La brique de terre crue compressée : pour une nouvelle tradition à Mayotte? [Annexes]

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La brique de terre crue compressée :

pour une nouvelle tradition à Mayotte?

Annexes Mémoire de recherche Auteur JULIEN OHLING Enseignant encadrant GHISLAIN HIS Séminaire de recherche LA MATÉRIALITÉ COMME RÉCIT, L’ÉCRITURE COMME MATIÈRE Domaine d’étude MATÉRIALITÉ, CULTURE ET PENSÉE CONSTRUCTIVE mai 2014 École Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille


# Annexes # Documents iconographiques cités p1 # Documents iconographiques complémentaires p36 # Table des illustrations p41 # Retranscriptions p44 1. LIÉTAR Vincent, Architecture et développement local. Construire en terre mahoraise, [en ligne], ENSAG, 2010, 1h04min., disponible sur http://www. grenoble.archi.fr/servideo/spip.php?article68, [consulté le 10 avril 2014]. p44 2. Entretien téléphonique avec DOAT Patrice, le 7 mai 2014. p59


# Documents iconographiques cités

[1] Photographie d’habitats réalisés en BTC par l’architecte Vincent Liétar dans le village de Coconi en 1982. Les murs de briques sont posés sur un soubassement de pierre.

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[2]

Photographie d’habitats AIDE EN NATURE, AN 2, Modèle 1983 réalisée par la SIM. Massivité des murs en briques, toiture en tôle, utilisation des arcs pour les linteaux sont représentatifs de cette période.

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[3] Photographie du Lycée de Coconi réalisé en 2009 par l’agence d’architecture DT & A (Maîtrise d’ouvrage État). La bique est ici urilisée comme remplissage d’une ossature en béton.

[4] Photographie d’un bâtiment de logements locatifs à ossature métallique réalisé en 1996 par l’architecte Léon Attila Cheyssial pour la SIM. Les BTC, ici en bleu remplissent une ossature métallique.

[5] Photographie d’un bâtiment public "Les dispensaires" dantant de 1985. (Auteur inconnu). Les BTC sont utilisées en remplissage d’une ossature bois.

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[6] Photographies de morceaux de murs réalisés en BTC. Les éléments sont lisibles et mis en oeuvre de manière différentes.

tableau comparatif des coûts de construction à Mayotte Parpaing + enduit BTC ep 22 ep 14 béton banché Moellon

60-70€/m² 20-25€/m² 130-140€/m² 100-110€/m² 200-210€/m² 370-400€/m3

Charpente

1800-2000€/m3

Les prix pratiqués par les artisans sont généralement inférieurs de 20 à 25% à ceux des entreprises dites structurées

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[7] Cases SIM en BTC conçues par l’architecte, Vincent Liétar pour la SIM. Les BTC sont peintes. Une couleur différente est utilisée pour chaque maison.

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[8] Photographie d’habitats réalisés en BTC par l’architecte Vincent Liétar dans le village de Coconi en 1982. Les murs de briques sont laissés nu.

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[9] Case végétale. Structure en "chassis". Les éléments verticaux de la structure des murs permettent d’accrocher les feuilles tressées.

[10] Case végétale. Parois constituées de feuilles de palmier tressées.

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[11] Case en terre. Structure en "treillis". Le treillis réalisé avec des lattes de rafia ou de bambou permet l’adhérence du torchis.

[12] Case en torchi sur treillis de bois. Le treillis de bois formant la structure de la case se révèle sous la couche de torchis.

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[13] Case végétale après le passage du cyclone de 1920. Les cases végétales ont été complétement détruites.

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[14] Banga (maison d’adolescent) Cet habitat d’une pièce est réalisé avec des murs de torchis.

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[15] Photographie de l’ensemble Nyumba-Shanza. On remarque la relation entre la terre utilisée pour faire la case et la terre du sol synonyme d’une intégration de l’architecture au paysage.

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Illustration de l’ensemble Nyumba-Shanza et définition des différents espaces.

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[17] Mraba : clôture du Shanza Cette clôture est confectionnée en palmes de cocotier tréssées.

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[18] Évolution de l’occupation d’une parcelle familliale. Un shanza fait en moyen 400m². Au fur et à mesure de l’agrandissement de la famille, la parcelle initiale est divisée. Ce phénomène de mitose, en analogie avec la division des cellules en biologie, conduit à la saturation et à la surdensification du shanza. Les parcelles résultantes du découpage du shanza ont une surface de 60 à 70m².

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[19] Plan de l’ensemble Nyumba-Shanza. Dénominations et situations des différentes pièces du Nyumba (la case).

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Paris

km 00 80 500km

Mamoudzou

Majunga

km

350

Pemba

GRANDE COMORE

ANJOUAN km

92

[20] Situation géographique

m

72k

14 m 0k

MOHELI

MAYOTTE

Situation de Mayotte par rapport au continents africain, européen et l’île de Madagascar.

[21] Archipel des Comores Situation de Mayotte dans l’archipel des Comores.

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[22] Photographie d’une case végétale Déformation des parois du fait de l’absence de contreventement.

[23] Photographie d’une case végétale Déformation des parois du fait de l’absence de contreventement.

[24] Photographie d’une case en terre Creusement du sol au niveau de l’angle du mur par l’eau de ruisselement. Le torchis est très dégradé au niveau du pied du mur du fait de l’absence de soubassement.

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[25] Photographie d’une scorie de pouzzolane Ces scories sont broyées pour être mélangées à la terre lors de la fabrication des BTC.

[26] Photographie de sable pouzzolanique À Mayotte, il est utilisé dans la fabrication des BTC comme dégraissant pour éviter deprendre le sable de plage.

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[27] Schéma de la composition d’un sol L’horizon A représente la couche de terre végétale. Ce substrat riche en matières organiques permet à la végétation de pousser. L’horizon B est utilisé pour la construction.

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[28] Photographie aérienne de la carrière de terre de Koungou, le 21 mars 2011

[29] Photographie aérienne de la carrière de terre de Pamandzi, le 21 mars 2011 20


*Expérience de conféctiion de briques crues aux Grands Ateliers de l’île d’Abeau avec l’aide de Dorian Vauzelle. Photographies personnelles prises le 31 octobre 2013.

[30] Tamisage de la terre.

[33] Remplissage du fond de forme.

À gauche : terre tamisée, à droite : matière enlevée.

[34] Opération de pressage.

[32] Malaxage du mélange humide (terre, sable, eau).

[35] BTC démoulées.

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[36] Illustration de la méthode de fabrication de BTC avant l’invention de la presse Les BTC étaient produites à la manière du pisé avec un pilon dans un moule en bois. 22


[37]

Illustrations de différents types de presses Les presses Cinva Ram et Terstaram sont les presses qui ont été largement utilisées par la filière de production de Mayotte. Elles font parties des

presses manuelles légères. La Semi Terstamatique et la pressbloc 80TM font partiesdes unités foraines et sont équipées de moteurs. La dernière illutration présente une unité industrielle. 23


Briquèteries.

[38] Photographie de l’aire destockage des BTC Une fois compressées les briques sont stockées empilées sur une hauterur d’un mètre environ et placées sous un film plastique (polyane : ici en noir).

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[39] Photographie du phénomène de remontées capillaires La terre absorbe l’eau contenue dans le récipient par capilarité.

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La reprise du plan traditionnel La case développée par la SIM (document ci-contre) s’inspire de l’organisation des cases traditionnelles.

[40] Perspective et plan d’une case, modèle "avantage en nature" deux pièces avec varangue, développée par la SIM

[41] Plan d’une case traditionnelle

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[42] Case moderne type «Case POM» développée par la SIM Seule la structure primaire est apportée par la SIM (photographie du haut). Les habitants finissent eux mêms la case avec les méthodes traditionnelles. (photographie du bas). 27


[43] Dessins axonométriques de détail du callepinage d’un mur porteur de 14cm d’épaisseur Callepinage des différents lits de briques pour le travail de l’angle (dessin de gauche) et de raccord entre un mur de façade et un mur de refend (dessin de droite).

[44] Dessins axonométriques de détail Ce dessin illustre la mise en oeuvre de la BTC pour la création d’un mur de 14cm d’épaisseur . Le chaînage en partie haute est réalisé en béton armé. Un angle est formé au droit de la baie et fait effet de contrefort.

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[45] Photographie d’un maçon montant un mur en BTC de 29,5 cm d’épaisseur Un grand soin est apporté au positionnement des briques.

[46] Dessins de détails du callepinage d’un mur porteur de 29,5cm d’épaisseur Callepinage des différents lits de briques. Une grande attention est apporté au positionnement des briques pour que les joint verticaux ne se superposent pas.

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[47] Dessin axonométrique de détail Un chaînage verticale en béton armé est mis en place dans l’angle du mur pour renforcer la structure et l’ancrage de la toiture de l’habitation.

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[48] Dessin axonométrique de détail de la technique du harpage à l’italienne Un harpage à l’italienne est mis en oeuvre dans l’angle du mur. Celui-ci permet de renforcer l’adhérence à l’ossature en béton.

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Cartographie des briqueteries installées à Mayotte d’après la carte tirée de l’ouvrage : CAUE de la Réunion [s.d], 15 ans d’architecture à Mayotte, le pari du développement local, SIM, 1995, p30. [49]

Handrema

De nombreuses briqueteries sont installées sur l’ensemble de l’île au début du programme pour limiter le transport des BTC offrir à la population la proximité des sites de production.

Mtsamboro

Koungou Mtsangamouji

Kaoueni

Labattoir

Kavani M’Tsapere Passamainti

Pamandzi

Sada

M’Rereni Chirungui

10km

Ile de Mayotte

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[50] Photographies de la briquèterie de Hamaha On y voit les deux hangars (photographie du haut) où sont produites les BTC. La photographie du bas montre l’intérieur de ces hangars anisi que les presses utilisées (Terstaram). 33


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Schéma d’organisation spatiale d’une briquèterie type NB : l’échelle n’est précisée L’air de production est ici situé au milieudu hangar. Celle-ci est mobile et se déplace selon le jour de production. 34


[52]

Photographies de deux tests efféctués sur la BTC

Le premier test consiste à mesurer la résistance à la compression des blocs en leur appliquant une charge. (Photographie ci-contre) Le deuxième test consiste à mesurer la résistance à la traction des blocs. (Photographie ci-dessous)

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# Documents iconographiques complémentaires

[A] Schéma d’organisation des parcelles dans un village traditionnel. Le mode de regroupement est familial. A, B, C, D, E, F, font partie à divers titres de la même famille. A, B, C, D forme un cluster, A et E sont cousins.

[B] Photographie d’un village mahorais au début du XXe siècle L’organisation des cases forment des rues, les ndzia. Chaque case est indépendante et possède sont terrain.

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[C] Schéma montrant la diversité d’application du matériau terre La BTC fait partie de la technique des terres comprimées.

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Mayotte

[D] Carte des zones de rĂŠpartition des architectures de terre

[E] Carte des techniques employĂŠes et leurs diffusions 38


[F] Schéma montrant la diversité des formes de blocs de terre comprimés Il est possible de produire une grande variété de BTC pour des situations spécifiques comme les passages de cables ou d’armature métalliques. 39


[G] Photographie aérienne de la ville de Mamoudzou en juillet 2012 Sur cette photographie, on peut voir l’établissement des zones bâties sur le littoral. Les reliefs, moins accessibles sont peu construits.

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# Table des illustrations # Documents iconographiques cités [1] LIÉTAR Vincent, catalogue d’exposition, Construire en terre mahoraise, architecture et développement local, 2010, p.17, disponible sur http://craterre.org/diffusion:expositions/ view/id/ee6fd367d1b07c66442a50fff2ebd173, [consulté le 28 septembre 2013]. [2] ibid., p18. [3] ibid., p23. [4] TAXIL Gisèle, MISSE Arnaud [s.d.], Mayotte, filière Blocs de terre comprimée: typologie des éléments et systèmes constructifs, CRATerre‐EAG, Grenoble, 1999, p37. [5] ibid., p35. [6] LIÉTAR Vincent, catalogue d’exposition, Construire en terre mahoraise, architecture et développement local, 2010, op.cit, p.14. [7] FONTAINE Laetitia, ANGER Romain, Bâtir en terre, du grain de sable à l’architecture, Belin, Cité des sciences et de l’industrie, Luçon, 2009, p87. [8] = [1] [9] CAUE de la Réunion [s.d], catalogue d’exposition, 15 ans d’architecture à Mayotte, le pari du développement local, SIM, 1995, p14. [10] Naturalistes de Mayotte, exposition, Patrimoine de Mayotte, p5, disponible sur http://www.naturalistesmayotte.fr/p%C3%B4le‐animation/expositions/, [consulté le 28 décembre 2013]. [11] CAUE de la Réunion [s.d], catalogue d’exposition, 15 ans d’architecture à Mayotte, le pari du développement local, SIM, 1995, p14. [12] Naturalistes de Mayotte, exposition, Patrimoine de Mayotte, op.cit, p5. [13] ibid., p4. [14] CAUE de la Réunion [s.d], catalogue d’exposition, 15 ans d’architecture à Mayotte, le pari du développement local, SIM, 1995, p13. [15] ibid., p12. [16] ibid., p37. [17] ibid., p13. [18] ibid., p37. [19] Naturalistes de Mayotte, exposition, Patrimoine de Mayotte, op.cit., p4. [20], [21] Document de l’auteur

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[22], [23], [24] CAUE de la Réunion [s.d], catalogue d’exposition, 15 ans d’architecture à Mayotte, le pari du développement local, SIM, 1995, p21. [25], [26] Photographies de l’auteur [27] FONTAINE Laetitia, ANGER Romain, Bâtir en terre, du grain de sable à l’architecture, p100. [28], [29] http://emayotte.blogspot.fr/2011/03/vues‐aeriennes‐des‐carrieres.html, blog « un Emayen à Mayotte », [consulté le 15 février 2014]. [30], [31], [32], [33], [34], [35] Photographies de l’auteur, le 31 octobre 2013. [36] DOAT Patrice, HAYS Alain, HOUBEN Hugo, MATUK Silvia, VITOUX François, Construire en terre, Alternatives, Paris, 1979, p139. [37] HOUBEN Hugo, GUILLAUD Huber, EAG‐CRATerre, Traité de construction en terre, Parenthèses, Marseille, 2006, pp226‐228, p230, p232. [38] RIGASSI Vincent [s.d.], Mayotte, la relance de la filière Bloc de Terre Comprimée et la démarche qualité: installation de briqueterie, SIM, 1996, p27. [39] FONTAINE Laetitia, ANGER Romain, Bâtir en terre, du grain de sable à l’architecture, Belin, Cité des sciences et de l’industrie, Luçon, 2009, p144. [40] CAUE de la Réunion [s.d], catalogue d’exposition, 15 ans d’architecture à Mayotte, le pari du développement local, SIM, 1995, p41. [41] Naturalistes de Mayotte, exposition, Patrimoine de Mayotte, op.cit., p4. [42] CAUE de la Réunion [s.d], catalogue d’exposition, 15 ans d’architecture à Mayotte, le pari du développement local, SIM, 1995, p31. [43] TAXIL Gisèle, MISSE Arnaud [s.d.], Mayotte, filière Blocs de terre comprimée: typologie des éléments et systèmes constructifs, op.cit., p13. [44] ibid., p9. [45], [46] ibid., p14. [47] ibid., p10. [48] ibid., p11. [49] Document de l’auteur [50] RIGASSI Vincent [s.d.], Mayotte, la relance de la filière Bloc de Terre Comprimée et la démarche qualité: installation de briqueterie, SIM, 1996, p27. [51] CRATerre, Le bloc de terre comprimée : Eléments de base, Deutsche Zentrum für Entwicklungstechnologien, Eschbom, 1991, p15. [52] LIÉTAR Vincent, catalogue d’exposition, Construire en terre mahoraise, architecture et développement local, 2010, op.cit, p.12.

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# Documents iconographiques complémentaires [1] RICHTER Monique, Quel habitat pour Mayotte ?, Architecture et mode de vie, L’Harmattan, Paris, 2005, p44.

[2] Naturalistes de Mayotte, exposition, Patrimoine de Mayotte, op.cit., p1. [3] FONTAINE Laetitia, ANGER Romain, Bâtir en terre, du grain de sable à l’architecture, Belin, Cité des sciences et de l’industrie, Luçon, 2009, p26. [4] ibid., p14‐15. [5] HOUBEN Hugo, GUILLAUD Huber, EAG‐CRATerre, Traité de construction en terre, op.cit., p18. [6] ibid., 217. [7] Photographie de l’auteur, 19 juillet 2012.

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# Retranscription de conférence LIÉTAR Vincent, Architecture et développement local. Construire en terre mahoraise, [en ligne], ENSAG, 2010, 1h04min., disponible sur http://www.grenoble.archi.fr/servideo/ spip.php?article68, [consulté le 10 avril 2014].

« Bonsoir. Je suis architecte encore aujourd’hui. Je suis parti à Mayotte en 1981. Je n’avais pas quelques années, mais quelques semaines de diplôme, c’est dire le côté ingénue de mes compétences et le peu de maitrise que j’avais de mon métier à ce moment là… En même temps, je suis resté ″mono‐tâche″ pendant 30 ans. Je travaillais à Mayotte, cette petite île qui parait très étroite en dimensions, 50km par une quinzaine. A l’époque, il y avait 50000 habitants. Ca semblait être un territoire limité pour développer autant d’années dans ce territoire et dans cette démarche. Pour autant, ces trente années ont été exceptionnelles en terme d’intérêt, de passion, mais aussi, il faudra se situer un peu, parfois de vrais combats et de vraies difficultés, aujourd’hui encore et ces dernières années. Petit détail, je n’ai jamais travaillé à titre privé. Je ne suis pas un architecte dans son agence, et ça a son importance, non pas pour parler du statut de salarié d’architecte mais pour parler de la façon de travailler pour un architecte, en tout cas d’estimer sa pratique, à travers une équipe, à travers une démarche où l’architecte est l’uns des éléments, mais au même titre à certains moments que le directeur d’une société immobilière comme en parlait tout à l’heure Huber, ou de maçons, de compagnons, de charpentiers, de sociologues aussi. C’est une équipe pluridisciplinaire qui a été à l’origine de tout ce programme dont un architecte, en tout cas, j’ai eu la chance d’être parmi ceux là, au tout début de la production de ce programme habitat. Resituant très rapidement, je ne sais pas quel son ceux d’entre vous qui ont pu voir l’exposition, en tous cas on va resituer Mayotte très rapidement. Donc effectivement une toute petite île française, on ne va pas épiloguer sur l’aspect historique : les Comores, leurs indépendances, Mayotte qui reste française, 47 000 habitant en 1979 et aujourd’hui on est plus de 200 000. C’est aussi pour ça que je voulais vous laisser quelques chiffres. Une île qui était, en 1980, mise dans la catégorie insalubre, tout était à refaire, à peine équipée, pour pas dire dans l’inexistence totale d’équipements scolaires, le programme de scolarisation va démarrer au même moment, l’électricité est distribuée avec parcimonie dans quelques villages, l’eau est à peine courante, on va la chercher dans les puits et il n’y a évidemment aucune entreprise, la construction est entièrement traditionnelle, c'est‐à‐dire constituée de torchis, de cocotier et de raphia.

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La structure sociale pour autant est extrêmement forte. D’ailleurs l’habitat est structuré entièrement sur le sens social qu’il comporte. C’es à dire que la maison n’est pas l’expression d’un équipement familial, elle est d’abord l’expression du fonctionnement de la famille, de la famille dans son quartier et dans son village, et ça a une grande importance et c’est quelque chose qu’on va apprendre à lire, à voir, et qu’on va intégrer dans nos propres productions un peu plus tard. Le sujet est abordé d’une manière assez impressionnante puisque quand j’arrive là bas, il s’agissait de lancer un programme de 10 000 logements sociaux, et là, commence une démarche, encore une fois, qui est celle de l’équipe, encore une fois, nommée par Huber tout à l’heure : le directeur de l’équipement, le directeur de la SIM, des élus, il n’y a pas beaucoup d’architectes sur place à l’époque, on est deux quand je suis arrivé en 1980. Un qui est Attila Chessial, qui est sur certaines des réalisations que vous verrez peut être dans l’exposition, s’occupait essentiellement de tout ce qui était bâtiments publics, quand moi j’étais en charge du développement du programme scolaire et de l’habitat. Quand on parle de développement, entendons nous, on parle de quelques de dizaines de logement, de quelques logements expérimentaux, on ne parlera pas tout de suite de grosses quantités. Et justement c’est parce que l’équipe en question a su poser un bon diagnostic, je pense aux sociologues notamment, je pense aux études qui ont été faite sur la structure sociale mais aussi sur …. Et donc cette équipe au départ, au lieu de répondre avec un réflexe qui est assez habituel sur des grosses quantités de logements à produire, c'est‐à‐dire quand on parle de 10 000 logements et même 1000 ou 1500, on a plutôt l’habitude de réagir avec un grand concours technique, un concours de conception et des réponses, notamment quand il s’agirait d’îles aussi éloignées que Mayotte, aussi peu pourvues en moyens et en entreprises, c’est à dire quasi zéro au sens d’une lecture occidentale, appelons le comme ça, et bien on aurait répondu normalement par l’importation des technologies, importation de logements préfabriqués, importation de cadres,…enfin, de tout ce qu’il faut pour fabriquer ces 10 000 logements. Au contraire, l’équipe qui est là et donc sous l’égide du directeur de l’équipement de l’époque, il y avait une particularité, qui va vous paraitre comme une anecdote mais qui va vous parler, qui était un grand admirateur de Hassan Fathy dont il avait fait, avec son livre : Construire avec le peuple, presque son bréviaire permanant. On a eu une espèce de conjonction entre les personnes. Une pette équipe de 4 ou 5 personnes a pu influencer, et finalement influence encore aujourd’hui une politique de l’habitat qui s’est d’abord appliquée à parler de développement avant de parler de production, et ça, ça a été essentiel. Savoir comment les mahorais habitaient, comment ils structuraient leurs quartiers et leurs logements, leur habitat ça s’appel, plutôt que de proposer immédiatement un nouveau produit, un type de réponse technique, financier aussi.

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On est rentré donc dans des expérimentations. Ça a été un part importante de notre travail et peut être la première partie puisque effectivement c’est bien de 30 ans dont on parle. 30 ans ce n’est qu’une expérience mais on est passé par des phases d’expérimentations fortes et donc on s’est donné le temps. L’urgence est souvent un mauvais moyen de commande et oblige à des raccourcis qui sont parfois violent si non nuisibles pour parler de développement justement. Cette équipe a donc mis en place des expérimentations sur du logement social, on a commencé par quelques dizaines de logements maximum. Quand je parlais de 10 000 logements, c’est donc à mettre en relation avec pas de précipitation. Bien monter les programmes, élaborer une démarche qui va d’ailleurs s’élargir bien au‐delà de la question du logement donc de l’habitat si on parlait de la sociologie mais aussi de sa production et la je dois dire quelques mots sur tout ce qui a été le montage de la démarche, vous allez voir que c’est bien au‐delà du thème de l’architecture ou de l’architecte, même si pour ma part, ça m’a bien intéressé pour ne pas dire, je m’y suis complètement impliqué. Il a fallu par exemple, sur cette île, inventer une structure d’importation des matériaux, parce que, on va parler tout à l’heure de ce qu’on appel les matériaux locaux, donc produits sur place, mais il y a aussi des matériaux qui sont de tout façon, de manière inévitable, importés. Et donc, comment importer les bons matériaux ? Voir, comment importer les bons outils ? C’était une des toutes premières questions et on a créé une coopérative qui s’appelle la coopérative Musada qui existe toujours aujourd’hui mais avec une vocation plus commercial puisque 30 ans plus tard, les compétences commerciales se sont exprimées autrement, mais la coopérative Musada était le moyen d’équiper et de fournir alors que la pénurie était une façon de commerce à Mayotte. Il n’y avait plus de ciment pendant 6 mois, plus de clous, plus de fers à béton, enfin, c’était les enjeux permanant et évidemment avec des conséquences importantes sur l’aspect financier de tout ce que nous devions produire car s’agissait physiquement de construire le mois cher possible, rien de trop original déjà à cette époque. Donc, une coopérative mais aussi de la formation. Je disais tout à l’heure qu’il n’y avait pas d’entreprises, si non quelques unes au début des années 80, il a fallu former et non pas importer des compétences et des moyens de production, ça a été un des enjeux essentiels voir l’enjeu majeur. Mais au‐delà de la production architecturale, c’est presque là l’essentiel de la réussite de cette démarche, on a permit, pratiquement sur les deux bon tiers de ces trente dernières années à 2500 voir 3000 emplois de se maintenir quasiment en permanence, parce que la volonté des quelques hommes politiques : administration, technique, mais aussi politiciens avait été d’appuyer ces retombées locales. Comment dépenser, à l’époque 100 francs, et laisser le maximum sur place, même si évidemment l’importation ... Il y avait des enjeux qui ne pouvaient pas être évités, Mayotte fait partie du monde, fait partie de l’océan indien pour commencer, de l’Afrique du sud, Madagascar qui n’est pas si loin,

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300km pour vous situer, la Réunion, puis la métropole qui reste un lien privilégié de toute façon, enfin, avec laquelle on a un lien privilégier. Et donc la formation des hommes, qui est passée à la fois par la constitution d’une association de formation professionnelle qui a œuvré de manière assez classique voir assez connue en métropole mais aussi une innovation, en tous cas pour l’époque, que je ne retient pas à titre personnel puisqu’elle était arrêtée avant que je n’arrive, est la venue de compagnons du tour de France. Il y a d’autre moyen de parler de compétence, en tous cas de compétence dans cette association et cette maison. En tous cas, ça a été un outil très fort, un moyen essentiel dans le développement de ce qu’on a fait pas parce que nous n’avons pas former dans des salles de classe seulement, nous avons formé sur les chantiers, on appelait ça des chantiers formation / production et l’urgence de produire on l’a associée à la formation avec des compagnons qui ont encadré des équipes, j’allais dire, d’ ″incapables mahorais ″ comme on pourrai raccourcir la chose aussi souvent que ça , on l’avait entendu très souvent dans la bouche de certains, mais ce sont ces ″ incapables ″ qui sont devenus des artisans et pour certains des chefs d’entreprise et qu’on a soutenu, on a essayé de consolider ou en tous cas de faire émerger en tant que vraie entreprise, et je vais vous parler aussi des différentes étapes parce que la aussi la formation, ce n’est pas un an d’école, enfin, entre guillemets, je ne sais pas si on comprendra bien, c’est des années et des années de suivi même dans un petit monde comme celui là, il y a des gens qui se mobilisent, qui disparaissent, qui reviennent, c’est un archipel, les gens passent dans les autres îles, reviennent, enfin, il y a des aller retour. C’est difficile d’avoir un tissu figé. Il faut compter avec ça. Toute cette démarche dont je vais vous parler c’est une démarche qui s’inscrit dans le temps et qui n’est pas, qui n’a pas d’objectif, même si tous les programmes ont besoin de réussir, mais pas d’objectif d’urgence. Il ne s’agit pas de former, évidemment, comment former des hommes, je parle de 400, 500 artisans et leur ouvriers, je ne parle pas de 30 comme une salle de classe, et pour consolider tout ça, pour faire exister tout ça, ça a mit énormément de temps et savoir évoluer nous même. Alors je pense aux architectes que vous êtes peut‐être évidemment, que vous serez peut‐être et dont je suis. Les architectes ont du accompagner à leur niveau l’évolution de ce savoir‐ faire en le connaissant aussi parfaitement que possible en ne dessinant pas des bâtiments qui étaient hors de propos pour la production locale en accompagnant aussi les progrès car il ne s’agissait pas de rester dans une logique de base et c’était bon aussi pour les maitres d’ouvrages. Quand je parlais de formation, on en reviendra à dire que moi ça tombait bien, je n’avais pas encore un trop gros niveau de formation, mais il s’agissait effectivement de former et des ouvriers et des artisans, des chefs d’entreprises mais aussi des architectes, des maitres d’œuvres, des ingénieurs qui sont des personnes importantes dès qu’il s’agit de produire, les maitres d’ouvrages. Eh bien tout ce monde là a du se former à regarder la production mahoraise autrement que ces lunettes qui sont celles des réflexes habituels de l’occident qui intervient, parce qu’il faut dire les choses comme elles sont, dans ce petit bout d’Afrique, qu’on s’est permit d’appeler dans l’exposition :

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« Mayotte, la plus africaine des terres françaises », et ce n’était pas pour rien, ce n’est pas simplement parce qu’il y a de la terre rouge et qu’elle est à 400km de l’Afrique, c’est aussi parce que la culture et celle d’une population qui est à 99% musulmane, quelques indiens, et qui est à l’origine malgache et africaine, un peu arabe et qui, évidemment, n’attend pas que les « M’zoungou », ce sont les occidentaux, le nom qu’on leur donne, qui viennent de Paris, ou de l’hexagone, pour leur donner des leçons sur leur façon de vivre. Et donc, on s’est donné le temps, on a eu, je pense, beaucoup de chance avec les initiatives des toutes premières années, faites de constats, de diagnostic et d’un regard tout simplement sur l’existant et la façon de vivre l’habitat à Mayotte. Alors, j’aurais envie de parler, effectivement, quand on dit 30 ans, de différentes phases. Il y a cette phase d’expérimentation qu’on pourrait situer entre les années 1980‐1985, on est à la recherche de matériaux, il s’agit de produire beaucoup, jusque là, c’est le sable de mer qui était utilisé aussi bien par l’administration que par les habitants, le sable de mer produisait du parpaing, de mauvaise qualité, du béton, avec du sel dedans vous imaginez ce que ça donne. On allait aussi jusqu'à exploiter le corail avec des fours à chaux pour remplacer le ciment qui n’existait pas ou qui était importé sac par sac pratiquement, mais quand il était question de lancer ce programme de plusieurs milliers de logements, il était évidemment, en même temps, pas du tout question de développer, ou en tous cas de renchérir dans des logiques de destruction entre guillemets des ressources naturelles de l’île. Alors, les analyses ont été faites rapidement et c’est là que le ″ mariage ″, je vais l’appeler comme ça, entre la SIM et CRATerre qui se sont poser la question des ressources et notamment de cette brique de terre qui est devenu un moyen quasiment incontournable pour produire en quantité. Alors, encore une fois, il a fallu mettre en place une filière, c’est toujours plus compliqué que d’apporter des panneaux tout fait ou de faire venir des panneaux en bois d’Afrique du sud ou des panneaux pourquoi pas en béton, c’est déjà arriver dans d’autres îles. Donc là, il était question de produire sur place, des sites ont été reconnus, et la peut‐être que Patrice Doat pourra vous en parler à sa manière, avec en tous cas d’autres mots que les miens, puisqu’il en était le patron à l’époque. Et donc il a fallu reconnaitre les sites sachant que l’île, toute petite, avait quasiment un réseau routier inexistant, il devait y avoir une cinquantaine de kilomètres de bitume sur l’ensemble de l’île, ça vous donne une idée des pistes et des moyens de communication. Il fallait à peu près deux heures et demie, trois heures, hors saison des pluies pour aller du nord au sud. Et donc il a fallu mettre en place des petites unités un peu partout dans l’île et l’organisation a été celle de 17 briqueteries, de mémoire, qui ont été installées un peu partout, associées à des sites de matières premières. On a très peu de sable, et le sable de mer il n’était évidemment pas question de l’utiliser, comme je l’ai dit tout à l’heure, on a un peu de sable volcanique, au passage, c’est une île volcanique qui est assez ancienne, elle a un peu plus de 8 Millions d’années, les roches basaltiques sont assez dégradées et se sont transformées en latérite pour beaucoup.

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La latérite est pratiquement omniprésente, la pierre est assez rare de fait, même si elle existe un petit peu et là on à pratiquement fait le tour quand j’ai dit ça. La pouzzolane, le sable volcanique qui est donc exploitable parce que « non marin » est en petite quantité mais on s’en sert en mélangeant avec de la latérite en quantité adaptée aux qualités des terres d’ailleurs, briqueteries par briqueterie, et on va s’en servir dans ce mélange pour fabriquer des briques de terre. Les options initiales sont d’ailleurs celle de l’autoconstruction. Un moment fort dans la production où pour démultiplier la production au lieu de démultiplier aussitôt le nombre d’entreprises et puis aussi pour faire participer les familles à leurs constructions, ça nous semblait un moment important de la production de l’habitat et non pas que du logement. Et donc, fabriquer son habitat, s’était mobiliser la famille, les familles. Et pendant une dizaine d’années on peut dire que l’autoconstruction a été le moyen le plus présent dans notre production annuelle. Ça voulait dire que les familles pouvaient compléter elles même, ou même construire leurs logements, apporter leurs matériaux et parfois déléguer à leurs amis artisans s’il y en a qui avaient les compétences dans leurs famille ou pas, tel ou tel élément dans la construction. L’habitat social se constituait d’un coté, des matériaux qui étaient importés est donc qui étaient mis à disposition par l’état, la SIM étant un opérateur intermédiaire sur le terrain d’état. Les matériaux et l’encadrement étaient fourni par la SIM tandis que la production, l’élévation des murs et même la finition du logement, parce qu’on livrait un logement, les tous premiers logements coutaient 12 000 francs en 1980 pour une quarantaine de mètres carré, on doit être à quelque chose comme 45€ le mètre carré, voilà l’investissement de l’état sur le logement. C’est assez significatif des moyens très limités. En même temps c’était des logements qui apportaient une pérennité, des soubassements, une toiture, des menuiseries et qui étaient sensés avoir une certaine pérennité, en tous cas, on a pu le vérifier même si on a eu des doutes à l’époque, on a pu le vérifier puisque certaine étaient encore là depuis les trente années de durée de vie. Cette production, autoconstruction, a été aussi étendue aux briqueteries. Les toutes premières briqueteries étaient sensées être animées, occupées momentanément, par les constructeurs. On s’est vite rendu compte que l’aspect professionnel ou la consolidation d’un tissu professionnel était essentiel pour notre production. Le coté spontané de la mobilisation des familles était parfaite su le papier mais quand il s’agit de produire des centaines de logements on a un peu de mal à suivre un rythme qui n’est pas que celui de l’opérateur SIM que nous étions et qui a besoin de résultat. La SIM au passage, est une société d’économie mixte, qui a besoin de résultats pour survivre. Il ne s’agit pas d’une administration ou d’un « consommateur de budget ». Donc l’autoconstruction à trouver une grande partie de sa place dans le logement et on l’avait étendue à des éléments comme la production des briques, même si je signal qu’assez rapidement on a été amené à corriger, pour les briques et leurs production, le niveau professionnel. En fait, on est arrivé à la fin des années 1985 à une production qui a augmenté assez rapidement et si je devais parler d’une deuxième partie, d’un ″ deuxième âge ″ de notre production et notre

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démarche, entre 1985 et 1995 on est rentré véritablement dans un moment de production quantitative lourde, en tous cas je l’espère aussi qualitative. On est rentré dans des moments où, pour parler de la fin des années 1995, donc la fin de cette petite décennie, on produisait plus de deux millions de briques par an, on a produit plus de 1000 logement sociaux dans ces années là, par an. Aujourd’hui on a entre 18 000 et 19 000 logements sociaux qui ont été produits. Au passage, je dois signaler que ce sont tous des logements en accession à la propriété. Ce n’est pas si anodin que ça parce que mobiliser les familles, les faire participer à leur logement c’est évidemment bien plus motivant si c’est pour leur propre logement plutôt que pour des logements qui appartiendrait aux opérateurs et qui leurs serait loué. En l’occurrence, les familles participaient et étaient propriétaires au moment même ou le logement était livré. C'est‐à‐dire qu’il n’y avait pas d’emprunt, il n’y avait pas de remboursement dans les années qui suivaient et ça s’était très important pour l’appropriation du programme par les familles. Les 18000 ou 19000 logements ne sont pas qu’une réussite technique, ça, ça aurait été possible que si on avait eu que l’argent mais le fait que 18000 familles se soient intéressées, se soient mobilisées pour ce programme ou en tous cas pour « profiter » de ce programme de construction montre bien qu’il était assez bien dimensionné ou assez bien adapté à leurs attentes. Donc cette deuxième partie, ce deuxième âge, c’était véritablement l’enjeu de production et là encore pour parler de briqueterie, toutes les briqueteries qui tournaient à raison de 10000, 15000, 20000 briques par mois devaient être suivies de manière très étroite. Il n‘y avait à l’époque, évidemment pas de normes, pas de certification pour ce matériau, c’était une « improvisation » technique mais qui était donc extrêmement contrôlée, on avait monté au sein de l’équipe SIM une cellule qualité, un ingénieur, quelques collaborateurs mahorais qui tournaient en permanence sur les briqueteries, qui en vérifiaient et la qualité de la production qui était refusée de manière assez « dure » si elle n’était pas bonne. L’expérimentation si j’en parle, ou si on en parle, ça reste évidemment un logement pour une famille, pour des familles, où on n’a pas trop le droit à l’échec. Il ne s’agit pas de faire une petite expérimentation à leurs frais. Et donc entre temps les briqueteries se sont évidemment équipées, on n’a fait venir quelques dizaines de presses Terstaram, si vous avez fréquenté plus moins le groupe CRATerre et les hommes aussi se sont fidélisé aussi à cette production, quand on produit 2millions de briques par an, on créé évidemment des revenus, des moyens et ça c’et un moteur évident pour des professionnels. Tout le monde de la production de brique et aussi les autre, les artisans, en générale, maçon, couvreurs, menuisiers, …, dont on a démultiplié les petites unités, plus de 500 artisans ont trouvés leur place dans ce programme d’habitat social au moment le plus fort de la production. Quelque mots sur la façon de les faire travailler d’ailleurs, et qui vous montre, comment architecte ou pas, en tous cas j’étais très impliqué dans ces réflexions. On s’est encore une fois mis à niveau, non pas par le bas, mais mis à niveau de leurs attentes à ces artisans, et de leurs capacités parce que ne pas les regarder comme ils sont, ne pas être réaliste dans ce domaine là, c’est les exclure et c’est évidemment contre la démarche que nous voulions développer. Les artisans

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mahorais, ce sont des personnes qui n’ont absolument aucune trésorerie, rarement des outils, rarement les moyens de payer leurs matériaux qui de toute façon, à part la Musada, cette coopérative dont je vous parlai tout à l’heure, voyait chez les fournisseurs de matériaux, assez peu d’attention, qui va payer quoi ? Et donc la SIM, opérateur, enfin, en tous cas la démarche qu’on s’est attaché à développer c’est d’amener les matériaux, on a mis à disposition des artisans, des matériaux. Pas comme kit pour faire des logements mais petit à petit avec des vraies responsabilités, des enjeux de contrôle, des magasins intermédiaires. Une vraie administration, une vraie gestion de ces matériaux. Petit à petit, les années passant, les compétences se confirmant mais aussi les artisans, il faut le dire froidement, disparaissant quand ils n’étaient pas trop bons, et bien on a pu confier des commandes, des marchés en fourniture et pose et ça, ça a été, mine de rien, des petites victoires les unes après le autres dans un espèce de montage, enfin, de progrès permanant, une démarche qui, je veux insister sur la chose, est partie de pratiquement rien et des choses qui paraitraient complètement évidente si on était en métropole. Parlons un instant du principe de la consultation, comment mettre en concurrences des artisans qui savent à peine faire le chiffrage de leur travail ? et qui vous disent presque : « mais c’est comme tu veux, combien c’est ton chantier ? c’est comme tu veux chef ». Voilà la réponse, un peu simple. Évidemment, on ne peut pas rester là‐ dessus, il fallait faire évoluer le sujet. Mais en même temps ne pas reconnaitre que c’est une réalité et bien c’est exclure la capacité des artisans à participer à un programme important. 1000 logements par an, ça représente quand même beaucoup de ressources, beaucoup de salaires et c’est une chose rare dans une société qui, j’ai oublié de le dire, en 1980 n’était quasiment pas monétarisée. On parlait avant tout d’une économie d’autosubsistance. On produisait ce qu’il fallait, donc pour construire sont logement en torchis ou en cocotier, et on produisait ce qu’il fallait pour s’alimenter. En l’occurrence, il n’y avait pas l’air d’y avoir une misère noir, c’est une île qui vivait plutôt de manière équilibrée, une société qui était de belle qualité. Peut‐être qu’on vit maintenant à un certain niveau moins bien aujourd’hui dans certains quartiers. Mais en même temps, j’en ai parlé tout à l’heure, inutile d’envoyer des familles dans une banque quand elles n’ont pour ressource que leurs champs ou leurs pirogues pour aller à la pêche. Même si ça fait un peu pittoresque s’était une réalité et comment envoyer les artisans dans une même banque ou comment faire attendre un artisan les résultats d’une consultation, d’une commande, et encore après les paiements ? Les paiements étaient organisés, pour construire une petite case, on payait en dix jours maximum, pour des chantiers qui, pour quelques fenêtre pouvaient être très limités, par exemple inférieur à 2500 francs français, on payait directement en cash à la caisse. Pas simplement parce que il s’agissait de manipuler des sommes en liquide, simplement parce que les artisans n’étaient pas bancarisés et encore moins bancarisables. Cette façon de payer a aussi permis à ce tissu d’artisans d’exister tout simplement et de progresser au fur et à mesure. Certain sont véritablement devenu des entreprises très moteurs et on en reparlera parce qu’au‐delà de l’habitat social qui se développait à un régime de plusieurs centaines de logements par

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an et bientôt passé milles logements, il y avait aussi ce programme locatif qui était aussi un autre programme de la SIM et qui avait pour vocation d’accueillir notamment les fonctionnaires qui arrivaient sur l’île. Depuis l’indépendance des autres îles des Comores, Mayotte s’était retrouvée dépositaire de tous les services, tous les chefs de service les directions qui se sont étoffées d’année en année. Je parlais du programme scolaire, je pense que Mayotte est assez exceptionnelle en termes de site de construction puisque je crois que depuis trente ans pratiquement un collège ou un lycée par an a été construit grosso modo. C’est juste ce qu’il faut et si vous entendiez le vice recteur à ma place je pense qu’il dirait que c’est insuffisant. Sur cette population de 200 000 habitants, au passage, il y a à peu prêt 70% de la population qui a moins de 20 ans. Donc en termes de scolarisation, ça a été quelque chose de très important. Et donc, les enjeux à ce moment là se partage dans toutes les situations, dans toutes les branches, dans toutes les questions qui peuvent être celles des équipements mahorais. La SIM accueil donc dans des logements assez classiques, en tous cas le programme est très classique, c’est un financement de crédit foncier de France avec une programmation tout à fait classique, sauf que notre interprétation à Mayotte a été aussi pour certain dévoyée peut‐être, en tous cas intégrée à la démarche générale. Et nous n’avons pas produit de logements locatifs autrement que nous n’aurions produits de d’habitat social, en tous cas en termes de programme. Aujourd’hui on a un peu plus de 1600 logements qui ont été construits en brique de terre de la même manière, le plus possible avec des artisans mahorais avec des producteurs de pierres ou de… et la question a été d’intégrer tout l’ensemble de notre production dans une seule et même démarche et non pas de créer des catégories. La valeur de l’exemple à ce niveau là a été importante, puisque je parlai d’établissements scolaires par exemple ou d’équipements publics. Dans cette même période, 1985‐1995, on peut dire qu’il y a une assez belle cohérence de la production à Mayotte, les lycées, les collèges qui se produisent à cette époque là, notamment avec les quelques architectes, je citais tout à l’heure Attila Chessial mais il y avait aussi Bruno Haignon, Thierry Le Grand.. Enfin, quelques uns qui étaient arrivés depuis le début des années 1980 et qui avaient trouvé leur place ils ont produit du lycée, du collège ou des équipements de santé qui étaient évidement différents de ce que produisait la SIM mais qui s’appuyait assez largement sur les mêmes méthodes et les mêmes moyens de productions, et ça a été une valeur d’exemple importante. Dans la façon dont ces matériaux, cette production, ces modes de production ont été adoptés par les familles. Il faudra que je fasse quand même quelques concession parce qu’aujourd’hui encore la brique de terre n’est pas le matériau le plus plébiscité de Mayotte. Mais que des écoles, que des collèges, que des bâtiments importants comme la préfecture soient construits en brique de terre, en pierre basaltique avec des matériaux et des entreprises qui finalement ressemblent à celles qui produisaient le logement le plus économique a une grande importance pour la réussite générale de la démarche. Au même moment après les années 1995, les choses vont devenir de plus en plus compliquées parce que Mayotte entrant de plus en plus dans l’ensemble français s’est vue appliquée de plus en plus de règlements, de plus en plus de

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normes, les enjeux des assurances, des garanties, de la décennale dont je parlai tout à l’heure, ont eu d’abord un impact sur les équipements publics où les conducteurs d’opérations ont commencé à regarder avec beaucoup de circonspection, beaucoup parfois d’inquiétude et voir avec du rejet pour certains d’entre eux tous ces matériaux et toute cette démarche. On peut dire qu’à la fin des années 1980 un certain nombre de difficultés commencent à être ressenties, d’abord dans le monde de la construction publique. La SIM maître d’ouvrage de ses opérations, ou assistant maître d’ouvrage des familles possédaient une assez large autonomie, même si on doit respecter les règles, on avait les moyens de nos choix. Les bâtiments publics un peu moins. Et donc on a assez vite ressenti et après cette deuxième période, je pense que s’est renoué à ce moment là des liens de partenariat importants avec CRATerre parce que après toute la période d’expérimentation où on avait des visites de l’équipe CRATerre au moins deux ou trois fois par an, les choses se sont un peu allégées en termes de partenariat pendant quelques années l’équipe de la SIM en tant qu’équipe qualité jouant son rôle de semaines en semaines on s’est rendu compte qu’il ne suffisait pas d’avoir des briques qui résistes à 40bars, des briques qui fasses 7, 5kg et des briques qui sèche de trois à quatre semaines avant d’être utilisées. On s’est rendu compte que les exigences de la construction à la française, n’y voyez pas que l’expression péjorative, puisque nous sommes en France à Mayotte, avait amené avec elle les réglementations et un cadre qu’il allait falloir regarder en face. On pourrait s’y confronter ou s’y opposer un petit moment mais donné, il s’agissait plutôt de l’intégrer, de l’adopter à notre façon plutôt que de l’empêcher parce que politiquement de toute façon, c’était limite perdu d’avance puisque Mayotte s’avançait pas à pas de manière volontariste, pour ne pas dire très volontariste vers la départementalisation. Je crois que Mayotte s’est fait connaitre par sa volonté l’année dernière, et nous seront le 101 eme département l’année prochaine en milieu d’année. A notre façon, le travail a du se réorganiser sur le thème de la certification de la qualité de notre filière brique de terre. Entre temps, on avait testé le cocotier, le manguier, la pierre basaltique, on a fait des logements 100% cocotier, mais c’est bien la brique de terre qui reste aujourd’hui la filière la plus pertinente pour la production du bâtiment à Mayotte. Les autres ont leurs places mais de manière beaucoup plus limité, soit même en termes économique puisque la petite disponibilité des pierres plates, du raphia ou même du bambou qui peut être une forme de ressource nécessite des dispositifs extrêmement lourds pour pouvoir les utiliser dans les bâtiments publics et parapublics et donc la brique de terre est donc probablement la filière qui a eu plusieurs millions de briques posées aujourd’hui, on est entre 36 et 37 millions de briques posées, ça représente quelques centaines de milliers de mètre carrés , plus d’un million probablement de m² de construction. Et ça, malgré tout le poids que ça peut avoir, il nous est apparu assez rapidement que la certification devait être un nouveau projet pour cette filière. Donc à la fin des années 1990, nous avons entamé avec l’appui de CRATerre un programme de certification ce qui nous a amené à travailler avec le CSTB avec la CAPEB. Ce sont des démarches et procédures qui sont longues et assez lourdes mais nous avons quand même

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réussi à obtenir une première norme expérimentale en 2001 sur le bloc de brique et nous travaillons encore cette année et l’année prochaine à la mise en place d’une certification, d’une réglementation sur la mise en œuvre de ce même bloc. Donc il faut être assez tenace, parce que d’un saut à l’autre, je parle d’une petite dizaine d’année à chaque fois et donc pour voir l’aboutissement de ce programme, il faut rester, comme moi, une trentaine d’années. On a « clos » cette période de production importante, on est arrivé à plusieurs milliers de logements en quelques années et ça semblait quelque chose d’assez acquis, le système de production, les artisans, tout ça tourne assez bien et on a d’ailleurs à ce moment là un certain nombre de reconnaissances, type prix, prix du Ministère de l’Équipement, prix européen de l’habitat, sélection pour le concours Aga Khan. On a été intéressé, invité, dans des pays comme le Sénégal ou le Kenya. Les Comores pour partager notre expérience, des tchadiens sont venus à Mayotte, on est allé en Calédonie parler de brique de terre et de construction en terre sans en être vraiment les meilleurs dépositaires. Donc un certain nombre de reconnaissance et si je le signale c’est pour vous dire qu’ensuite on a fait face à un certain nombre de difficultés. De manière assez contradictoire, à cette période là, on ne surfait pas sur le bonheur mais ça fonctionnait assez bien mais en même temps, se sont annoncé assez rapidement de vraies difficultés et je vais y arriver comme une nouvelle période que nous avons vécue. Ça serait pour moi entre le début des années 2000 ou les choses vont se corser, c'est‐à‐dire qu’a ce moment là les équipements publics et même un opérateur qui est en charge des programmes scolaires, dans le primaire notamment, plusieurs dizaines de classes par an annonce qu’il faudra passer à d’autre type de production, le tout béton. Vous avez vu d’ailleurs tout à l’heure quelques photos de centre de concassage de granulats, qui n’existaient pas du tout dans les années 1980, on n’avait pas les moyens à tout point de vue, et bien, ces centres ce sont installés, sont devenu puissants, le tout béton commence à arrivé et évidemment le tout béton, ça a d’emblée, l’intérêt des politiques parce qu’il s’agit de construire comme ailleurs, comme à la Réunion, comme en métropole, ça correspond assez bien au savoir des ingénieurs et des architectes voir des maitres d’ouvrages quand ils en ont et la question du tout béton va s’imposer de plus en plus lourdement dans les équipements publics. Évidemment la SIM se retrouve un peu marginalisée avec sa production habitat et justement l’effet exemplaire d’une démarche globale commence à s’effriter et on sent que ça va se corser. Nous redoublons d’effort pour les certifications, je pense aussi qu’on avait fait ce qu’il fallait pour ce qui était de la qualité mais on est arrivé à un vrai moment de difficulté avec, je citais tout à l’heure le thème des consultations, des façons de passer la commande, sur l’habitat social, en métropole, je pense que vous puissiez ignorez pas que tout doit être consulté, au permis de consultation, les moyens de distribution du travail aux artisans, qui n’étaient pas du tout improvisés puisqu’il y avait un nombre de procédures qui avaient été inventées zone par zone, secteur par secteur, seuls les artisans n’ayant pas de chantiers pouvaient avoir un nouveau chantier, il ne s’agissait pas d’accumuler chez les mêmes, toujours les même, les plus gros stocks de commande. On avait je pense une façon assez équilibré, voir une

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dissolution légitime du travail. Pour autant, c’était un peu limite par rapport au règlement mais enfin suffisamment limite pour que les inspections commences à, venant de Paris, provoquer des inquiétudes chez les fonctionnaires d’abord, ceux qui sont responsables des programmes et ceux qui attribuent les budgets. Mais aussi tout simplement au niveau des responsables que nous étions dans la SIM et quand je dis inquiétudes, avec des vrai mises en causes puisque l’inspection générale des finances dont je continu à contrarier les timides analyses, bon à titre personnel, l’inspection générale des fiances en 2003 a complètement critiqué le mode de passation des marchés, les matériaux locaux, ces artisans locaux qui n’avaient pas la capacité de garantie décennale, etc. etc. Et la force de ces institution, rarement on sait les mobiliser pour produire, en revanche efficace quand il s’agit de bloquer, et tout simplement, le programme habitat a été arrêté en fin 2003 début 2004. Ne restait en route que le programme déjà lancé. Le remplacement du programme en accession dont je parle depuis tout à l’heure a été décidé par quelques inspecteurs et devait être remplacé par du locatif social bien connu en métropole. Le locatif social est sans doute le mode hégémonique de réponse aux logements, comme on dit, des plus démunis des familles sans trop de moyens. Et donc le logement en accession social qui enrichissait les familles, au passage, a été pour le moins vivement critiqué l’idée était donc de le remplacer par du logement locatif social. Evidemment, c’était sans compter non pas sur nos propres moyens SIM, encore moins sur ceux de l’architecte qui est devant vous, mais avec la ténacité des familles. L’appropriation du programme accession social par les familles mahoraises a été soutenu, maintenu, exigé, revendiqué et aujourd’hui finalement je vous fais grâce des détails des bagarres qui n’ont pas été que abstraites puisque des plaintes, des complications à de multiples niveaux, des changements de directeurs ont été des conséquences un peu dramatiques dans toute cette affaire mais l’équipe SIM existe toujours, et les familles mahoraises ont toujours leurs propres exigences, ce que je trouve extrêmes légitime parce que c’est comme ça qu’un programme peut vivre et se développer en passant par les familles, en reconnaissant leurs exigences et leurs attentes plutôt et aujourd’hui finalement, sept an plus tard, nous nous relançons dans du programme en accession même si le programme locatif a aussi pris sa place, nous allons livrer pour la première fois à Mayotte cette année les premiers logements locatifs sociaux. On parle de 58 logements sur 3 opérations, des petites opérations qui ont été inscrites dans des quartiers existants et qui vont fournir les premiers locatifs sociaux avec toutes les démarches que vous pouvez imaginer qui sont celles qui accompagnent la production mais évidemment la gestion de ce type de logement. Des enjeux de l’accession peuvent paraitre à mon sens raccourcis du fait de l’enrichissement des familles, de propriété de gens pauvres, en tous cas dénommés comme tels, et donc de quelque chose qui parait à peu prêt incompréhensible pour un fonctionnaire de base français alors qu’évidemment, les prédispositions du locatif, géré par un opérateur avec des fonds de la caisse des dépôts et des directeurs organisés pour, tout ça c’est parfaitement organisé et déjà prévu. Et donc, il a fallut encore une fois s’adapter et faire adopter à ces techniques, à ces programmes certaines des réalités

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mahoraises. Je pense que nous sommes actuellement en assez bonne voie en termes d’habitat puisque ce locatif social, on a su l’associer. Vous aurez remarqué aussi qu’entre les premières cases R0 les petites cases d’habitat traditionnelles en torchis évidemment en rez de chaussée et ce qu’on construit maintenant, R+2, R+3, sur des terrains qui sont passés de quelques centimes de francs français à plusieurs centaines d’euros dans certains secteurs de Mamoudzou la ville principale. Ces enjeux là imposent un autre mode de production. Il ne s’agira pas de faire que de la case individuelle, il ne s’agit pas de construire maintenant des lotissements où on serait à moins de 20 logements à l’hectare ce qui était à peu près le mode de production dans les premières années parce que inscrit dans la tradition, parce que répondant à l’attente des familles, parce que aussi il faut savoir qu’une parcelle qui fait 400m², finalement une dizaine d’année plus tard, une quinzaine d’années plus tard, elle sera redécoupée en deux ou trois parcelles. Il faut savoir par exemple que quand on est architecte à Mayotte, les familles doivent construire pour leurs filles et c’est dans la tradition, le logement est un dû. Donc cette production de logement qui a été dynamique s’est aussi appuyée sur cette dimension sociale de l’organisation de la population mahoraise. Et donc aujourd’hui, la densité elle existe évidemment dans les chiffres, elle existe aussi dans les exigences des familles, elles ont à peu près les mêmes problèmes que les opérateurs ou constructeurs et là où il y a deux ou trois logements au sens traditionnel, maintenant il s’agit d’en faire le double. Et on commence à saturer l’espace horizontalement mais on commence aussi à étage. Ça, ça n’a pas été inventé par des techniciens métropolitains venus apprendre à construire à étage, il y a aussi des constructions à étages dans les autres îles des Comores notamment et Madagascar et les populations pour certaines qui viennent de là bas on un certain nombre de savoir. Maintenant, nous, SIM opérateur, on s’est associé à cette démarche générale de valorisation des terrains et avec notre brique de terre, avec cette nouvelle production, il s’agit maintenant de construire des R+1, R+2, R+3, R+4, des petits collectifs, on parle d’une vingtaine de logements sur une grosse opération, cinquante c’est énorme, une vingtaine de logements et bien on peut monter jusqu’à R+3. La brique de terre dans ces moments là a évidemment encore toute sa place mais il faudra aussi qu’elle fasse ses preuves en terme de certification, en terme de reconnaissance technique, d’autant que maintenant nous travaillons, je disais au début de mon propos que j’étais architecte à la SIM, mais aujourd’hui la SIM travaille avec des architectes qui ont leurs agences à Mayotte, ce qui permet de démultiplier les moyens mais aussi les formes de réponses, ce qui permet de ne pas s’enfermer dans une modélisation trop restreinte et donc toutes ces constructions à étages, avec les maitres d’œuvres, avec les maitres d’ouvrages, avec les ingénieurs qui ont des responsabilités devant leur profession, devant leur métier, et bien on va devoir leur proposer des matériaux et un cadre de production pour lesquels ils seront couverts. Tant que la SIM « était son propre assureur », c’était à peu près ça, on pouvait tout ce permettre, aujourd’hui l’enjeu des financements assez classique, caisse des dépôts, emprunt sur 40 ans sur 30 ans nous obligent à avoir un autre regard sur la chose et donc nous redoublons d’efforts pour faire aboutir le sujet de la certification

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assez rapidement. Alors, je ne vais pas épiloguer trop longtemps sur les difficultés que je situerais entre 2000 et 2005. Le programme a été sauvé, la SIM aussi qui a failli être fermée au passage et aussi les enjeux de la démarche. Aujourd’hui tout ça va s’exprimer différemment parce que aujourd’hui Mayotte à évoluée, je parlais de 47000 habitants, on est 200000, le smic était à 9€ par mois en 1980, il est a 900€ aujourd’hui, vous voyez, le terrain ne valait rien aujourd’hui il vaut 250€ à Mamoudzou, au m², ça créé un contexte, qui est une réalité mahoraise et pour autant, il y a des très bons signes sur le thème des matériaux locaux. Je suis content d’avoir résisté aussi longtemps pour voir la vague « revenir » en tous cas, ça me regarde mais il fallait un peu de temps. Après une période de montée en puissance, de grandes difficultés que nous avons connu, que je reconnais humblement, on en a vraiment pris plein la tête, aujourd’hui je pense qu’on peut parler, non pas d’une nouvelle chance, parce que la filière brique ne fait que répondre à des besoins, mais d’une nouvelle chance pour cette démarche et pour ce qui est proposé en termes de matériaux locaux, de retombées locales, qui vont s’exprimer différemment aujourd’hui, on ne fera pas 100 logements à l’hectare au lieu de vingt logement à l’hectare sans modifier le mode de production évidemment, il faudra intégrer de la hauteur, il faudra intégrer des espaces collectifs, il faudra intégrer encore des espaces traditionnels dans le logement, dans l’appartement T4 du 3eme étage par exemple. Donc les enjeux sont différents, on va essayer de les interpréter et de les adapter à la réalité mahoraise et ça c’est avec les enjeux du politique, du développement durable, HQE, c’est arrivé jusqu’à Mayotte, nous on l’appelle « May énergie » (Mayotte énergie). Ces enjeux, ce cadre, je crois qu’il à trouvé sa place dans beaucoup de maitres d’ouvrages notamment institutionnels. Aujourd’hui quand un collège se construit, il va se construire un lycée l’année prochaine, il va y avoir plus de 1000m² en briques de terre à la revendication du vice recteur, c’est impossible il y a 10 ans, c’était le rejet total. Aujourd’hui la brique de terre ne s’impose pas mais devient une espèce de, « ah mais ça c’est vachement intéressant, c’est écologique, ça fait travailler du monde… » cette démarche, un peu précurseur dans les années 1980 trouve finalement, une espèce de rebondissements depuis quelques années grâce à toute la démarche qui a été développée, évidemment non pas à Mayotte mais au‐delà de Mayotte et largement puisqu’on parle d’une politique quasi mondiale et Mayotte commence à savoir l’entendre, à la fois au travers de ses chefs de services, qui sont beaucoup plus à l’écoute et beaucoup plus sensibles vis‐à‐vis de cette nouvelle culture du bâtir, mais aussi les politiques qui commencent à se demander si finalement, ces enjeux de matériaux locaux, parfois critiqués par les politiques de Mayotte eux‐mêmes, les familles mahoraises, cette construction en terre, c’est un retour en arrière qui n’est pas trop supportable en tous cas qui n’est pas une vraie preuve de progrès, d’intérêt, franco‐français sur l’évolution de Mayotte et donc ce coté un peu « louche » et cette démarche un peu trop centrée sur Mayotte, et non pas internationale, pouvait être critiquée par les familles elles‐mêmes. Aujourd’hui, on sort de travaux assez intéressants, l’année dernière, il y avait les états généraux d’outre mer où la filière de briques de terre a été largement évoquée, commentée, supportée, travaillée, par

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d’autres que les personnes de la SIM, il y a avait des vrais porteurs, politiques, artisans, qui venaient parler de tout ça. Dans les bilans de ces états généraux, notre tout nouveau premier ministre déjà à l’époque à parlé, quand il est venu à Mayotte, de la brique de terre dans les conclusions qu’ils évoquaient à la télévisions mahoraise, ça ce sont des petites victoires qui sont bonnes à prendre. Récemment, nous avons participé avec l’association Art Terre Mayotte qui est à l’origine de la production de l’exposition, qui est dans vos murs. Cette association est un signe qui pour ma pars je considère comme très intéressant puisqu’elle réuni une trentaine de personnes : maitres d’ouvrages, ingénieurs, architectes et non pas de personnes de la SIM, de mon équipe ou de l’équipe dont je fais partie, ça a été une mobilisation qui a été ouverte, facile depuis deux ans et demi avec des architectes qui notamment sont vraiment intéressés à développer les matériaux locaux, d’autre façons de construire et évidemment d’autres images proposées par trente ans de production, évidemment, il ne s’agit pas de s’inscrire dans une continuité un peu trop « SIM ». Cette association a été sollicité pour des groupes de travaux, de pilotage qui sont entrain de rechercher à Mayotte les programmes, les projets qui peuvent apporter des valeurs vis‐à‐vis de la repaysassions parce que Mayotte, devenant département postule à toutes ces aides européennes auxquelles elle n’a pas le droit aujourd’hui et donc dans l’échange qui est entrain de s’organiser avec la dimension européenne de la départementalisation future de Mayotte et bien il y a l’intérêt de ce que Mayotte peut apporter comme projets, il y a d’autres choses que la brique de terre évidemment mais la brique de terre a fait l’objet de plusieurs groupes de pilotage comme un vrai projet à potentiel avec évidemment une production qui revient à l’ordre du jour. En 2011 selon nos calcul, plus d’un million de briques devraient être produites, c’est beaucoup par rapport aux zéro briques que nous avons produites pendant trois ans entre 2003 et 2006 et ça veut dire restructurer les équipes, restructurer les modes de suivi, de contrôle, ça veut dire obtenir rapidement cette certification, et c’est aussi un vrai moyen d’intéresser parce qu’il y a une économie derrière, ce n’est pas qu’une politique. Et ça s’est pris en main, c’est saisi comme une opportunité qui me semble‐t‐il prend enfin sa vraie dimension. Je ne dis pas qu’il fallait attendre 30 ans, je pense qu’on aurait pu faire plus vite. En tout état de cause, il a fallu cette ténacité mahoraise dans une démarche qui aujourd’hui n’est pas aboutie du tout. Je dirais qu’il faudra peut‐être une deuxième génération et je pense qu’aujourd’hui on a des vrais signes positifs par rapport, non pas à la brique de terre, parce que j’inclus la brique de terre dans un mode de production où la retombée locale a sa place. Il se trouve que la brique de terre est sans doute l’élément le plus porteur de construction et de mobilisation de l’emploi. Ce sont des sujets qui sont essentiels encore dans notre démarche aujourd’hui et qui vont s’interpréter très différemment parce qu’il y a des dizaines d’architectes qui travaillent maintenant sur ces programmes de logements et parce qu’aussi les exigences mahoraises sont bien différentes. »

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# Entretien téléphonique Patrice Doat le 7 mai 2014. > Savez vous qui a lancé ce programme d’habitat à Mayotte ? « C’est le directeur de la Direction de l’Équipement de Mayotte, M. Maurice et Pierre‐Yves Perrault le directeur de la SIM. C’était en 1979. À l’époque il n’y avait pas grand chose. On nous a appelé parce que les écoles étaient construites en béton armé, coutaient très cher et surtout pillaient le sable des lagons et donc nous avons été appelé pour trouver une alternative à l’utilisation du sable à Mayotte pour éviter que les gens prennent le sable, fassent des parpaings ou du béton avec ce sable qui protégeait forcement l’île. C’était la première raison de l’appel, c’était en 1979 où j’ai effectué la première mission de reconnaissance pour savoir s’il était possible de travailler l’architecture de terre en général et donc j’ai fait aussi une mission avec le BRGM pour chercher toutes les carrières disponibles le plus vite possible. L’idée c’était de répondre à cette question qui était fondamentale : comment utiliser les matériaux disponibles sur l’île ? Alors, pourquoi la brique de terre comprimée ? Nous n’étions pas forcément favorable puisque au départ, il y avait eu une expérimentation sur le torchis, sur d’autres techniques que les blocs de terre comprimés. Mais à un moment donné les pressions, aussi bien sociales que les pressions réglementaires des ingénieurs locaux, nous a obligé à travailler un matériau dit durable parce qu’il respectait les tests du CSTB, des tests normatifs. Du coup, ça a complètement transformé notre mode de production. Plutôt que de faire des blocs non stabilisés, au début on était parti sur des blocs non stabilisés, c’est‐à‐dire des blocs de terre, des blocs d’adobe ou du torchis en améliorant les techniques. Mais on a eu un blocage parce que ces ingénieurs de la direction de l’équipement, les techniciens… pour eux un matériau ça doit résister à l’eau, ça doit résister aux tests, même au gel/dégel etc… même si on est à Mayotte. Du coup on n’a pas pu engager des procédures pour travailler un matériau très économique au niveau énergies grises. La première étape a été de monter des briqueteries, on a monté 14 briqueteries pour construire en gros dans chaque village. À l’époque où on a monté les briqueteries, il fallait une demi‐journée pour aller dans le sud et pratiquement une demi‐journée pour aller dans le nord. Ce n’est pas comme maintenant, les conditions étaient complètement différentes. D’une mission qui était très prospective au début, c’est devenue une mission très technique avec des résistances à la compression qui étaient complètement folles, c’est‐à‐dire qu’ils nous demandaient 3MPa donc c’est énorme et à ce moment là on est obligé de stabiliser. Ce n’était plus Pierre‐Yves Perrault le directeur de la SIM, et on nous a obligés à stabiliser à des proportions très fortes. L’histoire elle est partie de là et du coup ça a toujours continué avec une stabilisation très forte. Ensuite c’est quand même un matériau qui n’a pas forcément une bonne reconnaissance même vis‐à‐vis de la population puisque tout ce qui

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est béton, tout ce qui est bois a une meilleurs image de marque. On a toujours été très pénalisé parce que ça n’enchantait pas forcément la population. » > La population n’était pas enchantée parce que ça faisait référence à l’architecture vernaculaire ? « Parce que c’est un matériau pauvre de fait, mais riche parce que culturellement il est riche et il ne demande pas d’énergies grises, mais aller expliquer à quelqu’un qu’il peut construire une maison avec un matériau entre parenthèse « non durable » ça créé des réticences. Les réticences, elles sont culturelles, les gens ne connaissent pas. Les gens n’osent pas imaginer qu’une construction en terre peut durer. Donc on a des réticences culturelles qui viennent aussi bien de la part des gens qui viennent de métropole que des gens locaux. Sauf quelques militants, disons plus intelligents culturellement, qui ont continué à miser sur la filière BTC, sur la filière terre. Mais nous on a toujours voulu sortir un peu de la filière terre pour passer à autre chose, mais ça n’a jamais été possible parce que quand on est parti avec un matériau qui peut être performant, on n’arrive pas à revenir en arrière. On a essayé mais ce n’est pas si facile. » > Pourtant, il y a eu des expérimentations avec les bois locaux, notamment le cocotier, et la pierre litée, mais j’ai lu qu’il n’y avait pas assez de ressources sur l’île pour envisager de construire avec ces matériaux de manière étendue. « Oui, ça s’est fait. Il y avait un architecte qui s’appel Attila Chessyal qui a beaucoup utilisé la terre, qui maintenant est à la Réunion, mais qui fait un énorme travail sur les matériaux locaux à Mayotte. Donc lui ça a été un des architectes avec Vincent Liétar qui ont beaucoup utilisé les matériaux locaux. Alors après ça s’en va un peu, ça revient, c’est difficile. Il y a eu des milliers de maisons qui ont été construites mais ce n’est pas pour ça que ça va perdurer pendant des siècles, c’est très fragile. C’est une filière qui reste très fragile parce qu’il y les ″ les bétonneux ″ qui sont derrière, en gros. Il y a toutes les grosses entreprises qui, en gros, n’en on rien à faire de la terre. Ils ont des normes, et voilà ils utilisent ce qu’ils ont appris en France à Mayotte. On impose finalement les mêmes techniques, les mêmes règles à la française dans une île où il ne gèle pas etc…, ça ne respecte pas la culture locale. Ça ne respecte pas la nature du sol local. La nature du sol à Mayotte elle est très riche, comme s’est un volcan, on peut faire énormément de choses. On peut faire des enduits, des murs porteurs en terre, du pisé, toutes les techniques possibles et imaginables. Malheureusement, on n’a jamais pu développer cette partie, la science de la matière et la science du matériau à Mayotte. Avec Vincent, on avait monté un grand atelier, comme les Grands Ateliers de l’Isle d’Abeau pour faire des expériences mais c’est tombé à l’eau. Il y a trop de pressions politiques pour qu’on arrive à faire autres choses. Peut‐être qu’un jour ça viendra mais pour l’instant ce n’est pas arrivé. Je pense qu’il y a encore beaucoup à faire à Mayotte, à conditions de respecter la culture locale et les matières locales plutôt que de faire venir des choses de la

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métropole ou de la Réunion ou d’Afrique du sud etc… Mayotte est très riche en matériaux. L’utilisation des matériaux de Mayotte on créé de la main d’œuvre, des emplois, etc… La filière BTC a quand même créé énormément d’emplois. On a connu des gens qui venaient travailler sur les chantiers en vélo et aujourd’hui, ce sont de véritables entreprises. » > Actuellement, avez‐vous une idée du nombre d’entreprises qui travaillent avec la BTC ? « Il y a un groupe d’artisans qui s’appel ART.TERRE, qui est une association, et qui continue à travailler la BTC. Ça ne s’est jamais arrêté, ça a beaucoup diminué mais ça continu encore. Ça dépend beaucoup de la commande de la maitrise d’ouvrage, des architectes, de la maîtrise d’œuvre… Ça n’a jamais arrêté mais il n’y a plus 14 briqueteries comme avant. Ceci dit, les routes ne sont plus les mêmes qu’avant. » > Combien reste‐t‐il de briqueteries aujourd’hui ? « Je ne sais pas, peut‐être quatre ou cinq, je ne sais pas exactement. Mais je sais qu’il n’y en a pas beaucoup. » > Savez vous comment la SIM et la Direction de l’Équipement on prit connaissance du CRATerre ? « En 1979, on avait écrit un bouquin qui s’appelait Construire en terre qui avait été édité par l’institut de l’environnement, ce n’est pas le premier livre qui s’appelait Construire en terre, c’était un autre qui était écrit à la main. Ils avaient eu vent du bouquin et il y avait l’adresse et c’est comme ça qu’ils nous on contacté. Quand on a sorti le livre aux Éditions Alternatives, on avait déjà été à Mayotte. J’ai été à Mayotte en 1978 dans le cadre d’une mission prospective pour identifier les carrières en liaison avec le BRGM. On a commencé à travailler en 1979 et on a dû ouvrir les briqueteries, ramener les presses et tout ça en 1981. Donc les premières briques on dues être produites en 1981. » > Quelles ont été les opérations pilotes ? « Il y a eu une opération pilote qui a eu lieu en 1982 à Passamenti, tout près de Mamoudzou et à 5km de Mamoudzou on a construit une série de logements en briques de terre crues. » > Comment ont‐elles été perçues par la population ? « Toujours pareil, une partie de la population n’en veut pas, l’autre partie en veux, il ya des gens qui considèrent qu’il est important de travailler sur la culture locale, les matériaux locaux et d’autres personnes qui considèrent qu’il faut tout faire venir d’Afrique du sud, on ne met jamais tout le monde d’accord sur une chose. C’est sans arrêt des bagarres. Il y a aussi des mahorais qui importent, qui exportent, il y a la filière ciment qui était au début maîtrisée par les indiens et quand la société immobilière de Mayotte a repris en main la livraison de ciment, ils ont eu beaucoup d’ennuis. Ils ont créé ce qui s’appelait une Musada à l’époque pour avoir tous les matériaux beaucoup moins cher parce que les indiens qui les importaient prenaient une plus value importante. Ils ont commencé à créer une

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Musada pour commander le ciment, le bois enfin tous les matériaux possibles et imaginables. Elle était installée tout près de Mamoudzou. Elle servait de coopérative de matériau pour vendre les « aides en nature », les logements « aide en nature » beaucoup moins chers. Il y avait des fondations en pierres, une ossature bois et ensuite les gens finissaient eux‐mêmes et là on avait des prix absolument inimaginables, imbattables. Ça c’est un système qui n’existe plus vraiment. C’était les premières opérations « aide en nature » où il y avait deux pièces. C’était considéré comme confortable parce qu’à l’époque il n’y avait rien sur l’île. Quand on est arrivé, il n’y avait pas d’électricité, il n’y avait que du riz, il y avait à peine des routes… Donc on rentre dans un monde aujourd’hui qui était absolument inimaginable à l’époque des années 1980. » > En ce qui concerne la normalisation, savez‐vous où en est la démarche ? « La normalisation de la BTC, ça s’est fait, il y a une norme française, par contre les gens du CSTB ou les gens des bureaux de contrôle demandent les règles professionnelles, qui servent à dicter une procédure aux artisans et elles n’existent pas et les DTU n’existent pas non plus. Ça traine depuis des années et on n’a jamais eu le contrat pour s’occuper des règles professionnelles. Du coup, comme Mayotte est française, ça doit passer par une commission française dans laquelle il y a la CAPEB, la Fédération Française du Bâtiment, les assurances, etc… En fait, la loi française est faite pour respecter tous les matériaux issus de l’après guerre, c’est‐à‐dire tous les matériaux type béton et toutes les autres filières sont énormément pénalisées par ce système normatif géré par le CSTB. C’est politique, le béton reste le principal convoyeur en France donc ils n’ont pas intérêt à faire des règles professionnelles sur les autres matériaux, que ce soit la paille, le bois etc… Le bois a été très pénalisé après la guerre de 1914 parce que les charpentiers sont morts dans les tranchées. Avant, il y avait une maison sur deux qui était construite en bois en France. Après la guerre, c’est la filière béton qui a tout repris. Vous n’avez qu’a voir ce qu’on vous enseigne à l’école, on vous apprend le béton puis c’est tout… C’est dû à l’histoire et du coup on n’arrive pas à sortir de ce système normatif qui est très contraignant pour le bâtiment. La BTC est un matériau qui est détesté par les ingénieurs parce que quand on le met dans l’eau elle ne résiste pas. Quelque part, l’architecte peut travailler avec un matériau qui est fragile mais l’ingénieur a un autre résonnement. Il dit que ce n’est pas l’architecture qui protège, mais c’est le matériau qui doit être résistent. L’architecte est capable d’adapter un matériau qui est fragile, la terre, le bois… et l’ingénieur il dit « non, moi je conçois les matériaux », parce qu’il a une formation technique. Il n’a pas une formation culturelle l’ingénieur, il a une formation technique où un plus un est égal à deux, si ça doit résister à 3bars, ça résiste à 3bars. Nous on sait très bien que pour la terre, la résistance à la compression sera peut‐être entre 1,5 et 1,8MPa et ça passe très bien et ça peut durer dans le temps. Et avec le système normatif, on n’arrive pas. On n’arrive pas à construire en pisé en France à cause des normes, c’est difficile de changer les choses. Avec le béton, on ne peut pas avoir de flèche, un plancher, il n’y a pas de flèche, il ne faut pas que ça bouge, il faut que

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ce soit raide. Quand vous mettez du bois en plancher ça doit être raide aussi, donc ça pénalise le bois. Maintenant, ils ont changé les règlements pour bois, mais ça a mit vingt ans. On est dans un système normatif en France qui ne permet d’utiliser qu’un seul matériau. Ça avance du côté de la filière bois, de la filière terre, mais on n’a absolument pas carte blanche. On ne peut pas dire que les recherches sur ces matériaux là sont comme le béton. On est à un pour un million au niveau de la finance. » > Le développement durable participe‐t‐il à développer ces filières ? « Oui, complètement, ça participe énormément au renouveau de ces filières. La terre, au niveau énergies grise, c’est imbattable. Vous pouvez prendre la terre des fondations et monter des murs avec, il n’y a pas de transport, donc de ce coté là c’est imbattable. Toutes les civilisations l’on prouvé puisque, que ce soit en Afrique, en Amérique latine, en Asie… Ils utilisaient ce qu’ils avaient sous leurs pieds. Maintenant on revient un peu ça mais il va falloir encore une bonne vingtaine d’années… Surtout qu’on a un milieu de techniciens acculturés. Ce sont des gens qui n’ont aucune culture, ils ont la culture du dur. Au Japon on a la culture du mou, c'est‐à‐dire que pour tout ce qui est sismique, au Japon, on n’est pas raide, on est souple et ici en France, on est raide, si on ne calcul pas son béton raide, raide, raide, on ne passe pas en sismique donc c’est de nouveau la culture du béton qui s’impose en sismique. Et Mayotte a eu énormément de difficultés à cause de cet a‐culturisme des techniciens, surtout que les gens changent tout le temps, donc il faut à chaque fois recommencer à zéro. Le seul qui sait construire à Mayotte, c’est Vincent Liétar. » > Savez‐vous quelle part de la construction représente l’utilisation de la BTC ? « Non pas du tout, à l’époque, c’était autour des 30%, aujourd’hui ça a beaucoup diminué. »

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École Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille


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