Magazine la salamandre n°2

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LA SALAMANDRE D’Axolotl n°2 Magazine Hybride de Romans - Arts – Tourisme Spécial Fantastique & Fantasmagorie Nouvelles et poèmes : Jean Marie Albert ; Julien Giovannoni ; Damien Lopez. « La croisade des Carpates » Vanessa et Diana Callico. Collectif « il était une fois dans l’œuf » Denys Neumann. Rétrospective de l’exposition « Hantises Habiles » Eleni

Monstres et fantômes japonais Descente dans « l’Enfer de Dante » . Recettes : Et si on mangeait des Organes internes ?

Illustration Denys Neumann denysneumann. blogspot.fr


Illustrations : mariko http://marikoala.blogspot.com


Axolotl Salamander Team - Sally

- Khan

- Maya

- Bogo

Magazine Hybride ? - Bienvenue dans le deuxième numéro de La Salamandre d’Axolotl. Il s’agit d’un nouveau concept de magazine hybride. Ce numéro 2 est un peu spécial parce qu’il possède une thématique : Fantastique et Fantasmagorie. La Salamandre d’Axolotl regroupe trois types d’articles : ceux qui présentent des Nouvellistes, poêtes et des Romanciers ; ceux qui présentent des Artistes de différents domaines ; ceux qui présentent une partie touristique insolite ou inhabituelle d’une ville ou d’un pays ; et enfin, un petit bonus cuisine (Le Grill) pour ne pas laisser à TF1 et à M6 le monopole ! La thématique de ce numéro 2 correspond très bien à l’animal mascotte du magazine : à la base du fantastique, se trouve la mythologie. Or les salamandres d’axolotl figurent dans la mythologie Aztèque : Xolotl Dieu Aztèque de la mort et de la transformation. Bienvenu dans le numéro 2 de La Salamandre d’Axolotl.

Equipe Participant au Magazine Marion Richard Chroniqueuse Littéraire

Giovannoni Julien

mariko

Rédacteur en chef, rédacteur, iconographe.

Illustration, rédactrice, traductions francojaponaises.

julien.gio@gmail.com 0664799612 juliengiovannoni.blogspot.com

sunfl0wer.815@gmail.com marikoala.blogspot.fr

Thriller, Jeunesse, YA, Témoignages, Livres enfants, Science-fiction, Fantastique, Fantasy, Bit-lit, Romance... Visitez son Blog: http://uneenviedelivres. blogspot.fr/

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EDITO . C’est à cause du processus d’adaptation que vous vous retrouvez dans un Salamandre D’Axolotl spécial fantastique !

Sommaire La Bourgne (nouvelle de Jean Marie Albert) – P.6

Tout a commencé il y a quelques temps de cela, la journée ne laissait rien présager de bizarre et pourtant, sur la boite mail apparut le message d’un être étrange. L’homme dont la vision de « La Salamandre » orne la couverture de ce numéro. Un certain Denys Neumann ! Comprenez que devant une telle vision nous ne pûmes refuser de lui consacrer un article….

Denys Neumann - P.11

C’est à ce moment là que tout a basculé, comme si une force mystique étrangère l’avait provoqué, je m’aperçus que la totalité des artistes et sujets que je voulais présenter dans ce numéro était liée à l’univers du fantastique. Lorsque la mascotte de votre magazine est un animal hybride, il serait dramatique que de ne pas savoir s’adapter. Ainsi le destin en fut scellé, ce numéro 2 a pour thème « Fantastique & Fantasmagorie ».

Vert ciel – P.39

Oubliez tout ce que vous teniez pour acquis, jetez aux abymes votre esprit cartésien. Ce numéro sera rempli de créatures mystiques, de monstres et fantômes japonais, de freaks, de petits cauchemars, d’histoires incroyables de survivants et d’apocalypse. Bref nous n’avons pas peur d’avouer que nous avons ouvert une porte des enfers avec ce numéro spécial, dans lequel nous allons justement vous offrir une « véritable descente en Enfer » !

Rétrospective “Hantises Habiles” – P. 57

Et tel que le dit une légende Aztèque, c’est en prenant la forme de l’Axolotl que Xolotl, Dieu de la mort et de la transformation, échappa à l’exil…. Merci à tous les Artistes et Participants de ce numéro de nous avoir permi de réaliser ce sortilège !!!

Les Contes de toujours pour les lecteurs d’aujourd’hui (Le Bisclavret) – P.74

Directeur de la rédaction Giovannoni Julien

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Monstres et fantômes japonais – P.21 Collectif littéraire « Il était une fois dans l’œuf – P.30 Tic Tac – P.38

Descente dans l’Enfer de Dante – P.41 Chronique littéraires de Marion – P.44 Les cinq premiers cercles de l’Enfer – P.48 Vanessa et Diana Callico – P. 51

Les quatre derniers cercles avant Lucifer – P.64 Bientôt les mouches (nouvelle Julien Giovannoni) - P.67 Et si on mangeait des organes internes (Le grill) – P.73


Pour rendre l’édito (bien que pas trop rigide cette fois !) plus sympathique, on a imaginé une petite thématique récurrente « Le J. Jonas Jameson Edito ». J.J.J. est dans les comics Spiderman l’éditeur du journal pour lequel Peter Parker (alias Spiderman) travaille. C’est sûrement le personnage le plus nerveux et le plus exécrable de toute l’histoire des comics. Je pense que le créateur de Spiderman, Mr Stan Lee a dû le créer pour exorciser ses angoisses avec ses éditeurs. Alors je vous propose un petit jeu : si vous le voulez, faites nous parvenir vos remarques, vos commentaires et même des idées d’articles en passant par la voix de J.J.J. Comment faire : c’est très simple, il vous faut remplir les vignettes vierges de parties de Comics situées juste en bas. N’hésitez pas à être imaginatifs et à nous remonter les bretelles. Sinon, à défaut, vous pouvez toujours nous envoyer des photos de Spiderman !!!

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- La Bourgne Nouvelle de Jean Marie Albert

Illustration: Denys Neumann. denysneumann.blogspot.fr

Dans notre vie, tout peut arriver, même le pire... Alors, je ne vous dirai pas où cela se trouve, car si peu malin et non vidé de toute naïveté comme vous êtes, vous seriez capables d'y venir...Lisez, imaginez, mais surtout,... surtout, n'y allez jamais ! Guère loin d'un petit village de la région, se trouve un lieu nommé "La passe ". Et si d'aventure il vous arrive de poser la question de sa situation géographique à un des habitants du canton, vous serez confronté à un regard qui en dira bien plus long que ce que vous pouvez imaginer... Tout d'abord, on vous tournera le dos et vous vous entendrez dire que vous ne savez pas ce que vous faites, que vous êtes complètement fou, et beaucoup plus encore... Ensuite, si vous insistez, c'est une pluie d'injures et de toutes sortes d'élucubrations fumeuses qui vous embrumeront les oreilles au point que vous ne pourrez pas en placer une seule car la menace suspendue d'un coup de bâton vous guettera si vous osez ouvrir la bouche... Non mais !

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Car bête comme vous êtes, il ne vous restera plus qu'à vous échapper "vite fait" avant de vous faire cabosser le menton et le dos... Cependant, la curiosité, peut-être, étant ce qu'elle est, on reviendra vers vous, le regard souriant, empli de naïveté et de fausse gentillesse pour vous tirer les vers du nez afin de savoir pourquoi vous tenez à vous y rendre...La malice des anciens vous fera tout dire ! - ".... Oh misère, mais taisez vous donc, vous ne savez rien de cette passe et vous voulez y mettre les deux pieds ? En une seule fois ? Oh misère... Oh misère...On va encore être maudit pour ce qui va arriver ! Vous ne pouvez pas y aller, c'est impossible ! Ceci vous sera dit sous le signe de la plus haute certitude, avec un acquiescement du menton bien appuyé, ou en levant les yeux au ciel comme s'il allait tomber, encore une fois, sur la tête de tous les vivants. Evidemment, on ne vous épargnera pas quelques histoires bien sombres sur le sujet et vous ne le croirez certainement pas et vous penserez sûrement que ces vieilles personnes n'ont plus toute leur tête. Ainsi, tel Maître Renard, vous serez alléché par le parfum mystérieux et puissant de cette soi-disant supercherie...Et vous n'aurez d'autre désir que de vous rendre à la fameuse passe... C'est à ce moment là que le piège fermera sa première porte sur vous et qu'il ne vous restera qu'a avancer tout droit, là-bas, vers le col boisé millénaire, aussi touffu et mal famé que le dos d'un ours sanguinaire blessé pour une pauvre puce affamée...et ce n'est pas peu dire ! - " Un minuscule bois, prés d'un sympathique petit village, au 21ème siècle, en France profonde...., Mal famé ? Avec des tas d'histoires toutes aussi saugrenues les unes que les autres?... Laissez-moi rire ! Je ne suis pas encore gâteux comme tous les habitants de cette contrée! " Voila ce que vous vous direz et vous choisirez d'y aller et vous n'aurez pas raison du tout, du tout. "La Bourgne" Si on l'a appelé ainsi, plus personne de la région ne se souvient à quelle époque elle est apparue, mais chacun sait pourquoi...et en s'enfuyant, on ne vous livrera jamais la raison précise sous peine d'être emmené à son tour vers le trépas. Et puisque, fous que vous êtes tous, vous avez seul décidé d'y aller, vous l'aurez donc voulu...L'on vous conseillera de partir de bon matin, avec le plus emphatique ton que vous n'ayez jamais entendu. Juste avant le levé du jour afin de ne pas vous perdre avant la nuit car, à ce qu'on dit, se serait alors votre propre fin puisque plus personne ne s'y aventure jamais !


Et toujours sous le plus haut serment, on vous fera jurer que vous tendrez l'oreille la plus fine que vous ayez, car si vous n'entendez pas le bruit de la source dans le bois, vous errerez éternellement en ces lieux comme tous ceux qui s'y sont aventurés...et que l'on a jamais revus,... parole de vivant ! Entendre la source, d'après ce qu'on en sait, serait la seule chance de vous sauver...et de rencontrer enfin "La Bourgne" qui vous montrera le chemin. Personne ne vous dira jamais qu'il y est allé et qu'il a rencontré "La Bourgne", oh que non, tout simplement parce qu’il lui sera redevable et avoir une dette de survie envers "La Bourgne" vous place dans une situation extrêmement délicate. Un jour, alors que vous ne vous ne vous y attendrez plus, vous percevrez son odeur et son pas derrière votre porte. Un seul coup sera porté à l'entrée avec son bâton tordu et le son résonnera si fort dans votre demeure que vous aurez compris que le moment de payer votre dette est arrivé. Tout ceux qui ont refusé d'ouvrir se sont vus maltraités par tous les pires sorts que la terre puisse porter et devenir complètement fous au point qu'ils détruisirent tout ce qu'ils avaient et chassèrent tous leurs proches de leur maison, jusqu'à ce qu'on les retrouve pendus dans leur grenier, tout secs et boursoufflés... On avait tous tout le temps de découvrir, parce qu'ils étaient devenus fous, que "La Bourgne" était passée par là... et que le malheureux, n'ayant pas payé son dû, en avait subi les tracas épouvantables ! Et quant à ceux qui l'ont payée, ils sont partis d'eux-mêmes très loin du canton, car si on découvrait qu'ils avaient eu à faire avec "La Bourgne", ils finissaient en hurlant et cloués, châtiés sous les coups de langues cruelles du bûcher, pour sorcellerie. On vous aura prévenu ! La sente traversant les prés vous mènera à un col venteux ouvrant sur une falaise blanchâtre qu'il vous faudra contourner par le bas et vous la trouverez facilement, car ce chemin si ancien est toujours tracé au sol comme s'il était encore emprunté très souvent... De pas en pas, vous entrerez dans un fatras invraisemblable de buissons sombres aux feuilles vertes et séchées et de branches noueuses, cassées qui vous feront baisser insidieusement la tête de plus en plus bas... Jusqu'au moment où quelques heures après, vous vous demanderez, le nez tout près du sol, si vous n'êtes pas égaré, voir... perdu ! C'est là que la deuxième porte du piège se refermera ! Vous n'aurez pas oublié d'écouter chaque son dans le bois et tout ce que vous entendrez, vous finirez fatalement, en bon paranoïaque inconscient que vous êtes, seul au milieu de nulle part, par vous demander si quelqu'un n'est pas en train de vous épier à votre tour... Ainsi, tout bruit deviendra suspect et complètement affolé, vous oublierez de chercher celui de la source.


Le jour avançant, le soleil aura tourné dans le ciel et aura cessé d'éclairer le pied de la falaise blanche, si bien que l'ambiance sombre vous fera penser que la nuit est déjà venue et que vous ne pensiez pas avoir mis autant de temps pour arriver jusque là... Le cheminement de la peur dans votre esprit prendra le rythme du loup affamé qui vous colle son frais museau aux fesses... A partir d'ici, la troisième porte du piège se refermant, il ne restera à "La Bourgne" qu'à vous cueillir comme un vulgaire champignon vénéneux à jeter dans une soupe empoisonnée... Sa patience étant sans limite, les secondes pèseront lourd et chaque pas sans voie de sortie, un par un, vous serez amené à l'implorer, jusqu'à ce que la boue que vos larmes auront fait en tombant au sol vienne se coller telle une seconde peau maléfique sur votre face sale. La nature a de ces bruits qui vous font penser tellement de choses que vous finissez tous par croire que des esprits ancestraux de toutes sortes vous en veulent d'être venu troubler la sérénité de ces lieux dont vous n'êtes pas digne et qu'ils vont vous le faire ressentir jusqu'à votre dernier souffle. Puis, la truffe dans la gadoue du sous-bois, vous entendrez le feuillage frémir, là, tout près de vous, et vous sentirez le premier coup dans vos côtes qui vous fera vous recroqueviller de surprise et de douleur sur vous-même tant la peur aura investi votre esprit dérangé. Et vous hurlerez de toute votre âme pour chasser cette vérité qui vous guette depuis si longtemps... Vous le savez, vous avez horriblement ressenti et compris que..."La Bourgne" est là ! Vous essaierez de vous lever pour vous enfuir, mais chaque buisson vous retiendra en vous déchirant vos vêtements et en couvrant votre corps de meurtrissures profondes et la terre détrempée de votre sueur fera glisser vos pieds jusqu’à vous faire tomber au sol, épuisé, vaincu, à la merci de la moindre fourmi... Une odeur puissante de terre humide envahira votre espace jusqu'à vous étouffer et vous prendrez alors un deuxième coup de bâton sur votre tête qui vous endormira au plus profond de vos cauchemars... On vous retrouvera, vous ne saurez pas quand, sur le bord d'un chemin, à l'orée de ce charmant petit bois, avec dans les mains, trois petits morceaux de bois noircis, tout comme votre visage, tel un pauvre hère ne sachant plus ni où il est, ni ce qu'il fait là. Les gens du canton vous chargeront sur une de leurs charrettes et vous emmèneront tel un pestiféré, au plus vite, loin du pays, et vous jetant vigoureusement au sol, ils rogneront avec grande vindicte contre le sort qui vous a amené jusque là et qui allait faire qu'on maudira encore une fois les habitants de la région. On vous avait prévenu ! 'un jour on vienne tocquer à votre porte car vous devrez payer votre dû à " La Bourgne


Et maintenant, attendez-vous à ce qu'un jour on vienne toquer à votre porte car vous devrez payer votre dû à " La Bourgne ". Alors, braves gens, imbéciles à souhait, ne vous aventurez jamais de par chez nous, vous savez maintenant pourquoi... Mais j'ai encore une chose à vous dire à vous tous, bande d'ignorants emplis d'une crasse inculture ! Vous ne vous demandez même pas pourquoi je connais autant de détails et pourquoi je suis venu là pour vous raconter cette histoire, c'est que peut-être finalement, j'avais quelque chose à insuffler dans votre esprit malade. Vous ne voyez pas? Ce serait un réel plaisir, pour moi, de venir un soir embaumé de parfum de terre humide, chercher mon dû et je ne vous dis pas encore lequel, après avoir toqué à votre porte ! Fin ! Auteur : Jean-Marie Albert

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La Salamandre d’Axolotl rubrique Artistes présente :

DENYS NEUMANN

I L L U S T R A T E U R 11


A chaque métamorphose se dessine-t-il un nouvel être ? Que veut nous dire un visage ré anagrammé à l’infini ? Des orbites emplies de ténèbres nous invitent-elles à plonger au fond d’une âme ? Si nos fantasmes fiévreux prenaient corps devant nous et non en nous, pourrions-nous les accepter ? Si un être monstrueux nous regarde avec de grands yeux exorbités, n’est ce alors pas nous qui apparaissons hideux ? Pourquoi avons-nous relégués toutes nos peurs primordiales aux ténèbres alors que l’univers est à majorité composé d’obscurité ? Comment une simple image dans un cadre peut elle dominer nos émotions ? S’il n’existe aucune bio de Denys Neumann, existe-t-il vraiment ? L’une de ses visions illustrée représenterait-elle son visage ? Et qui répond alors à cette interview sur un illustrateur aussi talentueux que mystérieux ? (Toutes les illustrations proviennent de : denysneumann.blogspot.fr)

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Affiches alternatives : « L’étudiant de Prague » & « Lost Highway »


 Bonjour Denys, la première des questions de toutes nos interviews est récurrente : Présentez vous comme vous voulez. J’ai les yeux vert-de-gris, le nez droit et le menton rond. Je crée des images depuis quelques années déjà. Ces images s’apparentent à un registre que l’on pourrait qualifier de fantastique. Que dire d’autre ? En ce moment je m’intéresse particulièrement aux mouvements gnostiques antiques, à la Magie du Chaos et au bouturage des rhododendrons.  Denys, dans vos précédentes interviews, vous dites de vous que n’êtes pas un Artiste….Alors qu’êtes-vous ? Un passionné, avant toute chose. Je crée des images, en espérant que ces dernières parviennent à susciter un certain intérêt. Il est vrai que je ne me considère pas comme un « artiste » ; j’ai l’impression que cela impliquerait un jugement de valeur (positif) sur mon propre travail. Si un tiers me qualifie de la sorte, je prends ça comme un beau compliment. Dans cette perspective, m’autoproclamer « artiste » reviendrait donc à m’auto complimenter. C’est peut-être un raisonnement légèrement tortueux, mais bon… Évidemment, rien ne fait plus plaisir que d’avoir des retours positifs quant à ses créations (en tant qu’auteur, vous voyez bien ce que je veux dire, cher Julien…) ; c’est éminemment stimulant et encourageant. Mais je pense que ce n’est pas à moi de dire si je suis ou pas un « artiste ». J’essaie de créer des images susceptibles de susciter des émotions, des réactions et de l’intérêt, des images possédant (si possible) un style personnel et reconnaissable. Quant à juger de la « valeur artistique » de ces images, je ne suis certainement pas le mieux placé… Et j’aurais plutôt tendance, sur ce point, à me considérer comme un dilettante.  Denys, votre style artistique m’apparait avant tout comme indéniablement lié à un univers fantasmagorique et sombre bien particulier (le votre). Si c’est effectivement le cas, pouvez-vous nous emmener un peu dans cet univers qui vous inspire tant ? Merci beaucoup pour le compliment ! Si je m’intéresse au fantastique (qu’il soit littéraire, cinématographique, pictural ou encore musical), c’est sans doute parce que ce dernier met en évidence un certain rapport de l’être au monde qui me parle tout particulièrement.

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Un rapport souvent problématique, révélant des fissures dans l’ordre « normal » des choses, soulignant de la sorte la présence d’une menace, effective ou latente, source d’angoisse voire de peur. Et, pour citer Lovecraft : « La plus vieille, la plus forte émotion ressentie par l’être humain, c’est la peur ».

« Anomaly »

Illustration pour « Reflets d’Ombres »

 Pourriez nous parler un peu de vos techniques d’illustration ? J’utilise beaucoup de logiciels de création numérique, et j’expérimente beaucoup. La version finale d’une image découle d’un nombre considérable de versions précédentes, d’essais inaboutis et jugés peu satisfaisants. L’idée de base est souvent liée à un effet que je désire mettre en œuvre, ensuite je tente de concrétiser au mieux cette idée… Parfois cela fonctionne plutôt bien, et parfois pas du tout. Il m’arrive également d’inclure certains éléments « à la main », ou d’utiliser certains procédés pouvant s’apparenter à des techniques picturales. J’aimerais d’ailleurs, dans le futur, poursuivre dans cette voie et approfondir le recours à des techniques mixtes et au dessin. Mais plus tard. Cela fait déjà plusieurs années que je crée des images, et j’ai envie de tenter d’autres choses, d’essayer d’autres moyens d’expression. 14


 La première fois que j’ai vu vos créations artistiques, cela m’a immédiatement évoqué un souvenir visuel cinématographique qui était le film « Dune » de David Lynch en 1984. Par la suite j’ai vu que vous faisiez beaucoup d’illustrations pour des affiches de films. Ma question est : à quel style cinématographique (ou cinéma, pour faire plus simple) vous sentez vous lié via vos créations ? Cinéma fantastique et fantasmagorique… David Lynch fait en effet partie de mes cinéastes favoris. Eraserhead est un film exceptionnel, et son développement même est un bel exemple de ténacité et de persévérance. De plus, Lynch a su conserver une véritable indépendance artistique (il suffit de voir Inland Empire pour s’en convaincre) et c’est un créateur complet : cinéma, peinture, musique… Il a su créer un univers riche, varié mais aussi homogène et parfaitement cohérent. Cela force l’admiration. Malheureusement, il semble bien qu’il va falloir patienter un moment avant le prochain film… J’apprécie aussi énormément les films de David Cronenberg. L’un de mes préférés est sans doute Le Festin nu, géniale adaptation du roman de Burroughs. Et puis Videodrome ou encore Existenz… Il y a également des films qui sont des « expériences » marquantes : par exemple Tetsuo ou Begotten. Des films qui ne laissent pas le spectateur indifférent ; des œuvres audacieuses, éminemment personnelles, marquées par des choix esthétiques radicaux. Bref, de véritables œuvres d’art…

 Comment a débuté en vous cette passion pour l’illustration ? J’ai fait quelques illustrations pour des fanzines ou webzines, et puis j’ai participé à la première édition du Panic Reverse (organisé par le Panic Cinéma à Paris) avec mon affiche « Collapsar ». Ce fut une expérience nouvelle et très enrichissante, une façon différente d’aborder le travail sur l’image, dans une perspective spécifique et rafraîchissante. J’ai découvert, depuis, le travail de certains affichistes polonais comme Wiktor Sadowski ou Ewa Bajek (qui a d’ailleurs créé des affiches pour Inland Empire et Twin Peaks). Leur travail est intéressant au plus haut point.

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 Dans votre style créatif, vous m’apparaissez comme un « déformateur » sur les visages, les corps et parfois jusqu’au décor. Que recherchez-vous par ces déformations ? Proposer une certaine « vision », un regard sur les choses possédant une signification personnelle. La déformation pourrait être considérée comme un outil de transformation du sens destinée à produire un effet esthétique, mais aussi un effet affectif et réactionnel.

 Êtes-vous uniquement lié de façon picturale à cet univers, ou bien y a-t-il un autre vous qui se cache derrière ce « Denys Neumann » ? Il y a bien sûr le « moi » officiel ; celui-là (un individu charmant et admirable, cela étant dit en toute objectivité…) est également lié, d’une certaine manière, au fantastique. Une façon moins directe et moins viscérale. Si j’utilise un pseudonyme, ce n’est pas du tout par goût du mystère, mais plutôt pour faire une distinction claire entre ce « moi officiel » et celui à qui il arrive de « pratiquer » le fantastique de l’intérieur, en créant des images. C’est ça ou un trouble dissociatif de l’identité, au choix…

 Dans votre style créatif, vous m’apparaissez comme un « déformateurs » sur les visages, les corps et parfois jusqu’au décor. Que recherchez-vous par ces déformations ? Proposer une certaine « vision », un regard sur les choses possédant une signification personnelle. La déformation pourrait être considérée comme un outil de transformation du sens destinée à produire un effet esthétique, mais aussi un effet affectif et réactionnel.  Êtes-vous uniquement lié de façon picturale à cet univers, ou bien y a-t-il un autre vous qui se cache derrière ce « Denys Neumann » ? Il y a bien sûr le « moi » officiel ; celui-là (un individu charmant et admirable, cela étant dit en toute objectivité…) est également lié, d’une certaine manière, au fantastique. Une façon moins directe et moins viscérale. Si j’utilise un pseudonyme, ce n’est pas du tout par goût du mystère, mais plutôt pour faire une distinction claire entre ce « moi officiel » et celui à qui il arrive de « pratiquer » le fantastique de l’intérieur, en créant des images. C’est ça ou un trouble dissociatif de l’identité, au choix… 16

« Phantasmagoria »


 Quels sont vos plus grandes inspirations, (dans la peinture, l’illustration, la littérature, la musique, ce que vous voulez en fait….) ? Elles sont nombreuses ! Je vais néanmoins tenter de faire court. Pour la peinture : cela va des symbolistes à Dave McKean en passant par Mike Worrall, Constant Permeke, Alfred Kubin, Austin Osman Spare et beaucoup d’autres. Concernant le cinéma j’ai déjà parlé de Lynch ; j’ajouterai les courts-métrages des frères Quay, Blood tea and red strings de Christiane Cegavske, les films d’animation de Jan Švankmajer… Côté musique, j’écoute beaucoup le groupe Current 93, qui possède un univers très puissant, poétique et mystique, enchanteur et vénéneux dans le même temps. Relativement à mes inspirations littéraires : Bruno Schultz, Marcel Béalu, Clark Ashton Smith, Oscar Panizza, Clive Barker, William Blake, Charles Duits, Lautréamont… Encore une fois la liste est loin d’être exhaustive.  Au niveau projets professionnels, vous avez notamment participé au Panic Reverse de 2012 (où votre affiche Anantha avait été sélectionnée) de nombreuses affiches alternatives de films, des illustrations dans de nombreux webzines et fanzines……D’autres projets en vue ? Quelques images de mon cru devraient figurer dans des revues, fanzines ou webzines. J’ai plutôt envie de faire une « pause », pour me consacrer à d’autres activités, pour tenter de nouvelles expériences et explorer de nouveaux territoires.


Collapsar" Affiche réalisée dans le cadre du concours "Panic Reverse" organisé par le Panic Cinéma

Affiche "Anantha" sélectionnée pour le concours "Panic Reverse", organisé par le Panic Cinéma.

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 Denys, si vous avez l’opportunité d’exposer dans une galerie, cela va vous obliger à dévoiler votre identité au grand jour ! Comment vivrez-vous ce paradoxe ? Je n’entreprends pas de démarche particulière dans ce sens, tout simplement parce que je n’en ai pas envie. Placer quelques images dans des revues ou des webzines me convient parfaitement pour le moment. Ainsi Je trouve très sympathique de pouvoir figurer dans ce numéro de « La Salamandre d’Axolotl », et d’avoir l’opportunité de faire découvrir mes images à vos lecteurs. Je vous en remercie d’ailleurs chaleureusement.  Peut être l’avez-vous vécu ou pas, mais certaines personnes qui s’arrêtent à leur première perception disent souvent des illustrations fantasmagoriques et sombres qu’elles viennent d’un « univers perturbé » et de leurs créateurs « qu’ils ont du avoir des problèmes dans leur vie pour faire des choses comme ça ! » Qu’auriez-vous envie de leur répondre ?

Il en faut pour tous les goûts, bien sûr, mais il est à mon sens plutôt réducteur de faire un tel amalgame entre une œuvre et son créateur. Il me semble toutefois que les gens sont, en général, assez clairvoyants pour faire la distinction. Louis Vax, à propos de l’esthétique du fantastique, parle d’une esthétique du mal et du laid qui, à partir de l’expérience d’un sentiment négatif, procure un plaisir positif : « le goût ambivalent de l’étrange », si je me souviens bien. Il est question ici d’un territoire esthétique, avec des enjeux spécifiques et, bien sûr, des résultats qui rebuteront certains et plairont à d’autres, ceux donc qui possèdent ce fameux « goût de l’étrange ». Les autres iront trouver leur bonheur ailleurs. Encore une fois, il en faut pour tout le monde.

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 Que conseillerez vous à un illustrateur qui, comme vous, serait lié à un univers fantastique sombre qui lui serait particulier, mais qui craindrait le qu’en dira-t-on ? Il me semble qu’on n’en est plus vraiment là aujourd’hui ; d’aucuns peuvent juger que l’œuvre d’un Joel-Peter Witkin, par exemple, est « bizarre » (voire dérangeante pour certaines photos). Je suis peut-être mal renseigné, mais je crois qu’il est plutôt sain d’esprit. Selon lui, l’une des sources de sa sensibilité serait un accident de voiture impliquant une fillette, dont il a été témoin lorsqu’il était enfant. Les éléments biographiques façonnent évidemment la sensibilité des individus. Chacun a ses obsessions et ses fascinations. C’est nécessaire et plutôt sain, je crois. Pour en revenir à Witkin, cette fascination pour « l’étrange » est transfigurée au travers de ses photos. Certains pourront y voir une espèce d’activité cathartique. Cela reste, avant tout, de l’art. Du grand art, en l’occurrence. Idem pour des artistes comme John Santerineross ou Alessandro Bavari. Ils ont un talent extraordinaire… Et puis, en fin de compte, on en revient toujours au même constat : certains aiment et approfondissent le sujet ; d’autres n’aiment pas et passent à autre chose. Le « qu’en dira-ton » n’est finalement qu’un « élément » dérisoire : les gens apprécient ce que vous faites ou, dans le cas contraire, ils passent leur chemin. Il faut davantage craindre l’indifférence que le « qu’en dira-t-on »…  Enfin Denys, quel est votre rêve ? Ou votre cauchemar ? (Au choix ou les deux). Mon cauchemar : ne plus être capable de m’émerveiller. Mon rêve : qu’une de mes images figure en couverture de « La Salamandre d’Axolotl ». Et gare à vous, mon cher Julien, si ce n’est pas le cas !


- Obake – « Yôkai » -

- Monstres et fantômes japonais – Dans le Numéro 0 de la Salamandre d’Axolotl, nous avions fait un article sur les temples shintos de Kobe (sanctuaires de la religion japonaise traditionnelle « le Shintoïsme » dédié aux kamis « esprits de la nature »). Cet article ayant eu un certain succès, nous continuons dans la mythologique mystique japonaise. Et quoi de mieux pour le thème de ce numéro que de parler des monstres et fantômes issus du folklore et des croyances primaires du shintoïsme. Par Obake, l’on désigne des créatures surnaturelles énormes et effrayantes qui effrayent les gens et jettent des mauvais sorts. On les appelle aussi des « Yôkai », ils sont issus du monde des mystères et apparaissent en travestissant de façon grotesque les humains. Ce sont les croques mitaines japonais. Nés dans l’imagination des premiers peuples à avoir peuplé l’archipel du japon.

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Les images d’Obake que nous allons vous montrer les présentent sous les formes qui se sont généralisées dans tout l’archipel. Car, à l’origine, le même Obake pouvaient être représenté sous de nombreuses formes très variés selon la région, la tribu, le village, l’artiste…. Petit à petit par l’unification du pays, les Obake ont commencé à avoir une forme attribuée. Popularisée par de nombreux artistes comme le peintre d’estampes Hokusai ou encore du conteur ambulant devenu mangaka : Mizuki Shigeru. Nous vous souhaitons un joyeux bestiaire fantastique…

(UMI-BÔZU) Ce sont d’immenses monstres marins, leur peau est noire, leurs grands yeux brillants. Assimilés parfois à des esprits ou gardiens de la mer. Si les hommes les mettent en colère, ils font sombrer les bateaux. De temps à autre, ils s’amusent à effrayer les marins. Dans la langue japonaise Umi Bôzu désigne également les grands et gros animaux marins.

(Sunakake – Babaa) Cette créature en kimono possédant une tête disproportionnée digne du théâtre No, est une sorte de sorcière. Quand vous traversez une forêt sombre, elle vous effraye en……vous jetant du sable ! A noter également que Babaa peut s’utiliser (par association avec un autre mot) comme une violente insulte à l’encontre d’une femme.

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(Rokuro-Kubi) Voila un joli petit exemple de croque mitaine de l’époque médiévale du Japon. La nuit, au moment où les gens sont couchés, ces créatures font étirer leur très long cou pour lécher l’huile des lampes (lampes à huile). Il parait que parfois le cou s’étire et fait virevolter la tête sans que la créature n’en ait aucun contrôle.

(Konqki Jiji) Une variante du Changelin nordique qui prend la place d’un enfant humain. Celui ci imite les vagissements d’un nouveau né pour attirer ses victimes. Alors il leur saute dans les bras, s’accroche à eux et commence à peser de plus en plus lourd. Jusqu’à ce que son malheureux porteur se brise les os et ne meure.

(Otoroshi) Il hante les temples shintô abandonnés ou détruits. Aussi lorsque des gens qui ne sont pas pieux squattent ces temples, il leur saute dessus de toute sa masse. Ce qui a pour conséquence de les tuer. Kobe.

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(Comment différencier Yôkai et Yûrei ?) Les Yôkai, aussi appelés « bakemono » ou « henge », apparaissent le plus souvent aux périodes entre la journée et la nuit, c'est-à-dire au crépuscule ou à l’aube. Leurs lieux d’apparitions dépendent de leur nature : les Tengus apparaissent dans les montagnes, les Kappa dans les rivières, les Umi-Bozu dans les mers. Ils sont liés à certains éléments. Le Yûrei est l’apparition des âmes des morts, et lorsqu’il hante les gens envers lesquels il éprouve de la rancune il apparait n’importe quand et n’importe où. On dit aussi qu’un Yûrei n’a pas de jambes et qu’ils mettent 300ans pour disparaitre. (Image ci contre : « Yûrei qui porte l’enfant » de Itou Seiu).

(Nuppe

Fuhohu)

Ce charmant bonhomme est l’Obake de « la graisse des gens qui sont morts » ! Il ne fait rien de spécial à part marcher dans les rues la nuit. Si on lui met un kimono, il change de nom et devient « Nupperabou ».

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Obake du l’ombrelle)

parapluie

(ou

de

« Attention, ce qui va suivre est une légende véridique » : Il s’agit du fantôme d’un parapluie qui a été perdu ou oublié depuis plus de cents ans !!! Il est unijambiste (puisque c’est un parapluie) et rigole en tirant la langue.

(Funa-Yûre) Ce sont les Yûrei des gens qui sont morts en mer Si on leur prête des épuisettes, ils mettent de l’eau dans le bateau dans le but de le faire couler. Donc on leur prête des épuisettes trouées ou qui n’ont pas de fond

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(Okamuro) C’est un monstre animal, ressemblant vaguement à un blaireau japonais des temps anciens. Il avance silencieusement son énorme tête pour terroriser les gens.

(Gasha-dokuro) Il est l’Obake des gens qui ont trouvé la mort dans les champs. Il se présente sous la forme d’un énorme squelette. Car il nait de ceux qu’on a laissé se décomposer en plein air car il n’y avait personne pour faire leur enterrement (par champs, cela peut aussi désigner un champ de bataille). Il rampe partout et attaque les gens la nuit. Même si sa nature en fait plus un Yûrei, il est désigné comme Obake.

(Ittan-moment) Un Obake en étoffe blanche qui vole dans la nuit. S’il attaque des gens c’est en leur recouvrant le visage et les assassine ainsi en les étouffant.

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(Hayaku-me) Il possède une centaine de globes oculaires qui recouvrent entièrement son corps. Quand il rencontre une personne, un des globes oculaires quitte son corps pour devenir une entité indépendante qui poursuit l’humain.

(Bake-chôchin) C’est l’apparition du visage d’un “Oiwasan” qui est décédé en gardant sa rancune envers ce monde. Ainsi le visage de cet esprit apparait sur un chôchin (une lanterne en bambou recouverte de papier) déchiré.

(ônyûdô) L’ônyûdô se cachait dans les hautes montagnes rocheuses. Chaque nuit il faisait de grands bruits insupportables. Alors, l’ont dit que des gens l’ont chassé et terrassé avec des flèches d’arc. Il s’agit d’une variante du « Yéti ».


(Nurari-hyon) Il entre dans les maisons quand les propriétaires sont absents ou occupés et boit le thé en fin d’après-midi.

(Kappa) Kappa est l'esprit des rivières, assez petit mais très fort. On le décrit souvent avec un corps de tortue et une tête de singe dont le sommet est creux, et c'est là que se situe sa force. La bonne méthode pour le rendre inoffensif consiste à s'incliner poliment devant lui. Alors il rend la politesse et l'eau de sa tête s'écoule. Parfois il tire les gens dans l'eau vers le bas pour les noyer mais il est en général bénéfique et tient toujours ses promesses. C'est aussi un grand amateur de concombres.

(Oni) Ces démons japonais semblables aux ogres, aux trolls ou encore aux diables ont deux origines principales. Ils étaient à l’origine soit des esprits mauvais qui causaient des désastres et des maladies, soit, selon d’autres légendes, des esprits protecteurs pour les humains contre d’autres créatures malfaisantes. Et ce fut à cause de cette proximité avec la force des ténèbres qu’ils auraient été avilis. Une cérémonie du printemps au Japon vise à jeter des haricots dans la maison pour en chasser les Onis comme esprits mauvais. Mais d’autres cérémonies voient en début de cortège des hommes déguisés en Onis qui ont pour but de chasser le malheur. Les Onis gardent toujours leur ambiguïté folklorique qui les fait passer d’esprits bénéfiques à maléfiques, et inversement.


Les Obake de l’étranger. Dans le folklore japonais se sont également insérées des créatures issues du folklore étranger et subissant une réinterprétation au Japon. (Imurâku) Un géant grand comme un cocotier. Quand il marche, la terre tremble, et il mange les gens. On dit qu’il vivait sur une île sauvage où un bateau de riches marchands de Bagdad s’est échoué à cause d’une tempête. (On trouve ce géant notamment dans les contes de Sinbad le marin).

(Zuu) Il a le pouvoir de transformer les gens en animaux dans le but de les manger. On le craint beaucoup car on dit qu’il apporte le malheur.

(Majo) (La sorcière occidentale, différente de la sorcière japonaise : La Yamamba) Elle la servante du Diable et jette des mauvais sorts aux gens en usant de sortilèges variées. Elle vole dans le ciel en enfourchant son balai.

(Fahan) Il possède un gros œil unique sur son visage, un bras qui lui sort de sa poitrine, et une jambe qui lui sort de son rein.


Quand la Salamandre d’Axolotl rencontre le Collectif Littéraire « Il était une fois dans l’œuf »

- Mathieu Blais – - Joël Casséus – Dernier lieu de résidence connu : – Montréal – Québec – http://iletaitunefoisdansloeuf.org/

Récapitulatif des faits : Qu’a-t-on trouvé dans l’œuf ? - De la sociologie. - De la littérature - Une obsession partagée pour le glauque et le lugubre. - Deux bons gros Romans : - ZIPPO : publié chez Leméac éditions en 2010 Kyklos éditions en France depuis 2012. - L’ESPRIT DU TEMPS : publié chez Léméac éditions Aout 21 – 2013, Décembre en France.

Les Œuvres susnommées ci contre possédant des références affirmées de Fin du Monde, Catastrophes naturelles et/ou divines et longues quêtes survivalistes à but mystiques, la rédaction vont informe de ne pas vous inquiéter de certaines images d’Abris Antiatomiques et autres bunkers qui pourraient s’incruster dans cet article. Merci de votre compréhension

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Bonjour Mathieu Blais et Joël Casséus (créateurs du collectif « Il était une fois dans l’œuf »), la première question de toutes mes interviews est : Présentez-vous comme vous voulez : Nous sommes deux êtres distincts qui ont décidé d’unir leur production artistique dans un schlop littéraire. Ça fait mal sur le coup, mais on survit du mieux que l’on peut. Ce schlop a pris la forme d’un collectif d’écriture qui a pour nom « Il était une fois dans l’œuf ». Par l’intermédiaire de ce collectif, nous cherchons à conquérir la planète par nos mots et nos coups de gueule. Nous avons beaucoup à dire puisque l’inspiration pour le glauque et le lugubre est constante au sein du monde dans lequel nous vivons. Notre production se veut avant tout populaire (dans la mesure où elle ne s’enferme pas dans un hermétisme élitiste), engagée (dans la mesure où nous croyons que notre production artistique permet, aussi, de transformer minimalement la société dans laquelle nous vivons) et littéraire (dans la mesure où nous ne sacrifions en rien les qualités que les lecteurs recherchent généralement au sein d’un bon roman : inventivité langagière et riches formulations, tensions narratives et rebondissements, remise en question critique du monde tout autant que pathos et divertissement). Lors d’une entrevue que nous avions accordée par le passé à l’un de vos concitoyens (http://www.unwalkers.com/entretien-avec-le-feu-zippochez-kyklos-editions-pour-mars/), nous avions souligné que notre naissance relevait d’un déversement de baboche sur le sol d’une cellule.

C’était des conneries. Autant que notre supposé lien fraternel gémellaire. L’observateur aguerri l’aura tout de suite observé, nous ne sommes pas des jumeaux identiques : Mathieu a une petite tache distinctive sous l’œil droit que Joël n’a pas. Ceci dit, le reste est absolument exact : nous avons commencé à écrire dans le cadre d’une séance familiale de croissance personnelle. C’est ce que certains appellent de l’art thérapie. Nous préférons dire que c’est de l’art malade. L’esprit du temps, notre deuxième roman, en ce sens, témoigne très bien des pathologies sociales dont l’Amérique est atteinte. Et soyez rassuré, nous n’avons pas arrêté notre médicamentation. Les progrès sont évidents. 31


Vous êtes les créateurs du Collectif littéraire « Il était une fois dans l’œuf ». Deux premières questions capitales : d’où vous est venue l’idée de créer ce collectif ? Et plus important encore : d’où vous est venue l’idée du nom « Il était une fois dans l’œuf » ? Initialement, nous avons eu l’idée d’écrire des articles et des essais à deux, mais la forme narrative s’est imposée et ça a donné Zippo, notre premier roman. Nous avons aimé l’expérience d’écriture à deux et nous nous sommes rendu compte, puisque le tout dépasse la somme des parties, qu’écrire à deux nous permettait de faire surgir des idées de projets et une écriture particulière. Plus encore, le collectif permet de mettre en pratique le partage, la coopération, le travail d’équipe et la culture du débat, des valeurs et des habitudes qui nous sont proches. « Il était une fois dans l’œuf » est un clin d’œil au western spaghetti, Il était une fois dans l’ouest. Comme nous pratiquons principalement une littérature de « genre », le pastiche du titre du classique de Leone nous semblait intéressant. Qui plus est, le marqueur narratif « il était une fois » nous plonge d’emblée dans un rapport référentiel particulier qui va de pair avec notre idéale littéraire : à nos yeux, la littérature doit avant tout raconter une bonne histoire. L’œuf, ici, renvoie à l’univers de notre collectif qui s’exprime et continuera à s’exprimer par nos livres. C’est un univers clos qui s’entrecroise avec des personnages, des éléments narratifs qui reviennent d’un livre à l’autre, mais qui demeure extrêmement dynamique malgré tout. Ainsi, nous faisons resurgir des personnages d’une histoire à l’autre, mais refusons de nous enfermer dans un seul genre. L’œuf a aussi une vision de l’écriture qui se veut engagée, mais qui refuse de sacrifier le contenu, la qualité littéraire pour une idéologie. L’œuf renvoie donc à une idée qui nous est chère, celle de la totalité.

En tant qu’auteurs, le premier succès littéraire de votre collectif est Zippo, un roman publié chez Leméac au Québec et Kyklos en France. Et « Zippo – Once Upon a Time in the Egg », publiée chez Exile Editions. Pouvez-vous nous le présenter un peu ? Zippo, fut initialement publié chez Léméac en 2010, en France chez Kyklos en 2012 et en anglais chez Exile en 2013. C’est l’histoire d’un journaliste, Novo Kahid, qui doit couvrir un sommet économique international, la Zippo. Lors de son enquête, il se rend compte que le sommet de la Zippo et la disparition de sa copine, A***, sont entremêlés d’une certaine façon. Il s’agit d’un roman qui croise les genres du polar et de l’anticipation, écrit avec une prose extrêmement sèche et qui se déroule dans un univers riche et complexe.

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Le plus important dans votre actualité, pour l’instant au Québec (aout 2013) est la sortie de votre second roman : L’esprit du Temps. Quelles différences présente-t-il par rapport à Zippo ? Les différences sont énormes. Zippo était clairement de l’anticipation croisé avec du polar. Outre les grands noms du genre comme Huxley, Orwell et Burgess, nos inspirations étaient tout aussi clairement du côté de J.-B. Pouy, de Burroughs et de McCarthy. Zippo, en ce sens, était un coup de poing dans l’estomac. En comparaison, L’esprit du temps, c’est Hiroshima, c’est Nagasaki, c’est 28 Days Later sur le crystal meth. L’esprit du temps est beaucoup plus dans le roman d’aventures, le roman épique, le road novel américain, voire le western psychédélique à la El Topo (Jodorowsky) croisé avec de l’apo littéraire à la The road (McCarthy). Notre éditeur québécois écrit quant à lui que la série de rencontres et d’épreuves que vivent les personnages de notre roman « n’a rien à envier au meilleur Stephen King ». Mais bon, franchement, on tente de baliser par des référents ce qui n’en a peut-être pas. À nos yeux, même si L’esprit du temps est teinté par plusieurs influences, il ne ressemble à rien de connu. Les deux romans sont donc extrêmement différents, même si les deux partagent une sensibilité d’écrivains engagés et s’inscrivent, par conséquent, dans un même projet artistique. Nous n’œuvrons cependant pas dans le même genre que Zippo puisque nous croyons que le genre doit avant tout servir le propos et non l’inverse. Nous sommes inspirés par l’actualité et décidons ensuite de la forme narrative que notre écriture critique devra prendre, ce qui nous pousse vers un genre, une forme, un

registre de langue, etc.… 33


Si, pour certains, Zippo a semblé être un OVNI littéraire, L’esprit du temps dans ce cas est l’arrivée d’un monstrueux dieu précolombien sur le sol américain, fumant et crachant du soufre chaud. Aux gens qui vous découvrent, comment définiriez-vous votre style d’écriture, vos thèmes de prédilection ? Nous sommes des écrivains engagés qui aiment toucher une pluralité de genres littéraires, qui cherchent à rejoindre le plus grand nombre de lecteurs par l’entremise d’une écriture accessible qui ne sacrifie pas la qualité littéraire. Comme nous le soulignions précédemment, nous sommes guidés par des impératifs esthétiques que nous ne remettons jamais en cause : engagement, aspect accessible, qualité littéraire. Qui plus est, nous sommes tirés par cette conviction qu’un bon roman, c’est avant tout une bonne histoire, et qu’un roman exceptionnel, c’est une bonne histoire qui est bien écrite. C’est dans cet esprit que nous avons balisé l’écriture de L’esprit du temps. Sociologie & univers glauques font-ils bon ménage ? Les deux termes sont synonymes, à condition de voir toute la lumière qu’il y a dans le mot « glauque ». D’ailleurs, à ce sujet, lors de notre passage à Paris, à l’occasion du Salon du livre de Paris, nous avons pris sur nous de nous rendre au cimetière du Père-Lachaise afin de faire nos offrandes à Saint-Bourdieu. Alors que nous vidions le vin de messe sociologique, son visage nous est apparu, souriant, dans un nuage de fumée violet : il nous a indiqué le chemin. Nous le suivons depuis. Il est torturé. Si la sociologie est un sport de combat, l’écriture littéraire est une guerre de tranchées. Concernant « L’esprit du Temps », n’auriez-vous pas une petite tendance « Survivalistes » ? Si oui, quel message voulez vous faire passer à tous les déçus de l’apocalypse avortée du 21décembre 2012 ? Nous sommes des survivants. Vous avez tout à fait raison de le souligner. Nous avons un message, effectivement, pour tous les déçus de l’apocalypse avortée du 21 décembre 2012 : attendez voir un peu, ça ne saurait tarder (là, il faut lire entre les lignes, les signes de la fin sont partout : le printemps pour tous, la montée de la droite, l’intolérance, la multiplication des imbéciles qui n’ont pas compris que le progrès consiste à regarder vers l’avant et non vers le passé, etc.). Mais pour nous, la fin, c’est la fin de l’Empire, pas la fin du monde.

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Contents d’avoir été publiés en France ? (Ton de la plaisanterie) Pourquoi êtes-vous aussi content ? Vous n’êtes pas bien au Québec ? Parce que la France, franchement….. Actuellement, il y a un grand engouement en France pour les auteurs québécois, sentez-vous que vous pouvez apporter quelque chose de plus au niveau littéraire ? Après l’engouement des Français pour les chanteurs québécois, et maintenant les auteurs québécois, qu’attendent-ils pour importer la poutine en France ? Nous sommes contents d’avoir été publiés en France, oui. Cela nous a permis de rencontrer des gens hyper sympathiques, de boire le fond de la nuit avec toutes sortes de chats perdus et de vivre une bohême littéraire extraordinaire, mais notre rapport à la France est complexe. La France exerce sur le Québec, depuis toujours, une attraction trop importante. Peu de Québécois ont réussi à s’y démarquer. Dommage. Pour l’instant, nous n’échappons pas à la règle. La France, en ce sens, n’existe pas comme une finalité pour nous. C’est pourquoi nous continuons à envoyer des propositions de coéditions un peu partout sur la planète : Amérique du Sud, Brésil, Inde, Chine. Nous habitons le XXIe siècle. Nous voulons être de notre époque. Nous voulons transcender les frontières. Avis aux intéressés. N’hésitez pas à nous contacter. Notre site Internet, en ce sens, nous permet de faire beaucoup de sollicitation : http://iletaitunefoisdansloeuf.org/ Quels sont les prochains projets d’ « Il était une fois dans l’œuf » ? Nous discutons en ce moment de la forme et de la séquence narrative de notre prochain projet. Il est beaucoup trop tôt pour en parler, mais disons que ça sera un livre engagé touchant un enjeu d’actualité central. Ce livre ne sera rien comme Zippo ni l’Esprit du temps, mais il aura la saveur Il était une fois dans l’œuf. Mathieu et Joël, avez-vous chacun d’autre projets ou passions artistiques en solo ? (S’il vous plait ne vous disputez pas pour cette question). Mathieu a publié plusieurs recueils de poésie dans des maisons québécoises reconnues. Pour l’instant, il n’a pas encore publié de roman en solo, mais ça ne saurait tarder. Joël écrit comme un forçat, accumule les manuscrits dans une chambre qu’il ferme à double tour et attend, comme pour les vins de garde, que le tout prenne de la valeur. La déferlante risque d’être violente lorsque les manuscrits sortiront de là. Ceci dit, outre la littérature, Mathieu et Joël n’ont absolument aucun autre projet. Le soir venu, après une dure journée à chasser les mots dans la forêt boréale, à les décrasser de leurs plumes et à en marteler les syllabes pour les attendrir, à tout faire pour les planter là, entre deux lignes, pour qu’ils tiennent, dans une terre de roches, de pins et d’épinettes noires, nous rentrons dans nos cabanes respectives raconter des histoires épouvantables à nos enfants qui ne dorment jamais parce que, justement, nous leur racontons des histoires épouvantables. Nous aimerions tellement avoir un autre passetemps. (Parfois, le soir, nous rêvons de chasser la licorne avec des fusils à miel, d’embarquer dans un vieil Impala et de descendre le continent Amérique ou, encore, de mâcher un peyotl ancien en attendant que la terre ne nous avale complètement – mais nous nous réveillons rapidement : Saint-Bourdieu ne rigole pas avec la réalité.


Si elle est aussi horrible, c’est parce qu’il faut qu’elle change. C’est pour ça que nous écrivons.) Y-a-t’il un grand avantage de nos jours pour des auteurs à se regrouper dans un collectif d’écriture pour une œuvre collective ? Le principal avantage c’est lorsque Mathieu dort, Joël tient le volant. Et vice-versa. C’est comme ça qu’on parvient à se frayer un chemin dans la nuit, le coffre du pick-up rempli de mots grouillants, à moitié conscients, encore endormis par les fléchettes soporifiques que l’on utilise pour les chasser. La route est longue pour sortir du bois, et après le bois, c’est la forêt. C’est moins dense, mais c’est plus civilisé. Quand il fait froid, écrire à deux, c’est bien aussi : il y en a toujours un qui s’occupe du feu, alors que l’autre s’occupe à noircir des pages de mots incendiaires. Il n’y a rien de tel qu’une bonne vieille flambée de mots arrosés de kérosènes pour illuminer une nuit d’hiver. Ça tient les loups à distance et ça fait roussir les poils de nos barbes. Ceci dit, nous croyons vraiment qu’écrire à deux, dans cet étonnant début de XXIe siècle, est une stratégie absolument nécessaire. Elle nous assure une présence, une vivacité. Elle nous entraîne ailleurs. Que conseillerez-vous à des Auteurs qui désirent se lancer dans l’écriture de Romans ou autres œuvres littéraires ? D’écrire, sans cesse, comme ça, pour le plaisir, pour se faire chier, pour ne pas perdre la tension qui, parfois, dans le creux de la nuit, se crée. C’est cliché de le dire, mais c’est tellement vrai. Le vieil hiérogrammatiste de l’Égypte antique devait dire la même chose au scribe novice : aiguise ton burin et frappe autant d’hiéroglyphes que tu peux. C’est comme ça que l’histoire s’écrit. À coup de burin, et de guilloche. Nous passons en moyenne cinq claviers par année. Le dernier que Joël a jeté, la touche d’espacement avait fondu à force d’être frappé à répétition. Mais s’il faut écrire, si tout se fait par la pratique du coup de burin, il faut surtout apprendre à réécrire. Alors là, on jette parce qu’il y a des limites à récupérer ce qui est mauvais, on brûle pour la lumière moins que pour la chaleur (les mauvais textes, lorsqu’ils brûlent, ne font presque pas de chaleur), on donne les pires vers à manger au cochon. Réécrire, c’est le nerf de la guerre. Et là, on change de claviers pour d’autres raisons. Lors de la dernière période de réécriture, Mathieu a lancé son clavier par la fenêtre laissée ouverte. Résultat : un flic qui passait par là et qui l’a reçu sur la tête a cru que c’était un message divin et a tout abandonné, matraque, képi et autres sornettes d’État, et il est devenu apiculteur urbain. Il est très heureux aujourd’hui. C’est pour dire.

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Quel est votre rêve (à chacun de vous deux, puis pour le collectif) ? Joël rêve depuis toujours à des lendemains chantant : une chorale mondiale de jeunes castrats qui élèverait ensemble leur voix pour combattre l’horreur et la violence. Mathieu est beaucoup plus réaliste. Il rêve entre 2 heures et 3 heures du matin, mais ne se souvient de rien. C’est pour ça qu’il écrit. Notre collectif, lui, rêve à voix haute : nous aimerions être traduits en espagnol parce que nous croyons au fort potentiel de nos textes. Ensuite, nous aimerions continuer à faire tourner le moteur de notre machine à écrire. Nous avons plusieurs projets en cours, mais nous aimerions beaucoup entrer en contact avec des bédéistes professionnels qui seraient intéressés à adapter nos romans vers la bande dessinée. Nous travaillons d’ailleurs actuellement avec un bédéiste sur un projet satellite. Pour le reste, nous aspirons toujours au mieux : anarchie et liberté, amour et paix, respect et imagination. Là encore, c’est pour ça que nous écrivons : pour changer les choses. Merci pour vos réponses Mathieu et Joël. Merci à toi.

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Tic-tac (Damien Lopez) Au sang à nos tempes, Mon cœur dans l’oreille Qui comme un tic-tac, Un tic-tac incertain Ne rafraîchit que l’heure, L’heure où Pimpante la Mort Viendra me chercher, Comme on vient chercher L’enfant à l’heure des mamans. Ce chair tic, Ce chair tac En mon auditivité Conquiert mon corps En sa totalité. Cette chair tic, Cette chair tac ! Battent mes doigts, Battent mes paupières, Battent ma verge et tous mes nerfs. Friction des embouteillages Dans mes veines autoroutes Et départementales capillaires. Chair mécanique Qui sans ressort Fait off ! Terrifiante horloge bruyante Comme s’égrainent Les poussières Jusqu’à l’atome. Mais qui console D’être las, Encore là. Ce chair tic, Ce chair tac, Chair mécanique ! 38


Vert Ciel (Damien Lopez) Vivez d’amour Même si les étoiles avancent à reculons Cummings

Tiphanie vit des images défiler, des idées en vrac sans pouvoir les contrôler. Elle ne pouvait ni parler ni bouger. Elle réfléchissait, mais pas comme d’habitude. Là, ses pensées lui tombaient dessus. Elle vit des images de la veille et de l’avant-veille. Sa vie, des mots et la télé s’entrelaçaient. Son père qui fait la cuisine et Lagaf’ qui imite le singe. Elle ne comprenait rien mais elle était sereine, presque béate… les gens lui souriait. Elle était forte. Puis une question se pointa : Quelle heure est-il ? Tôt ou tard ? Sûrement tard ! Pour Tiphanie, il était toujours trop tard. Elle resta un moment ainsi sans rien faire. Puis elle ouvrit les yeux ou du moins elle le crut. Devant elle : vision d’horreur. Le chaos ou peut-être le néant. Des formes souples, des angles cassants, des ombres, un rai de lumière et un point rouge intense comme un œil s’enchevêtraient. Son crâne la fit souffrir et ses paupières semblaient percées de deux clous. Ces formes et ces ombres étaient inertes comme l’araignée qui simule. Elle se dit qu’on lui en voudrait si elle bougeait, alors Tiphanie ne bougeait pas. Elle se focalisa sur les semblants de lumière : le rai et le point. Le premier avait des tons changeants, comme un soleil étouffait par des nuages gyrovagues. Puis un klaxon au loin. Des chiens qui aboient. Et tout lui parut plus clair. L’œil rouge était simplement la diode de sa chaîne hifi. Le rai de lumière était la lumière du jour filtrant sous sa porte ; son père avait dû ouvrir les volets en grand. C’est qu’il était tard. Les angles étaient les murs, la porte, le bureau et l’arête de son nez. Elle se souvint alors qu’elle ne s’appelait pas Tiphanie…mais Muguette. Oui, son père avait décrété un jour que toutes les femmes devaient porter un nom de fleur. Elle fut ainsi affublée d’un prénom printanier. Son prénom expliquait en partie le dégoût de sa propre personne. Il suffisait qu’on l’évoque, pour qu’elle sente tout le ridicule qu’elle supportait. Muguette, donc, enfila ses pantoufles et sortit de sa chambre. Le soleil tapait déjà fort dans le salon. Sa main en casquette, elle se traîna jusqu’au canapé et alluma la télé. Elle fut d’emblée dépitée par une formidable pub chantant l’efficacité de certaines truelles. Elle poussa un long soupir le temps de se rendre jusque dans la cuisine. Elle y trouva un mot de son père, jeté sur du post-it. « Muguette, il est 11h, tu dors toujours, j’y vais. Tu as du courrier sur la commode. Biz ». Elle froissa le papier, qui tomba directement à ses pieds. Le courrier ne l’affligea pas plus. C’était des lettres de refus pour différents emplois. Ce n’était pas les premières et elle commençait à se plaire dans son inaction chronique. Elle rafla une maigre pitance qui traînait dans la cuisine. Un verre d’eau et un paquet de Curly entamé.


Elle rafla une maigre pitance qui traînait dans la cuisine. Un verre d’eau et un paquet de Curly entamé. Vautrée sur le canapé, à l’envers : les pieds au sommet du dossier, la tête rouge pendante à quelques dix centimètres du carrelage, elle zappait de la main droite, et attrapait des Curly de sa main gauche, qu’elle portait à ses lèvres salées. De temps en temps, elle s’étirait et se grattait de façon animale. Elle finit par tomber malencontreusement sur les informations. C’était un brouhaha informe qui méritait que Muguette s’y attarde. Elle revivait vaguement son réveil angoissant. La présentatrice échevelée hurlait dans son tailleur. Des techniciens couraient dans tous les sens en se griffant le visage. Muguette interloquée se demanda ce que pouvait bien être ce sacré bordel. Dans l’imbroglio vociférant de sa télé, elle crut comprendre qu’il se déroulait en ce moment même une catastrophe naturelle. « Ah ! Ces punitions divines ! » S’amusa-t-elle. Devant l’amplification chaotique régnant sur le plateau, elle finit par éteindre la télé. Elle s’attendait à ce que ses oreilles retrouvent un peu de tranquillité mais un grand fatras était perpétué dehors, dans la rue. Elle ouvrit la fenêtre, et devant elle se rejouait la scène du journal télévisé. En pire sans aucun doute. Les voitures se télescopaient dans tous les sens. Les hommes et les femmes, passants de toute espèce pleuraient d’effroi et de panique en implorant le ciel. A son tour, Muguette sentit ses jambes onduler, lorsqu’elle vit ce qui mettait un tel bazar. Derrière les rares nuages essaimés, le ciel… qu’imploraient les badauds était… vert. Damien Lopez

(Cette nouvelle du poète Damien Lopez avait déjà été publiée dans le Numéro 0 de La Salamandre d’Axolotl. Nous la republions dans ce numéro 2 car elle prend une nouvelle dimension avec la thématique de ce numéro spécial « fantastique & fantasmagorie » Vert Ciel résume à lui seul le conditionnement actuel de l’être humain pour lequel même une apocalypse généralisée passe en second plan des pensées sur la routine du quotidien chaque matin. L’homme se retrouve tellement « endoctriné » par sa routine matérielle que même le jour de la destruction imminente de la Terre, des pensées indépendantes imbriquées dans le cerveau humain lui feront se demander « s’il a bien éteint le gaz en partant » ou « qu’y a t’il au programme de la télévision ce soir ? ») La rédaction 40


Descente dans l’Enfer de Dante

Portrait noir et blanc Denys Neumann

Les théologiens contemporains désignent l’Enfer comme un état et non un lieu. Le choix de l’humain libre d’être séparé de Dieu : « L’Enfer est une peine principale car résultant d’une séparation éternelle d’avec Dieu ». Pour les hommes du Moyen Âge cependant, l’Enfer était bel et bien un lieu géographique, au même titre que le Paradis ou le Purgatoire. La vision de l’au-delà est concrète. Et concernant l’Enfer, écrivains et artistes le dépeigne avec un luxe de détails morbides et sadiques destinés à épouvanter les pêcheurs. L’Enfer n’est pas une invention chrétienne, l’inspiration a été puisée dans les légendes orientales, grécoromaines et le Judaïsme. Cependant, c’est un poète chrétien, Dante Alighieri qui rédige entre 1300 et 1318, son œuvre monumentale « La Divine Comédie » dans laquelle il donne une vision des plus détaillées d’une descente aux Enfers. Les peintres de l’art romans des églises (Boticelli pour ne citer que lui) se donneront à cœur joie de représenter ce lieu de souffrances éternelles. Maintenant c’est vous que nous emmenons visiter l’Enfer physique et psychologique, chaque cercle orné d’une illustration de Denys Neumann 41


L’Enfer selon Dante est géographiquement parlant un immense gouffre comptant neuf gradins ou cercles concentriques, sur lesquels sont rassemblés les damnés selon leurs pêchés. Sa création vient de la chute de Lucifer l’Ange Déchu. Ce dernier se retrouve d’ailleurs au cœur du dernier et neuvième cercle, ses immenses ailes soufflant un vent glacé dans le gouffre infernal. Sa représentation est d’ailleurs celle du monstrueux Diable. Les artistes représentent l’Enfer sous la ville qui était censée être le centre symbolique du monde au Moyen Âge, c'est-à-dire Jérusalem. Dante précise que les cinq premiers cercles de l’enfer sont à l’intérieur d’une citée souterraine appelée Dité et les quatre autres à l’intérieur. La présence de cette cité évoque Pandémonium, la capitale des enfers. Plus les cercles sont bas, plus les pêchés sont graves et les supplices violents.

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Le Vestibule ou Ante-enfer Antichambre de L’Enfer. C’est le lieu où errent les indolents, les lâches. Ils courent nus, piqués par des nuées de guêpes et divers insectes, en suivant une bannière sans emblème. Charon le passeur, représenté par un démon aux yeux de braise vient chercher les damnés pour leur faire traverser le fleuve Achéron. Sur la porte de l’Enfer est gravé cette mise en garde : « Ô vous qui entrez, laissez toute espérance » On y entend « Mille langages divers, des cris de désespoir et de rage, d’affreux hurlements, des voix rauques ou retentissantes, dans un air éternellement sombre »

Anaesthésia - Denys Neumann

Nous vous accordons un ultime répit avant de vous laissez plonger dans les cercles infernaux. Descente, page 48


Les chroniques littéraires de Marion Le choix de Marion pour ce numéro s’axe sur trois Roman dont les thèmes et décors abordés se reportent à notre thématique fantastique. Au menu : passeur des esprits des morts, expérience psychiatrique hasardeuse sur les rêves communs et l’achat d’un vieux bâtiment qui s’avérait être un hôpital psychiatrique avec un lourd passé. Que demander de mieux ? Ou de pire ? L'histoire n'a rien d'original mais le thème me plait beaucoup et la couverture m'a tout de suite attirée également. J'ai donc découvert ce court roman avec grand enthousiasme et je ne le regrette pas, c'est une agréable surprise malgré quelques points négatifs. Eléonor a un don. Ce dernier lui permet de voir les morts et d'aider ces esprits à quitter notre monde. La tâche n'est pas si difficile, jusqu'au jour où elle rencontre Yuno, un jeune homme mort un dix avril qui ne peut pas partir parce qu'il ne connaît pas son assassin. Eléonor doit alors faire des recherches de son côté, avec l'aide de Yuno, dont elle ignore tout de son passé. Elle ignore encore dans quel engrenage elle met les pieds...

Titre : Dix avril Auteur : Mélissa Restous Editeur : Hélène Jacob Pages : 132 Prix : 12€91 Public visé : Jeunes adultes / Adultes

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Si l'histoire ressemble à la fameuse série « Ghost Whisperer » (don de voir et de communiquer avec les esprits, les aider à franchir l'au-delà...), il n'en est rien de l'intrigue. En effet, Mélissa Restous a tout de même réussi à créer son propre univers en incluant une intrigue pleine de rebondissements surprenants, de dangers imprévisibles venant de la part des esprits, ainsi qu'un fond de romance agréable à suivre. Un mélange qui ne manque pas de captiver ! L'intrigue démarre très rapidement puisqu'on en vient vite à la rencontre d'Eléonor et de Yuno. Une rencontre qui va complètement chambouler la vie de cette jeune fille, tant par cette relation particulière que par les secrets qu'entourent l'esprit du jeune homme... On ne rencontre aucune longueur tant les événements s'enchainent et poussent toujours notre curiosité à continuer.


Le point négatif va donc aux personnages. Contrairement à l'intrigue qui a été bien menée du début à la fin, j'ai trouvé les personnages un peu plats, sans réelles émotions, ou du moins, on ne les ressent pas tellement. Eléonor et Yuno sont les personnages que l'on suit le plus mais pourtant, je ne les ai pas trouvé très démonstratifs pour certaines situations. On comprend bien ce qu'ils ressentent et ce qu'ils vivent mais on ne ressent pas trop nousmême... D'ailleurs, j'ai eu plus de facilité à m'attacher à certains personnages secondaires, un peu plus creusés, qu'aux personnages principaux. Mise à part ce point négatif du côté des personnages, j'ai pris beaucoup de plaisir à découvrir cette histoire, à suivre Eléonor dans ses recherches et ses péripéties. Ce roman est un concentré d'amour, d'action, d'amitié, mêlés à une intrigue bien développée et finement exploitée. Marion

Un thriller fantastique mettant en scène un univers onirique et psychiatrique, il ne m'en fallait pas plus pour m'attirer ! Et je ne suis aucunement déçue par ce roman, même s'il est un peu trop court à mon goût. Marion Darras, psychiatre, a été appelé pour participer à une nouvelle expérience : faire des rêves de trois personnes, un rêve commun. Ainsi, les trois cobayes les plus difficiles à cerner et donc, à soigner, se voient contraints de dormir presque toute la journée, branchés à des électrodes. S'il ne se passe rien les premiers jours, c'est un vrai cauchemar qui finit par se révéler sous les yeux des psys. Plus l'expérience se renouvelle, plus les morts se multiplient sans raison évidente...

Titre : Le chemin d'ombres Auteur : Patrick Eris Editeur : Lokomodo Pages : 256 Prix : 6€50 Public visé : Adultes

Ce roman est divisé en deux parties. Dans la première, le décor est planté mais c'est surtout la psychologie des personnages que l'on découvre, aussi bien du docteur Marion Darras que des trois cobayes, et ce, tout au long du roman. Un point bien développé et prenant qui m'a totalement convaincu ! Dans la seconde partie, l'histoire fait place au fantastique et c'est un véritable cauchemar qui commence avec beaucoup de tension et de suspense. Les cobayes font face à leurs peurs dans leur rêve commun et à partir de là, impossible de prévoir ce qu'il va se passer ! Tout ce que l'on sait, c'est que ce ne sera pas joli... Certains chapitres sont du point de vue de Marion mais l'on a également les points de vue de Brian, Sandy et Kenneth, les cobayes. Un point fort appréciable pour comprendre ce qu'il se passe dans leur rêve et dans leur tête surtout ! d'approfondissement en ce qui concerne les rêves et tout ce qu'ils engendrent. Je ne suis pas déçue pour autant, mais comme ce livre se lit très facilement et que l'on est vite pris 45 dans l'engrenage, je n'avais simplement pas envie d'en


Les personnages sont l'un des points forts de ce thriller. Pour les cobayes, on a leur passé, leur folie, en détail. On sait pourquoi il se comporte de telle façon, de quoi ils ont peur et ce qui fait leur personnalité du moment. Ces descriptions sont très intéressantes à découvrir et nous plongent tout droit dans cet univers complètement hallucinant ! On a aussi beaucoup de descriptions sur Marion Darras et sur quelques-uns de ces collègues mais les trois sujets de l'expérience (et tout cet univers) m'ont tellement captivés, que je ne me suis pas vraiment attachée à elle. J'ai aimé la découvrir, la suivre, mais pas autant que les trois autres. La plume est fluide et très agréable. Ce roman se lit en très peu de temps malgré la tension qui s'en dégage. Je dirai même que l'on a envie de vite en découdre pour éviter d'y penser sans cesse et pouvoir enfin respirer tranquillement ! C'est un excellent thriller fantastique que je conseille volontiers. Aucune prise de tête, un univers fluide et mystérieux et des personnages avec une personnalité unique et imprévisible, que demander de mieux ? Extrait : « Ils déjeunèrent sans hâte. En silence. Chacun se demandait ce qui les attendait. On ne leur avait rien dit, rien du tout. Qu'ils signent le papier, on les prendrait en charge, on s'occuperait d'eux. C'était ce qu'on faisait. Il suffisait de se laisser faire. Plus de problèmes, plus de douleur, on s'habituait, c'était tout. Se laisser vivre et essayer de ne plus penser. De ne plus avoir mal. Lorsqu'on ne pensait plus, on n'avait plus mal. » Marion

Charles et sa femme Coralie visite un vieux bâtiment délabré dans l'espoir de le rénover pour en faire un hôtel. Coralie, peu convaincue à cause de l'état se fait néanmoins convaincre par son mari, même si l'intérieur n'est guère plus rassurant que l'extérieur... L'agent immobilier qui s'occupe de la visite pour ce couple, leur avoue que c'était un ancien asile psychiatrique. Pendant que Charles et l'agent visitent l'étage, Coralie préfère s'attarder au rez-de-chaussée. Elle découvre alors un carnet mystérieux : des histoires d'Amy, une ancienne patiente de cet asile, toutes plus étranges les unes que les autres...

Titre : Les contes d'Amy Auteur : Frédéric Livyns Editeur : Lokomodo (réédition octobre 2013 – Prix Masterton 2012) Prix : 6€ Public visé : Adultes

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Ça démarre fort... L'introduction est rapide mais on ressent déjà l'atmosphère de toutes les nouvelles ! Je ne suis pas habituée à lire des nouvelles mais je dois dire que j'aime beaucoup ! J'ai même préféré les courtes ici, car elles sont efficaces, il y a assez de détails et de suspense pour nous faire peur... Dans ce roman, c'est un univers rempli de créatures cauchemardesques et d'esprits inquiétants que vous allez découvrir. Ce sont d'ailleurs ces derniers qui m'ont le plus marqué. Tellement réalistes et travaillés qu'on a l'impression d'être dans l'histoire et il y a des moments où je n'en menais pas large...


Dans ce style, j'ai adoré « L'ami ». On se doute un peu de ce qu'il se trame (en comparaison avec les autres nouvelles du roman où ce n'est pas du tout le cas) mais j'étais trop absorbée dans l'histoire pour en être déçue. Je ne peux pas vous parler de cette nouvelle dans les détails, sinon je risque de tout dire et ça n'aura plus aucun intérêt pour vous. Tout ce que je peux dire, c'est qu'elle a quelque chose de spécial. Peut-être parce qu'il s'agit d'enfants et que le côté sombre associé au côté surnaturel donne un mélange triste et angoissant... Dans un autre style, « La véritable nature de l'homme » est la nouvelle qui m'a le plus touché.. Je l'ai sûrement interprété à ma façon, mais je l'ai vu comme une "caricature" de l'homme et de ce qu'il est capable de faire.. Une caricature si proche de la réalité, que ça en fait froid dans le dos... Je ne parle pas de toutes les nouvelles, évidemment, pour laisser le suspense là où il est ! Car dès que l'on commence ce roman, on ne peut plus s'arrêter... Pas tant que l'on n'a pas fini une nouvelle en tout cas. Le suspense est présent du début à la fin et l'auteur ne nous laisse guère de répit... C'est ce qui fait que c'est un excellent roman avec de très bonnes histoires qui réunies beaucoup de peurs enfouies au fond de nous... Du moins, c'était le cas pour moi et j'en ressors comblée ! Le seul point négatif que je trouverai à ce roman est qu'on ne sait pas grand chose sur Amy finalement, à part qu'elle écrivait des histoires morbides dans un carnet... Sur la couverture, on la voit avec un corps de petite fille mais avec un visage plus vieux sans que l'on sache pourquoi ni ce qui l'a amené exactement dans cet asile, à l'époque... Je pense que le but était surtout de connaître ses contes plutôt qu'elle mais tout ça m'a rendu curieuse. Je voulais aussi parler des illustrations à l'intérieur, réalisées par Kévin Biseau, qui sont sublimes et qui reflètent bien le sujet de chaque nouvelle. Un autre point positif que j'ai trouvé très important. D'une part, la lecture en est bien plus agréable. D'autre part, ça renforce l'intrigue de chaque histoire. C'est le deuxième roman que je lis de cet auteur et c'est un univers bien différent de ma précédente lecture. Je dois dire que je préfère quand il écrit dans ce genre-là car c'est avec celui-ci que l'on se rend réellement compte de son talent, de son don. Toutes les nouvelles sont menées avec brio et aucune ne se ressemble ! Les contes d'Amy est un univers macabre et haletant qui donne la sensation de vivre...

Marion

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- Les cinq premiers cercles De l’Enfer Le premier cercle abrite les limbes, « les champs des soupirs » où séjournent les non baptisés, les justes qui ont vécu avant la venue du Christ et de nombreux philosophes de l’antiquité. Vous êtes ici au bord de l’immense cratère en forme d’entonnoir ouvert par Lucifer dans sa chute. Le supplice appliqué est une éternité sans désir et sans espérance.

The dream-devouring man - Denys Neumann

Le second cercle est le lieu de châtiment des luxurieux, ceux qui ont pêché par la chair. Ils sont projetés tels des feuilles sous une bourrasque sur les rebords escarpés du gouffre. S’y trouvent Didon, Cléopâtre, Achille… Le gardien de ce cercle est Minos (légendaire roi de Crête). La Visite - Denys Neumann 48


Le troisième cercle accueille les gourmands et les menteurs. Ils subissent une pluie éternelle ainsi que de la grêle et de la neige. Et sont dévorés par les gardiens de ce cercle que sont les Cerbères, monstres ailés à jambes de bouc et corps de chien. Inspirés de Cerbère, le chien à trois têtes du dieu grec des enfers : Hadès.

Street Art - Paris

Le quatrième cercle regroupe les avares et les dépensiers. Ils s’entrechoquent dans une danse infernale et sont enfermés dans leurs excès. Le gardien y est Pluton (nom romain de Hadès) dieu mythologique des enfers.

Reflets d’ombre Denys Neumann

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Le cinquième cercle (le dernier à l’extérieur de la cité souterraine de Dité) est celui des colériques et des indifférents. Ils s’entre-mordent en pataugeant dans les marais du Styx. Le gardien est Phlégias, démon cornu et ailé

Portrait - Denys Neumann

Vous n’avez vu que les pêchés et les tourments les moins graves, vous n’êtes qu’à mi chemin. Le pire reste à venir dans les quatre derniers cercles de l’Enfer dans la cité de Dité, bordée par le Styx, entourée de murailles de flammes sur lesquelles grouillent les démons et hurlent les furies. Préparez vous à passer les portes du Pandémonium, page 64.

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Vanessa et Diana Callico « La Croisade des Carpates »

Il est honnête d’avouer ses erreurs, ma première idée du Roman « la Croisade des Carpates » ne m’avait guère emballé. Son résumé de l’intrigue au dos du Roman m’avait donné l’image d’un énième ersatz de Roman fantastique historique. Erreur de ma part ! Grosse Erreur ! A laquelle je m’excuse auprès des Auteures fille et mère : Vanessa et Diana Callico. Car ce qui fait à mes yeux la beauté et l’originalité de ce Roman fantastique, c’est son envoûtante écriture. L’on plonge réellement dans un songe apocalyptique encore inédit au cœur d’âmes tourmentées. L’histoire est celle d’une étudiante en littérature, Eva, dont la banalité de la vie accroit sa passion pour le symbolisme apocalyptique dans les croyances humaines. Dans un monde contemporain pris par surprise par des catastrophes qu’on oserait nommer divines, Eva se retrouve poussée dans une faille volcanique tel le sacrifice rituel d’hommes possédés. Au lieu de mourir, l’étudiante se retrouve dans le corps d’Iliona, jeune aristocrate du XVème siècle promise à Vlad Drakul, le tristement célèbre prince de Valachie. Un XVème siècle violent où des événements apocalyptiques semblent également émerger. Ainsi débute la quête fantastique imposée à Eva. Vous pensez avoir saisi tout le contenu de ce livre suite à ce résumé ? Faux ! La Croisade des Carpates est un roman qui a le talent de surprendre son lecteur à chaque début de nouveau chapitre. Tout y est inattendu dans la trame de chaque chapitre, à l’image 51


l’image de l’univers dans lequel évoluent les personnages. Comme eux, l’on avance de questionnements en questionnements, comme Eva, il nous faut arriver à comprendre, à se remettre en phase avec une époque si différente de la notre. A chaque début de nouveau chapitre, vous serez perdu et ce n’est que le talent d’écriture de Vanessa qui vous fera office de guide. Vous ferez des rencontres d’être si incroyablement surprenant de malignité que le seul individu auquel vous vous raccrocherez avec une certaine confiance sera le prince Drakulea et vous en oublierez sa si mauvaise réputation littéraire et historique. Une sensation surprenante et très rare même dans l’univers du fantastique. Vous ne sortirez jamais blasé de la lecture de ce roman, car vous serez en totale immersion !

Bonjour Vanessa et Diana, la première question de toutes nos interviews est récurrente : Présentez-vous comme vous voulez : Bonjour ! Je m’appelle Vanessa Callico, j’ai vingt-quatre ans et je suis écrivain et musicienne professionnelle. J’enseigne en conservatoire et je suis soliste de musique de chambre au sein du trio Arpeggione. Ma mère Diana Callico est née en 1959 dans le sud du Chili. Après avoir vécu au Venezuela, elle a étudié en école de commerce et travaillé en France comme ingénieur pour une entreprise pétrolière internationale. La Croisade des Carpates est le premier roman que nous écrivons. Vous avez toutes les deux écrit un Roman historique fantastique « La Croisade des Carpates » où Eva, une jeune étudiante en littérature au 21ème siècle est poussée dans une faille par le linguiste Perti (qui est en réalité bien plus que cela mais je n’ai pas le droit de le révéler) et, au lieu de mourir, voit son esprit projeté au 15ème siècle dans le corps d’une aristocrate qui va devenir la promise du célèbre Vlad Drakul. J’ai alors deux questions : côté fantastique, qu’est ce qui vous a inspiré à inventer ce procédé de réincarnation antérieure ? Côté historique, pourquoi ce choix des Carpates, Transylvanie et plus particulièrement la Valachie, Comté de Vlad Drakul ? Lorsqu'on est passionné par l'Histoire, on rêve toujours de pouvoir traverser le Temps ! Et la peur de la mort est vivace en chacun de nous : cette possibilité qui s'offre au personnage d'Éva de vivre au travers du corps de ces femmes qui subissent les périodes les plus troublées de leur civilisation lui permet de continuer à vivre. Et ainsi de découvrir « aux premières loges » ces terribles instants tout en cherchant les Cavaliers de l'Apocalypse. Le personnage historique Vlad Drakul, à l'origine du célèbre vampire Dracula, a été à l'origine du choix de cette première période historique. Nous trouvions cela dommage qu'il reste aussi méconnu derrière sa fascinante postérité aux dents longues et avons souhaité que le lecteur le découvre en même temps qu'Éva dans toute sa richesse et ses contradictions. N'a t-il été qu'un bourreau sanguinaire, ou le défenseur de l'Europe face à l'empire Ottoman?

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Titre : La Croisade des Carpates Auteur : Vanessa et Diana Callico Editeur : Asgard

Dans ce roman, Eva semble mandatée malgré elle pour une quête qui la dépasse (encore une fois je ne peux rien révéler), elle se laisse attirer par ce manipulateur de Xavier Perti, mais en atterrissant au 15ème siècle, elle reprend les rènes en main même auprès d’un être comme le Comte Drakul. Avez-vous voulu montrer chez cette héroïne un exemple de volonté afin de reprendre en main son destin ? Tout à fait. Au début du roman, Éva est une étudiante banale, cernée par l'ennui et la médiocrité de son quotidien, en souffrance dans son couple. Sa manière de résister est celle d'étudier malgré tout un sujet qui la passionne : l'étude des textes sur la fin des Temps. Si lors de sa vie de tous les jours elle semble accepter les humiliations qu'elle endure, elle reste lucide et courageuse dans son for intérieur. Lorsque les évènements vont se précipiter, elle va faire le choix de se mettre en danger pour cette passion, jusqu'à se réincarner dans le corps d'une princesse promise au terrifiant Vlad Drakul. À partir de ce moment là, elle va effectivement reprendre sa vie en main et assumer ses décisions avec courage. Sans aller jusqu'à se réincarner au XVe siècle, nous avons tous un peu d'Éva en nous. Comme elle, nos choix sont à l'origine de notre destin. Vous vous êtes grandement documentées sur la région des Carpates au 15ème siècle, après la prise de Constantinople par le sultan ottoman Mehmed II. Sur l’enfance de Vlad Drakul. Vous êtes vous documentées uniquement par des livres ou en voyageant dans ces régions ? L'idée même du livre nous est venue lors d'un voyage en Turquie, alors que nous discutions en sortant de la basilique Sainte Sophie d'Istanbul (anciennement, Constantinople.) Durant la visite, le guide nous avait expliqué qu’elle avait été prise en même temps que la ville par le sultan Mehmed II en 1453. J'étais donc en train de raconter à ma mère son terrifiant conflit avec Vlad Drakul. 53


Toute ma famille a toujours été friande d’anecdotes historiques ou mythologiques… surtout lorsqu’elles sont horribles ou sanglantes ! J’ai donc raconté que le voïvode avait érigé un mur de prisonniers empalés tout le long de sa frontière afin de protéger son peuple de l’invasion ottomane. Il a été dans les premiers de l’Histoire à comprendre l’immense pouvoir politique de la peur. Ma mère a alors affirmé que ce personnage historique méritait bien un livre. Et c’est comme ça que tout a démarré… Afin d'ancrer le roman dans du réel, nous avons principalement lu des ouvrages d'historiens spécialisés sur les personnages clés du livre : Vlad Drakul, et bien entendu son meilleur ennemi, le sultan Mehmed II. « La Croisade des Carpates » est le premier roman d’une série où Eva va continuer à voyager à travers les époques et les continents. Pouvez-vous déjà nous révéler les prochaines destinations ? Nous sommes actuellement en train de terminer le deuxième volume de la trilogie. Cette foisci, Eva va se retrouver dans le corps d’une prêtresse aztèque de Moctezuma, peu avant l’arrivée des espagnols de Cortés. Prise au cœur de ce terrible événement politique qui va peu à peu dégénérer en un massacre sanglant, elle cherchera désespérément le moyen de retrouver son amour perdu, Vlad Drakul, tout en poursuivant sa mission de Messagère de l’Apocalypse. De l'aventure en perspective !

Ces romans qui sont de véritables voyages géographiques et temporels traduisent-ils votre soif de découverte et connaissance ? En écrivant ces livres, nous sommes les premières à nous cultiver sur ces périodes de l'Histoire ! C'est pourquoi nous ne choisissons que des périodes qui nous passionnent... Les romans permettent de transmettre un condensé des actions les plus intéressantes, captivantes, drôles et émouvantes de ces époques dangereuses. Et cela fait toujours des éléments réels que le lecteur retient sur ces évènements tragiques des civilisations humaines.

Quelles sont vos inspirations dans la littérature fantastique ? Tout d'abord, les classiques Maupassant et Bram Stoker. Puis Anne Rice, Stephen King et les grands maîtres de la science fiction. C'est la base de notre bibliothèque familiale!

Ligne 8, l’heure dite de pointe, celle des usagers fatigués qui rentrent après le travail. Ils n’aspirent qu’au repos et au calme après une journée dans la capitale bruyante ! Malheureusement, pour les passagers de l’avant dernier wagon, ils durent subir les paroles fortes et insipides de deux jeunes filles, deux jeunes lycéennes à vu d’œil ! Ces filles, pas très féminines soit dit en passant, parlaient entre elles avec un ton et des expressions dignes des jeunes Tout ça pour dire que, bien que parlant de manucure, ces deux jeunes filles faisaient beaucoup plus peur 54 que leurs homologues masculins qui parlent de drogue d’arme à feu, de racket ou encore de braquage !


Vanessa et Diana, s’il vous arrivait la même aventure qu’Eva, dans quelle époque et endroit aimeriez vous vous retrouver ? Et à contrario, dans quelle époque et endroit n’aimeriez vous surtout pas vous retrouver ? Tout dépend de la situation sociale, culturelle et familiale du corps dans lequel on se retrouverait. La pire des périodes n'empêche pas une certaine sécurité et joie de vivre, alors que l'époque la plus florissante serait néfaste si l'on était dans la précarité la plus terrible. Tout dépend du contexte de réincarnation! D’autres séries ou livres de prévus en dehors de « La croisade des Carpates ». D'abord, finir la trilogie des voyages temporels d'Éva et de Vlad Drakul ! Ensuite, pourquoi pas un thriller historique... les idées ne manquent pas!

Comme vous écrivez à deux, je suis curieux de connaitre votre procédé d’écriture. En clair, laquelle des deux trouve les idées les plus extravagantes pour ces histoires fantastiques ? En réalité, nous inventons l'histoire des romans à deux, mais il n'y a qu'un personne qui tient la plume (moi, Vanessa) pour des questions d'unité de style. Ma mère et co-auteur Diana Callico en est bien entendu la première relectrice! Pour les idées, souvent celles qui sont retenues proviennent de longues heures de discussions entre nous, alors il est difficile de savoir qui en a émis la possibilité la première... Ce qui nous intéresse, c'est que ce soit la péripétie la plus intéressante pour le roman. Après, en ce qui concerne spécifiquement les idées les plus dégoûtantes et étranges, si elles ne proviennent pas directement des faits historiques, il faut tout de même admettre qu'elles viennent assez souvent de moi...! (Ton de la plaisanterie) Et cela se passe-t-il bien ? Pas trop de désaccords ou disputes ? Cela se passe très bien, sinon nous ne pourrions pas écrire ensemble! Nous avons toujours eu une aptitude très développée à parler de tout et n'importe quoi pendant des heures, cela aide ! Nous avons beaucoup d'imagination et en plus les rôles sont strictement établis. Si jamais il y a un désaccord, nous en discutons jusqu'à trouver une solution que l'une et l'autre trouve bien meilleure que les deux propositions initiales. Après tout, notre but est commun : que les romans soient les plus riches et intéressants possibles. Vous avez d’autres projets artistiques en commun ou individuellement ? Littéraires ou autre (Je sais Vanessa que vous êtes aussi musicienne professionnelle). Côté musique, je joue de la flûte traversière au sein du trio Arpeggione et me produis souvent en concert dans différentes formations. Étant également professeur de conservatoire, un grand projet personnel est que les élèves qui sont sous ma responsabilité progressent le mieux possible dans leur apprentissage artistique! Sinon, nous avons plusieurs passions communes, comme la danse (classique, orientale, jazz, latino) ou encore le sport que nous pratiquons ensemble à haute dose! Mais nos projets culturels communs sont principalement l'écriture.


Êtes-vous satisfaites de l’accueil réservé à votre roman de la part des lecteurs ? Nous ne nous attendions pas à un tel succès et nous sommes très reconnaissantes à nos lecteurs pour cette belle surprise! Un deuxième tirage de La Croisade des Carpates est en cours, le premier étant presque épuisé après seulement 6 mois. C'est l'une des meilleures ventes de notre maison d'édition, (les éditions Asgard), et la page facebook du livre totalise déjà plus de 3000 « fans ». Cette page permet d'être au courant de toutes les nouveautés concernant le roman : https://www.facebook.com/LaCroisadeDesCarpates

Après avoir côtoyé « littérairement » le personnage, considérez-vous toujours Vlad Drakul comme le tyran sanguinaire tel que la légende l’a décrite ? Éva, qui le côtoie « en vrai », finit par tomber sous son charme et comprendre pourquoi il a agi ainsi. Nous partageons son point de vue sur ce personnage décrié qui n'était ni plus ni moins terrible que les dirigeants de cette époque dans cette partie du monde. Il nous a conquises!

Que conseillerez-vous à de jeunes romanciers qui se lancent dans l’univers des romans fantastiques ? Et comme je peux spécialement à vous poser cette question : quel conseil particulier donneriez vous à un parent et son enfant qui veulent entreprendre un projet créatif ensemble ? Nous leur conseillons d'y croire. Notre manuscrit a été tout simplement envoyé par la poste et nous avons eu la chance qu'il soit sélectionné par les éditions Asgard qui ont cru en l'avenir du texte. Il ne faut pas hésiter à rencontrer les auteurs et les éditeurs lors de salons et de dédicaces, et persévérer dans son écriture. L'on écrit d'abord pour soi. Ensuite, pour des projets en commun entre un parent et un enfant, il faut bien définir les rôles en rapport avec les points forts de chacun, chercher une certaine complémentarité. Il faut aimer parler ensemble et partager des passions communes!

Enfin, Vanessa et Diana, quel est votre rêve ? Notre plus grand rêve serait que nos personnages vivent longtemps dans l'imagination de nos lecteurs!

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La rétrospective d’un Freaks Show

Hantise Habile fut une exposition qui eut lieu en Août 2013 à la salle d’exposition « La terrasse des Arts » du Cannet (06). Réunissant les dernières créations de l’Artiste Plasticien Christophe Pelardy (dont nous avions déjà présenté le travail sur les portraits hybrides dans un article du Numéro 0 du magazine), et des créations et la mise en scène de la chanteuse Eleni. (www.monpetitcauchemar.com) Une exposition de Freaks digne d’une foire au monstre de cirque du dix-neuvième siècle, renforcé par la performance de la danseuse « Bonbon » lors d’un vernissage haut en couleur et joyeuse extravagance. L’exposition Hantise Hybride constituant un réel Ovni de performance artistique sur le 56 bassin méditerranéens, notre magazine vous en présente la rétrospective.


« Dans un petit village paisible où il ne se passait jamais rien, vint un jour une roulotte de cirque….»

« Trois individus en sortirent, Eleni la chanteuse mélancolique, Bonbon la danseuse extravagante et…… Pelardy le montreur de monstres. » 58


« Voyez ces visages mesdames et messieurs….. Et remerciez le ciel pour votre bonne fortune ! »

« Pustulle » Le monstre de Vichy Il était une jeune fille, qui vivait seule avec son père dans une roulotte. Cette jeune fille a eu des relations charnelles avec leur seul compagnon de route…Un singe. Voyez vous où je veux en venir bonnes gens ? Le fruit de cet accouplement donna naissance à un être anencéphale (absence de cerveau), avec une déformation physique des plus horribles, bras déformés, yeux disproportionnés ! Le médecin accouchant la jeune fille certifia que l’enfant décéda au bout de quelques minutes.et le corps du phénomène fut embaumé. 59


« Monsieur Bulle et Big Daday Cervella L’on a souvent cru que nous étions seuls dans cet univers, encore une certitude typiquement humaine qui se retrouve ébranlée. « Le bébé cyclopède » Tel fut surnommé cet enfant hybride par le docteur chargé d’étudier son cas lorsqu’il fut retrouvé un soir devant la porte d’un orphelinat. Aussi incroyable que cela puisse paraitre, il n’est pas exclu, selon certains scientifiques, que cet enfant fut le fruit d’un accouplement humain-extraterrestre. On ne saura jamais la vérité sur ce cas vraiment particulier

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Howard dit « Le Cthulhu » Cthulhu est un monstre humanoïde gigantesque possédant une tête de seiche ainsi que des tentacules de pieuvre et des ailes semblable à celle d'un dragon1. Il est présenté comme un « Grand Ancien », ce qui en fait l'équivalent d'un dieu extraterrestre millénaire. d'Howard Phillips Lovecraft, né le 20 août 1890 et mort le 15 mars 1937, est un écrivain américain connu pour ses récits d'horreur, fantastique et de science-fiction.


« La mamie morlock »

Les Morlocks sont un groupe de créatures mutantes vivant sous terre. Créés par l’auteur H.G. Wells dans son Roman « La Machine à explorer le temps ».

« Gatsby L’horrifique »

Bill Durks est née aux Etats Unis en 1930. Son aspect représentait deux faces dans la même boite crânienne et non deux têtes sur un seul cou.

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Pascal Pinon Un parfait phénomène de tête parasite sur son crâne qui ouvre et ferme la bouche tel un poisson. La tête parasite peut également voir. Mais dans quel cerveau les informations transitent-elles ?


- Les quatre derniers cercles de l’Enfer avant Lucifer De l’Enfer Le sixième cercle, premier accès du bas Enfer. Ici sont torturés les hérétiques et les coupables de « bestialité ». Les damnés brûlent couchés éternellement dans des tombeaux enflammés. Ici règnent les Furies, femmes démons coiffées de serpents (inspirées de la Gorgone Méduse dans la mythologie).

Oneiros - Denys Neumann

Au septième cercle, gardé par les Minotaures, les violents et les fraudeurs sont tourmentés par les flèches de trois centaures avant d’être plongés dans un fleuve de sang bouillant. Les suicidés y sont transformés en arbres dont les harpies dévorent les feuilles. Les blasphémateurs subissent une pluie de feu dans une étendue désertique brûlante au côté des intellectuels dévoyés, des sodomites et des usuriers. 64


Arrive la descente du huitième cercle, le Malébolge (les fosses maudites). Ce « cercle des trompeurs » est divisé lui-même en dix vallées concentriques ou fosses. S’y trouvent les séducteurs, fouettés par les démons, les flatteurs, plongés dans une lie pestilentielle, les simoniaques pendus la tête en bas et les jambes léchées par les flammes, les devins et sorciers qui marchent la tête à l’envers, les corrompus qui sont plongés dans une marre de poix bouillante, les hypocrites couverts de chape de plomb, les voleurs enfermés dans des fosses remplies de serpents, les mauvais conseillers livrés au feu, les semeurs de troubles coupés en deux à la verticale, charlatans et faussaires couverts de lèpre, alchimistes, faux monnayeurs et menteurs, perpétuellement torturés au fouet. S’y trouvent comme résidents célèbres : l’empereur Constantin, certains Papes dévoyés, Ulysse, les juges du Sanhédrin qui ont condamné Jésus.

He descended to the dead - Denys Neumann

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Au-delà du « puits des Géants » On atteint l’ultime cercle, le neuvième. Celui des traîtres, à leurs parents (Brutus), à leur Patrie (Cassius), à leurs hôtes (Ptolémé XIII), à leurs bienfaiteurs (Judas). Ce cercle est couvert d’un lac gelé, les glaces du Cocyte et retient prisonnier les damnés suppliciés par le froid. « Voila Dité (Lucifer)….Il faut t’armer de courage, l’empereur du royaume de douleur émerge du glacier » C’est un géant, porteur de trois paires d’ailes de Chauve-souris gigantesques et trois têtes. Un premier visage rouge, un deuxième livide et un troisième noir. Dans sa triple gueule le monstre mastique entre ses dents Judas, Brutus et Cassius. C’est à ce moment là qu’il faut passer dans le dos du Diable, s’y accrocher pour remonter et sortir de l’Enfer et de son « atmosphère de mort ».

Pandemonium Denys Neumann

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Bientôt les mouches (Giovannoni Julien)

Musca Primogène De Dipteria Da Vinci

Le véhicule à moteur de Guy de Horla arpentait avec puissance et fierté le chemin de terre accidenté des collines séparant la commune du Cannet de celle de Vallauris. Le bruit fracassant du moteur effrayait d’innocentes poules, égarées dans ce chaud pays provençal qui affichait avec fierté des planches de culture d’orangers. La Ford année 1908 était flambante neuve, tout juste sortie des chaines de construction outre atlantique et acheminée par bateau depuis l’Amérique jusque dans ce bon vieux pays des superstitions ancestrales. Le « Tacot » (puisque ce véhicule sera, bien plus tard, surnommé ainsi), faisait la fierté de son conducteur et propriétaire. Guy de Horla fut dans sa jeunesse un « Bourgeois aventurier », un rentier recherchant l’aventure et la découverte de par le monde. D’ailleurs, au grand dam de son milieu social, à cinquante ans bien vaillant, il laissait pendre longue barbe et touffus cheveux blanchis, et portait le blouson de cuir des baroudeurs. Il adorait la sensation de vitesse que lui procurait la Ford, la seule petite coquetterie dont il osait se plaindre était qu’on n’eut pas encore, à cet époque des balbutiements de l’automobile, inventé le pare brise. Cela l’aurait empêché de se recevoir dans la figure ces satanées mouches « musca domestiqua » qui pullulaient dans cette chaude région de l’extrême Sud-est de la France. Maintenant que la présentation pompeuse est achevée et que le décor extérieur du personnage fut clairement établi, osons nous occuper du décor intérieur de Guy de Horla. Car notre homme avait un passé et un esprit empli de lourds et funestes présages.


Depuis très jeune, sans savoir où et quand cela se manifesterait, il savait sans pouvoir en expliquer la raison qu’une menace se préparait sur la civilisation des hommes, une abominable et cauchemardesque appréhension digne de la plus cruelle démence. Les longues mémoires de la grande histoire humaines s’effaceront un jour prochain, il en était persuadé, le début de la fin serait pour bientôt. Ce fut sans doute pour fuir ou précipiter ces effroyables prévisions que Guy de Horla passa sa vie à voyager de par le monde, à la recherche d’une vague réponse ou d’un signe. Je ne me moquerais pas de votre intelligence, chers et chères lecteurs. Vous avez très bien compris que si j’ai abordé ces curieux détails, c’est parce que la triste réponse aux questions de Guy de Horla sera révélée dans l’histoire qui vient. Quel autre intérêt y aurait-il eu à vous raconter le voyage sans but d’un vieux bourgeois dans une région d’honnêtes cultivateurs d’orangers où il ne se passe, en temps normaux, pas grand-chose ? Je ne fais donc pas appel à votre sens de la déduction, mais à votre patience. Tout commença par une très chaude journée de la fin du mois de Juin 1908, à Les Costes, petit hameau situé sur la route traversant les collines entre les communes de Le Cannet et Vallauris, une des direction pour joindre Nice, nouveau chef lieu de la région depuis le rattachement à la France. Certains chroniqueurs diront qu’il faisait étrangement chaud ce jour là. Intrépide sous son chaud blouson en cuir, Guy de Horla, excédé par les mouches qui heurtaient son visage, arrêta son « chariot mécanique » et entra en quête d’un peu de fraicheur dans une taverneauberge de passage. Lorsqu’il entra droit, les mains dans les poches, nul ne fit attention à lui, car tous les fiers travailleurs provençaux attablés dans la taverne étaient passionnés et quelque peu hilares dans de grandes et fortes conversations. Un grand gaillard, moustachu « à l’italienne » disait tout haut : — Moi, j’dis qu’il faudrait faire quelque chose les amis ! Cela fait maintenant trois de nos gars qui ont disparu, et en moins de deux semaines…Eh ben, p’tetre que je suis un sentimental, mais je trouve ça inquiétant, tu ne trouves pas Maurice ? Le Maurice en face de lui se sentait bien sûr concerné, mais pas lorsqu’il hélait le patron de taverne pour qu’il leur remette un petit coup de liqueur. Sans déranger personne et restant discret, Guy de Horla se rendit jusqu’au comptoir et commanda un verre de vin rosé en posant ses sous. Derrière lui, à la table de « l’Italien », Maurice et d’un autre gaillard à béret, Le Léon, la discussion continuait : — Eh, ben moi, J’pense pas que ce soit des histoires de sorcières et de revenants comme qu’y disent les anciens, ça tient pas debout votre affaire ! Tout est simple, les gars disparus c’étaient des jeunes et des feignants, qu’en ont eu assez d’la campagne et y sont partis vers la grand’ ville ! Bon Dieu, c’est tout d’même pas la première fois qu’ça arrive non ? « L’Italien » n’était guère convaincu : — Non Maurice, c’étaient de bons gars, ils nous l’auraient dit ! Seraient pas partis comme des voleurs. Y’a autre chose là-dessous ! C’est dans ces maudites collines qu’ils ont tous les trois disparus, en allant s’occuper des planches de culture les plus hautes…Vers la maudite tour de ce château d’eau….Ca prouve quelque chose non ? — Et pis, enchaina le Léon, y’a aussi ces drôles de bêtes qui volent, y parait qu’on les voit sans cesse tourner autour du château d’eau. Un peu comme s’ils le gardaient. Parait qu’y a personne qui garde ce château d’eau, moi j’ai pas vu, mais suis sûr qu’il y a quelqu’un ou quelque chose de pas très chrétien là bas !

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— Moi, j’les ai vus ! C’étaient les mouches ! — Toi ? L’Corse ? S’étonna « l’Italien » en se retournant vers le nouveau venu, un homme ivre et titubant avant même d’entrer dans la taverne. Aux rires partagés et entendu de tous les clients à l’exception de Guy de Horla. Celui qui était surnommé « L’Corse » devait être le poivrot du coin. Il s’assit avec difficulté à leur table et entre deux hoquets, affirmait ses propos : — Oui…..Moi parfaitement ! J’m’occupais des cultures tout là hauts sur la colline…Même qu’y en avait plusieurs, des gars à têtes de mouches….des gueules toutes noires avec d’énormes yeux….de mouches….C’tait bien rigolo…. — Sans blague ! — J’vous l’dit comme j’les ai vus….Y faisaient une promenade sur la colline….Mais attention hein…Faut l’répéter à personne d’accord. C’t’un secret entre le vieux René et moi….Parce que c’est dangereux, ces mouches sont des démons. Et quand il fait très chaud comme ça, c’est d’leur faute, c’est eux qu’y provoquent ça, parce qu’ils aiment la chaleur là haut ! — J’pari que l’vieux René, il voit beaucoup de mouches devant ses yeux ! Rigola « l’Italien ». — Et les trucs que vous dites qu’y volent là….Ce sont leurs prisonniers, ils les ont transformés en quelque chose d’autre…Et nous tous on s’ra pareil à eux un jour. Comme des mouches, avec des ailes pour obéir aux chefs des hommes-mouches, ouais ! Hilarité générale dans la salle. L’Corse se lève, levant un doigt tremblant en guise d’avertissement. — Faut pas rigoler avec ça….Vous vous rendez pas compte qu’ils vont prendre notre place, nous anéantir….L’vieux René, il sait lui….Elles ont des pouvoirs les mouches…Elles attendent leur heure…Elles veulent ce monde…Attention Dans l’indifférence générale, Guy de Horla finit son verre et ressorti de la taverne. Juste avant de passer la porte, il se retourna sur l’Corse qui titubait vers le comptoir : — Attention, attention, quand on ne croit pas, on se fait avoir….Moi je bois tout le temps un coup parce que l’haleine d’alcool ça fait fuir les mouches….. Dans un éclat de rire, « l’Italien » criait tout haut : — Et dire que l’vieux René paye celui là pour s’occuper de son champ…Faut pas s’étonner si y’a plein de mouches, avec tous les fruits murs qu’il doit laisser pourrir, ah, ah, ah… Mis à part le patron de la taverne qui lui avait servi son verre de rosé, nul ne remarqua Guy de Horla lorsqu’il en ressorti. « Allez mon vieux Guy, on reprend la route pour Nice » Il s’installa sur le siège conducteur de son tacot après avoir tourné la manivelle pour faire démarrer le moteur. A chaque redémarrage du moteur, il avait toujours cette appréhension que son véhicule mécanique ne reparte pas. Il put partir sans problèmes cependant, malgré le bruit, il n’y avait aucune âme dans la rue unique et ensoleillée de Les Costes. Seule une vieille dame, une ancienne, le regarda avec curiosité depuis sa maison, derrière la vitre et à moitié cachée par les rideaux. Le chemin de terre sèche montait jusqu'à ce qu’il atteigne un croisement au niveau d’une petite chapelle qui siégeait seule au milieu de hautes herbes. Avançait alors un vieux berger au crâne dégarni, qui promenait quatre ou cinq cochons. Le vieux n’était pas très expressif mais il se figea lorsqu’il vit le Tacot s’arrêter à côté de lui. — Dites moi, mon brave. L’interpella Guy de Horla. Le plus court chemin jusqu’à Vallauris puis « Nizza la belle » c’est bien le chemin qui monte ? Le vieux tendit l’oreille puis répondit de sa bouche édentée : — Oui, parce que la route qui descend, elle va nulle part, elle finit dans un vallon. Faut passer par les collines. Mais par la Sainte Vierge, n’allez pas dans ces lieux maudits ! Ne vous attardez pas sur les collines monsieur, fuyez vers la côte ! — Désolé l’ami, mais cela ne me ferait perdre que trop de temps. Merci pour votre renseignement, adieu

mon brave.


— Désolé l’ami, mais cela ne me ferait perdre que trop de temps. Merci pour votre renseignement, adieu mon brave. A moitié dans l’ombre du petit clocher, le vieux lançait à Guy de Horla, un regard lourd de signification : — Croyez en le vieux René monsieur, fuyez l’abomination qui vit dans le château d’eau ! Et prenez garde, les mouches, quand on les entend, c’est trop tard, et elles sont plus rapides que n’importe quel être vivant ! Par quelle indicible incrédulité et par quelle inconscience folle, Guy de Horla, qui savait pourtant qu’un malheur se profilait à l’horizon, décida-t-il d’emprunter ce tortueux chemin boisé des collines malgré toutes les inquiétantes rumeurs à son sujet ? On ne le saura probablement jamais. Mais tandis que les grands arbres en bordure du chemin de terre mal débroussaillé lui cachaient à chaque virage la vue sur la continuité de sa route, à un moment bien précis, son véhicule commença à charrier de la poussière depuis la terre sèche. C’étaient d’effroyables courants de poussières qui balayaient la colline et contrariaient violement sa vision. Par prudence il fit un arrêt sur le rebord du chemin. Dans la tourmente de poussière qui s’estompait, il vit le château d’eau, trônant à un sommet des collines. Unique tour ronde en pierre, ornée à son sommet de créneaux, lui donnant des airs d’inexpugnable donjon. Les yeux rivés sur cette architecture, Guy de Horla vit émerger à son sommet un essaim de grosses créatures noires volantes qui se déployaient dans sa direction. Il sentit le danger venir, mais il était trop tard. Un ignoble bourdonnement le fit tressaillir, il eut à peine le temps de lever les yeux au ciel qu’il vit une masse noire et bedonnante, portée par des ailes vrombissantes, cette chose était informe, elle semblait avoir une tête de mouche disproportionnée d’un côté de l’amas corporel et un appendice sertie de deux yeux humains tel une paire d’antennes d’un autre côté. Guy de Horla senti une main noire, longue et osseuse l’attraper avec puissance par l’encolure de son blouson, le bout des doigts se refermant profondément dans le creux avant de ses épaules. Il souffra terriblement, les doigts serraient si fort qu’ils semblaient vouloir percer sa peau. Dans un cri d’effroi et de douleur il se vit être arraché à son siège, emporté en l’air ! Il se vit être élevé si haut qu’à la peur de sa situation, s’ajouta celle d’être relâché à cette hauteur et se briser les os en retombant au sol. Mais la chose qui l’avait pris ne comptait pas l’abandonner ainsi. Dans un bourdonnement assourdissant et des grésillements infects, on l’emmenait tel un rongeur entre les serres d’un rapace, jusqu’au sommet du château d’eau, et escortant son ravisseur, volaient d’autres êtres semblables dont il aperçut la réelle monstruosité : tout leur corps était un mélange plissé de peau humaine et de duvet de mouche. De ces anomalies de la nature, ces créatures étaient le résultat d’une fusion mal assurée entre mouches et hommes. Guy de Horla fut jeté sans ménagement au sommet de l’édifice dès que son ravisseur eut passé les créneaux, il roula-boula sur le sol jusqu'à s’en évanouir. Dans son inconscience, il ne savait plus où il était, peinant à revenir à lui, il voulait qu’on lui explique ce qui était arrivé. Il voulait des explications, il voulait savoir, il voulait qu’on lui dise la vérité….Etait-il devenu fou ? Il émergea dans une salle humide, son corps adossé à un mur de pierre en forme circulaire. Ses fesses et jambes au contact d’un sol dur mais boueux. Aucun doute, il devait être dans le château d’eau. Directement à son réveil, il entendit des grésillements, les même que ceux de son ravisseur et de ses monstrueux semblables, mais cette fois emplis d’une certaine souffrance. Il vit alors, dans la même salle close que lui, trois de ces mélanges d’hommes et de mouche se tordre lascivement sur le sol, dans des grésillements épouvantables. Ces amas de chair tordus étaient en création, sans doute était-ce les trois derniers disparus dont les soulards de la taverne avaient parlé. Leur processus de transformation en mouche n’était pas achevé et ils acceptaient bien mal le changement. « Horreur » s’écria d’épouvante Guy de Horla en réalisant que son tour pourrait très bientôt arriver. « C’est…C’est abominable ! Il leur pousse des ailes de mouche !!! Et leurs organes d’hommes se mêlent peu à peu


« C’est…C’est abominable ! Il leur pousse des ailes de mouche !!! Et leurs organes d’hommes se mêlent peu à peu dans cette mélasse noire ! » Face à ces créatures dégénérées, Guy de Horla cru à ce moment précis, perdre totalement la raison. Lorsque la lourde porte en fer qui scellait cette pièce humide s’ouvrit, il vit apparaitre cinq créatures de carnaval ! C’étaient de nouveaux hybrides hommes-mouches, mais bien différents, des corps d’hommes sans ailes, à la peau noire duveteuse et d’énormes têtes parfaites de mouches. Elles se tinrent face à Guy de Horla, l’encerclant contre son mur. Ces cinq créatures que l’on ne pouvait s’empêcher de trouver « supérieures » par rapport aux autres informes regardaient leur dernier captif de leurs énormes yeux de mouche à milliers de facettes. Les attitudes de leurs corps étaient sans équivoques, elles se frottaient frénétiquement leurs mains l’une contre l’autre, de la même manière dont les mouches se frottent sans arrêt leurs première pattes l’une contre l’autre. En vibrant des antennes, de la langue et des mandibules, elles émirent des sons qui étaient des successions de bourdonnements et de grésillements de Mouches, incompréhensibles pour Guy de Horla qui se sentait défaillir devant cette innommable folie. Son esprit chavira alors, lorsque les grésillements et les sons inconcevables qui sortaient de ces visages grotesques prirent un sens tout à fait compréhensible dans son esprit. Les hommes-mouches ou Mouches supérieures se faisaient entendre par des ultrasons. Guy de Horla sut alors quel projet effroyable ces êtres préparaient. C’était un complot aussi ancien que le monde et la création des premiers insectes eux même. Les mouches avaient vu leur évolution stoppée et rétrogradées en simple race d’insectes. Mais d’une conscience collective, elles savaient qu’elles pouvaient faire beaucoup plus, le jour où la situation leur sera favorable. Elles ont alors attendu patiemment de générations en générations, attendu que les primaires sauriens qui peuplaient la Terre disparaissent par inadaptation, elles ont vu ces mammifères grotesques qui se nommèrent hommes, évoluer et prendre le contrôle de ce monde. Mais elles avaient aussi étudié et compris leur faiblesse, leurs recours à l’affrontement et à l’autodestruction entre eux, leurs faiblesses face à la mort. Elles l’eurent si souvent étudié en tournant autour des cadavres sur les champs de batailles et elles comprirent quel plan elles pouvaient mettre en marche afin de précipiter leur évolution. Elles l’expliquèrent à Guy de Horla car ce dernier avait toujours eu un sixième sens pour ressentir les dangers de l’avenir. Désormais elles capturaient des hommes, mêlaient leur corps aux leurs, le but final de ces expériences étaient que d’ici bien peu de temps, elles créeraient des hommes dont seul le cerveau serait celui d’une mouche. De tels « hommes » infiltrés parmi les dirigeants humains les plus avides de pouvoir, déclencheront des guerres ! Des guerres totales, des guerres mondiales, développant la capacité de destruction chez l’humain comme jamais. Et un jour, lors de l’holocauste final qui précipitera la chute de l’humanité, enfin les Mouches évolueront et domineront à leur tour et à jamais ce monde. Guy de Horla ne voulut plus rien entendre, c’était horrible que ce projet là, c’était un cauchemar….Ces mouches ne pouvaient pas faire cela, elles ne pouvaient pas ainsi manipuler l’humanité. Et pourtant….Au fond de lui, il savait que c’était inéluctable. Il l’avait toujours su. Mais se protégeant de l’effroyable réalité en criant à la démence, il voulut fuir ! Fuir avant qu’il ne soit trop tard, pour lui. Le cerveau en feu, il décida de quitter la compagnie de ces ignobles créatures. Il ne savait plus si on le suivait ou pas, il se voyait descendre un escalier à vis en pierre dans un état second. Il courait, courait, ouvrit une lourde porte en fer tout en bas et s’aperçut qu’il était ressorti du château d’eau. Il s’éloigna de la structure imposante, courut à en perdre haleine dans les bois des collines, mais le souvenir de ce cauchemar était toujours présent et faisait lentement mais inévitablement vaciller sa raison. Loin des collines, il stoppa sa fuite folle, son regard resta horriblement attiré par cette tour qui le dominait depuis l’horizon. Il lui sembla, par il ne savait quelles forces surnaturelles, englober l’humanité tout entière. Distinguant quelles races, quels peuples, quelles nations, quels dirigeants couvaient des haines latentes qui ne 71sa demandaient qu’à éclater, projetant le monde dans un effroyable brasier de meurtres et de haine. Et à la fin de


Distinguant quelles races, quels peuples, quelles nations, quels dirigeants couvaient des haines latentes qui ne demandaient qu’à éclater, projetant le monde dans un effroyable brasier de meurtres et de haine. Et à la fin de sa vision, il se vit plonger dans un abîme sans fond d’un charnier destiné à toute l’humanité. Tous ces cadavres sur lesquelles les mouches, de plus en plus fortes et intelligentes trônaient. Trois jours plus tard, tel un vagabond hagard, Guy de Horla put joindre Nizza la Belle. Dans l’hôtel particulier où il possédait une chambre, un habitué et la propriétaire de l’hôtel s’inquiétaient de l’attitude si étrange de ce cher Guy de Horla. — Alors, ma bonne dame, qu’est-il arrivé à ce cher monsieur Guy. — Ah, ne m’en parlez pas mon pauvre monsieur. Je crains que le pauvre ne soit devenu fou, il s’est enfermé dans ses appartements depuis son retour, n’en est sorti que pour commander du miel. Des pots entiers. Et son appartement est infesté de mouches, comme s’il faisait tout pour les attirer. Ainsi, Guy de Horla resta cloîtré pendant plusieurs semaines, dans ses appartements envahis par le bourdonnement de milliers de mouches. A la fin de la cinquième semaine, il en ressortit, propre, rasé, coiffé, habillé comme un politicien. Ses connaissances eurent beaucoup de mal à le reconnaître, pas seulement d’un point de vue physique, son attitude, son regard, tout avait changé, il semblait être autre, et ses expressions, son ton manipulateur et ses discours intrigants le rendaient quelques peu…Inquiétant. — J’ai été appelé à servir dans des ambassades, leur dit-il d’un ton prétentieux, je compte user de mon influence pour servir la politique. Mais il y a bien peu de chance que vous me voyez cité dans des journaux, je travaillerai comme éminence grise, comme conseiller. Je préfère cela qu’être « sa majesté des mouches » Ah, ah, ah, ah, ah ! Et ce fut sur cette boutade qu’il quitta définitivement la ville de Nice, on n’entendit plus jamais parler de lui, mis à part dans des cercles très fermés. Le 20ème siècle suivit, avec les catastrophes que l’on sait……Le 21ème, avec la suite logique… Et voila mes chers amis Muscas, ainsi se finit la leçon d’histoire d’aujourd’hui sur les fiers et braves pionniers sans lesquels nous serions aujourd’hui encore que de simples insectes tout juste bon à tourner autour des déjections et des viandes mortes ou avariés. N’oubliez jamais que si aujourd’hui, vous pouvez bourdonner et voler librement en maître absolu d’un bout à l’autre de cette planète, c’est grâce à ces hybrides que nous le devons. Témoignons-leur donc un chaleureux respect. Maintenant, si vous le permettez, je dois m’envoler vers mon prochain cours d’Histoire. N’oubliez pas d’apprendre votre leçon pour la semaine prochaine.

Giovannoni Julien

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Et si on mangeait des organes internes ? Sans doute nous pensez-vous fou après un tel titre. Il n’est pourtant nul besoin d’avoir recours au cannibalisme pour apprécier les morceaux de viande que nous nommons « les abats ». Foie de porc, foie de veau, rognons de porc, rognons d’agneau, cœurs et poumons de lapin, tripes, cervelles, etc.…. Autant de morceaux de choix d’une grande saveur et riches en vitamines que l’on néglige souvent car ils se rapportent à des viscères. Ce que l’on nomme les abats ou la triperie constitue un ensemble de produits alimentaires comportant tous les viscères comestibles d'animaux. Il s’agit des glandes et des organes internes tel le foie, les reins, le cœur, le thymus, l'intestin… mais aussi le pied ou la joue (un bon plat de joues de porc à la lyonnaise vaut largement le détour !). Ce qui dévalue ces parts de viande sont leur considération comme parties accessoires, non nobles, des animaux abattus pour la consommation. On leur préfère souvent les parts de viande rouge ou blanche, qui correspondent aux muscles, qu'il s'agisse de volailles, de bovins, d'ovins, etc.….. Pourtant, en prenant l’exemple des « Rognons de Porc » (Les reins de l’animal) ; sa cuisson est des plus faciles et s’accommode très bien de nombreux condiments (à la crème, à la sauce madère, à la moutarde, etc.……).

Exemples d’accommodations de Rognons de porcs

La consommation de viscères a toujours existé chez les primates Hominidés. Avant la maîtrise du feu, la viande crue animale étant plus difficile à mastiquer que du foie ou des reins, les viscères, riches en protéines, étaient des aliments très prisés. Ce type d'alimentation a, tout au long de l'histoire, été plus ou moins lié à des croyances et à la symbolique rattachée à l'organe : « manger la cervelle ou le cœur de l’animal, pouvait représenter une façon de lui prendre ses forces ». Le foie lui se retrouve dans la légende de Prométhée dans la mythologie grecque. Le Titan condamné pour avoir donné le feu aux hommes se retrouve enchaîné sur une montagne où trois aigles lui dévorent son foie qui repousse éternellement et est de nouveau dévoré. Quant à la viande humaine, elle ne vaut rien. Ressemblant vaguement au goût du porc, il paraitrait qu’elle est fade et sans aucun intérêt gastronomique. C’est ainsi, « l’homme n’est pas bon ! ». 73


Les Contes de toujours pour les lecteurs d’aujourd’hui ! 77

- Le Bisclavret – Les lais de Marie de France Cette rubrique propose de rapporter la version la plus originale possible de Contes très connus. Un retour aux origines pour découvrir ou redécouvrir des histoires immortelles.

Puisque je m’occupe à raconter des lais, je ne veux omettre le Bisclavret. Bisclavret, c’est le nom en Breton, mais les Normands disent Garou. Jadis chacun pouvait ouïr conter, car la chose était coutumière, que certains hommes devenaient garous et tenaient leur demeure dans les grands bois. Garou, c’est bête sauvage ; tant qu’il est en cette fureur, il dévore les hommes, il fait grand mal, il erre et gîte dans les forêts. Mais laissons cela, il me tarde de vous conter le Bisclavret. En Bretagne demeurait un baron : c’est merveille comme je l’ai entendu louanger ! C’était un bon et beau chevalier, qui se comportait noblement. Il avait l’affection de son seigneur et l’amitié de tous ses voisins. Il épousa une femme de très grand prix et de très beau visage. Il l’aimait et elle l’aimait ; mais une chose ennuyait fort la dame : chaque semaine il disparaissait pendant trois jours entiers et elle ne savait ce qu’il devenait ni où il allait ; nul des siens n’en savait rien non plus. Un matin, comme il était de retour, joyeux et gai, elle lui dit : « Sire, beau doux ami, il est une chose que je vous demanderais bien volontiers, si j’osais ; mais je crains tant votre courroux ! Rien que je redoute plus au monde ! » Quand il l’ouit, il l’attire à lui et l’accole. « Dame, fait-il, parlez ; il n’est chose dont vous vous enquériez, si je le sais, que je ne vous dise. « Par ma foi, fait-elle, me voila sauvée ! Sire, je suis en tel effroi, les jours où vous me quittez ! Je sens au cœur si grande peine, et j’ai de vous perdre si grande peur que, si je n’en je n’en ai hâtif réconfort 74

Image : Garous – Soleil-lesite.com

réconfort, il se pourrait bientôt que je meure. Oui, dites moi où vous allez, où vous êtes, où vous vous tenez ! Ma pensée, c’est que vous aimez ailleurs, et s’il en est ainsi, c’est un pêché. « Dame, répond-il, pour Dieu, tenez-moi quitte ! Il m’arrivera malheur si je vous le dis ; car cela vous éloignera de m’aimer et me perdra moi-même. » Quand la dame l’entend, elle sent bien qu’il ne gabe ni ne raille ; elle le presse de questions ; elle le caresse tant, elle le flatte si bien qu’il lui conte son aventure, sans lui rien celer : « Dame, je deviens bisclavret. Dans cette grande forêt, là bas, je me mets au plus épais de la futaie, et j’y vis de rapines et de proies. » Elle l’écoute, puis lui demande s’il se dépouille ou s’il va vêtu. « Dame, fait-il, je me mets tout nu. » « Où donc, sire laissez-vous vos habits ? » « Cela, dame, je ne le dirai pas ; car si je les perdais, je resterais bisclavret à jamais. Et mon malheur serait sans recours jusqu’à ce qu’ils me


fussent rendus. Aussi, je ne veux pas que la cachette soit sue. « Sire, lui répond la dame, je vous aime plus que le monde entier. Vous ne devrez point me cacher ceci, non plus que douter de moi en aucune chose, ce serait mal m’aimer. En quoi ai-je forfait, pour quel péché doutez-vous de moi ? Dites moi tout, vous ferez bien. » Tant elle le presse, tant elle l’obsède, qu’il ne peut faire autrement que de tout lui dire : « Eh bien, dame, vers ce bois, au bord du chemin par où je m’en vais, se dresse une vieille chapelle, qui maintes fois m’est d’un grand secours. C’est là, sous un buisson, qu’est la pierre creuse et large, cavée en dedans. J’y laisse mes habits sous la feuillée, jusqu’au moment où je m’en reviens chez nous. » La dame ouït ce prodige, toute vermeille de peur ; l’aventure la remplissait d’effroi. Elle réfléchit à maintes manières de se séparer de lui, car elle ne voulait plus coucher à son côté. Il y avait dans le pays un chevalier qui l’avait longuement aimée, beaucoup priée, souvent requise et toujours richement fêtée ; elle ne lui avait encore ni donné ni promis son amour ; elle le mande par message et lui découvre son cœur. « Ami, fait-elle, soyez joyeux ; ce dont vous êtes travaillé, je vous l’accorde sans plus attendre ; voyez, je ne fais plus de résistance. Mon amour et mon corps, je vous les octroie : faites de moi votre amie ! » Lui l’en remercie bonnement et prend ce qu’elle lui donne; ensuite elle lui fait jurer d’accomplir son commandement. Puis elle lui conte où son sire allait, ce qu’il devenait ; elle lui enseigne le chemin qu’il suivait vers la forêt : et elle l’envoie dérober sa dépouille. Ainsi fut trahi le Bisclavret, et bien mal bailli du fait de sa femme. Comme il disparaissait souvent, tous communément pensèrent que cette fois il était tout à fait parti. Beaucoup s’informèrent et le querirent ; mais ils n’en purent trouver trace ; si bien qu’ils abandonnèrent la recherche. Et la dame épousa celui qui l’aimait depuis si longtemps. Alors s’écoula toute une année. Un jour le roi eut envie de chasser. Il vint droit à la forêt où se tenait le Bisclavret. Dès que les chiens son découplés, ils le rencontrent. Chiens et veneurs courent après lui tout le jour,

Tant qu’ils vont enfin l’attraper, le déchirer, le mettre à mort. Mais dès qu’il reconnait le roi, il court vers lui pour quérir merci. Il se dresse, le prend par son étrier, lui baise le pied et la jambe. Le roi s’étonne, il a grand ‘peur ; il appelle tous ses compagnons. « Seigneurs, fait-il, avancez ! Et regardez ce prodige, comme cette bête s’humilie ! Elle a sens d’homme, elle crie merci. Chassez moi tous ces chiens arrière, et que pas un de vous ne la frappe ! Cette bête a sens et raison. Or çà, hâtez vous. A la bête j’accorde ma paix : je ne chasserai plus aujourd’hui. » Sur ce le roi s’en retourne. Le Bisclavret le suit ; il se tient tout près de lui et n’a garde de le quitter. Le roi l’emmène en son château ; il est tout joyeux, il lui fait fête, car jamais il n‘a vu son pareil ; il le considère comme une merveille et l’aime très chèrement. A tous les siens, il ordonne, sur l’amitié qu’il leur témoigne, de le bien garder, de ne point lui méfaire, de ne jamais le frapper ; mais de l’abreuver et pourvoir à sa suffisance. Et les chevaliers le gardaient volontiers tout le jour au milieu d’eux, mais c’était près du roi qu’il s’allait coucher. Il savait bien que le roi l’aimait. Il n’y avait homme à la cour qui ne le chérît, tant il était franc et d’humeur facile : jamais il ne cherchait à faire mal. Où que le roi dût se rendre, il le suivait ; on les voyait toujours ensemble. Oyez après ce qu’il advint ! A une cour que tint le roi, il avait mandé tous les barons ses fieffés, pour que sa fête soit encore plus belle. Le chevalier qui possédait la femme du Bisclavret s’y rendit en riches et beaux atours. Il ne soupçonnait rien, et ne croyait pas qu’il dût rencontrer le mari de si près. Sitôt qu’il arrive dans le palais et que le Bisclavret l’aperçoit, de plein élan il court sur lui : il le prend avec ses dents et l’entraîne. Et il lui aurait fait grande et laide blessure, n’était le roi qui l’appela et le menaça d’un bâton. Deux fois ce jour là il voulut le mordre. Grand est l’étonnement des barons. Jamais il n’a fait tel accueil à aucun homme qu’il ait vu. Et tous de dire dans la maison qu’il ne le fait pas sans motif, que le chevalier lui a nui d’une manière ou d’une autre, car on voit bien qu’il se vengerait volontiers. Cette fois, il s’en tient là, si bien que la fête arrive à sa fin ; les barons prennent congé et s’en retournent. Dans les tout premiers s’en va le chevalier que le Bisclavret attaqua ; si tous deux se


haïssent, ce n’est pas merveille. Peu de temps après, le roi retourna dans la forêt où il avait trouvé le Bisclavret ; lui suivit son maître. A la nuit, quand la chasse fut finie, les chasseurs se logèrent dans la contrée. La femme du Bisclavret l’apprend. Elle revêt une toilette avenante. Au matin, elle vient pour parler au roi et lui offrir un riche présent. Quand le Bisclavret la voit venir, nul ne l’en peut empêcher : il court vers elle comme pris de rage. Oyez comme il s’est bien vengé : il lui arrache le nez de la figure. Que pouvait-il lui faire de pis ? De toutes parts on le menace : déjà on va l’écharper, quand un homme sage dit au roi : « Sire, écoutez moi ! Cette bête a vécu avec vous, il n’est d’aucun de nous qui ne l’ait vue longuement et ne se soit souvent trouvé près d’elle. Jamais elle ne toucha à personne ni ne commit quelque félonie, fors envers la dame que voici et son seigneur. Par cette fois que je vous dois, elle a quelque raison de courroux contre elle et contre lui. C’est la femme du chevalier que vous aimiez si chèrement, qui a disparu voilà longtemps, et dont nous n’eûmes plus de nouvelles. Mettez un peu la dame en prison, que nous voyions si elle ne saurait pas pourquoi cette bête la hait ; et faites-le-lui avouer si elle le sait ! Nous avons déjà vu tant de merveilles advenir en cette terre de Bretagne ! » Le roi suit ce conseil. Il retient le chevalier ; d’autre part il fait saisir la dame et la met au plus grand secret. Tant par détresse que par peur, elle avoue tout : comment elle a trahi son seigneur, quel récit il lui avait fait, comment elle a dérobé sa dépouille. Depuis qu’elle lui a prit ses habits, on ne l’a plus revu dans la contrée ; aussi croit-elle pleinement et très bien que la bête est Bisclavret. Le Roi demande les vêtements. Que la dame en ait deuil ou plaisir, il les fait apporter et présenter au Bisclavret. Mais quand on les place devant lui, il se détourne. Le prud’homme qui avait déjà conseillé le roi lui dit : « Sire, vous vous y prenez mal ! Pour rien au monde celui-ci ne voudrait revêtir ses habits, ni muer sa semblance de bête devant vous. Vous ne savez pas combien c’est important ! Il a grande et dure honte. Faites le mener en vos chambres, et qu’on y porte sa dépouille avec lui ; laissez-le un grand bout de temps : nous verrons bien s’il redevient homme. » 76

redevient homme. » Le Roi lui-même l’y conduit et referme sur lui tous les huis. Au bout d’un moment, il y retourne. Deux barons l’accompagnent. Tous les trois rentrent dans la chambre. Sur le propre lit du roi, ils trouvent le chevalier qui dormait. Le roi le court embrasser ; il l’accole plus de cents fois, puis il lui rend toute sa terre, il lui donne plus que je ne puis dire; quant à la méchante femme, il la chasse de la contrée. Et celui-là parti avec elle, pour qui elle avait trahi son seigneur. Elle en eut beaucoup d’enfants ; mais on reconnait toutes les femmes de ce lignage à ceci : c’est qu’elles naissent sans nez, et qu’elles vivent ainsi, énasées. L’aventure que vous avez ouïe est vraie d’un bout à l’autre, n’en doutez pas. Et on fit ce lai du Bisclavret pour en conserver l’éternelle mémoire.

Note historique quand à ce texte : Le loup Garou (terme provenant de Garol, suite à une grande dérivation du terme depuis le nom francique « Wariwulf ») est une créature très populaire depuis le moyen-âge. Ainsi Marie de France l’a mit en scène dans son « Lai du Bisclavret » où elle présente un « Garol » bon, trahi par son épouse, condamné à rester dans la peau d’un loup jusqu’à ce que justice soit faite. C’est un des traits spécifique du Moyen-âge où le loup Garou n’est pas systématiquement assoiffé de sang contrairement aux films modernes. Le loup Garou était aussi perçu comme un farceur et les meutes se rassemblaient pour boire et faire du sport. A noter aussi que c’est la modernité qui en a fait une créature répondant à l’appel de la pleine Lune, alors qu’au moyen-âge, un humain devait se revêtir d’une peau de loup pour se métamorphoser, de préférence lors de fêtes païennes et chrétiennes.


Remerciements et liens de sites de tous les participants à ce deuxième numéro : Rédaction : Julien Giovannoni : julien.gio@gmail.com ; http://juliengiovannoni.blogspot.com mariko: sunfl0wer.815@gmail.com ; http://marikoala.blogspot.com Marion Richard : http://uneenviedelivres.blogspot.fr/ Artistes : Denys Neumann : http://denysneumann.blogspot.com Jean Marie Albert : http://facebook.com/creajm Damien Lopez Il était une fois dans l’œuf : http://iletaitunefoisdansloeuf.org/ Vanessa et Diana Callico : https://www.facebook.com/LaCroisadeDesCarpates Christophe Pelardy : http://kklandeur.blogspot.com Eleni : http://www.monpetitcauchemar.com/ La Salamandre d’Axolotl – Magazine hybride N°2 Spécial fantastique et fantasmagorie Protection SACD N°253376 Toutes les Infos sur : http://juliengio.wix.com/salamandre-daxolotl# https://www.facebook.com/lasalamandredaxolotl


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Illustrations : mariko - http://marikoala.blogspot.com


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