Réemployer Juliette Muller
Reconstruire REMEMBRER
SEMINAIRE DE RECHERCHE TERRITORIALITE, ARCHITECTURE ET PAYSAGE Celine Barrere & Isabelle Estienne 2016-2017
RENOUVELER restaurer
Réhabiliter Rénover
RECONVERTIR
RECYCLER L’ urbain Penser la ville comme une ressource renouvelable
remerciements
REMERCIEMENTS - 5
Remerciements,
La réalisation de ce mémoire a été possible grâce au concours de
plusieurs personnes que je souhaiterais remercier.
Je tiens à remercier Madame Barrère et Madame Estienne, en-
seignantes directrices de ce mémoire, pour leurs accompagnements et leurs remarques avisées et précieuses, qui ont contribué à nourrir ma réflexion.
Je remercie grandement Roberto D’Arienzo, architecte et cher-
cheur au GERPHAU, pour m’avoir accordé un entretien très enrichissant et m’avoir orienté vers de nouvelles pistes de recherche. Mes remerciements s’adressent aussi aux étudiants, amis et intervenants de ce séminaire de recherche, ainsi qu’à ceux qui ont accepté la mission de relecture.
6-
L’ année dernière, j’ai pu découvrir Naples, ville du sud très
chaleureuse parfois chaotique mais fascinante. Cette ville, marquée par son histoire et ses différentes occupations, offre un cours d’histoire à chaque promenade. C’ est une agglomération très dense, étendue, poussiéreuse et bruyante. Le cœur de la cité est constitué d’une succession
Ava n t propos
de palazzi. Habitant dans le centre, j’ai pu observer que nombre de ces palazzi étaient abandonnés, délaissés ou en attente. On peut cependant remarquer l’utilisation de certains comme centre culturel par de nombreuses associations. Celles-ci mettent en place des opérations plus ou moins légales de réhabilitation de l’ édifice –par elles-mêmes et par des volontaires–, afin d’utiliser ce potentiel d’espace disponible comme lieu de loisirs, d’ échanges sociaux- culturels et d’entraide.1 En parallèle à ces démarches citoyennes, la ville a mis en place depuis les années 1980 une stratégie « zéro hectare »2, dans le but de réutiliser ce qui est déjà-là et en attente de. En effet, le Plan Local d’Urbanisme (PLU) actuel de Naples est un plan qui « n’urbanise plus le non urbanisé ».3 Cette démarche zéro hectare se développe en une double stratégie affirmant les principes suivant : 1 Type : bibliothèque de quartier, cours de soutien, cours de langue pour les réfugiés ou habitants, cours de sport, animation, cinéma ... 2 D’Arienzo. R, «Restes comme ressources, recycler l’urbain entre «ville sanitaire» et «ville durable» Naples 1884-2004 », Thèse de doctorat en architecture, sous la direction de Younès. C, Di Mauro. L, Paris, l’université Paris 8- Vincennes-Saint Denis, Ecole doctorale «pratiques et théories du sens», 2015. 3 Extrait de l’entretien de Roberto D’Arienzo, voir en annexe 1, p4-15.
AVANT PROPOS - 7
- tout ce qui a été construit jusqu’en 1945 est à sauvegarder, - la totalité du non- construit est à sauvegarder qu’il s’agisse de bois, de parc, de côte escarpée ou de bretelle d’autoroute. La ville existante constitue dès lors un gisement de ressources à investir. Je me demande comment utiliser l’existant pour répondre à la demande d’habitat sans créer de nouveaux restes ? Quelle stratégie urbaine mettre en oeuvre pour une démarche d’adaptation plutôt que d’expansion de la ville ? La démarche « zéro hectare », le choix du recyclage, sont-ils les indicateurs d’une nouvelle politique urbaine ?
place en respectant des enjeux socio- économiques, architecturaux et écologiques ? Je crois que c’est un vrai challenge intellectuel et concret que tout architecte se doit aujourd’hui de tenter.
L’ obsolescence et la vacance urbaine sont des faits réels qui
touchent particulièrement notre métropole lilloise. En effet, entre 2014 et 2015, l’observatoire de l’habitat de Lille a dénombré 30 000 à 40 000 logements inoccupés, ce qui représente un taux de 7 à 10 % de vacance.5 En parallèle, la demande de logements est croissante, alors pourquoi ne pas considérer ces logements vacants comme un gisement ? Cela me semble être une première piste vers un recyclage urbain. Ces réflexions
Ces différentes questions ont germé à Naples. À mon retour, en
m’animent et me semblent primordiales quant à l’avenir de nos villes et
intégrant le master matérialité4, j’ai vu l’opportunité de m’interroger sur
à notre manière de la concevoir aujourd’hui et demain. À travers ce mé-
ces réflexions. À Fives, quartier ouvrier de Lille, comme à Naples, j’ai
moire de recherche, je compte explorer cette notion afin de la définir, la
observé une succession d’édifices vacants : des maisons abandonnées,
déconstruire, la comprendre et peut-être en faire mon paradigme archi-
murées ou des dents creuses. Ces maisons latentes constituent un po-
tectural.
tentiel en jachère, c’ est-à-dire des ressources dormantes pour penser la ville face à l’étalement urbain et à la crise écologique. Envisager une procédure de recyclage urbain pour cet habitat me fascine et me stimule: comment une maison vacante assimilée à un délaissé urbain peut-elle devenir une ressource urbaine ? Quelle procédure peut-on mettre en 4 Master matérialité, semestre d’automne dédié à la rénovation énergétique des quartiers de maison dite 1930.
5 La fabrique des quartiers, Rapport final, Étude pré-opérationnelle sur le recyclage immobilier des logements vacants, 2014- 2015, consultable sur le site : http://www.lafabriquedesquartiers.fr/Media/Fichiers/Rapport-Final-Etude-pre-operationnelle-sur-le-recyclage-immobilier-des-logements-vacants, consulté le 28/01/17.
8 - SOMMAIRE
Sommaire
SOMMAIRE - 9
REMERCIEMENTS
AVANT PROPOS
p5
2.1 Les différentes stratégies en « re ».
p30
2.2 Formation et réemploi des déchets urbains.
p60
p6 III. RECYCLER L’URBAIN
SOMMAIRE
p8
INTRODUCTION
p10
I. QUE SIGNIFIE RECYCLER ?
p16
1.1 Qu’est ce qu’un déchet ?
p18
1.2 Le modèle théorique de C. Harpet : une série séman-
p72
tique de la déchéance.
II. RECYCLER ET URBAIN
p74
3.2 Des filiations de la pensée du recyclage.
p79
3.3 Recycler l’urbain aujourd’hui, état d’un processus. p86 3.4 Les obstacles au recyclage urbain.
CONCLUSION
p92
p98
p19
1.3 Brève histoire du déchet et naissance du recyclage. p22 1.4 Recyclage : processus et cycle de vie.
3.1 Penser en ressources plutôt qu ’ en déchets.
p24
p28
BIBLIOGRAPHIE
p102
TABLE DES FIGURES
p108
TABLE DES MATIÈRES
p112
10 -INTRODUCTION
INTRODUCTION - 11
« Nous continuons à creuser notre dette écologique. A partir du lundi 8 août6, nous vivrons à crédit car nous aurons consommé en huit mois le capital naturel que la planète peut renouveler en un an. Nous devons impérativement changer de modèle de développement. La bonne nouvelle est que les solutions sont là. Mais il faut maintenant accélérer leur déploiement.»7
I n t r o duction
Le jour du dépassement global est calculé chaque année depuis
1986 par Global Footprint Network. En 2016, ce jour était le 8 août ; les 145 jours restants ont alors été des jours où nous avons puisé dans nos ressources non renouvelables pour nous déplacer, nous divertir, nous loger. Ainsi, l’humanité a entamé cette ère de l’Anthropocène définie par le chimiste Paul Crutzen comme « l’époque de l’histoire de la Terre qui a débuté lorsque les activités humaines ont eu un impact global significatif sur l’écosystème terrestre. »8 Catherine Larrère, philosophe, explique que « l’humanité est non seulement une force biologique, mais également une force géologique : elle pèse comme peut peser une montagne
6 Le 8 août 2016, l’Earth overshoot day- Le jour du dépassement global en français. 7 Canfin. P, cité dans WWF France, A partir du lundi 8 août 2016, l’humanité vivra à crédit, consultable sur le site : http://www.wwf.fr/?9560/overshootday2016, posté le 04/08/16, consulté le 20/11/16. 8 Définition du CNRTL, consultable sur : www.cnrtl.fr, consulté le 22/12/16.
12 -INTRODUCTION
elle a un effet physique sur le climat. »9 Ces réflexions m’ interrogent en
nibles. Ainsi, avec l’arrivée du développement durable, les délaissés ont
tant qu’architecte : comment faire la ville de demain face à la finitude des
acquis une valeur et sont redevenus des ressources potentielles. L’atten-
ressources ?
tion au développement durable se manifeste envers l’urbain notamment
Paru en 1987, sous le titre Notre avenir à tous le rapport Brun-
dtland introduit la notion de développement durable comme « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. »10 Ce nouveau paradigme repose sur quatre piliers : l’environnement, l’économie, le social, et la culture pour un monde viable, vivable, équitable et durable.
avec la Loi Grenelle II en 2010 et sa volonté de « rechercher un aménagement économe de l’espace par densification »11. En effet, la politique de la ville a adopté la densification en réponse à l’étalement urbain. Ce phénomène d’étalement apparait dès 1960 en France. Il correspond à une expansion urbaine à faible densité, souvent qualifiée de « grignotage progressif du périurbain et de [...] régression des surfaces agricoles, naturelles et forestières »12. Ce processus est dû notamment à la banalisation
Le chapitre 9 du rapport Brundtland est dédié au défi urbain, à
de l’automobile favorisant des déplacements à plus grande distance et
la révolution urbaine ainsi qu’ à l’augmentation considérable de la popu-
à l’engouement envers la maison individuelle qui implique une grande
lation en ville. Certains aspects de la décadence des villes sont présentés
consommation d’espace.
comme des occasions pour améliorer l’environnement : la reconversion de terrains et de bâtiments abandonnés, l’utilisation des déchets pour alimenter l’agriculture urbaine sont alors citées comme des pistes importantes fondées sur l’exploitation de «ressources supplémentaires» dispo9 Larrère. C, entretien réalisé par Marie-Noëlle Bertrand, «Il faut sortir de l’idée du combat et apprendre à coopérer avec la nature», L’Humanité, consultable sur le site : www. humanité.fr/tribunes/ Il- faut- sortir -de -l’idée- du comb-546030, posté le 17/07/13, consulté le 23/02/17. 10 Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’Organisation des Nations unies, présidée par Gro Harlem Brundtland, Notre avenir à tous, 1997, consultable sur le site : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/sites/odyssee-developpementdurable/files/5/rapport–brundtland.pdf, consulté le 16/12/16.
Face à cette consommation excessive d’ espace, de territoire et à
la finitude des ressources premières, nous devons trouver aujourd’hui de nouvelles stratégies pour un développement urbain durable. L’une des stratégies phares de ce paradigme est le recyclage. Effectivement, nous 11 Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’Organisation des Nations unies, présidée par Gro Harlem Brundtland, Notre avenir à tous, 1997, consultable sur le site : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/sites/odyssee-developpementdurable/files/5/rapport–brundtland.pdf, consulté le 16/12/16. 12 Laugier. R, L’étalement urbain en France, consultable sur le site : http://sous-équipement/IMG/pdf/Synthese_Etalement_Urbain2012.pdf, posté en février 2012, consulté le 24/02/17.
INTRODUCTION - 13
parlons sans cesse de recycler dans bien des domaines, alors pourquoi ne
modes de consommation et de conception. Ainsi, le faire-ville se trouve
pas l’associer à l’urbain ? Qu’est ce que signifierait alors recycler la ville ?
repensé. En effet, « l’écologie, la réduction de la consommation, le souci
Quelles pratiques existent déjà et comment sont-elles mises en place ?
du viable, du vivable, de l’équitable représentent des conceptions et des
Et si l’on arrêtait de démolir systématiquement pour construi-
re ? Après la Reconstruction de l’après guerre guidée par l’urgence, la rénovation «bulldozer» des années 1960-1970 animée par l’idéologie de la table rase, puis l’étalement urbain des années 1970-1990, l’heure est à la transformation –au recyclage– des bâtiments existants et des territoires urbanisés.
Des architectes, des urbanistes et des chercheurs s’intéressent à
ces questionnements, notamment ceux du Groupe d’Études et de Recherches Philosophie, Architecture, Urbain (GERPHAU) 13à l’ENSA La Villette. Ce laboratoire mène des recherches en philosophie, architecture et urbanisme. Depuis 2014, ses membres interrogent le devenir des milieux habités sous l’angle du développement durable. Selon eux, la saturation de l’espace terrestre par l’espèce humaine et la diminution de l’espace laissée à la nature forment en partie « les conditions d’une transformation radicale du sens d’habiter et des espaces qui l’accueillent ».14 Ils évoquent la nécessité d’un nouveau paradigme avec lequel repenser nos 13 GERPHAU, site du groupe d’étude consultable sur : http://www.gerphau.archi.fr 14 GERPHAU, consultable sur le site : http://www.gerphau.archi.fr/spip.php?rubrique34#, consulté le 25/11/17.
pratiques par lesquelles la cité semble se remettre en cause, interpeller son histoire et son mode de développement, interroger sa propre existence et ses capacités de métamorphoses »15. Selon eux, dans l’objectif majeur de la réduction de l’empreinte écologique, « la ville apparait donc comme le nœud crucial et le recyclage comme une stratégie incontournable »16. Dans un premier temps, nous pouvons nous demander ce que signifie "recycler la ville" ?
Si nous ouvrons les dictionnaires de l’urbanisme, de l’architec-
ture ou de la géographie, à la lettre R, nous notons l’absence du mot Recyclage. Malgré ce constat, nous y trouvons un grand nombre de stratégies urbaines commençant par « re », marquant chacune leur époque : réemploi, reconstruction, remembrement, restauration, rénovation, réhabilitation, renouvellement, reconversion. Cette liste de termes révèle-t-elle des différences uniquement sémantiques ou également conceptuelles ou politiques ? Au-delà de ces variations, le Recyclage, pourrait-il constituer une nouvelle stratégie urbaine pour l’ère Anthropocène ? 15 D’Arienzo. R, Younes. C, Recycler l’urbain, pour une écologie des milieux habités, Italie, MetisPresses, « vuesDensembleEssais », 2014, p10. 16 Ibidem
14 -INTRODUCTION
Introduire le terme -recyclage- dans les débats sur la ville permet
Ainsi, l’étude du vocabulaire de la politique de la ville dévoile
de faire émerger des stratégies qui privilégient l’adaptation plutôt que la
l’emploi récurrent de diverses stratégies urbaines au cours de l’histoire.
tabula rasa. Recycler la ville, « la formulation même résonne comme une
J’identifie 8 vocables : réemploi, reconstruction, remembrement, restau-
redondance. Dans un milieu vivant, en constante transformation, le re-
ration, rénovation, réhabilitation, renouvellement, reconversion. Ceux-
cyclage des bâtiments et des espaces est le principal outil de construction
- ci débutent tous par le préfixe « re », signifiant un «retour vers». Chaque
des récits urbains.»17 En effet, cette pratique semble avoir toujours existé.
terme correspond à une stratégie de développement urbain et représente
Recycler la ville c’est revenir au début d’un cycle à partir d’un
reste ou d’un déchet « non pas pour proposer une nouvelle théorie à la place des anciennes – ce ne serait plus du recyclage – mais pour faire avec les décombres, trouver çà et là des vestiges encore suffisamment solides pour leur faire jouer d’autres rôles, épouser d’autres valeurs.»18
À ce jour, je discerne deux formes voisines de ce que pourrait
être le recyclage urbain : le réemploi et la réécriture du palimpseste19. Ces deux pratiques architecturales sont ancestrales et adoptent une démarche durable dans le sens ou elles prônent le slogan « faire la ville sur la ville». 17 Reichen. B, «Recyclage», dans D’Arienzo. R, Younès. C, Recycler l’urbain, pour une écologie des milieux habités,MétisPresses,«vuesDensembleEssais», 2014, p 423. 18 Bonzani. S, «Dehors, frontières : d’une pensée de l’espace à une autre.», dans D’Arienzo. R, Younès. C, Recycler l’urbain, pour une écologie des milieux habités,MétisPresses,«vuesDensembleEssais», 2014, p19-20. 19 Le palimpseste est un manuscrit sur parchemin d’auteurs anciens que les copistes du Moyen-Âge ont effacé pour le recouvrir d’un second texte (définition du CNRL). Corboz utilise cette métaphore pour décrire le concept de faire la ville sur elle même, voir Corboz. A, Le territoire comme palimpseste, diogène, n°121 janvier-mars, 1983 p25.
les différents cycles de vie. Je qualifie ces politiques urbaines de stratégie en « re ». Or le recyclage est absent de mon inventaire. Je m’interroge sur l’absence de ce mot en urbanisme, surtout face à la transition énergétique et la crise environnementale. Je souhaite donc étudier : comment se positionne la notion de « recyclage urbain » vis à vis des stratégies en « re » identifiées dans mon corpus et en quoi et comment la pensée du recyclage urbain transforme la pensée et la production urbaine - des années 1960 à aujourd'hui ?
J’émets l’hypothèse que recycler l’urbain ne serait pas une nou-
velle manière d’appréhender la ville, mais peut-être « un mot valise » qui engloberait les stratégies précédentes ? J’ai la conviction que le recyclage urbain offre un nouveau paradigme à exploiter.
Pour nourrir cette problématique, mon corpus sera mon terrain
théorique. Ces réflexions novatrices sur l’urbain sont encore peu développées et encore moins publiées. C’est pourquoi, mon corpus est consti-
INTRODUCTION - 15
tué des deux derniers ouvrages du GERPHAU sur cette thématique, di-
urbain » vis à vis des stratégies précédentes en « re », la méthode proposée
rigés tous les deux par Roberto D’Arienzo et Chris Younès. Le premier
vise à constituer un lexique de ces stratégies. C’est-à-dire à compiler les
Recycler l’urbain, pour une écologie des milieux habités a été publié en
définitions de ces stratégies selon différents dictionnaires d’architecture,
201420, le second Ressources urbaines latentes, pour un renouveau écolo-
d’urbanisme et de géographie23. À travers l’élaboration de ce lexique, il
gique des territoires, en association avec Annarita Lapenna et Mathias
s’agit de questionner ces stratégies : relèvent-elles ou représentent-elles
Rollot, en 2016 21.
des notions connexes à celle du recyclage ?
Ces deux livres regroupent les pensées actuelles sur les moda-
Si on évoque le recyclage, cela sous-entend l’existence au pré-
lités de la construction de l’urbain face à la crise écologique et en dé-
alable de déchets. Ce simple constat invite à se demander à partir de
battent. Ils m’ ont permis de m’ acculturer à la notion de recyclage urbain
quand et à quelles conditions, une forme urbaine ou un édifice sont
et de dresser un bilan actuel au sujet de ce qu’est le recyclage urbain, qui
considérés comme des « déchets », des objets dignes de rebut. Je ressens
en parle, qui tente de l’utiliser comme un processus de projet architec-
la nécessité de mettre en place une dimension exploratoire face à cette
tural et comment ? Ces livres étant rédigés par une trentaine d’auteurs
interrogation, c’est pourquoi je compte interroger le quartier de Fives, à
venant de différents milieux - architecture, philosophie, géographie,
Lille et ses délaissés. La mise en place d’une cartographie des délaissés de
urbanisme - et de différents pays européens - France, Italie, Espagne,
Fives sera une aide exploratoire interrogeant la notion de déchet urbain.
Belgique - offrent un panorama européen de la pensée et la pratique du recyclage urbain. Pour étudier ces deux ouvrages, j’ai choisi de mettre en place une grille d’analyse unique, afin de pouvoir comparer par la suite les différentes pensées.22
Je vous propose dans un premier temps de comprendre les res-
sorts du recyclage avant de rentrer dans l’urbain pour finalement penser la ville comme une ressource renouvelable.
Quant à savoir comment se positionne la notion de « recyclage 20 Voir annexe 2, p16-17. 21 Voir annexe 3, p18-20. 22 Voir annexe 4 p21 et annexe 5 à14 (quelques exemples clés de grille), p22-38.
23 Voir annexe 15 et 16, p.39 et p40-48.
16 - QUE SIGNIFIE RECYCLER ?
QUE SIGNIFIE RECYCLER ? - 17
I. Que signifie recycler ?
Recycler est un terme contemporain inventé pour lutter contre la surproduction des déchets et la finitude des ressources. À l’ère de l’Anthropocène, cette stratégie semble indispensable pour les générations futures. En effet, cette pratique se préoccupe des déchets et les valorise. Les déchets sont sa raison d’être. C’est pourquoi, je vous propose d’étudier ce qu’est un déchet, notamment à travers son histoire et la théorie de Cyrille Harpet, avant d’analyser en quoi consiste le recyclage.
18 - QUE SIGNIFIE RECYCLER ?
1.1 QU'EST CE QU'UN DÉCHET ? « Il s’agit de toute substance, tout matériau, toute chose dont le producteur ou le détenteur se défait ou a l’obligation de se défaire et dont il est responsable jusqu’à son exécutoire final.» 24
et s’amplifie («la dèche», c’est bien le manque) : le terme de déchet dérive sans doute de déchoir (« déchiets » au XVème siècle), parce que, au cours du travail de fabrication, lorsqu’on coupe une étoffe ou scie une planche, tombent des lambeaux de tissu (appelés justement des «chutes») ou des copeaux de bois. »29 Ainsi, le déchet correspond à une perte de valeur,
Le mot déchet vient du terme déchoir apparu au XIIIème siècle
par exemple, aujourd’hui nous pouvons acheter à un prix moins élevé
dans la langue française. À l’époque, il est défini comme «ce qui tombe
des chutes de tissus plutôt qu’un grand métrage. Le morcellement est
d’une matière travaillée par la main humaine. C’est ce que nous nomme-
ainsi perçu comme une valeur négative.
rions aujourd’hui des chutes»25. Ainsi, le déchet n’est autre que « le résultat d’une déchéance, une chute qui fait tomber de, depuis, à partir de. »26 En 1580, Montaigne enrichit cette définition : « diminution en volume, en quantité, en valeur, subie par une chose pendant sa fabrication, son emploi »27. Ainsi, le déchet n’existe pas sans une production préalable, il est issu de celle-ci, en effet « le déchet est la soustraction opérée lors de la production : du produit, avec sa substance appropriée, se soustrait le déchet. » Ensuite, le déchet est un élément « dans lequel le négatif entre 28
24 Extrait de l’article L.541-2 du code de l’environement, consultable sur : https://www. legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006074220&idArticle=LEGIARTI000006834445&dateTexte=20080429, consulté le 25/03/17. 25 Grand dictionnaire des lettres, Paris, Larousse, 1986, volume 2, p 1133. 26 Guéry. F, «Déchets», dans D’Arienzo. R, Younès. C, Recycler l’urbain, pour une écologie des milieux habités,MétisPresses,«vuesDensembleEssais», 2014, p81. 27 Montaigne cité par Barles.S, «la ville gisement de ressources, fin 18e-fin 19esiècles. Excreta urbains, agriculture et industrie, dans D’Arienzo. R, Younès. C, Recycler l’urbain, pour une écologie des milieux habités,MétisPresses,«vuesDensembleEssais», 2014, p121. 28 Guéry. F, «Déchets», dans D’Arienzo. R, Younès. C, Recycler l’urbain, pour une écologie des milieux habités,MétisPresses,«vuesDensembleEssais», 2014, p81.
Néanmoins, certains déchets sont considérés indispensables à la
prospérité par leur contribution à la production agricole et industrielle. Les déchets type boue, excreta, ordure ménagère dégradable deviennent une matière première, un compost de qualité pour les agriculteurs. Pour des raisons économiques, leurs valorisations deviennent un enjeu primordial, tout comme la recherche de salubrité pour les gestionnaires urbains au XIXème siècle.
En France, le déchet obtient un statut avec la loi de 1975 rela-
tive à son élimination. Cette loi identifie un déchet comme « tout résidu d’un processus de production, de transformation ou d’utilisation, toute substance, matériau ou produit ou plus généralement tout bien meuble 29 Dagognet. F, Des détritus, des déchets, de l’abject, une philosophie écologique, marsat, 1997, p62.
QUE SIGNIFIE RECYCLER ? - 19
abandonné et que son détenteur destine à l’abandon ». Ainsi, le rebut re-
1.2 LE MODÈLE THÉORIQUE DE CYRILLE HARPET : UNE SÉRIE
présente l’élément antérieurement approprié et désormais délaissé. Toute
SÉMANTIQUE DE LA DÉCHÉANCE.
chose mis au rebut ou toute chose laissée pour compte par son détenteur devient déchet. Le déchet serait donc la forme ultime de la matière.
Cyrille Harpet est anthropologue, docteur en philosophie et
enseignant-chercheur à l’ EHESP31 qui étudie dans sa thèse Trilogie du
Au XIXème siècle, à partir de l’essor de l’industrie moderne, notre
déchet : Corps,Ville, Industrie32, les termes suscitant la hantise, la mort,
production de déchet est devenue gigantesque, et pas toujours ou en-
ce qui nous répugne. Il s’interroge sur la multiplicité des sens du terme
tièrement valorisable. En 1985, Jean Gouhier, géographe et enseignant
déchet. En effet, lorsque nous songeons aux déchets, aux ordures, ou aux
universitaire en géographie régionale et sociale invente la rudologie, de
rebuts, nous pensons souvent aux mêmes réalités. Ainsi, dans le langage
rudus en latin signifiant déchet, et logie signifiant science : c’est-à-dire
courant, ces mots semblent équivalents. Or l’étude de Cyrille Harpet
la science des déchets. Cette discipline étudie les déchets, leur dégrada-
cherche à définir les classes de l’immonde à travers des catégories allant
tion, et la possibilité de les traiter, voire de les valoriser et de les recycler.
de la décomposition, à la dégradation ou à la corruption. La démarche
Malgré l’invention du recyclage des matériaux, des ordures, de certains
est fondée sur le fait que la notion de déchet peut être déclinée à partir
objets, certains déchets restent des matières abandonnées, sans intérêt,
d’une série de paradigmes : ordure, rebut, déchet, détritus. À partir de
qui entrent dans la déchéance. On peut aussi parler de restes « sans doute
ce constat, il propose de classer les paradigmes du déchet en étudiant
parce qu’ils résistent et que nous ne pouvons pas aller plus loin dans la
les racines latines et grecques de ce terme. Ce faisant Harpet tente de
suppression [...» L’idée de reste renvoie à « ce qui subsiste, en somme,
constituer des familles sémantiques représentant la parenté proche du
lorsqu’on a enlevé le meilleur ou l’utile, le quasi-cadavérique, lorsque la
concept de déchet. Il aboutit à sept termes « bris, reste, ord, cadere, usure,
vie est partie. »30 Mais alors quelle est la différence entre un reste et un
rebut et saillie » desquels naissent sept familles interrogeant chacune une
déchet ? Une matière déchue et une ordure ?
problématique.
30 Dagognet. F, Des détritus, des déchets, de l’abject, une philosophie écologique, marsat, 1997, p63.
31 Ecole des Hautes Etudes en Santé Public. 32 Harpet Cyrille, «Trilogie du déchet : Corps, Ville, Industrie», sous la direction de Beaune, J-C, Lyon3, 1997.
20 - QUE SIGNIFIE RECYCLER ?
La première famille est celle des « BRIS » : bris, débris, bout,
choir, déchéance, chance, cadence, décadence, cadavre, chute, défaite,
éclat, fragment, morceau, bribe, parcelle, copeau, tesson, casson, miette,
disgrâce, cadavre et finalement déchet (voir FIG.1). Cette famille est liée
vestige (voir FIG.1). Selon lui, cette famille considère que le déchet peut
à la notion conceptuelle de la chute. Ainsi le déchet n’est autre que le ré-
être issu d’un tout intègre altéré par un de ces composants. Il s’interroge
sultat d’une chute, d’une déchéance.
sur la problématique du « tout et de la partie »33.
La cinquième famille « USURE » comporte un seul vocable :
La seconde famille nommée « RESTE » est constituée des termes
détritus (voir FIG.1). Harpet s’attarde sur la notion d’inscription dans le
suivants : relique, reliquat, résidu, trace, séquelle (voir FIG.1). La problé-
temps et de son empreinte qui « amenuisent les choses »35. Les racines la-
matique posée est celle du « tout constitué et du reste »34. C’est à dire que
tines usus et uti (se servir) signifient aujourd’hui usage, mais aussi usure.
le déchet est directement assimilé à un étranger exclu de la totalité consi-
Harpet considère que toute action ou contact vient amoindrir l’intégrité
dérée, ainsi « la famille conceptuelle du reste considère le tout comme
du tout. Cette famille « USURE » prend en considération l’inscription
une totalité close sur elle-même : le reste est cette fois à part et non une
temporelle et le rapport neuf- ancien.
part ».
La sixième famille « REBUT » est constituée de : repoussant, re-
Ensuite, Harpet s’interresse à la famille « ORD » constitué du
butant, rejet (voir FIG.1). La dualité attraction-répulsion est une base
couple : souillure, saleté (voir FIG.1). Cette famille attrait à l’ ord signi-
de réflexion pour Harpet, il s’interroge ainsi sur la subjectivité du rebut.
fiant sale en ancien français, dérivé aujourd’hui de ordure. Le déchet re-
C’est-à-dire que «ce qui est "rebuté "et non plus ce qui rebute : autrement
lève d’une perte d’intégrité du tout, d’une souillure, ou d’un ajout néfaste.
dit, je "répudie" plus que la chose répudie.»36 Ce ne serait donc plus le re-
Il interroge la dualité sale- propre, c’est-à- dire l’entachement.
but qui serait repoussant mais le sujet qui serait repoussé, révulsé, rebuté.
La famille « CADERE », dont sont issus les vocables : choir, dé-
33 Harpet. C, « Le déchet : une horloge chaotique, série sémantique des termes de la déchéance», sous la direction de Beaune. J-C, Le déchet, le rebut, le rien, Ed. Champ vallon, 15.01.1999. 34 Ibidem.
35 Ibidem. 36 Harpet. C, « Le déchet : une horloge chaotique, série sémantique des termes de la déchéance», sous la direction de Beaune. J-C, Le déchet, le rebut, le rien, Ed. Champ vallon, 15.01.1999.
QUE SIGNIFIE RECYCLER ? - 21
Finalement, la dernière famille dite «SAILLIE» comporte les vo-
cables suivant : relief, terril, crassier, dépressions, décharge, dépôt, dépotoir, cloaque, cavité, excavation, gouffre, abîme (voir FIG.1). Cyrille Harpet pose la problématique du saillant et du rentrant. Si l’on considère qu’une surface idéale est lisse alors les replis, les cavités et les reliefs
BRIS
RESTE
«ORD»
«CADERE»
USURE
REBUT
SAILLIE
constituent des accidents de type « rentrant» ou « saillant » et tout ce qui
débris
relique
souillure
chute
détritus
repoussant
relief
bout
reliquat
saleté
décadence
rebutant
terril
éclat
résidu
défaite
rejet
crassier
fragment
trace
disgrâce
dépressions
morceau
séquelle
cadavre
décharge
dépasse ou creuse cette surface idéale est alors considéré comme déchet.
Par le biais de ces différentes problématiques et les différents pa-
radigmes du terme déchet, je crois qu’Harpet arrive à cerner les diffé-
parcelle
dépôt
rents aspects de ce que peut être un déchet. Il démontre la diversité et la
bribe
dépotoir
richesse sémantique du terme déchet et met en place un classement ty-
copeau
cloaque
tesson
cavité
casson
excavation
miette
gouffre
vestige
abîme
pologique (voir FIG.1).
Ce classement des mots connexes au terme de « déchet » permet,
au-delà des raccourcis du langage courant, d’éclairer la subtilité qu’il y a entre un rebut, un débris, un résidu par exemple. Ces familles témoignent des écarts sémantiques existant autour de la notion de déchet. Cela nous interroge sur le statut du déchet. En effet a t-il un statut identifiable ? Après avoir étudié, les différents sens du terme déchet, nous pouvons compléter notre approche par l’apparition et l’évolution de ce vocable à travers l’Histoire menant à la naissance et à la nécessité du recyclage.
FIG.1 • Les familles sémantiques de la déchéance.
Reproduction © Harpet. C, « Le déchet : une horloge chaotique, série sémantique des termes de la déchéance», sous la direction de Beaune. J-C, Le déchet, le rebut, le rien, Ed. Champ vallon, 15.01.1999, p184.
22 - QUE SIGNIFIE RECYCLER ?
1. 3 BREVE HISTOIRE DU DECHET ET NAISSANCE DU RECYCLAGE.
tion .» 37
Ainsi, ce sont les problématiques liées à la concentration des
La gestion des ordures avant l’Antiquité peut être qualifiée
déchets qui engendrent la mise en place de stratégies urbaines d’aména-
« d’autogérée » étant donné que les nomades laissent leurs détritus se
gement. Philippe Auguste est « le roi [qui] fut incommodé à la fenêtre
détériorer. Cela est possible du fait de la nature biodégradable de leurs
de son palais, par la puanteur qu’exhalait la boue. Il fit alors mander le
déchets. À l’Antiquité, les hommes s’installent et construisent leur ville.
prévôt ainsi que les bourgeois et leur commanda le pavage de toutes les
L’accumulation de déchets dans ces cités devient alors problématique
rues et voies de Paris »38 Cette stratégie de « pavage » coïncide avec la
pour des questions d’hygiènes. Ces problèmes s’intensifient au cours du
recherche d’assainissement des rues et du sol, favorisant l’écoulement des
Moyen-Âge avec le développement du commerce engendrant un exode
boues. Cette solution facilite aussi la circulation et donc la possibilité
rural. L’augmentation de la concentration humaine en milieu urbain en-
d’aller déposer ces ordures en sortie de ville, c’est-à-dire là où les boues
traine une accumulation de déchets. Plus ceux-ci sont nombreux, plus
et excréments sont recherchés et valorisables. En effet ceux-ci ne sont
l’insalubrité règne et plus les conditions de vie deviennent complexes.
pas considérés comme des déchets dans le monde agricole mais, au
Cyrille Harpet souligne que tant que le Roi n’est pas confronté person-
contraire, comme des engrais. Philipe Auguste met en place également
nellement à cette accumulation de déchets, aucune mesure n’est mise en
un système de canaux et de fossés en centre ville. L’accumulation de dé-
place.
chets engendre des procédures de désencombrement de la cité et un re-
« Tant que le roi n’est point touché, la ville s’accommode de ses miasmes et excréta, de ses boues et immondices. Dès lors que la souillure vient entacher la parure souveraine et amoindrir son degré de “pureté”, il s’agit de faire de l’incident un événement, de l’événement une inaugura-
cyclage de certains déchets dans l’agriculture. Cependant, les citoyens ne sont pas rigoureux et rares sont ceux qui vont déposer leurs déchets en périphérie. Ce système fondé sur le volontariat individuel reste fragile et 37 Harpet. C, Du déchet, philosophie des immondices : corps, ville, industrie, Paris, L’Harmattan, 1999, p215. 38 De Silguy. C, Histoire des hommes et de leurs ordures : du Moyen-âge à nos jours, Paris, Le Cherche Midi, 1996, p19.
QUE SIGNIFIE RECYCLER ? - 23
permet aux épidémies de continuer à se multiplier.
Après une longue période d’insalubrité, François Ier exige une
gestion et une collecte des déchets par l’emploi de paniers récoltant les déchets, qui sont ensuite déposés en sortie de ville. Les déchets putrescibles
un recyclage. Ainsi dès 1883, une poubelle est dédiée aux ordures putrescibles, une autre aux papiers et chiffons, et une dernière pour les verres et la faïence. C’est un premier règlement encadrant le début du recyclage « matériologique ».
sont toujours réutilisés dans les champs. Les premiers « recycleurs »
apparaissent avec les chiffonniers qui assurent la collecte et la revente
France dans la mesure où les pénuries contraignent la population fran-
de ce qui peut être utilisé comme matériau de seconde main. Ce métier
çaise à recycler de manière systématique. Par exemple, tout matériau,
débute à la Renaissance et persiste jusque dans les années 1970.
objet métallique est recyclé, pour être transformé en arme, munition ou
Par exemple, les chutes de tissus sont transformées en papier et les os sont recyclés en gélatine.
Le XIXème siècle correspond à la période industrielle, qui en-
traine l’augmentation et l’apparition de nouveaux déchets du fait de l’installation des industries en sortie de ville qui attire davantage de population. La fin du siècle est marquée par les découvertes de Pasteur sur les bactéries. Celles-ci vont progressivement permettre d’enrayer les problèmes sanitaires liés à l’extension et la densification des villes. Suite à cela, des mesures politiques sont prises. En 1870, il est formellement défendu de jeter ses ordures sur la voie publique pour limiter l’insalubrité. En 1883, Eugène Poubelle instaure le célèbre récipient portant son nom qui marque la première tentative de collecte sélective envisageant
Les deux guerres mondiales modifient l’activité du recyclage en
structure de voie ferrée. À la fin de la guerre, les périodes de reconstruction utilisent les ruines comme gisement de matériaux pour reconstruire la ville. Nous pouvons ainsi constater qu’en temps de crise, le recyclage devient une pratique quotidienne.
La période des Trentes Glorieuses signe une rupture dans ce pro-
cessus à travers le phénomène de forte croissance économique et l’essor de la production industrielle. En 1960, chaque habitant produit environ 250kg de déchets par an. Ce chiffre ne cesse de croître depuis. En 1972, la convention de Londres interdit l’immersion de certains déchets dangereux non valorisables. Cette prise de conscience internationale s’accompagne en France d’une première loi concernant la gestion, la collecte et le traitement des ordures ménagères par les collectivités locales. En 1992, la loi Royal contraint les collectivités à valoriser et recycler leurs déchets.
24 - QUE SIGNIFIE RECYCLER ?
Ceux-ci sont alors perçus comme des gisements d’énergie, de chaleur ou de matière.
connotation positive et une seconde vie.
Le recyclage est une nécessité liée à la surproduction de déchets
Finalement, la première « crise des déchets » au Moyen-Âge en-
par l’Homme. En effet le mot recyclage voit le jour au même instant que
traine la mise en place de stratégies urbaines ayant comme instrument le
l’expression « société de consommation ». En 1970, le recyclage est remis
recyclage des déchets putrescibles en engrais agricole. Les deux conflits
au goût du jour par les défenseurs de l’environnement avec la création
internationaux du XXème siècle témoignent d’un recyclage instinctif par
d’un symbole universel. Celui-ci n’est autre que le ruban de möbius, re-
la population. Cette pratique devient un réflexe en période de pénurie.
présentant l’infini et la succession des cycles de vies. Ce logo signifie que
Depuis les Trentes Glorieuses, la surconsommation et la surproduction
le produit est recyclable ou que le produit a été réalisé à partir de maté-
de déchet a abouti à la création du recyclage industriel. Ainsi, face à
riaux recyclés (mentionné par un pourcentage). Aujourd’hui, la nécessité
une situation de crise, le recyclage semble être une stratégie récurrente.
de recycler n’est plus liée à des problèmes d’épidémies mais à la finitude
Aujourd’hui, cette stratégie est adoptée face à la prise de conscience de
des ressources. À l’ère de l’Anthropocène, le recyclage est une stratégie
la finitude des ressources. Nous pouvons nous demander comment et en
environnementale puisque nous consommons trop à l’échelle d’un terri-
quoi réside la pratique du recyclage.
toire. Recycler est indispensable pour réduire le volume de nos déchets
1. 4 RECYCLAGE : PROCESSUS ET CYCLE DE VIE.
Le mot recyclage est introduit en 1956 dans le Grand Robert,
cette pratique correspond à une « réintroduction dans un cycle d’opération complexe ». Recycler apparait en 1960, c’est débuter un nouveau cycle en partant d’un élément considéré comme déchet. Le préfixe « re » (introduisant la notion de «retour vers») renvoie au nouveau cycle de la matière. Recycler, c’est transformer un élément, en lui donnant ainsi une
et préserver les gisements de ressources naturelles. Ainsi, la matière recyclée doit être utilisée avant de ré-exploiter les gisements naturels.
Le processus du recyclage reprend la loi de la conservation de la
matière : « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme »39. Cette célèbre formulation pourrait être la définition du mot recyclage. En effet, recycler, c’est reconsidérer un déchet pour se demander ce qu’il est possible d’en faire. Cela se retrouve avec l’expression « rien ne se perd » évo39
La formule d’Antoine Laurent de Lavoisier (XVIIIème siècle).
QUE SIGNIFIE RECYCLER ? - 25
quant la notion de déchet à ne pas laisser pour compte, à ne pas perdre.
rien jeter.
Le recyclage est découpé en trois phases : la collecte, « la double
transformation » et la production d’un élément « neuf » (voir FIG.2). La transformation sémantique (la première) réside dans le changement de statut du déchet. C’est-à-dire que l’élément obsolète considéré comme déchet devient la ressource à recycler ou à réutiliser. Ce changement sémantique est le point de départ du processus de recyclage. La seconde transformation dite matérielle est le procédé chimique, mécanique ou organique mis en place pour transformer la ressource en un nouveau produit fini ou en une matière de seconde main. Ce basculement sémantique et ce changement de matière garantissent la réinjection du déchet devenu ressource dans un projet pour un nouvel usage. Cependant, recycler un élément nécessite une alimentation en énergie et crée à son tour des résidus. Il s’agit donc d’envisager un recyclage circulaire (voir FIG.3), dans lequel par exemple, un déchet est recyclé par une mécanique alimentée en énergie par les résidus issus de sa transformation. Il faudrait, dans l’idéal, envisager une production de déchet-ressource circulaire, à la manière des analyses de cycle de vie (ACV) mises en place par les industriels. Ce procédé consiste à étudier tous les cycles de vie d’un produit et d’anticiper son impact environnemental. Il s’agit aussi de penser sa création de manière circulaire, afin de pouvoir tout transformer et ne
FIG. 2 • Le processus du recyclage. © Juliette Muller, 2017, source : en reprenant la formule d’Antoine Laurent de Lavoisier (XVIIIème siècle).
26 - QUE SIGNIFIE RECYCLER ?
FIG. 3 • Le recyclage circulaire © Juliette Muller, 2017.
QUE SIGNIFIE RECYCLER ? - 27
Recycler en milieu urbain apparaît comme une pratique courante au cours de l’Histoire pour des questions hygiéniques, économiques et désormais écologiques. Cette stratégie propose de remettre en cycle ce que nous qualifions de «déchet». Par l’étude de Cyrille Harpet, nous avons perçu les nuances sémantiques autour de ce terme «déchet». Existe-t-il un statut du déchet ? Comment diminuer notre production de déchet ? Peut-être en mettant en place des ACV, cette pratique permet effectivement d’anticiper le recyclage d’un produit.
28 -RECYCLER ET URBAIN
RECYCLER ET URBAIN - 29
II. RECYCLER ET URBAIN
Recycler est un verbe absent du vocabulaire urbain. Cette absence est
notoire à l’ère de l’Anthropocène où cette stratégie semble une des seules manières de songer à un futur. Malgré ce constat, l’Histoire des villes est marquée par de nombreuses stratégies en «re» tels que le réemploi, la reconstruction, le remembrement, la réhabilitation, la rénovation, le renouvellement, la reconversion et la restauration. Le recyclage urbain serait la nouvelle stratégie en «re». Introduire ce terme dans le vocabulaire urbain permet de s’interroger quant à l’obsolescence et la vacance urbaine. En effet, le recyclage comme politique urbaine permet de se demander ce qu’est un délaissé, comment il se forme et surtout comment il peut disparaître (par une remise en cycle).
30 -RECYCLER ET URBAIN
2.1 LES DIFFÉRENTES STRATÉGIES EN « RE ».
Définition des différentes stratégies en « re ».
En 1960, en France, la ville laisse place à l’urbain. À ce moment
précis, la rénovation, la réhabilitation et la reconversion s’ajoutent à la liste des stratégies urbaines en « re ». Ce préfixe « re » signifiant « retour vers » se réfère à la notion de cycle de vie, de remise en cycle, c’est-à-dire à la réappropriation et requalification de l’existant. C’est pourquoi, ces vocables m’interrogent : sont-ils des formes de recyclage urbain ?
Ainsi, cette étude tente de redéfinir les stratégies urbaines mar-
quantes en France et en Europe à partir d’un lexique.40 Il s’agit d’identifier les processus d’apparition et de comprendre l’évolution des concepts de ces stratégies au cours de l’Histoire (voir FIG.4). Dans l’analyse, ces stratégies en « re » sont organisées par famille.
40 Voir annexe 17 p49 et annexe 18 à 25, p50-62.
RECYCLER ET URBAIN - 31
FIG. 4 • Les différentes stratégies en «re» au cours de l’Histoire. © Juliette Muller, 2017, source : D1, D2, D3, D4, D5, D6, D7, D841
41 Voir annexe 15, p39.
32 -RECYCLER ET URBAIN
REemploi,42(voir FIG.4)
Cette stratégie trouve son origine avec les spolia – en latin–, les
butins de guerre ou spoliations. À l’Antiquité, les spolia sont un moyen d’affirmer une puissance : les Romains, par exemple, pillaient (les chapiteaux, les colonnes ...) à la suite d’une victoire et intégraient ces éléments à leurs nouvelles constructions. Ainsi, le réemploi nécessite au préalable la récupération de matériaux qui sont ensuite assemblés : un nouvel emploi, un nouvel usage.
Le réemploi a sillonné l’Histoire, c’est une tradition dans l’art de
bâtir. Au Moyen-Âge, le réemploi consiste à exploiter un espace existant en le modifiant, en ajoutant, ou en effaçant des éléments. Il s’agit de tirer partie d’une situation existante. C’est le cas des arènes d’Arles qui sont utilisées comme carrière ou réinvesties comme forteresse. On tire partie de situations mais aussi de matériaux. Par exemple, à Nîmes, la concrétion de l’aqueduc est réemployée en matériaux de construction. Ainsi les concrétions disponibles à l’intérieur de l’aqueduc sont exploitées, l’aqueduc devient une carrière ad hoc. Le réemploi peut se manifester sous un aspect plus destructeur, lorsqu’au XIVème siècle, des édifices sont détruits afin de récupérer leurs matériaux, comme matière de seconde main.
42 Voir annexe 18, p50.
FIG. 5 • L’ évolution du réemploi : une stratégie et un outil. © Juliette Muller, 2017, source : D1, D2, D3, D4, D5, D6, D7, D8.
RECYCLER ET URBAIN - 33
34 -RECYCLER ET URBAIN
Puis, la Renaissance marque un changement et une nouvelle relation
nifestation de puissance, stricte nécessité, devoir mémoriel. D’autre part,
aux ruines : apparait une conscience et un goût pour les ruines. Elles
depuis les années 2000, cette stratégie est d’autant plus mise en avant face
acquièrent une valeur historique et esthétique, ce sont des vestiges du
à la crise environnementale et à la prise de conscience de la finitude des
passé à conserver. C’est alors que disparaît ce réemploi des ruines. En
ressources.
France, la période révolutionnaire engendre de nombreux actes de vandalisme et de destructions. C’est pourquoi, l’autorité met en place des décrets afin de conserver le patrimoine. Ensuite, la Restauration cherche à rompre avec la période révolutionnaire et abandonne la conservation. On assiste alors à un dépouillement de certains monuments en ruine afin de réemployer leurs matériaux. En 1832, Victor Hugo dénonce ces destructions par un plaidoyé pour la sauvegarde des monuments. Puis, ce
En Belgique, depuis 2005, le groupe Rotor via opalis44 a créé des
sites de matériaux de réemploi disponible pour toute personne, architecte voulant concevoir un projet dans un souci de développement durable. Le réemploi est peu exploité en France car il n’existe pas aux yeux du système juridique et des assurances. En effet, les matériaux de réemploi ne sont pas réglementés ni garantis.
sont les deux guerres mondiales qui ouvrent successivement une période
de reconstruction utilisant le réemploi comme stratégie pour rebâtir la
tique, le réemploi « adapte ces premiers objets à de nouveaux besoins
France (voir FIG.5). En période de pénurie, le réemploi est une stratégie
et usages. Les seconds objets issus du réemploi sont nouveaux tout en
très utilisée. Par exemple (voir FIG.5), Le Corbusier réemploie les pierres
contenant une épaisseur historique, tout en étant constitués d’un maté-
de l’ancienne chapelle à Ronchamp détruite suite à un bombardement.
riau mémoriel. C’est en cela que l’urbain réemployé est acte de civilisa-
Les pierres servent à bâtir les murs qui portent la coque de béton, ceux-ci
tion. »45
sont ensuite recouverts de béton projeté, puis d’enduit blanc à la chaux masquant la pierre43. À chaque époque, nous observons une forme de réemploi : ma43 Choppin Julien, Matière grise, matériaux, réemploi, architecture, Pavillon de l’arsenal, Paris, 2014.
Contrairement à la restauration ou la reconstruction à l’iden-
Nous venons d’identifier le réemploi comme une stratégie indispensable 44 Le réseau pour le réemploi des matériaux de construction, consultable sur le site : http://opalis.be/, consulté le 02/01/17. 45 Huygen J-M, « Réemploi, subsidiarité, architecture douce », dans D’Arienzo. R, Younes. C, Recycler l’urbain, pour une écologie des milieux habités, Italie, MetisPresses, « vuesDensembleEssais », 2014 p 393.
RECYCLER ET URBAIN - 35
en cas de pénurie, notamment lorsque la France doit se rebâtir. Nous
tructeur »48, comme en témoigne la tentative de G.B Ford à Reims. Cet
pouvons nous demander si la reconstruction s’avère être une stratégie
architecte américain propose une reconstruction novatrice, qui sera re-
voisine du réemploi.
jetée car il aurait fallu faire table rase de la ville. Les bombardements REconstruction,46 (voir FIG.4)
avaient déjà endommagé en grande partie Reims. Néanmoins, il restait les rues, les caves et les réseaux souterrains. C’est pourquoi, la recons-
Cette stratégie est ancestrale, c’est un dérivé du terme
truction se fait sur le parcellaire initial en conservant la création de cités
« construire ». En latin construere, qui se forme de cum et stuere si-
jardin en périphérie suggéré par Ford. Cette politique urbaine se fait au
gnifiant « entasser par couches » donnant finalement « bâtir, édifier ».
goût de chacun donc il en découle une ville éclectique dans un style ré-
Ainsi, la reconstruction réside dans l’action de construire à nouveau. En
gionaliste.
l’occurrence, il s’agit de « re »- construire un édifice détruit ou inutilisable suite à un désastre. En France, J. Levy et M. Lussault47 identifient les deux guerres mondiales comme deux exemples ou deux grandes catastrophes aboutissant à deux épisodes de reconstruction du territoire (voir FIG.4, après chaques armistices sont prises les grandes mesures).
Suite à la première guerre mondiale, la loi Cornudet est un pre-
mier pas vers cette stratégie (voir FIG.6). En 1919, face aux dégâts de la première guerre mondiale, la Société Française des Urbanistes (SFU) rend obligatoire pour les villes touchées et de plus de 10 000 habitants la création d’un plan d’aménagement, d’embellissement et d’extension (PAEE). Cette loi ne débouche pas « sur un véritable urbanisme recons46 Voir annexe 19, p51. 47 Voir annexe 16 p40-48 et annexe 19, p51.
En France, la première reconstruction est celle des villes et cam-
pagnes du nord et de l’est puisque ce sont les régions les plus détruites. Comment reconstruire alors que l’urbanisme progressiste voit à peine le jour ? (voir FIG.6)
La seconde grande reconstruction urbaine débute dès 1940
jusque 1960, c’est celle de la seconde guerre mondiale. Les urbanistes et les politiques de l’époque appréhendent le bombardement sous un aspect positif (voir FIG.6, bombardement = table rase) car il a créé la tabula rasa nécessaire pour éradiquer l’insalubrité et l’engorgement des villes. L’urbanisme prôné est l’urbanisme progressiste avec un désir 48 Levy. J, Lussault. M, Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Belin, « collection », 2013.
36 -RECYCLER ET URBAIN
d’aérer les centres ville et construire ex-nihilo en périphérie. Les deux principaux outils de cette reconstruction sont la loi de 1940 sur les plans de reconstruction et d’aménagement (PRA) et le code de l’urbanisme de 1943 (définition du zonage). Lors de la reconstruction, les fonctions sont regroupées par zone, travail, logement, loisir, par exemple les équipements sont regroupés hors centre. Nous distinguons les influences du mouvement fonctionnaliste dans la reconstruction. Il s’agit aussi d’aérer la ville, les rues sont élargies par expropriation et les parcelles redessinées et agrandies par remembrement. Le remembrement est l’outil principal permettant de reconfigurer et remodeler le parcellaire (voir FIG.1). Les logements neufs sont pensés de manière à être plus ensoleillés et davantage ventilés.
Le ministère de la reconstruction et de l’urbanisme est créé en
1944 afin de régler les problèmes liés à l’urbanisme, à l’habitat et à la construction. Il a pour objectif de lutter contre les îlots et l’habitat insalubre ainsi que d’éviter la reconstruction pensée comme une réparation (telle fut la stratégie adoptée en 1918). C’est pourquoi, dès la résistance, le débat sur la prochaine reconstruction débute même s’il reste assez limité. Certains architectes tel que le Corbusier s’interrogent sur ces problématiques refusant une simple reconstruction à l’identique, prônant le
FIG. 6 • L’ évolution de la reconstruction. © Juliette Muller, 2017, source : D1, D2, D3, D4, D5, D6, D7, D8.
RECYCLER ET URBAIN - 37
LEGENDE :
38 -RECYCLER ET URBAIN
planning et la charte d’Athènes. En 1943, en France, le front national des
tion. Cette politique signe la mise en pratique des principes fonctionna-
architectes voit un grand projet politique de rebâtir la France avec une
listes : hygiène, ensoleillement, zonage, fonctionnalité de l’espace urbain.
véritable réflexion sur les principes urbains et architecturaux à adopter:
Néanmoins, ces stratégies novatrices n’ont pas toujours été adoptées car
réparation ? reconstruction à l’identique ? nouvelles formes ? En 1945,
les habitants veulent retrouver ce qu’ils possédaient. Parfois le désir des
Eugène Claudius Petit, membre actif pour une reconstruction ne se li-
sinistrés prime privilégiant alors des reconstructions à l’identique, histo-
mitant pas à l’identique réclame à l’assemblée un plan directeur. Clau-
riques comme Saint Malo. Rares aussi sont les cas où l’on dessine un plan
dius Petit cherche à reconstruire de manière contemporaine « ou bien
masse régulateur avec une trame, de larges artères ... Ce type d’inter-
la France recommencera son passé, reconstituera un musée en toc […]
vention n’est possible qu’après une tabula rasa et l’utilisation du remem-
ou bien la France continuera sa tradition. Sa tradition ? Elle est de tenir
brement. Cependant, en 1945, au Havre, Auguste Perret redessine tout
compte des événements, de tenir compte des possibilités nouvelles, de
le cœur sous une trame de 6,24 mètres. Cet exemple de reconstruction
tenir compte des matières nouvelles, et de construire des villes jeunes,
moderne est difficilement reproductible, car elle nécessite dans un pre-
où l’Homme sera réconcilié avec la nature.»49Il ajoute que « la mise au
mier temps une destruction totale. C’est l’époque de l’éternel débat entre
point d’un plan directeur, pour chaque ville ou pour chaque région, n’est
reconstruire à l’identique ou de manière contemporaine.
rien, s’il ne s’accompagne pas du plan général de la France.[…]Décider l’édification d’une ville fonctionnelle, c’est reposer le problème dans son entier.»50
À partir des années 1970, la reconstruction est repensée comme
en témoigne les rencontres internationales des villes reconstruites. Ces rencontres sont animées par des discussions sur les destructions ur-
L’annonce d’un véritable tournant pour la reconstruction débute
baines massives comme le cas de Beyrouth, comment reconstruire sans
en Juin 1948 avec une politique de reconstruction et d’aménagement par
simplement réparer ? En France, dès 1970, les causes de reconstruction
les associations syndicales et les sociétés coopératives de la reconstruc-
sont liées à des évènements fortuits type incendie, catastrophe naturelle, désastre ... Désormais, il s’agit de rétablir un édifice ou un petit
49 Pouvreau. B, «La politique d’aménagement du territoire d’Eugène Claudius-Petit», Vingtième Siècle, n°79, juillet-septembre 2003, pp.43-52. 50 Ibidem
ensemble d’édifice en son état avant le sinistre. Depuis 1974, l’État a mis
RECYCLER ET URBAIN - 39
REmembrement,52 (voir FIG.4)
en place une politique d’exonération des travaux de rénovation dus à un évènement fortuit, pour faciliter la mise en place de cette stratégie. Cette procédure est réglementée par le permis de construire. En 1995, l’État met en place de nouvelles exonérations aux propriétaires d’immeubles sinistrés à condition que la surface reconstruite ne soit pas augmentée et que la demande de permis de construire soit déposée dans les quatre ans après le sinistre (évènement fortuit). Puis en 2000, la loi SRU introduit un nouvel article (L111-3) dans le Code de l’urbanisme51. Celui-ci auto-
Le mot remembrement est formé à partir du mot membre,
du latin membrum signifiant « partie d’un tout »53 et du préfixe « re » signifiant «retour vers». Ainsi, le remembrement est un retour vers un tout, un regroupement. Par exemple, l’opération de reconstruction du Havre d’Auguste Perret a nécessité un remembrement intégral du cœur de ville (voir FIG.4).
rise la reconstruction même si la zone est devenue inconstructible (sauf
exception). Finalement, cette stratégie consiste donc en la construction
1824, une loi sur le remembrement agricole est mis en place pour remé-
d’édifices, d’espaces urbains en substitution à ceux détruits pendant les
dier au morcellement des terres dû aux partages successifs des héritiers.
périodes de guerre ou les évènements catastrophiques.
Puis, la Loi Chaveau marque les prémices du remembrement urbain
Nous avons vu que le remembrement était utilisé dans le cadre
d’une reconstruction (voir FIG.4). Le remembrement serait-il un outil à la reconstruction ou une stratégie urbaine de recyclage ?
Le mot et la pratique sont issus du monde agricole. Le 16 juin
(voir FIG.7). Cette stratégie est adoptée pour réparer les dégâts causés par la première guerre mondiale. Le remembrement devient un outil d’utilité publique, cependant, il n’est alors qu’appliqué sur des parcelles non bâties. Nous devons attendre la seconde guerre mondiale pour voir apparaître la notion de remembrement urbain dans la législation française. Cette stratégie est définie dans les textes relatif à la reconstruction par les lois du 11 octobre 1940 et du 12 juillet 1941.54 Le remembrement
51 Legifrance, article L11-3, consultable sur le site : https://www.legifrance.gouv. fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006074075&idArticle=LEGIARTI000006814670&dateTexte=&categorieLien=cid, consulté le 24/02/17.
52 Voir annexe 20, p52. 53 Etymologie CNRTL, consultable sur : http://www.cnrtl.fr/etymologie/membre, consulté le 25/04/17. 54 Le Loiret, atelier de la ville de demain, La reconstruction dans le Val de Loire 19401953, Editions HYX, juin 2015, p59.
40 -RECYCLER ET URBAIN
FIG. 7 • L’apparition du remembrement comme stratégie urbaine. © Juliette Muller, 2017, source : D1, D2, D3, D4, D5, D6, D7, D8.
RECYCLER ET URBAIN - 41
urbain semble être un instrument de la reconstruction des villes sinistrées. Effectivement, cette pratique de redistribution de l’espace cherche à rationaliser les parcelles pour permettre une reconstruction économique et rapide. Cette stratégie est donc tributaire des deux guerres mondiales (voir FIG.4, les liaisons vertes signifiant le remembrement comme outil de reconstruction).
Le remembrement urbain consiste en une « recomposition
planifiée du parcellaire à l’intérieur d’un périmètre, par effacement des limites séparatives anciennes et détermination des parcelles au dessin nouveau.»55 C’est une stratégie de recomposition parcellaire sans conservation de la trame urbaine, contrairement à la réhabilitation. L’ émergence du remembrement en milieu urbain est liée à celle de l’urbanisme aux dommages de guerre et à la croissance des villes. Cette redistribution de l’espace constitue également les prémices de la création de la ville nouvelle notamment avec l’élargissement de la voirie et l’aération des îlots (voir FIG.7).
En 1996, la loi sur la mise en œuvre du pacte de relance de la
ville autorise la mise en place de cette politique afin de restructurer les LEGENDE :
grands ensembles et les quartiers d’habitats dégradés. Aujourd’hui, en 55 Voir annexe 19, p51, Gauthiez. B, Espace urbain, vocabulaire et morphologie, Ed. du patrimoine, «vocabulaire», 2003, p. 298-299.
42 -RECYCLER ET URBAIN
REstauration,57 (voir FIG.4)
milieu urbain, cette démarche permet la restructuration du sol et le découpage parcellaire autorisant la création de nouveau projet urbain et la création de nouveaux terrains à bâtir. C’est une manière de restructurer la ville existante en la densifiant et en luttant contre son étalement. Cette stratégie est souvent l’outil d’une autre stratégie. Initialement, ce fut un outil agricole, puis c’est devenu un outil d’aménagement foncier pour les projets urbains. L’initiative d’un remembrement parcellaire se fait par les propriétaires fonciers regroupés en Association Foncière Urbaine (AFU). La relance de cette procédure dans des tissus déjà urbanisés de
Ce mot vient de restauratio signifiant « renouvelement », mais
également « rétablissement dans son état primitif »58 Le terme restauration est formé à partir du supin restauratum, donnant restaurare et restaurer aujourd’hui, c’est-à-dire « rétablissement, réparation »59. Par exemple, en France, l’importance de la restauration apparaît au XIXème siècle avec la figure de Viollet-le-Duc qui restaura la cathédrale Notre Dame de Paris.
manière diffuse contribuerait à une offre foncière nouvelle dans l’esprit
BIMBY56 (sans consommation d’espaces agricoles).
chant à conserver un édifice. Cette idée de conservation des bâtiments anciens apparaît en Italie lorsque l’on redécouvre le traité De architetura
Cette pratique entretient un rapport admiratif au passé, cher-
de Vituve. Des architectes comme Alberti s’en inspirent, écrivent à leur Le réemploi, le remembrement et la reconstruction forment une
tour, trouvent un intérêt pour l’architecture antique. Ce regain pour les
famille de stratégie, dans le sens où elles dépendent l’une de l’autre. En effet,
monuments antiques amène au XVème siècle à l’apparition de la notion
le réemploi et le remembrement sont des instruments de la reconstruction.
de restauration. Une politique de restauration est adoptée concernant
Néanmoins ces deux stratégies évoluent seules également. Précédemment,
les ouvrages encore utiles comme les ponts et les églises. Puis en 1513,
le réemploi a été évoqué comme le contraire de la restauration, essayons de
Raphaël dans sa lettre au pape Leon X évoque et décrit la destruction des
comprendre en quoi ils divergent.
édifices classiques, tout en rappelant leur intérêt. Il insiste sur la nécessité
56 BIMBY : Build In My Back Yard, et si il était possible de construire de nouvelles maisons dans nos jardins ? concept de Benoît Le Foll, David Miet et Anaelle Sorignet.
57 Voir annexe 21, p53-54. 58 Étymologie et définition issu du CNRTL, consultable sur le site : www.cnrtl.fr, consulté le 28/02/17. 59 Étymologie et définition issu du Littré, consultable sur le site : https://www.littre. org/, consulté le 28/02/17.
RECYCLER ET URBAIN - 43
d’adopter une posture de préservation plutôt que de destruction. À ce
Duc. Ce dernier prône une restauration stylistique redonnant une unité
moment précis débute la restauration papale, par exemple, Sixte IV fit
de style à l’édifice, « restaurer un édifice, ce n’est pas l’entretenir, le réparer
restaurer le temple de Vesta. Dans un premier temps, cette stratégie se
ou le refaire, c’est rétablir dans un état complet qui peut n’avoir jamais
limite aux monuments classiques, les autres sont sous la responsabilité
existé »61. Ruskin accuse Viollet-le-Duc de destruction de l’authenticité
des architectes en question.
historique du monument. Il écrit dans les sept lampes de l’architecture
Avec la découverte de Pompei et Herculanum, l’archéologie
progresse vers l’idée de la conservation scientifique. La généralisation de la notion de monument historique permet d’introduire l’architecture médiévale dans le champ de la restauration. En France, Quatremère de
que « la restauration est la pire forme de destruction »62. Il défend l’idée d’une restauration romantique prônant la plus simple manutention et l’attention à l’environnement voisin. Il est contre remettre l’édifice dans une époque, il souhaite apercevoir la patine du temps.
Quincy officialise la notion de restauration dans son Dictionnaire d’ar-
chitecture60. Les débats sur cette stratégie commencent entre pureté ori-
la restauration philologique. Il reprend l’idée de la manutention, de la
ginelle et statu quo. Quatremère de Quincy, dans son dictionnaire, sou-
mémoire et de la lisibilité des strates. Il écrit une charte en huit points,
ligne les excès de la restauration et introduit la nécessité que le spectateur
certains points sont retrouvés dans la charte d’Athènes de 1931.
puisse discerner l’ancien du neuf. Ainsi la redécouverte de l’héritage classique, en France, engendre la création d’un inspecteur général des monuments historiques et d’une commission des monuments historiques. Cette stratégie se développe alors de plus en plus.
Au cours de la seconde moitié du XIXème siècle, en France, la
restauration devient une véritable discipline incarnée par Viollet-le60 Quatremère de Quincy, Dictionnaire d’architecture, Paris, librairie d’Adrien le Clere, 1832, consultable sur le site : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1045596f/f9.image, consulté le 28/02/17.
Puis, en 1883, Camillo Boito adopte une position intermédiaire:
Gustavo Giovannoni, italien aussi, adopte une autre posture in-
termédiaire à Viollet-le-Duc et Ruskin. Cependant, elle est différente de celle de Boito. Il introduit la notion de restauration scientifique. Cette pratique consiste en un minimum d’intervention, à l’attention à l’environnement voisin, au site et intègre la notion de monument artistique-histo61 Viollet-le-Duc. E-E, «Restauration», dans Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVe siècle, 10 Bände, Paris 1854-1868, consultable sur le site : http:// www.idb.arch.ethz.ch/files/viollet_restauration.pdf, consulté le 01/03/17. 62 Ruskin. J, Les septs lampes de l’architecture, parut en 1849, réédition klincksiek, «l’esprit et les formes», 2008, p256.
44 -RECYCLER ET URBAIN
rique. Finalement, Giovannoni opte pour un recyclage de la restauration philologique trente ans après. En 1945, il propose une classification des différentes attitudes de restauration : la consolidation, la recomposition, la libération, la conservation, et l’innovation.
Cesare Brandi, quant à lui, définit la restauration comme nous
l’envisageons aujourd’hui. Il propose d’examiner l’édifice et son ensemble sans gommer les marques du temps. On peut dire que la restauration est une stratégie théorisée et codifiée, d’autant plus au XXème siècle avec la série de chartes internationales (charte d’Athènes 1931, de Venise 1964 et deCracovie 2000).
Finalement, l’observation de la frise chronologique (voir FIG.8)
témoigne du réemploi de cette stratégie à de nombreuses reprises, chacune s’accordant un écart et formant une nouvelle théorie et pratique de la restauration. En France, la restauration stricto sensu reste rare de nos jours. Elle est réservée aux secteurs patrimonalisés ou aux édifices prestigieux. La restauration des ensembles urbains est permise grâce à la loi Malraux en 1962. Cela a permis de revaloriser les quartiers urbains historiques entraînant un engouement des populations aisées et donc une gentrification. La restauration est une stratégie conservatrice à l’opposé de la rénovation puisque sa réputation est celle d’une démarche : destructionconstruction.
FIG. 8 • La restauration à travers l’ Histoire, une théorie réemployée. © Juliette Muller, 2017, source : D1, D2, D3, D4, D5, D6, D7, D8.
RECYCLER ET URBAIN - 45
46 -RECYCLER ET URBAIN
REnovation,63(voir FIG.4)
La rénovation est un terme dérivant du latin renovatio, lui même
dérivé de renovare. Renovare se décompose en re et novare, c’est à dire rendre nouveau64.
Cette stratégie est mise en place pour renouveler la ville, cepen-
dant elle a un lourd impact sur celle-ci notamment par démolition-reconstruction. Cette stratégie est en rupture avec l’existant, c’est une pratique radicale et repérable. C’est pourquoi, selon J. Levy et M. Lusaut, elle existe avant même sa formulation dans le préurbanisme du XVIIIème siècle à Paris, ou sous le second empire avec Haussmann. En effet, F. Leonhardt identifie Haussmann comme le premier grand rénovateur urbain avec ces 120 000 démolitions, 340 000 nouveaux logements65. La rénovation se poursuit lors de la première partie du XIXème siècle en lien avec les théories hygiénistes et donc les théories émergentes d’organisation globale des villes. Cette pratique consiste en une démolition-reconstruction assimilée à « une table rase du passé »66 pour édifier selon les nouvelles normes en vigueur et doctrines. En France, la rénovation est 63 Voir annexe 22, p55-57. 64 Étymologie du CNRTL, consultable sur le site : www.cnrtl.fr, consulté le 04/03/17. 65 Voir annexe 16, p40-48, Léonhardt. F, Les 101 mots de la rénovation urbaine à l’usage de tous, Paris, archibook 2013, p 69. 66 Voir annexe 16, p40-48, Levy. J, Lussault. M, Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Belin, « collection », 2013, p789.
FIG. 9 • L’ évolution de la rénovation, de la démolition/reconstruction à la tabula rasa partielle. © Juliette Muller, 2017, source : D1, D2, D3, D4, D5, D6, D7, D8.
RECYCLER ET URBAIN - 47
LEGENDE :
48 -RECYCLER ET URBAIN
instituée le 31 décembre 1958 (décret n°58-1465) par Charles De Gaulle.
habiter, se divertir ... Ces différents urbanismes et le décret de 1958 ont
Ce décret est signé en même temps que le décret sur les Zones d’Urba-
permis les grandes opérations de rénovation de 1960. Celles-ci corres-
nisme en Priorité, ainsi ces deux décrets marquent aujourd’hui le visage
pondent aussi à la volonté des pouvoirs publics de développer l’activité
des villes françaises. Cette stratégie s’applique le plus souvent à un sec-
tertiaire. On observe alors la démolition des centres historiques pour
teur urbain ancien (souvent central) qualifié d’insalubre (parfois d’ina-
construire du neuf en changeant leur destination : création de centres
dapté). En effet, la rénovation urbaine mise en place pour des raisons
d’affaires par exemple. Ces interventions débutent par la mise en place
hygiéniques est notamment reprise et réutilisée en 1965 avec la loi de
d’un organisme aménageur avec l’acquisition des bâtiments, leur démoli-
suppression des bidonvilles, puis en 1970 pour la résorption de l’habitat
tion et l’aménagement des terrains. Cet organisme doit se charger du re-
insalubre.
logement des populations (au préalable organisme juridique permettant
Les Trente Glorieuses (voir FIG.9) correspondent au grand
moment de la rénovation urbaine, moment où la croissance urbaine semble autoriser et justifier des opérations lourdes permettant la création d’une ville fonctionnelle. Cette stratégie va de pair avec l’effacement des quartiers anciens au profit d’un urbanisme moderniste. La rénova-
l’expropriation). Puis, la suite des opérations est confiée aux constructeurs. Pour les habitants, c’est une procédure lourde et de rupture avec leur quartier. De plus, ces populations sont déplacées et nous assistons souvent à une gentrification du quartier et un éloignement des populations pauvres.
tion urbaine est l’instrument de prédilection des doctrines fonctionna-
Cette stratégie est rapidement critiquée en France et remise en
listes, fordiennes67 et modernes préconisant d’aérer les centres villes et de
question. La loi Malraux est la première alerte remettant en question cette
construire à l’extérieur les grands ensembles (de manière ex-nihilo). Ces
«pratique bulldozers» (voir FIG.9). Néanmoins la rénovation persiste
doctrines ont pour objectif de : rationaliser, organiser, simplifier la ville.
jusqu’au début des années 1980 « incorporant les nouvelles influences
Les fonctionnalistes68 organisent la ville par fonctions/zones : travailler,
urbaines émergentes : architecture proliférante (Renaudie-Gailhoustet, centre de Saint Denis ou d’Ivry), néo-haussmannisme (Labro-Orzoni,
67 La ville fordienne est tout aussi structurée, c’est une ville à l’image de l’usine taylorisée : tout est rationalisé. 68 La ville fonctionnelle de le corbusier, 1941.
RECYCLER ET URBAIN - 49
îlot Jemmapes-Granges-aux-Belles, Paris 10e).»69 Puis l’avènement de
bula rasa ? La rénovation urbaine de 2003 adopte une logique hybride
l’architecture urbaine70met fin à la rénovation urbaine par l’invention de
d’intervention : une « tabula rasa partielle »73. Pour rénover un quartier,
formes urbaines plus sensibles au contexte existant, comme les Hautes-
il faut parfois passer par une démolition car celle-ci permet d’introduire
Formes de Portzamparc et l’intervention de Grumbach à Mare-Cascade
un changement, une mixité. On fabrique la différenciation par substi-
à Paris. Cette stratégie urbaine est alors abandonnée le 18 juillet 1985
tution à un élément d’un ensemble homogène. Mais alors que faire du
avec la suppression du chapitre sur la rénovation urbaine dans le code
reste, du non démoli ? Une réhabilitation ? Une résidentialisation ? Ainsi,
de l’urbanisme. Les politiques de la ville envisagent alors des alternatives
la rénovation urbaine partielle dérive vers une requalification urbaine en
plus douces visant à améliorer l’habitat ancien, ils optent pour la réha-
omettant encore l’existant (qui ne peut pas être résolu de manière sys-
bilitation en général. À la fin des années 1990, les opérateurs urbains
tématique par une résidentialisation). Cette politique est de moins en
constatent un taux de vacance élevé dans les cités, parfois de 20 à 30 %71
moins utilisée. Nous pouvons remarquer que cette stratégie est moins
pour un immeuble. C’est à ce moment, que l’Union sociale pour l’habitat
polémique aujourd’hui puisqu’elle intervient sur des espaces moins char-
et le 1% logement ont lancé le dispositif « démolition-reconstruction »
gés de sens et de valeur historique (intervention désormais sur des grands
préfigurant le retour de la rénovation urbaine72.
ensembles industriels ou des requalifications de grand ensemble). La rénovation de 2003 s’attaque davantage aux zones urbaines sensibles avec
En 2002, Jean Louis Borloo, ministre de la ville, substitue l’ex-
des objectifs en termes de logement, d’emploi, de transport, de scolarité...
pression « renouvellement urbain » par « rénovation urbaine » (voir
En 2004, un programme national de rénovation urbaine est lancé pour
FIG.4). C’est le retour d’une stratégie urbaine qui a marqué la ville, ce
5 ans, avec un budget conséquent (30 milliards d’euros)74 afin de rénover
terme est-il toujours synonyme de démolition-reconstruction ou de ta-
l’habitat par démolition - reconstruction partielle ou construction. La
69 Voir annexe 16, p 40-48,Léonhardt. F, Les 101 mots de la rénovation urbaine à l’usage de tous, Paris, archibook 2013, p117. 70 Voir annexe 16, p40-48, terme employé par F. Léonhardt, il utilise les Hautes Formes comme exemple, dans Léonhardt. F, Les 101 mots de la rénovation urbaine à l’usage de tous, Paris, archibook 2013, p117. 71 Voir annexe 16, p40-48, Léonhardt. F, Les 101 mots de la rénovation urbaine à l’usage de tous, Paris, archibook 2013, p128. 72 La rénovation urbaine réapparaît en 2003, voir FIG. 4, p29.
mise en œuvre de ce processus a été confiée à l’Agence Nationale pour la 73 Voir annexe 16, p40-48, Léonhardt. F, Les 101 mots de la rénovation urbaine à l’usage de tous, Paris, archibook 2013, p128. 74 ANRU, «rénovation urbaine 2004-2008», consultable sur le site : file:///C:/Users/ Utilisateur/Downloads/renovation_urbaine_20042008_Quels_moyens_pour_quels_resultats.pdf, consulté le 04/03/17.
50 -RECYCLER ET URBAIN
REnouvellement,76 (voir FIG.4)
Rénovation Urbaine (l’ANRU) crée en 2000. L’ANRU permet la mise en place et le financement de projets globaux et d’opérations de rénovation. Ainsi de 2004 à 2015, l’ANRU par le biais du programme national pour la rénovation urbaine (PNRU) a lancé de nombreux projets de rénovation et d’amélioration du cadre et des conditions de vie. Cette agence est la clé de voute 75 de la rénovation urbaine mise en place par Borloo.
Cette stratégie semble dépassée en 2013 (voir FIG.4 et 9), l’ex-
pression « renouvellement urbain » est réemployée : retour à la situation précédente ou nouvelle doctrine pour la ville ? Ainsi, je propose d’étudier le renouvellement urbain afin de comprendre ces changements de paradigme urbain entre rénovation et renouvellement.
Le mot renouvellement vient de renouveler qui est un dé-
rivé composé du préfixe « re » et de « novel » aujourd’hui nouveau. Ainsi, le terme renouvellement signifie faire de nouveau, recommencer, remplacer. Le renouvellement urbain est esquissé dans la métropole Lilloise avec son concept de « ville renouvelée »77 inventé en 1990. Cette idée est portée par la Caisse des Dépôts dans les années 1990, car ce concept permet de s’interroger sur les problématiques d’immobilisme foncier, économique et urbain des quartiers d’habitat social. Cette politique de réinvestissement a un objectif clair et louable : favoriser les découpages fonciers permettant de rendre mutables des fractions du territoire et d’y introduire de nouvelles formes urbaines. Ce renouvellement urbain nait avec le passage d’un urbanisme centralisé à un urbanisme de projet (voir FIG.10).
En 1999, le Comité Interministériel des Villes (CIV) introduit la
notion de renouvellement urbain en lançant un programme national de renouvellement urbain avec pour instrument majeur le Grand Projet de
75 Voir annexe 16, p40-48, Léonhardt. F, Les 101 mots de la rénovation urbaine à l’usage de tous, Paris, archibook 2013, p65.
76 Voir annexe 23, p58-59. 77 Mons. D, « les formes de renouvellement urbain dans la ville de tradition industrielle», consultable sur: http://www.popsu.archi.fr/sites/default/files/nodes/document/817/files/lille-them-renouv-urbain-renouvellement-urbain, consulté le 12/03/17.
RECYCLER ET URBAIN - 51
Ville (GPV). Le CIV met en place 50 GPV et 40 Opérations de Renou-
vellement Urbain (ORU). Ces deux instruments de la nouvelle politique
necter des quartiers en difficulté à la ville. Cela passe par la création de
de la ville ont pour objectif l’amélioration du fonctionnement des quar-
nouvelles articulations, voiries, transports en commun, mais aussi par
tiers en crise ainsi que de favoriser leur insertion au reste de la ville. Les
la mise en place de structures culturelles, commerciales, et de loisirs
interventions mises en place sont diverses et prennent en comptent les
permettant un nouvel attrait à ce quartier. Les projets intègrent toutes
problématiques liées aux logements, aux transports, à l’emploi, à la sé-
les composantes de la vie quotidienne des habitants : emploi, éducation,
curité, à l’éducation ... Il s’agit de modifier, de renouveler les quartiers en
santé, droit, et ne se content plus que d’agir sur le bâti. La ville doit mettre
difficulté de manière durable dans leur morphologie et socialement c’est-
au cœur de ces projets sa population et sa municipalité. Ainsi, le renou-
à-dire mettre en place un projet urbain au service d’un projet social. Ain-
vellement est porté par l’apparition de l’urbanisme inclassable79. Cet ur-
si, les GPV et les ORU réinvestissent « des sites ayant un potentiel éco-
banisme accorde une importance au site, une mixité programmatique et
nomique sous utilisé » 78 par démolition-reconstruction (si nécessaire) et
sociale. Cette politique urbaine nécessite un engagement majeur de la
par réhabilitation de l’existant. En parallèle, l’Union Social pour l’habitat
part de l’État dans différents domaines : financier (caisse des dépôts et
et le 1% logement utilisent déjà ce dispositif démolition- reconstruction
consignations, union d’économie sociale pour le logement), des maîtres
rappelant le processus de la rénovation urbaine.
d’ouvrages, des structures d’intervention foncières ...
En 2000, le renouvellement urbain est porté par la loi Solidari-
D’une part, cette politique cherche à désenclaver et à recon-
D’autre part, cette stratégie en « re » a pour but de lutter contre
té Renouvellement Urbain (SRU). Cette stratégie urbaine apparait alors
la dévalorisation et l’étalement urbain en densifiant les secteurs urbani-
dans le code de l’urbanisme – en remplaçant le terme restructuration ur-
sés grâce à la réutilisation des sites industriels80. Le renouvellement urbain
baine. Le renouvellement est un acte de recomposition urbaine et sociale
est donc une réponse à la désindustrialisation, il s’agit de « refaire la ville
privilégiant le slogan construire la ville sur elle même.
78 Voir annexe 16, p40-48, Choay. F , Merlin. P, Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement, quadrige dicos poche, 2014., p683.
79 Choay. F, L’ Urbanisme utopies et réalités - Une anthropologie, Paris, Seuil, 1965. 80 Voir annexe 16, p40-48, Chateaureynaud, Dictionnaire de l’urbanisme, 800 mots, Paris, actes et procédures, Le Moniteur, 2003, p777.
52 -RECYCLER ET URBAIN
FIG. 10 • L’ évolution du renouvellement urbain. © Juliette Muller, 2017, source : D1, D2, D3, D4, D5, D6, D7, D8.
RECYCLER ET URBAIN - 53
sur la ville industrielle, voilà bien l’enjeu ».81 Les axes majeurs mis en place sont la réutilisation-transformation des friches industrielles, le renouvellement du parc du logement et une aération du tissu ancien.
En 2002, le terme renouvellement urbain disparaît soudaine-
ment au profit du terme rénovation urbaine sous l’action du ministre de la ville, Jean-Louis Borloo (voir FIG.10). Au moment précis, ou se pose la question du devenir des grands ensembles, comme si pour introduire du changement dans ces édifices, il fallait forcément passer par la même stratégie qu’à leur réalisation.
À partir de 2013, le renouvellement urbain est réemployé par
les politiques de la ville : simple réutilisation ou recyclage d’un concept précédemment utilisé (voir FIG.4) ? La politique de la ville affirme sa tendance au recyclage de concept précédent, en effet, la rénovation et le renouvellement s’alternent le rôle de paradigme urbain depuis 1985. Finalement, nous pouvons compléter cette famille de stratégie par la réhabilitation (ou l’instrument de la rénovation, voir FIG.4).
LEGENDE : 81 Mons. D, «les formes de renouvellement urbain dans la ville de tradition industrielle», consultable sur : http://www.popsu.archi.fr/sites/default/files/nodes/document/817/files/lille-them-renouv-urbain-renouvellement-urbain, consulté le 12/03/17.
54 -RECYCLER ET URBAIN
REhabilitation,82 (voir FIG.4)
La réhabilitation s’est formée à partir du préfixe « re » et de habi-
litatio en latin. Habiliatio venant de Habilitare, c’est-à-dire rendre apte83. Réhabiliter, c’est donc l’action de remettre en état antérieur.
Aujourd’hui, la réhabilitation est une remise en état avec le sou-
ci de conserver les qualités et les caractéristiques architecturales. Elle contribue à l’amélioration des conditions de confort et d’adaptabilité. Elle s’oppose donc à la restauration qui procède en une remise en état initial, le plus souvent. Cette opération garantit une adaptation de l’édifice aux nouveaux modes de vie. L’ exemple de la Tour le Prêtre à Paris me semble un cas de réhabilitation intéressant car les architectes Lacaton-Vassal et Druot ont su réellement améliorer le cadre de vie et le confort des habitants. La cellule de l’habitat est repensée et agrandit grâce à de nouveaux planchers sur toute la périphérie de la tour. Ce projet permet d’agrandir les séjours et de créer des jardins d’hivers, tout en introduisant un confort thermique et un nouvel apport lumineux. Cette stratégie consiste donc à tirer partie des qualités de l’édifice existant. Il s’agit d’envisager une transformation plutôt qu’une démolition. La réhabilitation est synonyme de réparation, elle se situe entre la rénovation et la restauration. 82 Voir annexe 24, p60-61. 83 Étymologie et définition du CNRTL, consultable sur le site : www.cnrtl.fr, consulté le 05/03/17.
FIG. 11 • La réhabilitation, une stratégie phare. © Juliette Muller, 2017, source : D1, D2, D3, D4, D5, D6, D7, D8.
RECYCLER ET URBAIN - 55
LEGENDE :
56 -RECYCLER ET URBAIN
En France, elle apparaît dès les années 1960 lorsque l’on com-
ceau de ville, on parle de requalification.
mence à s’interroger sur le devenir des grands ensembles ou les espaces à transformer ou à conserver. En 1962, la loi Malraux, sur les secteurs sauvegardés, définit qu’un ensemble urbain présentant un intérêt particulier (historique, esthétique...) peut être classé, protégé ou restauré. Grâce à cette loi, en secteur sauvegardé, il devient impossible de mettre en place une rénovation urbaine. C’est pourquoi, la réhabilitation est une alternative qui se développe particulièrement dès 1962 (voir FIG.9). La réhabilitation est une stratégie urbaine employée dans le cas où la démolition n’ est pas possible ou n’ est pas souhaitée. Cette stratégie est un moyen
La réhabilitation agit sur des cas divers comme sur les habi-
tations à bons marchés (HBM), ou sur le Patrimoine du XXème siècle (Bleuets à Créteil) ... Cette stratégie est soutenue par l’Agence National pour l’Amélioration de l’Habitat. Avec le retour des populations aisées dans le centre ville, nous assistons à la revalorisation des centres et donc à un grand nombre d’opérations de réhabilitation. Le problème est la spéculation foncière envoyant les populations à faible revenu à l’extérieur du centre ville.
de lutter contre la tabula rasa systématique au nom de la sauvegarde du
patrimoine, ou de la trame urbaine. Elle devient le paradigme urbain
suivie de la création de l’ANRU, la réhabilitation devient un instrument,
dans le cas d’une intervention sur des quartiers existants à rétablir. Cette
un outil (voir FIG.11). Les PNRU84 utilisent notamment abondamment
stratégie garantit donc une densification et évite la propagation de l’éta-
cette stratégie : 300 000 réhabilitations réalisées contre 100 000 démoli-
lement urbain. La réhabilitation s’approprie le concept de reconstruire la
tions conduites entre 2004 et 2015.85
ville sur la ville. Elle permet de maintenir une densité de l’habitat dans les quartiers anciens.
En 2002, avec le retour de la politique de rénovation urbaine,
Finalement, la réhabilitation comme le renouvellement urbain
sont liés à la rénovation urbaine. La réhabilitation est un outil permet-
En 1985, lorsque la rénovation urbaine est abandonnée par l’État
tant une alternative à la rénovation « bulldozer » en quartier sauvegardé,
(voir FIG.11), la réhabilitation devient la stratégie urbaine de référence.
tandis que le renouvellement partage à temps partiel le rôle de paradigme
Cette démarche est applicable à un édifice, un ensemble ou une portion d’édifice, mais lorsque nous élargissons l’échelle au quartier, à un mor-
84 «PNRU : Programme National de Rénovation urbaine, projet mené à l’échelle du quartier sur une période de 5 ans.» Définition dans : Léonhardt. F, Les 101 mots de la rénovation urbaine à l’usage de tous, Paris, archibook 2013, p142. 85 Ibidem.
RECYCLER ET URBAIN - 57
urbain avec la rénovation urbaine (voir FIG.4). C’est pourquoi, je les consi-
tains domaines d’activités sont en déclin. C’est le cas des industries spé-
dère comme indissociable et formant une famille. Pour finir, je propose de
cialisées dans le charbon, la sidérurgie, le textile ou encore les chantiers
découvrir la reconversion, stratégie proche de la réhabilitation.
navales. Les sites industriels, plus assez performants ou dont l’activité est
REconversion,86 (voir FIG.4)
stoppée ou délocalisée, se retrouvent totalement abandonnés, vacants, en attente de ... Que faire de ces sites souvent gigantesques ? Jusqu’aux
Le mot reconversion est issu du préfixe « re » et du terme latin
années 1980, ces zones industrielles en déclin sont maintenues par des
conversio signifiant « action de tourner, changement, métamorphose »87.
subventions très coûteuses aux collectivités locales. À l’époque, celles-ci
Reconvertir, c’est donc le fait d’adapter, de transformer.
accompagnent la baisse de productivité en pensant éviter l’effondrement
Par exemple, en 1980, l’usine Le Blan à Lille est reconvertie en
économique.
logement par les architectes Reichen et Robert. Ils inaugurent l’applica-
tion du concept de reconversion en France. Puisque quelques années
de reconsidérer ces zones abandonnées, ces sites victimes de ces muta-
avant, les Halles à Paris étaient détruites alors que Londres offrait une
tions et désengagement (délocalisation et cessation d’activité) comme le
seconde vie à Covent Garden (voir FIG.12). Redonner un nouvel usage à
soulignent J.Levy et M.Lussault.88 La reconversion est une hypothèse de
un édifice, c’est le sauver mais aussi l’ancrer dans la société actuelle. Ainsi,
réutilisation et de requalification sociale, spatiale, économique des es-
l’avantage de la reconversion réside dans le fait de conserver l’identité et
paces de l’industrie en crise. C’est l’idée d’une remise en circuit d’un site
la mémoire du lieu en se le réappropriant. Cette pratique est aussi une
obsolète en changeant son affectation. En effet, lorsque nous construi-
forme de lutte contre l’étalement urbain. C’est-à-dire que la reconversion
sons un édifice, en général, c’est pour une fonction précise. Cependant,
permet une économie de terrains et de voiries ...
l’évolution des mœurs et usages étant plus rapide que l’usure et la dé-
Cette stratégie naît dans les années 1960 en France, lorsque cer-
86 Voir annexe 25, p62. 87 Étymologie et définition issu du Littré, consultable sur le site : https://www.littre. org/, consulté le 04/03/17.
En 1984, une politique de «pôles de conversion» est lancée afin
gradation d’un bâtiment, il est donc nécessaire de trouver une nouvelle destination. Pourquoi ne pas le transformer plutôt que le détruire ? 88
Voir annexe 16, p40-48.
58 -RECYCLER ET URBAIN
Aujourd’hui, lorsque nous réaménageons une friche industrielle,
on parle de reconversion urbaine. D’autre part, face à l’obsolescence programmée, la question du changement d’affectation est d’autant plus pertinente. La reconversion serait un des paradigmes actuels de la ville. De plus, face à la finitude des ressources, cette stratégie semble judicieuse et à exploiter.
L’ analyse de ces stratégies en « re » souligne le fait que ces
différentes politiques se croisent, se répondent, ou coexistent ensemble au cours du temps (voir FIG.4). En effet, certaines stratégies sont les outils d’ autre stratégie : ensemble, elles forment une famille. De cette étude se dégagent deux familles : celle regroupant le réemploi, le remembrement et la reconstruction et celle composée de la réhabilitation, la rénovation et le renouvellement. Chaque stratégie a néanmoins ses particularités, son type d’intervention et son type de lieu. Ces lieux sont leur base d’intervention et ils ont un dénominateur commun : le fait d’être un élément abandonné. Ces délaissés urbains, peut-on les considérer comme des déchets urbains à recycler par la politique de la ville ? Je m’interroge alors sur comment se forme un déchet urbain et si il existe un statut du déchet ? FIG. 12 • L’ évolution de la reconversion. © Juliette Muller, 2017, source : D1, D2, D3, D4, D5, D6, D7, D8.
RECYCLER ET URBAIN - 59
LEGENDE :
60 -RECYCLER ET URBAIN
2. 2 FORMATION ET RÉEMPLOI DES DÉCHETS URBAINS. Les différents processus de création d’un espace « déchet ».
Je pense que les « BRIS » sont les principaux rebuts engendrés
par ce phénomène. Tout d’abord, les espaces résiduels et désertés, les chutes d’une division qui ne tombent pas juste, que nous pourrions nom-
Le déchet est le fruit d’une production. A ce jour, j’identifie cinq
mer les lapsus cadastraux. C’est-à-dire, les entre- deux difformes entre les
évènements producteur de déchet urbain à savoir le découpage du terri-
parcelles découpées de manière géométrique et plus facilement aména-
toire, la cessation d’activité, les catastrophes, l’action du temps et le projet
geables. Il y a les franches hybrides « qui ouvrent des plages en lisière des
urbain. Je vous propose en reprenant le classement de C. Harpet de com-
sols colonisés par les grands projets urbains. » 89 Ensuite, nous pouvons
prendre quel déchet est issu de quel évènement.
identifier les parcelles découpées à l’équerre « au cœur des nouveaux
Le découpage du territoire, créateur de déchet (voir FIG.13).
ensembles mais absentes de toute réalisation.»90 Elles sont caractérisées par leurs formes, leurs situations, leurs expositions les rendant stériles
J’identifie l’aménagement du territoire comme un des grands
de toute urbanisation. Puis, les résidus91 des opérations de renouvelle-
producteurs de délaissés urbains. La production de ces déchets n’est pas
ment urbain au cœur des villes, on observe deux types : des vieilles pierres
un hasard, ce n’est pas un accident ni une action fortuite. C’est la consé-
(échappées de la patrimonialisation ou des stratégies en « re ») et des
quence de l’aménagement urbain pensé comme découpage du territoire.
fragments de nature (talus, terre plein, bocages en lambeaux ...) Finale-
Les déchets urbains, ce sont les restes d’une division, les restes du décou-
ment, les zones, comme vu précédemment, naissent de ce découpage. Ce
page fonctionnel de l’espace. Les délaissés sont le résultat d’un urbanisme
sont les produits de la normalisation de l’espace, de « la police de l’amé-
gouverné par la standardisation du marché ou la pensée urbaine du mo-
nagement »92.
ment - zonage, mise en pièce du territoire. La division du sol en secteurs d’intervention, en «lots» entraîne une spécialisation et une ségrégation des lieux. Le territoire fait table rase de ses particularités locales, il se laisse mettre en pièce et devient ainsi un support géométrique abstrait.
Les terrains vagues (terrains déserts pris au piège entre les banlieues en expansion) classés comme « RESTE » sont issus de ce phéno 89 90 91 92
Degeorges. P, Nochy. A, «La forêt des délaisses», L’impensé de la ville, p40. Ibidem Ibidem Degeorges. P, Nochy. A, «La forêt des délaisses», L’impensé de la ville, p40.
RECYCLER ET URBAIN - 61
USURE
BRIS
- Délaissé,
- Espace résiduel déserté = Lapsus cadastral, - Frange hybride, - Parcelle découpée à l’équerre, - Résidus = les fragments de nature. - Zone.
CADERE
- Friche,
RESTE
- Vacance
- Ruine - Ilot insalubre
Terrain vague -Blanc -Reste - Résidu, vieille pierre - Dent creuse
FIG. 13 • Les différentes productions de déchet urbain. © Juliette Muller, 2017, source : en reprenant les familles sémantiques de la déchéance de Harpet. C, « Le déchet : une horloge chaotique, série sémantique des termes de la déchéance», sous la direction de Beaune. J-C, Le déchet, le rebut, le rien, Ed. Champ vallon, 15.01.1999, p184.
62 -RECYCLER ET URBAIN
mène, tout comme les vieilles pierres et les blancs. Les « RESTE » sont à
La cessation d’activité et la dépréciation, créatrice de déchet urbain (voir
cheval entre les rebuts issus du découpage territorial et ceux issus d’une
FIG.13).
cessation d’activité (voir FIG.13).
Les caractéristiques des rebuts urbains sont l’abandon, l’absence
d’emploi et la sous-utilisation. Finalement, c’est la cessation de toute acti
Dans les années 1970, en France, nous observons une multi-
plication du nombre de délaissés urbains liée à deux phénomènes : la désindustrialisation et l’étalement urbain. L’étalement urbain ou l’un des grands créateurs de rebut urbain est né en 1970. Il correspond à une expansion urbaine à faible densité, souvent qualifiée de « grignotage progressif du périurbain et de la régression des surfaces agricoles, naturelles et forestières »93. Ce processus est dû notamment à la banalisation de l’automobile favorisant le déplacement et à l’engouement de la
vité sur ce site qui lui vaut aujourd’hui son statut de rebut. Nous pouvons dire que ce sont des espaces hors- circuit, mis au ban. Ce sont principalement les rebuts issus de la famille sémantique « USURE » si nous reprenons le modèle Harpet. Comme vu précédemment, les friches et les délaissés, en France, ont proliféré lors de la désaffectation des sites industriels dans les années 1970. Selon le rapport POPSU de 2008, la région Haut-de-France concentre la moitié des friches recensées dans tout le pays.
maison individuelle qui implique une grande consommation d’espace. Il
La seconde cessation d’activité est celle de l’habiter, qui se ma-
engendre la création de découpages territoriaux producteurs de rebuts.
nifeste par la dépréciation du site par son usager. La dépréciation s’ex-
Nous assistons à la multiplication des rebuts de type : terrains vagues et
prime par la dévalorisation du site, suivi de son abandon. Ce phénomène
franches hybrides principalement.
peut être lié à divers facteurs, par exemple la défaillance fonctionnelle, le manque d’appropriation ou des raisons économiques. Un site déprécié et abandonné rejoint le stock des édifices et des terrains vacants qui repésente donc un territoire obsolescent. L’obsolescence vient du latin
93 Laugier. R, L’étalement urbain en France, consultable sur le site : http://sous-équipement/IMG/pdf/Synthese_Etalement_Urbain2012.pdf, posté en février 2012, consulté le 24/02/17.
obsolescere, elle est définie comme « évolution tendant à rendre quelque
RECYCLER ET URBAIN - 63
chose périmée ».94 En effet, un terrain ou un édifice obsolète n’a plus aucune mesure du temps, il rentre donc dans le cercle vicieux de la dévalorisation (voir FIG.14). Ce site est alors déprécié, vacant, abandonné, il répond à toutes les caractéristiques du «déchet urbain».
Le dictionnaire de F. Choay et P.Merlin distingue trois types de
vacances dans leur Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement. À savoir, la vacance de rotation issue du changement de locataire, la vacance de dévalorisation issue d’une insuffisance de demande s’adressant au patrimoine du logement, et finalement la vacance de transformation lorsqu’un logement reste vide entre deux états (travaux- changements de statut...).
À titre d’exemple, la métropole Lilloise présente un taux élevé
de terrains et d’ édifices vacants. En effet, le programme local de l’habitat (2012- 2018) s’intéresse aujourd’hui au parc privé de l’habitat métropolitain. Ce parc est caractérisé par son ancienneté, son mauvais état, sa dépréciation, et son manque de confort -surtout face à la transition énergétique et aux nouveaux modes de vie. Il y a environ 40 000 logements vacants sur la Métropole Européenne Lilloise (MEL). La fabrique des quartiers 95 dénombre environ 6500 logements vacants fortement dégra 94 Définition CNRTL, consultable sur le site : www.cnrtl.fr, consulté le 17/03/17. 95 La fabrique des quartiers, chargé de pilotage opérationnel des projets de la MEL, notamment acteur du recensement de l’habitat vacant et de son devenir.
FIG. 14 • Les différentes phases de dégénérescence d’un site en fin de vie vers le déchet. © Juliette Muller, 2017.
64 -RECYCLER ET URBAIN
dés et plus de 6000 logements vacants de longue durée – c’est-à-dire 5 ans et plus (voir FIG.15). À ce jour, la fabrique des quartier définit la vacance comme différentes situations d’absence d’occupation temporaire ou durable, des situations d’abandon, de ruine, ou de non-acquittement des taxes et des impôts. Ce sont des espaces inutilisés, des espaces perdus, ou des espaces déchets.
À Fives, j’ai pu observer cette vacance productrice de rebuts ur-
bains. Le quartier de Fives m’a permis de m’interroger sur ce que sont les rebuts urbains, quelles sont leurs typologies ? J’ai relevé cinq typologies de rebuts urbains (voir FIG.16). Tout d’abord, j’identifie les friches industrielles, qui furent très présentes mais commencent à disparaitre avec la naissance de grands projets urbains. Ensuite, les parcelles-vague, elles sont souvent vides et issues de la démolition d’un édifice, en attente de transformation. Puis, il y a les maisons murées et les maisons abandonLEGENDE : Logements vacants sur le terrioire de la MEL.
nées. Finalement, on peut observer un certain nombre de dents creuses (parcelles abandonnées, non bâties, bordées d’édifices, voir FIG.17). Ces différents rebuts font partie du parc vacant de la MEL que ce soit du fait d’une cessation d’activité – cas des friches industrielles–, ou d’une dépré-
FIG. 15 • Un parc de l’habitat vacant. © La fabrique des quartiers, La MEL, source : «Localisation des logements vacants présumés en situation de blocage sur le territoire de la MEL»,Recyclage de l’habitat privé vacant et dégradé Guide méthodologique, 2016.
ciation – cas des parcelles-vagues et des maisons. Ces espaces sont nombreux et variés, mais que pouvons-nous faire pour les réintégrer dans un cycle utile ou productif ? Comment pouvons- nous les considérer
Legende : 0
50
100m
Friche industrielle Dent creuse Maison murĂŠe Maison abandonnĂŠe Parcelle vague
66 -RECYCLER ET URBAIN
LEGENDE : Friche industrielle Dent creuse Maison murée Maison abandonnée
FIG. 17 • Ilôt Stein, un exemple type de vacance fivoise. © Juliette Muller, février 2017, source : fond de plan cadastral.
RECYCLER ET URBAIN - 67
autrement que des déchets ? Comment les dénombrer, les identifier ? Les catastrophes, les destructions ... (voir FIG.13)
rebut : le projet urbain. Le déchet ou le rebut sont tous les deux le résultat d’une production. C’est pourquoi, les rebuts urbains sont dans un premier temps des terrains aménagés et pensés par l’homme avant d’être
À travers le cas des ruines, nous pouvons définir les catas-
des espaces abandonnés. Ainsi, les projets urbains semblent indissociables
trophes comme l’un des facteurs majeurs de création de rebut. En effet,
de la production de délaissés. L’utilisation cyclique de matières, de bâ-
les guerres, notamment les deux guerres mondiales ont fait apparaître de
timents et d’ infrastructures correspond à la transformation et la pro-
nombreuses ruines pas toujours réutilisées. Lorsqu’elles ne sont pas réin-
duction de la ville. Ces transformations engendrent par conséquent des
vesties, ces ruines sont laissées pour compte et acquièrent le statut de re-
restes inévitables96. En effet, ces mouvements de démolition-reconstruc-
but. Si cette période est aujourd’hui révolue en Europe, ce n’est pas le cas
tion ne génèrent pas qu’un renouvellement de la ville sur elle- même,
partout dans le monde. De plus nous faisons face à un nombre croissant
« ils produisent aussi des débris et des déchets. »97 Ces déchets corres-
de catastrophes naturelles (comme les inondations), ou à des désastres
pondent aux délaissés en milieu urbain, aux espaces abandonnés (et en
dus à des accidents (type incendie). Ces destructions engendrent des es-
attente de). Nous pouvons dire que l’urbanisation de la France produit de
paces rebutés.
nombreux espaces intermédiaires, flous, sans usages, ou à usage unique,
L’action du temps (voir FIG.13)
Il ne faut pas oublier les effets du temps sur ces rebuts, repous-
sant la perspective de les reconsidérer. Le temps agit sur tous les rebuts et
peu modulables. Effectivement, selon le géographe Romain Paris, « La création de 10 hectares d’urbanisation en Île-de-France s’accompagne de 2,5 hectares de terrains vacants» 98. Aujourd’hui, toute construction «projette» à son insu, le délaissé de demain.
en forme de nouveaux tels que les vestiges, les ruines, et les tissus anciens insalubres par exemple. Le projet urbain (voir FIG.13)
Finalement, je souhaiterais un autre évènement créateur de
96 D’arienzo. R, «Liminalité : des restes urbains inévitables, ambigus, précieux», dans D’Arienzo. R, Younes. C, Recycler l’urbain, pour une écologie des milieux habités, Italie, MetisPresses, « vuesDensembleEssais », 2014, p53. 97 Bonnaud. X, «En quoi la pensée du recyclage peut-elle enrichir nos imaginaires urbains ?»,dans D’Arienzo. R, Younes. C, Recycler l’urbain, pour une écologie des milieux habités, Italie, MetisPresses, « vuesDensembleEssais », 2014, p42. 98 Ibidem p51-52.
68 -RECYCLER ET URBAIN
Les mots pour parler du déchet.
Comme vu précédemment, le délaissé ou le rebut semble être
les mots utilisés pour décrire ces espaces abandonnés. En effet, le mot déchet n’est pas employé dans le discours urbain. Cependant, un grand nombre de vocables exprime l’idée d’un « espace-déchet » comme dégradé, disgracié, autre, latent, isolé, délocalisé, non rentable, ou inemployé...
déchet en proposant une nuance. Considérer ces vocables comme déchet urbain, nous encourage à les identifier comme repoussant, rebutant. Effectivement ces lieux ne sont pas les plus attirants, c’est pourquoi nous les rejetons. En reprenant la théorie de C. Harpet, je pense que nous pouvons classer ces 15 vocables comme « Rebut » (voir FIG.18). Le fait d’être un rebut serait leur propriété commune.
Ce sont des espaces hors-champs, puisque « la totalité ordonnée dans laquelle ils s’inscrivaient99 n’existe plus. »100 C’est un corps en excès, un espace rudéral,101 il est dans la ville sans en être. Cet espace se trouve « dans un présent naufragé, désamarré du passé et incapable d’avenir. »102
À ce jour, par le biais de lecture et de mon enseignement, j’ai rete-
nu 15 vocables : Espace résiduel (comme ce que les architectes appellent communément «un coin à pisse»), frange hybride, parcelle découpée à l’équerre, résidus (fragment de nature et vieilles pierres), zone, terrain
«BRIS»
«RESTE»
«ORD»
«CADERE»
«USURE»
«REBUT»
Espace résiduel
Terrain Vague
Déchet
Ruine
Délaissé
Frange hybride
Résidu (vieilles pierres)
Ilot insalubre
Friche
Repoussant Rebutant Rejet
Parcelle découpé à l’équerre
vague, blanc, reste, dent creuse, ruine, îlot insalubre, délaissé, friche et
Résidu (fragment de nature)
vacance.
Zone
103
Les définitions de ces différents vocables évoluent avec le
temps et selon les milieux.104 Chacun de ces mots reprend la notion de 99 Modification de la citation initiale, accord. 100 Degeorges.P et Nochy.A, sous la direction de Bouchain.P, atelier «la forêt des délaissés», janvier 2002. 101 Ibidem 102 Ibidem 103 Voir annexe 26, p63-66. 104 Ibidem.
vacance
Blanc Reste Dent creuse
FIG. 18 • Les familles sémantiques des rebuts urbains. © Juliette Muller, 2017, source : source : en reprenant les familles sémantiques de la déchéance de Harpet. C, « Le déchet : une horloge chaotique, série sémantique des termes de la déchéance», sous la direction de Beaune. J-C, Le déchet, le rebut, le rien, Ed. Champ vallon, 15.01.1999, p184.
RECYCLER ET URBAIN - 69
Si nous revenons sur les définitions des stratégies en « re », nous
aux déchets urbains produits par le découpage territorial (voir FIG.20).
pouvons facilement identifier sur quels éléments urbains agissent celles-
Ensuite, le réemploi, la réhabilitation, le renouvellement, la reconversion
ci (voir FIG.19).
et le remembrement sont mis en place après la cessation d’activité ou la dépréciation d’un espace (voir FIG.20). La reconstruction intervient sur des espaces en ruine dus à des catastrophes. Cette stratégie urbaine se retrouve à part. En effet, elle appartient à un champ très spécifique des décisions de la politique urbaine de la ville. Finalement, le temps altère tous les édifices de manière plus ou moins prononcée. L’ effet du temps à long terme est producteur de vestiges et de ruines autant de déchets entraînant la mise en place éventuelle de stratégies comme la restauration, la reconstruction ou la rénovation (voir FIG.20).
FIG. 19 • Les déchets urbains : la préoccupation des stratégie en «re». © Juliette Muller, 2017, source : D1, D2, D3, D4, D5, D6, D7, D8.
Nous identifions alors deux stratégies qui se dégagent du lot :
la reconstruction et la restauration. Ces deux politiques urbaines s’attaquent à des déchets urbains plus particuliers et donc plus rares (voir
FIG.19). D’autre part, on remarque que la réhabilitation et le renouvelleComme mentionné précédemment, les déchets urbains dérivent
ment s’attellent à plusieurs types de déchets. Ce sont des stratégies plus
de cinq phénomènes différents. Les résidus – vieilles pierres et fragments
exploitées, plus récentes et davantage liées à la rénovation urbaine (ins-
de nature – offrent une base pour une réhabilitation tandis que les fonciers
trument ou alternative à celle-ci ?).
figés, les terrains vagues ou les tranches hybrides permettent un projet de renouvellement urbain. Ces deux catégories appartiennent néanmoins
70 -RECYCLER ET URBAIN
USURE
BRIS
- Parcelle découpée à l’équerre, - Résidus = les fragments de nature. - Zone.
CADERE
- Délaissé, - Friche,
- Frange hybride,
Remembrement Renouvelement Réemploi Restauration Reconstruction Reconversion Rénovation Réhabilitation Non spécifique
- Espace résiduel déserté = Lapsus cadastral,
LEGENDE :
RESTE Terrain vague -
- Vacance,
- Ruine
- Tissus/ edifice urbain ancien
- Ruine - Ilot insalubre
- Foncier figé,
- Ilot insalubre en quartier sauvegardé.
- Fond parcelle,
-Blanc -Reste
- Ex-site industie lourde, - Ex site industriel - Rebuts- matériaux
- Résidu, vieille pierre - Dent creuse
- Vestige
LEGENDE :
Remembrement Renouvelement Réemploi Restauration Reconstruction Reconversion FIG. 20 • Quel rebut, pour quelle stratégie en «re» ? Rénovation © Juliette Muller, 2017, source : en reprenant les familles sémantiques de la déRéhabilitation chéance de Harpet. C, « Le déchet : une horloge chaotique, série sémantique des termes spécifi que de la déchéance», sous la direction de Beaune. J-C, Le déchet, le rebut,Non le rien, Ed. Champ vallon, 15.01.1999, p184.
RECYCLER ET URBAIN - 71
Finalement, ces espaces d’action font partie de la palette des rebuts
urbains (voir FIG.18). De ce fait, nous pouvons considérer que les stratégies en « re », ont été mises en place dans le but de réemployer les déchets urbains. Ces stratégies pourraient alors être identifiables à une forme de recyclage dans la mesure où il s’agit d’intervenir sur ce qui peut être considéré comme un déchet à l’échelle du quartier ou de la ville. Reste à savoir si la prochaine phase mise en place par ces stratégies en «re» est une transformation sémantique du vocable «déchet».
72 - RECYCLER L ’URBAIN
RECYCLER L ’URBAIN - 73
III. Recycler l’ URBAIN.
Je vous propose de comprendre les ressorts du recyclage urbain, dans un
premier temps en pensant en ressources plutôt qu’en déchets, avant de vérifier l’hypothèse des stratégies en «re» comme des filiations du recyclage, pour finalement faire l’état de la pensée du recyclage urbain, penser la ville comme une ressource renouvelable.
74 - RECYCLER L ’URBAIN
3. 1 PENSER EN RESSOURCES PLUTÔT QU’EN DÉCHETS.
ment, les stratégies en « re » font de ces espaces de rejet, des espaces de devenir, de rénovation, de création, ce sont leur base d’intervention. En
Ambivalence du déchet
À la question : qu’est ce qu’un déchet urbain ? Les réponses don-
un espace à géométrie souple et à économie variable [...] ; plus disponible
nées sont révélatrices d’une vision négative, celle du détritus considéré
puisque moins intégré dans la stratégie du système qui l’a déclassé [...].
comme partie ultime ou comme le définit C. Harpet comme « des em-
La marge spatiale est une aire dont la vacance laisse une liberté d’ini-
preintes qui amenuisent la chose »105. Ces réponses sont systématique-
tiative pour le changement ; c’est une réserve d’hypothèse d’usage » 108.
ment négatives : détritus, poubelle, ordure, papiers qui traînent, délaissé,
Marini soutient l’hypothèse énoncée par Gouhier en conférant au déchet
décharge ... Le statut du déchet est-il inéluctable ?
une force résidant « dans leur capacité d’ouvrir de nouvelles configura-
Lorsqu’on consulte le dictionnaire CNRTL , le déchet est nommé
détritus _ considéré comme inutilisable_ mais aussi reste _ ayant un potentiel de réutilisation106. Cette définition nous amène à nous interroger sur l’ambivalence du déchet. En effet, l’espace avant d’être un déchet est un bien. Tant que celui-ci est estimé, utilisé, il conserve ses valeurs. Gouhier suggère une posture intermédiaire, selon lui « entre le produit apprécié et le résidu méprisé, existe le rebut à valeur potentielle inexprimée. Entre " l’être" et le "non être", existe le "peut être" »107. En effet, le déchet a une flexibilité à devenir autre chose, un « peut être » ? Comme vu précédem105 Harpet. C, « Le déchet : une horloge chaotique, série sémantique des termes de la déchéance», sous la direction de Beaune. J-C, Le déchet, le rebut, le rien, Ed. Champ vallon, 15.01.1999, p184. 106 Définition du CNRTL, consultable sur le site : www.cnrtl.fr, consulté le 12/05/17. 107 Gouhier, J. « la marge. Entre rejet et intégration », dans Beaune, J.C. (dir.), Le déchet, le rebut, le rien, Seyssel, champ vallon, 1999, p80-89.
reprenant, Gouhier, cet espace de « peut être » est « d’une certaine façon,
tions, dans le fait d’être des territoires malléables, faibles de sens et doncdisponible pour accueillir des micros- histoires. »109 ; quant à Bouchain, il définit ces rebuts comme « pétris de traces, naufragés du présent, ces lieux porteurs de possibles sont dans un état d’exception latente. C’est là qu’il faut reconquérir la liberté d’expérimenter la ville, en rendant usage et sens aux espaces existants ».110 Les déchets ont un potentiel à reconsidérer et à valoriser, pourquoi les nommer déchets ? Dans Recycler l’urbain, Roberto D’Arienzo emploi le terme reste 108 Gouhier, J. « la marge. Entre rejet et intégration », dans Beaune, J.C. (dir.), Le déchet, le rebut, le rien, Seyssel, champ vallon, 1999, p80-89. 109 Marini. S, « le territoire inverse », dans D’Arienzo. R, Younes. C, Recycler l’urbain, pour une écologie des milieux habités, Italie, MetisPresses, « vuesDensembleEssais », 2014, P458. 110 Bouchain. P, « Pour une ville appropriée, cultivons l’impensé », dans D’Arienzo. R, Younes. C, Recycler l’urbain, pour une écologie des milieux habités, Italie, MetisPresses, « vuesDensembleEssais », 2014, p234.
RECYCLER L ’URBAIN - 75
plutôt que déchet, alors même qu’il soutient le concept de recyclage. Or
c’est le même. Donc tu peux dire «le reste de»ce repas est les miettes,
si on évoque le recyclage, cela sous entend l’existence au préalable de dé-
et «le reste pour» que je produise de l’engrais c’est dans ces miettes.
chet. Lors de mon entretien avec Roberto D’Arienzo111, je l’ai interrogé à
«Le reste de», «le reste pour», abandonne la vision du déchet ou de
ce sujet. Il existe une multitude de mots pour désigner un déchet urbain:
la ressource si il y a des choses, des matières qui sont le factor for
terrain vague, friche, délaissé, espace vacant, blanc, vestige, ruine, vide ....
: recherche en écologie qui vise, la pollution est une ressource mal
Pourquoi employez vous la notion de reste ? Pourquoi ne pas utiliser le
placée. Tu places une chose au mauvais endroit et cette chose devient
mot déchet dès lors que nous parlons de recyclage ?
déchet ou ressource, n’empêche que la chose n’a pas changé de nature. L’histoire longue de la ville, nous apprend ça. »
« Roberto D’Arienzo : Je n’arrivais pas à trouver. J’avais une hypothèse qui était celle que : le déchet était une ressource. C’était en
2009, à l’époque, quand j’ai proposé mon hypothèse à l’Université.
milles sémantiques du déchet, ou les citations précédentes témoignent
Il n’y avait pas beaucoup de travaux, dans la francophonie aucun
de la recherche d’un « écart », afin de pouvoir les reconsidérer et envi-
travaux là dessus. Depuis, il y a eu de l’eau sous les ponts. Le déchet
sager une approche alternative. Le reste garantit cette ambiguïté recher-
est une ressource. Le déchet c’est une déchure, donc ce n’est pas une
chée. En effet, le terme « reste » se situe à la frontière entre déchet et
ressource. Le déchet c’est ce qui est déchu, éjecté. C’est rifiuto en ita-
ressource. Je propose alors comme le fait D’Arienzo de considérer ces
lien, c’est l’acte de refuser, c’est le refusé. Donc je me disais les termes
déchets comme des restes de mais surtout des restes pour : « le terme reste
trahissent mon hypothèse même, donc j’ai beaucoup cherché. Au dé-
peut s’employer pour indiquer autant le sous-produit d’un processus
part c’était le rémanent, et ça n’ouvrait pas alors que le reste ouvre.
donné que la partie manquante pour accomplir une action. »112
Le point de vue développé par D’Arienzo, tout comme les fa-
Le reste ouvre parce qu’il est à la frontière entre input et output . Tu peux dire «reste de» mais «reste pour» aussi, et le mot n’a pas changé, 111
Voir annexe 1, p4-15.
112 D’Arienzo, R, « Liminalité : des restes urbains inévitables, ambigus, précieux » D’Arienzo. R, Younes. C, Recycler l’urbain, pour une écologie des milieux habités, Italie, MetisPresses, « vuesDensembleEssais », 2014, p64.
76 - RECYCLER L ’URBAIN
Introduire le terme « recyclage » dans l’urbain garantit ce chan-
moires. Qualifier ces ressources de « latentes » permet d’introduire une
gement sémantique : déchet- ressource ou déchet- « reste pour »113. Pour
nouvelle manière d’appréhender ces espaces. On peut alors s’interroger
rappel, après la collecte des déchets, la seconde phase du recyclage réside
sur ce que signifie une ressource latente.
en une transformation sémantique, le déchet devenant ressource. Ainsi, recycler la ville débuterait par un changement sémantique, c’est à dire par considérer ces espaces déchets - terrains vagues, friches, espaces résiduels ...- comme des ressources urbaines.
Dans le domaine artistique, les potentialités de ces rebuts ont su
être exploitées comme matériaux d’œuvre d’art. Ces artistes tentent de rendre visible et de nous sensibiliser à l’exclusion de ces terrains, à leur inutilisation et inattention. C’est le cas, par exemple, du catalogue des espaces délaissés de New York par Gordon Matta- Clark ou de l’atlas des aires de stationnement de la ville de Los Angeles d’Edward Ruscha. Nous devons faire de même en urbanisme et en architecture. Les mots pour qualifier ces ressources
Ces ressources sont le fruit de la transformation sémantique des
déchets (analysés auparavant). Ces ressources semblent invisibles et oubliées. Elles ne portent plus d’intérêt et sont alors effacées de nos mé113 Voir annexe 27, p68-69, D’Arienzo. R, « Restes comme ressources, recycler l’urbain entre «ville sanitaire» et «ville durable» Naples 1884-2004 », Thèse de doctorat en architecture, sous la direction de Younès. C, Di Mauro. L, Paris, l’université Paris 8Vincennes-Saint Denis, Ecole doctorale « pratiques et théories du sens », 2015, p2.
Le terme « latent » vient du latin latere signifiant « être caché »114.
La latence peut être définie comme « une entité dissimulée »115, un élément « en attente de valorisation ou d’éclosion »116. Le mot introduit aussi une période « latence intermédiaire entre deux périodes successives de dynamismes différents »117. Le terme latent semble flexible et pluridisciplinaire.
En effet, dans le domaine de la biologie, le terme latent renvoie
à un « caractère virtuel ». C’est-à-dire à une propriété cachée mais fondamentale dans le processus de développement des espèces vivantes. En 1859, Charles Darwin introduit le concept de sélection naturelle avec descendance connaissant des modifications.118 Cette altération est rendue possible grâce aux gènes récessifs. Ces gènes possèdent des caractères qui ne se manifestent pas à la naissance, mais peuvent se révéler plus 114 Ethymologie CNRTL, consultable sur : www.cnrtl.fr, consulté le 29/04/17. 115 D’Arienzo. R, Lapenna. A, Rollot. M, Younès. C, Ressources urbaines latentes, pour un renouveau écologique des territoires, Paris, Métis Presses, « vuesDensembleEssais », 2016,p14. 116 Ibidem 117 Gouhier, J. « La marge. Entre rejet et intégration », dans Beaune, J-C, Le déchet, le rebut, le rien, Seyssel, Champ Wallon. 118 Dans son livre, L’origine des espèces, en 1859.
RECYCLER L ’URBAIN - 77
tard et permettent alors à l’espèce de muter. Ce caractère s’affirme à un
remonter à la surface et d’être normalisés, à ces zones considérées comme
moment, dans un milieu favorable, c’est une pré-adaptation dissimulée
des maladies à soigner avant même d’être comprises, à ces réalités so-
chez certaines espèces. Ainsi, en biologie, la latence serait une mutation
ciales qui ne peuvent survivre que là où il y a peu ou très peu de contrôle
dissimulée.
de la part du Pouvoir, à ces tiers paysages de Gilles Clément, précieux
En médecine, la latence est une période définie par Freud se si-
tuant entre la petite enfance et l’adolescence (6-12 ans). Freud définit cette période comme une phase marquant un arrêt dans l’évolution de la sexualité infantile. L’enfant désexualise ses relations, son énergie est « détournée[...] et employée à d’autres fins »119. Cette période de latence permet à l’enfant d’édifier des sens importants tels que la moralité, l’amourpropre, l’autonomie, la sociabilisation et l’amitié. Cette période peut être assimilée à une pause refondatrice, ou de recomposition au cours de laquelle s’établissent d’autres choses qui pourront prendre le relais. Roberto d’Arienzo convoque Freud, et nomme cette latence comme une
dans leur état d’abandon, mais considérés bien trop souvent comme des herbes folles à extirper. »121 C’est ainsi que Francesco Caeri arrive à la notion d’anabiose qu’il définit comme une « vie biologique latente »122. L’anabiose est un état intermédiaire entre la vie et la mort avec une interruption des fonctions vitales, c’est un phénomène commun dans le règne végétal. L’anabiose terminée, c’est un retour à la vie. En transposant ce terme à l’urbain, les ressources urbaines se trouvent être en période de latence comparable à l’anabiose. Cette phase terminée signerait un retour à l’habiter pour ces sites. Comment utiliser ces périodes de latences, serait-ce une manière de reconquérir ces sites ?
« temporalité refondatrice »120. Dans le monde médical, le mot latent est
Adopter une architecture latente, c’est opter pour « une capa-
aussi utilisé pour qualifier certaines maladies qui ne présentent aucun
cité renouvelée à regarder le projet de la ville à partir du non visible ou
symptôme et se développent soudainement. En milieu urbain, cela fait
du négligé. La force du projet n’est plus dans l’apparence mais dans le
penser à tous « ces phénomènes urbains qui restent enfouis par peur de
latent, ce qui implique d’oublier quelques siècles de culture architectu-
119 Freud, S. Trois essais sur la théorie sexuelle, Paris, Gallimard, 1987, p100. 120 D’Arienzo,R. « mutations, temporalités, relations. Ressources latentes et transition des milieux urbains » dans D’Arienzo. R, Lapenna. A, Rollot. M, Younès. C, Ressources urbaines latentes, Pour un renouveau écologique des territoires, Paris, Métis Presses, « vuesDensembleEssais », 2016, p 209.
121 Caeri, F. « Latitants métropolitains », dans D’Arienzo. R, Lapenna. A, Rollot. M, Younès. C, Ressources urbaines latentes, Pour un renouveau écologique des territoires, Paris, Métis Presses, « vuesDensembleEssais », 2016, p341. 122 Ibidem
78 - RECYCLER L ’URBAIN
rale qui a construit des théories et des esthétiques de l’architecture. »123
conscience d’agir sur des espaces fragiles et qui ont longtemps été aban-
Il s’agit alors de mettre en place une pensée lente de dévoilement de ces
donnés, cachés. Stalker a toujours considéré « les espaces latents, non pas
ressources. Peut-être, faut-il utiliser et s’approprier ce temps de latence
comme une ressource à utiliser en vue des prochaines transformations
comme en photographie, comme un temps de révélation d’une image.
de la ville, mais plutôt comme quelque chose à aborder poétiquement
Patrick Bouchain, avec l’idée d’adopter un principe telle que la phyto-
dans l’immédiat. C’est pourquoi nous laissons ces espaces dissimulés, à
rémédiation sauvage124 rejoint les propos d’Antonella Tufano. Il suggère
l’usage de ceux qui savent y accéder, comme une ressource à abandon-
d’opérer une reconquête lente avec une phase de réparation et une phase
ner avec soin pour les générations à venir. »128 Stalker envisage ces res-
de conservation de l’existant. En effet, il ne s’agit pas de faire rentrer ces
sources pour un futur, et non une intervention immédiate. Aujourd’hui,
espaces ressources dans un cycle de production -consommation (très ra-
leur approche consiste en une sensibilisation et une redécouverte de ces
pide) mais de les utiliser comme « levier de changement des démarches
espaces, notamment par des projets temporaires ou simplement le fait
de conception »125 ; tel un recyclage de la pensée urbaine c’est-à-dire
d’habiter ces espaces, d’y passer, de les considérer.
penser la ville de manière « éco-logique »126.
L’hypothèse des ressources latentes est similaire à l’étude « des
Dès 1995, le groupe Stalker127 met en place des initiatives comme
restes de » et « des restes pour » proposée par Roberto D’Arienzo. Ce
des marches à travers les vides urbains sensibilisant le grand public à ces
terme « reste » est caractérisé par un état de « liminalité » selon l’auteur.
territoires latents : une mise en visibilité de ces ressources. Ce collectif a
Il emprunte ce vocable à l’anthropologie domaine pour lequel liminal
123 Tufano, A., « Latence et (non-)contrôle », dans D’Arienzo. R, Lapenna. A, Rollot. M, Younès. C, Ressources urbaines latentes, pour un renouveau écologique des territoires, Paris, Métis Presses, « vuesDensembleEssais », 2016, p147. 124 La phytoremédiation est une technique de dépollution basée sur les plantes et leurs interactions avec le sol et les microorganismes, consultable sur : http://www.futura-sciences.com/planete/definitions/developpement-durable-phytoremediation-6863/, consulté le 10/05/2017. 125 Ibidem 126 Ibidem 127 Stalker est un collectif constitué de Francesco Careri, Aldo Innocenzi, Romolo Ottaviani, Giovanna Ripepi, LorenzoRomi, Valerio Romito. C’est un laboratoire d’art urbain mettant en œuvre des promenades qui opèrent une nouvelle lecture du territoire.
désigne l’analyse des rites.129 D’Arienzo convoque Lars Lerup qui avait déjà proposé cette notion de territoire liminal en déterminant deux entités principales s’opposant : le « stim » ou « point de stimulation » et le « dross » ou « résidu économique, ignoré, sous évolué, infortuné de la 128 Caeri, F. « Latitants métropolitains », dans D’Arienzo. R, Lapenna. A, Rollot. M, Younès. C, Ressources urbaines latentes, Pour un renouveau écologique des territoires, Paris, Métis Presses, « vuesDensembleEssais », 2016, p342. 129 Notion introduite par V,W, Turner dans The Ritual Process.
RECYCLER L ’URBAIN - 79
machine métropolitaine »130. Lerup pense que cette « opposition binaire entre stim et dross » permet de reconsidérer des futurs possibles pour l’urbain. Tout comme Lerup, Alan Berger suggère d’appliquer le concept de liminalité à l’urbain, il utilise l’expression de paysage liminal : « les paysages intermédiaires de la ville horizontale sont liminaux parce qu’ils restent en marges (ou seuil qui signifie « pas/ début » en latin), attendant un désir social de les inscrire avec valeur et statuts »131 Le dross identifié comme des restes urbains par Lerup semble pour Berger « une composante naturelle de toute ville évoluant dynamiquement »132. Ces restes peuvent être qualifiés d’ambigus. Cette ambiguïté est leur potentialité, elle leur garantit un nouveau rôle à jouer dans le système urbain face à la crise environnementale. Proposer une lecture « éco-logique » de ces restes par le biais d’une transformation sémantique permet de réintroduire ces sites comme des richesses potentielles dans le système urbain, et donc « une vision du délaissé comme reste en attente de resignifica-
tion»133 , ne pouvons nous pas imaginer l’urbain comme un écosystème ?
Le recyclage est une pratique qui semble toujours avoir existé à
travers la notion de palimpseste urbain et aujourd’hui par la nécessité de penser la ville durable. Par conséquent, les stratégies urbaines en «re» pourraient être des formes de recyclage de la ville. 3. 2 DES FILIATIONS DE LA PENSÉE DU RECYCLAGE.
La lecture attentive de l’évolution des politiques urbaines semble
mettre en évidence le rôle des restes versus ressources. Ces restes (tels que les espaces résiduels, les franges hybrides, les parcelles vacantes, les zones, les terrains vagues, les blancs, les dents creuses, les ruines, les friches ...) sont la préoccupation des stratégies en «re», ils sont par excellence pour les politiques urbaines des lieux de transformation et de recyclage. Les stratégies en « re » montent leur projet en ces lieux (voir FIG.20, p 68), c’est pourquoi elles laissent à penser que ce sont des filiations du recyclage. Le recyclage urbain s’inspire du processus de «recy-
130 Lerup. L, cité dans D’Arienzo. R, Younes. C, Recycler l’urbain, pour une écologie des milieux habités, Italie, MetisPresses, « vuesDensembleEssais », 2014, p56. 131 Trad. personelle : « The in-between landscapes of the horizontal city are liminal because they remain at the margins (or limen which means «threshold» in latin), awaiting a social desire to inscribe them with value and status. » Berger. A, Drosscape : Wasting Land Urban America, Princeton Architectural Press, consultable sur le site : http://site.ebrary. com/id/10453763?ppg=243,p 29, consulté le 06/04/2017. 132 Trad. personelle : « a natural component of everydynamically evolving city », Berger. A, Drosscape : Wasting Land Urban America, Princeton Architectural Press, p39, consultable sur le site : http://site.ebrary.com/id/10453763?ppg=243,p 29, consulté le 06/04/2017.
clage» (voir FIG.21) défini précédemment en débutant par une transformation sémantique, notamment par un changement de statut de ces lieux. 133 Marini, S, « La zone», dans D’Arienzo. R, Lapenna. A, Rollot. M, Younès. C, Ressources urbaines latentes, Pour un renouveau écologique des territoires, Paris, Métis Presses, « vuesDensembleEssais », 2016, p261.
80 - RECYCLER L ’URBAIN
FIG. 21 • Les différents processus et formes d’ intervention des stratégies en «re». © Juliette Muller, 2017, source : après analyse de D1, D2, D3, D4, D5, D6, D7, D8.
RECYCLER L ’URBAIN - 81
Ainsi, l’analyse des processus conceptuels des différentes straté-
gies en « re » par comparaison au processus du recyclage cherche maintenant à identifier les stratégies relevant d’une forme de recyclage dit «urbain ».
du processus ci-dessus, il s’agit de la rénovation (voir FIG.21).
Entre 1958 et 1985, le mot rénovation renvoie à une stratégie
qui part du constat que des terrains et des édifices seraient insalubres et
Quel processus conceptuel, pour quelle stratégie en «re» ? (voir FIG.21)
FIG.21). Nous distinguons une seule stratégie dont la modalité diverge
Le réemploi semble être à l’origine de ces stratégies134. C’est la
première stratégie en « re » identifiée et toujours d’actualité. D’un point de vue conceptuel, son processus consiste à reconsidérer un reste, à mettre en œuvre une réflexion pour imaginer que faire avec ce «reste», comment lui donner une nouvelle valeur ou une nouvelle fonction. Réinjecter cet élément dans un projet avec un nouvel usage et emploi tra-
inadaptés à leur usage ou à leur époque. Au lieu de les estimer comme des ressources latentes, ils sont déconsidérés et relégués au rang de déchets. La mise en œuvre d’une démolition- reconstruction marque une rupture, un effacement, en l’absence de reconnaissance de qualités potentielles dans les formes existantes. Dans ce cas, nous n’observons donc pas de changement sémantique (voir FIG.21). Cela démontre que cette forme de rénovation ne relève pas du recyclage.
duit ou induit un processus de revalorisation. Ce passage de «reste» à
Néanmoins, la rénovation 2003, telle qu’elle a été pensée et mise
«ressource» indique un changement de statut, un basculement de regard
en œuvre à travers le programme ANRU, adopte une logique d’interven-
ou d’image qui coïncide avec la transformation sémantique utilisée dans
tion hybride, que nous pourrions qualifier de « tabula rasa partielle » 135
le domaine du recyclage. Le processus conceptuel, en l’occurrence du
(voir FIG.21). En effet, pour requalifier un quartier, certains estiment
réemploi, serait-il le même que celui du recyclage ? En effet, nous ob-
qu’il faut parfois passer par une phase de démolition qui serait indispen-
servons ce changement sémantique qui transforme un reste en ressource
sable pour introduire toute forme de changement. Cette « tabula rasa
pour quasi toutes les stratégies en «re». Ainsi, le réemploi, la restau-
partielle » serait un des moments de la transformation matérielle opérée
ration, le renouvellement, la réhabilitation, la reconversion, le remem-
par le projet de rénovation urbaine. Nous pouvons alors identifier la ré-
brement, la reconstruction adoptent ce processus restes/ressources (voir 134 Voir p X, frise chronologique des stratégies en « re ».
135 Léonhardt. F, Les 101 mots de la rénovation urbaine à l’usage de tous, Paris, archibook, 2013, p128.
82 - RECYCLER L ’URBAIN
novation de 2003 comme une stratégie adoptant une double transformation. C’est pourquoi, le processus conceptuel de la rénovation de 2003 est similaire au processus du recyclage.
généralement des interventions douces.
La restauration et la réhabilitation sont des stratégies mettant
en place des interventions qui cherchent à « rétablir et remettre en état
En suivant un processus conceptuel transformant les restes en res-
» avec des nuances fines entre les deux (voir FIG.21). La restauration
sources, nous avons montré que ces stratégies sont probablement des filia-
adopte une posture plus conservatrice que la réhabilitation. Dans un cas,
tions du recyclage. Désormais, il s’agit d’étudier leurs modes d’intervention
il s’agit de rétablir l’édifice dans l’état qui était le sien à une période choi-
et les effets qu’elles produisent sur la ville.
sie, dans l’autre de l’adopter à un nouveau mode de vie.
Quelles sont les interventions urbaines mises en place par ces stratégies?
(voir FIG.21)
Chaque projet mis en place par chaque stratégie implique des
transformations matérielles plus ou moins conséquentes sur l’existant. Après avoir étudié ces stratégies, nous pouvons identifier quatre types de processus de transformation que nous formulons ainsi : « récupérationnouvel usage », « rétablir- remettre en état », « requalifier- remettre à neuf » et « rebâtir- remodeler » (voir FIG.21).
L’intervention « récupération- nouvel usage » est employée dans
le cas d’un réemploi ou d’une reconversion (voir FIG.21). Pour ces deux stratégies, la transformation matérielle est minime car il s’agit de conserver l’élément et de lui offrir un nouvel usage. Ces politiques adoptent
Le renouvellement urbain et la rénovation urbaine de 2003 se ca-
ractérisent par une démarche de « requalification- remise à neuf » (voir FIG.21). Ces stratégies développent de grands projets urbains voués à requalifier les espaces délaissés. Ce sont des interventions qui touchent et transforment davantage l’existant.
Finalement, l’acte de « rebâtir- remodeler » est utilisé dans les cas
de rénovation, de reconstruction et de remembrement (voir FIG.21). Ces stratégies ont un impact plus important sur la ville que les précédentes, notamment à travers les phases de démolition ou de remodelage du tissu existant.
Ainsi ces stratégies donnent lieu à des interventions urbaines
ayant des effets sélectifs et donc hétérogènes sur la ville. Même si ces politiques adoptent un processus conceptuel analogue à celui du recyclage,
RECYCLER L ’URBAIN - 83
je m’interroge quant-à l’absence d’un concept fédérateur englobant ces
Paradigme = Recyclage urbain
différentes stratégies en « re ». Instruments
Les stratégies en «re» ou les instruments du recyclage urbain (voir FIG.22) Rénovation
Nous avons observé précédemment que certaines stratégies
étaient les instruments d’autres stratégies. Le remembrement et le réem-
Rénovation 2003 a pour instrument
Renouvellement
ploi, par exemple, sont employés comme instruments de la reconstruc-
Réhabilitation
tion, tandis que la réhabilitation est l’instrument de la rénovation. Le
Réhabilitation
terme « instrument » vient du latin instramentum, le suffixe memtrum signifie « la chose qui arrange, construit »136 . En effet, un instrument est
Reconversion
un élément inventé dans l’optique de favoriser ou d’exécuter une opération. Dans le cas de notre étude, les stratégies en «re» analysées (excepté la rénovation- voir FIG.22) apparaissent comme des instruments au service du recyclage. Dès lors, ce résultat invite à comprendre cette notion en tant que paradigme urbain. Ainsi recycler l’urbain s’avère être un
Reconstruction
Restauration
a pour instrument - Réemploi
concept fédérateur pour faire la ville sur la ville. En effet, l’histoire de la ville montre à quel point le recyclage par reconversion, renouvellement, restauration, reconstruction, réemploi, réhabilitation, remembrement et
Reconstruction Réemploi
- Remembrement
Remembrement
rénovation (telle qu’envisagée en 2003), sont autant de démarches qui 136 Étymologie du mot instrument, consultable sur : http://www.littre.org/definition/ instrument, consulté le 13/05/17.
FIG. 22 • Les instruments du recyclage urbain. © Juliette Muller, 2017, source : après analyse de D1, D2, D3, D4, D5, D6, D7, D8.
84 - RECYCLER L ’URBAIN
favorisent une forme de soutenabilité des milieux urbains. Considérer
mique et urbain des quartiers d’habitat social. Ces stratégies marquent la
les restes comme une matière de projet sans reprendre l’explication des
prise de conscience de la finitude des ressources, soulignées par l’arrivée
différentes stratégies en «re», souligne le rôle fondamental du recyclage
en 1987 du développement durable avec comme impératif majeur l’opti-
comme concept de projet. Comme le souligne Bernado Secchi, la ville
misation des ressources. Les terrain d’expérimentations de ces politiques
est « le résultat de la sédimentation d’une série de pratiques qui ont
sont les restes engendrés par les catastrophes (les guerres mondiales...)
conduit à détruire, modifier, conserver, construire ex- nihilo»137. C’est
et par les opérations menées dans la période précédente (voir FIG.20,
pourquoi je pense que ce concept englobe toutes ces stratégies, il rend
p68). C’est pourquoi, dès 1960, ces instruments du recyclage acquièrent
compte d’une manière de projeter la ville, de la penser différemment. «Si
de l’importance pour reconstruire l’urbain de manière plus durable. In-
la désaffectation comme perte de fonction appartient alors à l’histoire de
troduire de nouveaux cycles de vie pour les délaissés, c’est aussi leur don-
la ville "aussi bien en tant que phénomène de substitution permanente
ner « une autre rentabilité »140, qui n’est pas uniquement économique. À
que comme abandon soudain qui change tout d’un coup la géographie
la fin des années 1980,141 l’engouement pour le développement durable
urbaine" (Secchi 2000 : 82) »138, alors le recyclage des délaissés paraît être
introduit l’idée d’une pratique du projet davantage respectueuse des res-
le paradigme urbain majeur qui semble avoir toujours existé.
sources et de l’existant. En reprenant les mots de Roberto D’Arienzo, le
Dans les années 1960 quatre nouvelles stratégies en « re » ap-
paraissent successivement
139
: la rénovation et la réhabilitation dans le
cadre des grands projets urbains, la reconversion suite à la délocalisation des sites d’industrie lourde, puis plus tardivement (en 1990) le renouvellement dans le cadre d’une réflexion sur l’immobilisme foncier, écono137 Secchi.B, Première leçon d’urbanisme, Marseille, Parenthèse, 2006, p68. 138 Secchi. B, cité dans R.D’arienzo, «Liminalité : des restes urbains inévitables, ambigus, précieux», D’Arienzo. R, Younes. C, Recycler l’urbain, pour une écologie des milieux habités, Italie, MetisPresses, « vuesDensembleEssais », 2014, p64. 139 Voir p X, frise chronologique.
fonctionnement urbain semble adopter un principe « circulaire-valorisant» résultant d’une «production restes-ressources» plutôt qu’un principe « linéaire-dissipant » producteur de « restes-déchets »142. Nous observons alors une préférence pour la modification aux dépens de l’ex 140 D’arienzo. R, «Liminalité : des restes urbains inévitables, ambigus, précieux», D’Arienzo. R, Younes. C, Recycler l’urbain, pour une écologie des milieux habités, Italie, MetisPresses, « vuesDensembleEssais », 2014, p64. 141 Voir p X, frise chronologique. 142 Voir annexe 27, p68-69, D’Arienzo. R, Extrait de : Restes comme ressources, recycler l’urbain entre «ville sanitaire» et «ville durable» Naples 1884-2004, Thèse de doctorat en architecture, sous la direction de C.Younès et L. di Mauro, Paris, l’université Paris8Vincennes-Saint Denis Ecole doctorale «pratiques et théories du sens»,2015, p3.
RECYCLER L ’URBAIN - 85
Spogliae Réemploi
Restauration Lettre de Raphaël au Pape.
Fin Antiquité
ReconstructionRemembrementRéemploi.
Rénovation
1918
1958
1513
Reconversion Réhabilitation
1960
Renouvellement
1962
1990
1788-1825 44 ans
Restauration-Quatremère de Quincy.
33 ans
Restauration stylistique (Viollet-le-duc)Restauration romantique (Ruskin).
1850
27 ans
27 ans
1883 27 ans
Restauration philologique (Boito).
53 ans
Restauration scientifique (Giovannoni).
1910
1963
Teoria del Restauro (Brandi).
12 ans
1945 ReconstructionRemembrement urbainRéemploi.
1985 Rénovation
17 ans
1985 Réhabilitation Stratégie phare
2002
2002
Retour Rénovation 11 ans
Renouvellement 11 ans
2013 Rénovation
2013
Retour Renouvellement
LEGENDE : FIG. 23 • Le recyclage urbain ou le réemploi des stratégies en «re». © Juliette Muller, 2017, source : après analyse de D1, D2, D3, D4, D5, D6, D7, D8.
Retour Disparition
86 - RECYCLER L ’URBAIN
La réécriture du palimpseste urbain.
pansion, notamment par l’évolution des stratégies en « re ». En effet, en 1985, la rénovation est abandonnée au profit du renouvellement et de la réhabilitation, stratégies prenant en compte et valorisant l’existant. Il s’agit de l’avènement d’une dynamique « centripète» capable de reconsidérer le construit comme une ressource importante qu’il est possible de transformer, comme une base pour un recyclage durable. Au cours de l’histoire de la ville, ces stratégies en « re » ont su évoluer avec les problématiques urbaines. Nous observons un recyclage de la pensée urbaine notamment par réemploi de ces différentes stratégies en «re» au cours de l’Histoire (voir FIG.23). Aujourd’hui, la nécessité de penser l’urbain de manière cyclique est devenue incontournable. Nous devons donc imaginer, dès la conception d’un projet, des concepts prenant en compte l’obsolescence et les différentes temporalités de l’édifice pour réduire notre emprise sur l’environnement. Actuellement, deux concepts semblent facilement mis en place, il s’agit de la réécriture du palimpseste urbain et de penser la ville tel un écosystème. 3.3. RECYCLER L’URBAIN AUJOURD’HUI, ÉTAT D’UN PROCES-
Confrontée à la réalité de l’étalement urbain, grand consom-
mateur d’espaces naturels, la ville du XXIème siècle est une affaire de reconquête, de réutilisation, de recyclage. Ce renouvellement urbain nous plonge dans l’ère de la superposition et de la sédimentation. Faire la ville sur la ville est le mot d’ordre adopté dans les années 1970 par l’architecte parisien Antoine Grumbach. Il s’agit d’introduire de « la mutation et de la substitution afin de savoir continuer à sédimenter la ville »143. Ce concept met en lumière le renouvellement ordinaire de l’urbain, où se succèdent constructions, destructions et reconstructions sur de mêmes emplacements.144 Comme par exemple, au Moyen-Âge, les églises réutilisaient des matériaux de construction ou des ensembles déjà constitués. Cette attitude traverse les échelles, les époques et les contextes. Parler de la ville sur la ville conduit à reconnaitre que la ville est en inachèvement perpétuel145. L’idée de faire la ville sur la ville est un outil de conception correspondant à une stratégie qui pourrait être le recyclage urbain. Selon Antoine Grumbach, ce concept est avant tout « une culture du projet ur-
SUS.
Recycler semble une stratégie qui a toujours existé, nous pou-
vons interroger cette hypothèse dans un premier temps, puis identifier et découvrir vers quelle perspective se dirige cette pensée aujourd’hui.
143 Masbungi. A, « Recycler le territoire », dans Grumbach, A, « La ville sur la ville », Projet Urbain, Direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction, n° 15, décembre 1998, p3. 144 Ibidem. 145 Grumbach. A, « La ville processus et langage », dans Grumbach, A, « La ville sur la ville », Projet Urbain, Direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction, n° 15, décembre 1998, p4.
RECYCLER L ’URBAIN - 87
bain, qui implique de s’inscrire dans un cheminement, donc d’analyser la
«la strate n’est faite que d’éléments, tant sur le plan de la conception que de
formation urbaine. Par ce travail d’analyse structurale et de démontage,
la trace matérielle. C’est sans doute la raison pour laquelle le sens du mot
par la mise en évidence des couches et de leur superposition, le projet se
sédimentation est employé par les architectes dans une perspective qui leur
donne, il n’y a plus qu’à tirer quelques fils.»146 Ainsi, Antoine Grumbach
est propre : elle ne signifie pas entassement de couches successives, mais
considère et travaille la ville comme un collage, une imbrication d’es-
transformations, importantes ou secondes, subies par un bâtiment déter-
paces sédimentés. Il s’agit « de plier et [de] tresser physiquement ses ar-
miné au cours des temps. La sédimentation se rapporte donc à une suite
chitectures et surtout de vouloir faire de la ville un entrelacs d’espaces et
discontinue d’interventions.» 150
de temporalités »147. Il s’intéresse aux tissus anciens non pas par nostalgie mais parce que nos métropoles européennes forment le laboratoire de la ville de demain. En effet, « elles sont le lieu où s’exerce depuis des siècles la rhétorique de la composition mineure, ses mécaniques de sédimentation, de substitution et de transformation. »148 Ces métropoles sont le lieu par excellence du recyclage, action tentant de récupérer le territoire pour le transformer.149
En effet la ville se fait par strates, couches selon différentes pé-
riodes que l’on conserve intégralement ou partiellement. Comme vu précédemment, lors de la période où la tabula rasa prédominait, le territoire s’est vu effacé. Désormais, la conception du territoire n’est plus un champ opératoire abstrait mais une suite de stratification qu’il faut connaître pour intervenir. Néanmoins, une prise de conscience de ces strates ne doit pas pour autant être perçue et faire l’objet d’une patrimonialisation.
D’autre part, construire la ville sur la ville renvoie au principe de
Il s’agit seulement d’utiliser ces traces du passé comme élément d’appui
sédimentation/stratification énoncé par Roncayolo et Choay. Selon eux,
ou support de projet, car « un «lieu» n’est pas une donnée mais le résul-
146 Grumbach. A, « La ville processus et langage », dans Grumbach, A, « La ville sur la ville », Projet Urbain, Direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction, n° 15, décembre 1998, p6. 147 Chaslin. F, « Travail dans l’inachevé », dans Grumbach, A, « La ville sur la ville », Projet Urbain, Direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction, n° 15, décembre 1998, p7. 148 Ibidem 149 Warnier. B, « La ville sur la ville, dans tous les sens », dans Grumbach, A, « La ville sur la ville », Projet Urbain, Direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction, n° 15, décembre 1998, p26.
tat d’une condensation. »151 En reprenant les mots d’André Corboz, la stratification ne fournit pas la métaphore la plus appropriée pour décrire ce phénomène d’accumulation et de transformation du territoire. 150 Roncayolo. M, Chesneau. I, L'abécédaire de Marcel Roncayolo, Italie, inFOLIO, 2011, p446. 151 Corboz. A, Le territoire comme palimpseste, diogène, n°121 jan-
vier-mars, 1983, p25.
88 - RECYCLER L ’URBAIN
C’est pour cela qu’il introduit la notion de palimpseste urbain. Pour lui,
comme une base durable à adapter, se formant et se transformant sur elle
«[le] territoire, tout surchargé qu’il est de traces et de lectures passées
même, où l’on place et ou l’on remplace le bâti, telle une régénération.
en force, ressemble plutôt à un palimpseste.»152. Un palimpseste est « un
Il s’agit donc de trouver un concept général qui laisse transparaître les
manuscrit sur parchemin d’auteurs anciens que les copistes du Moyen--
traces du passé et contienne en même temps des éléments neufs orientés
-Âge ont effacé pour le recouvrir d’un second texte.»153 Cette métaphore
vers un futur. C’est-à-dire aborder la ville comme un système ouvert et
est efficace puisque la ville de sa création jusqu’à aujourd’hui est mar-
illimité. Peut-être, s’agit-t-il d’un écosystème ?
quée par une première écriture plus ou moins effacée, plus ou moins encore existante, laissant place à l’écriture d’une nouvelle phase de son
Penser la ville comme un écosystème.
histoire sur « le vieux grimoire des sols »154. L’idée du palimpseste urbain
rejoint l’idée d’une accumulation de différentes strates et de différents
système comme étant « la plus grande unité fonctionnelle en écolo-
cycles de vie d’un territoire. En effet, « le territoire n’est pas un emballage
gie, puisqu’il inclut à la fois les organismes vivants et l’environnement
perdu ni un produit de consommation qui se remplace. Chacun est unique,
abiotique (c’est-à-dire non vivant), chacun influençant les propriétés de
d’où la nécessité de «recycler», de gratter une fois de plus (mais si possible
l’autre, et les deux sont nécessaires au maintien de la vie telle qu’elle existe
avec le plus grand soin) le vieux texte que les hommes ont inscrit sur l’ir-
sur Terre ». Aujourd’hui cette définition ne semble pas avoir changé, un
remplaçable matériau des sols, afin d’en déposer un nouveau, qui réponde
écosystème est un ensemble constitué d’une communauté d’êtres vivants,
aux nécessités d’aujourd’hui avant d’être abrogé à son tour »155. La notion
animaux et végétaux, et d’un milieu dans lequel ils vivent156. Introduire
de palimpseste serait une manière de remettre en cycle la ville existante
le concept d’écosystème dans l’urbain, c’est considérer que le fonctionne-
comme patrimoine et structure formative à réinventer. La ville est perçue
ment urbain est fondé sur des interactions entre ces différents éléments
Corboz. A, Le territoire comme palimpseste, diogène, n°121 janvier-mars, 1983, p26. 152
153 154 p16. 155 p25.
Définition CNRTL, consultable sur : www.cnrtl.fr, consulté le 29/11/16. Corboz. A, Le territoire comme palimpseste, diogène, n°121 janvier-mars, 1983, Corboz. A, Le territoire comme palimpseste, diogène, n°121 janvier-mars, 1983
En 1953, Howard T. Odum, écologue américain définit l’éco-
constitutifs au sein d’un milieu. Celui-ci est urbain, c’est une création humaine en perpétuelle transformation. C’est pourquoi la ville peut être 156 D’après la définition du CNRTL, consultable sur le site : www.cnrtl.fr, consulté le 17/05/17.
RECYCLER L ’URBAIN - 89
assimilée à un écosystème artificiel. Nous pouvons nous demander si
économique dominant une importante évolution des cycles de fonction-
considérer la ville comme un écosystème permet de penser l’urbain de
nement urbains 159. Ce sont des mutations constantes et rapides alors que
manière durable mais aussi d’interroger les stratégies urbaines ?
l’écologie se pense au long terme, sur un temps lent. Il émerge alors la
Le concept de ville comme écosystème introduit la notion de
cycle de vie qui semble être une opportunité pour appréhender la ville de manière durable. Cette hypothèse va de pair avec l’idée d’entreprendre un recyclage urbain puisque recycler est une transformation « qui s’exerce à différentes échelles et fait retour sur les qualités des objets, des édifices, des ordonnancements urbains. Elle cherche à tirer parti, au-delà de leur premier cycle d’existence, de la matière ou des agencements qui les constituent, lesquels redeviennent alors à nouveau matière et agencement pour de nouveaux usages.»157 Ainsi la ville produit un «recyclage matériologique »158 qui se manifeste par le réemploi des matériaux et le fait de considérer la ville comme un gisement de matière première. Cependant le renouvellement des villes oblige celles-ci à reconstituer leurs stocks soit par de nouveaux gisements, soit par substitution-réutilisation
nécessité de trouver un point de rencontre entre ces différentes temporalités et cycles de vie. Xavier Bonnaud160 qualifie la temporalité actuelle comme contemporaine, c’est-à-dire simultanée et mondiale, ne reconnaissant pas le long terme.161 En effet dans notre société penser au quotidien de manière cyclique reste complexe. Cependant, Grégoire Bignier propose d’appliquer à l’architecture et à l’urbain le principe des Analyses de Cycle de Vie (ACV) employé depuis longtemps chez les industriels. C’est-à-dire étudier les différents cycles de vie d’une construction pour anticiper son empreinte environnementale et penser l’architecture mais aussi l’urbain de manière cyclique. Grégoire Bignier considère qu’une ACV est le premier pas à franchir vers une architecture et un urbanisme éco-systémique. Il envisage un ACV en cinq étapes : « ■ la phase de ressources nécessaires à la conception et à la construction
de matière première ou par recyclage des déchets de construction. La lecture de l’évolution historique des villes semble mettre en évidence, selon les époques et en fonction du paradigme culturel, environnemental, 157 Bonnaud. X, « En quoi la pensée du recyclage peut-elle enrichir nos imaginaires urbains ? », D'Arienzo. R, Younes. C, Recycler l’urbain, pour une écologie des milieux habités, Italie, MetisPresses, « vuesDensembleEssais », 2014, p42. 158 Ibidem
159 Voir annexe 27, p68-69, D'Arienzo. R, «Restes comme ressources, recycler l'urbain entre "ville sanitaire" et "ville durable" Naples 1884-2004 », Thèse de doctorat en architecture, sous la direction de Younès. C, Di Mauro. L, Paris, l'université Paris 8Vincennes-Saint Denis, Ecole doctorale "pratiques et théories du sens", 2015, p3. 160 Architecte, docteur en urbanisme, professeur d’architecture à l’ENSA de Paris-La-Vilette. Il codirige le laboratoire GERPHAU. 161 Bonnaud. X, « En quoi la pensée du recyclage peut-elle enrichir nos imaginaires urbains ? », D'Arienzo. R, Younes. C, Recycler l’urbain, pour une écologie des milieux habités, Italie, MetisPresses, « vuesDensembleEssais », 2014, p42.
90 - RECYCLER L ’URBAIN
du bâtiment ; ■ la phase de transport sur site de ces ressources ; ■ la phase de construction du bâtiment ; ■ la phase de fonctionnement du bâtiment ; ■ enfin, la phase de son démantèlement et son recyclage. »162
lors d’un projet.
Ainsi, une approche éco-systémique permet de comprendre la
nécessité de mettre en place un urbanisme viable. La « ville durable » est un concept contemporain s’appuyant sur le développement durable et permettant d’interroger nos modes de vie : nos déplacements, nos modes de consommation, la gestion de nos ressources. Cette approche favorise une pensée globale sur l’urbain garantissant une harmonie
Les trois premières phases permettent d’établir le code génétique
entre l’Homme et son environnement. Ainsi, concevoir des projets qui
du projet, ses latences, mais aussi l’anticipation de ses différents cycles de
prennent en compte des contraintes écologiques, des impératifs so-
vie et sa production de déchet. Au cours de ces phases, il est important de
cio-économiques et les spécificités locales d’un territoire sans se conten-
déterminer si la construction neuve est la solution la plus performante,
ter de placarder des panneaux solaires sur chaque toit, ou densifier sans
quel degré d’innovation est requis pour cet édifice, quel est le juste équi-
se demander comment densifier, semble tendre vers une pensée plus
libre pour une empreinte minime ?163
globale et différenciée. En 1994, la charte des villes européennes pour la
Concernant les deux dernières étapes, il s’agit d’envisager une
stratégie durable permettant de s’interroger sur la fin de vie d’une construction. Il s’agit de réfléchir à la stratégie permettant d’introduire
durabilité164 appelle à penser la ville dans sa globalité avec de nouvelles stratégies urbaines moins sectorielles et un aménagement urbain « global et interactif »165.
ce bâtiment dans un nouveau cycle, par démantèlement, par réutilisation
des matériaux, par reconversion ... Le nouvel enjeu conceptuel de l’archi-
tion de métabolisme urbain. Ce concept a été abordé par de nombreux
tecte est d’ envisager également la fin du cycle de vie d’une construction 162 Bignier. G, Architecture et écologie, comment partager le monde habité, Paris, Eyrolles, 2015, p45. 163 Bignier. G, Architecture et écologie, comment partager le monde habité, Paris, Eyrolles, 2015, p46.
L’idée d’une ville comme écosystème se rapproche de la no-
164 ou Chartre d’Aalborg, 1994. 165 Da Cunha. A, « Développement durable, transformations urbaines et projet : enjeux et défis. », dans Da Cunha. A, Knoepfel. P, Leresche. J-P, Nahrath. S, Enjeux du développement urbain durable, transformations urbaines, gestion des ressources et gouvernance, presses polytechniques et universitaire romandes, Lausanne, 2005, p11.
RECYCLER L ’URBAIN - 91
spécialistes telle que Sabine Barles. Selon elle, « le métabolisme urbain désigne ainsi l’ensemble des processus par lesquels les villes mobilisent, consomment, transforment ces ressources naturelles. »166 Ainsi l’étude du métabolisme urbain considère le système urbain dans sa globalité et il consiste à quantifier les flux de matières entrant et les flux sortant. Cela rejoint l’hypothèse des ACV favorisant un système urbain circulaire -valorisant producteur de restes-ressources.167 Il s’agit alors de mettre en place un métabolisme circulaire où la consommation est réduite et où les ressources sont optimisées. C’est-à-dire que nous devons recycler les villes actuelles à métabolisme linéaire génératrices de reste- déchet (voir FIG.24). Ainsi, le recyclage urbain envisagé à travers une stratégie locale et durable d’optimisation des métabolismes biologiques et industriels, pourrait fournir une solution concrète face à la crise environnementale globale.168 « La ville n’est pas durable. Cependant, elle peut contribuer à
166 Barles. S, « Comprendre et maîtriser le métabolisme urbain et l'empreinte environnementale des villes », Annales des Mines - Responsabilité et environnement 2008/4 (N° 52), p. 22, consultable sur le site : https://www.cairn.info/revue-responsabilite-et-environnement1-2008-4-page-21.htm, consulté le 05/05/17. 167 D'Arienzo. R, "Restes comme ressources, recycler l'urbain entre "ville sanitaire" et "ville durable"Naples 1884-2004", Thèse de doctorat en architecture, sous la direction de C.Younès et L. di Mauro, Paris, l'université Paris8- vincennes-saint denis Ecole doctorale "pratiques et théories du sens",2015, p3. 168 D'Arienzo. R, « Liminalité : des restes urbains inévitables, ambigüs, précieux », dans D'Arienzo. R, Younes. C, Recycler l’urbain, pour une écologie des milieux habités, Italie, MetisPresses, « vuesDensembleEssais », 2014,p57.
FIG. 24 • Vers des villes à métabolisme circulaire. © Rogers. R, Illustration sans titre, dans, Rogers. R, Des villes pour une petite planète, Paris, Édition du moniteur, 2000, p51.
92 - RECYCLER L ’URBAIN
la durabilité »169 en étant pensée tel un écosystème. C’est pourquoi dé-
Il existe quatre types problématiques de propriétaires : le propriétaire
voiler les ressources urbaines latentes en optant pour une temporalité si-
inconnu, le propriétaire décédé, le propriétaire non- souverain et le pro-
milaire à celle nécessaire pour reconstituer un écosystème semble être une
priétaire ne pouvant agir.
nouvelle manière de penser l’urbain. Cependant, cette nouvelle approche rencontre certaines difficultés dans la pratique que nous allons développer par la suite.
Premièrement, si on ne retrouve pas le propriétaire, ni son héri-
tier, ni un nouveau propriétaire et que la taxe foncière n’a pas été réglée depuis plus de trois ans, alors ce reste est qualifié de « sans maître »170 et
3.4 LES OBSTACLES AU RECYCLAGE URBAIN.
Le recyclage urbain est une stratégie qui rencontre quatre diffi-
la commune peut alors en prendre possession pour envisager enfin un recyclage de cet espace abandonné.
cultés à sa mise en place, il s’agit de la non-identification du propriétaire,
de l’existence juridique discrète, de leur recensement et de leur difficul-
sans nommer un héritier ou que celui-ci a renoncé à la succession alors
té financière. Nous allons développer ces quatre facteurs afin de com-
cet espace vacant devient possession de l’État, puis de la commune. Dans
prendre en quoi et comment ils favorisent une situation de blocage pour
le cas où le propriétaire est décédé depuis moins de trente ans171 et que
un recyclage urbain.
personne ne réclame les droits de succession, la propriété est dite vacante La non-identification du propriétaire.
Les politiques urbaines ont adopté une démarche de recyclage
du parc urbain existant. L’une des principales difficultés à mettre en place cette stratégie est la non-identification du propriétaire du bien délaissé. 169 Da Cunha. A, « Régime d’urbanisation, écologie urbaine et développement urbain durable : vers un nouvel urbanisme.», dans Da Cunha. A, Knoepfel. P, Leresche. J-P, Nahrath. S, Enjeux du développement urbain durable, transformations urbaines, gestion des ressources et gouvernance, presses polytechniques et universitaire romandes, Lausanne, 2005, p23.
Ensuite, si le propriétaire est décédé depuis plus de trente ans
selon le code civil. L’ État prend possession de ce délaissé pour trente ans, c’est une succession en déshérence172. Passé ce délai, la commune peut remettre en cycle ce terrain. 170 Le Sénat, «Les outils fonciers des collectivités locales : comment renforcer des dispositifs encore trop méconnus ? », consultable sur le site : http://www.senat.fr/rap/ r13-001/r13-0016.html, posté le 20/05/17, consulté le 20/05/17. 171 Schmitt. D, Parent. Bruno, circulaire du 8 mars 2006 du ministère de l’intérieur et du ministère des finances, consultable sur le site : file:///C:/Users/Utilisateur/Downloads/MCTB0600026C.pdf, consulté le 18/05/17. 172 Mariano -Cuminet. I, « Les biens sans maître et les successions en déshérence », consultable sur le site : https://www.notaires.fr/fr/les-biens-sans-ma%C3%AEtre-et-lessuccessions-en-d%C3%A9sh%C3%A9rence, posté le 13/01/17, consulté le 18/05/17.
RECYCLER L ’URBAIN - 93
Dans le cas où le propriétaire est non-souverain173, c’est-à-dire
C’est pour toutes ces difficultés liées au propriétaire du bien que
dans l’incapacité de décider et de gérer ces biens (sous tutelle, curatelle
le recyclage urbain peut être mis en attente.
ou étant mineur). Le blocage réside dans la prise de décision et d’accord
Existence juridique discrète.
Le Code de l’urbanisme est très peu bavard concernant les dé-
entre le représentant et le propriétaire. Nous assistons au même type de problème lorsqu’il s’agit d’une multiplicité de propriétaire ou d’une copropriété, il faut mettre tout le monde d’accord, cela peut-être long.
laissés urbains. Pour la loi, ces espaces n’existent pas, ils sont inconnus, voire invisible. Il en est de même concernant le PLU. Ces espaces aban-
Également, un propriétaire qui souhaiterait recycler son ter-
donnés ne sont pas identifiés, seuls sont prescrits la nature et l’utilisa-
rain peut se trouver dans une incapacité financière. Le recyclage de son
tion de l’occupation des sols. Ainsi, ces déchets appartiennent au choix
bien est trop onéreux, c’est une autre situation de blocage. Néanmoins, il
à chaque catégories d’utilisation du sol urbain (ua, ub, ud ...) ou naturel
existe des procédures d’aide, pour n’en citer que trois : un bail de réhabi-
(na, nd, etc...). Ce qui est paradoxal car ce sont des sols inutilisés. Ce-
litation174, une réhabilitation dans le cadre d’un opération programmée
pendant, dans le PLU de Lille est employé le terme « friche industrielle »
de l’amélioration de l’habitat (OPAH)175 ou une procédure de mise en
au chapitre renouvellement durable, « renouveler la ville »177. La ville
péril176. Ces solutions peuvent aboutir à un recyclage du parc abandonné
de Lille nie partiellement l’existence des déchets urbains. Elle se limite
mais ce ne sont pas les plus simples et elles peuvent être longues à mettre
à l’identification et la reconnaissance d’un type de délaissé. Le PLU de
en place, pouvant prolonger la dégradation du site en question.
Lille incite à la requalification et au traitement systématique des friches industrielles. Selon le PLU, « les friches industrielles sont le symptôme de la difficulté d’un recyclage "spontané" des sols pour de nouveaux
173 Le Sénat, «Les outils fonciers des collectivités locales : comment renforcer des dispositifs encore trop méconnus ? », consultable sur le site : http://www.senat.fr/rap/ r13-001/r13-0016.html, posté le 20/05/17, consulté le 20/05/17. 174 Le propriétaire sollicite un preneur qui améliore et loue le bien pendant toute la durée du bail. 175 Programme d’accompagnement et de financement pour l’amélioration de l’habitat en renouvellement urbain. 176 L’habitat est considéré menaçant et pouvant compromettre la sécurité, le maire peut ordonner une procédure de réparation.
usages »178 due à des problèmes de pollution des sols ou des problèmes de remembrement parcellaire complexe. 177 MEL, consultable sur le site : http://siteslm.lillemetropole.fr/urba/PLU/index. htm, consulté le 18/03/17. 178 http://siteslm.lillemetropole.fr/urba/PLU/plucd1/html/i_og.htm I – UNE VOLONTE D’EQUILIBRE I.1 – renouveler la ville. consulté le 25/02/17.
94 - RECYCLER L ’URBAIN
Les friches industrielles sont évoquées très brièvement dans le
torale et inculte ou manifestement sous-exploitée depuis au moins trois
Code de l’environnement, uniquement, au travers de la législation sur
ans. »181 Ces codes reconnaissent les délaissés et leur garantissent une
la cessation d’activités dans les installations classées.179L’ absence du mot
seconde vie, une remise en cycle. Si nous pouvions appliquer ces codes à
«délaissé» est paradoxal car la cessation d’activité implique la création
l’urbain, alors le recyclage urbain serait facilité.
d’un délaissé urbain.
Dans le Code des Impôts, la notion de friche est présente avec le
calcul de la taxe foncière sur les propriétés non bâties - cependant il s’agit de friche agricole.
Dans le code rural et le code forestier, nous pouvons identifier
deux vocables dont le sens se rapproche de la notion de délaissé urbain, mais ils sont utilisés pour décrire des territoires non urbanisés. Il s’agit des zones dégradées « à faible taux de boisement [...] où, par décret, des plantations et semis d’essences forestières pourraient être rendues obligatoires dans le but de préserver les sols, les cultures et l’équilibre biologique »180 et les terres sous-exploitées. L’ État tente de remettre rapidement en cycle ces terres, puisque « toute personne morale ou physique peut demander au représentant de l’État dans le département l’autorisation d’exploiter une parcelle susceptible d’une mise en valeur agricole ou pas179 Article n°34 du décret du 21 septembre 1977 du Code de l'environnement. 180 Legifrance, code forestier,article 52-1, consultable sur le site : http://www. ineris.fr/aida/sites/default/files/gesdoc/68603/Code_Forestier_nouveau_20170401.pdf, consulté le 21/03/17.
Dénombrer, Quantifier.
De plus en plus de délaissé, comment les appréhender si nous ne
connaissons pas leur ampleur ?
La cartographie des délaissés urbains est une tâche complexe et
ingrate à effectuer en croisant les informations des différentes bases de données et un relevé in situ. Celle-ci est primordiale si nous envisageons d’élaborer une stratégie de recyclage urbain, nous avons besoin de quantifier et de connaitre la nature ainsi que la localisation des délaissés. Aujourd’hui, il existe des organismes qui relèvent des portions de territoire spécifique, notamment dans certains départements français sont mises en place des cartographies182. Concernant les friches, le ministère du développement durable a créé deux bases de données : la base de données d’anciens sites industriels et activités de service (Basias) et Base de données sur les sites et sols pollués ou potentiellement pollués (Basol). Ces 181 Ibidem, article 39. 182 Comme par exemple dans les Ardennes, cartographie consultable sur : http:// cartelie.application.developpementdurable.gouv.fr/cartelie/voir.do?carte=Recencement_des_friches_DDEA_08&service=DDT_08, consulté le 06/04/17.
RECYCLER L ’URBAIN - 95
deux bases témoignent d’un premier pas vers un recensement national
dit «mal situés», pollués et dont leur remise en état est coûteuse et leur
des friches et d’une volonté d’anticiper les restes afin de les remettre en
confère ainsi une valeur négative. Le marché favorise la concentration
cycle dès leur obsolescence. Cependant il n’existe pas à ce jour de recen-
de la valeur foncière, distinguant artificiellement les lieux où l’espace est
sement national des restes urbains, il s’agit uniquement d’intervention
rare et cher, de ceux qu’il dévalorise et rend insolvable, en condition sur-
sélective. En effet, pour dénombrer les restes aujourd’hui, il faut croiser
numéraire, mis à l’écart, avec les hommes qui y vivent. Ces espaces autres
les deux bases de données du ministère de l’environnement avec les don-
ne sont plus inclus que dans le territoire que sur le mode de l’exclusion.
nées cadastrales et fiscales couplées d’une observation sur site puisque
Défaits, laissés pour compte, ils sont abandonnés et nuisent à l’image de
les délaissés sont « des ZAC gelées, [des] friches industrielles, [des] em-
leur quartier.
prises autoroutières ou ferroviaires, tous appartiennent à des registres statistiques différents, recensés par des organismes différents et dans des buts différents.»183 C’est pourquoi, je pense nécessaire la mise en place d’un organisme global et national pour cartographier les délaissés, peutêtre un organisme subdivisé par régions aidé par les municipalités pour confirmer le relevé sur place.
Délaisser un espace est un acte coûteux, si nous prenons en
compte le coût de maintien en état, le coût de remise en état, le coût de portage et sa fiscalité. En effet, un délaissé urbain reste imposable par deux taxes : la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB), instituées par le code général des impôts. Ensuite, la non- utilisation du site le dévalorise et influe
Obstacle financier.
L’augmentation des délaissés est liée à la crise immobilière qui ne
favorise pas la reconquête de ces espaces abandonnés, mais les maintient dans leur statut d’abandon. Les caprices du marché immobilier sont aussi
sur son prix de revente, et donc son coût de portage. « La cause première du délaissé est économique. C’est l’insuffisance d’un revenu tiré du bien qui conduit à son inutilisation » 184 mais aussi à sa stagnation, à son état de vacance dans la durée.
un facteur de la croissance de ces restes urbains, en effet ces lieux sont
Nous pouvons imaginer naïvement qu’abandonner un terrain
183 Paris. R, « La valeur des délaissés », dans Nature et Paysage les rencontres 2009, 1er édition Les délaissés Temporaires, Blois, 2009, p51.
184 Mons. D, «les formes de renouvellement urbain dans la ville de tradition industrielle», consultable sur: http://www.popsu.archi.fr/sites/default/files/nodes/document/817/files/lille-them-renouv-urbain-renouvellement-urbain, consulté le 12/03/17.
96 - RECYCLER L ’URBAIN
engendre peu de frais. Mais il existe des directives quant à l’abandon
ger un renouvellement urbain des sites en friches, délaissés ou dégradés
d’un site dans sa totalité. Par exemple, un terrain se trouve partiellement
et expérimenter in situ des techniques de dépollution innovantes .»186
occupé, néanmoins l’entretien de la globalité du site peut être requis.
Ainsi, il dispose de fonds européens garantissant le recyclage des friches
D’autre part, les frais correspondant à la mise en sécurité du site ne sont
urbaines. Quant à l’ADEME, elle met en œuvre des aides facilitant la
pas à négliger puisqu’ils peuvent devenir conséquent selon le temps de
reconversion des friches. Malheureusement, les friches sont un cas de
vacance (par exemple : coût de gardiennage, coût de clôtures). Maintenir
restes urbains parmi tant d’autres.
un reste peut devenir coûteux alors pourquoi ne pas le reconsidérer ou le mettre en valeur dès la cessation d’activité.
À Lille, la fabrique des quartiers lutte contre la vacance des lo-
gements et ainsi recycle le parc de l’habitat vacant lillois. Mais « lorsqu’il
La remise en état d’un reste est souvent onéreuse, les dépenses
s’agit de faire aboutir une pression coercitive sur les propriétaires ou d’as-
liées aux recyclage de ces espaces peuvent rapidement devenir considé-
surer la récupération d’immeubles abandonnés, l’action d’un opérateur
rable. Face à ces problèmes de reconquête, il existe des aides, pour n’en ci-
foncier est indispensable. »187 La fabrique des quartiers doit alors se lier à
ter que trois : l’Établissement Public Foncier (EPF), le Fond européen de
l’EPF des Hauts de France qui dispose de fonds. Ainsi, le problème finan-
développement régional (FEDER) et l’Agence de l’Environnement et de
cier des délaissés est majeur et récurrent. L’Etat met en place des aides en
la Maîtrise de l’Énergie (ADEME). L’ EFP dispose de fonds pour consti-
faveur du recyclage urbain des espaces délaissés, cependant cela n’est pas
tuer le « gisement du renouvellement urbain »185. Ces fonds servent à
suffisant, ni viable vu leur nombre et leur multiplicité.
financer l’acquisition de foncier délaissé et leur remise en état avant d’accueillir un nouveau projet. L’ EPF tente de valoriser les restes urbains et de mettre en place un système globale de recyclage urbain. Cependant, leur action semble se consacrer uniquement au cas des friches (et les autres ...). Le FEDER prône la « reconversion des sites en friche : aména185 EFP Nord- Pas de Calais, consultable sur le site : http://www.epf-npdc.fr/Quefaisons-nous/Quoi, consulté le 19/05/17.
186 Pas-de-Calais le Département, « FEDER : Fonds européen de développement régional », consultable sur le site : http://www.pasdecalais.fr/Europe/Monter-un-projet-europeen-ou-une-action internationale/Identifier-les-financements-adaptes-a-votre-projet/Environnement/FEDER-Fonds-europeen-de-developpement-regional, consulté le 19/05/17. 187 La fabrique des quartiers, Rapport final, Etude pré-opérationnelle sur le recyclage immobilier des logements vacants, consultable sur le site : http://www.lafabriquedesquartiers.fr/Media/Fichiers/Rapport-Final-Etude-pre-operationnelle-sur-le-recyclage-immobilier-des-logements-vacants, consulté le 28/01/17.
RECYCLER L ’URBAIN - 97
Ces situations de blocage et ces obstacles témoignent de la né-
cessité d’une politique globale du recyclage régit par un organisme national. Celui-ci serait capable de fournir des fonds et une cartographie des délaissés. Nous pouvons espérer aussi que les PLU s’inspireront rapidement du code forestier et du code rural. Enfin, il s’agit de mettre en place une politique de veille des délaissés.
Parler des déchets urbains, nous a permis d’envisager un recyclage
urbain et donc de penser en ressources plutôt qu’en «reste de». La comparaison du processus de recyclage aux processus des différentes stratégies en «re», nous permet de conclure qu’elles sont des filiations du recyclage (excepté la rénovation). Ainsi le recyclage urbain serait une pratique ancestrale dont les instruments seraient les stratégies en «re». Leur évolution dévoile un fonctionnement urbain préférant transformer plutôt que détruire. Ce constat va dans le sens et la nécessité de penser la ville de manière «circulaire- valorisante». Cela est mis en place par exemple avec la réécriture du palimpseste urbain et le fait de penser la ville comme un écosystème. Ces deux pratiques rencontrent cependant de nombreux obstacles dans la pratique.
98 - CONCLUSION
Le recyclage semble indissociable de la multiplication et de l’ac-
cumulation des déchets en milieu urbain, c’est même son origine. Cette pratique existe depuis toujours puisque les villes sont en perpétuelle transformation sur elles- mêmes. Ainsi, nous avons pu montrer que les stratégies en « re » étaient des filiations du recyclage à travers différents
Conclusion
facteurs : l’utilisation des déchets urbains, le changement sémantique reste/ressource, la transformation matérielle aboutissant à la réécriture du palimpseste urbain. En effet l’atout principal du recyclage comme outil pour penser l’urbain réside dans ce changement sémantique attribuant un autre statut au déchet. Celui-ci peut être nommé « reste pour » ou ressource. Cette vision positive garantit une remise en cycle de ces espaces alors considérés et préoccupés, notamment grâce à la mise en place des stratégies urbaines en « re ». Ces ressources urbaines sont alors invitées à jouer un nouveau rôle dans le monde de l’urbain.
Ainsi, aujourd’hui recycler l’urbain n’est plus lié à des problèmes
d’épidémies mais à la reconquête de ces espaces ressources permettant de lutter contre la finitude des ressources. En effet, à l ’ère de l’Anthropocène, cette stratégie semble incontournable. Cependant les mutations urbaines s’accomplissent à un rythme rapide en contradiction avec l’idée de penser la ville tel un écosystème. En effet, la régulation écologique du
CONCLUSION - 99
système urbain s’effectue sur le long terme en adoptant une temporalité
tadinité est « une relation dynamique entre un acteur individuel et l’objet
lente. Il s’agit alors de trouver une temporalité adéquate et satisfaisante
urbain. […] La citadinité constitue un ensemble -très complexe et évolu-
sachant que la temporalité de notre société est encore plus rapide que
tif - de représentations nourrissant des pratiques spatiales »189. Ainsi les
celle de la ville. Adopter le recyclage comme paradigme urbain permet
rapports que les habitants construisent aux espaces urbains, pourraient
de penser la ville comme un écosystème et d’envisager celle-ci de ma-
être plus durables.
nière durable en dévoilant lentement et avec délicatesse ses ressources urbaines latentes.
Concernant les ressources urbaines, l’hypothèse d’une architec-
ture de révélation dite latente semble émerger. Nous pouvons nous inter-
Cependant, envisager une durabilité et une soutenabilité urbaine
roger sur les formes que pourraient adopter cette pratique. L’ Atelier, une
n’apparaît pas suffisant face à la crise environnementale. Il est préférable
association d’architectes, d’urbanistes et de paysagistes190 a proposé l’idée
de renforcer ce paradigme urbain, de l’affirmer tel un slogan « recyclons
d’une forêt des délaissés. Ce scénario comme action de départ couplée à
nos villes ». En effet, rares sont ceux employant ce vocable alors même
des interventions telles que celles de la fabrique des quartiers dirigée par
que la politique de la ville a déjà opté (inconsciemment) pour cette stra-
un objectif commun « recycler l’urbain », semble être une solution à tes-
tégie depuis bien longtemps à travers les stratégies en « re ».
ter. Partant du constat que l’industriel qui ferme son exploitation, l’urba-
Penser la ville recyclable revient d’abord à interroger nos modes
de vie. Il s’agit aussi d’adopter ensemble une stratégie en amont qui influencera la reconquête de notre milieu. C’est pourquoi, introduire « ce beau mot de citadinité [...] pour maintenir cet écosystème écologique et social qu’est la ville »188 me semble une idée pertinente et possible. La ci188 Comité 21, « La ville, nouvel écosystème du XXIèmesiècle », Rapport 2011-2012 du Comité de prospective du Comité 21, consultable sur le site : http://www.comite21.org/ docs/infos21/2012/rapport-la-ville-nouvel-ecosysteme-du-21eme-siecle-27-03-12.pdf, consulté le 21/05/17, p102.
niste qui découpe le territoire, le propriétaire qui abandonne sa parcelle, sont tous producteurs de restes qui se végétalisent spontanément, l’Atelier propose d’enrichir et de diversifier cette végétation pour en faire une forêt contemporaine. En effet, ces espaces restes/ ressources constituent un territoire discontinu sur lequel nous pourrions laisser pousser une 189 Levy. J, Lussault. M, Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Belin, « collection », 2013, p159. 190 tel que Patrick Bouchain, Gilles Clément, Romain Paris, réflexions sur la forêt des délaissés en 2000.
100 - CONCLUSION
forêt. Ce scénario paraît soutenable socialement, écologiquement et éco-
délaissés - solution transitoire : dépollution des sols, économie, régu-
nomiquement. Bien entendu, il s’agit d’une possibilité parmi tant d’autres
lation de l’écosystème- à des requalifications du parc de l’habitat vacant
pour reconquérir ces restes. Cependant je souhaiterais souligner les trois
ainsi que l’écosystème citoyen sous le slogan « recyclons l’urbain » est une
avantages majeurs de cette proposition : peu coûteuse, elle propose une
nouvelle approche pour une ville durable.
action immédiate, provisoire ou transitoire, et peut jouer le rôle de régulateur de l’équilibre écologique. Cette approche permet aussi la transformation du « reste pour » en « ressource », elle garantit un changement du regard des hommes sur ces portions de territoire. Ce type d’intervention discrète permettrait de clore la phase d’anabiose dans laquelle se situent les restes pour enfin rentrer dans un nouveau cycle, vers un projet, ou vers une forêt réelle (pouvant créer une économie, une biodiversité ou un espace public...). Cependant, ce scénario nécessite au préalable la mise en place d’un observatoire national des délaissés ayant pour mission de les recenser et de connaitre leurs particularités afin d’aboutir à une cartographie des restes/ressources et par la suite à un plan de gestion sur le long terme de ces espaces. Pour cela, il faudrait intégrer certains articles du code rural et du code forestier dans le code de l’urbanisme. Actuellement, je me demande si les établissements publics fonciers (EPF) des différentes régions pourraient jouer ce rôle d’observateur et de recenseur des restes/ressources. Cette mission semble rentrer dans leurs domaines d’intervention habituels. Ainsi, allier des scénarii telle que la forêt des
Par ailleurs, l’urbanisme latent pourrait être mis en place par l’ur-
banisme transitoire : mouvement urbanistique d’une quinzaine d’années visant à remettre en cycle et à valoriser des délaissés de toute sorte en y installant des activités temporaires. Cette stratégie urbaine expérimente une nouvelle manière de recycler l’urbain en révélant les capacités de transformation du patrimoine vacant de nos villes. Ce champs nouveau de l’urbanisme vise à optimiser le temps de latence d’un site et à penser à son usage futur pour le moment figé. Actuellement, de nombreux Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI) fleurissent en France comme dispositif d’accompagnement et d’impulsion de ces projets innovants. La SNCF Immobilier possédant un très grand stock de friche ferroviaire a déjà adopté cette pratique, quelques exemples phares comme le cas du festival Parenthèse qui a investi la gare Saint Server à Rouan191ou le 191 Le 15 avril 2017, le collectif Lucien a offert une nouvelle parenthèse culturelle et artistique dans l’ancienne gare de Rouan en accueillant le festival parenthèse, source : SNCF Immobilier, communiqué de presse St Denis, le 11 avril 2017, consultable sur : file:///C:/ Users/Utilisateur/Downloads/CP-Festival-Parenth%C3%A8se-%C3%A0-Rouen-2.pdf, consulté le 22/05/17.
CONCLUSION - 101
Ground Control192 à Paris. Ainsi, cet urbanisme est un véritable levier de
« d’éco-concepteur », de « re-concepteur » et de « dé-constructeur ». Pour
valorisation et de transformation de ces délaissés. En effet, cette pratique
finir, c’est réussir à se dire que nous allons recycler le territoire que l’on
permet de lancer un recyclage des sites obsolètes par une transformation
a, c’est-à dire le territoire déjà construit en pensant au cycle 1 du projet,
sémantique reste/ressource. De plus cette stratégie transitoire mène vers
au cycle 2, mais aussi au cycle X du projet. Nous pouvons surement faire
un projet citoyen pour ces lieux en latence et permet d’éluder les coûts
mieux que la déconstruction et le démantèlement, il s’agit de trouver la
de gardiennage, d’entretien, de sécurité, de portage du site tout en luttant
possibilité de recycler à travers un projet recyclable.
contre l’obsolescence urbaine. Ainsi l’urbanisme transitoire semble être un nouvel instrument pour le recyclage urbain.
D’autre part, pour mettre en œuvre une architecture recyclable,
il s’agit d’anticiper, dès la conception, l’obsolescence des constructions, peut être en adoptant la pratique des ACV suggérée par G. Bignier. En tout cas la manière de concevoir et d’enseigner l’architecture doit évoluer ou changer. Aujourd’hui, tout architecte devrait savoir penser le recyclage de son projet. Nous pouvons nous demander si l’architecte n’a pas un nouveau rôle à jouer, une nouvelle responsabilité à endosser, celle de prévoir la fin de vie d’un édifice et d’en assurer le démantèlement ou la déconstruction/ revalorisation. L’architecte adopterait alors une posture 192 Le bar éphémère avait investit en 2016 le Grand Train, cet été il s’installe à la Halle Charolais (espace délaissé de la sncf), source : Caroline J, « Ground Control, le bar éphémère libre et curieux, de retour à Paris », posté le 17/05/17, consultable sur le site : https://www.sortiraparis.com/hotel-restaurant/bar-cafes/articles/74953-groundcontrol-le-bar-ephemere-libre-et-curieux-de-retour-a-paris, consulté le 22/05/17.
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BIBLIOGRAPHIE - 107
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en-situation-de-blocage, consulté le 03/02/17.
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consulté
108 -TABLE DES FIGURES
FIG.1 • Les familles sémantiques de la déchéance. Reproduction © Harpet. C, « Le déchet : une horloge chaotique, série sémantique des termes de la déchéance», sous la direction de Beaune. J-C, Le déchet, le rebut, le rien, Ed. Champ vallon, 15.01.1999, p184. FIG. 2 • Le processus du recyclage.
tABLE DES FIGURES
© Juliette Muller, 2017, source : en reprenant la formule d’Antoine Laurent de Lavoisier (XVIIIème siècle). FIG. 3 • Le recyclage circulaire © Juliette Muller, 2017. FIG. 4 • Les différentes stratégies en «re» au cours de l’Histoire. © Juliette Muller, 2017, source : D1, D2, D3, D4, D5, D6, D7, D8. FIG. 5 • L’ évolution du réemploi : une stratégie et un outil. © Juliette Muller, 2017, source : D1, D2, D3, D4, D5, D6, D7, D8. FIG. 6 • L’ évolution de la reconstruction. © Juliette Muller, 2017, source : D1, D2, D3, D4, D5, D6, D7, D8. FIG. 7 • L’apparition du remembrement comme stratégie urbaine. © Juliette Muller, 2017, source : D1, D2, D3, D4, D5, D6, D7, D8.
TABLE DES FIGURES - 109
FIG. 8 • La restauration à travers l’ Histoire, une théorie réemployée.
FIG. 15 • Un parc de l’habitat vacant.
© Juliette Muller, 2017, source : D1, D2, D3, D4, D5, D6, D7, D8.
© La fabrique des quartiers, La MEL, source : Recyclage de l’habitat privé vacant et dégradé Guide méthodologique, 2016, consultable sur : http://
FIG. 9 • L’ évolution de la rénovation, de la démolition/reconstruc-
www.lafabriquedesquartiers.fr/Programmes-d-actions/Recyclage-de-l-
tion à la tabula rasa partielle.
habitat-prive-en-situation-de-blocage, consulté le 03/02/17.
© Juliette Muller, 2017, source : D1, D2, D3, D4, D5, D6, D7, D8. FIG. 16 • Cartographie des différentes typologies de déchets Fivois. FIG. 10 • L’ évolution du renouvellement urbain.
© Juliette Muller, février 2017, source : fond de plan cadastral, consul-
© Juliette Muller, 2017, source : D1, D2, D3, D4, D5, D6, D7, D8.
table sur le site : https://www.cadastre.gouv.fr/scpc/rechercherPlan.do, consulté le 10/02/17.
FIG.11 • La réhabilitation, une stratégie phare. © Juliette Muller, 2017, source : D1, D2, D3, D4, D5, D6, D7, D8.
FIG. 17 • Ilôt Stein, un exemple type de vacance fivoise.
FIG. 12 • L’ évolution de la reconversion.
© Juliette Muller, février 2017, source : fond de plan cadastral.
© Juliette Muller, 2017, source : D1, D2, D3, D4, D5, D6, D7, D8. FIG. 18 • Les familles sémantiques des rebuts urbains. FIG. 13 • Les différentes productions de déchet urbain.
© Juliette Muller, 2017, source : source : en reprenant les familles séman-
© Juliette Muller, 2017, source : en reprenant les familles sémantiques de
tiques de la déchéance de Harpet. C, « Le déchet : une horloge chao-
la déchéance de Harpet. C, « Le déchet : une horloge chaotique, série sé-
tique, série sémantique des termes de la déchéance», sous la direction de
mantique des termes de la déchéance», sous la direction de Beaune. J-C,
Beaune. J-C, Le déchet, le rebut, le rien, Ed. Champ vallon, 15.01.1999,
Le déchet, le rebut, le rien, Ed. Champ vallon, 15.01.1999, p184.
p184. FIG. 19 • Les déchets urbains : la préoccupation des stratégie en «re».
FIG. 14 • Les différentes phases de dégénérescence d’un site en fin de
© Juliette Muller, 2017, source : D1, D2, D3, D4, D5, D6, D7, D8.
vie - vers le déchet. © Juliette Muller, 2017.
FIG. 20 • Quel rebut, pour quelle stratégie en «re» ? © Juliette Muller, 2017, source : en reprenant les familles sémantiques
110 -TABLE DES FIGURES
de la déchéance de Harpet. C, « Le déchet : une horloge chaotique, série
■D2 équivaut à : Choay. F , Merlin. P, Dictionnaire de l’urbanisme et de
sémantique des termes de la déchéance», sous la direction de Beaune.
l’aménagement, quadrige dicos poche, 2014.
J-C, Le déchet, le rebut, le rien, Ed. Champ vallon, 15.01.1999, p184. FIG. 21 • Les différents processus et formes d’ intervention des stra-
■D3 équivaut à : Dorier Aprill. E, Vocabulaire de la ville, notion et référence, Paris, Ed. du temps, 2001.
tégies en «re».
■D4 équivaut à : Gauthiez. B, Espace urbain, vocabulaire et morphologie,
© Juliette Muller, 2017, source : D1, D2, D3, D4, D5, D6, D7, D8.
Ed. du patrimoine, «vocabulaire», 2003, p 496.
FIG. 22 • Les instruments du recyclage urbain. © Juliette Muller, 2017, source : après analyse de D1, D2, D3, D4, D5,
■D5 équivaut à : Henry. P, Les 101 mots de l’urbanisme à l’usage de tous, Paris, archibook, 2011.
D6, D7, D8.
■D6 équivaut à : Henry. P, Les 101 mots de la ville à l’usage de tous, Paris,
FIG. 23 • Le recyclage urbain ou le réemploi des stratégies en «re».
■ D7 équivaut à : Léonhardt. F, Les 101 mots de la rénovation urbaine à
© Juliette Muller, 2017, source : après analyse de D1, D2, D3, D4, D5, D6, D7, D8. FIG. 24 • Vers des villes à métabolisme circulaire. © Rogers. R, Illustration sans titre, dans, Rogers. R, Des villes pour une petite planète, Paris, Édition du moniteur, 2000, p51. LEGENDE : ■D1 équivaut à : Chateaureynaud. P, Dictionnaire de l’urbanisme, 800mots, actes et procédures, Paris, Le Moniteur, 2003.
archibook, 2011.
l’usage de tous, Paris, archibook, 2013. ■D8 équivaut à : Levy. J, Lussault. M, Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Belin, « collection », 2013.
TABLE DES FIGURES - 111
112 -TABLE DES MATIERES
TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS
P5
AVANT PROPOS
P6
SOMMAIRE
P8
INTRODUCTION
P10
I. QUE SIGNIFIE RECYCLER ?
P16
1.1 Qu’est ce qu’un déchet ?
p18
1.2 Le modèle théorique de C. Harpet : une série séman-
tique de la déchéance.
p19
1.3 Brève histoire du déchet et naissance du recyclage.
p22
1.4 Recyclage : processus et cycle de vie.
p24
II. RECYCLER ET URBAIN 2.1 Les différentes stratégies en « re ».
P28 p30
Définitions des différentes stratégies en «re»
p30
REemploi
p32
REconstruction
p35
REmembrement
p39
REstauration
p42
TABLE DES MATIERES - 113
REnovation
p46
REnouvellement
p50
REhabilitation
p54
REconversion
p57
2.2 Formation et réemploi des déchets urbains.
p60
Les différents processus de création d’un espace «déchet». ............................................................................................. .p60 Le découpage du territoire, créateur de déchet
Les stratégies en «re»ou les instruments du recyclage urbain
3.3 Recycler l’urbain aujourd’hui, état d’un processus.
p86
Penser la ville comme un écosystème
p88
3.4 Les obstacles au recyclage urbain.
p92
La non-identification du propriétaire
p92
Existence juridique discrète
p93
Dénombrer, quantifier
p94
Obstacle financier
p95
La cessation d’activité et la dépréciation, créatrice de déchet urbain. p62 p67
L’action du temps
p67
Le projet urbain
p67
Les mots pour parler du déchet
p68
III. RECYCLER L’URBAIN 3.1 Penser en ressources plutôt qu ’ en déchets.
P72 p74
Ambivalence du déchet
p74
Les mots pour qualifier ces ressources
p76
3.2 Des filiations de la pensée du recyclage. Quel processus conceptuel, pour quelle stratégie en «re»
p78 p81
Quelles sont les interventions urbaines mises en place par ces stratégies ? p82
p86
La réécriture du palimpseste urbain
p60
Les catastrophes, les destructions
p83
CONCLUSION
P98
BIBLIOGRAPHIE
P102
TABLE DES FIGURES
P108
TABLE DES MATIÈRES
P112
déchet Juliette Muller SEMINAIRE DE RECHERCHE TERRITORIALITE, ARCHITECTURE ET PAYSAGE Celine Barrere & Isabelle Estienne 2016-2017
reste ressource latent recyclage reconstruction reconversion réemploi réhabilitation remembrement renouvellement
R E C YC L E R L ’ urbain Penser la ville comme une ressource renouvelable
rénovation restauration ENSAPL 2016-2017