se voient proposer une étude pré-opérationnelle par la ville de Rennes. Le projet de ZAC voit le jour et les lots architecturaux sont confiés à diverses équipes d’architectes. Les urbanistes assurent la mission de maîtrise d’œuvre du jardin central et des espaces urbains.  Site : Ancienne Caserne militaire Mac Mahon, à l’angle de l’Avenue du 41ème Régiment d’Infanterie et du Boulevard de Verdun, à Rennes (Station de métro Anatole France – ligne a).  Dates clés : 2000 (démarrage des études) 2002 (création de la ZAC) 2004 (démolition d’une partie des bâtiments, démarrage des études architecturales) 2005-2006 (dépôt des permis de construire) 2007 (démarrage des travaux) 27 Novembre 2009 (Inauguration de la Résidence Simone de Beauvoir) 2010 (livraison des logements)

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 Programme : Les 8 immeubles de la ZAC comprennent : - 139 logements en accession libre, - 17 logements en accession aidée, - 103 logements locatifs sociaux, - une maison-relais de 8 logements locatifs adaptés, - une maison de quartier (maîtrise d’ouvrage Ville de Rennes), - un pôle Petite Enfance pour la Ville de Rennes (crèche, ludothèque) - un accueil de jour pour personnes désorientées, - un restaurant associatif, - 306 places de stationnement souterrain (sur 3 niveaux), - des locaux d’activités, - un espace public central (place minérale + aire de jeux) Soit un total de 260 logements, Dont 86 dans la Résidence Intergénérationnelle Simone de Beauvoir : - 78 logements locatifs sociaux (29 T1, 24 T2, 24 T3 et 1 T4), - 8 logements locatifs adaptés, semi-collectifs, au sein de la maison-relais (gérée par Espoir 35) - l’accueil de jour de 10 places pour personnes âgées dépendantes (géré par Argo) un restaurant-self associatif (géré par Argo)  Superficie : ZAC de 2.1 hectares Résidence Simone de Beauvoir : 6 460m² SHON  Financement : Résidence Simone de Beauvoir : 10 415 700 €  Notes : - Concertation avec la ville et des habitants du quartier. - Montage juridique complexe : 7 copropriétés, 4 ASL (Association Syndicale Libre), 1 SCCV (Société Civile de Construction-Vente) - Associations : ARGO_ Accueil de Jour + Restaurant associatif, - ESPOIR35_ Maison Relai pour handicapés psychiques - Charte de fonctionnement intergénérationnel - Ex-Coordinatrice : Béatrice Chancereul - ARGO

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2 - Résidence Intergénérationnelle de la ZAC Beauregard-Quincé

Résidence intergénérationnelle Simone de Beauvoir : Rue Aurélie Nemours / Avenue Germaine Du Lac 35 000 Rennes Identifiant cadastral : n° 284, secteur AO PC n° 14 10 295

 Maîtrise d’Œuvre : A/LTA – Architectes Urbanistes Le Trionnaire (x2) + Tassot + Le Chapelain

 Maîtrise d’Ouvrage : NeoToa Territoires (aménageur)

 Cadre de l’obtention de la commande : Consultation de la Ville de Rennes / Rennes Métropole, remportée par NeoToa pour la maîtrise d’ouvrage de l’opération.

 Objet de la mission de maîtrise d’œuvre : Sur la base du projet soumis par NeoToa à la Ville de Rennes et d’un programme technique détaillé, les architectes ont été mis en concours, remporté par l’agence A/LTA. Le projet porte sur la réalisation d’une Résidence Intergénérationnelle proposant à la fois des logements sociaux et privés. D’emblée, les architectes devaient s’intéresser au projet de vie accompagnant le programme, laissant place à l’innovation architecturale au sein des équipements communs et des logements.

 Site : A l’entrée sud de la ZAC Beauregard Quincé entre la rue Aurélie Nemours et l’Avenue Germaine Du Lac.

 Dates clés : 2013 (concours architectes) Fin 2015 (démarrage des travaux) Début 2017 (commercialisation) 1er semestre 2018 (livraison définitive)

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 Programme : Les 7 immeubles de l’opération comprennent : - 38 logements en accession libre, (du T2 au T4) - 16 logements en accession intermédiaire, (du T2 au T5) - 30 logements en accession aidée PSLA, dont 1 atelier-logement pour artiste (du T2 au T5) - 33 logements locatifs sociaux dont 4 T2 associés à 4 T4, - et dont 3 ateliers-logements pour artistes, (du T1 au T6) - 2 ateliers d’artistes (40m²) - 3 locaux d’activité (50m²) - 1 salle de convivialité (avec cuisine et WC) - 1 buanderie - 1 bureau de proximité - 122 places de stationnement souterrain (sur 3 niveaux), - des espaces extérieurs avec une partie en pleine terre pour un jardin partagé. Soit un total de 117 logements, dont 8 combinés (4 T2+4 T4)

 Superficie : Surface de l’îlot : 13 606m² Surface de logements : 7 490m² SHON

 Financement : Enveloppe prévisionnelle des travaux : 10 100 000€ (HT)

 Notes : - Projet de vie mené par NeoToa - Laverie commune, Ateliers d’Artistes, Salle Commune, Commerces, « Place du Village » - Une personne en service civique à recruter pour la coordination de quartier - Charte d’engagement

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3 - Charte Vivre ensemble – charte de fonctionnement intergénérationnel de la Résidence Simone de Beauvoir et Olympia Source Espacil Habitat

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Table des Illustrations Figure 1 : Projet Kraftwerk - Martin Etienne, Criticat 11 p.15.................................................. 17 Figure 2 : Appartement du projet Kraftwerk - Martin Etienne, Criticat 11 p.20 ...................... 17 Figure 3 : Cartographie des « Zones d'influence » - Ville de Rennes, Plaquette Habitat Favorable au Vieillissement, la démarche Rennaise p.19 ....................................... 21 Figure 4 : Cartographie des « Zones bien desservies » - Ville de Rennes, Plaquette Habitat Favorable au Vieillissement, la démarche Rennaise p.20 ....................................... 22 Figure 5 : Cartographie des "Zones Favorables" - Ville de Rennes, Plaquette Habitat Favorable au Vieillissement, la démarche Rennaise pp.21-22 ............................... 23 Figure 6 : Carte situant les opérations étudiées dans la ville de Rennes - Réalisation personnelle .............................................................................................................. 27 Figure 7 : Photographie des bâtiments alignés sur la place Simone de Beauvoir - Document personnel ................................................................................................................ 28 Figure 8 : Situation de l'Espace Simone de Beauvoir - Réalisé à partir d'une vue Google Map ................................................................................................................................. 29 Figure 9 : Situation et contexte de l'Espace Simone de Beauvoir - Réalisé à partir d'une vue Google Map ............................................................................................................ 29 Figure 10 : Plan de masse de la Résidence intergénérationnelle de Beauregard-Quincé Source : www.a-lta.fr ............................................................................................... 30 Figure 11 : Vue de la Résidence intergénérationnelle de la ZAC Beauregard-Quincé, depuis le FRAC Bretagne Source : www.a-lta.fr................................................................. 31 Figure 12 : Plan de Rez-de-chaussée de la Résidence intergénérationnelle de la ZAC de Beauregard-Quincé - Plan fourni par l'agence a/LTA, retouché par nos soins ..... 35 Figure 13 : Plan de Rez-de-chaussée de l'Espace Simone de Beauvoir- Plan estimatif selon constatations sur site, réalisé par nos soins, sur la base du plan d'ensemble de la plaquette "Des friches urbaines pour recoudre la ville" (Rennes Métropole) ......... 37 Figure 14 : Plans RDC et R+1 de la Résidence Simone de Beauvoir : Version Permis de Construire (2005) - Plans réalisés par nos soins sur la base des plans du Permis de Construire (Archives de Rennes - 2028W20) .................................................... 38 Figure 15 : Plans RDC et R+1 de la Résidence Simone de Beauvoir : Version Permis de Construire Modificatif (2010) - Plans réalisés par nos soins sur la base des plans du Permis de Construire Modificatif (Archives de Rennes - 2028W22) ................. 39 Figure 16 : Photographie du projet de Serge et Lipa Goldstein, architectes – Issue de l’ouvrage de Monique ELEB et Philippe SIMON, (2012). Entre confort, désir et normes : le logement contemporain (1995-2010) .................................................. 43 Figure 17 : Les photographies sont issues de la plaquette institutionnelle de l'Espace Simone de Beauvoir (Espacil) - dans l'ordre de lecture : Le Parnasse ; Le Châtelet ; Le Pavillon ; Le Carrousel ; Olympia ; Serena ; Rés. Simone de Beauvoir ......... 44

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Figure 18 : Visuels du projet de Louis Paillard, architecte pour la gare de Montrouge - issus de l'ouvrage de Jacques Lucan "Où va la ville aujourd'hui ?" (2012) p.137............ 46 Figure 19 : Documents du concours pour la Résidence Intergénérationnelle de BeauregardQuincé - Perspective depuis la rue ; Coupe Nord-Sud ; Elévation Ouest - Source : www.a-lta.fr .............................................................................................................. 47 Figure 20 : Diagrammes des Façades et de la Répartition des programmes - Documents du concours pour la Résidence Intergénérationnelle de Beauregard-Quincé - Source: www.a-lta.fr .............................................................................................................. 48 Figure 21 : Projet Kraftwerk - Plan de niveau - Source : Criticat 11 p.6 ................................. 50 Figure 22 : Extrait du plan de niveau 2 de la Résidence Simone de Beauvoir – Ech.1/200 Réalisé par nos soins sur la base des plans du Permis de Construire (Archives Municipales de Rennes, boite n°2028W20) ............................................................ 52 Figure 23 : Vue d'un appartement partagé de la Résidence Intergénérationnelle de la ZAC de Beauregard-Quincé - Source : Sandra Leblond (NeoToa) ............................... 53

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Table des matières

Glossaire ......................................................................................................................3 Introduction .................................................................................................................5

I- Les dimensions politiques et territoriales comme initiateurs de l’habitat intergénérationnel .....................................................................................................11

A-

Des réflexions lancées à échelle sociétale ................................................................. 11

 Contexte historique de l’intergénérationnel en France................................................................ 11  Rapprochement des politiques publiques sur l’habitat et le vieillissement .................................. 13  Des lois nationales pour mettre en place une politique locale .................................................... 14  Initiatives citoyennes pour l’intégration des personnes âgées .................................................... 15

B-

A Rennes, des politiques engagées en faveur de l’habitat et du vieillissement ............ 19

 Le Projet Urbain de la ville de Rennes, en cohérence avec le projet social ................................. 19  Une démarche rennaise engagée et militante vis-à-vis de l’habitat des aînés ............................. 20  Une politique de la concertation, vers l’intégration de l’usager au processus de conception ? ... 24

II- Les dispositifs urbanistiques et architecturaux ou la construction d’un cadre de vie favorable à l’intergénérationnel ...........................................................................25

A-

Intégration urbaine et mixités : à l’échelle de la ville ................................................... 25

 Un environnement géographique favorable ............................................................................... 26  Mixités programmatiques et sociales comme facteurs de cohésion .......................................... 32  Pas d’architecture durable sans démarche éco responsable ..................................................... 40

B-

Qualité architecturale et mutualisation : à l’échelle du bâtiment .................................. 43

 Création d’une identité par la morphologie du bâti .................................................................... 43  Appartements partagés : rapprocher les générations au sein du logement................................. 49  Les circulations comme premier lieu de rencontres .................................................................. 54  Mutualisation d’espaces ........................................................................................................... 55  Une centralité domestique comme lieu de vie commune ........................................................... 56  Une diversité par l’appropriation ............................................................................................... 57

_______________________________________________________ 89


III-

A-

Le Projet de Vie, concrétisation du vivre ensemble .........................................59

Anticiper les besoins des résidents et fixer les ambitions du projet de vie .................. 59

 Concertation des trois maîtrises : d’ouvrage, d’œuvre et d’usage.............................................. 60  Projet de vie – quels dispositifs mettre en œuvre ? ................................................................... 61  Charte intergénérationnelle – une annexe du bail, un engagement de l’habitant ......................... 62

B-

Après la livraison du projet : impulser la dynamique et mesurer la réussite ................ 65

 Attribution des logements : adhésion des habitants au projet de vie .......................................... 65  Tisser des liens entre les générations : le rôle des acteurs sociaux ........................................... 67  Mesurer la réussite ou l’échec du projet ................................................................................... 69

Conclusion .................................................................................................................71 Corpus .......................................................................................................................75 Bibliographie..............................................................................................................77 Annexes .....................................................................................................................79 Table des Illustrations ...............................................................................................87 Table des matières .....................................................................................................89

_______________________________________________________ 90






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