Comment réussir dans le milieu du graphisme...

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Comment réussir

dans le milieu du graphisme

➞ en trois semaines seulement

Julia Coffre Mémoire de DNSEP Atelier communication graphique ESADS 2010


Remerciements : Olivier Deloignon, docteur en histoire de la typographie, enseignant chercheur, mon tuteur de mémoire. Pierre Roesch, enseignant en typographie, graphisme d’information et histoire de la typographie, mon référent principal. Philippe Delangle, coordinateur de l’option communication. Je remercie tout particulièrement pour son aide précieuse : Bahiyyih Nakhjavani, docteur en littérature, écrivain et responsable de l’atelier d’écriture bilingue à l’École des Arts Décoratifs de Strasbourg. Je remercie aussi tous ceux qui ont nourrit ce mémoire : Mes amis, mes maîtres de stages, mes camarades de promotion et les nombreuses autres personnes que j’ai pu rencontrer dans ce singulier milieu qu’est le graphisme.


sommaire

➞ Introduction ➞ Questions préalables

Semaine 1 ➞

Quel graphisme pour quel graphiste ?

17 Savez-vous ce que fait le graphiste ? 19  Quel type de pratique choisir ? 24  Comment devenir graphiste ? 29 La vraie méthode pour devenir graphiste 32  Quel est l’équipement nécessaire ? Semaine 2 ➞ Utiliser efficacement les principes moteurs du graphisme.

39  Processus de création 41  Étapes d’un projet graphique 51  Principes de composition Semaine 3 ➞ Votre réussite dans le milieu de la création

65  Votre réussite professionnelle 67 Les sources de la créativité 75  Cercle, relations, collègues 80 Travail, persévérance et détermination 83 Sens du commerce ➞ Conclusion ➞ Bibliographie



i nt roduct ion

Vous avez ouvert ce livret, vous avez posé vos yeux sur ces lignes, c’est le tout premier pas vers la réussite de votre projet : vous voulez réussir dans le graphisme vite et facilement, que vous reste-t-il à faire maintenant ?     ¶ Posez cette question autour de vous, la réponse que vous obtiendrez le plus souvent est : « va dans une école, passe un diplôme et travaille ! » mais en y réfléchissant un peu, ça n’est pas si simple. Les études et formations demandent du temps et de l’argent, et débuter dans le milieu n’est pas non plus tâche aisée.     ¶ Vous êtes jeune diplômé, travailleur indépendant qui cherche à retrouver son chemin, directeur général qui veut se reconvertir dans le domaine de la création ou encore un amateur passionné de graphisme qui veut faire le grand saut et devenir professionnel, les options et les conditions pour réussir ne seront peut-être pas exactement les mêmes, mais vos chemins suivent la même voie et je vous propose d’y parvenir en seulement trois semaines.     ¶ Vous êtes vraiment pressé ? Nous ferons d’abord un tour rapide des questions préalables afin de vous assurer du bien-fondé de votre décision. Vous êtes sûr de votre choix ? Nous rentrerons dans le vif du sujet et verrons en détails les différentes étapes nécessaires à votre réussite dans la profession, et ceci grâce à des


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conseils avisés, des recettes simples et des exemples concrets.     ¶ Je vous dévoile ici la méthode qui vous permettra de déterminer quel graphiste vous voulez devenir et quel graphisme vous voulez faire ; puis de savoir comment utiliser efficacement les outils et principes inhérents à votre pratique. Je vous donne aussi des clefs afin que vous assuriez votre réussite et votre épanouissement dans le milieu de la création.


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Pressé ? faisons un tour rapide des questions à se poser pour être sûr de son choix

➞ Pourquoi voulez-vous devenir graphiste ? La réponse à cette question est extrêmement importante car elle a un impact direct sur votre réussite dans ce domaine hautement compétitif. Si vous voulez être graphiste parce qu’un de vos amis gagne beaucoup d’argent avec cette activité, alors vous devriez peut-être reconsidérer vos motivations. Le succès de la plupart des graphistes vient avec le temps et l’effort, qui permettent de développer les capacités et d’approfondir les connaissances. Bien sûr, vous trouverez toujours des graphistes exceptionnels qui sont nés avec une habileté extraordinaire et n’ont besoin que d’extrêmement peu d’efforts pour accomplir une production à la hauteur de leurs idées géniales. Cependant la majorité travaille dur pour se maintenir informée des dernières nouveautés, offrir un excellent service auprès des clients et rester toujours techniquement au meilleur niveau. Il y a une quantité de compétences nécessaires pour devenir un graphiste à succès et je vous mets en garde : elles ne sont pas d’acquisition facile — sauf bien sûr avec une bonne méthode.     ¶ Si vous voulez être graphiste parce que vous sentez que vous avez une aptitude artistique ou que vos amis vous complimentent souvent sur cette


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carte d’invitation que vous avez faite pour votre oncle, alors en effet vous avez peut-être un petit quelque chose. Ce n’est pas une obligation d’avoir un don particulier pour le dessin, mais ça aide. Les gens qui ont une sensibilité artistique ont naturellement l’œil pour les couleurs, les formes ou la composition et de plus il est communément admis que les personnes naturellement douées artistiquement se destinent plus aux domaines de la création ; et le graphisme en fait partie, alors n’hésitez plus !

➞ Êtes-vous équipé pour réussir ? Un léger don est souvent un bon point de départ et généralement l’impulsion à l’origine de votre orientation vers le domaine de la création. Cette prédisposition naturelle s’avère aussi fort utile pour vous aider à devenir un graphiste, cependant elle doit être très rapidement suivie — ou remplacée en cas de manquement — par le travail et la persévérance, c’est de cette manière que ressortira votre singularité.       ¶ La connaissance technique des programmes de design et de mise en pages utilisés aujourd’hui est un must. Demandez-vous si vous avez assez de volonté pour apprendre la technique, indispensable car elle vous permet de rendre visibles et palpables les idées brillantes que vous avez dans la tête. Pour réussir, vous aurez besoin de connaître une grande variété de programmes de mise en page, d’illustration et de retouche-photo ainsi que d’avoir des notions de programmation Internet si vous désirez ajouter le Web à la palette de vos compétences.       ¶ Une solide base théorique est aussi indispensable, que vous soyez autonome ou que vous passiez par des études encadrées. Lisez les textes de référence en matière de graphisme et


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regardez ce qui s’est fait jusqu’à maintenant. En posant un regard contemporain sur les réalisations du passé, vous affûterez votre vision du monde qui vous entoure. Il vous faudra bâtir votre librairie personnelle. Certains livres seront des références théoriques, d’autre des sources d’inspiration, et d’autres encore vous assisteront pour maîtriser les aspects techniques et commerciaux du métier. Si vous ne savez pas lire, dirigez-vous vers un autre métier.

➞ Êtes-vous apprécié ? Même si vous maîtrisez les qualités techniques et théoriques requises pour faire du graphisme, il vous faudra quelque chose en plus, et ce sont les autres qui pourront vous l’apporter. Lorsque la plupart pensent que les graphistes travaillent individuellement, ça n’est en réalité pas toujours le cas. Les graphistes commencent souvent par travailler dans une équipe, avec d’autres créatifs ou sous la direction d’un directeur artistique, avec lesquels il faut être capable de collaborer. L’interaction avec les autres et la critique sur votre production sont deux facteurs extrêmement importants dans votre ascension vers le succès.     ¶ Si vous sortez d’une école où vous avez réussi à bâtir de solides amitiés et à avoir la promesse de futures collaborations, alors tant mieux pour vous, vous avez un solide appui pour démarrer. Pour tous les autres, il vous faudra faire preuve de courage et aller vers vos collègues ou confrères pour construire votre réseau.     ¶ Cherchez la critique, soyez un peu masochiste car cela vous permettra de développer un regard critique. La meilleure chose pour un graphiste qui débute c’est d’avoir quelqu’un qui puisse lui expliquer pourquoi ce qu’il vient de créer fonctionne ou pas


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graphiquement et comment il aurait pu faire autrement. Si vous ne trouvez pas votre mentor, cet ouvrage est une excellente référence à garder auprès de vous qui prendra entièrement ce rôle, la mauvaise haleine en moins.      ¶ Pendant votre carrière, votre travail sera souvent critiqué. Ce n’est pas parce que votre maman « adooooore » l’invitation de pendaison de crémaillère que vous lui avez fait sur Word l’année dernière, que quelqu’un va vous donner de l’argent pour ça. Soyez prêts à recevoir la critique pour ce qu’elle peut vous apporter, et utilisez-la pour vous améliorer. Si quelqu’un vous dit que votre graphisme est immonde, vous devez être capable de sourire, essayer de passer outre et trouvez un moyen de faire mieux. Si vous êtes le genre de personne qui pense que l’avis des autres n’a aucune espèce d’importance, alors vous vous trompez de voie. En tant que graphiste, vous vous placez au service des autres, pas de vous seul — même s’il existe différentes postures dans les milieux de la création… Nous verrons cela plus loin. Cela va être votre travail de faire du bon graphisme — nous verrons aussi cette définition plus loin — et de le défendre. À la fin, il s’agira de satisfaire votre client ou votre patron, sans vous vendre complètement.

➞ Avez-vous bien fait de choisir cette méthode et qui suis-je pour vous donner des leçons ? Je vous propose de répondre à cette question une fois la lecture de cet ouvrage terminée.




SEMAINE 1 ➞ QUEL GRAPHISME POUR QUEL GRAPHISTE ?



SEMAINE 1

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J’ai évoqué précédemment quelques inévitables questions à se poser avant de commencer : quelles sont les motivations, le don et de la créativité au départ ? Êtes-vous prêt à assimiler la technique et la théorie ? Serez-vous capable de développer les qualités humaines et le sens du commerce pendant le processus ? C’est une vue d’ensemble des points importants que vous rencontrerez dans votre quête vers la réussite dans le milieu du graphisme.       ¶ Vous commencez à présent la première semaine, cependant je vous tiendrai un peu plus longtemps en haleine avant de vous dévoiler la véritable méthode pour devenir graphiste en trois semaines seulement. Vous entamerez ce parcours en clarifiant quelques points nécessaires, puis nous verrons des méthodes vers lesquelles vous auriez pu vous tourner si vous n’aviez pas mis la main sur cette ouvrage et enfin je vous exposerai la méthode et les moyens matériel dont vous aurez besoin.


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SEMAINE 1

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Savez-vous ce que fait le graphiste ? Pour définir ce que fait le graphiste, je prendrai un éminent modèle de référence en matière de graphisme : Paul Rand. Il vous accompagnera dans cet ouvrage, car il s’est distingué dans un vaste champ d’activités, allant de la direction artistique de revues et de publicités, au packaging et à l’illustration de livres en passant par la typographie, la peinture et l’enseignement artistique. En tant que figure du graphisme, ses propos sont connus et reconnus par la plupart des graphistes, en tout cas ceux dignes de ce nom. Dans son ouvrage A Designer’s Art, paru chez Yale University Press en 1988, Paul Rand s’exprime ainsi : « La tâche du graphiste consiste d’abord à reformuler le problème (…). L’analyse, c’est-à-dire la décomposition d’un matériau complexe en ses composants les plus simples (comment pourquoi, quand et où), permet au graphiste de commencer à énoncer le problème. »

Reformulons notre problème : Comment (moyens) réussir (efficacité) dans le graphisme (milieu et métier) en trois semaines (organisation et méthode) ?     ¶ Mais d’abord, qu’est-ce qu’un graphiste ? quelqu’un qui fait du graphisme — qu’est-ce qu’un balayeur ? quelqu’un qui balaie, donc pas un graphiste ; même si les graphistes peuvent balayer pendant leur temps libre, quand ils ne sont pas en train de faire du graphisme et les balayeurs faire du graphisme s’il leur prend l’envie.


18 Qu’est-ce que le graphisme ? L’activité du graphiste, c’est-àdire de traduire et organiser visuellement un message par un ensemble de moyens et de registres visuels (image, texte, composition, typo). Les outils mis à sa disposition sont donc : la composition de l’espace (par la forme, le placement, la couleur et le rythme) de l’image et du texte. Il s’agit de manier ces leviers avec suffisamment d’habileté pour obtenir une image qui ne soit pas seulement esthétique, puissante, bien composée, marquante, séduisante et qui provoque l’émotion chez le regardeur, mais aussi une image qui communique, qui résout le problème posé en des termes clairs, qui remplit sa fonction ! C’est une définition du bon graphisme, mais comme indiqué plus tôt nous verrons cela plus loin. Paul Rand dit encore : « Une œuvre graphique qui satisfait les besoins esthétiques, respecte les lois formelles et les exigences de l’espace à deux dimensions ; qui connaît le langage de la sémiotique, de la typographie et de la géométrie ; qui condense, transforme, traduit, renverse, dilate, répète, réfléchit, réunit et rassemble, mais qui est hors de propos n’est pas du bon graphisme. »

¶ En effet, il ne faut pas oublier que le graphisme est un service : celui de passer le message. Le monde dans lequel le graphiste évolue n’est pas celui de l’art mais un monde où l’on achète et où l’on vend. Le soucis du client est de vendre et/ou de communiquer son message — pas de faire évoluer votre graphisme. Pour vous, à la différence du commanditaire, l’art doit être une motivation primordiale, l’art au service du commanditaire, l’art qui améliore la qualité de vie et qui approfondit la connaissance du monde qui nous entoure. Le graphisme permet de clarifier, de synthétiser et de renforcer la valeur d’un mot, d’une image, d’un produit ou d’un événement.      ¶ Bien ! Une fois cela dit, si vous êtes toujours intéressé pour devenir graphiste, vous êtes vous déjà demandé vers quelle catégorie de graphistes vous vous destinez ?


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Quelle type de pratique choisir ? Il y a autant de graphismes qu’il y a de graphistes. Il existe assez de statuts juridiques et spécialités dans lesquelles vous pourrez trouver votre place ; assez de clients et de partenaires avec qui travailler ; de nombreux événements auxquels vous serez amenés à réagir et qui vous permettrons de vous définir en tant que graphiste, de déterminer à quelle catégorie vous appartenez et dans laquelle vous vous épanouirez. Ci-dessous une première liste des types principaux de graphistes parmi lesquels vous pourrez choisir le vôtre. (Toutes les indications données ci-dessous sont inspirées de faits réels et toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existées ne serait nullement fortuite).

Le graphiste salarié d’une entreprise dont, le plus souvent, l’objet

principal n’est pas la communication graphique, mais par exemple de faire vendre des matelas.

Le graphiste à son compte possède un statut avec des variantes : profession libérale, déclaré à la maison des artistes ou autoentrepreneur. Quel que soit le mode de déclaration auprès de l’administration fiscale — qu’il s’agit de bien choisir en fonction de sa façon de travailler — il existe : → Celui qui répond aux commandes publiques, pour les ins-

titutions publiques. Il fait du graphisme engagé, pour les autres, le plus possible dans l’espace public. Il connaît les


20 élus de sa région, il voyage assez peu, mais il a acquis la reconnaissance de ses pairs. → Celui qui répond à des commandes privées, il a comme

clients des grandes entreprises. Il gagne plutôt bien sa vie et voyage beaucoup, mais a peu de reconnaissance de ses pairs, ou du moins pas dans son pays d’origine.

Le studio de graphisme dont, le plus souvent, l’objet principal est

la communication graphique. Dans de ce studio, on trouve : → Celui qui monte le studio. C’est un graphiste qui prend de

l’importance et qui a besoin d’aide pour répondre à toutes les commandes. Il peut au choix s’associer ou se faire seconder. Généralement le studio prend son nom. → Celui qui s’associe au graphiste cité précédemment. Ils tra-

vaillent alors ensemble, le nom du studio peut alors s’enrichir d’un « + » ou « & ». Exemples : Schmidt + Smith ; Parker & Associate ; Bernet & Barnet ; Dupont & Dupond. → Celui qui travaille dans le studio. Il n’est pas l’auteur direct,

ne prend pas les décisions principales et le travail qu’il fait porte le nom de l’agence. Dans cette catégorie, il existe les sous-catégories suivantes : – Celui qui fait ça pour un jour diriger le studio. Le jour où il en prendra la direction, il modifiera légèrement le nom en y ajoutant encore un « + » ou un « & », avant d’abandonner complètement le premier nom pour le sien. Exemple : le Studio Barnet & Bernet qui avait déjà évolué en Studio BB, deviendra le Studio BB & Carret et enfin le Studio Carret. – Celui qui fait ça pour apprendre et qui partira à son compte d’ici cinq ans. Il aura acquis de l’expérience, aura déjà des clients et sera reconnu par une partie de la profession. Grâce à ses contacts, il trouvera facilement un atelier dans lequel s’installer et commencera immédiatement. – Celui qui fait ça pour toucher un salaire tous les mois en faisant ce qu’il aime.


Quel graphiste êtes-vous ?

1. Vos amis disent de vous que vous êtes plutôt :

6. Quand vous travaillez, vous préférez le processus ou le resultat ?

● Ambitieux. ▼ Indépendant. ★ Posé. ✺ Enthousiaste.

★ Le résultat. ▼ Le processus. ● Les deux. ✺ Quand c’est pas trop dur et que ça fait joli.

2. Pour vous faire du graphisme serez d’avantage : ✺ Un plaisir. ● Un combat à mener. ▼ Une cause à defendre. ★ Un moyen de gagner sa vie.

3. Le plus important dans la vie pour vous c’est : ★ Manger pour vivre. ▼ Vivre de sa passion. ● Partager sa passion. ✺ Du temps pour faire ce que l’on aime.

4. Le premier moment créatif dont vous vous souvenez : ★ Les excuses que vous inventiez à l’ecole pour ne pas travailler. ✺ Le premier cours d’art plastique. ▼ Les cabanes que vous construisiez. ● Les jeux que vous inventiez pour votre bande d’amis.

5. Comment les autres réagissent à vos productions ? ▼ Ils comprennent rarement. ● Ils les admirent toujours. ★ C’est leur problème. ✺ Ils trouvent ça original.

7. Quelle est la meilleur idée que vous ayez eu ? ★ vous ne le dite pas, on risquerait de vous la voler ● Vous ne vous en souvenez plus, vous l’avez déjà communiquée à un ami qui est entrain de la réaliser. ▼ Vous en avez plein, juste pas assez de temps pour les exploiter toutes. ✺ D’avoir mis du bleu là.

8. Qui sont vos modèles ? ★ Xavier de moulins, Stephane Bern ou Gad El Maleh. ▼ Marguerite Duras, Alexandre Rodtchenko ou votre père — qui s’est fait tout seul. ● Mahatma Ghandi, Louis XIV ou Ségolène Royal. ✺ Picasso, Léonard de Vinci et Bernard Buffet.


Vous avez une majorité de : ★ : Vous vous destinez à être graphiste salarié. Votre place est dans une entreprise, dans le département créa — cette appellation vous donne un bonne excuse pour arriver à onze heure le matin. Vous êtes compétent et organisé, vous allez à l’essentiel et vous manipulez des outils que vous maîtrisez. Vous avez d’autres intérêts dans la vie que le graphisme, par exemple une famille avec laquelle vous aimez partir en vacances. ▼ : Vous vous destinez à être graphiste à son compte. Vous êtes indépendant, bosseur et déterminé. Votre vie c’est votre métier, vous êtes entièrement dévoué à sa cause — quelle soit noble ou pas, c’est votre engagement. ● : Vous vous destinez à faire partie d’un studio de graphisme. Vous avez de l’ambition mais vous aimez aussi la partager. Vous êtes capable de prendre vos responsabilité ou de déléguer. Vous aimez la compagnie de vos semblables et vous trouvez que c’est en s’alliant avec des gens qui partagent la même cause que l’on devient plus fort et que l’on fait évoluer les choses. ✺ : Vous êtes un graphiste du dimanche. Vous voulez rester libre de faire ce que vous aimez. Vous n’êtes pas sous le joug de votre passion, vous êtes sous son charme. —

Quelques ponts possibles : → Si vous avez une majorité de ▼ avec un peu de ●, vous fonderez un jour votre propre studio. → Si vous avez une majorité de ● avec un peu de ▼, vous serez plus sûrement à la tête d’un studio. → Si vous avez une majorité de ✺ avec un peu de ▼, vous passerez un jour professionnel. → Si vous avez une majorité de ★ avec un peu de ✺, être graphiste salarié est vraiment la meilleure situation pour vous.


SEMAINE 1 / q u e l l e t y p e d e p r a t i q u e c h o i s i r

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Le graphiste du dimanche. L’amateur, le bénévole, qui travaille

ses mises en pages directement sur Paint ou Photoshop. → Celui qui fait ça pour son association, pour sa famille,

ses amis. → Celui qui a été désigné par ses collègues pour faire la carte

de vœux de l’entreprise parce qu’il sait utiliser Photoshop. → Celui qui débute, commence par le commencement,

passera peut-être professionnel un jour. ¶ Une fois survolées les catégories non exhaustives, si vous ne savez toujours pas à quel type de graphiste vous correspondez, je vous propose un questionnaire à choix multiples qui vous permettra de vous situer dans l’une des catégories. Les ponts entre les différentes catégories de graphistes sont nombreux. Ainsi, vous pouvez évoluer ou changer tout au long de votre parcours, voir inventer votre propre catégorie, ce qui évidemment serait le summum de l’acte créatif.


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Comment devenir graphiste ? Vous avez répondu au questionnaire ? Bien. Maintenant que vous avez établi votre type, allons droit au but : quelles sont les étapes à suivre pour devenir graphiste ? Il existe plusieurs écoles, et je vous propose ici d’en évoquer trois pour vous montrer la diversité des approches par rapport à ce sujet. Nous verrons dans un second temps la méthode efficace qui les adapte et comble leurs manques. La première est de Joseph Müller-Brockmann, autre grande figure du graphisme, au même rang que Paul Rand, mais suisse — détail notable : ils ont exactement les mêmes dates de naissance et de décès : 1914-1996. Joseph Müller-Brockmann a publié quelques ouvrages sur sa pratique et sur sa pédagogie lorsqu’il était professeur. J’en ferai référence de temps en temps dans cet ouvrage. Dans son livre The Graphic Designers and His Design Problems (Arthur Niggli, 1983) au chapitre Formation des graphistes, il expose la formation en quatre ans qu’il proposait dans son école — cette durée étant passablement trop longue pour le but que nous nous sommes fixés, je l’ai ici adaptée en suite d’étapes simples. La seconde est de Sean Hodges, graphiste en Floride, contemporain plus connu pour son consulting / coaching en graphisme que pour ses productions      ¶ La dernière des méthodes que je présente est une combinaison de plusieurs méthodes disponibles sur Internet en tapant la requête : « how + to + become + a + graphic + designer » dans un moteur de recherche (vous trouverez


Selon Joseph Müller-Brockmann : (Propose une formation en 4 ans, ici sont répertoriés dans l’ordre chronologique les étapes-clefs de sa formation des graphistes)

1 Acquisition des Principes — forme, typo et photographie 2 Pratique — travailler sur des cas concrets 3 Commercial — connaître les exigences de la production et de la vente 4 Spécialisation & Créativité — se mettre au service d’une entreprise, — tirer des conclusions pratiques et artistiques des expériences) Selon sean hodges :

1 Acquérir les principes — de composition, d’image et de typographie 2 Assimiler la théorie — par l’histoire du graphisme et les grandes références 3 Pratiquer le graphisme — s’exercer en répondant à des cas réels ou imaginaires pour développer un processus de résolution visuelle des problèmes 4 Se spécialiser — développer des intérêts, faire le choix d’une singularité 5 Observer ses contemporains, — faire des stages. 6 Développer sa créativité, sa virtuosité — son intuition et son rythme de travail en maîtrisant les outils du graphisme. 7 Augmenter sa visibilité — en créant un blog, un portfolio, savoir se vendre — la communication n’est pas uniquement visuelle, elle est aussi verbale. 8 Établir un réseau — faire partie d’une association de professionnels ou d’une communauté en ligne 9 Être transversal — aménager des ponts entre les différentes pratiques, pour enrichir la sienne 10 Travailler — proposer ses services autour de soi.


Selon les méthodes trouvées sur Internet :

1 Études — faites le choix de suivre une formation ou d’apprendre par vous-même 2 Technique — maîtrisez la technique. Prenez des cours pour dominer votre ordinateur et les logiciels de graphisme, étudiez les manuels et tutoriels 3 Visibilité — construisez votre portfolio et mettez le en ligne 4 Observation — faites des stages, regardez le travail de vos contemporains. 5 Interaction — apprenez à travailler avec les autres et cherchez la critique pour vous améliorer. Sachez mettre des mots sur votre travail, défendez-le vendez-le 6 Créativité — ne soyez pas une poule mouillée. Tentez des expériences et amusez-vous 7 Théorie — étudiez des textes sur les fondements du graphisme 8 Pratique — proposez vos services autour de vous 9 Détermination — ayez la réponse à la question : pourquoi voulez-vous être graphiste ?


SEMAINE 1 / c o m m e n t d e v e n i r g r a p h i s t e

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les liens dans la bibliographie en fin d’ouvrage). Ces dernières sont les plus facilement accessibles car elle apparaissent en tête de liste dans Google — et il est communément admis que Google a réponse à tout — elles proposent le plus souvent une suite d’étapes à franchir pour parvenir à son but. Pour vous faire gagner un temps précieux, j’ai effectué la synthèse de toutes ces listes de la manière suivante : j’ai relevé à chaque instruction, les mots-clef : « études », « technique », « créativité », etc. puis je les ai rangés par fréquence, de celui que l’on retrouve le plus souvent à celui que l’on retrouve le moins souvent. Quand il y a des ex aequo je choisis le mot qui vient le plus souvent en début de liste.       ¶ Grâce à toutes ces moyennes, synthèses et classements, j’espère vous faire gagner du temps et des efforts en vous offrant un aperçu de la méthode pour devenir graphiste selon Google. Elles vous sont retranscrites à la page suivante en ne gardant que l’essentiel, pour que nous puissions rester dans les temps, mais il est intéressant de prendre un court moment pour noter que malgré le fossé entre les différentes approches on retrouve un certain nombre de similitudes. ¶ Dans un premier temps apparaît en tête des deux listes l’acquisition des principes inhérents à la pratique du graphisme : forme, couleur, composition, typographie, photographie. Il est évident qu’il vous faudra les assimiler, attendu qu’ils affecteront tous les projets que vous allez développer.       ¶ La pratique est une composante importante de la réussite chez nos deux protagonistes puisqu’elle arrive assez rapidement dans l’énumération. Ils se rejoignent sur ce point : le métier de graphiste consiste à résoudre des problèmes concrets.      ¶ Arrive ex aequo en quatrième position dans les deux listes la notion de spécialisation, un grand classique de la formation des graphistes. Une fois avancé dans votre parcours, vous découvrirez quelles choses suscitent votre intérêt et lesquelles vous ennuient. Vous déciderez d’avancer dans une voie, de vous spécialiser, de vous affirmer, de développer votre singularité.      ¶ Parmi les multiples spécialisations


28 possibles en graphisme, il existe : le graphisme d’information, le Web design, l’édition, la publicité, la conception de typographie, la signalétique, etc.      ¶ Mais tout cela est un peu ennuyeux et restrictif… Je vous conseille de vous ouvrir encore plus que ce que vous suggèrent Sean et Joseph, et d’affirmer votre personnalité avec tous les aspects qu’elle comporte. Ainsi, n’hésitez pas à faire des ponts entre le graphisme et d’autres pratiques qui n’ont en apparence absolument rien à voir et qui font la richesse et la diversité du métier. Je connais personnellement des graphistes-illustrateurs et des graphistesdesigner — jusque-là rien d’extraordinaire — mais aussi des graphistes-mécaniciens, des graphistes-éstheticienne, des graphistes-humoristes, des graphistes-artistes-peintre du dimanche et des graphistes-voyageurs. Pour réussir dans le graphisme, inventez vous aussi votre propre spécialité en fonction de vos intérêts — vous pouvez être graphiste-graphiste si vraiment il n’y a que ça qui vous plaise.      ¶ Quant aux méthode trouvées sur internet, je doute de leur crédibilité, mais il est intéressant de constater la tendance générale de ces tentatives laissées en libres accès sur le net. Cela nous permet de voir aussi quelles sortes de réponses vous auriez obtenues si vous vous étiez laissé aller à passer par un autre biais que celui de cet ouvrage.


SEMAINE 1

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la véritable méthode pour devenir graphiste en trois semaine seulement Après avoir jeté un coup d’oeil rapide sur ces enseignements — dans lesquels il y a tout de même à prendre et à laisser — je vais à présent vous dévoiler la véritable méthode pour devenir graphiste en trois semaines seulement, celle qui résume l’essentiel, élimine l’inutile et se base sur du vécu. Comme promis dans le titre de cet ouvrage, nous allons utiliser ces vingt et un jours comme rythme d’apprentissage.

1er jour : le graphisme, qu’est-ce que c’est ? Il vous faut connaître

la définition du graphisme en théorie, les différentes pratique et métiers qu’il offre. Vous devez avoir conscience de cela dès le début pour savoir dans quelle direction vous vous orientez. Grâce à cet ouvrage, cela prend une semaine. Vous avez déjà commencé et c’est bientôt fini, bien joué n’est-ce pas ?!

8e jour : Comment faire ? Sachez maîtriser les principes de bases

du graphisme et les outils et éléments à disposition pour réaliser un travail qui soit à la hauteur de vos idées. Apprenez à modeler les images et le texte pour produire des objets graphiques qui soient à la mesure de votre créativité. Avec les clefs et les éléments que je vous donne pendant cette deuxième semaine vous y parviendrait sans difficultés.

15e jour : qui êtes-vous ? À la fin de ces deux premières

semaines, prenez de la distance par rapport à la technique et


30 à la théorie. Ne soyez pas séduit par l’effet que peut produire une certaine virtuosité, ne soyez pas impressionné par les autorités, soyez vous-même. Suivre les règles c’est bien, suivre ses propres règles c’est mieux. Pour produire n’essayez pas d’analyser et de créer en même temps, ce sont deux processus différents.

16e jour : créer ? Allez-y ! Lancez-vous ! Sortez ce que vous avez

dans le ventre ! Je vous donnerai les sources de la créativité dès le début de cette semaine. C’est dans les premiers jets que l’on voit se dessiner la personnalité graphique. Il n’y a pas de gagnants ou de perdants, juste des gens qui agissent. Vous ne savez pas quoi faire ? Ce que l’on voulait faire c’est en le faisant qu’on le découvre.

17e jour : qui peut vous aider ? Allez voir les autres ce que font

les autres graphistes, vos contemporains. Sachez vous inspirer — sans copier. Regardez leur travail et tâchez de le comprendre — sans le reprendre. Quand vous partagez vos idées avec les autres, vous vous enrichissez de leur interprétation.

19e jour : et maintenant, que faire ? Ne vous arrêtez jamais de

travailler. « Nous sommes ce que nous répétons sans cesse. L’excellence ne naît pas d’une action unique, mais d’une habitude. » Aristote. Votre œuvre, même si elle ne dure qu’un instant, est la somme de tout ce que vous avez vu, lu, entendu, vécu. Vous en avez assez de travailler ? Le grand avantage d’être un créatif  c’est que tout ce que vous faites contribue à votre créativité — le graphisme ne se nourrit pas que de graphisme. Allez vous promener, faites un match de tennis, partez en voyage ! Revenez plus tard sur votre travail, mais revenez-y sans cesse.

20e jour : Amusez-vous ! Ne vous prenez pas trop au sérieux non

plus. Prenez du plaisir en travaillant à votre œuvre, sinon vous allez devenir quelqu’un de très très sérieux, et ça n’est pas ce que vous voulez. N’ayez pas peur d’être différent du reste de la masse des graphistes, explorez des façons rafraîchissantes d’interpréter les styles existants — à condition d’avoir bien étudié la théorie, vous serez d’autant plus crédible. N’oubliez pas d’où


SEMAINE 1 / l a vé r i t a b l e m é t h o d e

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vous venez pour savoir vers où vous allez. On ne sait jamais qui sera la prochaine avant-garde. Comment s’amuser ? Parlez de choses sérieuses avec légèreté, parlez de choses légères avec sérieux.

21e jour : repos. Accordez vous une journée de repos. Ne lais-

sez pas votre travail prendre toute la place dans votre vie, car être graphiste peut être si exaltant que vous oubliez les autres choses importantes de la vie.

Quelques astuces en bonus : → Lisez tout ce qui vous passe entre les mains, écoutez de la

musique, regardez des films, allez voir des expositions, etc. → Soyez présent, soyez partout à la fois, allez à toutes les

conférences, les vernissages, les événements culturels. → Gardez trace de tout ce que vous faites, ça pourra peut-être

vous servir un jour. ¶ Je mets en place dans cet ouvrage un système d’alerte pour vous rappeler les jours décisifs dans votre ascension vers la réussite. Vous pouvez vous referez également aux titres courants situés en haut de belle page pour vous assurer de garder le rythme.


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Équipement Les étapes sont assimilées ? Vous êtes maintenant prêt à commencer ? Oui ! La décision est prise, vous allez enfin devenir graphiste ! Vous avez l’impulsion qui va vous permettre de vous lancer, vous relevez vos manches, vous posez un pied devant l’autre… Et tout à coup, vous vous retrouvez complètement démuni, vous ne savez plus quoi faire car une question a surgi dans votre esprit : de quoi ai-je besoin pour devenir un excellent graphiste ? Quel est le matériel nécessaire ? Existe-il aussi un document auquel je puisse me référer ? Ne cherchez plus, je l’ai composé ici pour vous. En effet, il y a quelques outils indispensables à la pratique du graphisme : ci-dessous vous trouverez une liste de ce qui est absolument essentiel pour travailler en graphisme, et quelques recommandations en plus.

Un espace de travail. C’est d’abord un lieu à trouver. Que ce soit

chez vous dans la pièce la plus isolée ou un dans un atelier que vous partagez avec d’autres créatifs ; l’important est de mettre en place un espace dans lequel vous êtes apte à travailler, loin des distractions et où tout est à portée de main, pour ne pas rompre votre rythme de travail. Mais attention ! si vous choisissez de travailler à la maison, croyez-vous vraiment que c’est le moment de ranger vos CD dans l’ordre alphabétique ? Si vous travaillez dans un atelier, croyez-vous que ce soit productif de parler pas messagerie interposée avec le collègue du bureau en face du votre ?


SEMAINE 1

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Un ordinateur. Dans le monde du graphisme aujourd’hui, un ordinateur est indispensable. Il est à la fois votre outil de travail et le moyen par lequel vous traitez vos affaires. Rappel : le minitel peut produire des effets très intéressants, mais il n’est pas apte à faire du graphisme. En utilisant certains logiciels (voir plus bas), vous allez créer des illustrations, travailler avec la typo, retoucher des photos et réaliser des mises en pages. La plus grande décision à prendre est de savoir quel ordinateur acheter, et cela commence par faire le choix entre un Mac et un PC. La majorité des graphistes professionnels achètent le premier — mais ne sentez aucune pression, c’est à vous de voir.

Des logiciels. Les logiciels de graphisme et de commercialisation sont la clef de votre ascension vers le succès. Certain, comme Photoshop, Illustrator et InDesign se concentrent principalement sur la mise en forme du projet graphique ; d’autres, comme les logiciels de gestion du temps et de l’argent vous aideront à rester organisé et à maîtriser l’aspect commercial de votre travail. D’autres encore vous permettront de lutter contre des méchants qui veulent envahir la civilisation que vous êtes en train de construire — ces logiciels-là sont beaucoup moins essentiels dans votre ascension vers le succès.

Des livres. Je vous recommande vivement de construire votre bibliothèque graphique. Elle sera composée d’ouvrages historiques ou contemporains source d’inspiration, d’autres seront une assistance technique, d’autres encore vous conseilleront sur l’aspect commercial du graphisme. Les personnes qui partagent votre logement, s’il y en a, pourront bien comprendre que le livre que vous venez d’acheter, et que vous ajoutez au bout du dernier rayon de la cinquième étagère installée dans la cuisine — parce qu’il n’y avait plus de place dans la salle de bain — vous est absolument in-dis-pen-sable.

Un carnet et un stylo. Il est préférable d’utiliser un ordinateur

pour traiter les finitions d’un projet, mais vous n’avez pas besoin de commencer par là. Griffonner des idées sur un


34 bout de papier est une excellente façon de commencer un projet, cela permet de continuer à chercher en laissant ouvert le projet pour y ajouter des idées qui viendront plus tard. Le projet sera véritablement plus riche que si vous le maquettiez immédiatement sur un ordinateur. Il est aussi important de toujours garder un petit carnet de notes avec soi, car vous pouvez oublier une idée aussi rapidement qu’elle vous est venue à l’esprit.       ¶ Sinon, faites donc un effort et essayez de dompter votre créativité fulgurante. Il arrive parfois que vous ne soyez pas en position de noter quelque chose parce que vous conduisez, ou que vous êtes dans votre lit en train de vous endormir et que le stylo est tout là-bas, au loin, sur le bureau. Dans ce cas laissez passer l’idée, ça n’est pas le moment. De plus, si l’idée est vraiment valable elle ne disparaît pas comme ça, son évidence et sa simplicité qui font d’elle une grande idée lui permettent de continuer à évoluer et à s’enrichir dans votre tête. Elle reviendra à un autre moment, plus propice celui-là.

Le reste. Si vous vous levez toutes les cinq minutes pour aller chercher des bretzels dans la cuisine, alors oui, vous pouvez les ramener sur votre bureau, ils peuvent aussi faire partie de votre équipement nécessaire pour devenir graphiste.




SEMAINE 2 âžž Utiliser efficacement les principes moteurs du graphisme.



SEMAINE

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Après cette première semaine d’étude, vous avez une première notion de ce qu’est le graphisme, vous avez déterminé quel graphiste vous voulez devenir et vous savez comment vous vous y prendrez pour le devenir. Vous êtes bien installé devant votre bureau avec tout ce dont vous avez besoin autour de vous, prêt à commencer à travailler ! Mais voilà, vous ne savez pas comment aborder le problème, par quoi commencer ? Comment s’y prendre sans s’éparpiller et partir dans tous les sens ? Quels sont vos outils et quels éléments graphiques sont à votre disposition ? Comment les utiliser efficacement ?!       ¶ Ce qu’il vous faut c’est un processus de création qui vous permettra de mener à bien chaque projet du début à la fin. Je vais vous aider à le mettre en place en vous donnant des listes de points à respecter et de questions auxquelles répondre pour vous assurer que vous suivrez bien les principales étapes de ce processus.      ¶ Dans un second temps, nous entrerons vraiment dans le cœur de la pratique du graphisme, c’est-à-dire que nous verrons les principes de compositions qui régissent et ordonnent une production graphique réussie, nous verrons aussi les outils et éléments graphiques à disposition du graphiste, et même quelques petits « trucs » qui renforceront rapidement et efficacement votre production graphique.



SEMAINE

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Qu’est ce qu’un processus de création ? Le processus de création est une série d’opérations en chaîne, nécessaires à la détermination des idées et intentions, à leur combinaison et à leur organisation, pour parvenir à la réalisation du projet. Le graphiste conceptualise une réponse visuelle à un problème posé et le chemin qu’il va faire de la question à la réponse suit un processus de création. Le client vient — au début le plus souvent, c’est vous qui allez à lui — avec un problème à résoudre ou un besoin à combler. Vous, en tant que graphiste, vous recevez ce problème et tâchez de le résoudre par une série d’opérations qui vous mèneront à une solution visuelle.     ¶ Qu’est-ce qu’une solution visuelle ? C’est l’unification d’une idée et de moyens graphiques, placés dans un contexte. Dans votre processus de création, que nous allons mettre en place cette semaine, nous allons travailler sur la manière de faire venir cette idée et de la développer. Puis nous nous verrons les moyens et principes graphiques à connaître et à mettre en place pour trouver cette solution visuelle. Enfin, nous nous attarderons sur la vérification et l’intégration de votre travail dans son contexte.     ¶ Pour illustrer mon propos je prendrais l’exemple d’un mauvais processus de création. Les difficultés rendues visibles dans l’exemple peuvent êtres évités grâce à la mise en place d’un fonctionnement qui prend en compte


42 tout ce qu’il y a avant, pendant et après le projet. En prenant le contre exemple du processus de création pour la pochette d’album du groupe, nous allons voir cette en détails cette semaine comment mener à bien un projet.

Exemple : un jeune groupe de musiciens lance son premier

album, ils vous demandent que la pochette reflète au mieux leur musique. → Vous écoutez le CD. — La musique ne vous inspire pas

tellement. → Vous décidez d’allez parler avec quelques membres du

groupe. — Ils sont sept plus le manager, et ils ont chacun un avis très différent et une vision très personnelle du résultat. → Ensuite vous commencez à faire des propositions et vous

les montrez lors d’une première réunion. — Ils ne réagissent pas à ce que vous leur montrez. L’un d’entre eux, qui connaît Photoshop, essaie de vous expliquer quels filtres vous devriez utiliser pour donner un peu de relief à cette image, et un autre qui estime avoir du goût, car il est tout de même dans le domaine des arts en tant que musicien et chanteur, vous explique ce que vous devriez faire et commence à vous donner des directives. → Enfin, après plusieurs réunions et beaucoup de propositions

vous arrivez à vous mettre d’accord sur une des solutions proposées. Vous la développez puis vous envoyez à imprimer les mille premières pochettes que vous recevez six jours plus tard. — Il manque le nom d’un musicien sur le dos de la pochette, en plus c’est celui qui vous a dit comment faire la pochette, et il est maintenant persuadé que cet oubli est intentionnel. → Cette erreur est déduite de votre devis. — Vous n’aviez pas

fait de devis, ils décident alors de recalculer vos tarifs.


SEMAINE 2 / p r o c e s s u s d e c r é a t i o n

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¶ Pour faire mener une projet de manière efficace, vous devez nécessairement passer par un processus mental, c’est-à-dire : analyser, interpréter et formuler. Analyser les données rassemblées, les interpréter en leur donnant une forme, puis les mettre en ordre pour leur donner un sens. Je vous montrerai plus bas comment vous y prendre, comment parvenir au mieux à la mise en place d’un bon processus de création et être capable de coordonner les éléments à votre disposition, de façon à proposer une solution visuelle qui remportera l’unanimité.     ¶ Une fois cela mis en place, vous pourrez renforcer votre proposition par des moyens appropriés, pour être lisible tout en suscitant l’intérêt — autrement dit c’est là qu’il faudra faire un usage intelligent de votre style


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Étapes d’un projet graphique Le processus de création peut être personnel, on le développe avec la pratique et il varie selon le type de projet traité. Si, pour proposer une solution à votre client, vous commencez par partir trois semaines en vacances avec l’acompte qu’il vous a versé, puis à votre retour, vous lui proposez un spectacle de marionnettes au lieu du livre qu’il vous avait demandé, vous faites preuve d’un processus de création très très personnel. Ce que nous allons voir ensemble ci-après est extrêmement complet. Ce sont des standards indispensables à connaître, qui font preuve d’assez de souplesse pour que vous puissiez les adapter à votre pratique. Plus vous vous familiariserez avec le processus de création, plus vous serez rapide et meilleur à gérer chaque étape du projet sur lequel vous travaillez.     ¶ Si cette semaine, pendant que vous appliquerez le processus que je vous recommande, apparaissent d’autres difficultés — qui, à mon plus grand étonnement, ne seraient pas déjà listées ci-dessous — vous pourrez les ajouter vous-même à la suite de ceux que je vous donne déjà.     ¶ Ces listes, je les évoquerai en tant que check-list puisqu’elles correspondent à un nombre de points à vérifier. Ces check-lists viendront encadrer votre projet en se plaçant au début et à la fin. La première correspond au brainstorming, c’est-à-dire une série de questions à vous poser et de réponses spontanées à lancer avant de commencer un projet pour ouvrir le maximum de pistes, puis dans un deu-


SEMAINE 2

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xième temps qui va vous permettre de déterminer un angle d’approche du projet. La dernière est une check-list à mettre en place une fois le projet réalisé. Elle vérifiera que rien n’a été oublié et que les intentions sont respectées.     ¶ Avant de vous donner les deux principales, jetez un regard circulaire sur d’autres check-lists possibles. Je les évoque rapidement ici mais il ne tient qu’à vous de les développer plus profondément si vous vous rendez compte qu’elles vous sont utiles dans votre pratique. 1. Voyons quelques check lists possibles :

Liste anti-galère ou rouge : à mettre en place avec le client au début du projet pour être sûr qu’il vous donne les documents dont vous aurez besoin, et qu’il accepte vos termes de travail. C’est un pacte organisationnel à établir entre les deux parties. Vous, de votre côté, vous acceptez de ne jamais recevoir immédiatement les photos en bonne définition, ni les textes définitifs — et ceux-ci jamais regroupés dans un seul courriel mais répartis sur une trentaine d’envois, qui s’intituleront successivement : version_définitive, puis dernière_version_définitive, et dernière_version _définitive_corrrection, etc. Vous aurez probablement tout autant d’expéditeurs, huit dans le cas du groupe de musiciens, plus les amis et relations du groupe qui ont vu vos propositions et vous envoient leur opinions. Listez dès le début avec votre client les éléments dont vous aurez besoin, et faites une liste qui autorise — et rémunère — les changements. Cela vous permettra de garder toujours un œil sur ce qui vous reste à obtenir, et surtout de commencer à travailler avec ce que vous avez — au lieu d’utiliser ce prétexte pour ne commencer qu’au tout dernier moment.

Liste de principes ou de fond : à déterminer pour vous-même, afin de définir vos intentions profondes sur chaque projet. Les intentions dont à poser sur papier puis à conserver dans un coin du dossier dédié au projet. Vous irez les consulter pendant la réalisation du projet si vous avez un moment de doute et


46 l’impression d’avoir perdu le fil ; à la fin pour vérifier si vous avez été fidèle à vous-même ou si vous avez viré de bord — ou à ne pas vérifier du tout, après tout si vous n’êtes pas fidèle à vos principes et que vous retournez votre veste sur le chemin, ça n’engage que vous !

Liste d’expériences : s’assurer de ne pas commettre les habi-

tuelles erreurs avec le client ou soi-même, en listant un certain nombre de règles d’or : → Ne pas montrer trop de pistes, ni une qui fait usage de

repoussoir car elle risque d’être celle que le client préfère. → Ne pas accepter trop de projets à la fois. → Ne pas laisser votre verre de bière trop près du clavier de

votre ordinateur portable. 2. Voyons les check lists les plus essentielles :

Check-List Pré-Projet ou Brainstorming : avant de commen-

cer un projet, surtout avant de passer à l’étape d’une première mise en forme, il est important d’exploiter votre potentiel créatif de manière intelligente pour amener des idées et des concepts autour d’un projet. À moins que l’idée gagnante vous saute à l’esprit de nulle part et dévaste toutes les autres comme une boule de bowling — cela s’est déjà vu — sans brainstorming, il est souvent difficile de s’asseoir devant son bureau et de commencer à composer.     ¶ Afin de poursuivre l’exemple du projet de pochette d’album pour le groupe de musique cité plus haut, mettez la démo qu’ils vous ont prêtée dans le lecteur CD, écoutez la musique et laissez-vous inspirer. Le principe d’un brainstorming est de jeter sur le papier toutes vos idées relatives au projet, ne vous préoccupez pas encore de faire le tri — mais il n’est pas besoin non plus de noter maintenant la liste des courses. L’intérêt est de ne surtout pas retenir des idées qui paraîtraient risquées, non réalistes ou même carrément stupides puisque chacune d’elles pourraient être la prémisse d’une de vos meilleures


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réalisations.     ¶ Ces idées pourraient être à propos : des principes de fond et de style, de la mise en forme, de la palette de couleur, de l’iconographie, de la typo, des objectifs du projet et des idées relatives à l’humeur ou le ressenti autour du projet.     ¶ Le brainstorming peut être réalisé seul, face à une feuille de papier, en peignoir sur le tapis au milieu du salon, ou avec n’importe quelle personne que vous pourrez mettre à contribution — dans ce cas, allez enfiler une tenue plus présentable. Cela peut être : d’autres graphistes ou des gens du milieu, vos collègues (du même secteur d’activité ou pas), les membres du groupe ou le manager, si vous jugez qu’il est intéressant de les intégrer dès le début du processus de création, ou alors votre famille ou vos amis. Vous ne savez jamais qui va vous emboîter le pas dans l’enchaînement de vos réflexions jusqu’à l’idée finale.     ¶ Concrètement comment faire ce brainstorming ? Tout ce dont vous avez besoin c’est un stylo et un bloc — à la taille de vos idées. Que vous soyez seul ou en groupe, un brainstorming implique : → D’écrire toutes les idées qui vous sautent à l’esprit

— si vous êtes du genre très créatif, il va falloir écrire très vite et faire preuve d’endurance. → De les esquisser ou les gribouiller

— cela dépend de leur fulgurance et de votre excitation. → D’évoquer toutes les pistes relatives à l’objectif principal

du projet — à ne pas perdre de vue non plus. → D’élaborer les concepts les plus prometteurs. → De chercher les liens entre les différentes idées

— c’est souvent par des connections inattendues que naissent les plus belles idées.


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Check List Post-Projet : une fois votre projet mis en place,

il vous faudra une dernière fois vérifier l’ensemble. Survoler du regard ne suffit pas, surtout que cette pochette d’album, vous y avez passé tellement d’heures de travail que vous ne voyez plus rien. Généralement vous avez envie de vous en débarrasser le plus vite possible, c’est pour cela que vous l’envoyez à imprimer sans réelle dernière vérification — et qu’il manquera forcément le nom d’un musicien sur le dos.     ¶ Comme cette check-list est particulière à chaque projet, vous allez la développer avec vos clients, ou pour vous-même. Dans un souci de transparence et d’honnêteté, je vous dévoile sur la page ci-contre la check list post-projet que j’ai mis en place pour cet ouvrage. ¶ Vous voilà rassuré, la pochette d’album pour ce groupe ne vous apparaît plus comme une épreuve insurmontable et vous êtes assuré de mener à bien ce projet, de l’idée à la réalisation. Fort de tous ces conseils, vous êtes tout à fait impatient de commencer votre projet. Vous avez l’idée géniale, toutes les check-lists seront suivies, respectées, validées. Vous avez même commencé la mise en forme de l’une des idées qui vous paraissaient excellentes pendant le brainstorming, mais… Quelque chose cloche, le projet ne tient pas, graphiquement ça ne fonctionne pas ! Vous avez montré vos premières pistes aux membres du groupe et ils n’ont pas adhéré, vous savez que ce ne sont pas vos idées qui sont mauvaises — et vous avez raison — c’est votre réalisation qui pèche. Je vais vous indiquer comment remédier à ce problème et permettre à vos productions d’être à la hauteur de vos idées.


Check List Post Projet de cet ouvrage.

Style de texte : Gros titre : Trade Gothic Bold, cap. 32 pt Titre (introduction, conclusion, etc.) : Trump Medieval bold, 11.5 pt, cap. interlettrage 40 pt Titre de section (semaine 1, semaine 2, etc.) : Trade Gothic Bold, cap. 9.25 pt, cap. interlettrage 40 pt Titre de partie (processus de création, principes de composition etc.) : Trump Medieval bold, 10.25 pt, cap. interlettrage 40 pt Titre de sous-partie (1. éléments, 2. principes, etc.) : Trump Medieval roman, 10.25 pt, cap. interlettrage 40 pt, Titre de paragraphe (➞ Check list post projet, → Liste de principes ) : Trade Gothic Bold, cap. 9.25 pt, cap. ou bdc, interlettrage 40 pt Premier et dernier paragraphe : Trump Medieval roman, 11.5 pt, interlignage 15 pt Paragraphe : Trump Medieval regular, 10.25 pt, interlignage 13,5 pt Citation : Trump Medieval italique, 9 pt, interlignage 11 pt, retrait à gauche 18 pt Vérification orthographique

Vérification orthotypographique Espace fine entre les guillemets et le mot Retirer tous les doubles espaces Espace mot insécable entre les chiffres et les unités Espace mot insécable entre le tiret long et les mots Pas de point à la fin des titres

Cohérence de la mise en forme Vérifier les drapeaux des chapeaux en début de partie Vérifier les flèches ancrées à 1.5 mm sur x Vérifier le décalage sur les flèche fines Pas de veuves, pas d’orphelins

Avant d’imprimer Foliotage Vérifier l’exportation en livret, page double Traits de coupes Faire une dernière vérification complète du document


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SEMAINE 2

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Principes de composition Ce qui vous manque dorénavant c’est un système graphique fort et personnel qui appuie votre propos. Un langage graphique est compliqué à développer, mais je vous aiderai à comprendre en théorie les principes de formes, de contraste, de rythme, etc., et à savoir les mettre en pratique en utilisant des éléments graphiques, typographiques, iconographiques et stylistiques choisis. Cela constituera le fondement de votre langage graphique. C’est par une mise en relation entre des principes graphiques interprétés par l’auteur — vous — et les différents éléments graphiques choisis, que l’on développe un style authentique. Autrement dit c’est par l’acquisition puis l’interprétation des principes fondamentaux du graphisme que l’on fait un usage intelligent des outils et éléments à disposition du graphiste.     ¶ Je vous expose donc ici des principes et éléments, pour que vous puissiez faire votre choix. En fin de semaine, je vous indiquerai aussi des combinaisons déjà testées et approuvées que vous pourrez appliquer dans votre graphisme et dont l’effet est garanti.


52 1. principes : La connaissance des principes élémentaires du graphisme, convenablement énoncés, est un moyen efficace d’aborder les différentes questions liées à la relation entre harmonie, ordre, proportion, nombre, mesure, rythme, symétrie, contraste, couleur, texture et espace.     ¶ Sans nous embarrasser cette fois-ci avec plusieurs écoles, je vous propose ci-dessous une approche simplifiée et efficace qui comprend les principes majeurs : contraste, répétition, alignement et proximité.

Le contraste. Le principe du contraste est d’éviter que

les éléments sur la page soient simplement similaires. Si les éléments (les typos, les couleurs, les formes, les espaces, etc.) ne sont pas les mêmes, alors insistez visiblement sur leurs différences. Le contraste est souvent l’attraction visuelle principale de la page, sans lui vous obtiendrez une composition extrêmement plate — en revanche, si c’est un parti pris qui renforce votre message, affirmez-le. → Comment fait-on ? Définissez un point principal. Ne

commencez pas par les détails inutiles, commencez par l’essentiel. Décidez de ce que vous voulez que les autres voient en premier. Exemple : Si tous les éléments de la pochette d’album sont grands, gras et fluos, alors il n’y a pas de contraste. Vous aviez décidé de marquer un grand coup en mettant le titre du groupe en vert fluorescent dans une typographie composée de pointillés sur fond de voie lactée. C’est intéressant, mais attention que le groupe comme le public ne se perdent pas dans cette image. L’intérêt est que les éléments soient remarquablement différents.

La répétition. Répétez les éléments graphiques dans votre

production. Vous pouvez répéter les couleurs, les formes, les textures, l’espacement, l’épaisseur des lignes, les tailles, etc. Cela permettra de développer, affirmer, et soutenir l’organisation de votre production ; de hiérarchiser les informations et de renforcer l’unité de l’ensemble.


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→ Comment fait-on ? Clarifiez l’ensemble. Utilisez une typo-

graphie en gras, un élément graphique ou un pictogramme toujours au même endroit — en début de paragraphe par exemple c’est une bonne idée, en plein milieu c’est une moins bonne idée.

Alignement. Rien ne devrait être placé arbitrairement sur la

page. Chaque élément devrait avoir une connection visuelle avec un autre élément. Cela crée une impression d’ordre et de raffinement. Un contre-exemple : dans un catalogue d’exposition que vous mettez en page pour une institution muséale, les titres suivent un alignement, le texte en suit un autre, les images sont au milieu, les légendes se promènent dans le livre et la pagination se cache à un endroit différent dans chaque double-page. C’est sûrement un parcours visuel extrêmement haletant pour le lecteur pendant les cinq premières pages, mais il risque très vite de s’essouffler et d’abandonner la course. → Comment fait-on ? Organisez les choses. Au fur et à

mesure que vous mettez en place les éléments sur la surface, créez et maintenez de forts alignements. Si vous voyez une limite claire comme une ligne ou un bord, renforcez là en alignant le texte ou d’autres éléments — le bord de votre bureau ne compte pas, vous êtes le seul à le voir.

Proximité. Les choses relevant les unes des autres devraient

êtres rassemblées. Quand plusieurs éléments sont proches les uns des autres, ils acquièrent une unité visuelle. De cette manière, ils aident à organiser le message et réduisent l’éparpillement. → Comment fait-on ? Soyez logique. Groupez les informations

de manière cohérente, en fonction de l’importance qu’elles ont puis décidez des relations entre ces groupes. Mettez en évidence ces relations par la distance ou la proximité entre les éléments. Par exemple dans une couverture de livre, ne mettez pas sur la même ligne l’auteur et le prix du livre — cela pourrait prêter à confusion.


54 2. éléments : Savez-Vous quels éléments sont à votre disposition pour mettre en pratique ces principes ? Connaissez-vous vos outils ? Je vais évoquer maintenant les éléments majeurs du graphisme, le texte (la typographie), l’image, les symboles, et quelques autres éléments graphiques pour que vous ayez une vue d’ensemble de ce qui compose la boîte à outils du graphiste.

Le texte. Lorsque vous travaillez avec le texte, vous vous

préoccupez légitimement de sa lisibilité. Mais il est fréquent que vous vous en préoccupiez trop, au détriment du style, de l’originalité et de l’efficacité du document réalisé. En disposant soigneusement les zones de texte, l’espacement la taille et la couleur, vous pouvez donner à une page imprimée une qualité qui renforce le contenu. C’est un matériau que l’on peut utiliser aussi comme un élément graphique et avec les principes suivants : concordance, conflit et contraste. → Une concordance évidente apparaît lorsque vous n’utilisez

qu’une seule famille de caractères, sans faire de variations effectives de style, corps, graisse, etc. Il est aisé de garder la page harmonieuse et la disposition tend à apparaître calme et posée ou un peu formelle — ou même carrément monotone. → Une relation conflictuelle émerge quand vous associez des

typos différentes mais qui sont similaires au niveau du style, corps, graisse. Les similarités sont perturbantes parce que l’attraction visuelle qu’elles provoquent n’est pas la même (pas de concordance) mais elles ne sont pas non plus différentes (pas de contraste), elles sont alors conflictuelles. → Un contraste naît quand vous combinez des typos différentes

et des éléments graphiques qui sont manifestement distincts les uns des autres. Le graphisme séduisant et attractif, celui qui capte votre attention, est habituellement celui qui possède du contraste.


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L’image. Si on en revient à l’aspect pratique (comme la lisi-

bilité pour le texte) une création composée d’images conventionnelles pourra toujours avoir une certaine efficacité, mais celle-ci sera fortement atténuée quand elle se retrouvera dans le monde concurrentiel des images aujourd’hui — un tube de dentifrice qui étale la pâte sur une brosse à dents ne relève pas du remarquable, même si les photographies sont extrêmement bien réalisées. Pour que votre travail trouve toute sa place et s’impose, vous devez éviter les images banales et les banalités de mise en forme de ces images, en proposant une interprétation qui sort de l’ordinaire — une pâte à dentifrice qui étale une brosse à dent sur un tube de dentifrice, est, par exemple, beaucoup moins courant. Vous y parviendrez par la simplification, l’abstraction et la symbolisation. Si le résultat reste ambigu, vous pouvez le compléter par une image plus identifiable — une jeune femme qui sourit de toutes ses dents en étalant une brosse à dent sur un tube de dentifrice.

Le symbole : attention ! ce n’est pas nécessairement un

pictogramme. Un symbole peut être : une forme abstraite, une figure géométrique, une photographie, une illustration, une lettre de l’alphabet ou un chiffre. Ainsi une main qui pointe dans une direction, un smiley, le signe de la paix, une boussole et la statue de la liberté sont des symboles. La force du symbole est qu’il est une image universellement compréhensible qui traduit sous forme concrète des idées abstraites. Par exemple le lion symbole du courage, la croix symbole de la chrétienté. Le symbole est un langage commun entre vous et le public.

La couleur : la couleur possède une dimension de plus que les éléments graphiques de base. L’utiliser intelligemment demande plus que « mettre le titre en bleu », ou se dire que la page pourrait être « un peu plus gaie ». Bien sûr la couleur participe à la qualité des images, elle est séduisante pour les yeux, mais cela ne suffit pas. La couleur peut être plus forte que le langage car elle parle directement aux sentiments. Dans


56 votre travail ne choisissez pas des couleurs juste parce qu’elles sont jolies, choisissez-les pour ce qu’elles évoquent — ce qui explique que la rubrique nécrologique du journal en rose fuchsia ne remporte pas l’unanimité. Les couleurs affectent l’interprétation des gens sur ce que vous leur montrez, ils peuvent être rouge de honte ou de colère, vert de jalousie, rire jaune, rosir de plaisir ou être pâle comme la mort.

Quelques autres éléments graphiques : → L’encadré : il simplifie la lecture et clarifie les informations

car il permet d’isoler un ou plusieurs élément par rapport aux autres. Dans un magazine par exemple, un encadré isole une courte partie de l’article ou propose un résumé qui rassemble les dates clefs. Il appâte le lecteur dans le dessein de l’amener à lire l’article en entier, ou lui permet d’avoir une idée du sujet évoqué — puisque la plupart des gens sont attirés par tout ce qui à l’air rapide et facile. L’encadré n’est pas obligatoirement un filet de forme rectangulaire, il peut être rond, triangulaire, avoir des fioritures qui débordent de tous les côtés et être soutenu par deux angelots — tout dépend du sens que vous voulez donner aux éléments encadrés. → Le « signal » : c’est un repère pour le regardeur, il lui

rappelle où il se situe. Un « signal » peut être un logo, un pictogramme, une forme de pagination, une indication de direction, etc. Dans une édition par exemple, le signal est le titre courant, il se retrouve en tête de chacune des pages de l’ouvrage et indique la partie dans laquelle on se trouve pour faciliter la consultation ou les recherches.


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3. Les astuces visuelles : Ce peut être une peu frustrant quand on débute de ne pas parvenir à produire d’effets intéressants, de rester au début assez plat et direct. Un usage intelligent des principes et des éléments graphiques vous permettra de développer vos propres effets, cependant, pour vous emboîter le pas — et m’assurer que vous partez dans la bonne direction — je vais vous fournir quelques conseils et astuces qui fonctionnent, afin de vous motiver à trouver des effets vous-même : → L’espace ! N’ayez pas peur de laisser des espaces vides, c’est

un repos pour les yeux et l’esprit — en plus les grandes marges dans les éditions par exemple, c’est très chic. → Le déséquilibre ! Soyez asymétriques, décentrez, c’est

inattendu et ça capte mieux l’attention, à la différence de la symétrie bilatérale qui propose au public un énoncé trop simple et évident. Le plaisir né de l’observation d’arrangements asymétriques, repose en partie sur le fait de surmonter les résistances — dont consciemment ou non, le spectateur est nourri. Il peut ainsi provoquer une certaine satisfaction esthétique → Le ton ! N’hésitez pas à être très large ou tout petit, n’hé-

sitez pas à crier ou à (chuchoter). Les deux peuvent êtres efficaces lorsqu’ils sont placés au bon moment. → L’audace ! Affirmez-vous, faites une mise en forme criarde

ou au contraire très minimale, tant que le résultat renforce votre graphisme ou votre message. → La répétition ! elle crée une texture, un mouvement, un

rythme. Il se forme tout à coup une équivalence de temps et d’espace. Il n’y a pas que le motif comme traduction visuelle de la répétition, on peut aussi répéter la couleur, la direction, la densité, les dimensions, etc. La répétition est un moyen efficace de parvenir à l’unité. → Le truc de Paul Rand, la lettre isolée ! C’est un moyen d’expres-

sion visuelle que d’autres types d’images ne peuvent tout à


58 fait reproduire. Les lettres servant de logos, de labels ou de monogrammes sur papiers à en-tête, étiquettes, maillots de sport ou mêmes mouchoirs, possèdent une qualité magique. Elles ne servent pas seulement de signe de prestige, elles ont une vertu de brièveté.

Vous avez très probablement envie d’autres exemples, trucs, idées et recettes, et bien regardez autour de vous, ils sont partout ! Il faut que vous développiez votre capacité à les reconnaître et à les réutiliser dans vos productions. J’espère vraiment avoir accru votre conscience visuelle en vous exposant tous ces éléments. J’ai hésité à vous donner en plus un catalogue de solutions graphique avec les éléments graphiques évoqués plus haut, mais je ne crois pas que cela vous soit d’une grande aide. Il est toujours préférable de donner le matériel de pêche plutôt que le poisson lui-même.




SEMAINE 3 ➞ Votre réussite dans le milieu créatif



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Les « trucs » dévoilés la semaine dernière sont quelques portes ouvertes dans votre ascension vers la réussite, mais il va falloir que vous arriviez à produire des effets vous-même. Ces effets vous permettront de mettre l’accent sur votre message. Les recettes pour créer de tels effets, vous les trouverez en utilisant votre créativité. Je vais vous aider en vous donnant les clefs de cette créativité.     ¶ L’importance d’être créatif n’est pas exclusive au métier de la création, la créativité n’est pas spécifique aux artistes et aux créatifs. Pour résoudre une énigme, il faut provoquer la créativité. Elle est par exemple nécessaire au médecin qui cherche le bon diagnostique et doit remonter des symptômes aux causes de la maladie, au businessman qui doit trouver le bon argument qui lui permettra de conclure sa vente, aux parents qui veulent que leurs enfants voient le monde de plus d’une manière, à l’enfant que doit expliquer à ses parents où est passée sa méthode Assimil de mandarin.     ¶ Pour réussir à atteindre ses objectifs, il faut faire preuve de créativité. Nous cherchons tous le moyen de réussir ce que nous entreprenons, réussir à des niveaux que nous nous fixons nous-même. La réussite peut être personnelle, sociale, professionnelle… Concentrons-nous sur votre réussite professionnelle.



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votre réussite professionnelle J’ai fait pour vous quelques études à ce sujet.Pour vous épargner un travail de recherche et de tri — et vous faire gagner un temps précieux, j’ai déjà demandé à Google : « comment réussir » ? Cela m’a donné accès à de nombreux liens vers des recettes pour réussir, des plans d’actions en dix étapes, sept, cinq, trois, qui dit mieux ?! Ainsi Theodora Bank nous garantit : « Les huit clefs du succès », Marie Wright nous indique « Quels sont les ingrédients secrets du succès dans la vie », Anthony Maccolumn nous donne « Les outils du succès nécessaires pour vous garder sur la bonne voie », Micheal Grey nous révèle « Les seize qualités de bases que possèdent toutes les personnalités à succès » et Martha Sutherland nous instruit des « Cinq habitudes à prendre pour avoir ce que vous voulez ». Meredith Whitney nous épargne une liste longue et laborieuse et nous prodigue le conseil qui l’a le plus aidée à réussir dans sa vie professionnelle : « Set realistic goals » (Posez-vous des objectifs réalistes).       ¶ Avec tous ces conseils, j’ai établi une liste qui résume toutes ces listes, en utilisant le procédé évoqué plus haut pour les listes d’étapes pour devenir graphiste trouvées sur Internet, c’est-à-dire par synthèse des mots-clefs et ordre d’apparition. Cette liste vous permet de vous rendre compte rapidement de ce qui vous est proposé pour réussir si vous passez par un autre biais que cette méthode.


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réussir selon google : → 1 Persévérance 2 Passion 3 Confiance 4 Détermination 5 Organisation 6 Concentration 7 Réaction 8 Ouverture d’esprit 9 Engagement 10 Intégrité 11 Vision 12 Créativité

¶ C’est tout de même un scandale que la créativité n’arrive qu’en dernière position ! La créativité est indispensable pour réussir, et encore plus particulièrement pour nous dans le milieu du graphisme. Cette liste est longue et peu réaliste, dans l’ensemble ces charlatans répètent les mêmes généralités. Que de temps et d’énergie avez-vous gagné à ne pas aller chercher la réponse dans une autre méthode ! Je vous propose donc ici de réussir en seulement cinq étapes, simples et efficaces :

réussir, la vraie méthode : → 1 créativité — Je vais vous dévoiler les différentes sources de la créativité et comment aller s’y abreuver. 2 travail et persévérance — Un travail régulier est la clef de la réussite. 3 relations — Trouvez votre mentor, utilisez vos amis, faites marcher vos contacts. 4 sens du commerce — Le graphisme, c’est votre fond de commerce. 5 intégrité — Un savant mélange entre style et fonction.


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Les sources de la créativité Les sources de la créativité sont nombreuses, mystérieuses, et particulières à chaque créateur. D’où vient cet élan créatif ? d’une nécessité intérieure ? extérieure ? Les deux mon général ! Voyons ensemble quelques sources auxquelles vous pourrez aller vous abreuver. source n°1 : l’observation C’est avec une certaine prudence que l’on se doit d’aborder la question de l’inspiration. Les idées peuvent surgir de partout, à tout moment, en tout lieu. J’ai le sentiment parfois qu’elles ont pour la plupart une origine assez prosaïque, parfois inattendue, des fois même douteuses…      ¶ Le vrai graphiste est un collectionneur d’images, réelles ou imaginaires. Il les accumule avec enthousiasme et la montagne de cagettes à la fin du marché suscitent la même curiosité chez lui que la visite d’un musée. Pourquoi préfère-t-il certaines images à d’autres? C’est un mystère, mais le graphiste est un animal icônovore. Alors maintenant, à table !      ¶ L’étendue des ressources visuelles que vous pouvez accumuler n’a pas de limite, votre curiosité ne doit pas en avoir non plus. Ces ressources seront très différentes, mais vous êtes le lien entre toutes. — La raison pour laquelle vous aimez autant feuilleter le magazine people qui traîne par hasard dans les toilettes ou regarder le DVD de l’Abécédaire de Deleuze mis en évidence sur votre table basse est votre problème, vous n’avez pas à vous justifier.      ¶ Vous êtes en permanence


68 mu par votre plaisir de la découverte, par votre instinct de chasseur d’images. Prenez conscience de ce qui éveille votre curiosité visuelle car ce dont vous serez capable une fois cette armure de références et ces solutions visuelles amassées, c’est d’affronter l’afflux de problèmes d’ordre pratique ou autres qui vont se poser quotidiennement dans l’exercice de vos fonctions de super-graphiste.       ¶ Ne croyez pas que vous êtes le seul à réutiliser — mine de rien — les grilles de quelques figures du graphisme pour y plaquer le programme de la salle communale de votre village… Gardez en tête que les graphistes, même professionnels, sont toujours en train de grappiller des idées ; ils regardent constamment autour d’eux pour trouver l’inspiration. N’ayez pas peur de les réemployer vous aussi, car les choses changent quand on se les approprie, elles deviennent personnelles. Vous volerez ainsi très vite de vos propres ailes.      ¶ Voyons ce que dit Paul Arden à ce propos. Paul, — en plus d’être l’homonyme du théoricien de l’art français, mais avec un seul « n » et pas de « e » final — à écrit quelques manuels sur la réussite professionnelle, dont Whatever you think, think the opposite, parut chez Penguin Books en 2006. Il a donc tout à fait sa place parmi nous dans cet ouvrage. « Volez. Volez tout ce qui résonne avec votre inspiration ou alimente votre imagination. Dévorez films, musiques, livres, peintures, poèmes, photographies, conversations, rêves, arbres, architectures, panneaux, nuages, lumières et ombres. Ne volez que les choses qui parlent directement à votre âme (de créateur). Si vous faites cela, votre travail et votre vol deviendront authentiques. L’authenticité est inestimable. L’originalité est non existante. Ne vous donnez pas la peine de dissimuler votre larcin ; célébrez-le si vous en avez envie. Gardez en mémoire ce que Jean - Luc Godard disait : « Ce qui compte ce n’est pas d’où viennent les choses ; mais vers où on les emmène »


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¶ Maintenant vous vous demandez comment faire, en pratique, pour collecter et conserver toutes les découvertes que vous faites ? C’est très facile, suivez ces conseils et vous augmenterez votre créativité tout en gardant trace des choses que vous observez : → Ouvrez les yeux. Faites un dossier, un classeur ou une boîte,

avec les choses qui vous plaisent ou qui vous interpellent et que vous ramassez autour de vous : tracts, brochures, tickets de caisse, emballages, etc. Faites une photo d’un arrangement ou d’un rapprochement d’objets qui vous séduit par son aspect graphique, ses répétitions, sa diversité — faites donc une photo de ce tas de cagettes à la fin du marché ! Collectionnez les images, toutes les images ! n’importe quoi qui déclenche une réaction en vous ! Tous les grands graphistes ont un dossier de ce genre qu’ils utilisent pour trouver de l’inspiration et des idées, alors vous aussi. Avant de commencer un projet, passer ce dossier en revue, cela vous aidera à savoir quelles sont vos envies pour ce projet. → Ouvrez la bouche — et dites trente-trois. Quand quelque

chose vous plait, passez un moment à formuler pourquoi cela vous intéresse. Déterminez les principes de création qui vous plaisent dans cet arrangement. Notez l’effet ou la technique utilisés, surtout quand ils sont risqués ou inattendus. → Utilisez vos mains. Lorsque vous rencontrez un objet gra-

phique raté — ce qui va vous arriver de plus en plus souvent au fur et à mesure que vous augmenterez votre sensibilité visuelle — griffonnez une amélioration, tentez de réorganisez la page. Quand vous posez votre crayon sur le papier, les idées surviennent beaucoup plus facilement que lorsque vous réfléchissez les bras croisés.


70 source n°2 : le jeu Il est commun d’entendre qu’il n’y a rien de fondamentalement intéressant, il n’y a que des gens qui s’intéressent. Cependant le travail de celui qui enseigne — donc le mien dans le cadre de cet ouvrage — est d’attiser au mieux votre curiosité, de capter votre attention pour faire éclore vos facultés créatives. Le but est de vous rendre capable d’inventer votre propre règle du jeu.  ¶ Un problème aux limites bien définies, accompagné de règles strictes, réveille votre instinct de créateur et de joueur, il est plus propice à vous stimuler et à vous faire trouver des solutions surprenantes et novatrices. Nous allons envisager le jeu non seulement de manière amusante mais aussi suffisamment encadré pour que le résultat soit à la hauteur de l’auteur. Car si on laisse trop d’importance à la liberté et à l’expression individuelle dans l’énoncé d’un problème, on court le risque de rendre le joueur indifférent et le résultat insignifiant.      ¶ En exclusivité, je vous dévoile ici un exercice qui a fait ses preuves ! J. Müller-Brockmann, éminente figure du graphisme et de l’enseignement de celui-ci, le donnait à ses étudiants de première année. Je l’ai réadapté en jeu de société — pour ajouter une dimension plus divertissante et respecter l’aspect ludique de ma pédagogie — et je vous l’expose en avant première sur la page ci-contre.      ¶ Le jeu est une source de créativité incroyable et quasi inépuisable. Les facteurs psychologiques et intellectuels mise en oeuvre dans le jeu opèrent de manière implicite dans la résolution de problèmes : vous êtes motivé par la compétition et le défi, le jeu requiert vos compétences plus une certaine improvisation de votre part, mais surtout, le jeu procure joie et excitation, la récompense ultime étant de pouvoir dire bien fort que l’on a gagné ! Il suffit de vous dire que les règles du graphisme sont comme les conditions d’un jeu que vous devez comprendre et assimiler pour pouvoir participer.


L’exercice de Joseph Müller-Brockmann

→ 1 Huit surfaces en forme de cercle doivent être trouvées dans des grandeurs différentes, mais ayant une proportion réciproque entre elles. Ces proportions doivent répondre à un principe logique et satisfaire l’esthétique. À choisir dans la palette de cercles de tailles et de couleurs différentes proposée dans la boîte de jeu. → 2 Ces huit cercles sont posés chacun sur une surface carrée. Les huit surfaces carrées ainsi obtenues sont disposées sur la feuille de dessin de telle façon que les espaces, les carrés et les marges constituent également une proportion bien définie. Les combinaisons sont infinies, cependant j’ai déterminé les combinaisons les plus intéressantes et qui rapportent le plus de points (voir étape suivante). → 3 Avec les huit cercles, il convient de créer une composition. Cette composition ne doit pas choquer la logique, c’est-à-dire quelle devra se conformer à la forme et à l’esthétique. Les distances qui séparent les cercle seront conformes à des proportions définies. Pour parvenir à une composition conforme à la logique, à la forme, à l’esthétique et aux proportions, il faut parfois passer par des stratégies moins orthodoxes. Règle du jeu : – étendez la feuille de dessin au sol – tracez à une distance de deux mètres de la feuille une limite à ne pas dépasser – placez vous sur cette limite – tenez dans vos mains huit cercles que vous aurez choisis, et, lancez-les comme des frisbees en direction de la feuille de dessin. Une fois les huit cercles lancés, allez constater votre composition puis référez-vous à la feuille des scores. Partie optionnelle du jeu : → 4 La composition avec les huit cercles est assujettie à une projection de plan. Parmi les huit corps à trois dimensions, il convient de définir la forme et la grandeur. Chaque dimension doit donner une mesure logique de proportion. Avec cette composition, passez au volume, ajoutez une dimension à votre composition. → 5 La composition des trois dimensions est exécutée dans une matière que l’élève choisira lui-même si possible (bois, métal, matière plastique, etc.) OU : pâte à modeler, mie de pain — à ne modeler qu’avec les dents — carton de récupérations, déchets de table : miettes de pain, petit pois, etc.



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source n°3 : transversalité Pour que votre quotidien de créateur devienne un jeu, lorsque vous êtes face à un problème et que vous ne savez plus comment le prendre, attaquez par un autre angle, passez par une voie complètement inattendue. ¶ Pour cela il existe des cartes de créativité transversale. Lorsque vous êtes face à un mur, piochez l’une de ces cartes, elles vous font prendre un virage à quarante cinq degré en vous posant par exemple une question loufoque ou en vous indiquant des façons originales de réagir au problème et de passer par des chemins de traverses pour parvenir à votre but. En plus c’est amusant ! Je vous dévoile dans cet ouvrage également quelques exemples. → Utilisez une couleur inacceptable. → Plus grand, plus grand, plus grand. → Qu’aurait fait votre bisaïeul ? → Si tout ça n’était qu’une fiction, qui serait le héros ? → Ne vous accrochez pas. → Évitez les couchers de soleil.

¶ Une pratique très régulière du graphisme va vous permettre de maîtriser cette créativité désormais débordante. Il faut faire l’effort de retrouver dans le travail cette prise de risque et d’inventivité présente dans le jeu, il faut retrouver ce même élan créatif dans la pratique quotidienne et professionnelle du graphisme. Je m’explique en prenant comme métaphore le jeu sportif : lorsque vous faites des échanges de balles au tennis avant le match, vous êtes généralement plus téméraire car sans craindre de perdre le point vous osez beaucoup de coups et vous êtes même capable d’une certaine virtuosité. Quand le match commence, soudain vous devenez plus peureux, vous vous mettez à renvoyer des balles molles de peur de faire une faute. C’est là généralement que l’adversaire — qui n’a pas peur de perdre et a l’esprit de compétition — prend l’avantage.


74 ¶ Ce que j’essaie de dire ici, c’est qu’il faut rester spontané même quand l’enjeu est important. Cette confiance en vous qui vous permet de prendre des risques et faire preuve de créativité même sous pression, vous ne la trouverez qu’avec une pratique régulière. Il faut prendre les choses avec distance et faire en sorte de s’amuser à chaque fois ! Le cahier des charges de trois cent dix-sept pages que l’on vient de vous remettre pour faire l’identité graphique de cette compagnie de construction en placoplâtre est comme un manuel de jeu, en plus épais. À vous de jouer !


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Cercle, relations, collègues Il vous faudra aussi faire preuve d’altruisme, car les autres sont une composante majeure de votre réussite. Ils vous sont utiles pour le regard extérieur qu’ils portent sur votre travail. Il va vous falloir une certaine dose de masochisme pour rechercher la critique, mais une critique utile et constructive, qui va vous permettre de vous rendre compte de l’avancée extraordinaire que vous avez effectuée en si peu de temps. Pour cela, choisissez bien vos interlocuteurs. Certains seront du milieu du graphisme, leurs remarques sont légitimes car elles sont fondées sur leur expérience. S’ils pratiquent vraiment le graphisme, ils pourront s’approprier votre travail et dire ce qu’ils auraient fait à votre place. Cette nouvelle vision sur votre production est enrichissante. Mais attention ! Parfois la rivalité entre en jeu, ils peuvent chercher à vous nuire en dénigrant votre travail, à vous expliquer qu’ils sont plus fort que vous. Ne les écoutez pas, ayez confiance en vous, affirmez-vous.      ¶ Vous pouvez, si cela vous chante, montrer votre travail à des novices complets. Leur réaction peut être intéressante étant donné qu’elle est très spontanée et basée sur leur ressenti plus que sur leur intellect — tout le monde n’est pas capable d’analyser les moyens mis en œuvre dans une image, mais la plupart ressentent bien quelque chose en la voyant et sont capable de vous en faire part. Leur avis vous importe car le plus souvent votre travail


76 s’adresse à eux, ils représentent le plus grand nombre et à moins que vous ne vouliez faire du graphisme exclusivement pour initiés, vous devez aussi vous mettre au niveau du public afin de pouvoir le toucher — et par la même occasion toucher plus d’argent.      ¶ Ceux à qui vous ne demanderez pas d’avoir une opinion sur votre travail ce sont les amateurs, ils sont comme vous étiez au début, mais vous les avez dépassés depuis longtemps par la lecture de cet ouvrage. Ils sont jaloux de votre avancée et croient généralement tout savoir mieux que vous. Toisez-les !      ¶ Revenons à ceux qui font partie de votre milieu. Ce sont soit des anciens camarades de classe — si vous vous êtes embarrassé à passer par une autre formation — soit des connaissances faites sur le chemin, lors de conférences sur le graphisme, de rassemblement de professionnels, d’expositions, de vernissages, et de dîners chez le maire. Ce sont aussi les graphistes connus et expérimentés chez qui vous serez allé faire des stages, vos collègues chez vos futurs employeurs, ou encore les associés du studio que vous êtes déjà en train de monter. Tous font partie de votre réseau. Je vous recommande vivement de faire partie d’une association de professionnels ou de la fonder vous-même, ce qui vous permettra d’en prendre la présidence plus rapidement.


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pour construire une association de professionnels à visée internationale — voyez grand tout de suite : (toute ressemblance avec une association ou Alliance Internationale de professionnels du Graphisme déjà existantes ou ayant existées ne saurait être que fortuite) → Réunissez-vous en association avec d’autres professionnels

et organisez des conférences, produisez ensemble des articles et des livres sur la profession, cela accélérera votre reconnaissance dans le milieu et donc votre réussite. → Certaines organisations travaillent et militent pour l’amé-

lioration et la reconnaissance du graphisme et du statut de graphiste, jugez si vous voulez faire de même, si vous le faites vous serez soutenu par d’autant plus de membres de la profession. → En faisant partie d’un organisation de professionnels, vous

ferez partie de l’élite. Les membres avec lesquels vous vous associerez auront déjà réalisé des commandes pour les plus grandes institutions et d’innombrables autres projets visibles dans le monde entier. Cet éclat resplendira sur vous aussi. Vous apporterez aux uns et aux autres conseils, amitié, respect et apprécierez la compagnie de gens comme vous. Vous pourrez même parfois vous rassurer entre vous face aux sceptiques qui composent la plupart du reste du monde. → Les idées et les expériences seront échangées pendant les

meetings que vous organiserez, ou par mails ou courriers que vous ne vous enverrez qu’entre vous. → Il faudra aussi organiser des congrès pour évoquer des ques-

tions plus terre-à-terre et néanmoins essentielles — ne nous voilons pas la face — de business et d’agenda social. → Votre réseau aura des visées plus internes de création d’une

plate-forme d’échange pour professionnels — échange de bons clients, de projets intéressants, etc. — et des desseins plus nobles et tournés vers le monde extérieur d’éducation


78 du plus grand nombre à la compréhension des images. À vous de voir si vous préférez aller dans les écoles, voir les élus ou faire de la pédagogie auprès des clients ou des mécènes. → Pour être membre de votre association de professionnels,

vous demanderez aux candidats de venir avec une réputation déjà établie dans le milieu, d’être reconnu pour leur efficacité et d’être déjà engagé dans cette démarche d’éducation au graphisme. ¶ En suivant les mesures énoncées vous pouvez être assuré du succès de votre association, un succès qui équivaudra à celui de l’Alliance Graphique Internationale (AGI) par exemple. En revanche ne prenez pas la peine de lire leur manifeste et leurs intentions visibles sur le site Internet, vous seriez déçu par la prétention d’un club élitiste et hypocrite — Afin de triompher plus rapidement, soyez pire.       ¶ Plus modestement et parce qu’il faut bien commencer, vous pouvez vous inscrire à une communauté de graphistes en ligne. Vous mettrez votre portfolio sur le site et vous recevrez les commentaires des autres membres. Pour juger de la valeur de ces commentaires, allez voir sur leur page personnelle si leur travail correspond à votre vision du graphisme.       ¶ Les autres autres dont il est intéressant de connaître l’opinion et avec qui il est enrichissant de travailler, ne sont pas graphistes mais ont une sensibilité artistique. Vous les rencontrerez lors de l’élaboration de certain de vos projets, ce sont les différents acteurs de la chaîne de création et de production d’un objet graphique. Lorsque que vous faites la signalétique d’un musée, vous travaillez avec les commissaires d’exposition, les conservateurs du musée, les architectes, les éclairagistes, etc. Lorsque vous faites un livre, vous travaillez avec les rédacteurs, les photographes, [si c’est une commande] avec l’éditeur, etc.


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¶ Avant que vous ne vous rendiez à l’une de ces réunions, prenez conscience des avantages majeurs du travail d’équipe et de ce que vous pourrez en tirer : → La mise en commun des expériences. → Des suggestions mutuelles que la discussion permet de dé-

gager et qui élargissent l’horizon de chacun. → La mise en commun de la recherche, qui augmente le

nombre de suggestions et dégage plus rapidement une solution valable. → La mise en commun des savoirs. La diversité ainsi obtenue,

si elle est vraiment de bonne volonté, correspond à l’exigence actuelle d’aborder des thèmes dans leur pluralité et leur globalité. ¶ Toutefois l’efficacité d’un travail d’équipe exige des collaborateurs doués pour une pensée, une conception et une création responsable. Choisissez-les bien ou imposez vous pendant ces séances de mise en commun. Après tout, vous n’êtes pas n’importe qui, vous en savez maintenant beaucoup, qu’ils vous laissent faire votre métier !


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Travail, persévérance, détermination L’erreur propre aux artistes, c’est de croire qu’ils trouveront mieux en méditant qu’en essayant. Ce que l’on voulait faire, c’est en faisant qu’on le découvre. Il faut penser avec ses mains. Ce que l’on a accumulé par l’observation re-apparaît lorsque l’on crée. Je citerai à nouveau Aristote pour appuyer mon propos : « Nous sommes ce que nous répétons sans cesse. L’excellence ne naît pas d’une action mais d’une habitude ».

Ainsi, la réussite n’est pas l’affaire d’une œuvre, d’une journée, d’un geste, la réussite c’est tout le chemin qui vous a poussé à faire ce geste, cette œuvre. Ce mouvement que vous créez est la somme de tout ce que vous avez déjà fait, étudié, vécu. Votre réussite, ce sera le résultat de ces trois semaines passées ensemble et le début de votre réussite à commencé par l’acquisition de cet ouvrage.     ¶ Le travail lorsqu’il est régulier vous permet avant tout de développer vos capacités. Il y a plusieurs attitudes par rapport à cet apprentissage : celle qui consiste à mettre en pratique les règles apprises ; celle où l’on apprend en faisant une série d’essais et d’échecs ; ou bien celle qui s’essaye à avancer aléatoirement en refusant les règles.     ¶ Pour réussir, dans cette méthode, je vous propose d’allier les trois attitudes, suivez les règles indiquées plus haut, essayez de voler de vos propres ailes et utilisez les cartes de créativité transversale pour aller dans des directions inconnues. Vous constaterez de ce qui fonctionne


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le mieux pour vous. Cependant je recommande l’alternance des trois attitudes car c’est un excellent moyen de continuer à apprendre sans cesse tout en se diversifiant et en évitant le train-train créatif. Un travail régulier vous garantit :

Développer vos capacités grâce à la maîtrise de vos outils, car ils vous

permettent de modeler la matière devant vous. Cette maîtrise vous fait entrer beaucoup plus rapidement dans un rythme de travail en adéquation avec la fulgurance de vos idées et votre production correspondra aux exigences graphiques que vous avez développées.        ¶ C’est par la pratique régulière que l’on parvient à ne faire qu’un avec ses outils. Si vous savez brandir votre stylo et rapidement schématiser des solutions visuelles, bondir sur votre chaise à roulettes et vous laisser glisser du bureau vers la bibliothèque, de la bibliothèque vers le scanner, et du scanner vers l’imprimante, tout ça avec une véritable maîtrise des directions et même une certaine grâce de la trajectoire, alors vous êtes un graphiste entraîné et compétent.       ¶ C’est la même chose quand vous travaillez avec des logiciels, si vous ne les maîtrisez pas assez, vous allez être impressionné par les effets qu’ils offrent, l’ombre portée et le biseautage par exemple, vous allez en mettre partout sans savoir pourquoi vous faites ça. Les logiciels vous devez les contrôler et les soumettre à votre volonté. C’est par la pratique que vous augmenterez le champs des expériences et votre connaissance des possibilités de vos outils, donc aussi leurs limites et comment les dépasser.      ¶ Attention ! un cercle vicieux a été mis en place par certains développeurs de logiciels, par exemple la suite Adobe creativ : leurs ingénieurs cherchent tellement à anticiper notre façon de travailler, à faire en sorte que les outils nous facilitent la tâche, que cela se retourne contre nous. On devient dépendant de certains logiciels et ils finissent par influencer notre travail. On reconnaît souvent la marque de fabrique des logiciels utilisés dans le travail de quelques graphistes, mais en suivant ma technique vous dépasserez facilement ces écueils.


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La preuve visuelle de vos capacités graphiques. Autrement dit,

vous mettez en place votre portfolio. Ce qu’il y a de merveilleux dans le monde de la création, c’est que l’on vous jugera plus sur votre portfolio que sur vos diplômes. Le diplôme vous permet autre chose, de faire un travail de recherche personnelle et de mise en place en autonomie d’un protocole indépendant. Les diplômes sont une bonne chose, certes, mais le graphisme étant une histoire d’accointances stylistiques — de goût, mais ce mot est interdit dans le milieu. C’est sur la base de vos réalisations que le reste du monde vous estimera en tant que graphiste. Le portfolio est un outil que vous utiliserez pour montrer votre personnalité graphique aux autres, et communiquer les processus mis en place. Car il ne s’agit pas seulement de créer quelque chose qui « en jette », mais de montrer que l’on est apte à analyser un problème posé et à mettre en place une méthode de travail efficace pour le résoudre. Le plus souvent c’est ce qui va intéresser votre recruteur, votre associé ou vos clients. Sauf si tous ne s’intéressent qu’au fait que vous êtes capable de faire des choses qui « en jettent, mais grave ! ». Dans ce cas ne vous préoccupez pas de ce que je viens de dire.      ¶ Un travail régulier est une preuve de persévérance, c’est une grande qualité. Rome ne s’est pas construite en un jour, et l’expérience par définition prend du temps Cependant, si vous respectez cette méthode à la lettre vous réussirez en trois semaines : ce qui est incroyablement plus rapide que la moyenne.


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Sens du commerce Cela ne choquera personne si j’insiste sur le fait qu’il faut savoir se vendre. J’entend par là vendre ses idées, vendre son travail comme étant le plus valable. Oui, le milieu dans lequel vous évoluez n’est pas celui merveilleux des beaux-arts mais celui intraitable, intransigeant, et sans pitié des affaires, où l’on achète et l’on vend ;étant donné que, même si c’est difficile à entendre, ce sont les affaires non pas le graphisme qui sont la raison d’être de toute entreprise commerciale. Mais vous, votre principale motivation c’est l’art. L’art au service des affaires peut-être, mais l’art qui améliore la qualité de vie et qui approfondit la connaissance du monde qui nous entoure.       ¶ La plupart des graphistes disent aujourd’hui que s’ils avaient su vingt ans plus tôt ce qui les attendait, ils se seraient penchés plus tôt sur l’aspect commercial du graphisme. Ainsi ils auraient pu gagner beaucoup de temps — et probablement plus d’argent. Être graphiste c’est aussi employer des gens, fixer des coûts avec les clients, leurs faire des présentations et prendre des risques financiers. Si vous êtes employé quelque part, il est aussi important pour vous de connaître le gestionnaire des comptes et l’acheteur d’espace publicitaire — et de savoir ce qu’ils font — que de faire copain-copain avec le directeur de création.


84 l’aspect commercial de votre profession :

Savoir se vendre et déléguer. Pour réussir dans le milieu du gra-

phisme, il est donc indispensable de savoir communiquer. Sachez transmettre vos idées le mieux possible à vos partenaires, collègues, clients, publics, admirateurs. Pourquoi ? Parce qu’à l’heure d’aujourd’hui, au moment où vous lisez ces pages, des dizaines de milliers de petites idées naissent dans les esprits de grands timides. Ces idées ne verront jamais le jour parce que leurs auteurs sont incapables de les vendre aux autres. Ils sont trop nerveux, trop intimidés ou ils ne possèdent simplement pas les capacités requises pour communiquer leurs idées avec clarté et enthousiasme. L’art de convaincre est une qualité nécessaire car pour porter vos idées dans le monde il y a bien un moment où vous avez besoin de convaincre les autres de leurs valeurs, pour qu’ils vous écoutent, vous aident ou vous suivent. Vous avez pris assez d’assurance depuis le début de la lecture pour pouvoir vous lancer en public. Suivez simplement ces cinq conseils lorsque vous désirez passer une idée à une ou plusieurs personnes : (Encore une fois, toute ressemblance avec une méthode déjà existante ou ayant existée ne saurait être que fortuite.) → 1 L’invention — Rassemblez vos arguments et produisez les preuves de la valeur de votre message. 2 La disposition — Mettez en ordre vos idées. 3 L’élocution — Recherchez des figures permettant d’exposer vos idées de la manière la plus claire possible. 4 L’action — Quand vous vous exprimez, mettez le ton et les gestes. 5 La mémoire — N’oubliez pas une partie de votre argumentaire.


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Savoir fixer des coûts inscrit dans une réalité matérielle avec vos clients.

Tout travail mérite salaire… mais à la mesure de celui-ci. Les moyens à mettre en œuvre dans un projet pour une petite entreprise ou une mairie de village, sont bien différents de ceux d’un projet pour une institution nationale ou une entreprise multinationale. La mise en place du projet et les moyens de diffusion ne sont pas interchangeables d’un domaine à l’autre. Soyez vigilants du message inverse que peut faire passer l’utilisation de moyens inappropriés. → Prenons l’exemple d’une situation où vous devez exiger des

honoraires élevés : vous vous occupez de la communication et de l’identité d’un cabinet d’avocats prestigieux, mais avec le budget ridicule qu’ils ont alloué à la communication visuelle de leur cabinet, vous vous retrouvez à faire la promotion dans la rue avec des flyers distribués sous des parapluies fluos. En effet, cela leur revient beaucoup moins cher en production — et en plus ça correspond à votre soucis tout à fait honorable et légitime de faire un graphisme démocratique, engagé et manifeste — mais ça ne convient pas à ce client. Avertissez votre client de ce risque et demandez à être payé à la mesure du travail que vous allez fournir, et des moyens que vous allez devoir engager. Il saura de quoi vous parlez, il fait exactement la même chose avec ses clients.

Savoir gérer le client et les interlocuteurs commerciaux. L’argent et le business sont des sujets délicats dans le milieu de la création, mais nécessaires à aborder puisque le métier s’inscrit dans une réalité économique. En effet, il arrive souvent que la pleine réalisation de l’activité de graphiste — au demeurant absolument passionnante — soit entravée par les différentes couches de management inhérentes à toute structure bureaucratique. Car à côté des préjugés et de l’ignorance, vous pouvez rencontrer plus ou moins marginalement des comportements peu propices à votre épanouissement graphique et qui ne relèvent pas, me semble-t-il, de la malveillance ou de la stupidité,


86 mais de la faiblesse humaine.     ¶ En effet, à l’intérieur de la chaîne de création, le bon fonctionnement d’un processus graphique peut être contrarié de plusieurs façons : par le directeur de la firme ou de l’institution pour laquelle vous travaillez en ce moment, il est peu perspicace et en matière de graphisme ne comprend ni son rôle ni le vôtre ; par le publicitaire qui à fait appel à vos services, lui, empressé et prudent à la fois, n’a comme souci principal que d’être agréable à son client ; par votre client angoissé dont la décision est soumise à des enquêtes d’opinion contestables et à des recherches pseudo scientifiques alors que les réponses s’imposent. → Pour vous donner un exemple, l’une de mes proches rela-

tions bien placée dans le milieu du graphisme a eu à faire dernièrement au directeur marketing d’un grand journal régional de l’Est de la France. Il s’occupait de la campagne d’auto-promotion du journal. Lors de ses premiers rendezvous, ils discutaient de la base photographique à utiliser dans la campagne, mon ami essayait de faire pencher fortement la balance du côté de l’exploitation du fond photographique du journal et plus précisément des photos d’actualité poignantes — qu’il jugeait légitimement plus à propos. Son souhait à été contrarié, le directeur a rétorqué qu’il avait fait une étude à ce sujet avec le résultat le suivant : pour toucher les hommes il faut mettre des ciels étoilés et pour les femmes il faut mettre du vert. Comme les photographes du journal ne sont pas payés pour faire de telles photos, il fallait plutôt mettre à profit la banque d’images à laquelle s’était abonné le journal — et qu’il s’agissait pour le directeur de rentabiliser. Ceci démontre le point que je soulignais plus haut à propos de l’association de professionnels : le travail de graphiste est un travail d’éducation des autres sur la valeur de votre métier et sur votre valeur propre.


SEMAINE 3 / s e n s d u c o m m e r c e

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Savoir se gérer soi-même face aux autres : Pour prévenir de cer-

taines erreurs que vous pourriez commettre, je vous mets en garde contre l’attitude du graphiste peu sûr de lui qui présente volontairement à son client un grand nombre de propositions. Je vous accorde que la multiplication des idées garantit la pertinence des choix, mais qu’en est-il lorsque ces choix sont purement quantitatifs ? De cette manière vous poussez votre client à endosser le rôle d’arbitre en lui donnant le sentiment d’exercer ses préférences personnelles. Faites savoir que les bonnes idées n’arrivent pas par paquets ! Vous avez la bonne idée et vous réussirez à l’en convaincre en l’initiant à quelques principes du graphisme — énoncés plus haut dans cet ouvrage.

L’opiniâtreté est l’une des meilleures qualités du graphiste — ou l’un de ses pires travers. Elle peut dissimuler un refus de principe du compromis ou être un moyen de camoufler l’insuffisance. Vous n’avez pas à être systématiquement intransigeant, et les directeurs auxquels vous aurez à faire ne seront pas tous hermétiques à la qualité. Certaines entreprises responsables connaissent et apprécient à sa juste valeur la force de communication du graphisme. Le client où le patron bien disposé et compréhensif n’est pas si rare. Et puis un ciel étoilé, c’est joli non ? Et le vert c’est bien aussi, c’est printanier !



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CONCLUSION Vous avez un devoir envers votre client, celui de remplir votre fonction de graphiste et de répondre à sa demande. Cette réponse doit se partager entre style et pragmatisme. Car dorénavant, vous savez distinguer entre effet de mode et réelle innovation, entre obscurité vaseuse et originalité légitime. Vous fournissez un produit non seulement fonctionnel et efficace, mais dont le résultat fait preuve de style, fait appel à l’émotion, est viable, simple, appréciable, ludique tout en respectant l’esthétique. De surcroît, voilà l’aspect supplémentaire qui garantira complètement votre succès : faites un graphisme responsable et respectueux de l’environnement ! — d’où l’importance du vert. Si vous n’êtes pas capable de vous conformer à la totalité des aspects cités plus haut, favorisez surtout l’environnement, c’est un argument imparable — d’ailleurs cet ouvrage à été imprimé sur du papier recyclé avec une encre spéciale biodégradable qui lorsque vous enterrez le livre dans le jardin, il se transforme en un excellent engrais pour les plantes. Mais attendez quand même de l’avoir lu complètement. Créer en fonction des ces valeurs assurera le succès de votre graphisme auprès de votre client et du public.     ¶ Vous avez un dernier devoir moral, envers vous-même : le bon graphisme, qui respecte toutes les conditions que l’on vient de citer, attirera


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plus de public que celui qui ne les respecte pas ou trop partiellement. Mais si le message que transmet votre graphisme est faux, le public s’en rendra compte aussi rapidement qu’il s’est fait piéger et il ne vous écoutera plus. Si vous vous rendez compte que l’on veut faire de vous le messager d’une mauvaise cause, éloignez-vous plutôt que de compromettre les valeurs en lesquelles vous croyez — sauf… si… bien sûr… vous comprenez… il vous faut aussi payer votre loyer… nourrir vos enfants… et votre conjoint(e) qui veut absolument que vous preniez un chien… ça coûte cher à nourrir aussi un animal de compagnie… Ne dérogez jamais à l’éthique mais ayez l’éthique souple.     ¶ Dorénavant ce sont vos choix personnels qui vont primer. Notre chemin passé ensemble touche à sa fin, votre réussite dans le graphisme en est à son début. Le graphiste compétent face au reste du monde c’est vous maintenant. Ne vous servez plus de votre liberté d’expression pour pondre des idées extravagantes et sans fondement, votre ténacité est devenue la manifestation de vos convictions. Vous êtes dès à présent un esprit indépendant guidé par une rigueur artistique intérieure plus que par les influences extérieures. Le bon graphiste doit résister aux exigences du marché, vous savez que le marché à besoin de vous pour ne pas sombrer dans la vulgarité visuelle. Vous savez aussi que vous êtes de plus en plus indispensable à la société. Votre combat a commencé ! Même dans un environnement où vous êtes compris, apprécié et accepté, et dans un contexte où le profit n’est pas la seule motivation, votre graphisme de qualité et intelligent n’est pas un mince exploit. Bravo ! Et bonne chance à vous.     ¶ Gardez en tête qu’il y aura toujours des gens qui seront passés par des écoles prestigieuses, qui


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auront obtenu des diplômes et seront même parfois allés jusqu’à faire de la recherche sur le sujet, alors ne vous attendez pas à ce que votre reconnaissance soit absolument immédiate. Continuez à travailler en suivant mes conseils même si vous avez réussi, que vous êtes maintenant graphiste, c’est aux autres que vous allez devoir le montrer. N’abandonnez pas, vous avez déjà fait le premier pas qui vous légitime dans le milieu en tant que graphiste. En revanche prenez du plaisir en faisant cela, sinon quel intérêt ? Amusez-vous ! N’oubliez pas qu’un graphiste qui s’est formé avec ma méthode est forcement une personne de qualité — recrutez vos amis parmi eux. ¶ De plus, d’ici à ce que vous soyez un graphiste pleinement reconnu de tous, vous aurez probablement commencé à vous intéresser à d’autres choses, c’est comme ça que ça se passe n’est-ce pas ? Dans ce cas pensez à vérifier la liste de mes autres méthodes : Comment devenir…



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P oi n t d ’ i ron i e

Inventé par Alcanter de Brahm, (anagramme et pseudonyme de Marcel Bernhardt, poète, 1868-1942). Décrit par le correcteur J.-P. Collignon comme : « un compromis graphique du point d’interrogation et du point d’exclamation ». Exemple : – Cette méthode n’était pas ennuyeuse du tout – C’est vraiment une très belle œuvre graphique

« Redouter l’ironie, c’est craindre la raison » Sacha Guitry


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