RENNES LA NUIT
Wilfried (Pub Gall) MA PLUS GROSSE PEUR AU TRAVAIL ? SI TU AS PEUR, TU N’ES PAS FAIT POUR CE BOULOT. NOUS N’AVONS LE DROIT D’INTERVENIR QUE DANS LE PÉRIMÈTRE DE L’ÉTABLISSEMENT, ÇA COMPLIQUE LA GESTION DE LA VIOLENCE.
LA FÊTE EST MOINS BELLE À RENNES. AVANT, TOUTE LA PLACE DES LICES ÉTAIT REMPLIE DE MONDE LE JEUDI SOIR, C’ÉTAIT BEAU.
Paroles de videurs
« Si tu as peur, tu n’es pas fait pour ce boulot » Le meurtre d’un videur rue Saint-Michel, en avril dernier, est toujours présent dans l’esprit de ses collègues. Confrontés à des situations de violence sur fond d’alcool, ils trouvent leur profession de plus en plus difficile à exercer. ls font partie du décor, au même titre que les terrasses et les lumières des bars. Les videurs scrutent les fêtards qui investissent SainteAnne et les Lices. Le client refoulé les voit comme des cerbères. Eux se considèrent comme des protecteurs. « On doit évaluer le comportement de quelqu’un en dix secondes, pour savoir s’il constitue un risque », explique Franck, videur au Zinc. Pour
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cela, pas de recette miracle. Wilfried, du Pub Gall’, agit à l’instinct. « Certaines personnes éméchées ne présentent pas de risques. D’autres sont convenables d’aspect mais peuvent dissimuler de l’alcool sous leur blouson. » En cas de débordement, les options sont limitées. Pas de renfort à attendre du commissariat selon Franck, qui regrette de ne pas avoir le droit d’utiliser « une matraque ». Pour lui, « les policiers ne font pas leur boulot ». Le mal-être des videurs a atteint son paroxysme en avril
dernier, quand l’un d’eux a été tué rue Saint-Michel. Pour Philippe, « le meurtre rue de la Soif est le résultat d’altercations qui existent depuis des années entre videurs et clients ». Les professionnels s’accordent sur un point : la population nocturne a changé, l’autorité du videur est moins respectée. Pour Franck, « il va être de plus en plus difficile de trouver des personnes pour faire ce métier. On vieillit tous et personne ne veut nous remplacer. Qui veut se faire insulter pour 10 € de l’heure ? » Rozenn Morgat
LA CARTE PROFESSIONNELLE EST UNE ÉPÉE DE DAMOCLÈS. AU MOINDRE FAUX PAS, ON NOUS LA RETIRE. ILS FERAIENT MIEUX DE NOUS DONNER LES MOYENS DE FAIRE NOTRE TRAVAIL CORRECTEMENT ! TOUS LES VIDEURS DEVRAIENT AVOIR DROIT À UNE MATRAQUE. (…) IL Y A QUELQUE TEMPS, JE ME SUIS FAIT ATTAQUER PAR UN GARS AVEC UNE MATRAQUE TÉLESCOPIQUE. UN CLIENT M’A ÉGALEMENT CASSÉ UNE BOUTEILLE SUR LA TÊTE.
Isidore (videur au Cactus)
NOTRE RÔLE, C’EST DE PRENDRE DE LA CLIENTÈLE CORRECTE POUR QUE LES AUTRES CLIENTS SOIENT EN SÉCURITÉ.
Franck (Le Zinc) LES POLICIERS NE FONT PAS LEUR BOULOT. ILS FONT LEUR RONDE À MINUIT, SAUF QUE C’EST À PARTIR D’1H DU MATIN QUE ÇA COMMENCE À DÉGÉNÉRER.
Philippe1 1 Le prénom a été modifié.
LA MAJORITÉ DE LA CLIENTÈLE EST TRÈS POSITIVE. IL Y A TOUJOURS DES INSULTES, MAIS ÇA VA AVEC L’IVRESSE. SI TU AS UNE APPROCHE POSITIVE, TOUT DEVIENT POSITIF. JE NE VEUX PAS STIGMATISER CERTAINES PERSONNES. LA NUIT, TOUT LE MONDE EST PLUS FRAGILE. JE NE SAIS PAS SI J’AIME BIEN MON MÉTIER, EN TOUT CAS J’AIME BIEN LES GENS. CHEZ NOUS, C’EST IMPORTANT QUE LE CLIENT RENTRE BIEN CHEZ LUI.
SI LE VIDEUR [ASSASSINÉ RUE SAINT-MICHEL] AVAIT ÉVITÉ LE COUP DE SON AGRESSEUR, ON N’EN AURAIT JAMAIS ENTENDU PARLER. EST-CE QUE LES GENS SAVENT TOUT CE QUE L’ON A ESQUIVÉ COMME ATTAQUES ? JE NE PENSE PAS QU’IL Y AIT PLUS DE DÉBORDEMENTS QU’AVANT. CE QUI EST ARRIVÉ RUE DE LA SOIF EST TRÈS MALHEUREUX, [MAIS] ÇA ARRIVE TOUS LES JOURS ET PAS SEULEMENT DANS LE MONDE DE LA NUIT.
LA VIOLENCE EXISTAIT IL Y A DIX ANS, MAIS L’ANCIENNE GÉNÉRATION DE VIDEURS ÉTAIT PLUS RESPECTÉE. LES CLIENTS ÉTAIENT DES FIDÈLES DES ÉTABLISSEMENTS ET PERSONNE NE PORTAIT PLAINTE POUR UNE GIFLE. ON N’EST PAS DES ROBOTS, LE FACTEUR ÉMOTIF EST IMPORTANT. LES MOTS SONT TRÈS BLESSANTS ET LES INSULTES SONT SOUVENT RACISTES. (…) LES GENS NOUS DISENT TOUT LE TEMPS : DE TOUTE FAÇON, ON LE SAIT, VOUS N’AVEZ PAS LE DROIT DE TAPER… ILS PENSENT QU’ON FAIT LA FÊTE, MAIS ON VEILLE SUR EUX. Octobre 2016 / N°84 Le Mensuel
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