Memoire, master 2, L'invention d'un estuaire culturel, Nantes Saint Nazaire

Page 1


1

L’INVENTION d’un ESTUAIRE CULTUREL Arpentages d’une nouvelle lisibilité du paysage métropolitain, De Nantes à Saint-Nazaire

Juliette Guichard ENSAPM R9, séminaire THP Infra-culture Dominique Rouillard 2012



3

INTRODUCTION

5

I RECOMPOSER UN PATRIMOINE LIGERIEN

15

A

L’estuaire entre deux d’une relation binaire..

17

Allers retours portuaires une passation d’activité Un no man’s land structurant mais fragmenté Une métropole d’équilibre

17 23 27

B

Les états d’un territoire palimpseste

33

Voir le territoire en train de se faire. Faire de la friche une centralité Quand la culture précéde le projet urbain

35 39 47

C

L’absence de monuments, réinvention d’un patrimoine

57

1 2 3

1 2 3

1 2

Les acteurs d’une régénération culturelle De l’événement au monument, une temporalité de la festivalisation

59 63

II ESTUAIRE, REVELER POUR S’APPROPRIER UN PAYSAGE

73

A

L’art à ciel ouvert , un outil territorial

75

S’inscrire dans le modèle des biennales Entre rayonnement international et démocratisation populaire, un outil politique Œuvres éphémères, œuvres pérennes, dispositifs d’une planification ?

75 83 89

B

Révéler le fleuve, faire exister le paysage

95

1 2 3

1 2

3

Arpenter, relier des fragments. Du recul, prendre de la hauteur Occuper, une confrontation d’échelle.

III CONSTRUIRE L’ARMATURE D’UN TOURISME CULTUREL

95 101

109

109

A

Une identification territoriale métropolitaine

117

B

Un marketing culturel du territoire

125

1 2

1 2

Identification d’un territoire, une réappropriation à mesurer Impact, une image métropolitaine ?

117 121

Les limites d’une formule touristique 2012, Le monument dispersé, un guided tour culturel

125 129

BIBLIOGRAPHIE

135



5

INTRODUCTION Il
sera
difficile
de
le
nier
:
le
phénomène
de
la
métropole
est
en
marche.
Le
glissement du
modèle
urbain
s’opère
en
direction
de
la
ville‐territoire.
L’expérience
du
Grand
Paris en
 est
 symptomatique.
 La
 redéfinition
 de
 champs
 d’action
 par
 l’extension
 des
 limites urbaines
 dépasse
 la
 notion
 traditionnelle
 de
 ville.
 Depuis
 1999,
 la
 loi
 Chevènement
 a ouvert
 la
 porte
 à
 la
 mutualisation,
 à
 la
 pensée
 «
 agglomérative
 ».
 C’est
 ainsi qu’aujourd’hui,
 au
 regard
 des
 travaux
 de
 Thomas
 Sievert
 sur
 la
Zwischenstadt,
l’urbain ne
suffit
plus
à
identifier
les
découpages
des
territoires.
La
réunion
autour
des
grandes polarités
 urbaines
 montre
 cette
 volonté
 de
 s’approprier
 plus,
 de
 résister
 et
 d’exister dans
 un
 monde
 globalisé
 où
 il
 faut
 inévitablement
 grandir,
 puisque
 tel
 est
 le
 constat. Cette
 récurrence
 du
 terme
 de
 métropole,
 dès
 1995,
 est
 présente
 dans
 deux
 ouvrages importants.
 Dans
 celui
 de
 François
 Ascher,
 la
 «
 métapolis
 »
 est
 l’avenir
 inhérent
 des villes.
 Chez
 Jean
 Philippe
 Leresche,
 elle
 est
 définie
 comme
 un
 «
 système
 ouvert
 en échange
permanent
avec
le
monde
extérieur,
mû
à
la
fois
par
une
dynamique
interne
et par
 les
 interactions
 développées
 avec
 d’autres
 métropoles
 constitutives
 d’un suprasystème
métropolitain
au
plan
mondial.
»79
Il
faut
donc
dépasser
la
ville.
Certaines recherches
 architecturales
 pourraient
 s’y
 apparenter
 tant
 les
 échelles
 sont
 celles
 du territoire.
 Les
 exemples
 de
 Broadacre
 City
 (fig
 A)
 par
 Franck
 Lloyd
 Wright80,
 encore antérieurs,
 ainsi
 que
 celui
 de
 la
 ville
 linéaire,
 par
 Arturio
 Sora
 y
 Mata
 montrent
 cette ambition.

La
 métropole
 s’inscrit
 inévitablement
 dans
 une
 temporalité
 donnée
 par
 l’outil
 de
 la prospective
 urbaine.
 1963
 –
 2011
 –
 2040,
 sont
 les
 trois
 échéances
 qui
 marquent
 le territoire
 français
 dans
 son
 organisation
 par
 la
 DATAR
 :
 celle
 de
 sa
 création,
 de l’établissement
 des
 métropoles
 d’équilibre,
 puis
 celle
 de
 l’actualité
 de
 la
 question métropolitaine,
année
de
publication
des
travaux
«
TERRITOIRES
2040
».
Ces
points
de référence
 sont
 nécessaires
 pour
 questionner
 l’objet
 ici
 étudié
 :
 la
 construction
 de
 la métropole
Nantes/Saint‐Nazaire.
A
l’image
des
évolutions
des
concepts
nationaux
initiés par
 la
 DATAR,
 elle
 est
 l’un
 des
 huit
 pôles
 d’équilibre,
 et
 fait
 l’objet,
 après
 sa
 mise
 en service
 administrative
 et
 politique
 par
 l’établissement,
 d’un
 schéma
 de
 cohérence territorial
(SCOT,
2007),
d’au
moins
douze
comités
de
prospective
(fig
B).
Mais
comment 79

LERESCHE
 Jean‐Philippe,
 JOYE
 Dominique,
 BASSAND
 Michel,

 Métropolisations
 :
 interdépendances mondiales
et
implications
lémaniques,
Editions
Georg,
Genève,
1995.
p.30 80 
LLOYD
WHRIGHT
Franck,
The
Disappearing
City,
Payson,
1932


Figure A ‘Broadacre City’ model 1934 - 35 F.Lloyd Wright médiaarchitceture.at


7

faire
de
cette
métropole,
pour
l’instant
invisible,
de
ce
concept
flou,
une
réalité
concrète et
 perceptible
 ?
 Ces
 comités
 prospectifs
 s’apparentent
 pour
 les
 habitants
 de
 ces territoires
à
une
logique
fictionnelle,
impalpable,
voire
méconnue.
L’expression
de
leurs résultats

ne
sera
qu’observable
dans
un
futur
lointain.
Quelles
sont
les
alternatives
pour aborder
 le
territoire
en
 attendant
 de
voir
les
conséquences
 réelles
et
formelles
de
 ces cercles
 de
 réflexion
 ?
 Sur
 quelles
 bases
 lisibles
 la
 métropole
 Nantes/Saint‐Nazaire
se construit‐elle
 ?
 Elle
 est
 caractérisée
 par
 son
 hyper‐paysage
 au
 centre,
 l’estuaire
 de
 la Loire,
 véritable
 enjeu
 à
 valoriser
 et
 à
 définir
 pour
 constituer
 une
 entité urbaine/périurbaine.
 Nous
 travaillerons
 sur
 l’hypothèse
 d’une
 mise
 en
 valeur
 de
 son territoire
 culturel
 permettant
 l’appropriation
 des
 enjeux
 éminemment
 politiques
 de
 la «
 métropolisation
 ».
 Cette
 notion
 de
 territoire
 culturel
 est
 tout
 d’abord
 à
 préciser. Dépassant
 la
 fonction
 strictement
 “utilitariste”
 du
 territoire
 (auquel
 on
 associe
 une valeur
marchande
en
fonction
de
ses
ressources
et
de
sa
géométrie),
il
représente
avant tout
 une
 valeur
 et
 le
 lieu
 fondateur
 des
 identités
 locales81.
La
construction
territoriale relève
 alors
 non
 plus
 seulement
 des
 actions
 matérielles,
 mais
 aussi
 des
 discours,
 des valeurs
 et
 des
 mythes
 qu’elle
 renferme.
 Le
 territoire
 peut
 être
 considéré
 comme
 un médiateur
culturel
au
 sens
 donné
à
 la
 culture
par
 Paul
Claval,
c’est‐à‐dire
«
l’ensemble de
ce
que
les
hommes
reçoivent
en
héritage,
ou
qu’ils
inventent
»82.
Ce
lien
est
à
double sens
:
si
le
territoire
produit
du
culturel
(il
n’est
que
de
penser
à
la
“mise
en
mythe
du paysage”83),
 le
 culturel
 produit
 en
 retour
 du
 territoire
 par
 l’usage
 d’emblèmes
 et
 de symboles.
Il
permet
ainsi
de
s’approprier
un
espace,
de
transmettre
une
appartenance territoriale
 constitutive
 de
 l’identité
 collective
 et/ou
 individuelle.
 C’est
 sur
 cette ambiguïté
 que
 joue
 le
 titre
 de
 ce
 travail
 :
 l’invention
 d’un
 estuaire
 culturel
 comme
 la réponse
 à
 la
 métropolisation
 effective.
 Dans
 une
 métropole
 bipolaire,
 comment
 donc faire
chose
commune
?

Pour
déterminer
cette
identité
collective
‐
l’estuaire,
le
patrimoine
naturel
et
fluvial partagé
va
être
le
lieu
d’une
manifestation
culturelle
éponyme,
«
Estuaire,
le
paysage, l’art
,
le
fleuve
».

Durant
trois
éditions
–
2007,
2009,
2012
‐
des
œuvres
signées
de
noms internationaux
de
l’art
contemporain,
pérennes
et
éphémères,
vont
être
dispersées
sur 81

BERQUE
Augustin,
Etres
humains
sur
la
terre,
Gallimard,
Paris,
Coll.
Le
débat,
1996 
CLAVAL
Paul,
La
géographie
culturelle.
Coll.
Fac,
Nathan
Université,
1995 83 
BONNERANDI
Emmanuelle,
«
Le
recours
au
patrimoine,
modèle
culturel
pour
le
territoire
?
», Géocarrefour,
vol.
80/2,
2005 82


ce
site
pour
revaloriser
le
fleuve
et
ses
abords.
Dans
quelle
mesure
l’événement artistique
va
t‐il
proposer
une
relecture
du
paysage
culturel
?
De
quoi
est
constitué
le mythe
de
cette
nouvelle
étendue
territoriale
?
Cette
biennale
propose
de
faire
le
récit d’un
contexte
historique
:
le
lien
unissant
Nantes
et
Saint‐Nazaire.
Si
le
culturel
permet de
rendre
au
territoire
son
attractivité
escomptée,
c’est
surtout
qu’il
instaure
la construction
d’une
image,
d’un
imaginaire,
qui
seront
les
garants
d’une
identification
sur la
durée.
Michel
Lussault,
géographe
français,
détermine
les
trois
conditions
de
celle‐ci. «
1.
il
faut
un
récit
légendaire,
une
configuration
narrative
au
sein
de
laquelle
l’histoire est
 une
 substance
 pour
 un
 récit.
 2.
 l’image
 met
 en
 scène
 une
 configuration géographique
 qui
 se
 décline
 selon
 trois
 registres
 :
 une
 morphologie,
 qui
 se
 cristallise dans
 des
 paysages,
 des
 lieux,
 des
 architectures
 ;
 un
 rapport
 entre
 cette
 forme
 et
 les composants
primordiaux
du
site
urbain
–
la
rareté
dont
j’ai
parlé
–
au
seul
climat
;
et
les relations
 particulières
 des
 citadins
 à
 cette
 géographie.
 3.
 elle
 assure
 enfin
 la
 visibilité d’une
scène
politique
»84.

 Le
 rapport
 politique
 lié
 à
 l’événement
 culturel
 sera
 analysé tout
 au
 long
 de
 ce
 travail
 pour
 déterminer
 ses
 interdépendances
 et
 comprendre
 les enjeux
de
lisibilité.

Nous
 aborderons
 au
 travers
 d’Estuaire,
 la
 question
 de
 l’invention
 d’un
 patrimoine tourné
 vers
 le
 futur,
 et
 affirmé
 comme
 outil
 de
 communication
 d’une
 planification prospective
 du
 territoire
 Nantes/Saint‐Nazaire.
 Nous
 nous
 demanderons
 si
 l’œuvre
 est le
monument
du
lieu,
ou
si,
au
contraire,
l’œuvre
transforme
le
paysage
en
un
landmark, en
générant
un
regard
subjectif
.
Quel
est
le
statut
de
l’œuvre‐landscape
lorqu’elle
sert un
 enjeu
 politique
 ?
 Cet
 événement
 est,
 en
 effet,
 l’aboutissement
 d’une
 politique culturelle
 plus
 largement
 entamée
 par
 Nantes
 dans
 les
 années
 quatre‐vingt.
 Elle
 se fonde
 sur
 la
 festivalisation
 comme
 moyen
 de
 redécouvrir
 les
 potentiels
 urbains
 de
 la ville.
Revenir
sur
sa
chronologie
nous
permettra
de
cibler
comment
le
patrimoine
post‐ industriel
a
été
son
support,
son
moyen
de
se
réinventer,
à
Nantes,
puis
à
Saint‐Nazaire. Quel
est
alors
aujourd’hui
l’impact
de
la
culture
sur
ces
deux
villes
désormais
associées
? En
 quoi
 permet‐elle
 la
 constitution
 d’une
 réinterprétation
 de
 la
 friche
 industrielle, militaire,
 et
 portuaire
 ?
 On
 observe
 un
 changement
 de
 statut,
 de
 la
 ruine
 à
 «
 l’objet symbole
»
des
nouvelles
centralités
urbaines,
des
nouveaux
clusters.
Les
différents
états 84

LUSSAULT
Michel,
«
Temps
et
récit
des
politiques
urbaines
»,
Le
Quotiden
Urbain,
La
découverte,
sous
la direction
de
PAQUOT
Thierry,
2001


9

et
temporalités
de
ce
patrimoine
sont
communs
dans
toute
la
métropole.
La
culture
et son
 rapport,
 inhérent
 au
 patrimoine,
 suffisent‐ils
 pour
 générer
 une
 même
 identité
 sur un
territoire
si
fragmenté,
morcelé,
voire
méconnu
en
ce
qui
concerne
l’Estuaire
? Si
le
rôle
du
culturel
est
de
réintégrer
une
vision
commune,
lisible
par
les
habitants
de
ce territoire,
c’est
aussi
dans
un
but
d’attractivité.
Les
liens
entre
culture
et
tourisme
sont étroits
comme
le
démontre
les
choix
politiques
que
Jean
Marc
Ayrault,
maire
de
Nantes, vient

 de
 faire.
 Il
 nomme
 aujourd’hui
 Jean
 Blaise
 ‐
 celui
 qui
 est
 à
 l’origine
 des orientations
artistiques
et
culturelles
de
toute
cette
aventure
‐
Directeur
de
la
Culture
et du
 Tourisme.
 Nous
 étudierons
 le
 paradoxe
 créé
 par
 ce
 statut
 qui
 intègre
 les
 enjeux d’une
 infrastructure
 paysagère
 avec
 ceux
 qu’on
 peut
 qualifier
 de
 purement économiques. Au
 travers
 de
 ces
 thématiques,
 une
 question
 se
 pose,
 celle
 de
 la
 culture
 comme constitution
 de
 l’image
 métropolitaine.
 Plus
 encore
 dans
 le
 cas
 présent,
 il
 s’agira
 de comprendre
 au
 fil
 de
 cette
 démonstration
 comment
 l’empreinte
 industrielle,
 ainsi scènographiée
 par
 l’événement
 culturel,
 engendre
 une
 réappropriation
 de
 l’entre‐ territoire
métropolitain
Nantes/Saint‐Nazaire.

La
problématique
ici
présente
se
propose
de
démarrer
à
partir
de
la
grande
échelle
pour questionner
 ensuite
 des
éléments
plus
 ciblés
que
 seront
 tout
 d’abord
 Nantes
et
 Saint‐ Nazaire,
 puis
 à
 l’échelle
 de
 l’estuaire,
 les
 œuvres
 et
 l’impact
 sur
 leurs
 communes.
 Elle résulte
d’un
travail
qui
s’est
fait
pourtant
à
contre
sens.
A
partir
de
la
thématique
portée par
 le
 séminaire,
 celle
 de
 l’INFRA‐CULTURE,
l’exemple
restreint
de
la
base
sous‐marine de
 Saint‐Nazaire
 a
 d’abord
 été
 choisi.
 Il
 a
 été
 le
 catalyseur
 de

 l’analyse
 sur
 le
 rôle
 et l’impact
 de
 la
 culture
 comme
 départ
 d’une
 patrimonialisation
 dans
 le
 contexte
 de désindustrialisation
d’une
ville
portuaire.
Mais
il
n’était
pas
concevable
de
penser
le
rôle de
la
culture
nazairienne
sans
remonter
à
sa
source
:
la
politique
culturelle
nantaise.
La comparaison
de
leur
différents
processus
urbains
étaient
nécessaires
pour
comprendre leur
bipolarité,
leur
adéquation,
ainsi
que
leur
rapport
de
compétitivité
historique
lié
au fleuve.
 Le
 fleuve
 était
 bien
 sûr
 la
 condition
 de
 cette
 entente.
 L’analyser
 au
 regard
 de l’événement
 Estuaire
 est
 devenu
 l’enjeu
 de
 ce
 travail,
 la
 façon
 de
 comprendre
 les mécanismes
 d’une
 gouvernance
 de
 la
 métropole.
 Les
 analyses
 sur
 la
 question métropolitaine
 appliquées
 à
 Nantes/
 Saint‐Nazaire
 (Fritsch,
 2006)
 n’établissent
 pas



11


comme
élément
déterminant
de
sa
construction
la
culture.
Les
documents
étudiés
ont été
principalement
les
comptes‐rendus
des
différentes
Conférences
Métropolitaines
qui sont
 aux
 nombres
 de
 cinq.
 J’ai
 personnellement
 assisté
 à
 la
 dernière
 en
 date,
 à
 Saint‐ Nazaire.
 «
 Le
 Monde
 n’attends
 pas.
 Nantes/Saint‐Nazaire,
 sommes
 nous
 prêts
 ?
 ».
 La diversité
 des
 intervenants
 (politiciens,
 urbanistes,
 géographes,
 citoyens,
 historiens, philosophes)
 est
 à
 chaque
 fois
 une
 source
 de
 points
 de
 vues
 divergents,
 critiques,
 et variés
permettant
de
débattre
avec
pertinence
sur
les
préoccupations
essentielles
de
la métropole.
L’une
des
ressources
capitales
à
ce
sujet
est
la
revue
«
Place
Publique
»
de Nantes/Saint‐Nazaire,
 conçue
 avant
 l’efficience
 de
 la
 mutualisation
 des
 communautés d’agglomérations.
Elle
aborde
en
profondeur,
tantôt
par
des
articles
scientifiques,
tantôt par
 un
 travail
 journalistique,
 les
 deux
 entités
 et
 leur
 hyper‐centre
 :
 l’estuaire.
 Des ouvrages
historiques
retracent
l’épopée
portuaire
et
économique
des
deux
villes,
l’une par
rapport
à
l’autre
(Amiral
Brossard
/
Vauthier‐Vézier).
Quant
à
la
biennale,
les
seules sources
 sont
 celles,
 d’un
 côté,
 des
 catalogues
 des
 deux
 éditions
 2007/2009,
 et
 leurs comptes‐rendus
économiques
et
budgétaires,
et
de
l’autre,
les
articles
de
presse
et
les blogs
 de
 visiteurs.
 Des
 références
 théoriques
 sont
 venus
 nourrir
 mon
 propos
 tout
 au long
 de
 mes
 recherches
 sur
 les
 notions
 de
 paysage,
 de
 territoire,
 de
 patrimoine,
 de culturel
 et
 de
 gouvernance
 (voir

 bibliographie).
 Mais
 l’analyse
 sur
 le
 terrain
 m’a réellement
permis
de
me
saisir
du
sujet
et
de
me
l’approprier.

Pour
 déplier
 le
 fil
 de
 cette
 narration,
 nous
 verrons
 tout
 d’abord
 comment
 Nantes
 et Saint‐Nazaire
 empruntent
 un
 chemin
 commun,
 celui
 de
 la
 recomposition
 d’un patrimoine,
fondé
sur
les
vestiges
des
différentes
étapes
des
mutations
industrielles.
La culture
 est
 le
 support
 de
 ces
 nouvelles
 centralités
 urbaines
 tant
 à
 Nantes
 qu’à
 Saint‐ Nazaire.
 Nous
 verrons
 comment
 et
 pourquoi.
 Ces
 mécanismes,
 dont
 nous
 retracerons les
 origines,
 les
 temporalités
 et
 les
 enjeux,
 observés
 à
 l’échelle
 des
 deux
 polarités fondatrices
de
l’ensemble
métropolitain,
seront
observés
ensuite
dans
un
second
temps à
l’échelle
non
plus
d’une
ville,
mais
d’un
territoire,
celui
de
l’estuaire.
Nous
analyserons par
le
biais
de
la
biennale,
cette
reconquête
identitaire
du
fleuve
et
du
péri‐urbain,
en quête
 d’appropriation
 métropolitaine.
 Dans
 une
 relation
 outils/territoire
 d’abord,
 la biennale
sera
comparée
à
une
planification
territoriale.
Ensuite,
dans
le
mouvement
du


13

rapport
 dispositif/paysage,
 nous
 comprendrons
 comment
 le
 mythe
 de
 l’estuaire
 se fonde. Nous
 interrogerons
 finalement
 les
 limites
 et
 impacts
 d’une
 manifestation
 de
 cette envergure,
 au
 regard
 des
 ambiguïtés
 entretenues
 par
 le
 tryptique culture/tourisme/politique.
Tout
au
long
de
ce
développement,
le
terme
de
culture
sera arpenté,
 re‐questionné
 et
 ainsi
 décliné.
 Ce
 fil
 conducteur
 nous
 permettra
 de
 nous interroger
:
La
culture
peut‐elle
être
aussi
une
infrastructure
du
territoire,
où
déclenche‐ t‐elle
 une
 prise
 de
 conscience
 ?
 Pose
 t‐elle
 les
 jalons
 de
 l’infrastructure
 future
 ou propose
t‐elle
juste
une
réinterprétation
d’un
environnement
nécessaire
à
l’imaginaire des
arpenteurs
quotidiens
et
ponctuels
?



15

RECOMPOSER UN PATRIMOINE LIGERIEN

“ L’inversion peut être une approche fructueuse face à tout phénomène complexe. Il s’agit de remettre au centre ce qui est périphérique. Cela permet de se rendre compte que les structures qui semblent être évidentes ne le sont pas toujours. Des éléments apparemment latents, ou secondaires au premier abord, tiennent de ce fait un rôle capital : l’approche contribue ainsi à construire une vision plus équilibrée d’une situation donnée. Les éléments se mettent à interagir et une structure d’équivalence apparaît. Penser une inversion du paysage urbain c’est intervenir dans les rapports entre le bâti et les surfaces vertes, entre la ville et la campagne, entre culture et nature.“ VERSTEEGH Pieter, KAUFFMANN Vincent, ibid, p.117


Figure 1 Image de la france en 2000 Amorce de structuration de l’espace en 1970-75 Datar 1971

Figure 2 Cartogramme selon population des communes en 1999 DATAR


17

RECOMPOSER
UN
PATRIMOINE
LIGERIEN

A

L’estuaire,
entre‐deux
d’une
relation
binaire. Dès
1963,
Le
Général
de
Gaulle
en
créant
la
DATAR,
amorce
l’ambition
d’une
nouvelle vision
 des
 territoires.
 C’est
 cet
 organisme
 qui
 va
 définir
 le
 principe
 des
 métropoles d’équilibres.
 Huit
 nouvelles
 polarités,
 qui
 feront
 l’objet
 d’une
 attention
 particulière
 de l’état.
 Chacune
 d’elles
 étant
 destinée
 à
 opérer
 comme
 outils
 de
 décentralisation,
 la mono‐centralité
 de
 la
 capitale
 devenant
 écrasante.
 Ce
 redécoupage
 les
 situe
 chacune comme
les
capitales
complémentaires
d’une
nouvelle
cartographie
française
où
toutes jouent
un
rôle
spécifique
dédié
à
redynamiser
leur
territoire.
(fig.
1) «
 L’évolution
 générale
 porte
 en
 effet
 notre
 pays
 vers
 un
 équilibre
 nouveau.
 L’effort multiséculaire
de
centralisation
(…)
ne
s’impose
plus
désormais.
Au
contraire,
ce
sont
les activités
régionales
qui
apparaissent
comme
les
ressorts
de
la
puissance
économique
de demain.
»1 Parmi
 elles
 se
 trouvent
 justement
 Nantes/Saint‐Nazaire,
 seule
 métropole
 d’équilibre
 à être
binaire.
Elle
est,
avec
Bordeaux,
la
deuxième
grande
entité
de
la
façade
atlantique car
 la
 spécificité
 de
 cette
 future
 métropole
 est
 avant
 tout
 son
 rapport
 portuaire
 à l’océan.
 Ce
 potentiel
 fluvial
 et
 maritime
 est
 l’un
 de
 ses
 atouts
 majeurs.
 Le
 réseau d’équilibre
régional
actuel
(fig.
2),
auquel
ces
deux
villes
appartiennent,
est
à
l’image
du lien
 qu’elles
 ont
 toujours
 entretenu
 tout
 au
 long
 de
 leur
 histoire.
 Cette
 relation d’équilibre,
à
l’origine
de
leur
identité,
s’est
construite
dans
un
rapport
de
dépendance. Cette
question
de
la
métropole
les
oblige
aujourd’hui
à
se
définir
dans
leur
spécificité. Par
 quoi
 sont‐elles
 réunit?
 Comment
 faire
 route
 commune
 ?
 Nous
 verrons
 d’abord
 ici comment
 ces
 deux
 villes
 entretiennent
de
 par
 leur
 histoire
 une
 relation
 ambiguë
 dans laquelle
 l’Estuaire,
 élément
 complexe
 à
 dompter,
 joue
 un
 rôle
 prédominant.
 Ensuite, nous
comprendrons
comment
cette
identité
s’est
construite
peu
à
peu
au
travers
d’une recomposition
d’un
patrimoine
commun,
visible
d’un
bout
à
l’autre
de
l’Estuaire.

A1

Allers
retours
portuaires
une
passation
d’activité Pour
 comprendre
 cette
 complémentarité
 des
 deux
 cités,
 Nantes
 et
 Saint‐Nazaire,
 avec l’enjeu
dont
il
est
question
ici
‐
inventer
à
la
fois
une
métropole
et
un
projet
commun
‐,
il

1

Discours
du
Général
De
Gaulle,
à
Lyon,
le
24
mars
1968


Figure 3 “La Séraphique”, négrier nantais 1771 photo Musée de la Marine, Original Musée des Salorges, Nantes.

Figure 4 Nantes vers 1850. Document Port Autonome de Nantes-Saint-Nazaire


19

faut
 questionner
 la
 passation
 d’activité.
 Ces
 allers‐retours
 portuaires
 sont
 aujourd’hui les
fondations
d’un
patrimoine
qui
permet
à
ces
deux
villes
de
ré‐exister.

Commence
alors
un
jeu
de
rôle
que
beaucoup
de
villes
portuaires
 seraient
en
droit
de revendiquer,
 à
 une
 particularité
 près,
 celle
 de
 posséder
 l’entité
 géographique
 clé,
 qui sera
 l’élément
 déclencheur
 de
 toutes
 les
 péripéties,
 historiques
 et
 économiques
 : L’Estuaire
 de
 la
 Loire.
 Leur
 chronologie
 est
 donc
 indissociable
 et
 le
 récit
 de
 leur construction
commune
nécessaire
pour
situer
les
enjeux
et
rivalités. Tout
d’abord
il
est
intéressant
de
voir
comment
Nantes,
son
identité
et
son
histoire,
va se
 construire
 autour
 du
 port
 et
 de
 son
 réseau
 fluvial.
 (fig
 3)
 Il
 sera
 important
 de conserver
 cette
 idée
 pour
 la
 suite
 du
 développement
 car
 la
 mémoire
 de
 ce
 caractère portuaire
 sera
 le
 socle
 du
 patrimoine
 à
 valoriser.
 Pourtant
 la
 déconstruction
 de
 cette image
 est
 nécessaire,
 puisqu’il
 s’agit,
 concernant
 Nantes,
 d’une
 période
 maritime finalement
relativement
courte. Nantes
 est
 d’abord,
 jusqu’au
 début
 du
 XVIIIème
 siècle,
 une
 plateforme
 fluviale
 par
 sa position
 de
 rupture
 de
 charge2.
 Son
 économie
 se
 concentre
 sur
 le
 commerce
 et l’échange
 de
 denrées
 qu’elle
 permet
 de
 faire
 transiter.
 Elle
 est
 alors
 tournée
 vers
 les terres
principalement.
Ce
n’est
qu’en
1705,
période
pendant
laquelle
son
port
maritime atteint
 l’apogée
 de
 son
 tonnage,
 qu’elle
 se
 situe
 momentanément
 au
 premier
 rang européen.
Le
commerce
triangulaire
et
la
traite
négrière
feront
du
port
de
Nantes
son succès
jusqu’à
la
révolution.
(fig.
4) Ce
 rapport
 d’interface
 maritime
 qu’elle
 entretient
 avec
 la
 façade
 atlantique
 à
 ce moment‐là
ne
va
cesser
de
diminuer.
La
spécificité
du
port
de
Nantes
chute,
les
types
de denrées
transitant
par
son
port
devenant
presque
exclusivement
le
sucre.
Cette
grande image
du
port
sur
laquelle
se
construit
l’identité
nantaise
est
donc,
comme
il
est
dit
plus haut,
relativement
courte.
Au
XIXème
siècle,
Nantes
est
confrontée
à
un
isolement
relatif, dû
 au
 fait
 notamment
 de
 ne
 pas
 avoir
 développé
 un
 hinterland3
 cohérent
 et
 ne
 s’être pas
regroupée
dans
un
ensemble
portuaire
plus
conséquent.
La
concurrence
et
le
libre‐

2

Anne
VAUTHIER‐VÉZIER,
L’estuaire
et
le
port.
L’identité
maritime
de
Nantes
au
XIXe
siècle,
Rennes,
Presses universitaires
de
Rennes,
2007 3 
Hinterland
 est
 l’
 arrière
 pays
 continental
 d'un
 port
 que
 ce
 dernier
 approvisionne
 ou
 dont
 il
 tire
 les marchandises
qu'il
expédie.
Il
n'a
pas
de
limites
rigides
:
son
importance
est
déterminée
en
fonction
de
sa population
et
de
sa
situation
économique
;
son
étendue
dépend
en
particulier
de
la
densité
et
de
la
qualité des
voies
de
communication
qui
convergent
vers
le
port.
(source
:
wikipédia
)


Figure 5 Naissance d’une ville: vue de Saint-Nazaire en 1830, 1886, 1933. Saint Nazaire ville port


21

échange
 entre
 les
 flottes
 commerciales
 n’aideront
 pas,
 par
 ailleurs,
 la
 situation économique
de
Nantes.

C’est
 à
 ce
 moment‐là
 qu’entre
 en
 jeu
 l’Estuaire
 ainsi
 que
 Saint‐Nazaire.
 Plusieurs éléments
vont
être
significatifs
dans
le
glissement
d’activité
qui
va
s’opérer
de
Nantes
à Saint‐Nazaire. Premièrement,
 l’évolution
 des
 techniques
 et
 des
 tailles
 de
 vaisseaux
 sera
 capitale. L’estuaire
de
la
Loire
est
difficile
à
appréhender.
Le
Canal
de
la
Martinière
sera
aménagé en
pays
de
Retz
au
sud
de
l’Estuaire
à
cet
effet
en
1892.
Il
symbolise
parfaitement
cette évolution
des
techniques
qui
a
fait
du
portuaire
une
économie
performante
en
générant du
paysage.
Ce
façonnement
du
territoire
va
venir
remodeler
les
représentations
et
les fonctionnements
 de
 l’Estuaire.
 Mais
 comme
 l’Estuaire,
 ses
 dimensionnements
 et
 les techniques
mises
en
œuvres
dans
la
construction
du
canal
vont
s’avérer
être,
dès
1902, obsolètes,
Nantes
ne
peut
donc
plus
être
accostée
par
les
navires
de
gros
tonnages.
Le développement
 d’une
 porte
 maritime
 devient
 irréversible
 pour
 contrer
 l’isolement économique
et
fluvial.
L’estuaire
est
alors
la
condition
d’une
coexistence
ainsi
que
d’un partage
des
rôles
et
des
usages,
d’abord
visible
par
une
fragmentation
en
plusieurs
ports le
long
 de
 l’estuaire,
notamment
ceux
du
Pellerin,
Paimbœuf
et
 Saint‐Nazaire.
A
 partir de
 18564,
 Saint‐Nazaire
 affirme
 son
 indépendance
 économique,
 et
 crée
 sa
 propre chambre
de
commerce
(fig.
5).
Ainsi
elle
récupère
à
partir
de
1953,
progressivement,
la part
 la
 plus
 importante
 de
 la
 navigation
 et
 devient
 réellement
 l’avant‐port
 de
 Nantes. C’est
 un
 point
 d’articulation
 majeur
 de
 l’histoire
 commune
 des
 deux
 villes.

 Cette nouvelle
 identité
 portuaire
 assumée
 par
 Saint‐Nazaire
 participe
 à
 un
 basculement économique
progressif
qui
contribue
à
accroître
la
compétitivité
des
deux
villes.

Néanmoins
 les
 deux
 extrémités
 de
 ce
 nouvel
 ensemble
 sont
 nécessairement interdépendantes.
Madeleine
Broccard
définit
le
chorotype
de
l’estuaire
européen5.
 En regardant
ces
schémas
et
la
façon
dont
l’estuaire
devient
une
interface,
on
observe
une dissymétrie
 qui
 illustre
 bien
 cette
 interdépendance
 économique.
 La
 hiérarchie
 est 4

FOURNET
 Philippe,
 «
 les
 grands
 estuaires
 français
 :
 organisation,
 aménagement,
 environnement
 », Patrimoines
 et
 estuaires,
 Actes
 du
 colloque
 international
 de
 Blaye
 (2005),
 coll
 Des
 lieux
 et
 des
 liens,
 ed confluences,
2006,
p.27‐37 5 
BROCARD
Madeleine,
LECOQUIERRE
Bruno,
MALLET
Pascal.
“Le
chorotype
de
l'estuaire
européen”, Mappemonde
n°3,
GIP‐RECLUS,
1995


RE

I ZA A TN IN

RE

I ZA NA T IN

SA

SA

RE

I ZA NA T IN

SA

ES NT NA

ES NT NA

Hiérarchie urbaine

Hiérarchie portuaire

Réaction littoral

Axe de dissymétrie

Production industrielle

Axe de circulation

Milieu estuarien conflictuel

Axe de développement

Hiérarchie urbaine

Hiérarchie portuaire

Réaction littoral

Axe de dissymétrie

Production industrielle

Axe de circulation

Milieu estuarien conflictuel

Axe de développement

ES NT A N

Figure 6 la relation schematique Nantes Saint-Nazaire selon le chorotype de l’estuaire européen. document personnel

Hiérarchie urbaine

Hiérarchie portuaire

Réaction littoral

Axe de dissymétrie

Production industrielle

Axe de circulation

Milieu estuarien conflictuel

Axe de développement

Figure 7 La cité linéaire, une “cité linéaire” quartier d’union entre deux “cités-points” Arturo Soria y Mata


23

inversée
 (fig.
 6):
 d’un
 côté
 un
 déséquilibre
 urbain,
 Nantes,
 ville
 historique
 de
 fond d’estuaire,
n’est
plus
au
centre
du
«
système
estuaire
»,
même
si
elle
conserve
son
rôle de
 métropole
 régionale
 :
 elle
 possède
 une
 forte
 démographie
 au
 contraire
 de
 Saint‐ Nazaire.
 De
 l’autre
 côté,
 Saint‐Nazaire
 détient
 la
 puissance
 de
 l’activité
 industrielle
 et portuaire
 que
 Nantes
 a
 perdue.
 L’estuaire,
 élément
 géographique
 qui
 a
 façonné
 ce déplacement
portuaire
devient
le
garant
de
l’équilibre
entre
les
deux
cités.

A2

Un
no
man’s
land
structurant
mais
fragmenté Au
 cœur
 de
 l’ensemble
 métropolitain
 dont
 il
 est
 sujet
 ici,
 l’estuaire
 est
 à
 la
 fois
 une rupture
 entre
 deux
 rives,
 mais
 aussi
 le
 lien
 qui
 unit
 les
 deux
 polarités.
 Il
 crée
 une continuité,
 et
 génère
 un
 espace
 linéaire.
 En
 opérant
 un
 saut
 d’échelle,
 on
 pourrait comparer
les
premières
pensées
sur
la
ville
linéaire
(fig.7),
notamment
celles
d’Arturio Saura
y
Mata6
et
les
appliquer
à
la
métropole
Nantes/Saint‐Nazaire.
Seulement
le
statut inhérent
à
celui
d’une
métropole,
celui
d’être
éminemment
urbain,
est
complexifié
par la
particularité
géographique
étudiée
ici
:
posséder
comme
centralité
une
anti‐urbanité, un
 hyper‐paysage.
 L’entre‐deux
 de
 cette
 relation
 bipolaire
 est
 un
 espace
 entre‐ville comme
 le
 définit
 Thomas
 Sievert
 dans
 Entre‐ville:
 une
 lecture
 de
 la
 Zwischenstadt7.
 Si ces
espaces
sont
perçus
le
plus
souvent
comme
des
no
 man’s
 land,
c’est
qu’il
faut
leur conférer
une
certaine
lisibilité,
une
intelligibilité,
écrit‐il.
Un
développement
urbain
sans ville,
c’est
ce
à
quoi
correspond
la
Zwischenstadt.
Il
présente
cette
projection
de
la
ville contemporaine
 afin
 de
 mieux
 comprendre
 l’établissement
 urbain
 actuel.
 Il
 aborde
 les logiques
 urbaines
 de
 centre/périphérie,
 mais
 ici
 à
 Nantes/Saint‐Nazaire,
 cet
 espace entre‐deux
est
au
cœur
et
non
à
la
périphérie.
Entre
en
compte
alors
la
question
de
la linéarité,
de
la
continuité
de
l’espace
estuarien. Il
 nous
faut
 comprendre
de
quoi
est
 constitué
ce
 territoire
mal
 identifié
et
 pourtant
si capital
dans
la
construction
d’une
identité
urbaine
et
métropolitaine. Il
 est
 vrai
 que
 sa
 longueur,
 tout
 d’abord,
 le
rend
difficilement
 lisible
 de
façon
globale. D’un
bout
à
l’autre,
60
kms
de
long
séparent
la
rive
sud
de
la
rive
celle
nord.
Les
voies ferroviaires
 qui
 longent
 et
 permettent
 de
 circuler
 sont
 relativement
 éloignées
 de l’espace
fluvial.
La
visibilité
de
ce
dernier
est
difficilement
accessible,
et
même,
de
par
sa

6

SORIA
Y
MATA
Arturo,
La
Cité
Linéaire,
nouvelle
architecture
de
villes,
Centre
d’Etudes
et
de
Recherches Architecturales,
1979. 7 
SIEVERTS,
Thomas
Entre‐ville:
une
lecture
de
la
Zwischenstadt.
Éditions
Parenthèses,
2004.


Figure 9 entre industrie et nature, l’estuaire comme frontiÊre. image tirÊes Bing.com


25

géographie
 marécageuse,
 quasiment
 impossible.
 De
 par
 sa
 profondeur,
 ses
 rives,
 ses frontières
et
son
littoral
ne
sont
pas
aisés
à
délimiter.
Son
arrière‐pays
sert
de
passage
et de
support
à
toute
une
région
qui
vit
par
lui
et
pour
lui.
André
Hubert
Mesnard8,
docteur en
droit,
apportant
aussi
ses
contributions
au
comité
de
prospective
Nantes
2030,
parle à
 propos
 de
 cet
 espace
 estuarien
 de
 caractère
 composite
 et
 diversifié.
 Par
 certaines oppositions
 peut‐être
 un
 peu
 manichéennes
 mais
 permettant
 de
 voir
 les
 entre‐deux estuariens
 (fig.8)
 ,
 on
 peut
 facilement
 illustrer
 ce
 propos.
 Ce
 patrimoine
 est
 mi‐marin, mi‐fluvial,
 mi‐urbain,
 mi‐campagnard,
 mi‐naturel,
 mi‐culturel.
 Plusieurs
 identités
 s’y superposent,
plusieurs
épaisseurs
:
un
espace
naturel
plus
ou
moins
sauvage
(le
fleuve, ses
 bras,
 ainsi
 que
 certaines
 îles),
 un
 patrimoine
 naturel
 parfois
 protégé,
 cultivé
 ou planté
 et
 agricole.
 Quant
 au
 patrimoine
 construit,
 il
 va
 de
 l’architecture
 des
 bords
 de Loire
 jusqu’aux
 châteaux,
 de
 l’habitat
 de
 villages
 jusqu’aux
 quartiers
 portuaires
 en
 se rapprochant
de
Saint‐Nazaire.
Il
est
appelé
rue
d’usines
au
XIXème
siècle
et
conserve
les traces
de
ce
passé
industriel.
Les
cathédrales
industrielles
peuvent
être
en
friche
(hauts‐ fourneaux
de
Trignac,
grues
Titan
de
Nantes)
ou
encore
en
activité
(fig.
9),
comme
sur les
chantiers
navals
de
Saint‐Nazaire
ou
au
sein
des
usines
comme
Beghin
Say.
C’est,
à
la fois,
un
lieu
de
vie
et
un
lieu
de
passage.

Peut‐on
alors
considérer
ce
cœur
comme
«
un
patrimoine
à
réinventer
»,
comme
le
titre la
revue
Place
publique9,
Nantes/Saint‐Nazaire,
en
2007
?
L’importance,
en
effet,
de
la reconnaissance
identitaire
de
l’Estuaire
dépend
de
cette
vision
:
est‐ce
un
patrimoine
à se
réapproprier

 par
tous
?
L’Unesco
décrit
comme
suit
le
patrimoine
:
«

 ce
patrimoine culturel
 transmis
 de
 génération
 en
 génération
 est
 recréé
 en
 permanence
 par
 la communauté
 et
 les
 groupes,
 en
 fonction
 de
 leur
 milieu,
 de
 leur
 interaction
 avec
 la nature
 et
 de
 leur
 histoire.
 Il
 est
 fait
 de
 pratiques,
 représentations,
 expressions, connaissances
 et
 savoirs
 faire
 ainsi
 que
 des
 instruments,
 objets,
 artefacts
 et
 espaces culturels
 qui
 leur
 sont
 associés,
 et
 que
 les
 groupes,
 le
 cas
 échéant
 les
 individus, reconnaissent
comme
faisant
partie
de
leur
patrimoine
culturel
»10

8

MESNARD

 André‐Hubert,
«
Pour
une
gestion
décentralisée
du
patrimoine
estuairien
»
Place
publique,
la revue
urbaine,
n°3,
juillet‐aout
2007 9 
ibid 10 
Definition
issue
de
la
Convention
pour
la
sauvegarde
du
patrimoine
culturel
immatériel
adopté
le 17
octobre
2003
le
patrimoine
culturel
immatériel
(PCI)
–
ou
patrimoine
vivant
–
est
la
source
principale
de notre
diversité
culturelle
et
sa
continuation
une
garantie
pour
une
créativité
continue.


Figure 10 Prise de vue du port autonome de Nantes Saint Nazaire. documents personnels


27

Il
 y
 a
 dans
 ce
 territoire
 quelque
 chose
 qui
 dépasse
 l’idée
 du
 patrimoine
 figé.
 Il
 s’agit, pour
 faire
 support
 identitaire,
 plutôt
 de
 trouver
 l’immuable,
 ce
 qu’il
 peut
 y
 avoir
 de durable.
Cette
définition
un
peu
technocratique
de
l’Unesco
parle
bien
du
temps
continu du
 patrimoine,
 celui
 immatériel,
 en
 opposition
 à
 celui
 plus
 figé
 de
 l’objet
 matériel.
 Ce temps
 long
 de
 l’estuaire,
 de
 quoi
 est‐il
 alors
 constitué
 ?
 Ce
 serait
 les
 épaisseurs
 des différentes
 réalités
 culturelles
 dont
 nous
 parlions
 plus
 haut
 qui
 le
 composeraient.
La navigation,
 la
 construction
 navale
 (fig
 10.),
 la
 pêche
 fluviale,
 l’activité
 portuaire
 font partie
de
cette
identité
de
l’estuaire
liée
au
fleuve,
à
l’eau.
Finalement
les
discontinuités de
cet
entre‐deux,
rassemblées,
sont
le
support
d’une
unité.
Le
patrimoine
serait
donc ce
 qui
 relie
 les
 générations
 au‐delà
 des
 objets
 figés
 du
 patrimoine
 matériel
 protégé.
 Il serait
intéressant
de
considérer
que
ce
patrimoine
matériel,
industriel
pour
la
majeure partie
 de
 l’estuaire,
 soit
 en
 fait
 l’émergence
 concrète,
 la
 métonymie
 d’un
 patrimoine immatériel
 plus
 fondamental
 et
 plus
 difficile
 à
 saisir.
 Voilà
 tout
 l’enjeu
 de
 cette construction
métropolitaine
:
qualifier,
englober,
définir
cet
élément
structurant
qu’est l’estuaire.

A3

Une
métropole
d’équilibre La
conscience
urbaine
et
collective
d’un
territoire,
bien
que
géographique,
patrimoniale et
de
l’ordre
du
vécu,
est
bien
sur
aussi
éminemment
politique.
Cet
équilibre
entre
deux pôles
 urbains
 autonomes
 est
 né
 d’une
 rencontre
 politique
 de
 deux
 maires,
 ceux
 de Nantes
et
de
Saint‐Nazaire,
respectivement,
Jean
Marc
Ayrault
et
Joël
Batteux.
L’un
est élu
en
1989,
l’autre
en
1983,
et
depuis,
constamment
réélus.
Tous
les
deux
adhèrent
au parti
 socialiste.
 Leur
 même
 lignée
 idéologique
 et
 politique
 rend
 plus
 compréhensible cette
réalisation
d’un
territoire
commun
11
: «
Pour
partie,
la
métropole
est
un
concept,
une
volonté,
une
dynamique.
Mais
d’autre part
 c’est
 aussi
 un
 fait.
 Les
 élus
 locaux
 sachant
 fort
 bien
 que
 nous
 sommes
 tous interdépendants,
la
métropole
est
ce
territoire
où
personne
ne
peut
être
indifférent
à
ce qui
 se
 passe
 en
 quelque
 point
 de
 son
 périmètre.
 Contrairement
 à
 la
 plupart
 des métropoles
qui
 ont
 un
 centre
et
 une
périphérie,
celle‐ci
est
 une
métropole
qui
a
 deux 11

Place
publique
n°11/
débat
Gouverner
la
métropole
en
présence
de
Joél
Batteux,
maire
de
Saint‐Nazaire, Jean
Marc
Ayrault,
Nantes
et
Yves
Métaireaux,
La
Baule.



29

bouts
 et,
 entre
 ces
 deux
 bouts,
 il
 y
 a
 l’estuaire
 de
 la
 Loire.
 Cette
 morphologie
 très spéciale
a
généré
dans
le
passé
des
attitudes
qui
sont
en
train
de
s’inverser
:
ce
qui
était une
séparation
devient
un
trait
d’union.
»
Joël
Batteux

«
C’est
vrai.
Et
puis
après,
il
y
a
eu
la
décentralisation
et
on
n’a
pas
pris
tout
de
suite
à bras‐le‐corps
la
question
de
la
métropole
parce
qu’on
n’était
pas
prêts.
On
avait
autre chose
 à
 faire,
 chacun
 sur
 notre
 territoire,
 à
 Nantes,
 à
 Saint‐Nazaire.
 Mais
 aujourd’hui, raisonner
nanto‐nantais
n’a
plus
de
sens.
Il
y
a
une
logique
à
travailler
ensemble.
»
Jean Marc
Ayrault.

Ils
 sont,
 tous
 deux,
 les
 initiateurs
 d’un
 rassemblement
 qui
 a
 lieu
 d’abord indépendamment
 à
 l’échelle
 des
 deux
 villes.
 La
 volonté
 d’intercommunalité
 est renforcée
 par
 la
 loi
 Chevènement
 en
 1991.
 Ainsi,
 en
 2001,
 Saint‐Nazaire,
 et
 dix communes
 du
 littoral,
 se
 dote
 d’un
 nouvel
 outil,
 la
 CARENE,
 soit
 la
 Communauté d'agglomérations
 de
 la
 région
 nazairienne
 et
 de
 l'estuaire,
 dont
 Joël
 Batteux
 est
 le président.
La
même
année,
la
communauté
urbaine
de
Nantes,
appelée
plus
tard
Nantes métropole
naît,
réunissant
vingt‐quatre
communes,
soit
590
000
habitants.
Ce
support politique
 du
 développement
 territorial
 sera
 la
 première
 pierre
 posée
 qui
 amorcera
 la métropole.
(fig
11.) Mais
 il
 faut
 aussi
 agir
 au
 cœur,
 agir
 à
 l’interstice
 pour
 rassembler
 une
 même
 entité métropolitaine
 autour
 de
 l’estuaire.
 C’est
 le
 fruit
 d’un
 consensus
 entre
 acteurs
 :
 le conseil
 d’état,
 l’avis
 des
 communes,
 les
 établissements
 publics
 de
 coopération intercommunale,
les
conseils
généraux
et
le
conseil
régional,
la
conférence
régionale
de l’aménagement
 et
 du
 développement
 du
 territoire.
 C’est
 à
 la
 jonction
 de
 ces
 deux comités
d’agglomération
que
se
crée
le
SCOT
de
la
métropole
Nantes
Saint‐Nazaire,
 le 26
mars
2007,
approuvé
par
57
communes
et
plus
de
780
000
habitants12.
Ce
schéma
de cohérence
 territorial
 est
 un
 document
 d'urbanisme
 qui
 détermine,
 à
 l’échelle
 de plusieurs
communes
ou
 groupements
de
communes,
 un
 projet
 de
 territoire,
 qui
 vise
 à mettre
 en
 cohérence
 l'ensemble
 des
 politiques
 sectorielles,
 notamment
 en
 matière d'urbanisme,
 d'habitat,
 de
 déplacements,
 et
 d'équipements
 commerciaux,
 dans
 un

12

Scot
.
http://www.nantessaintnazaire.fr/web/accueil.do


éco.métropole

nconstruire antes saint-nazaire: la ville autour du fleuve > Repères cartographiques

Métropole Nantes Saint-Nazaire // Mars 2009

Figure 12 Affiches pour une ecométropole. SAMDA, SCOT metropole Nantes- Saint Nazaire


31

environnement
 préservé
 et
 valorisé.
 Il
 a
 été
 instauré
 par
 la
 loi
 SRU
 du
 13
 décembre 2000.

Là
 encore,
 l’estuaire
 est
 le
 support
 de
 cette
 identité
 collective,
 ce
 qui
 est
 visible notamment
 sur
 cette
 campagne
 pour
 défendre
 le
 projet
 d’éco‐métropole
 mené
 par Laurent
 Théry13
 président
 de
 la
 SAMOA,
 la
 société
 d’aménagement
 de
 la
 métropole Nantes/Saint‐Nazaire,
 grand
 prix
 d’urbanisme
 2010.
 Les
 fonds
 d’état
 «
 villes
 de demain
 »,
 viennent
 de
 soutenir
 trois
 grands
 ensembles
 urbains
 ‐
 Bordeaux,
 Marseille ainsi
que
Nantes/Saint‐Nazaire
‐
pour
laquelle
5,1
millions
d’euros
seront
attribués.
C’est le
 signe
 que
 nous
 sommes
 en
 présence
 d’une
 entreprise
 qui
 arrive
 à
 promouvoir
 son identité
par
le
fleuve
et
d’égaler
en
attractivité
de
grandes
entités
urbaines.
(fig.12)

Ce
 SCOT
 permet
 de
 délimiter
 la
 zone
 d’influence
 dédiée
 à
 l’estuaire.
 On
 observe
 par contre
 que
 ses
 frontières
 sont
 beaucoup
 discutées.
 Le
 SCOT
 ne
 regroupe
 pas
 les communes
 du
 sud
 de
 l’Estuaire
 sauf
 celles
 appartenant
 à
 la
 communauté
 urbaine
 de Nantes.
Associé
au
décret
du
17
juillet
2006
,
soit
la
directive
de
l’estuaire
de
la
Loire,
il détermine
 les
 objectifs
 d’une
 ambition
 métropolitaine
 européenne,
 en
 vue
 aussi
 de protéger
et
de
valoriser
un
environnement
remarquable. Quels
 sont
 ces
 objectifs
 ?
 Tout
 d’abord,
 avoir
 des
 orientations
 importantes
 liées
 à l’équilibre
entre
perspectives
de
développement,
de
protection,
et
de
mise
en
valeur
de trois
 grands
 projets
 stratégiques.
 Ils
 enclenchent
 une
 plus
 grande
 polarisation
 du territoire
 autour
 de
 l’estuaire.
 Qu’il
 s’agisse
 du
 grand
 aéroport
 très
 contesté
 de
 Notre Dame
 des
 Landes,
 de
 l’extension
 portuaire
 sur
 la
 commune
 de
 Donges,
 ou
 encore
 du développement
 de
 la
 production
 énergétique,
 comme
 le
 grand
 projet
 de
 plateforme offshore
d’éoliennes,
ce
sont
toujours
de
grandes
infrastructures
destinées
à
rendre
plus visible
et
plus
attractive
la
métropole.
(fig.
13) Ensuite,
 il
 est
 question
 d’équilibrer
 le
 développement
 urbain
 de
 l’ensemble
 des composantes
 territoriales
 de
 l’estuaire
 en
 maîtrisant
 l’étalement
 urbain14.
 C’est
 un enjeu‐phare.
 Même
 si
 les
 termes
 restent
 assez
 flous,
 le
 caractère
 périurbain
 de l’estuaire
 signifie
 la
 disponibilité
 d’espaces
 vacants
 potentiellement
 constructibles.
 A

13

THERY
Laurent,
La
ville
est
une
figure
libre,
Sous
la
direction
de
MASBOUNGI
Ariella,
Editions
Parenthèse et
Direction
générale
de
l’Aménagement,
du
logement
et
de
la
Nature,
Coll.
Grand
prix
de
l’urbanisme,
2010 14 
Issu
du
document
de
présentation
des
orientations
générales
du
SCOT,
2009


Figure 13 Attractivité de la métropole Nantes Saint Nazaire. Place publique, J.FR. Guitton/CARENE


33

cela,
la
directive
du
SCOT,
ajoute
un
aspect
patrimonial,
celui
de
la
protection
des
sites et
des
paysages.

L’estuaire
est
dans
cette
perspective
un
élément
de
re‐délimitation
 du
territoire.
 «

 Le sentiment
 d’une
 communauté
 d’intérêt
 est
 largement
 partagé,
 même
 s’il
 a
 été
 lent
 à émerger
 et
 à
 affirmer.
 S’il
 doit
 beaucoup
 à
 la
 relative
 proximité
 des
 appartenances politiques
 des
 élus
 et
 à
 un
 long
 travail
 de
 médiation
 politique,
 et
 même
 si l’agglomération
nantaise
joue
souvent
cavalier
seul
sur
le
plan
médiatique,
l’émergence d’un
 territoire
 de
 projet
 intégrant
 simultanément
 Nantes
 et
 Saint‐Nazaire
 est
 bien
 en cours,
même
si
celui‐ci
n’est
pas
totalement
abouti.
»15

Cet
 espace
 fragmenté
 mais
 structurant
 est
 la
 résultante
 du
 déplacement
 d’activité historique
et
géographique.
C’est
cet
entre‐deux
qui
aujourd’hui
est
l’enjeu,
l’accroche de
la
métropole,
qui
s’en
fait
une
identité.
En
essayant
de
le
considérer
de
plus
en
plus comme
un
patrimoine,
à
la
fois
naturel
et
constitutif
d’une
identité
culturelle
commune, la
politique
n’a
de
cesse
de
le
relayer
pour
en
augmenter
ses
potentiels.
Cette
mutation d’identité
estuarienne
nous
amène
à
nous
demander
comment
ce
territoire
qui
est
aussi le
 support
 d’éléments
 patrimoniaux
 matériels
 se
 révèle
 et
 modifie
 les
 enjeux
 de
 cette passation
d’activité.
De
ces
traces
historiques,
subsistent
les
éléments
d’un
patrimoine
à reconnecter
pour
rendre
attractive
la
métropole.
Nous
verrons
donc
comment
la
culture devient
 le
 support
 de
 ces
 ruines
 industrielles
 laissées
 par
 ces
 glissements
 et
 ces décalages
temporels.

B

Les
états
d’un
territoire
palimpseste Cette
 passation
 portuaire
 engrange
 inévitablement
 des
 mutations
 d’usages.
 Quelles couches
 successives
 amènent
 celle
 de
 la
 reconversion
 culturelle
 ?
 Pour
 comprendre celle‐ci,
il
faut
d’abord
faire
le
récit
de
ces
étapes.
D’un
bout
à
l’autre
du
territoire,
de nouvelles
centralités
s’établissent
autour
de
ces
lieux
en
quête
de
redéfinition,
témoins d’un
passé.
De
ce
passé
collectif,
nous
l’avons
montré,
l’estuaire
est
le
symbole.
Après 15

FRITSCH
Bernard,
«
Nantes‐Saint
Nazaire,
métropole
exemplaire
?
»,
in
l’information
géographique
n°4, 2006


Figure 14 Pont transbordeur Nantes. Google images


35

avoir
apporté
aux
différentes
strates
temporelles
de
ces
sites
un
éclairage
théorique
et narratif,
 l’île
 de
 Nantes
 et
 le
 projet
 ville‐port
 de
 Saint‐Nazaire
 seront
 plus
 amplement détaillés.
 Il
 s’agira
 de
 comprendre
 réellement
 l’enjeu
 d’une
 politique
 culturelle commune
comme
socle
du
renouvellement
urbain
et
identitaire.

B1

Voir
le
territoire
en
train
de
se
faire. Temps
 portuaire,
 naval
 et
 industriel
 se
 chevauchent
 dans
 le
 territoire.
 C’est
 ici
 leur désynchronisation
 qu’il
 faut
 mettre
 en
 lumière.
 C’est
 ce
 territoire
 palimpseste16,
 dont parle
André
Corboz
et
Sébastien
Marot.
Ils
utilisent
ce
terme
pour
décrire
les
réécritures successives
 qui
 se
 sont
 effectuées
 sur
 les
 sites.
 Cette
 notion
 évoque
 bien
 sûr
 ces superpositions
qui
font
disparaître
progressivement
ce
qui
était
et
ne
sera
plus.
Ce
sont ces
différents
états
qu’il
faut
donc
décrypter. C’est
 un
 cycle
 encore
 en
 mouvement
 dont
 on
 peut
 témoigner
 à
 l’échelle
 de
 cette étendue.
 Trois
 temporalités
 :
 celle
 du
 révolu
 révélé,
c’est
 à
 dire
 le
 patrimoine réinterprété,
réhabilité,
celle
du
révolu
suspendu,
à
l’état
de
friche,
en
marge,
et
enfin, celle
du
vécu
visible. Cette
dernière
est
capitale,
car
elle
dénote
du
renouvellement,
de
la
réinvention
d’une activité
 superposée.
 Le
 village
 de
 Trentemoult
 sur
 l’autre
 rive,
 symétrique
 à
 Nantes, peut
être
révélateur
de
ces
couches,
notamment
par
le
biais
d’une
analyse
sociologique. Trentemoult
accueille
en
effet
les
résidents
et
acteurs
de
ces
mutations.
Lorsque
Nantes est
 un
 port,
 les
 marins
 y
 vivent.
 Lorsque
 l’activité
 maritime
 se
 déplace
 en
 avant
 de l’Estuaire,
 ce
 sont
 les
 chantiers
 navals
 qui
 les
 remplacent.
 Les
 ouvriers
 prennent
 alors leur
 place.
 Aujourd’hui,
 le
 village
 est
 revalorisé
 et
 fait
 l’objet
 d’une
 gentrification notable,
 que
 ce
 soit
 au
 regard
 du
 niveau
 des
 revenus,
 de
 la
 moyenne
 d’âge,
 ainsi
 que des
 types
 de
 formations
 et
 de
 métiers
 qu’exercent
 les
 nouveaux
 occupants.
 Cette successivité
sociale
permet
la
lecture
d’un
espace
aux
mutations
identitaires.
Comment ces
identités
 se
transforment‐elles,
 comment
s’illustrent‐elles
 et
que
deviennent‐elle
 ? Peuvent‐elles
 disparaître
 complètement
 ?
 Pourquoi
 ne
 pas
 imaginer
 plutôt
 qu’elles
 se complètent,
et
que
c’est
de
cette
force
que
naît
le
nouveau
potentiel
de
ce
territoire.

16

CORBOZ
André,
MAROT
Sébastien,
Le
Territoire
comme
palimpseste
et
autres
essais,
Editions
de l’imprimeur,
collection
Tranches
de
villes,
2001


Figure 15 grue titan documents personels

Figure 16 Usine Beghin Say. document personel


37

Alors
que
l’activité
portuaire
est
pour
sa
majeure
partie
concentrée
sur
l’embouchure
de l’Estuaire,
 subsistent
 encore,
 bien
 que
 passives,
 les
 traces
 de
 l’histoire
 portuaire Nantaise.
Elles
sont
autant
de
ruines
mémorielles. Toutes
ne
sont
d’ailleurs
pas
conservées.
C’est
le
cas
notamment
du
pont
transbordeur de
Nantes
(fig.14),
joyaux
d’un
patrimoine
industriel
demeurant
le
mythe
nantais,
visible sur
 toutes
 les
 reproductions
d’époque.
Il
 a
 été
 démonté.
Sa
 prise
en
 charge
 aurait
 été trop
coûteuse.
A
l’inverse,
deux
grues
Titan
(fig.15)
ont
été
conservées,
l’une
à
la
pointe de
l’île
de
Nantes,
scénographiée
dans
un
espace
publique
que
Chemetoff
a
orchestré, l’autre
est
celle
des
chantiers
navals
Dubigeon
et
une
des
premières
traces
de
l’industrie navale.
 Cette
 entreprise
 qui
 a
 fait
 la
 renommée
 de
 Nantes
 et
 de
 ces
 chantiers
 est aujourd’hui
en
inactivité
quasi
totale.
Elle
fait
partie
de
ce
temps
révolu
suspendu
et
en passe
d’être
bientôt
le
nouveau
lieu
à
être
valorisé.
Comme
si
ces
grues,
d’une
certaine manière,
 étaient
 les
 symboles
 émergents
 d’une
 zone
 délaissée,
 amenée
 à
 renaître. Saint‐Nazaire,
de
son
côté,
est
le
vécu
visible
de
cette
industrie
qui
fait
l’économie
d’une région,
 avec
 les
 chantiers
 très
 importants
 d’airbus,
 et
 les
 constructions
 navales, notamment
celles
de
paquebots.
Sur
un
dépliant
de
Saint‐Nazaire,
l’office
du
tourisme nous
encourage
à
venir
vivre
en
direct
l’aventure
portuaire,
navale
et
des
chantiers
de construction.

Deux
 attitudes
 coexistent.
 L’une
 consiste
 à
 témoigner,
 avec
 la
 mise
 en
 lumière architecturale
d’un
passé
actif.
L’autre
permet
d’assister
aux
choses
en
train
de
se
faire
: une
 même
 activité,
 deux
 champs
 de
 temporalité
 opposés
 et
 deux
 témoignages permettent
de
s’approprier
une
économie
et
une
viabilité
métropolitaine
en
action
.

La
réécriture
opère
aussi
et
surtout
dans
les
étapes
d’une
désindustrialisation.
Sur
cette identité
 maritime
 et
 portuaire
 se
 sont
 greffées
 bien
 sûr
 toutes
 les
 industries
 qui constituaient
 un
 réseau.
 L’une
 clé,
 fait
 partie
 à
 Nantes
 de
 ce
 vécu
 visible.
 C’est l’entreprise
Béghin
Say
(fig.16),
toujours
en
activité,
au
cœur
de
l’île
de
Nantes
et
dont les
 activités
 ont
 démarré
 à
 l’époque
 de
 la
 traite
 négrière.
 Elle
 côtoie
 le
 linéaire
 de hangars
 vides
 et
 abandonnés
 des
 anciennes
 fabriques
 à
 glace,
 quai
 Wilson,
 que quelques
événements
temporaires
plutôt
culturels
(concerts)
sont
venus
réveiller.


Figure 17 L’île de Nantes, plan guide “avant/aprés”. A. Chemetoff

Figure 18 L’île de Nantes, axes directeurs du plan guide. A. Chemetoff


39

Ces
 juxtapositions
 d’états
 de
 latence
 sont
 autant
 de
 friches
 interstitielles.
 Dans l’estuaire,
au
contraire,
ce
sont
des
usines,
des
centrales
EDF,
des
stations
thermiques, qui
sont
les
grandes
cathédrales
en
mouvement
de
cet
ensemble
naturel.

Le
 temps
 court
 qui
 serait
 celui
 du
 patrimoine
 industriel,
 dont
 nous
 parlions,
 en opposition
 à
 celui
 immatériel
 de
 l’estuaire,
 n’est
 plus
 figé.
 Il
 n’est
 pas
 cette
 ruine industrielle
 sortie
 de
 son
 contexte
 et
 exposé
 en
 tant
 qu’œuvre.
 Il
 est
 un
 outil
 de compréhension
d’un
processus,
d’une
temporalité.
Voir
le
territoire
en
train
de
se
faire
: voilà
 un
 thème
 qui
 permet
 d’appréhender
 cet
 espace
 complexe
 pouvant
 apparaître comme
 discontinu,
 mais
 offrant,
 par
 ce
 système
 d’observations
 juxtaposées,
 une lisibilité
 plus
 continue,
 l’amorce
 d’une
 réappropriation
 par
 la
 population
 des
 activités déconnectées
 et
 pourtant
 fondatrices
 de
 l’identité
 du
 territoire.
 Cette
 approche,
 qui aussi
rappelons‐le,
est
inhérente
au
phasage
du
projet
d’architecture,
et
plus
encore
au projet
 urbain,
 est
 néanmoins
 un
 point
 sur
 lequel
 deux
 acteurs
 du
 renouveau
 nantais s’appuient
et
s’accordent.
A
l’échelle
du
Lieu
Unique
comme
à
celle
du
plan
guide
de
l’Ile de
Nantes,
pour
Patrick
Bouchain
comme
pour
Alexandre
Chemetoff
(fig.
17),
la
notion capitale
du
chantier
fait
partie
intégrante
du
processus
projectuel. «
Le
chantier
n’est
plus
le
stade
intermédiaire
et
négligé
entre
la
décision
de
faire
et
son accomplissement,
mais
bien
l’étape
primordiale
du
projet
:
la
phase
de
concrétisation
de mise
à
l’épreuve
avec
le
réel.
»17

B2

Faire
de
la
friche
une
centralité Si
l’on
regarde
alors
l’exemple
de
l’Île
de
Nantes,
le
projet
a
d’abord
consisté
à
générer les
espaces
publics.
Une
grande
partie
vacante
de
ce
qu’étaient
les
friches
a
été
donnée au
collectif,
à
 la
 déambulation,
sans
 que
pour
autant
tous
 les
éléments
aient
déjà
 une destination
dans
le
projet
urbain
de
l’île.
C’est
bien
le
signe
que
l’accessibilité,
le
regard du
 passant,
 non
 plus
 passif
 sur
 un
 patrimoine
 en
 construction,
 était
 nécessaire
 pour donner
 l’ambition
 au
 projet.
 Comme
 si
 avoir
 conscience
 des
 éléments
 favorisait
 une réappropriation.
(fig.18)

17

CATSAROS
Christophe,
Le
lieu
unique,
Le
chantier
,
un
acte
culturel,
Nantes,
Actes
Sud,
2006


Figure 19 ELĂŠments industriels. document personel

Figure 20 Communication du rprojet ĂŽle de Nantes


41

«
 Ce
 qui
 constitue
 la
 permanence
 du
 Plan‐guide,
 c’est
 une
 attention
 portée
 à
 chaque chose
pour
que
chaque
réalisation
puisse
 être
le
symptôme
du
projet,
en
être
aussi
 le témoin
(fig.19)
et
la
preuve,
c’est
une
prise
de
position
territoriale
»18 Cette
première
approche
de
projet
inclut
les
ponts,
portes
d’entrées
du
projet
et
départ même
de
ce
nouveau
regard
à
porter
sur
cette
île,
qui
longtemps
a
été
un
grand
terrain vague,
 lieu
 de
 toutes
 les
 libertés,
 tant
 sa
 visibilité
 était
 quasi‐inexistante.
 Sans
 refaire l’histoire
de
Nantes,
mais
juste
pour
rappeler

 aussi
l’impact
d’une
désindustrialisation (fig.
19),
la
ville
dont
l’économie
était
basée
sur
le
fleuve
s’est
pourtant
détournée
de
lui, tant
 les
 squelettes
 des
 anciennes
 fabriques
 n’étant
 plus
 appropriés.
 Aujourd’hui,
 c’est pourtant
 cette
 friche
 qui
 génère
 l’engouement
 urbain.
 De
 ce
 passé
 portuaire
 en
 lien
 à nouveau
avec
le
fleuve,
on
en
a
fait
une
centralité.
La
notion
de
territoire
inversé19
peut éclairer
 ce
 changement
 d’orientation
 entre
 l’opposition
 urbaine
 traditionnelle, centre/périphérie
(fig.
20). «
 L’inversion
 peut
 être
 une
 approche
 fructueuse
 face
 à
 tout
 phénomène
 complexe.
 Il s’agit
de
remettre
au
centre
ce
qui
est
périphérique.
Cela
permet
de
se
rendre
compte que
 les
 structures
 qui
 semblent
 être
 évidentes
 ne
 le
 sont
 pas
 toujours.
 Des
 éléments apparemment
 latents,
 ou
 secondaires
 au
 premier
 abord,
 tiennent
 de
 ce
 fait
 un
 rôle capital
 :
 l’approche
 contribue
 ainsi

 à
 construire
 une
 vision
 plus
 équilibrée
 d’une situation
 donnée.
 Les
 éléments
 se
 mettent
 à
 interagir
 et
 une
 structure
 d’équivalence apparaît.
»20

Cette
nouvelle
centralité
développe
des
potentiels
urbains
évidents
:
relier
les
deux
rives par
un
seuil
nouveau,
celui
de
l’île.
De
plus,
pour
une
aire
urbaine
aussi
importante
que Nantes,
 qui,
 comme
 nous
 l’avons
 déjà
 précisé,
 est
 une
 polarité
 démographique
 en extension,
 établir
 une
 articulation
 par
 cette
 île
 qui
 possède
 énormément
 d’espaces vacants
 est
 une
 chance.
 L’amorce
 est
 visible
 autour
 de
 la
 Loire,
 à
 travers
 le
 nouveau dynamisme
 de
 la
 gare
 SNCF,
 renforcée
 par
 l’ouverture
 du
 Lieu
 Unique
 en
 1999.
 La première
 ligne
 de
 tramway
 qui
 s’ouvre
 en
 1985
 longe
 la
 rive
 sud.
 Le
 projet
 de
 l’île s’implante
 donc
 à
 la
 suite
 de
 la
 fermeture
 historique
 des
 chantiers
 navals
 en
 1987,
 et dans
la
continuité
des
deux
événements
précédemment
cités.
Chemetoff
est
désigné
en 18

CHEMETOFF
Alexandre,
Le
plan‐guide
(suites),
Archibooks,
2010,
p.26 
VERSTEEGH
Pieter,
KAUFFMANN
Vincent,
Méandres:
penser
le
paysage
urbain,
PPUR
presses polytechniques,
2005
/
p.
117 20 
VERSTEEGH
Pieter,
KAUFFMANN
Vincent,
ibid,
p.117 19


Figure 21 Image projectuelle ESBA, Nantes. Franklin Azzi

Figure 22 La fabrique,Nantes. La création prend ses quartiers

Figure 23 Les grandes nefs, réhabilitation, île de Nantes. Docuement personel


43

1999.
 Le
 Palais
 de
 justice,
 qui
 marque
 l’ambition
 du
 projet
 plus
 global,
 est
 ouvert
 en 2000.
 L’île
 porte
 l’ambition
 d’un
 cluster21
 culturel
 :
 on
 assiste
 à
 une
 concentration géographique
d’entreprises
interconnectées,
de
fournisseurs
spécialisés,
de
services,
de sociétés,
 d’industries
 proches
 et
 d’industries
 associées
 dans
 des
 domaines
 spécifiques qui
 se
 concurrencent
 mais
 néanmoins
 coopèrent.
 L’attractivité
 de
 cette
 nouvelle centralité
met
en
avant
la
culture.
Programmatiquement
tout
d’abord,
comme
domaine de
recherche,
avec
un
pôle
médias
et
un
pôle
d’écoles
spécialisées,
Ecole
des
Beaux
art, Ecole
 Nationale
 Supérieure
 d’Architecture
 (fig
 21),
 cet
 ensemble
 se
 construit
 autour aussi
 des
 Halles
 Alstom
 qui
 accueillent
 des
 artistes
 en
 résidence.
 Ce
 Campus
 des
 arts participe
à
la
mise
en
culture
de
l’Ile,
ce
qui
montre
qu’il
y
a
une
prise
de
conscience
du rôle
économique
de
cette
dernière.

 Elle
est
représentée
sous
le
signe
aussi
du
loisir
et lieu
récréatif22
 par
 l’ouverture
 en
 un
 temps
 très
 court,
 de
 plusieurs
 salles
 de
 concert, notamment
 la
 Fabrique
 (fig.
 22),
 ainsi
 que
 tous
 les
 lieux
 touristiques,
 Les
 Machines
 et L’éléphant
(fig.
23)
,
abrités
sous
les
Grandes
Nefs
réhabilitées,
en
sont
l’élément
phare.

Mais
pour
créer
une
nouvelle
centralité
urbaine
par
un
cluster
culturel,
il
s’agit
de
venir composer
 avec
 et
 surtout
 au
 travers
 d’actions,
 d’interventions
 et
 de
 réflexions préexistantes.
 C’est
 l’un
 des
 arguments
 de
 cette
 politique
 culturelle
 :
 réunir
 ces associations,
ces
collectifs,
d’artistes,
de
chercheurs
sonores,
notamment
à
la
Fabrique, qui
étaient
éparpillés,
fragmentés
de
façon
locale
déjà
à
Nantes
ou
dans
la
région.
Cette politique
 est
 destinée
 à
 rationaliser
 les
 domaines
 urbains
 dans
 le
 territoire.
 On
 se demande
alors
si
rendre
sur‐spécifique
un
espace,
le
rend
plus
lisible,
plus
efficient.
La mutualisation
des
potentiels
de
chaque
compétence,
l’effervescence
culturelle
générée par
 la
 collectivité,
 sont
 censées
 démultiplier
 la
 force
 de
 chacune
 des
 institutions présentes
 dans
 le
 cluster.
 Attribuer
 un
 domaine
 d’excellence
 à
 une
 zone
 délimitée
 est une
 attitude
 qui
 se
 re‐développe
 aujourd’hui.
 A
 l’inverse
 d’une
 volonté
 de décentralisation,
dans
l’idée
de
polariser
le
territoire,
on
voit
bien
que
les
dynamiques urbaines
 étatiques
 tentent
 ici
 de
 faire
 émerger
 des
 espaces
 centralisés
 et
 des
 pôles compétitifs. 21

Cluster
:
(grappe)
regroupement
sur
un
site
d’activités
en
réseau
relevant
d’un
même
secteur.
Selon
l’idée que
tout
est
supérieur
à
la
somme
des
parties,
il
s’agit
de
rassembler
pour
provoquer
une
fertilisation croisée
et
développer
l’innovation
collective. 22 
DE
GRAVELAINE
Frédérique,
La
création
prend
ses
quartiers,
Les
chroniques
de
l’Ile
de
Nantes
n°5,
Place publique,
2011


Figure 24 Museum quartier, Vienne,Autriche. Document personel

Figure 25 Plan des differentes institutions culturelles. mqw.at image recolorisĂŠe


45

La
 consultation
 du
 Grand
 Paris
 en
 est
 symptomatique,
 avec
 comme
 exemple notamment
Saclay
comme
pôle
scientifique
et
de
recherche.
Jean
Lachmann23
explique comment
 les
 clusters
 ont
 permis
 d’apporter
 des
 réponses
 aux
 difficultés
 des reconversions
industrielles
de
la
fin
du
20e
siècle.
D’intérêt
national,
la
France
a
lancé,
en 2004
 les
 pôles
 de
 compétitivité.
 Il
 insiste
 :
 «
 les
clusters
 ont
 constitué
 les
 fondements essentiels
de
la
dynamique
vertueuse
de
l’innovation
grâce
notamment
aux
partenariats des
 entreprises
 avec
 les
 établissements
 universitaires,
 l’évolution
 des
 districts
 aux clusters
en
est
représentative
».

Dans
cette
lignée,
l’exemple
autrichien
du
Museums
 Quartier
de
Vienne
(fig
24,
25)
est aussi
très
caractéristique,
tant
il
réunit
au
centre
du
1er
arrondissement
tous
les
musées. Dans
 un
 registre
 plus
 institutionnel
 que
 l’île
 de
 Nantes,
 il
 centralise
 l’offre
 culturelle, rassemblant
 environ
 50
 institutions
 dédiées
 à
 l’art
 et
 à
 la
 culture
 contemporains. Comptant
parmi
les
dix
plus
grands
espaces
culturels
au
monde,
il
attire
chaque
année plus
de
trois
millions
de
visiteurs.
Organisé
autour
d’un
espace
public
où
se
greffent
tous les
 supports
 économiques
 liés
 au
 tourisme,
 à
 la
 restauration
 et
 aux
 boutiques,
 il
 est devenu
 un
 incontournable
 des
 loisirs
 dans
 la
 vie
 viennoise.
 Cet
 exemple
 nous
 permet d’éclairer
l’ambition
du
«
cluster
culturel
»
de
l’Île
de
Nantes. Lors
 d’une
 discussion,
 le
 libraire
 du
 Lieu
 Unique
 confie
 finalement
 qu’il
 considère
 ces actes
politiques
comme
un
lobby
culturel,
et
que
le
processus
de
construction
de
l’île
de Nantes
 résulte
 d’une
 récupération
 d’initiatives
 locales
 et
 d’anéantissement
 d’un système
culturel
parallèle.
C’est
en
quelque
sorte
le
pendant.
Réinsuffler
au
cœur
tout acte
 culturel
 est
 la
 cause
 d’un
 dépeuplement
 local.
 Notamment
 toutes
 les
 recherches des
 collectifs
 qui
 s’étaient
 regroupés
 dans
 le
 vieux
 cinéma
 de
 l’Atlantic,
 ont
 été déplacées
dans
un
nouvel
établissement,
la
Fabrique,
dernière
inauguration
du
projet
de l’île.
Ce
qui
faisait
le
dynamisme
d’un
quartier
est
allé
rejoindre
à
cause
de
«
valises
de billets
»24,
l’action
récupérée
et
institutionnalisée
d’un
projet
centralisé.

23

LACHMANN
Jean,
Le
développement
des
pôles
de
compétitivité
:
quelle
implication
des
universités
?

 in Innovations
2010/3
(n°
33),
De
Boeck
Université 24 
Suite
à
un
entretien
avec
le
libraire
du

Lieu
Unique.


Figure 26 Parc des chantiers. A. Chemetoff

Figure 27 Images projectuell ManĂŠges des mondes marins, Nantes. La crĂŠation prend ses quartiers


47

B3

Quand
la
culture
précède
le
projet
urbain

Utiliser
 les
 espaces
 «
 terrains
 vagues
 »25
 qui
 caractérisent
 la
 ville
 dure
 et
 continue comme
nouvel
enjeu
urbain
de
spécialisation
culturelle,
voici
une
attitude
qui
s’étend
à tout
 le
 territoire
 de
 la
 métropole,
 notamment
 à
 Saint‐Nazaire
 où
 sont
 utilisées
 les mêmes
clés
de
développement.
Dans
les
deux
cas,
de
ces
zones
délaissées,
désaffectées, la
culture
est
l’élément
qui
précède
le
projet
urbain. En
 effet,
 la
 «
 zone
 est
 »
 de
 l’île,
 celle
 laissée
 vacante
 par
 la
 désindustrialisation,
 n’est seulement
 qu’aujourd’hui
 le
 lieu
 de
 l’investissement
 par
 des
 équipements
 de
 la
 vie quotidienne
:
école
primaire,
crèche,
bureaux
et
logements.
Comme
si
le
culturel
était
le sondeur
 d’un
 nouveau
 quartier.
 Une
 première
 phase
 d’attraction
 et
 de
 redécouverte territoriale
 amène
 donc
 à
 une
 pérennisation
 de
 cet
 espace
 comme
 lieu
 de
 vie.
 Le quartier
se
prénommant
La
prairie
au
duc,
du
nom
d’une
ancienne
île,
contient
comme socle
 du
 nouvel
 éco‐quartier
 un
 projet
 d’équipement
 scolaire,
 se
 glissant
 dans l’interstice
de
la
matrice
culturelle
du
parc
des
Chantiers
(fig
26),
entre
les
grandes
Nefs, les
entrepôts
de
la
Machine,
et
le
nouveau
Manège
des
animaux
des
mondes
marins
(fi. 27).
Ça
y
est.
L’espace
public
a
rempli
son
rôle
:
celui
de
donner
la
possibilité
d’arpenter le
 projet
 en
 train
 de
 se
 faire,
 et
 étant
 enfin
 simultanément
 parasité,
 grignoté
 par
 les programmes
pérennes
d’une
vie
de
quartier.

Ces
mêmes
données
sont
retranscrites
dans
le
projet
ville‐port
de
Saint‐Nazaire.
Celui‐ci s’inscrit
dans
la
longue
liste
des
villes
portuaires,
dont
l’enjeu
est,
 suite
aux
 mutations d’usages
 produites
 par
 l’innovation
 des
 techniques,
 de
 renouer
 avec
 le
 fleuve. Revenons,
même
si
ce
n’est
pas
le
sujet
principal
ici,
sur
ce
qui
a
empêché
ce
lien
avec l’identité
même
de
cette
ville.
Tout
réside
dans
l’année
de
construction
de
la
base
sous‐ marine
 durant
 la
 seconde
 guerre
 mondiale
 par
 les
 nazis.
 Cette
 base
 sous‐marine
 fait partie
 d’un
 réseau
 bien
 plus
 large,
 le
 mur
 de
 l’Atlantique,
 qui
 s’étend
 du
 nord
 de
 la Norvège
 jusqu’au
 sud
 de
 l’Espagne.
 Véritables
 outils
 militaires,
 les
 différents
 éléments de
ce
grand
ensemble
sont
autant
de
dispositifs
de
défense,
d’attaque
et
de
ciblage.
La façade
 atlantique
 française
 compte
 cinq
 bases
 sous‐marines,
 soit
 les
 plus
 importants fragments
 de
 cette
 infrastructure
 archipelisée
 :
 Dunkerque,
 Lorient,
 Saint‐Nazaire,
 La

25

SOLA‐MORALES

Ignasi,
Terrain
vague,
Quaderns,
n°212,
1995,
p.
78.


Figure 28 Plan de la base sous marine, 1944, Saint Nazaire. Atlantic linear museum

Figure 29 Saint Nazaire sous les bombes, 1945. MusÊe de l’histoire Saint Nazaire


49

Rochelle
et
Bordeaux. Malgré
 la
 construction
 éclair
 de
 la
 base
 sous‐marine
 par
 le
 système
 Todt,
 «
 son obsolescence
 fonctionnelle
 survint
 avec
 une
 rapidité
 unique
 dans
 l’histoire
 de
 la fortification
moderne
»
26.

Dénué
de
sens,
hors
échelle
et
simplement
indestructible,
le
monument
de
béton
reste et
 demeure
 à
 la
 sortie
 de
 la
 guerre,
 le
 symbole
 de
 cette
 période
 d’horreur.
 Elle
 a
 ce poids
emblématique
dans
la
mémoire
collective
d’être
à
la
fois
l’élément
responsable
de la
 destruction
 totale
 (la
 base
 sera
 la
 cible
 à
 abattre
 par
 bombardements)
 de
 Saint‐ Nazaire,
 mais
 qui
 subsiste
 comme
 le
 seul
 témoin,
 continuant
 de
 regarder
 le
 désastre, imperturbable.
 La
 base
 porte
 en
 elle
 les
 raisons
 de
 la
 chute
 nazairienne
 (fig.
 28).
 Elle sera
l’objet
du
contournement.
Le
plan
urbain
de
reconstruction
orchestré
après‐guerre par
 le
 prix
 de
 Rome
 Noël
 Le
 Maresquier
 va
 tourner
 le
 dos
 à
 la
 mer
 et
 se
 construire autour
 de
 l’avenue
 de
 la
 République.
 Urbanistiquement
 en
 effet
 (fig.
 29),
 cette
 base représente
une
monumentalité,
un
«
 hors
 échelle
»
 face
 au
tissu
 nazairien
:
300
 m
 de longueur,
 130
 m
 de
 large,
 18
 m
 de
 haut
 pour
 une
 surface
 d'environ
 39
 000
 m2
 et
 un volume
 de
 béton
 coulé
 d'environ
 480
 000
 m3.27
 «
 ...
 la
 spatialité
 des
 arsenaux...
 il
 ne s’agit
en
l’occurrence
ni
d’une
forme
ni
d’un
modèle
ni
même
d’un
vocabulaire
ou
d’un style
 que
 l’on
 retrouverait
 dans
 tous
 les
 projets
 d’arsenaux,
 mais
 d’une
 manière
 de répartir
les
vides
et
de
marquer
les
pleins,
de
dilater
l’espace
et
de
le
découper
partout où
 il
 peut
 être
 utile,
 d’effacer
 les
 typologies
 sous
 des
 régularités
 plus
 diffuses
 et
 de dématérialiser
les
constructions
pour
en
faire
de
simples
écrans.
D’imaginer
en
somme, un
parfait
négatif
de
ce
qu’avaient
été
les
villes
classiques
»28

26

SANTANGELO,
Andrea.
Le
mur
de
l’Atlantique
en
représentation,
Gennaro
Postiglione
(dir.)
The
 Atlantic Wall,
linear
museum,
EU
Programme
Culture
2000,
multigrafié,
octobre
2005. 27 
Panneau
d'exposition
sur
le
toit
de
la
base.
"Une
véritable
forteresse".
Consultation
:
2007.
L'épaisseur
du toit
 de
 la
 base
 est
 d'environ
 8
 m.
 La
 base
 comporte
 14
 alvéoles
 (sorte
 de
 garage
 pour
 sous‐marin), numérotés
de
1
à
14
du
nord
au
sud
:
les
alvéoles
1
à
8
constituent
chacun
un
bassin
de
radoub
de
92
m
de long
par
11
m
de
large,
pour
un
sous‐marin
;
les
alvéoles
9
à
14
sont
des
bassins
à
flot,
de
62
m
de
long
par 17
m
de
large,
pour
deux
sous‐marins
chacun.
Par
ailleurs,
la
base
est
équipée
de
62
ateliers
techniques,
97 magasins
 de
 stockage,
 150
 bureaux,
 92
 chambres
 pour
 les
 équipages,
 20
 stations
 de
 pompage,
 quatre cuisines,
deux
boulangeries,
deux
centrales
électriques,
un
réfectoire
et
un
bloc
opératoire4. 28 
 DEMANGEON,
 Alain
 et
 FORTIER,
 Bruno.
Les
 vaisseaux
 et
 les
 villes.
 Bruxelles
 :
 éditions
 Pierre
 Mardaga (collection
Architecture
+
Archives),
1978.


Figure 30 Plans “Ville port”, 1996. AIVP


51

Dans
les
années
1990
donc,
la
base
sous‐marine
est
l’articulation
du
projet
ville‐port(fig. 30).
 Si
 la
 base
 est
 réappropriée
 alors
 la
 ville
 pourra
 se
 retourner
 enfin
 vers
 son
 port. Voilà
en
quelques
mots
l’enjeu
de
cette
reconversion. Pour
 cela
 il
 faut
 se
 demander
 si
 la
 base
 peut
 être
 démilitarisée
 et
 réinscrite
 dans
 une histoire
 commune.
 Peut‐elle
 assumer
 sa
 valeur
 mémorielle,
 tout
 en
 n’étant
 plus
 la métaphore
 de
 ce
 passé
 ?
 Notre
 postulat
 serait
 l’importance
 du
 rôle
 du
 programme culturel
et
de
loisir
dans
la
reconquête
des
vestiges,
des
ruines
militaires.
C’est
dans
la question
de
la
monumentalité
que
l’on
trouve
l’élément
patrimonial. Comme
le
décrit
Claude
Prelorenzo
«
Les
ouvrages
les
plus
spécifiques
du
Mur
relèvent du
 camouflage,
 de
 l’enfouissement,
 et
 de
 ce
 fait,
 sont
 peu
 ou
 mal
 visibles.
 Ils
 ne possèdent
 donc
 pas
 à
 priori
 les
 attributs
 habituels
 de
 la
 monumentalité
 :
 localisation emblématique,
visibilité,
lien
affiché
avec
des
valeurs
sociales
»29
Pourtant
la
base
sous‐ marine
 a
 ces
 potentiels
là.
Virilio30
 insiste
 peu
 sur
 cette
 question
 de
 la
 monumentalité mais
insiste
sur
le
symbole
et
le
décalage
dans lequel
 un
 bunker
 de
 cette
 envergure
 s’inscrit.
 A
 une
 autre
 échelle,
 cette
 base
 est comprise
 dans
 le
 musée
 du
 Mur
 de
 l’Atlantique
 (fig
 31),
 que
 Gennaro
 Postiglione développe31.
L’idée
d’un
musée
linéaire,
montre
bien
comment
ce
patrimoine
fait
l’objet d’études,
 et
 donc
 de
 ce
 fait
 est
 un
 élément
 patrimonial
 non
 négligeable.

 La reconversion
 urbaine
 fait
 de
 l’édifice
 le
 cœur
 et
 donc
 la
 qualifie
 en
 tant
 qu’élément remarquable
 et
 significatif.
 Elle
 n’a
 d’ailleurs
 pas
 encore
 été
 labellisée
 patrimoine
 du 20ème
siècle,
contrairement
à
celle
de
Lorient
–
base
de
Keroman
–
au
début
des
années 2000.

«
 L’enjeu
 était
 simple,
 aménager
 la
 croisée
 de
 la
 ville,
 faire
 d’une
 route
 nationale
 une avenue,
 mais
 il
 fallait
 inventer
 des
 pratiques,
 mettre
 au
 point
 des
 outils.
 En
 France,
 à l’époque
il
n’y
avait
aucune
démarche
sur
les
espaces
publiques.
Il
n’y
avait
même
pas de
catalogue.
Il
fallait
piocher
dans
les
catalogues
allemands
simples
et
gris
ou
parmi
les produits
 barcelonais
 ».
 Chacun
 des
 plans
 successifs
 ville‐port
 s’est
 donc
 attaqué
 de façon
urbaine
et
architecturale
à
ce
monstre
de
béton
nazairien.
Manuel
Sola‐Morales tout
d’abord
en
1996
est
choisi.
Son
projet
prendra
forme
en
2003.
Puis
Finn
Geipel
sera 29

PRELORENZO

 Claude
«
Patrimonialiser
les
bases
de
sous‐marins
et
le
Mur
de
l’Atlantique
»,
 In
Situ
[En ligne],
16
|
2011,
mis
en
ligne
le
22
juin
2011.
URL
:
http://insitu.revues.org/312 30 
VIRILIO
Paul,
Bunker
archéologie
(1975),
Editions
Galilée,
collection
l’espace
critique,
2008 31 
http://www.atlanticwall.polimi.it/museum/project/project_presentation.php


Figure 31 Carte et plans des Bunkers c么te atlantique. AW Bunkers, Milan


53


Figure 32 Tempelhof. Finn Geipel

Figure 33 Rampe d’accÊs, ville port 1. M. Sola Morales

Figure 34 Ville port 2, VIP life, Finn Geipel. Document personel


55

l’architecte
de
la
phase
2.
On
note
deux
influences
donc,
dont
parle
plus
haut
l’urbaniste Gérard
 Penot,
l’une
espagnole
‐
Barcelone
comme
projet
urbain
de
ville
maritime
‐,
et l’autre
allemande,
avec
toutes
les
références
à
Hambourg
ainsi
qu’aux
projets
de
parcs urbains
allemands
(EMSCHER
park,
exemples
de
réhabilitation
d’éléments
militaires
ou post‐industriels).
Le
dôme
géodésique
greffé
sur
le
toit
de
la
base
sous‐marine
de
Saint‐ Nazaire
est
en
effet

une
citation
de
l’expérience
faite
à
Tempelhof
à
Berlin
(fig
32.). Les
axes
de
circulation,
les
percées
créées
dans
certaines
alvéoles
par
le
premier
plan
de Manuel
Sola
Moralès,
la
place
publique,
la
rampe
(fig
33),
donnent
à
voir
le
fleuve
au travers
de
lui.
Mais
surtout
les
programmes
seront
à
chaque
fois
des
enjeux
culturels
qui permettent
de
relire
l’édifice
autrement,
de
changer
le
regard
comme
l’avait
fait
Yann Kersalé,
lors
de
la
mise
en
lumière
de
la
base,
un
évènement
qui
avait
réellement modifié
la
perception
des
nazairiens.

Escal’Atlantique
 sera
 le
 premier
 programme
 de
 loisir
 et
 de
 culture
 mettant
 en
 scène l’histoire
des
escales
des
grands
paquebots
transatlantiques.
Il
occupe
l’alvéole
est
de
la base.
 Cette
 réalisation
 a
 drainé
quelques
 2500
 personnes
 dans
 les
 seules
 journées
 du patrimoine
 2011.

 Pour
 l’étape
 suivante,
 ville‐port
 2,
 Finn
 Geipel
 installe
 dans
 les alvéoles
ouest
en
2007
deux
programmes
liés
à
la
culture
contemporaine.
Il
s’agit
tout d’abord
 du
 LIFE
 (fig.
 34)
 ,
 destiné
 à
 promouvoir
 les
 nouvelles
 esthétiques.
 Ce
 Lieu International
 des
 Formes
 Émergentes
 se
 signale
 par
 une
 programmation
 artistique, transdisciplinaire
 et
 internationale.
 C’est
 un
 outil
 de
 fabrique
 et
 de
 diffusion
 des nouvelles
 scènes
 de
 l’art,
 capable
 d’accueillir
 jusqu’à
 2000
 spectateurs.
 Le
 deuxième programme
 se
 nomme
 VIP.
 Le
 VIP
 est
 la
 salle
 de
 concert
 des
 «musiques
 actuelles»
 de Saint‐Nazaire.
Elle
propose
chaque
année
plus
d’une
trentaine
de
concerts
‐
rock,
pop, métal,
musiques
du
monde,
électro,
reggae,
blues,
hip‐hop,
chanson
–
à
plus
de
13
000 visiteurs.

Mais
ces
programmes
contiennent
néanmoins
certains
paradoxes.
Tout
d’abord,
ils
sont très
expérimentaux.
Les
formes
émergentes
de
l’art,
de
la
musique
sont
des
domaines éminemment
 élitistes
 et
 très
 spécifiques.
 Ils
 ne
 sont
 pas
 forcément
 révélateurs
 d’une expérience
ou
de
modèles
préexistants
dans
le
territoire
de
Saint‐Nazaire
(au
contraire de
 ce
 qui
 se
 passe
 à
 Nantes
 où
 l’on
 ne
 fait
 que
 rassembler
 des
 propositions
 déjà
 en


Figure 35 Base sous marine. Document personel

Figure 36 Projet urbain, Ville port. place publique


57

présence).
 Peuvent‐ils
 supporter
 alors
 efficacement
 un
 projet
 urbain
 dont
 ils
 doivent être
les
socles
?
Quel
en
est
le
public
? Mais
 c’est
 néanmoins
 un
 moyen
 sûr
 de
 toucher
 au
 local,
 tout
 en
 attirant
 des
 visiteurs extérieurs
à
Saint‐Nazaire,
une
façon
de
créer
du
dynamisme
par
l’attractivité.
Ensuite, ces
programmes
sont
disproportionnés.
La
capacité
d’accueil
aux
vues
des
proportions de
 la
 base
 est
 gigantesque
 (fig.
 35).
 Mais
 sachant
 qu’il
 y
 a
 67
 000
 nazairiens
 et
 que
 le bassin
 de
 population
 qui
 doit
 être
 touché
 par
 le
 projet
 ville‐port
 est
 de
 250
 000 habitants32,
on
comprend
aisément
alors
leur
ambition. Enfin,
comparé
à
Nantes,
ce
sont
des
lieux
moins
institutionnalisés
qui
tirent
leur
force de
leur
caractère
expérimental.
Le
renouvellement
quotidien
de
leurs
moyens
d’actions est
 aussi
 le
 caractère
 inhérent
 d’un
 lieu
 comme
 la
 base
 sous‐marine.
 L’affluence
 du public
témoigne
d’un
réel
impact.

A
cette
ville
dans
la
ville
qu’est
la
base
sous
marine,
s’ajoute
 aussi
le
 Cinéville
(fig.
36) ouvert
en
2001.
Le
complexe
cinématographique
de
9
salles,
l’Alvéole
14,
est
situé
face à
 l’entrée
 des
 deux
 autres
 programmes.
 Il
 a
 accueilli
 420
 000
 spectateurs
 en
 2011.
 Le futur
 théâtre,
 Le
 Fanal,
 scène
 nationale
 complète
 cet
 ensemble
 culturel.
 Il
 ouvre
 ses portes
en
2012,
dans
l’ancienne
gare
haussmannienne
de
1965
réhabilitée.
Structuré
de la
 sorte,
 ce
 paysage
 culturel
 est
 à
 la
 fois
 une
 volonté
d’équilibre
face
 au
 rayonnement artistique
de
la
scène
nantaise,
et
donc
un
moyen
de
partager
les
événements
au
travers d’une
structure
capable
de
les
porter.
Tous
ces
éléments
sont
intéressants
à
relier
parce qu’ils
 participent
 intrinsèquement
 à
 l’infrastructure
 territoriale,
 comme
 à
 Nantes.
 Par exemple,
 le
 centre
 commercial
 «
 ruban
 bleu
 »
 dont
 le
 slogan
 est
 «
 Une
 autre
 idée
 du monde
»
va
porter
le
reste
du
projet
urbain.
Il
fait
face
à
la
base
sous‐marine
:
de
tous nouveaux
 logements
 et
 secteurs
 tertiaires

 vont
 s’installer.
 Le
 réel
 impact
 de
 ces infrastructures
culturelles
réside
dans
le
fait
d’avoir
créé
ce
quartier
«
Saint‐Nazaire,
ville port
 »
 de
 toutes
 pièces.
 C’est
 l’un
 des
 nouveaux
 atouts
 de
 cette
 ville
 longtemps méconnue,
même
des
nantais.

C

L’absence
de
monuments,
réinvention
d’un
patrimoine Une
 ville
 culturelle,
 donc,
 une
 ville
 créative
 :
 c’est
 ce
 que
 ces
 nouvelles
 centralités

32

http://www.mairie‐saintnazaire.fr/urbanisme‐habitat/ville‐port/


Figure 37 Jean Blaise. tibobarbier.com


59

tentent
d’opérer,
de
faire
ce
pari
de
la
culture
comme
levier
d’une
nouvelle
économie
et d’un
 renouveau
 d’image.
 Cette
 désindustrialisation
 est
 porteuse
 en
 elle‐même
 d’un projet
 culturel.
Nous
 remettrons
 en
 question
plus
 loin
cette
 notion
qu’il
est
 important de
 citer
 ici
 :
 le
 monument
 dispersé.
 C’est
 l’expression
 que
 Jean
 Blaise,
 conseiller
 de
 la culture
de
Nantes
et
aujourd’hui
chargé
du
grand
ensemble
«
culture
tourisme
»,
s’atèle à
développer
pour
promouvoir
en
2012
Nantes
comme
capitale
créative,
avec
le
support du
«
voyage
à
Nantes
».
Si
aujourd’hui
unifier
le
patrimoine
fragmenté
et
le
considérer comme
une
unité
est
l’objectif,
c’est
qu’il
est
l’enjeu
d’un
processus
démarré
à
l’arrivé de
 Jean
 Blaise,
 qui,
 d’évènements
 en
 évènements,
 va
 transformer
 l’image
 de
 la métropole.
 Il
 s’agit,
 avant
 de
 revenir
 sur
 le
 postulat
 fondateur
 de
 ce
 cheminement culturel,
d’examiner
la
difficulté
d’identifier
un
patrimoine.

C1

Les
acteurs
d’une
régénération
culturelle Comment
se
construit
un
patrimoine
?
Le
patrimoine
crée‐t‐il
une
nouvelle
identité
? Nous
l’avons
vu
plus
haut,
les
résidus
d’un
passé,
celui
 d’une
 désindustrialisation
 pour Nantes
 ou

 d’une
 démilitarisation
 pour
 Saint‐Nazaire,
 induisent
 de
 nouvelles
 cibles
 de patrimonialisation,
de
reconquête
et
d’appropriation
par
les
éléments
du
loisir
et
de
la culture.
 Mais
 finalement
 ils
 sont
 symptomatiques
 d’un
 fait
 sous‐jacent
 :
 ne
 pas
 avoir d’édifices,
 d’éléments‐monuments.
 Jean
 Blaise
 (fig
 37)
 déclare
 en
 effet
 que
 «
 Nantes n’est
 pas
 forcément
 une
 ville
 remarquable,
 alors
 que
 Bordeaux
 est
 connue
 pour
 son architecture
ou
ses
vins
»33.
Cette
phrase
est
le
point
de
départ
de
l’entreprise
colossale menée
 par
 jean
 Blaise,
 investigateur
 d’une
 structure
 complexe
 de
 réinvention
 d’un patrimoine.
Selon
lui,
la
capitale
des
Pays
de
la
Loire
est
plus
difficile
à
caractériser
du fait
 de
 l’absence
 de
 monuments
 internationalement
 reconnus.
 Dominique
 Sagot‐ Duvauroux34,
 spécialiste
 de
 l’économie
 culturelle,
 montre
 ce
 qu’est
 ce
 pari
 de
 la métropole
 sur
 la
 culture
 avec
 «

 un
 patrimoine
 architectural
 moins
 riche
 ».
 Le
 seul élément
 qui
 est
 accepté
 comme
 tel
 est
 le
 Château
 des
 Ducs
 de
 Bretagne.
 Pourtant, depuis
 l’arrivée
 de
 jean
 Blaise,
 lieutenant
 de
 longue
 date
 de
 Jean‐Marc
 Ayrault,
 et
 qui fait
figure
d’oracle
de
la
culture,
Nantes
affirme
son
succès.
A
l’origine
de
celui‐ci,
«
une activité
culturelle
bouillonnante
qui
a
su
redonner
vie
à
toute
une
cité
»,
note
Le
Point 33

Interview
de
Jean
Blaise,
par
Héléne
Hamon,
pour

 le
magazine
internet
Fragil,
Voyage
 au
 centre
 d’une ville,
10
décembre
2011,
http://www.fragil.org/focus/1832#nb1 34 
GRANDET

M.,
PAJOT
S.,
SAGOT
DUVAUROUX

D.
GUIBERT
G.,
Nantes
la
belle
éveillée,Le
paris
de
la culture.Les
éditions
de
l’attribut,
2010


Figure 38 Hangars vides. Archives ville de Nantes


61

du
 24
 avril
 2008
 dans
 son
 classement
 des
 villes
 où
 l’on
 vit
 le
 mieux,
 et

 dans
 lequel Nantes
 se
 place
 pour
 la
 troisième
 fois
 consécutive
 en
 première
 position.
 En questionnant
 certains
 vétérans
 nantais,
 au
 détour
 d’une
 rue,
 c’est
 le
 discours
 qui
 est tenu.
 Dans
 les
 années
 80,
 le
 soir
 rien
 n’était
 ouvert.
 On
 pouvait
 à
 peine
 aller
 boire
 un verre
 au
 retour
 d’une
 séance
 de
 cinéma.
 Rien
 ne
 laissait
 présager
 donc
 le
 dynamisme futur
qui
allait
s’y
développer.

Jean
‐
Marc
Ayrault
marque
un
tournant
dans
l’histoire
nantaise.
A
partir
de
1989
il
est élu
maire
de
Nantes.
Très
vite,
il
instaure
dans
sa
ville
une
politique
culturelle
qui
va
se matérialiser
par
une
suite
d’évènements.

 «
Quand
j'ai
été
élu
à
Nantes,
j'ai
cherché
à provoquer
un
électrochoc
afin
de
réveiller
la
ville.
Je
pensais
que
la
culture
pouvait
être un
 élément
 fédérateur
 et
 un
 levier
 permettant
 d'agir
 tout
 de
 suite.
 35
»
Avec
Yannick Guin,
 son
 adjoint
 à
 la
 culture,
 ils
 mettent
 en
 place
 une
 politique
 culturelle
 qu’ils nomment
 double
 mouvement,
 à
 la
 fois
 local
 et
 global.
 Faire
 confiance
 aux
 talents Nantais
d’un
côté,
et
renouveler
le
paysage
culturel
de
la
ville
en
installant
durablement des
 artistes
 et
 collectifs
 importés,
 de
l’autre.
C’est
 le
cas
 notamment
 de
Royal
 Deluxe, une
compagnie
de
théâtre
de
rue
d’Aix
en
Provence,
fondée
dans
la
tradition
des
idées de
Mai
68,
et
que
Nantes
accueille
dans
l’un
de
ses
Hangars
vacants
(fig.
38)
de
10
000 m2
 qui
 deviendront
 les
 grandes
 Nefs.
 Ce
 double
 mouvement
 s’illustre
 aussi
 dans
 la volonté
 de
 toucher
 la
 population
 et
 la
 ville
 tout
 en
 faisant
 venir
 lors
 de
 festivals
 aux thématiques
 spécifiques
 des
 artistes,
 poètes,
 musiciens
 internationaux.
Jean
 Blaise,
 en parallèle,
dès
1982,
crée
la
dernière
maison
de
la
culture
de
l’ère
Malraux
à
Nantes.
A l’arrivée
de
la
droite
en
1984,
elle
disparaît.
Seul
alors,
hors
institution,
il
crée
le
CRDC,
le Centre
 de
 Recherche
 pour
 le
 Développement
 Culturel.
 Le
 maire
 va
 le
 financer
 et ensembles
 ils
 vont
 petit
 à
 petit
 créer
 les
 évènements
 qui
 vont
 faire
 la
 renommée
 de Nantes.
Il
sera
aussi
l’investigateur
de
la
première
Nuit
Blanche
parisienne.

Quel
 est
 le
 dispositif
 que
 ces
 acteurs
 mettent
 en
 place
 pour
 concrétiser
 cette régénération
urbaine
?
Il
faut
situer
leurs
actes
en
opposition
avec
l’exemple
de
Bilbao, même
 si
 les
 caractéristiques
 et
 le
 climat
 post‐industriel,
 de
 cette
 ville
 à
 la
 difficile reconversion,
 peut
 être
 similaire
 à
 l’ensemble
 Nantes,
 Saint‐Nazaire.
 Dans
 la

35

Ivan
RIOUFOL,
Dominique
HERVOUËT

à
Nantes,
la
culture
en
bataille,
Le
Figaro,
2
décembre
2000


Figure 39 Affiche festival des AllumĂŠes. CRDC


63

problématique
 :
 l’outil
 culturel
 est
 au
 service
 du
 renouveau
 urbain,
 ils
 sont
 aux
 deux extrêmes.
 A
 travers
 le
 développement
 d’entreprises
 appartenant
 au
 champ
 de
 la création,
 il
 s’agit
 de
 favoriser
 l’émergence
 d’une
 «
 atmosphère
 créative
 »,
 destinées
 à construire
 des
 villes
 dont
 le
 dynamisme
 est
 marqué
 par
 l’existence
 d’une
 «
 classe créative
».36
Recomposer
un
patrimoine
et
une
attractivité
par
le
monument,
c’est
donc bien
ce
sur
quoi
Bilbao
a
misé
avec
le
musée
Guggenheim
:
faire
de
lui
un
symbole,
une force
 commerciale,
 un
 flagship.
 Un
 mono‐élément
 qui
 diffuse
 l’attractivité
 escomptée aux
 vues
 des
 chiffres
 :
 pour
 135
 millions
 d’euros
 investit
 dans
 le
 musée,
 735
 millions sont
engendrés
pour
être
ensuite
réinvestis
(
Les
Echos,
1er
décembre
2005).
Mais
ici,
à Nantes,
Saint‐Nazaire,
le
contraire
opère
:
construire
un
archipel
par
le
renforcement
de potentiels
en
présence.
Un
monument
immatériel.

L’investissement
se
fait
sur
l’intervention
qui
va
révéler,
sur
un
temps
long.
C’est
cette pratique
 du
 «
 monument
 dispersé
 »
 comme
 le
 nomme
 Jean
 Blaise,
 que
 nous
 allons décrire
pour
comprendre
les
spécificités
d’une
politique
culturelle
made
in
Nantes.

C2

De
l’événement
au
monument,
une
temporalité
de
la
festivalisation Même
 si
 Nantes
 possède
 les
 emblèmes
 d’un
 fort
 équipement
 culturel
 ‐
 un
 opéra,
 un orchestre
 national,
 un
 conservatoire
 national,
 un
 centre
 chorégraphique
 national,
 des scènes
 nationales,
 un
 théâtre
 universitaire
 ‐,
 ce
 sont
 les
 initiatives

 qui
 sont
 plutôt porteuses
du
projet
culturel.
Des
initiatives
devenues
des
modèles
internationaux
et
qui rejaillissent
sur
l’identification
d’une
force
nantaise.
Les
«
folles
journées
»,
journées
de démocratisation
de
la
musique
classique
dans
l’espace
public
s’exportent
aujourd’hui
à Lisbonne,
 à
 Tokyo
 ou
 encore
 à
Bilbao.
Des
 connexions
 internationales
s’opèrent
 par
 le simple
fait
de
mettre
une
ville
à
l’honneur,
de
créer
des
échanges
sur
les
devenirs
des villes
portuaires,
comme
c’est
le
cas
dans
le
cadre
des
«
Allumés
»
(fig
39).
Ces
festivals sont
 les
 monuments
 itinérants
 de
 la
 métropole.
 Ils
 imposent
 des
 modèles
 qui
 se déplacent.
 En
 s’inscrivant
 dans
 des
 lieux,
 ils
 irriguent
 et
 se
 ramifient
 à
 chaque
 édition des
 festivals.
 L’initiative
 crée
 une
 descendance,
 comme
 celle
 du
 Lieu
 Unique.
 Des interventions
 de
 Royal
 Deluxe,
 spectacle
 de
 rue,
 est
 né
 le
 projet
 permanent
 des Machines
 de
 L’île.
 Deux
 points
 capitaux
 réunissent
 toutes
 ces
 manifestations
 : 36

FLORIDA
Richard,
The
Rise
of
the
Creative
Class
:
And
how
it’s
transforming
Work,
Leisure,
Community
and Everyday
Life,
New
York,
Basic
Books,
2002


Figure 40 Affiche festival des AllumĂŠes. Les AllumĂŠes dans les hangars frigoriphiques. CRDC


65

l’importance
 de
 l’obsolescence
 programmée
 qu’on
 retrouvera
 dans
 Estuaire,
 et
 le principe
de
décalage.
Chacun
de
ces
évènements
joue
sur
plusieurs
tableaux,
plusieurs statuts
:
sur
l’œuvre
d’art
pièce
de
musée,
sur
le
déplacement,
transports
en
commun
et signalétiques,
 sur
 le
 territoire
 et
 ses
 éléments
 du
 paysage
 urbain
 ou
 naturel.
 Cette diversité
d’approche
qui
rend
ces
structures
temporaires
indéfinissables
et
difficilement comparables
 à
 d’autres
 outils
 culturels
 est
 aussi
 leur
 force.
 C’est
 la
 voie
 vers
 un patrimoine
 évolutif
 et
 mouvant,
 qui
 existe
 par
 une
 re‐territorialisation
 d’éléments connectés
et
re‐contextualisés.

Trois
festivals
sont
donc
issus
du
partenariat
de
Jean
Marc
Ayrault
et
de
Jean
Blaise.
Leur première
 collaboration
 se
 concrétisera
 dans
 le
 cadre
 des
 «
 Allumés
 »,
 un
 festival
 de
 6 nuits
sur
6
ans
dont
la
première
édition
a
eu
lieu
en
octobre
1990,
et
ce
jusqu’en
1995. Les
manifestations
durent
chaque
fois
de
6
heures
du
soir
à
6
heures
du
matin.
Chaque année
 une
 ville
 portuaire
 est
 à
 l’honneur,
 mise
 en
 parallèle
 entre
 l’actualité internationale
et
le
rapport
local
de
Nantes
concentré
sur
elle‐même.
Barcelone
sera
la première,
puis
Saint
Petersburg
en
1991,
Buenos
Aires
en
1992,
Naples
en
1993
(fig
40) puis
Le
Caire
en
1994.
Ces
villes
à
l’honneur
sont
autant
de
prétextes
pour
transformer la
ville,
le
temps
d’une
semaine.
Le
festival
se
relocalise
constamment
.
Respectivement pour
 chaque
 édition,
 il
 réinvestit
 d’abord
 les
 2800
 m2
 de
 la
 Fabrique
 à
 Glace
 du
 quai Wilson,
 puis
 l’ancienne
 usine
 de
 phosphates
 Delafoy,
 la
 cale
 de
 l’ancien
 cargo Melquiades,
 le
 réservoir
 de
 la
 Contrie,
 vieux
 château
 d’eau
 de
 1905,
 les
 dortoirs
 du Blockhaus
 démilitarisés
 de
 l’île
 de
 Nantes,
 et
 pour
 finir
 l’usine
 Lu.
 Autant
 de
 sites révélateurs
 d’un
 passé
 industriel
 et
 mémoriel
 aujourd’hui
 en
 mutation.
 Ces
 édifices amenés
à
être
requalifiés,
deviennent
monument
le
temps
de
l’événement.
Ils
sont
les supports
de
ce
festival
éphémère
et
itinérant.
L’accessibilité
à
ces
lieux
pour
les
Nantais et
 les
 visiteurs
 internationaux,
 permet,
 en
 se
 les
 réappropriant,
 de
 leur
 donner
 une nouvelle
identité,
lors
d’un
usage
provisoire.
C’est
une
manière
d’imposer
pour
le
maire une
 approche
 culturelle
 de
 la
 ville,
 à
 la
 fois
 sociale
 par
 son
 accessibilité
 aux
 lieux
 non institutionnels,
mais
aussi
régénératrice
d’un
patrimoine
désaffecté.

Cette
temporalité
programmée
construit
l’événement
et
fait
en
sorte
qu’il
ne
s’essouffle pas
dans
le
temps.
Si
l’accent
est
mis
sur
ce
chiffre
6
pour
ce
premier
festival,
c’est
pour


Figure 41 L’évennement fait l’architecture. Grenier du siecle, Lieu Unique. Document personel


67

affirmer
 la
 singularité
 de
 l’objet
 et
 le
 rendre
 unique.
 L’itinérance
 va
 néanmoins
 laisser une
trace
importante
dans
le
paysage
Nantais.
En
témoigne
Le
Lieu
Unique,
redécouvert par
 la
 dernière
 édition
 et
 accueillant
 l’événement
 suivant
 Fin
 de
 Siècle
 (fig.
 41).
 Il
 est alors
l’articulation
entre
l’éphémère
et
le
pérenne,
une
transition
entre
l’offre
culturelle dispersée
 et
 une
 scène
 nationale
 installée.
 Il
 est
 en
 effet
 important
 de
 montrer
 la progression
 de
 ce
 renouvellement
 de
 temporalité,
 de
 morcellement
 territorial
 ou
 non, qui
sont
les
données
intrinsèques
de
l’événement
culturel
qui
nous
occupe
:
Estuaire.

Grâce
 à
 l’apport
 culturel
 dont
 bénéficie
 les
 différentes
 entités
 du
 parcours
 festivalier chaque
 année,
 ce
 qui
 était
 ancré
 socialement
 comme
 traces
 négatives
 d’un
 déclin industriel
est
réintégré
comme
patrimoine.
Qu’il
s’agisse
alors
d’une
démilitarisation
ou d’une
décommercialisation
des
espaces,
cette
politique
tend
à
construire
une
nouvelle identité.
Le
lieu
Unique
va
en
être
le
catalyseur,
l’emblème.
Conservant
les
initiales
de l’ancienne
activité
de
production,
celle
des
biscuits
Lu,
la
notion
de
singularité
est
mise en
avant
par
le
nom
:
«
Lieu
Unique
»
(fig.
41).
L’ascension
 de
sa
renommée
tient
à
sa découverte
par
 un
 phénomène
de
festivalisation,
 donc
 l’acte
 éphémère
 est
 forcément lié
 à
 l’art
 expérimental.
 Dans
 son
 livre,
 Christophe
 Catsaros
 développe
 la
 genèse
 du projet
 et
 questionne
 l’ambition
 de
 départ,
 remise
 en
 cause
 par
 Patrick
 Bouchain.
 Les notions
 de
 prestige
 d’une
 scène
 voulue
 nationale
 furent
 «
 déconstruites
 ».
 La
 façade devant
être
vitrine
de
l’édifice,
 face
au
Palais
des
Congrès
est
conçue
comme
aveugle. Elle
 sera
 le
 reflet
 de
 l’argument
 de
 la
 politique
 d’action
 dont
 se
 réclame
 Jean
 Blaise, alors
directeur
du
lieu.
Un
rayonnement
national
par
une
action
locale.
C’est
du
moins ce
qu’illustre
la
façade
remplie
de
ce
que
Patrick
Bouchain
appelle
le
Grenier
du
Siècle. Chaque
Nantais
pouvait
venir
le
jour
de
l’inauguration
avec
ce
qu’il
considérait
comme significatif
 de
 son
 temps
 :
 une
 manière
 de
 rendre
 l’événement
 pérenne
 ainsi
 que participatif. C’est
 pour
 Patrick
 Bouchain
 une
 manière
 de
 proposer
 «
 une
 autre
 image
 de
 l’espace public
 »
 face
 au
 Palais
 des
 Congrès.
Cette
 donnée
 participative
 mise
 en
 avant
 est représentative
du
point
de
vue
critique
sur
la
«
rigidité
institutionnelle
»
que
développe Jean
Blaise
autour
du
Lieu
Unique.
Il
est
intéressant
de
voir
que
cet
ouvrage
sur
le
Lieu Unique
 (cité
 ci‐dessus)
 entame
 une
 critique
 sur
 la
 sacralisation
 de
 l’objet
 commercial entrant
dans
la
narration
même
de
la
démarche

 artistique.
En
effet,
selon
les
chiffres,


Figure 42 Lieu Unique. Christophe Catsaros


69

80
%
des
550
000
visiteurs

pour
la
saison
2008‐2009
n’ont
ni
vu
de
spectacles
vivants,
ni visité
 les
 expositions.
 Qu’en
 déduire
 ?
 Le
 lieu
 vit‐il
 au‐delà
 même
 de
 son
 programme culturel
?
Développe‐t‐il
une
autonomie,
et
génère‐t‐il
de
la
vie
quotidienne
?

Le
 Lieu
 Unique,
 dont
 Jean
 Blaise
 est
 directeur,
 a
 été
 le
 point
 d’arrivée
 d’une
 série
 de dispositifs
 culturels.
 Il
 va
 être
 le
 point
 de
 départ
 d’Estuaire.
 Cet
 enjeu
 de patrimonialisation
 décrit
 ici
 est
 à
 une
 autre
 échelle
 que
 nous
 détaillerons,
 une problématique
encore
plus
présente
le
long
de
l’Estuaire
de
la
Loire.
Car
cette
absence de
repères
culturels
est
plus
significative
le
long
de
l’Estuaire,
par
ses
dimensionnements et
ses
discontinuités.
Nous
verrons
donc
comment
Estuaire
s’inscrit
dans
la
continuité
de ces
gesticulations
culturelles
et
utilise
les
mêmes
outils,
les
mêmes
enjeux
cette
fois‐ci
à l’échelle
 d’un
 territoire.
 Il
 ne
 s’agit
 pas
 seulement
 de
 revaloriser
 un
 patrimoine
 en latence
d’être
lisible
à
nouveau,
mais
bien
de
générer
du
patrimoine,
générer
les
balises qui
 révéleront
 le
 paysage.
 Voici
 cet
 arpentage
 d’un
 genre
 nouveau.
 Saura
 t‐il
 donner corps
aux
enjeux
métropolitains
que
les
comités
de
perspectives
tentent
de
définir
?



71

ESTUAIRE, REVELER POUR S’APPROPRIER UN PAYSAGE

“La culture devient un « emblème », c’est-à-dire un critère d’identité, objet de « représentations mentales, d’actes de perception et d’appréciation, de connaissance et de reconnaissance, où les agents investissent leurs supposés et leurs présupposés, et de représentations objectales, dans des choses (emblème, drapeaux, insigne, etc.) ou des actes, stratégie intéressée de manipulation symbolique qui visent à déterminer les représentations (mentales) que les autres peuvent se faire de ces propriétés ou de leurs porteurs ») “

BOURDIEU Pierre « L’identité et la représentation éléments pour une réflexion critique sur l’idée de région »,Actes de la recherche en sciences sociales, 1980 n°35, pp. 63-72



73


Figure 43 Lieu Unique. Christophe Catsaros

1ER JUIN au 1ER SEPTEMBRE 2007 LE PAYSAGE, L’ART et LE FLEUVE

Figure 44 Lieu Unique. Christophe Catsaros


75

A

L’art
à
ciel
ouvert38,
un
outil
territorial

A1

S’inscrire
dans
le
modèle
des
biennales Les
 arts
 plastiques
 sont
 aujourd’hui
 convoqués
 par
 les
 politiques
 nationales
 et territoriales
 pour
 participer
 à
 la
 fabrique
 du
 territoire,
 par
 sa
 requalification
 et
 son aménagement.
En
France,
ce
phénomène
fait
suite
au
processus
lancé
dans
les
années 80
 par
 le
 ministère
 de
 la
 culture
 :
 de
 la
 commande
 publique
 aux
 projets
 d’action culturelle.
 Il
 est
 également
 marqué
 par
 les
 modèles
 de
 transformation
 urbaine
 de Barcelone,
Londres
et
Miami
où
la
création
d’institutions
prestigieuses
a
été
importante, et
 par
 le
 fort
 développement
 des
 politiques
 événementielles.
 Ici,
 le
 modèle
 de
 la biennale,(fig
43)
depuis
une
vingtaine
d’année
est
à
l’échelle
internationale.
Le
terme
de biennale
et
de
triennale,
qui
s’appuient
sur
les
expériences
de
Venise,
mais
aussi
de
la Documenta
de
Kassel,
commence
à
se
répandre
autour
de
l’année
1993.
Pour
Emanuelle Chérel39,
 cela
 s’explique
 par
 la
 facilitation
 et
 l’amélioration
 des
 domaines
 de
 la communication,
de
l’information
ainsi
que
de
celui
du
déplacement.

 «
Il
s’agit
de
faire connaître
 et
 donner
 prestige
 à
 des
 lieux
 négligés,
 créer
 des
 nouveaux
 centres
 sur
 le système
de
la
foire.
Elles
s’insèrent
dans
des
bâtiments,
qu’elles
recyclent,
esthétisés
par la
 culture».
 Ce
 rapport
 temporaire
 entre
 industrie
 /
 loisir
 /
 tourisme
 dans
 lequel
 est impliqué
 le
 système
 de
 biennale
 n’est
 pas
 sans
 rappeler
 les
 outils
 des
 expositions universelles
tissant
des
rapports
entre
industries
et
tourisme,
dès
1851,
à
l’Exposition
de Londres
ou
à
Paris
en
1937.

Ces
 événements
 ont
 un
 statut
 particulier
 qui
 se
 confronte
 avec
 celui
 de
 l’institution stable
 d’une
 culture
 muséale.
 Estuaire
 (fig
 44),
 en
 effet,
 se
 positionne
 différemment puisqu’il
invente
sa
propre
structure,
son
propre
rapport
au
visiteur.
Toujours
pour
cette historienne
de
l’art,
le
musée
représente,
dans
le
cheminement
artistique,
le
passé,
et
la biennale,
 le
 futur
 :
 des
 oppositions
 dedans
 /
 dehors,
mort
 /
 vie.
 Il
 faut
 alors
 se questionner
 sur
 les
 nouvelles
 pratiques
 de
 l’art
 public,
 de
 l’art
 à
 ciel
 ouvert
 ? L’événement
 Estuaire
 fait
 plus
 de
 la
 récurrence
 plutôt
 que
 de
 la
 permanence.
 La

38

KAEPPELIN
Olivier,
préface
de
L'Art
à
ciel
ouvert:
commandes
publiques
en
France
1983‐2007,
auteurs
: CROS
Caroline,
LE
BON
Laurent,
Flammarion:
Centre
national
des
arts
plastiques,
2008,
p.6‐7. 39 
CHEREL
Emmanuelle,
Quand
l’art
travaille
nos
lieux
communs,
Place
publique,
n°16,
Juillet
2009


Figure 45 Couverture du Catalogue Le temps d’une marÊe. 2005 / 2007. AWP


77

permanence
 serait
 la
 temporalité
 de
 cette
 culture
 institutionnalisée,
 tandis
 que
 la récurrence
représenterait
l’obsolescence
programmée
:
les
trois
éditions
de
la
biennale jusqu’en
 2012
 où
 tout
 s’arrête,
 départ
 d’un
 nouveau
 cycle
 et
 d’une
 réinvention
 du dispositif.
Cet
événement
commence
donc
en
2007.
Suivront
les
éditions
de
2009,
puis de
2011.
Il
 a
lieu
 tous
les
deux
 ans.
La
dernière
édition,
marquant
 la
fin
du
cycle,
sera finalement
 décalée
 en
 2012,
 année
 apothéose
 de
 la
 rencontre
 entre
 Estuaire,
 et
 la nouvelle
 formule
 Le
 voyage
 à
 Nantes,
 pensée
 par
 Jean
 Blaise.
 Quels
 sont,
 au‐delà,
 de cette
inscription
dans
un
modèle
de
revalorisation
des
territoires
par
le
système
binaire de
la
biennale,
les
interventions
qui
peuvent
être
comparées,
être
les
références
de
ce projet
là
?

Nous
ferons
deux
rapprochements.
Le
premier
sera
l’Olympic
Sculpture
Park
de
Seattle, permettant
 de
 comprendre
 l’importance
 de
 l’art
 à
 l’échelle
 d’un
 paysage
 comme support
d’une
attractivité.
Il
questionnera
Estuaire,
malgré
ses
disproportions,
comme
la mise
en
place
d’un
parc
péri‐urbain.
Mais
d’abord,
regardons
la
biennale
de
Dieppe
qui
a démarré
en
2005.
Comment
a‐
t‐elle
pu
être
une
source
d’influence
?

La
 première
 édition
 de
 cette
 biennale,
 proposée
 par
 Marc
 Armengaud
 et
 Alice
 Schyler Mallet,
 est
 titrée
 Le
 temps
 d’une
 Marée,
 The
 Tide
 is
 High(
 fig
 45).
 Elle
 n’est,
 à
 ce moment‐là,
non
pas
qualifiée
de
biennale,
puisqu’il
s’agit
d’une
première
édition,
mais d’exposition
parcours.
Il
faut
s’arrêter
sur
ce
thème
car
il
parle
de
l’événement
qui
nous intéresse
de
plusieurs
façons.
Tout
d’abord
à
travers
la
notion
de
temps
qui
la
régit,
qui n’est
pas
un
dispositif
planificateur,
mais
bien
une
tentative
d’approche
contemporaine dans
 un
 temps
 donné,
 dont
 on
 ne
 connaît
 pas
 réellement
 l’issue.
 C’est
 une expérimentation
qui
dure
un
été.
Et
ensuite,
le
deuxième
point
significatif
avec
Estuaire réside
dans
le
type
d’œuvres
présentées.
Pour
la
plupart,
ce
sont
des
installations
in
situ, utilisant
plusieurs
médias,
notamment
photographies,
vidéos,
son,
volume
ou
musique. L’archive,
le
document,
ou
la
trace
ont
valeur
d’œuvre.
Quel
meilleur
moyen
donc
que d’aborder
Estuaire
en
le
comparant
à
cette
exposition‐parcours.

Quelques
 remarques,
 donc.
 Le
 type
 d’œuvre,
 principalement
 de
 l’ordre
 du
 média, pourrait
être
qualifiée
de
type
immatériel.
Au
contraire,
le
long
de
la
Loire
les
œuvres
de


Figure 46 PARCOURS de la Biennale Le site et le contexte disparaissent Le Temps d’une marée Catalogue 2007


79

la
biennale
tentent
parfois
avec
difficulté,
d’assumer
une
échelle
inhabituelle
:
celle
du paysage.
Ce
sont
réellement
des
sculptures,
des
interventions,
qui,
pour
certaines,
ont vocation
 à
 être
 pérennes,
 durables.
 La
 caractéristique
 justement
 de
 ces réinterprétations
dieppoises
est
d’être
éphémère.
Le
titre
‐
le
temps
d’une
marée
‐
est univoque.
 Il
 est
 difficile
 néanmoins
 d’ancrer
 au
 sein
 de
 la
 ville
 ces
 œuvres‐médias,
 le dispositif
 de
 l’image
 ne
 marquant
 pas,
 de
 façon
 pérenne,
 le
 contexte
 urbain. L’installation
 in
 situ
 montre
 bien
 ce
 processus
 d’insertion
 dans
 un
 lieu
 nouveau
 à redécouvrir.
 Si
 l’archive,
 la
 trace
 a
 plus
 d’importance,
 c’est
 qu’il
 s’agit
 de
 collecter
 ces visions
du
territoire.
Alors
l’épaisseur
existe.
Sur
le
temps
de
la
biennale
de
Dieppe
c’est le
parcours,
l’itinéraire
qui
fait
œuvre
(fig
46).

Malgré
certaines
spécificités,
qui
participent
d’une
différente
ambition
et
surtout
d’une différence
notoire
d’échelle,
la
date
de
l’événement
dieppois,
bien
moins
relayé
dans
le monde
 de
 l’art
 et
 dont
 la
 communication
 a
 été
 bien
 moins
 forte,
 précède
 celle
 de
 la première
 édition
 estuarienne.
 En
 cela,
 il
 est
 capital
 de
 montrer
 que
 les
 enjeux,
 les discours
 sont
 très
 proches.
 On
 peut
 mettre
 en
 corrélation
 leur
 contextes
 socio‐ économiques,
urbains
et
 historiques
:
celui
d’un
espace
portuaire.
Le
maire
de
Dieppe interroge
le
paradoxe
d’une
pareille
manifestation.

«
Au
départ
l’idée
m’a
surpris
…
Comment
deux
mondes
si
peu
semblables
et
aux
codes si
peu
communs,
aux
approches
divergentes
pouvaient‐il
se
relier
?
Principalement
sans doute
à
travers
les
activités
portuaires
qui
sont
celles
de
l’effort,
de
la
pénibilité
et
de
la rigueur
du
temps
qui
fait
subir
aux
hommes
ses
pires
caprices.
Elles
sont
aussi
et
surtout celle
du
silence
car,
à
terre,
les
marins
sont
des
«
taiseux
».
Comment
alors
des
artistes venus
 du
 monde
 entier
 pouvaient‐ils
 faire
 dire
 à
 ces
 hommes
 et
 à
 ces
 femmes
 leurs univers
 quotidiens
 ?
 «
 J’ai
 entrevu
 la
 possibilité
 de
 la
 rencontre,
 et
 bien
 plus, l’enrichissement
 mutuel
 qu’elle
 apporterait
 aux
 parties
 en
 présence.
 »40
 C’est
 ainsi qu’Edouard
Leveau,
député‐maire
de
Dieppe,
décrit
les
enjeux
d’un
projet
ambitieux.
Au regard
de
la
date
donc,
on
comprend
que
le
festival
estuaire
prend
évidemment
racine dans
cette
typologie
de
manifestations.
L’évolution
du
nom
de
l’exposition
parcours
de

40

AWP,
Catalogue
de
l’exposition
parcours
dans
le
port
de
Dieppe,
le
temps
d’une
marée,
the
tide
is
high, dirigé
par
Marc
Armengaud
et
Alice
Schyler
Mallet,
2005,
Cybèle


Figure 47 Le Parc de Seattle avant / après Site post industriel Blog: Caribou2010

Figure 48 croquis conceptuel Olympic Sculpture Park Weiss/Manfredi Architects


81

l’autre
 côté
 a
 muté,
 en
 2007,
 lors
 de
 la
 première
 édition
 de
 la
 biennale
 estuaire
 : «
Biennale
de
Dieppe,
Le
temps
d’une
marée
2
». Elles
 s’interinfluencent
 et
 les
 discours
 sur
 l’originalité
 du
 concept
 se
 redéfinissent.
 Le sous‐titre
est
assez
important,
comme
«
le
temps
d’une
marée
»
qui
montre
le
caractère expérimental
 et
 éphémère.
 Estuaire,
 le
 paysage,
 l’art,
 le
 fleuve
montre
à
quel
point
le territoire,
le
paysage
en
est
le
support.

C’est
le
lieu
qui
conditionne
l’œuvre
et
sa
production.
Le
fleuve,
l’estuaire,
le
paysage, sont
 les
 thèmes
 d’approche
 de
 ces
 œuvres.
 Selon
 Jean‐Marc
 Poinsot41,
 la
 signification d’une
œuvre
ne
lui
est
pas
intrinsèque,
mais
est
plutôt
induite
par
son
contexte
social, politique
 et
formel.
On
 citera
les
références
incontournables
 du
 Land
 Art,
Fluxus,
ainsi que
 l’avènement
 de
 la
 performance.
 Ces
 mouvements,
 ainsi
 qu’Estuaire
 qui
 se
 situe dans
leur
continuité,
s’inscrivent
dès
les
années
60,
dans
un
refus
d’une
culture
muséale figée.
 Pourtant
 l’exemple
 de
 l’Olympic
 Sculpture
 Park
 à
 Seattle
 (fig
 48),
 construit
 en 1999,
réhabilitant
une
friche
délaissée
en
un
paysage
(fig.47)
,
permettant
de
franchir
et de
 réunir
 une
 zone,
 s’oppose
 justement
 d’une
 certaine
 manière
 à
 cette
 vision
 de l’œuvre
dépendante
de
son
environnement.
Même
s’il
s’agit
bien
sûr
d’œuvres
qui
font résonner
 le
 paysage,
 qui
 caractérisent
 des
 points
 de
 vues
 et
 des
 rapports
 d’échelles
 à l’étendue
 du
 site,
 la
 valeur
 intrinsèque
 de
 l’œuvre
 d’art,
 et
 par
 glissement
 son attractivité
internationale
reste
prépondérante.

L’ambition
 internationale
 est
 visible
 dans
 l’instauration
 d’une
 collection
 composée d’artistes
de
renom,
dont
on
sait
qu’ils
vont
attirer
naturellement
les
visiteurs.

Parmi
les vingt
œuvres
monumentales,
citons
les
noms
de
Alexander
Calder
(Eagle
1971),
Richard Serra,
(Wake,
2004),
Louise
Bourgeois
(Eye
Benches
I,
II
and
III,
 1996–1997
 and
 Father and
Son,
2004–2006).
Les
artistes
précèdent
le
processus
de
réinterprétation
du
paysage de
 Seattle,
 puisque
 ces
 œuvres
 sont
 antérieures
 à
 la
 construction
 du
 parc.
 Même
 si l’œuvre
 est
 mise
 en
 regard
 avec
 son
 environnement,
 elle
 n’est
 finalement
 pas
 si spécifique
 à
 Seattle.
 On
 retrouve
 en
 effet
 les
 mêmes
 trois
 artistes
 dans
 toutes
 les opérations
culturelles
de
grande
envergure,
notamment
à
Bilbao,
où
l’œuvre
in‐situ
de Richard
 Serra
 est
 l’une
 des
 attractions
 majeures
 pour
 des
 millions
 de
 visiteurs,
 allant 41

POINSOT
Jean‐Marc,
Quand
l’œuvre
a
lieu
–
L’art
exposé
et
ses
récits
autorisés
(1999)
Les
presses
du
réel –
domaine
Critique
et
théorie
de
l'art,
2008


Figure 49 De haut en bas : CALDER A., 1971 BOURGEOIS L., 1996 SERRA R., 2004 Oeuvres de l’Olympic Sculpture Park Google images


83

peut‐être
même
au‐delà
de
l’attrait
exercé
par
l’architecture
de
Franck
Gehry.
Des
noms stars
aux
œuvres
fortement
cotés
par
le
marché
de
l’art
assurent
à
la
manifestation
la certitude
d’une
réussite.
(fig
49
) Dans
ce
rapport
à
chaque
fois
redéfini
d’interdépendance
entre
l’œuvre
et
le
paysage, comment
 se
 définissent
 alors
 les
 enjeux
 de
 la
 biennale
 Estuaire
 ?
 Nous
 allons comprendre
 comment
 celle‐ci
 peut
 être
 la
 métaphore
 culturelle
 d’une
 planification territoriale
d’un
nouveau
genre.

A2

Entre
rayonnement
international
et
démocratisation
populaire,
un
outil
politique Les
ambitions
d’Estuaire
se
lisent
en
regard
avec
les
personnes
qui
le
soutiennent.
Jean Blaise
 résume
 l’attractivité
 escomptée
 :
 «
 le

 besoin
 de
 Jean‐Marc
 Ayrault,
 c’est d’identifier
 la
 ville,
 de
 trouver
 quelque
 chose
 qui
 aille
 vite
 parce
 que
 le
 tramway
 ça prend
dix
ans.
Il
n’y
a
que
la
culture
qui
puisse
aller
aussi
vite
».
Cette
volonté
culturelle découle
irrémédiablement
 donc
 d’une
ambition
 politique,
ce
 qui
 se
 confirme
 aux
 vues de
 l’étendue
 du
 territoire
 qu’elle
 convoque.
 Les
 financements
 et
 partenaires
 sont révélateurs
de
cette
vision
politique.
«
Au
fil
des
ans,
la
métropole
Nantes
Saint‐Nazaire se
 constitue
 avec
 l’ambition
 de
 devenir
 à
 l’échelle
 européenne
 le
 pôle
 économique
 et culturel
 du
 Grand
 Ouest
 de
 la
 France.
 […]
 Estuaire
 accompagne
 la
 construction
 de l’identité
de
cette
métropole.
»42
 L’objectif
 consiste
 donc
 à
 accroître
 la
 visibilité
 de
 la ville
 dans
 un
 espace
 que
 l’on
 souhaite
 le
 plus
 vaste
 possible,
 national
 mais
 surtout européen.
Associer
la
culture
à
ce
territoire
doit
permettre
de
l’identifier
plus
facilement et
de
favoriser
son
développement. Plusieurs
 échelles
 décisionnaires
 investissent
 dans
 ce
 projet,
 et
 y
 placent
 l’espoir
 d’un avenir
 florissant.
 Selon
 le
 budget
 d’estuaire,
 l’état
 participe
 à
 hauteur
 de
 11%.

 Le Ministère
de
la
Culture
appuie
bien
sûr
ce
statut
culturel
de
la
manifestation.
Sont
aussi représentés
 le
 conservatoire
 du
 littoral
 et
 le
Plan
Loire
Grandeur
Nature,
 tournés
 tous deux
vers
la
conservation
de
l’estuaire
comme
espace
naturel.
L’échelle
de
participation régionale
 ainsi
 que
 communale
 à
 hauteur
 de
 57%,
 montre
 bien
 l’influence
 escomptée par
l’événement.
C’est
aussi
une
des
forces
de
la
proposition
de
Jean
Blaise
:
travailler sur
un
territoire
aussi
grand
permet
de
récupérer
des
financements
d’un
grand
nombre de
communes
et
de
conseils
locaux
répartis
le
long
de
l’estuaire.

42

Citation
issue
de
la
plaquette
de
présentation
du
programme
Estuaire
2007
Nantes/
Saint‐Nazaire,
p.
3


Figure 50 Groupe Coupechoux Oeuvre Angela Bulloch google image


85

«
Je
suis
allé
là
où
il
y
avait
le
vent,
des
intérêts
et
donc
de
l’argent
[…]
Si
les
collectivités territoriales
 soutiennent
 Estuaire,
 c’est
 qu’elles
 sentent
 ce
 que
 cette
 manifestation pourra
 leur
 rapporter,
 et
 pas
 seulement
 en
 terme
 d’image,
 mais
 tout
 simplement
 en retombées
 économiques,
 directes
 ou
 indirectes
 »43.
 Ce
 rayonnement
 international voulu,
s’accompagne
donc
d’un
fort
investissement
local,
auquel
s’ajoute,
de
façon
plus inhabituelle,
 la
 participation
 du
 secteur
 privé,
 et
 plus
 particulièrement
 celui
 des nombreuses
 entreprises
 et
 industries
 présentes
 le
 long
 de
 l’estuaire.
 Ces
 derniers,
 en assumant
 environ
 30
 %
 de
 la
 manifestation,
 expriment
 un
 enjeu
 de
 communication certes,
 mais
 plus
 encore,
 une
 volonté
 de
 modifier
 l’image
 d’estuaire,
 celle
 de
 «
 rue d’usine
 ».
 Ces
 partenariat
 réunissent
 réunissent
 entre
 autres
 Total,
 Coupechoux,
 Suez, Nexity,
SFR,
EDF.
Ils
sont
les
fervents
supporters
de
la
culture.
Coupechoux
consacre
par exemple
 1
 %
 de
 son
 chiffre
 d'affaires
 de
 28
 millions
 d'euros
 à
 son
 mécénat.
 « Forcément,
 il
 ne
 faut
 pas
 attendre
 d'amortissement.
 L'enjeu
 est
 ailleurs.
 »
 Le
 groupe Coupechoux,
 dans
 tous
 ses
 évènements
 en
 Europe
 et
 internationaux,
 a
 relayé l'événement
Estuaire.
 «
Participer
à
l'aventure
relève
de
la
démarche
culturelle
au
sens large
».
44 Si
ces
entreprises
locales
participent
activement
à
l’événement
c’est
que
chaque
œuvre y
trouve
résonance
par
son
positionnement,
ses
références,
et
ses
rapports
d’échelles. Elles
 sont
 autant
 d’outils
 pour
 mettre
 en
 valeur
 ce
 patrimoine
 économique,
 le transformer
 en
 monument
 vivant
 le
 temps
 de
 la
 biennale.
 Il
 s’agit
 avant
 tout
 de
 faire découvrir
ce
qui
fait
vivre
l’estuaire,
un
bassin
d’emploi
capital
de
la
région.
«
Plus
elle sera
 visible,
 plus
 elle
 pourra
 prétendre
 accueillir
 les
 sièges
 sociaux
 de
 grandes entreprises,
attirer
des
chercheurs,
permettre
de
développer
des
activités
de
conception et
 de
 direction
 qui
 ont
 un
 effet
 stimulant
 sur
 les
 activités
 de
 production
 et
 de services…
»
(SCOT,
 2004)
Cet
accent
mis
sur
la
visibilité
 du
 développement
local
 est
le rôle
d’Estuaire
2007/2009/2012.
C’est
du
moins
ce
que
montrent
les
chiffres. Ce
rapport
local/global
est
la
condition
d’une
entreprise
comme
celle‐ci.
Ainsi,
la
culture anime
 les
 aspects
 politiques
 et
 économiques
 régionaux,
 en
 visant
 la
 plus
 grande attractivité
possible.
Celle‐ci
est
à
deux
échelles.

43

BLAISE
Jean,
débat
organisé
par
Place
Publique 
BUREAU
élisabeth,
Ouest
France,
Mercredi
12
septembre
2007

44


sur l’estuaire / la croisière fluviale / collectif la valise /

23

la croisière fluviale NANTES <> SAINT-NAZAIRE

Collectif la valise Création

Informations pratiques, horaires de départ, tarifs, voir “Comment visiter l’événement” (page 52)

Le bateau affrété pour Estuaire offre un point de vue unique sur les œuvres, les sites, la Loire et le paysage de l’estuaire. Investi par La Valise, il devient pour les passagers embarqués une interface entre les œuvres proposées et leur environnement. Les artistes proposent diverses visions, interprétations, d’une réalité à la fois artistique, patrimoniale et environnementale. La croisière offre ainsi une lecture de l’ensemble de la manifestation à travers une documentation bibliographique et vidéographique, des retransmissions en temps réel d’images de l’estuaire, mais aussi des cartes, photos aériennes, interviews, données techniques ainsi qu’un audioguide qui donne à voir et à entendre les étapes et les processus de création du projet et ce dans l’intervalle de temps donné pour cheminer d’une œuvre à l’autre. À l’extérieur, grâce à un effet miroir, le bateau devient un objet flottant potentiellement furtif mais aussi “tape à l’œil”. Reflétant le paysage traversé, entre ciel et fleuve, son aspect change en fonction du point de vue de l’observateur, de la lumière et de l’environnement. Créé en 1997, La Valise est actuellement un collectif composé de trois Nantais, architectes et artistes : Boris Cochy, Pascal Leroux et Samia Oussadit. Aux frontières entre art, architecture, design, leurs actions placent la création contemporaine au cœur de l’espace public. Les premières actions de La Valise ont eu lieu dans la gare désaffectée de Oudon (30 km de Nantes), avec pour objectif de créer un espace de diffusion dédié à la jeune création. L’implantation à Oudon leur a permis de travailler au contact de la population du village et d’imaginer des projets capables, sans compromis artistique, de créer des liens entre les publics, dits initiés et non-initiés. La notion de déplacement joue un rôle majeur dans leur processus de création, que ce soit le déplacement de l’artiste, celui de l’œuvre, ou celui du public. La croisière fluviale Estuaire a été réalisée grâce au soutien de Total, Partenaire Officiel, avec le concours des Chambres de Commerce et d’Industrie Nantes Saint-Nazaire, Partenaire Projet, et avec l’appui technique de Sennheiser, Partenaire Services.

À découvrir aussi sur le bateau, “Tune in”, une création sonore de Georgia Nelson. Fascinée par la météo 5 marine radiophonique, elle endosse le rôle de présentatrice pour quelques minutes de poésie et de langage

© Collectif La Valise

secret, codé (“Midnight, low Shannon 974 expected German Bight”). Un voyage virtuel et abstrait.

estuaire.2007

Figure 51 La croisière, La valise Plaquette communication Estuaire 2007


87

Le
premier
impact
immédiat
de
cette
attractivité
est
la
fréquentation.
Plus
de
769
525 visiteurs
ont
été
comptés
pendant
la
période
estivale
de
l’événement.
 Au
niveau
de
la revue
de
presse,
Estuaire
2007
a
été
bien
relayée,
au
niveau
de
toutes
les
échelles
et
de façon
 croissante
 :

 d’abord
 par
 la
 presse
 internationale
 (91
 Parutions
 et
 5
 reportages audiovisuels),
puis
dans
la
presse
nationale
(150,
40),
et
enfin
dans
la
presse
régionale (513,
 75).45
 Nulle
 part
 ne
 sont
 publiées
 les
 provenances
 de
 ces
 visiteurs,
 mais
 il
 est intéressant
de
voir
néanmoins
que
sur
les
visites
recensées
 sur
l’édition
 de
l’été
 2007, moins
 d’une
 centaine
 de
 personnalités
 issues
 du
 monde
 de
 l’art
 ont
 été
 accueillies46, malgré
 cette
 ambition
 de
 l’organisateur
 d’une
 diversité
 de
 profils.

 «
 Si
 vous
 êtes amateur
d’art,
vous
pouvez
ne
pas
être
totalement
déçu
quand
même
en
ayant
fait
les trente
 installations
 proposées.
 Si
 vous
 n’êtes
 pas
 amateur
 d’art,
 du
 moins
 pas
 un spécialiste,
 mais
 que
 vous
 êtes
 curieux
 de
 tout,
 vous
 allez,
 là
 encore,
 avoir
 de
 vraies satisfactions.
Et
puis
si
vous
n’aimez
vraiment
pas
l’art,
il
vous
restera
la
découverte
de paysages
que
vous
ne
connaissez
pas.
[…]
Pourvu
qu’il
fasse
beau
».
Sven
Jelure,
sur
son blog
 insiste
 sur
 le
 fait
 qu’il
 s’agirait
 en
 majeure
 partie
 d’habitants
 régionaux.
 Pour
 lui, tout
 professionnel
 du
 tourisme
 le
 sait
 :
 Estuaire
 n'a
 attiré
 aucune
 fréquentation touristique
 particulière
 à
 Nantes.
 Les
 touristes
 étrangers
 auraient
 d’ailleurs
 été
 14
 % plus
 nombreux
 à
 Nantes
 en
 2008,
 année
 sans
 Estuaire.
 Mais
 les
 chiffres
 du
 tourisme habituel
sont
difficiles
à
séparer
de
ceux
réservés
à
la
manifestation.
L’un
des
arguments phares
 étant
 une
 démocratisation
 populaire
 de
 l’art
 contemporain
 habituellement élitiste,
passant
par
le
libre
accès
aux
œuvres,
il
est
délicat
de
dénombrer
les
passages. Seule
 la
 croisière
 (fig
 50)
 et
 de
 fait,
 la
 billetterie
 du
 transport
 en
 est
 l’indicateur. Néanmoins,
 l’argument
 contre
 ce
 rayonnement
 international
 tant
 désiré
 peut
 être utilisé
pour
défendre
la
thèse
ici
présentée
:
celle
d’un
outil
territorial
impactant
sur
une sphère
 plus
 locale.
 Une
 métaphore
 de
 la
 construction
 métropolitaine
 en
 train
 de
 se faire,
 un
 projet
 commun
 à
 toutes
 les
 communes,
 un
 objet
 de
 redécouverte
 de
 son territoire
culturel
et
de
son
paysage.

45

rapport
 de
 la
 manifestation
 ESTUAIRE
 2007,
 http://snalternance.pagesperso‐orange.fr/piecesjointes/36‐ dossier‐estuaire‐2009.pdf 46 
 DELAVAUD
 Laura

 «
 Espace
 politique/espace
 culturel
 :
 les
 intérêts
 d'une
 alliance
 »,
Terrains
 &
 travaux 2/2007
(n°
13),
p.
136‐148.


Figure 52 Paysages humides de l’estuaire de la Loire Philippe Graindorge Gerpho


89

A3

Œuvres
éphémères,
œuvres
pérennes,
dispositifs
d’une
planification
? Ce
 territoire,
 celui
 de
 l’estuaire,
 est
 dans
 la
 pratique
 quotidienne
 des
 habitants
 de
 la région
avant
tout
un
obstacle
à
franchir.
Un
inatteignable
lieu,
tellement
invisible
dans tous
les
trajets
que
l’on
peut
effectuer,
que
très
peu
l’imaginent
comme
un
but.
Le
train, les
routes,
les
sentiers
restent
très
éloignés
de
l’estuaire
dont
les
abords
naturels
(fig
52) sont
 infiltrés
 par
 l’eau,
 qu’elle
 soit
 sous
 forme
 de
 marais,
 de
 ruisseaux
 ou
 de
 rigoles. L’objectif
de
la
manifestation
réside
aussi
et
surtout
dans
la
constitution
d’une
série
de haltes
 dans
 ce
 territoire
 fragmenté.
 Nous
 aborderons
 plus
 loin
 la
 notion
 de
 rives
 et d’impact
paysager
de
chacune
de
ces
haltes.
Il
s’agit
de
comprendre
mieux
ici
comment la
 manifestation
 s’insère
 dans
 une
 temporalité
 précise
 et
 que
 nous
 tenterons
 de comparer
à
une
planification
territoriale.

L’obsolescence
programmée
de
l’événement
sur
trois
ans
sous
forme
de
biennale
est
le premier
 élément
 important.
 2007,
 2009,
 2012
 sont
 les
 échéances
 d’un
 plan
 triennal. Cette
prévision
dans
le
temps
situe
l’action
dans
une
récurrence
et
non
plus
comme
une permanence.
Ceci
confère
à
chaque
édition
un
caractère
unique.
Sept
ans
ont
permis
de pérenniser
une
structure,
qui
à
terme
générera
un
musée
d’œuvres
d’art
à
ciel
ouvert, et
 créera
 indéniablement
 un
 patrimoine.
 D’un
 autre
 côté,
 chaque
 édition,
 puisque renouvelée,
 amènera
 une
 nouvelle
 vague
 de
 visiteurs,
 relançant
 l’événement
 comme une
re‐découverte
de
cette
collection
publique.
Cette
planification
agit
donc
comme
un quadrillage
 du
 site
 de
 l’estuaire,
 chaque
 élément
 du
 réseau
 en
 construction
 étant
 une balise.
 Ils
 sont
 finalement
 des
 catalyseurs
 avec
 un
 plus
 large
 impact.
 Au
 regard
 des théories
sur
l’
«
acupuncture
architecture
»47,
utilisée
notamment
par
Roland
Castro
lors du
débat
sur
le
Grand
Paris
comme
acupuncture
 urbaine,
 chaque
 œuvre
 pourrait
 être vue
comme
le
lieu
d’une
articulation
importante
du
territoire,
destinée
à
faire
beaucoup avec
ce
qui
pourrait
apparaître
comme
peu.

47

ASCHER
 François,
 Métapolis,
 ou,
 l’avenir
 des
 villes,
 Odile
 Jacob,
 1995.
 p.237.
 Il
 définit
 le
 définit
 aussi comme
 «
 urbanisme
 métastatique
 »
 «
 Les
 pouvoirs
 publics
 peuvent
 enclencher
 des
 mécanismes
 de valorisation
avec
des
interventions
ponctuelles
modestes
mais
bien
choisies
et
ayant
des
effets
de
catalyse
: à
 tel
 endroit
 un
 espace
 vert
 réalisé
 dans
 un
 espace
 disponible
 (
 une
 dent
 creuse
 )
 peut
 entrainer
 la requalification
de
plusieurs
blocs,
à
tel
autre
endroit
un
équipement
public
peut
créer
du
flux
qui
attireront des
commerces.
»


Figure 53 L’usine d’engrais d’Indres Google image

Figure 54 Pecherie géante de SaintBrévin les Pins revue 303

Figure 55 Usine thermique EDF de Cordemais Catalogue Estuaire 2007


91

Au
 vu
 de
cette
analogie,
les
urbanistes
seraient
ici
les
commissaires
d’exposition,
ceux qui
 régissent
 ce
 système
 linéaire
 territorial
 sont
 les
 organisateurs
 du
 festival
 Estuaire. Parmi
 eux,
 notamment
 Jean
 Blaise
 et
 ses
 assistants
 sont
 comme
 des
 urbanistes
 qui établissent
les
règles
du
jeu
sous
forme
d’un
plan
local
territorial.
David
Moinard48,
co‐ programmateur
 artistique
 de
 l’événement
 raconte
 les
 dessous
 de
 cette
 planification programmatique.
En
effet,
la
mise
en
adéquation
d’un
artiste
avec
un
lieu
d’intervention fait
figure
d’étape
fondatrice.
 C’est
ce
processus
d’élaboration
qui
détermine
la
valeur du
«
plan
»,
qui
donne
la
mesure
de
la
future
valorisation
du
paysage
réinterprété.
Après plusieurs
 mois
 de
 repérages,
 que
 l’on
 pourrait
 apparenter
 à
 un
 diagnostique
 des potentiels
de
l’estuaire,
une
sélection
d’artistes
internationaux,
que
Jean
Blaise
nomme «
doubles
»49
est
faite
et
associée
à
ces
lieux.
 «

 Avec
eux,
nous
circulions
sur
la
quasi‐ totalité
 du
 territoire,
 mais
 nous
 nous
 sommes
 rendus
 compte
 que
 cette
 méthode
 ne fonctionnait
pas
:
les
artistes
étaient
confrontés
au
gigantisme.
Nous
avons
repéré
des endroits
 singuliers
 qui
 définissaient
 l’estuaire,
 territoire
 complexe
 aux
 caractères communs
 :
 urbains,
 naturels,
 industriels,
 portuaires.
 A
 partir
 de
 ces
 sites,
 nous
 avons pensé
à
des
artistes,
invités
ensuite
à
réagir
précisément
à
un
contexte.
» Cette
 notion
 de
 singularité
 et
 de
 contexte
 marque
 l’attention
 qui
 est
 portée
 sur
 la nécessité
d’un
outil
spécifique.
Malgré
cela,
certains
sites
initialement
prévus
n’ont
pas été
porteurs
du
projet
voulu.
On
note
par
exemple
que
Daniel
Buren
avait
été
pressenti pour
 intervenir
 sur
 l’usine
 d’Indres
 (fig
 53),
 énorme
 unité
 de
 production
 d’engrais installée
 les
 pieds
 dans
 l’eau.
 Edwin
 van
 der
 Heide,
 lui,
 devait
 réinterpréter
 l’usine
 de Cordemais
(fig
54)
en
2007.
Une
pêcherie
géante
sur
la
plage
de
Saint‐Brévin
les
Pins
(fig 55)
était
réservée
à
Tadashi
Kawamata.
Dans
ces
cas
là
tous
ont
dû
choisir
d’autres
sites. Toutes
ces
tentatives
qui
sont
le
récit
des
quelques
échecs
d’une
quête
programmatique révèlent
néanmoins
des
points
importants.
D’abord
il
s’agit
bien
là
d’une
volonté
de
pré‐ territorialisation
 des
 œuvres
 par
 les
 programmateurs
 qui
 associent
 en
 amont
 lieux, artistes
 et
 thèmes.
 Ensuite,
 leur
 intérêt
 réside
 dans
 le
 fait
 de
 révéler
 un
 patrimoine industriel
et
une
économie
locale
en
marche,
d’assembler
éléments
d’art,
à
valeur,
si
ce n’est
 esthétique,
tout
 au
 moins
 conceptuelle,
en
 tout
 cas
 porteurs
 d’une
amplification 48

Propos
issus
d’un
entretien
avec
Eva
Prouteau,
«
le
rêve
du
minotaure
»,
dans
revue
303,
n°
106,
Estuaire 2009,
2009,
p.78‐81 49 
artistes
«
doubles
»,
ce
qui
signifie
qu’ils
peuvent
jouer
un
double
jeu
:
être
présent
dans
le
monde
de
l’art –
ils
exposent
dans
des
centres
d’art
–
et
répondre
à
des
demandes
politiques,
être
des
acteurs
de
l’espace publique.


Figure 56 Oeuvres pÊrennes le long des communes de l’estuaire estuaire.info/010/

Figure 57 La maison dans la Loire Jean-Luc Courcoult Estuaire communication

Figure 58 Le canard de bain Christophe Catsaros


93

du
regard,
et,
si
l’on
peut
le
qualifier
ainsi,
de
(futur)
monument
entreprenarial.
Mettre en
lumière
ces
lieux,
c’est
avant
tout
les
rendre
significatifs
dans
la
reconstitution
d’un territoire
morcelé
dont
les
seuls
indicateurs
sont
ces
masses
hors
échelle
de
l’industrie. En
 parallèle
 de
 ce
 système
 d’artistes
 invités,
 est
 ouvert
 un
 appel
 à
 projet
 pour
 toutes personnes
 susceptibles
 de
 suivre
 la
 ligne
 directrice
 des
 organisateurs,
 artistes architectes
ou
associations.

Deux
temps
se
chevauchent
à
travers
ces
œuvres.
Un
temps
court
est
celui
de
la
période estivale
 de
 la
 biennale.
 Sur
 trois
 mois
 est
 renouvelée
 une
 offre

 d’environ

 8
 œuvres pérennes
et
20
œuvres
éphémères. Un
 temps
 long
 est
 celui,
 plus
 caractéristique,
 de
 cette
 planification
 de
 l’estuaire.
 Un quadrillage
 stratégique
 du
 territoire
 est
 développé
 par
 cette
 écriture
 binaire, comprenant
 d’un
 côté
 des
 œuvres
 pérennes
 (fig
 56)

 de
 l’autre
 certaines
 éphémères, des
choses
qui
se
perpétuent
et
se
consolident,
de
l’autre,
des
éléments
temporaires
qui font
la
récurrence
que
nous
citions
plus
haut.
Ces
deux
mouvements
‐
impact
local
d’un côté,
 et
 volonté
 d’attractivité
 globale
 de
 l’autre
 ‐

 sont
 interdépendants.
 Ils
 se nourrissent
l’un
de
l’autre.
Les
œuvres
pérennes
s’installent
dans
une
durabilité
qui
leur confère
une
possible
appropriation,
comme
les
futures
centralités
d’un
développement urbain,
tandis
que
les
œuvres
renouvelées
à
chaque
édition
sont
destinées
à
la
visibilité de
l’événement.
Ce
sont
elles
qui
assurent
de
la
présence
des
visiteurs
tous
les
deux
ans. Elles
rendent
unique
l’événement
et
qualifient
la
manifestation
dans
sa
temporalité.

Mais
cette
programmation
du
territoire
n’utilise
pas
les
mêmes
outils
qu’un
urbanisme prospectif
traditionnel.
C’est
aussi
là
son
avantage.
«
Il
n’y
a
que
la
culture
qui
aille
aussi vite
»
insiste
Jean
Blaise.
On
assiste
aux
échecs
de
deux
œuvres
durant
2007
:
un
canard gonflable
 monumental
 (
 Canard
 de
 bain,
 Florentijn
 Hofman,
 fig
 57)50
 ingonflable,
 ainsi qu’une
 maison
 enfouie
 à
 moitié
 dans
 le
 fleuve
 (La
 maison
 dans
 la
 loire,
 Jean
 luc Courcoult,
fig
58)
qui
s’y
est
noyée.
Elles
sont
significatives
d’un
caractère
expérimental. Il
faut
réinventer
les
modes
d’actions
et
des
écritures
à
l’échelle
du
projet.
La
notion
de laboratoire
 est
 importante
 dans
 Estuaire,
 car
 chaque
 édition
 se
 réinvente
 à
 partir
 des acquis
de
la
précédente
manifestation.

50

BLAISE
Jean,
BONNET
Frédéric,
LUNEAU
Dominique,
Estuaire,
l’art
et
le
fleuve,
Gallimard,
2007


Figure 59 Le labyrinthe artistes et thèmes estuaire 2009


95

Pour
parler
de
l’estuaire,
c’est
la
forme
du
labyrinthe
(fig
59)
qui
sera
la
trame
narrative de
la
programmation.
Le
fleuve
est
au
cœur
de
ces
cheminements.
Comment
construire la
 mythologie
 d’Estuaire
 ?
 Le
 diagramme
 programmatique
 utilise
 le
 champs
 lexical
 de l’arpentage,
comme
pèlerinage,
expédition,
initiation,
égarement,
trace,
marche,
guide, fil.
Cet
arpentage
de
l’estuaire
donne
à
appréhender
la
mesure
de
ce
territoire
à
travers ses
balises
spatiales.
Cette
mise
en
scène
du
paysage,
ciel,
terre,
énigme,
refuge,
mirage, expérience,
vertige,
temps,
est
une
expérience
vécue
:
une
histoire
de
points
de
vues. Le
 fleuve
 et
 le
 paysage
 étant
 des
 éléments
 mouvants,
 comment
 être
 signifiant
 à
 cette échelle
 ?
 En
 allant
 plus
 loin
 dans
 les
 détails
 de
 certains
 cas
 particuliers
 des
 œuvres d’estuaire,
 nous
 verrons
 que
 cette
 planification
 réside
 dans
 la
 mise
 en
 place
 d’un véritable
récit
du
paysage.

B

Révéler
le
fleuve,
faire
exister
le
paysage

Ce
 récit
 se
 superpose
 à
 l’existant.
 C’est
 celui
 d’un
 nouveau
 rapport,
 celui
 d’un
 lien réinventé
avec
des
emprises
fragmentées.
L’ambition
même
de
la
manifestation
se
situe donc
 au‐delà
 de
 «
 l’œuvre
 pour
 l’œuvre
 »,
 mais
 bien

 dans
 le
 dispositif
 qui
 permet d’apporter
 la
 constitution
 d’une
 nouvelle
 vision,
 manufacturée
 et
 construite
 d’un paysage
 commun,
 de
 Nantes
 à
 Saint‐Nazaire.
 Quel
 est
 l’enjeu
 de
 ce
 nouveau
 regard
 ? Nous
 observerons
 sa
 construction
 à
 travers
 les
 notions
 de
 parcours,
 d’échelles,
 et
 de recul.

B1

Arpenter,
relier
des
fragments. Une
«
exposition
parcours
»,
sous‐titre
la
biennale
«
le
temps
d’une
marée
»
à
Dieppe. Ce
 terme
 n’est
 pas
 celui
 d’Estuaire.
 Mais
 néanmoins
 la
 simple
 mention
 «

 le
 Paysage, l’Art,
le
Fleuve

»,
invite
à
suivre
un
chemin,
condition
sine
qua
non
de
la
rencontre
entre les
 éléments
 déterminants
 de
 ce
 paysage.
 L’aller‐retour
 Nantes/Saint‐Nazaire
 existe mais
aucune
des
haltes
ne
permet
de
s’approcher
de
l’Estuaire.
Mettre
en
scène
l’objet étudié
oblige
à
s’y
rendre.
Les
haltes
sont,
en
quelque
sorte,
sujettes
à
observer
plutôt l’entre‐deux,
à
vivre
la
transition
d’un
espace
non
qualifié,
naturel
ou
industriel.


Figure 60 Parcours estuaire 2007 Oeuvres estuaire2007.com


97

On
observe
justement
sur
la
carte
(fig
60)
du
parcours
d’Estuaire
que
la
manifestation
ne se
greffe
pas
sur
les
voies
existantes
principales.
Seules
les
départementales
relient
de façon
ponctuelle
les
différentes
communes
qui
sont
le
long
de
l’estuaire.
Une
distance, minimum
d’environ
3
kms
‐
quand
ce
n’est
pas
10
‐
sépare
l’axe
ferroviaire
de
l’Estuaire. En
suivant
les
étapes
programmées,
c’est
une
nouvelle
accessibilité
du
territoire
qui
est proposée,
 une
 injonction
 de
 faire
 de
 cet
 axe,
 non
 pas
 un
 trajet
 linéaire
 où
 Nantes
 et Saint‐Nazaire
 seraient
 les
 seules
 polarités
 lisibles,
 mais
 bien
 une
 myriade
 d’entités interconnectées.
 Malgré
 une
 axialité
 géographique
 non
 négligeable,
 le
 parcours indiquerait
 la
 possibilité
 de
 concevoir
 cet
 espace
 comme
 polycentrique,
 finalement déhiérarchisé,
 les
 deux
 extrémités
 ne
 représentant
 que
 le
 départ
 et
 l’arrivée
 de l’expérience
durant
le
temps
du
chemin.
La
navette
crée
la
déviation,
une
voie
cyclable est
 identifiée
 sur
 la
 rive
 sud.
 Le
 festival
 crée
 ici
 la
 condition
 de
 l’accessibilité
 à
 un
 site déconnecté.

Il
la
crée,
certes,
mais
on
peut
y
lire
aussi
une
critique
du
territoire
et
de
ses
lacunes,
qui sert
l’objectif
de
révéler
le
fleuve.
Finalement,
devant
l’incapacité
des
axes
préexistants à
qualifier
l’estuaire,
à
s’en
approcher
:
n’est‐il
pas
lui‐même
le
support
de
ce
nouveau parcours
 ?
 Il
 possède
 les
 potentiels
 nécessaires
 à
 la
 circulation
 puisqu’il
 est éminemment
 fluvial.
 Pointer
 des
 paradoxes
 comme
 celui‐ci
 est
 l’un
 des
 atouts
 de
 la biennale.
Car
l’estuaire
peut‐être
vu
alors
comme
le
cœur
du
parcours,
un
véritable
trait d’union.
 Après
 les
 dynamiques
 ville‐port,
 un
 territoire‐fleuve
 est
 concevable,
 les communes
retournant
vers
leur
estuaire.
Voilà
semble‐t‐il
une
piste.
Cette
révélation
de la
Loire
par
l’arpentage
de
ses
environs
amène
aussi
un
autre
point

:
la
délimitation
d’un nouveau
territoire.
Le
Schéma
de
cohérence
territoriale
de
Nantes
Saint‐Nazaire,
établi en
2007,
ne
comprend
pas
dans
son
aire
administrative
la
rive
sud,
notamment
le
pays de
 Retz,
 Le
 Pèlerin,
 Paimboeuf,
 et
 Saint‐Brévin
 les
 Pins.
 Ce
 sont
 pourtant
 autant
 de communes
qui,
contrairement
à
l’autre
rive,
établissent
un
rapport
de
grande
proximité avec
les
berges
du
fleuve.
La
mise
en
réseau
culturelle
du
site
propose
alors
de
faire
de la
rupture
proclamée
par
les
technocrates
une
entité
fédératrice.
La
croisière
fluviale
est organisée
et
prise
en
charge
par
le
collectif
d’artistes
La
valise.
Elle
est
pensée
comme une
action
artistique.

Ce
statut
est
à
relativiser
car
le
caractère
artistique
est
ici
détrôné


Figure 62 L’observatoire. Tadashi Kawamata Le cheminement commune fleuve estuaire 2009

Figure 61 Lavau sur Loire Rapport lointain au fleuve Capture Google Earth


99

lorsque
l’on
comprend

qu’il
s’agit
aussi
ici
de
la
possibilité
d’une
recette
économique,
le thermostat
de
la
participation,
puisque
le
seul
élément
estampillé
«
billetterie
».

Le
parcours
prend
sens
et
corps
sur
le
terrain
et
sans
doute
plus
encore
dans
la
marche, qui
 permet
 de
 s’insérer
 dans
 une
 temporalité
 :
 celle
 du
 paysage.
 Se
 créé
 alors
 une nouvelle
mobilité
de
l’estuaire,
une
infrastructure
de
l’arpentage
en
tant
qu’instrument de
mesure
géométrique
par
«
un
corps
en
mouvement,
un
corps
à
l’oeuvre,
porteur
de perceptions
»51 Prenons
 Lavau‐sur‐Loire
 (fig.
 61)
 La
 toponymie
 est
 intéressante.
 Elle
 questionne
 au regard
 de
 la
 géographie
 actuelle,
 le
 rapport
 historique
 au
 fleuve.
 Elle
 était
 au
 19ème siècle

 au
contact
de
l’eau.
Aujourd’hui
elle
en
est
éloignée,
et
le
territoire
qui
la
sépare du
 fleuve
 est
 très
 peu
 praticable
 notamment
 à
 cause
 de
 son
 caractère
 humide
 et inondable.
 L’œuvre
 de
 Tadashi
 Kawamata
 (fig
 62)
 est
 une
 des
 œuvres
 pérennes
 qui évolue
 au
 fil
 des
 éditions.
 L’observatoire,
 issu
 de
 la
 première
 phase
 constitue
 dans
 la seconde
 un
 cheminement,
 depuis
 la
 commune
 déconnectée
 jusqu’à
 lui,
 mais
 surtout jusqu’à
l’eau.
L’œuvre
permet
de
refaire
le
cheminement
inverse
de
l’histoire. Finalement,
on
ne
peut
discerner
autrement
ce
que
pourrait
être
le
statut
de
l’œuvre. Entre
le
patrimoine
de
cette
grande
pêcherie
de
Saint‐Brévin‐les‐Pins
(fig
54)
où
Tadashi Kawamata
aurait
dû
intervenir
au
début,
et
l’œuvre
superposée
au
paysage,
l’artefact
et le
 témoin
 de
 l’histoire
 confondent
 leurs
 codes.
 Est‐ce
 dans
 la
 seule
 fonction,
 d’être guide,
de
montrer
la
relation
au
fleuve
que
son
rôle
opère
? «
 Le
 site
 devient
 l’idée
 régulatrice
 du
 projet

 et
 presque
 le
 sujet
 ou
 le
 générateur
 du programme
 »52.
 Sébastien
 Marot,
 développe
 la
 notion
 de
 sub‐urbanisme
 –
 qui
 ne renvoie
pas
au
sub‐urbain
et
qui
s’oppose
au
sur‐urbanisme.
Le
sur,
explique
qu’il
faut générer
 une
 augmentation
 du
 paysage
 en
 présence
 :
 creuser
 en
 dessous,
 retrouver
 la terre,
 l’eau,
 le
 sol.
 Il
 souligne
 que
 d’une
 certaine
 manière,
 le
 site
 doit
 précéder
 le programme
 et
 non
 l’inverse.
 Là
 réside
 l’enjeu.
 Cette
 pratique
 permet
 d’instaurer
 une conscience
de
ces
espaces,
de
cette
distance,
en
vue
de
se
les
approprier.

51

BOUCHIER
 Martine,
 «
 Le
 corps
 à
 l’oeuvre
 »,
 Chris
 Younès,
 Philippe
 Nys
 et
 Michel
 Mangematin
 [éd.], L’architecture
au
corps,
Bruxelles,
Éditions
OUSIA,
1997,
p.
156. 52 
MAROT
Sébastien,
«
Sub‐urbanisme/sur‐urbanisme
»
Marnes,
 documents
 d’architectures,
éditions
de
la Villette,
Ecole
d’architecture
de
la
ville
et
des
territoires
de
Marne‐la‐Vallée,
2011.
p.301‐353


Figure 63 Le Pendule. Roman Signer Rezé , Trentemoult Centrale à béton estuaire

Figure 64 Grue Titan, Chantiers Dubigeon, Nantes vus depuis La pendule document personnel


101

Marcher,
c’est
manquer
de
lieu
,
c’est
le
procès
indéfini
d’être
absent
 et
en
quête
d’un propre53.

 Michel
de
Certeau,
dans
ses
«
réthoriques
cheminatoires
»,
nous
propose
une vision
 qui
 pourrait
 parfaitement
 décrire
 comment
 ses
 œuvres
 sont
 autant
 de redéfinitions
 des
 espaces.
 Lorsque
 Kawamata,
 Gilles
 Clément,
 Kinya
 Maruyama
 et Roman
 Signer
 proposent
 leurs
 visions
 de
 l’Estuaire,
 il
 ne
 s’agit
 pas
 d’objets
 figés
 mais bien
de
«
ponts
»
:
des
transitions.
Autant
de
structures
arpentables
qui
donnent
au
site des
 qualités
 nouvelles,
 des
 champs
 qui
 n’y
 étaient
 pas
 présents.
 Chacune
 des
 œuvres participe
à
mettre
en
état
de
subjectivité
le
territoire.
L’œuvre
in‐situ
proposerait
alors le
passage,
chez
De
Certeau,
de
la
relation
entre
le
lieu,
comme
origine,
et
la
nouvelle interprétation
(«
non‐lieu
»)
qu’il
produit.
L’identité
symbolique
trouve
sa
place
dans
ce réseau
 de
 demeures
 empruntées
 par
 une
 circulation,
 un
 piétinement
 à
 travers
 les semblants
 du
 propre,
 un
 univers
 de
 location
 hanté
 par
 des
 lieux
 rêvés.
 Le
 parcours compose
et
génère
une
série
d’
«
œuvres‐lieu
»54.

B2

Du
recul,

prendre
de
la
hauteur L’estuaire
se
caractérise
par
son
horizontalité.
Ce
qui
fait
la
force
de
son
paysage
est
son étendue.
Elle
se
transmet
irrémédiablement
par
le
regard.
Il
faut
d’abord
l’aborder
par la
notion
de
rive.
Atteindre
la
berge
est
la
condition
pour
penser
le
fleuve.
C’est
en
effet un
dispositif
scénique
qui
se
met
en
place
lorsque
l’on
se
rend
à
Rezé,
dans
la
commune de
Trentemoult,
qui
fait
miroir
à
Nantes
sur
la
rive
sud.
L’une
des
œuvres
d’Estuaire
est Le
Pendule
de
Roman
Signer
(fig
63).
Il
signe
ici
une
de
ses
premières
œuvres
in
situ
qui propose
de
se
positionner
dans
ce
paysage.
Le
choix
même
du
lieu,
une
ancienne
usine
à béton
sur
laquelle
est
suspendue
l’aiguille
mécanique
du
temps,
est
déterminant
:
à
la fois
dans
le
pèlerinage
qui
y
mène
‐
un
enchaînement
des
différents
ponts
qui
traversent l’île
de
Nantes
‐,
et
dans
le
cadrage
qu’il
propose
‐
celui
du
point
de
vue
sur
la
première grue
 du
 chantier
 célèbre
 Dubigeon
 (fig
 64)
 ‐.
 Il
 montre
 le
 territoire
 palimpseste
 dont nous
parlions
plus
haut,
réactive
le
lieu
abandonné
et
crée
une
perspective
sur
l’autre (chantier
 naval
 fermés)
 à
 réveiller.
 Il
 augmente
 la
 capacité
 de
 mise
 à
 distance
 des éléments
du
site,
capacité
inhérente
à
la
géographie
d’un
fleuve,
et
les
fait
se
résonner. Le
choix
du
site
remet
en
scène
l’outil
fleuve
comme
un
dispositif
du
paysage.

53

De
CERTEAU,
L’invention
du
quotidien,
Art
de
Faire,
coll
Folio
essais
ed
Gallimard,
2005,
(1990) 
 BOULANGER
 Christophe,
 «
 Capital
 d’absence
 »
 Lam,
 Habiter
 Poétiquement,
 Catalogue
 de
 l’exposition éponyme,
Lille
métropole
Musée
d’art
Moderne
et
d’Art
Brut,

2010, 54


Figure 66 Misconceivable Erwin Wurm Canal de la Martinière Le pÊlerin estuaire

Figure 65 Serpentine Rouge, Jimmie Durham Indres estuaire


103

Ce
rapport‐là
est
également
renforcé
par
le
fait
de
placer
les
œuvres
proches
du
fleuve dans
 une
 relation
 du
 voir/être
 vue.
 Si
 les
 rivages
 ne
 sont
 plus
 atteignables,
 alors
 on déplace
 le
 regard.
 On
 le
 renverse.
 C’est
 l’un
 des
 «
 dogmes
 »
 des
 conditions
 de participation,
 que
 l’œuvre
 soit
 visible
 depuis
 l’Estuaire.
 Dans
 ce
 rapport
 de
 frontalité d’une
rive
à
l’autre,
on
se
place
au
centre
et
on
décuple
alors
la
force
de
proposition
de l’Estuaire. L’œuvre
 devient
 landmark55,
 à
 l’origine
 un
 élément
 de
 repère,
 soit
 une
 entité géographique
 qui
 permet
 de
 trouver
 pour
 les
 explorateurs
 leur
 chemin,
 leur
 «
 way‐ back
».
Les
œuvres
de
Jimmie
Durham
(Serpentine
rouge
à
Indres
fig
65),
Roman
Signer (Le
 pendule),
 Erwin
 Wurm
 (Misconceivable
 fig
 66),
 Tatzu
 Nishi
 (
 Villa
 cheminée
 )
 sont autant
d’œuvres‐empreintes,
 parce
 qu’elles
 font
 signes
 et
 marqueurs.
 Par
 leur
 rapport temporel
au
patrimoine
mis
en
lumière,
elles
permettent
de
s’ancrer
dans
une
histoire, de
s’approprier
un
patrimoine
révolu‐révélé,
un
champs
lexical
propre
à
l’estuaire
avec des
codes
communs.
«
Le
concept
de
scénographie
sert
à
montrer
la
cohérence
pouvant exister
 entre
 les
 déictiques
 de
 temps,
 d’espace
 et
 de
 personne
 au
 sein
 d’un
 discours, créant
ainsi
le
simulacre
de
ses
conditions
d’énonciation,
c'est‐à‐dire
son
contexte.»56.

Ce
 renversement
 est
 une
 question
 de
 recul.
 Ce
 terme
 permet
 en
 effet
 de
 donner
 une autre
 portée
 à
 cette
 collection
 in
 situ.
 Face
 à
 cette
 étendue
 ‐
 cette
 horizontalité
 ‐,
 la mise
 en
 distance
 agit
 aussi
 de
 façon
 verticale.
 Une
 attitude
 de
 projet
 que
 beaucoup d’artistes
ont
utilisée.
Il
s’agit
de
prendre
de
la
hauteur
pour
englober
un
paysage
et
le comprendre.
 Cette
 idée
 du
 belvédère
 est
 symptomatique,
 notamment
 dans
 les phasages
 de
 projet
 qu’a
 subit
 la
 base
 sous‐marine
 de
 Saint‐Nazaire.
 On
 peut
 voir
 les deux
rénovations
comme
des
outils
pour
monter
et
grimper. Chez
Manuel
Sola‐Morales
comme
pour
Finn
Geipel,
la
partie
visible
de
leur
intervention est
légère
dans
la
modification
de
l’édifice.
La
masse
parle
d’elle‐même.
Il
est
difficile
de la
 contraindre.
 Chez
 le
 premier,
 la
 greffe
 est
 celle
 d’une
 passerelle
 urbaine,
 et reconnecte
non
seulement
la
base,
mais
surtout
son
toit
(fig
67),
qui
requalifié,
devient

55

définitions
 :1.
 Une
 caractéristique
 importante
 d'identification
 d'un
 paysage./
 2.
 Un
 repère
 fixe,
 un marqueur
 qui
 indique
 une
 ligne
 de
 frontière./
 3.
 Un
 événement
 marquant
 une
 étape
 importante
 du développement
 ou
 d'un
 tournant
 dans
 l'histoire./
 4.
 Un
 bâtiment
 ou
 un
 site
 d'importance
 historique, notamment
utilisé
pour
la
conservation
par
une
administration
municipale
ou
nationale. 56 
"Scénographie
épistolaire
et
débat
public"

qui
a
paru
dans
l'ouvrage
La
lettre
entre
réel
et
fiction,
J.
Siess éd.,
1998,
Paris,
Sedes


. ESTUAIRE, REVELER POUR S’APPROPRIER UN PAYSAGE b. révéler

le fleuve, faire exister le paysage

Figure 68 Projet ville-port 2 Finn Geipel ascenseur/escalier Axonométrie LIN

Figure 67 Rampe et terasse Toit de la base sous-marine Saint-Nazaire Document personnel


105

un
 espace
 publique
 non
 négligeable
 par
 sa
 taille,
 mais
 aussi,
 par
 les
 potentiels
 de perception
de
la
ville
de
Saint‐Nazaire
qu’elle
révèle. Chez
 le
 deuxième,
 Finn
 Geipel,
 apparaît
 la
 même
 question
 :
 celle
 de
 réinventer
 un espace
 panoramique
 en
 y
 installant
 une
 structure
 géodésique
 (fig
 68)
 importée
 de Berlin,
 qui,
 quand
 elle
 n’est
 pas
 exploitée
 pour
 des
 concerts
 ou
 expositions,
 sert
 de lanterne
urbaine.
Elle
s’accompagne
d’un
ascenseur,
nouveau
dispositif
pour
accéder
à la
 plateforme
 visuelle.
 Si
 l’acceptation
 de
 la
 base
 est
 difficile
 par
 les
 arpenteurs nazairiens,
quelle
n’est
pas
sa
surprise,
lorsque
son
potentiel
ainsi
développé,
elle
est
le moyen
de
voir
sans
être
vue.
Elle
se
fait
oublier
en
quelque
sorte,
comme
si
cela
était
la condition
 de
 son
 intégration
 paysagère
 :
 un
 nouveau
 sol,
 comme
 une
 table d’observation
à
l’échelle
du
paysage.

A
Nantes,
les
nouvelles
opérations
sur
l’île
de
Nantes,
ont
en
commun
d’être
praticables jusqu’aux
toits
terrasses.
Deux
exemples
:
la
réalisation
du
parking
de
Barto+Barto,
qui est
au
cœur
de
toutes
les
mutations
de
l’île,
et
La
Fabrique,
les
Nefs,
les
grandes
Halles Alstom,
 la
 pointe
 de
 l’île,
 avec
 les
 Anneaux
 de
 Buren,
 œuvre
 d’Estuaire
 2007.
 L’école d’architecture
 de
 Lacaton
 et
 Vassal
 offre
 aussi
 le
 même
 cheminement
 libre
 de
 droit
 : comme
si
la
vue
d’un
point
haut,
souvent
propriété
privée
et
symbolique
d’un
pouvoir ou
d’une
place
privilégiée,
parfois
élément
de
contrôle
d’un
territoire,
était
ici
l’essence de
l’espace
public. Les
œuvres
d’Estuaire
usent
des
mêmes
ressorts.
Elles
sont
une
kyrielle
de
belvédères. La
définition
d’observatoires
éclaire
l’enjeu
que
pourrait
être
celui
de
la
biennale
:
celui de
 renouer
 avec
 son
 environnement.
 Une
 culture
 de
 la
 nature.
 En
 effet,
 la
 notion d’observatoire
 se
 définit
 par
 son
 caractère
 analytique
 issu
 de
 sa
 première
 fonction astronomique,
celle
d’étudier
les
étoiles,
donc
de
poser
le
regard
sur
une
géographie.
De plus,
au‐delà
de
cette
fonction
d’outils
d’optique,
cet
objet
met
en
jeu
des
rapports
au sol
 déterminants
 en
 fonction
 d’un
 positionnement
 et
 d’une
 orientation.
 L’une
 des œuvres
 emblématiques
 est
 bien
 sûr
 celle
 de
 Tadashi
 Kawamata,
 «
 L’observatoire
 », reliée
à
Lavau‐sur‐Loire
par
un
cheminement.
Les
références
sont
multiples
et
prennent leur
sens
en
regard
avec
l’histoire
portuaire
et
navale
du
site
:
la
notion
de
phares
tout d’abord,
 ayant
 trait
 à
 la
 localisation
 pour
 se
 déplacer,
 l’outil
 inhérent
 à
 la
 navigation, sans
 oublier,
 ainsi
 que
 les
 tables
 d’observations
 (fig),
 grandes
 récurrences
 des
 routes


Figure 68 Port autonome Saint-Nazaire Google image


107

Figure 69 bis Bunker archĂŠologie, Virilio bunker/cible

Figure 69 Comparaison Observatoire dessin original Tadeshi Kawamata Phare STIFF Ouessant Archives Nationales 1931


Figure 70 L’observatoire Kawamata Estuaire

Figure 71 Suite de triangles Felice Varini document personnel


109

d’altitudes,
 outil
 éminemment
 touristique.
 Ces
 procédés
 impliquent
 cette
 question
 du point
de
vue,
et
par
là
même,
la
place
du
spectateur
dans
une
relation
au
site.
L’espace est
habité
par
l’œuvre
et,
corollairement,
par
celui
qui
la
regarde
et
l’active.
Il
serait
plus juste
de
préciser
que
l’œuvre
n’existe
 et
ne
se
manifeste
 qu’à
travers
sa
possibilité
 de manipulation
 ou
 de
 projection.
 Entre
 l’œuvre
 et
 son
 producteur,
 c’est
 un
 tout indissociablement
 lié.
 57En
 quelque
 sorte,
 l’observatoire
 aurait
 parmi
 ses
 différentes fonctions,
celle
de
rappeler
à
l’homme
sa
«
place
»
par
rapport
à
son
environnement,
et de
 le
 questionner
 par
 conséquent
 sur
 la
 présence
 même
 de
 l’architecture
 dans
 la nature. Cette
activation
de
la
perception
est
utilisée
dans
une
œuvre
que
Felice
Varini
a
créée dans
l’enchevêtrement
des
industries
portuaires.
Contrairement
à
l’œuvre
de
Kawamata (fig
 70),
 Suite
 de
 Triangles,
 œuvre
 pérenne
 d’Estuaire
 2007
 (fig
 71),
 n’est
 pas
 une structure
qui
permet
de
voir,
mais
qui
fait
devenir
belvédère
une
partie
de
la
base
sous‐ marine.
A
l’approche
du
port,
en
marchant,
on
découvre
petit
à
petit
dans
l’atmosphère terne
 des
 monstres
 industriels,
 cette
 œuvre
 discontinue
 composées
 de
 fragments rouges
 disséminés,
 et
 qu’il
 s’agit
 de
 recomposer,
 de
 ré‐assembler
 une
 fois
 l’objectif atteint
:
un
mirador
du
bunker
entre
terre
et
mer.

B3

Occuper,
une
confrontation
d’échelle. De
 toutes
 ces
 expériences
 de
 l’itinérance
 comme
 processus
 culturel,
 résulte
 un «
devenir
paysage
»58.
Cette
approche
prend
en
compte
un
temps
désormais
discontinu, ralenti,
qui
rappelle
aussi
le
thème
central
du
poète
Friedrich
Hölderlin
(1770‐1843),
le «
habiter
poétiquement».
Un
être
au
monde
qui
finalement
pourrait
signifier
:
prendre la
mesure
de
la
démesure. Estuaire
manie
les
échelles,
les
confronte.
«
In
the
perception
of
relative
size
the
human body
enters
into
the
total
continuum
of
sizes
and
establishes
itself
as
a
constant
on
that scale.
 […]
The
 awareness
 of
 scale
 is
 a
 function
 of
 the
comparison
mode
 between
that constant,
 one’s
 body
 size,
 and
 the
 object.
 »59.
 Ces
 relations
 au
 temps
 ainsi
 qu’aux

57

VERHAGEN
 Erik,
 «
 Une
 œuvre
 praticable,
 Dispositifs
 individuels
 »,
Habiter
 Poétiquement,
 Catalogue
 de l’exposition
éponyme,
Lille
métropole
Musée
d’art
Moderne
et
d’Art
Brut,

2010, 58 
RILKE
Rainer
Maria,
Essai
sur
le
paysage,
Worpswede,
œuvres
complètes,
Seuil,
1966,
(1902).
P
;373 59 
MORRIS
Robert,
«
Notes
on
Scupture
part
II
»,
ArtForum,
Los
Angeles
V,
n°2,
p20,
octobre
1966 «
Dans
la
perception
des
tailles/grandeurs
relatives,
le
corps
humain
entre
dans
le
continuum
des
dimensions et
s’établit
comme
une
constante
sur
cette
échelle.
[…]
La
conscience
de
l’échelle
est
une
fonction
du
mode de
comparaison
entre
cette
constante,
la
taille
du
corps
de
quelqu’un,
et
un
objet.
»


Figure 72 Rapport à l’industrie La Villa Cheminée Tatzu Nishi Estuaire

Figure 73 Instant Carnet Island Time Capsule Estuaire


111

échelles
 de
 l’espace
 et
 du
 corps,
 cristallisées
 par
 des
 réalisations
 d’envergures monumentales,
 constituent
 les
 points
 de
 départ
 de
 la
 réflexion
 artistique
 de
 Robert Morris.
Comment
prendre
la
mesure
d’un
paysage
hors
échelle,
un
hyper
paysage
? Face
 à
 l’étendue,
 les
 industries
 sont‐elles
 les
 seuls
 «
 monuments
 »
 à
 l’échelle
 de l’estuaire
?60
 La
 Villa
 Cheminée
 de
 Tatzu
 Nishi
 à
 Cordemais
 (fig
 72)

 est
 une confrontation
 intéressante.
 Sur
 un
 socle
 pré‐existant,
 l’artiste
 a
 posé
 une
 maison
 en préfabriqué.
Il
réutilise
les
codes
couleurs
striés
de
rouge
de
la
centrale
thermique
EDF en
arrière‐plan.
Cette
structure
est
surdimensionnée
lorsqu’on
la
confronte
à
l’habitat, qui,
durant
la
saison
de
la
biennale,
accueille
chaque
nuit,
comme
une
chambre
d’hôtel, des
visiteurs.
L’artiste
japonais
montre
les
rapports
d’échelle
intrinsèques
à
ce
paysage et
y
insère
une
strate
supplémentaire.
Comme
cette
œuvre,
chaque
élément
d’Estuaire se
réfère
à
l’un
de
ces
monstres
géants
qui
constituent
l’étrange
patrimoine
des
rivages du
fleuve. La

 mise
 en
 commun
 des
 échelles
 comme
 la
 superposition
 de
 ces
 différences temporelles
 de
 l’estuaire
 passe
 aussi
 par
 l’occupation
 du
 territoire,
 par
 le
 fait
 de demeurer
 au
 cœur
 même
 de
 l’entité
 géographique
 après
 l’avoir
 parcouru.
 Cette occupation
se
lit
dans
l’installation
de
microarchitectures,
qui,
comme
la
Villa
Cheminée, propose
de
demeurer
dans
le
no
man’s
land
estuarien
pour
faire
l’expérience
du
temps long.
 A
 chaque
 édition,
 I.C.I.,
 littéralement
 l’Instant
 Carnet
 Island
 (fig
 73),
 prend
 place dans
le
lieu
qui
aurait
dû
accueillir
une
énième
centrale
et
qui
s’est
transformé
en
lieu de
militantisme
anti‐nucléaire,
avant
d’être
transformé
en
espace
de
«
rave
»
dans
les années
 quatre‐vingt.
 Ce
 sont
 ces
 cellules
 qui
 forment
 des
 «
 campements
 utopistes d’architectes,
 designers,
 et
 artistes
 »61.
 Autour
 de
 la
 Time
 Capsule
 de
 Ant‐Farm,
 les micro‐
structures
abordent
les
questions
du
nomadisme,
de
l’individualisme,
de
la
prise en
 compte
 de
 son
 environnement,
 mais
 surtout,
 expérimente
 l’occupation
 presque militante
de
ce
lieu.

«
 Monument
 paradoxal,
 car
 il
 ne
 tient
 que
 tant
 qu’existe
 ce
 paysage
 industriel
 qui nécessairement
mute.
Un
monument
à
la
tension
entre
transformation
et
permanence,

60

ARMENGAUD
Marc,
«
L’estuaire
est
une
région
bien
intéressante
»,
Estuaire
2009,
303,
la
revue
culturelle des
pays
de
la
Loire,
n°106,
2009,
p.11 61 
TRAN
Mai,
«
Green
Utopia
»,
Estuaire
 2009,
 303,
 la
 revue
 culturelle
 des
 pays
 de
 la
 Loire,
 n°106,
 2009, p.23‐24



113

une
 ruine
 programmée
 »62.
 C’est
 l’aboutissement
 et
 le
 résultat
 de
 toutes
 ces confrontations
:
un
monument
temporaire,
où
il
faut
prendre
le
temps
de
regarder
un patrimoine
en
marche
(mutations
 industrielles),
 s’identifier
 à
une
construction.
 Durant les
discours
portant
sur
l’éco‐métropole,
la
nécéssité
de
percevoir
le
territoire
naturel
et de
 le
 valoriser,
 paraît
 être
 capital
 dans
 sa
 constitution.
 Olivier
 Mongin
 tente
 de déterminer
aussi
ce
patrimoine
commun
qu’a
établi
Estuaire
:
«
Aujourd’hui,
ce
qui
fait monument,
 ce
 qui
 fait
 espace
 public,
 ce
 sont
 aussi
 des
 parcs,
 des
 paysages,
 et
 ce
 que vous
avez
aussi
»
63.
On
remarque
que
les
sous‐titres
de
la
biennale
ont
évolué
:
en
2007, il
n’y
avait
que
«
l’art
et
le
fleuve
»,
en
2009
on
y
ajoute
«
le
paysage
».
Pourquoi
appeler la
 biennale
 Estuaire
 ?
 Peut
 être
 justement
 pour
 en
 faire
 un
 monument.
 Il
 faut
 se rappeler
 que
 baptiser
 les
 rues,
 c’est
 rappeler
 une
 mémoire,
 faire
 anamnèse,
 faire «
 remonter
 les
 monuments
 ».
 Monument
 vient
 de
 «
 monere
 »,
 qui
 signifie
 justement rappeler.
 C’est
 ce
 que
 fait
 le
 titre
 de
 l’événement
 :
 insister
 comme
 pour
 nommer Estuaire
une
seconde
fois
et
dire
ses
deux
statut,
l’un
géographique,
l’autre
patrimonial.

Cet
espace
tente
d’être
révélé
comme
un
paysage
doublement
culturel.
Tout
d’abord
il devient
ce
musée
territorial,
une
collection
d’œuvres
à
l’image
d’une
nouvelle
politique de
 la
 culture.
 Plus
 encore,
 il
 offre,
 par
 cette
 nouvelle
 occupation
 qui
 en
 est
 faite,
 la capacité
 de
 s’en
 ressaisir,
 de
 se
 le
 réapproprier.
 En
 présentant
 comme
 fil
 conducteur plusieurs
 éléments
 hétérogènes,
 d’ordre
 naturel
 et
 industriel
 sur
 lesquels
 il
 porte
 un regard
 réunifié,
 l’estuaire
 devient
 enfin
 le
 support
 d’un
 récit
 commun
 :
 un
 patrimoine culturel.
Mais
si
les
ambitions
sont
clairement
établies,
quelles
sont
les
réalités
de
cette appropriation
?
La
limite
entre
la
notion
de
culture
par
l’art
public,
et
celle
du
tourisme est
infime
dans
le
cas
ici
étudié.
Les
liens
sont
à
remettre
en
question
ainsi
que
l’impact de
l’enjeu
politique
qui
le
précède
et
l’initie
:
la
constitution
d’un
métropole
commune. La
 visibilité
 d’un
 événement
 culturel
 suffit‐elle
 à
 la
 lisibilité
 d’un
 espace
 territorial
 en construction
?

62

Ibid
58,
page
précédente. 
 MONGIN
 Olivier,
 propos
 issus
 d’une
 conférence
 en
 ouverture
 à
 la
 conférence
 métropolitaine écometropole,
il
est
écrivain
et
directeur
de
la
revue
Esprit.

63



115

CONSTRUIRE L’ARMATURE D’UN TOURISME CULTUREL

“ A quoi tient le pouvoir de ces modèles de rencontre, qui s’installent d’emblée aux carrefours de la mémoire et de l’imagination, qui prennent d’eux-mêmes les commandes du mécanisme par lequel sont projetés, sur tel ressouvenir abstrait, sur telle lecture, une figure matérielle qu’ils n’ont en fait appelée que très directement ? J’ai tendance à croire qu’ils sont, presque tous des figures exemplairement, puissamment surdéterminés, et par là créatrices d’un champ de forces qui magnétise tout ce qui s’approche de lui : dans le cas de l’ancien Observatoire.”

GRACQ Julien , La forme d’une ville, José Corti, 1985



117

A

Une
identification
territoriale
métropolitaine

A1

Identification
d’un
territoire,
une
réappropriation
à
mesurer Nous
avons
comparé
plus
haut
Estuaire
2007/2009
à
une
version
culturelle
de
ce
qu’est l’acupuncture
 urbaine.
 Or,
 justement,
 Jean
 Blaise
 déclare
 que
 chacun
 des
 objets «
 exposés
 »
 a
 provoqué
 des
 «
 micro‐bouleversements,
 des
 microphénomènes
 de société,
 extrêmement
 forts
 à
 l’échelle
 de
 petites
 communes
 »64.
 Quels
 sont‐ils
 ? Comment
 mesurer
 l’impact
 local
 de
 ces
 interventions
 ?
 C’est
 tout
 d’abord l’appropriation
des
œuvres
qu’il
faut
questionner,
par
les
modalités
de
participation
des habitants
 et
 l’utilisation
 qu’ils
 en
 font.
 Quel
 est
 l’impact
 indirect
 généré
 par
 ces évènements
 et
 de
 quelle
 façon
 cela
 peut‐il
 être
 visiblement
 quantifié
 dans
 l’économie de
ces
communes
?

L’impact
 donc.
 Jean
 Blaise
 le
 vend
 premièrement
 par
 la
 soi‐disant
 non
 négligeable participation
 de
 500
 000
 visiteurs
 avec
 une
 croisière
 fluviale
 rentabilisée
 à
 100
 %
 soit environ
 45
 000
 voyages.
 Mais
 regardons
 du
 côté
 des
 détracteurs
 de
 l’événement. Nombreux
sont
ceux
qui
attaquent
cette
politique
nantaise,
et,
de
fait,
Estuaire
qui
en est
l’extrême
symbole.
C’est
une
vieille
histoire
politique.
Aujourd’hui
en
temps
de
crise, que
 signifie
 de
 consacrer
 environ
 20
 %
 de
 son
 budget
 (Nantes)

 pour
 la
 culture
 ,
 de consacrer
huit
millions
trois
cent
quatre
vingt
milles
euros
à
un
événement,
qui
plus
est, ne
rapporte
que
très
peu
en
terme
de
recette,
puisque
les
œuvres
sont
en
accès
libre
? Selon
le
magazine
Capital,
journal
économique,
la
prochaine
version
d’Estuaire
en
2012 n’a
pas
encore
finalisé
ses
budgets.
Ceci
expliquerait
que
l’édition
2011
ait
été
reportée. Toujours
 selon
 le
 magazine,
 les
 chiffres
 de
 participation
 n’atteindraient
 que
 170
 000 visiteurs…
Les
passages
ont
en
effet
été
comptabilisés
par
Estuaire
par
œuvre
et
non
par parcours,
 tout
 le
 monde
 n’arrivant
 pas
 par
 bateau.
 Il
 ne
 s’agit
 pas,
 de
 toute
 façon,
 de s’appuyer
 sur
 des
 chiffres
 dont
 la
 véracité
 est
 complexe
 à
 vérifier.
 Si
 ce
 n’est
 pas
 le nombre
 de
 visiteurs
 qui
 fait
 le
 réel
 impact,
 il
 est
 donc
 d’autant
 plus
 nécessaire
 de regarder
ce
qui
se
passe
avec
chacune
des
œuvres
pérennes.

64

BLAISE
Jean,
propos
issus
de
l’interview,
«
The
future
is
now
»,
recueillis
par
Eva
Prouteau,
Estuaire
2009, 303,
la
revue
culturelle
des
pays
de
la
Loire,
n°106,
2009,
p.6‐11


Figure 74 Le jardin ĂŠtoilĂŠ Kinya Maruyama vu par estuaire et Ouest France


119

L’œuvre
de
Tadashi
Kawamata
«
l’observatoire
»,
qui
«
fait
maintenant
partie
intégrante de
 notre
 paysage
 »65,
 a
 été
 d’abord
 le
 socle
 d’une
 rencontre
 entre
 l’équipe
 d’une quinzaine
 d’étudiants
 venus
 du
 monde
 entier
 pour
 assister
 l’artiste,
 et
 les
 habitants. C’est
 la
 commune
 elle‐même
 qui
 a
 demandé
 à
 ce
 que
 l’œuvre
 évolue
 en
 un cheminement
 complet
 du
 centre
 vers
 l’estuaire.
 Elle
 est
 aujourd’hui
 un
 lieu
 de promenade,
de
pêche
:
un
lieu
de
rencontre.
«
Rêvons
à
ce
que
nous
promet
2012
dans cette
 aventure
 engagée
 entre
 un
 artiste
 et
 les
 lavausiens
 ».
 La
 manifestation
 a
 aussi permis
de
développer
indirectement
un
emblème,
celui
de
la
crêperie
de
la
maison
du port,
 dont
 la
 réplique
 a
 été
 mise
 en
 scène
 par
 Jean
 Luc
 Courcoult,
 (La
 maison
 dans
 la Loire).
Ce
lieu
abandonné
est
devenu
attractif
et
demeure
maintenant
vivant,
en
dehors du
support
fédérateur
du
festival. Le
«
Jardin
Etoilé
»
(fig
74)
est
aussi
un
des
exemples
phares
de
cette
réappropriation. Kinya
Maruyama
a
installé
ici
une
structure
arpentable
faite
d’une
multitude
de
signes issus
de
l’environnement
estuarien
et
qu’il
a
réintégrés
dans
une
nouvelle
configuration. L’étonnement
 réside
 dans
 l’utilisation
 qu’en
 a
 fait
 la
 commune
 de
 Paimboeuf. L’emplacement
de
cette
sculpture
circonscrit
désormais
la
place
publique
du
village.
Un renouveau
urbain
est
ainsi
advenu.
Les
événements
qui
s’y
déroulent
–
comme
la
fête de
la
musique
‐
sont
autant
de
témoignages
de
ce
nouveau
sentiment
d’appartenance. Lorsque
l’on
s’y
ballade,
«
il
n’est
pas
rare
de
voir
des
mariés
s’y
faire
photographier
»66. On
 peut
 considérer
 ces
 différentes
 identifications
 aux
 œuvres
 comme
 des
 récits anecdotiques.
 Néanmoins,
 chacune
 des
 pérennisations
 estuariennes,
 instaure
 une transformation
urbaine
:
un
nouvel
espace
de
sociabilité.
La
libre
interprétation
qui
en
a été
proposée,
au
contraire
d’un
plan
urbain,
laisse
place
à
une
conscience
d’appartenir
à un
ensemble
fédérateur,
ici
généré
par
la
culture. L’œuvre
 d’Erwin
 Wurm
 «
 le
 bateau
 mou
 »
 a
 été
 renommée
 par
 les
 concitoyens
 et chaque
commune
met
en
avant
désormais
l’œuvre
qu’Estuaire
lui
a
apportée
comme
un monument.
 Ce
 phénomène
 n’est
 pourtant
 pas
 applicable
 à
 l’ensemble
 des
 œuvres. Certaines
 ne
 s’installent
 pas
 comme
 des
 landmarks
 aux
 yeux
 de
 ceux
 qui
 y
 vivent.
 Le pendule
 de
 Roman
 Signer
 par
 exemple

 fait
 aussi
 état
 d’une
 appropriation
 bien particulière
 qui
 ne
 passe
 pas
 par
 l’intérêt
 direct
 de
 la
 commune
 occupée
 par
 cette

65

propos
issus
d’un
habitant
sur
le
site
de
la
commune
de
Lavau‐sur
Loire
http://lavau‐sur‐loire.fr/Estuaire‐ 2009‐et‐ses‐equipements.html?recherche=L%27observatoire 66 
propos
issu
d’une
discussion
avec
un
habitant
de
Cordemais,
en
face
de
Paimboeuf
sur
l’autre
rive.


Figure 75 Le Pendule Roman Signer Appropriation

Figure 76 Lille 3000 ambition 2012 Tripostal, lieu d’exposition Google image


121

œuvre.
En
effet
(fig
75
),
il
est
le
lieu
d’une
zone
d’accueil
pour
«
les
gens
du
voyage
». Paradoxalement,
 c’est
 eux
 qui
 se
 l’approprient
 en
 vivant
 au
 rythme
 de
 ce
 pendule autour
duquel
ils
étendent
même
leur
linge…
Le
désintérêt
de
la
commune
peut
peut‐ être
 s’expliquer
 par
 le
 fait
 qu’elle
 possède
 déjà
 un
 certain
 nombre
 d’éléments patrimoniaux
 comme
 la
 cité
 radieuse
 de
 Le
 Corbusier
 ainsi
 que
 de
 plusieurs
 éléments architecturaux
et
équipements
culturels
remarquables.
Existe
aussi
la
multitude
d’offres que
 Nantes
 toute
 proche
 propose.
 Les
 plus
 petites
 communes
 de
 l’Estuaire
 sont
 sans doute
plus
réceptives,
ayant
peu
d’atouts
culturels
préexistants.
Elles
se
saisissent
alors avec
détermination
de
ces
symboliques
à
apprivoiser
pour
renforcer
leur
identité.

A2

Impact,
une
image
métropolitaine
? «
Je
suis
allé
là
où
il
y
avait
le
vent,
des
intérêts,
et
donc
de
l’argent,
si
les
collectivités territoriales
soutiennent
Estuaire,
c’est
qu’elles
sentent
que
cette
manifestation
pourra leur
 rapporter
 une
 image
 avec
 des
 retombées
 économiques
 directes
 et
 indirectes.
 »67. C’est
un
point
aussi
sur
lequel
 le
SCOT
insiste
clairement
:
«
Plus
elle
sera
visible,
plus elle
 pourra
 prétendre
 accueillir
 les
 sièges
 sociaux
 de
 grandes
 entreprises,
 attirer
 des chercheurs,
 développer
 des
 activités
 de
 conception
 et
 de
 direction
 qui
 ont
 un
 effet d’entraînement
sur
les
activités
de
production
et
de
services.
»
La
création
d’espaces
de consommation
 est
 souvent
 considérée
 comme
 une
 recette,
 sorte
 de
 formule
 magique qui
 aide
 à
 valoriser
 l’image
 locale.
 Ces
 espaces
 toutefois,
 même
 s’ils
 sont
 conçus
 à l’échelle
locale,
doivent
trouver
leur
place
au
sein
«
de
stratégies
urbaines
globales
»68. La
métropole
Nantes
–Saint
Nazaire
en
construction
développe
ainsi
sa
visibilité.
Laurent Théry,
 grand
 prix
 d’urbanisme
 201069,
 a
 été
 directeur
 de
 la
 SAMOA,
 Société d’Aménagement
de
la
Métropole
Ouest‐Atlantique.
Il
a
été
l’urbaniste
qui
s’est
occupé tout
 d’abord
 de
 Saint‐Nazaire
 ville‐port,
 puis
 ensuite
 de
 l’Île
 de
 Nantes,
 et
 enfin
 du projet
Eco‐métropole
Nantes/
Saint‐Nazaire.
Il
est
aujourd’hui
à
Lille
et
poursuit
le
projet d’EuraLille
avec
notamment
Lille
3000
(fig
76)
dont
il
est
l’investigateur.
Il
est
intéressant de
 situer
 ces
 deux
 projets
 sur
 une
 même
 ligne
 directrice,
 car
 ces
 villes
 affirment
 leur nouveau
statut
d’ensemble
européen
comme
une
marque,
un
sigle
dont
la
culture
serait 67

BLAISE
Jean,
Propos
cités
par
DELAVAUD
Laura,

«
un
art
contemporain
sur
mesure
»
dans
«
Estuaire,
Pour en
finir
avec
le
café
du
commerce
»,
Place
publique
Nantes
Saint
Nazaire,
n°16,
juillet
2009 68 
INGALLINA
Patrizia,
«
L’attractivité
des
territoires
»,
dans
l’attractivité
des
territoires
regards
croisés, créativité
et
attractivité
des
villes,
Actes
des
Séminaires,
fev‐juil
2007,
PUCA,
février
2009 69 
THERY
Laurent,
La
ville
est
une
figure
libre,
Sous
la
direction
de
Ariella
Masboungi,
Editions
Parenthèse
et Direction
générale
de
l’Aménagement,
du
logement
et
de
la
Nature,
Coll
Grand
prix
de
l’urbanisme,
2010


Figure 77 Plan et mutualisation des transports metropolitains mĂŠtrocĂŠane


123

le
 support.
 Laurent
 Théry
 considère
 que
 l’art
 contemporain,
 et
 la
 culture particulièrement,
 sert
 de
 levier
 d’aménagement.
 Un
 bref
 inventaire
 est
 nécessaire
 qui liste
 les
 projets
 au
 travers
 desquels
 Laurent
 Théry
 a
 fait
 progresser
 cette
 idée
 :
 celle d’une
métropole
à
géométrie
variable
et
avec
des
acteurs
divers
: ‐
 L’Acel
:
Association
communautaire
de
l’estuaire
de
la
Loire
réunit
les
grands
acteurs publics
 et
 a
 abouti
 à
 la
 mise
 en
 place
 de
 Métrocéane
 (fig
 77),
 un
 système
 de mutualisation
 de
 toutes
 les
 mobilités
 à
 l’échelle
 de
 la
 métropole.
 C’est
 l’élément territorial
le
plus
important
et
surtout
le
plus
palpable
par
les
habitants.
 ‐
Le
GIP
:
groupement
d’intérêt
public
Loire
Estuaire,
est
un
observatoire
indispensable pour
penser
l’avenir
du
fleuve
et
qui
développe
l’idée
d’autoroute
maritime
avec
le
port autonome. ‐
L’évolution
progressive
des
Chambres
de
commerce
et
leur
fusion
est
déterminante. ‐
La
revue
Place
 publique
 est
 le
 seul
 exemple
 d’une
 revue
 à
 l’échelle
 de
 la
 métropole. Elle
 a
 contribué
 à
amener
 cette
 idée
 de
 collectiviser
 les
 entités
 urbaines
 bien
 avant
 la fondation
 officielle
 du
 Scot.
 Elle
 est
 indépendante
 de
 tout
 support
 politique
 depuis 1997. ‐
 Atlantic
 Event
 est
 un
 organisme
 économique
 et
 touristique
 commun
 pour
 vendre
 la destination
Nantes,
Saint‐Nazaire,
La
Baule. ‐
La
Conférence
Métropolitaine
qui
en
est
à
sa
cinquième
édition. ‐Le
 Syndicat
mixte
 du
 Scot
 est
 enfin
la
première
institution
métropolitaine
à
 s’occuper d’un
territoire
à
cette
échelle.

On
peut
donc
dire
qu’Estuaire
2007,
2009
est
bien
l’expression
publique
et
culturelle
de la
mise
en
commun
des
potentiels
urbains
et
territoriaux
de
la
métropole. On
 peut
 voir
 que
 dans
 le
 projet
 de
 l’éco‐métropole
 Nantes/Saint‐Nazaire,
 Estuaire
 a essaimé
 quelques
 images
 qui
 s’inscrivent
 de
 manière
 réelle
 sur
 le
 territoire.
 Un
 des points
 qui
 semble
 très
 important,
 est
 celui
 des
 projets
 en
 cours
 de
 réalisation
 :
 les aménagements
des
rives
le
long
de
l’estuaire.
«
Des
projets
urbains
visant
à
concevoir
la ville
 dans
 un
 rapport
 privilégié
 au
 fleuve.
 Cette
 reconquête
 urbaine
 passe
 par
 la poursuite
de
grands
projets
emblématiques
(l’île
de
Nantes
et
Ville‐Port
à
Saint‐Nazaire),


Figure 79 Vues du train extraits d’un film personnel

Figure 78 La station Jean ProuvĂŠ doc.pers.


125

mais
aussi
par
une
«
contagion
»
sur
l’ensemble
des
rives
de
l’estuaire,
dont
attestent
la vitalité
et
la
qualité
des
projets
de
Couëron
à
Paimboeuf,
d’Indre
à
Rezé…
»70 L’exemple
 est
 ici
 flagrant
 d’une
 interdépendance
 totale,
 entre
 l’image
 révélée
 par
 la biennale
 dans
 tous
 les
 lieux
 cités
 où
 il
 y
 a
 eu
 interventions,
 et
 les
 futures
 projets
 de valorisation.
Difficile
alors
de
savoir
si
la
biennale
influence,
énonce,
par
un
autre
type de
discours
des
choix
dont
la
métropole
se
saisit,
ou
si
elle
est
l’expression,
l’outil
de
la diffusion
politique. La
 culture
 devient
 donc
 un
 élément
 non
 négociable
 dans
 la
 construction
 de
 cette métropole,
économique,
politique,
territoriale
et
bien
sûr
touristique.

B

Un
marketing
culturel
du
territoire

B1

Les
limites
d’une
formule
touristique «
Notre
discours
porte
sur
la
constitution
d’un
patrimoine
de
demain
dont
notre
région a
 besoin.
 »
 Seulement
 comment
 vit
 ce
 patrimoine
 en
 dehors
 de
 la
 temporalité
 de l’événement
?
Plusieurs
éléments
à
ces
moments‐là
sont
représentatifs
des
lacunes
d’un système.
Ils
démontrent
à
quel
point
Estuaire
est
un
outil
touristique.
Ces
remarques
me sont
personnelles
et
font
suite
à
une
visite
des
lieux
réalisée
en
octobre.
Les
discours
sur le
 fleuve
 comme
 une
 centralité
 et
 un
 moyen
 de
 percevoir
 le
 territoire
 en
 mouvement sont
 efficients
 pendant
 le
 temps
 de
 la
 biennale
 mais
 lorsqu’il
 s’agit
 au
 quotidien d’accéder
 aux
 sites
 de
 ce
 paysage,
 la
 chose
 se
 complique.
 A
 Nantes,
 l’édifice
 de
 Jean Prouvé,
 «
 La
 station
 »
 (fig
 78),
 remontée
 en
 2007
 au
 centre
 de
 l’île,
 est
 l’office
 du tourisme
particulier
d’Estuaire.
Hors
Estuaire,
il
n’est
ouvert
qu’un
jour
par
semaine.
Il est
par
ailleurs
impossible
de
circuler
sur
l’estuaire,
car
aucune
navette,
ni
instaurée
par le
festival
à
l’année,
ni
pérennisée
par
la
communauté
d’agglomérations,
ne
propose
de faire
 le
 lien
 entre
 les
 différentes
 haltes.
 L’infrastructure,
 condition
 d’arpentage
 de
 ce nouveau
patrimoine,
est
inexistante.
Seul
le
train
permet
une
mobilité
(fig
79).
Mais
de la
voie,
on
ne
peut
à
aucun
moment
ni

 percevoir
l’élément
liquide
dont
on
vante
tant les
 mérites,
 ni
 même
 atteindre
 les
 communes
 en
 question.
 Le
 circuit
 cyclable
 n’a
 pas non
 plus
 été
 reconnecté,
 ni
 vraiment
 étendu.
 Il
 longe
 seulement
 le
 canal
 de
 la 70

extrait
de
la
conférence
métropolitaine
2009,
«
La
réponse
des
élus
du
Syndicat
mixte
du
SCOT
aux citoyens
de
l’Atelier
de
la
métropole
Nantes
Saint
Nazaire
»,
septembre
2009


Figure 80 Canal de la martinière, cyclable. Estuaire


127

Martinière
sur
la
rive
sud
(fig
80).
De
là,
on
peut
certes
enfin
observer
quelques
unes
des réalisations
 sur
 l’autre
 berge.
 Il
 connecte
 bien
 certaines
 des
 œuvres
 mais
 pas
 les principales.
 Cette
 piste
 est
 empruntée
 depuis
 longtemps
 par
 les
 usagers
 de
 l’estuaire n’est,
 en
 aucun
 cas,
 une
 résultante
 de
 la
 biennale.
 Seule
 la
 signalétique
 et
 la cartographie
montre
la
réappropriation
par
Estuaire
de
cette
possible
mobilité. Que
 dire
 donc
 de
 cette
 infrastructure
 qui
 se
 veut
 durable
 dans
 l’impact,
 mais
 qui demeure
 plus
 qu’éphémère
 ?
 Certains
 l’argumenteraient
 par
 la
 volonté
 d’une infrastructure
 de
 la
 légèreté,
 respectant
 l’environnement,
 prônant
 la
 marche
 et
 la lenteur
naturelle
dans
la
découverte
du
paysage. Il
 est
 certain
 que
 les
 œuvres
 ne
 sont
 pas
 l’objet
 d’une
 visite
 quotidienne,
 ni
 par
 les locaux
ni
par
les
touristes.
Le
système
de
la
«
saison
»
éminemment
touristique
situe
cet entre‐deux
de
latence
(octobre
à
mai)
comme
sans
valeur
économique.
On
est
pourtant en
 droit
 d’attendre
 que
 ce
 qui
 est
 promu
 comme
 un
 nouvel
 espace
 public
 auquel
 on pourrait
 s’identifier,
 puisse
 être
 accessible.
 Or
 à
 Saint‐Nazaire,
 la
 «
 terrasse panoramique
 »
 n’est
 pas
 ouverte
 au
 public
 sauf
 le
 dimanche.
 Impossible
 alors
 de recomposer
 la
 «
 suite
 de
 triangle
 »
 de
 Felice
 Varini.
 Impossible
 aussi
 de
 monter
 au sommet
 et
 de
 résider
 dans
 «
 la
 Villa
 Cheminée
 »
 de
 Tatzu
 Nishi,
 ou
 d’observer
 la Centrale
thermique
comme
l’on
observe
une
carte
postale
!

Regardons
maintenant
quelle
est
la
participation
des
spécialistes
de
l’art
contemporain. Les
chiffres
ne
sont
pas
une
fois
de
plus
à
la
hauteur
des
enjeux
exprimés.
A
peine
300 personnes
 parmi
 les
 sommités
 du
 monde
 de
 l’art
 se
 déplacent
 pour
 participer
 à
 la manifestation.
 On
 est
 alors
 en
 droit
 de
 se
 demander
 quel
 est
 le
 statut
 de
 l’art
 dans Estuaire
?
Quand
l’œuvre
est
l’outil
même
du
marketing,
n’est‐elle
pas
dépossédée
de sa
qualité
première
«
d’œuvre
d’art
»
?
Cette
qualité
réside
t‐elle
dans
une
esthétique, une
 valeur
 critique
 ?
 C’est
 peut‐être
 dans
 ce
 rapport
 d’une
 vision
 distanciée
 et subjective
 par
 rapport
 à
 un
 réel,
 que
 nous
 pourrons
 faire
 se
 rencontrer
 les
 œuvres d’estuaire
 avec
 leur
 valeur
 dite
 artistique.
 Les
 œuvres
 se
 présentent
 ici
 comme
 les totems
 des
 lacunes
 d’un
 territoire
 qu’elles
 servent
 à
 révéler.
 Elle
 tendent
 la
 main
 aux nécessaires
aménagements
futurs,
aux
infrastructures
qui
pérenniseront
leurs
parcours


Figure 81 Images issues du film de communication du Voyage à Nantes Une étrange façon de revisité le patrimoine Nantais. LVAN.com Nantes Le lieu Unique Chateau des ducs de Bretagne La cathédrale


129

B2

2012,
Le
monument
dispersé,
un
guided
tour
culturel Nous
l’avons
vu,
Estuaire
est
un
archipel
d’éléments
patrimoniaux
qui
prend
racine
dans une
 politique
 culturelle
 forte
 qui
 le
 précède.
 Même
 si
 l’événement
 porte
 en
 lui
 les espoirs
 d’une
 mutualisation
 des
 territoires,
 Nantes
 conserve
 inévitablement
 la
 main mise
 sur
 la
 majeure
 partie
 des
 éléments
 artistiques.
 Elle
 possède
 déjà
 les
 structures pérennes
 d’une
 culture
 à
 la
 fois
 institutionnalisée
 et
 évènementielle.
 Elle
 n’a
 cessé
 de diversifier
ses
offres,
à
tel
point
qu’on
pourrait
l’accuser
de
gesticulation
culturelle.
Elle tente
 de
 s’effacer
 pour
 laisser
 Estuaire
 accomplir
 sa
 tâche
 réunificatrice,
 mais
 ne
 peut s’empêcher
 d’en
 avoir
 le
 monopole.
 Au‐delà
 des
 œuvres
 à
 ciel
 ouvert,
 elle
 connecte toutes
les
programmations
muséales.
On
le
voit,
lorsque,
pour
cause
de
financement,
la date
de
l’édition
2011
est
reculée.
Il
ne
s’agit
pas
d’une
décision
commune,
mais
bien
de celle
venue
du
Lieu
Unique,
de
Jean
Blaise,
et,
on
l’imagine,
de
Jean‐Marc
Ayrault.
Saint‐ Nazaire
est
prévenue
15
jours
seulement
avant
la
date
d’ouverture
officielle
de
la
saison estivale.
Elle
ne
peut
alors
qu’accepter
les
directives
de
sa
jumelle. Le
maire
Jean
Marc
Ayrault
a
autoproclamé
sa
ville,
Nantes,
capitale
européenne

 de
la culture
2012.
Or
Marseille
est
la
prochaine
ville
française
sélectionnée
en
2013,
et
non Nantes…
 L’effet
 d’annonce
 est
 un
 des
 atouts
 de
 la
 communication
 nantaise.
 Plusieurs articles
 ont
 d’ailleurs
 déjà
 paru
 avec
 pour
 titre
 :
 «
 Nantes
 Capitale
 Européenne
 de
 la Culture
». On
ne
peut
s’empêcher
de
rattacher
cet
effet
de
surprise,
qui
utilise
l’atout
culturel,
à l’échéance
des
présidentielles
2012.
Le
soutien
que
Jean‐Marc
Ayrault
revendique
pour François
Hollande
est
significatif.
Il
a
à
cœur
de
créer
un
événement
à
la
hauteur
d’un électorat
 conséquent
 et
 qu’il
 ne
 veut
 pas
 décevoir.
 L’élément
 conclusif
 de
 l’aventure Estuaire,
comme
un
outil
de
campagne
résolument
à
gauche,
est
le
monument
dispersé que
Jean
Blaise
continue
encore
à
ce
jour
à
concevoir.

Pour
 renforcer
 la
 formule
 Estuaire,
 vient
 de
 naître
 le
 nouveau
 concept
 de
 la manifestation
:
«
le
voyage
à
Nantes
»
(
fig
81)
ou
LVAN71,
Voici
comme
il
est
défini
: «
UN
PARCOURS
PERENNE
/
Le
Voyage
à
Nantes.
C’est
un
parcours
urbain
de
8,5
kms, du
 lieu
 unique
 à
 la
 pointe
 Ouest
 de
 l’Ile
 de
 Nantes.
 Sur
 votre
 chemin,
 laissez‐vous conduire
 d’une
 œuvre
 signée
 par
 un
 grand
 artiste
 d’aujourd’hui
 à
 un
 élément 71

http://www.levoyageanantes.fr/fr/le‐voyage‐a‐nantes/presentation/,
site
internet
qui
vient
tout
juste d’être
ouvert,
le
29
décembre
2011


Figure 81 Images issues du film de communication du Voyage à Nantes Une étrange façon de revisité le patrimoine Nantais. LVAN.com Les grandes Nefs Tour de Bretagne Musée de Nantes


131

remarquable
 de
 notre
 patrimoine,
 des
 «
 incontournables
 »
 de
 la
 destination
 à
 des trésors
méconnus,
d’une
ruelle
historique
à
une
architecture
contemporaine,
d’un
point de
 vue
 étonnant
 sur
 la
 ville
 à
 un
 incroyable
 coucher
 de
 soleil
 sur
 l’estuaire…Au
 total, c’est
 une
 trentaine
 d’étapes,
 d’Est
 en
 Ouest,
 réunies
 en
 un
 parcours
 sensible
 et poétique
 :
 Le
 Voyage
 à
 Nantes,
 c’est
 toute
 la
 multiplicité
 et
 la
 singularité
 d’un monument
dispersé.
»

Une
 impression
de
déjà
vu
?
Il
s’agit
pourtant
d’une
toute
nouvelle
structure
au
statut particulier.
 Unique
 en
 France,
 elle
 allie
 valorisation
 culturelle
 et
 développement touristique.
 Elle
 gère
 le
 musée
 à
 ciel
 ouvert
 d’Estuaire
 au
 travers
 de
 la
 délégation
 du service
 public
 Nantes
 Tourisme,
 tout
 comme
 le
 Château
 des
 ducs
 de
 Bretagne
 (fig 82)(dirigé
 par
 Bertrand
 Guillet),
 ou
 Les
 Machines
 de
 l’île
 (dirigées
 par
 Pierre Orefice).
 «
 Le
 Voyage
 à
 Nantes
 »
 est
 une
 société
 publique
 locale
 dont
 le
 capital
 est détenu
 par
 Nantes
 Métropole,
 la
 Ville
 de
 Nantes,
 la
 Région
 des
 Pays
 de
 la
 Loire,
 le Département
 de
 Loire‐Atlantique,
 la
 Ville
 de
 Saint‐Nazaire,
 les
 Communautés
 de Communes
Cœur
d’Estuaire,
Loire
et
Sillon
et
Sud
Estuaire.
Elle
bénéficie
également
du soutien
 de
 partenaires
 économiques
 et
 institutionnels
 du
 territoire.
 En
 effet,
 tous
 les principes
 que
 Jean
 Blaise
 a
 imaginés
 et
 testés
 dans
 le
 cadre
 d’Estuaire
 sont
 tout simplement
déplacés
et
adaptés
à
la
ville
de
Nantes.
Ceci
est
très
symptomatique
de
ce que
nous
avons
tenté
de
définir
durant
la
continuité
de
cette
démonstration,
c’est
à
dire dans
ce
rapport
tourisme
et
culture,
ambigu.
Dans
cette
gestion
des
territoires
dits
post‐ industriels,
 Jean
 Blaise,
 directeur
 artistique,
 puis
 conservateur
 artistique
 du
 territoire, «
 homme
 culture
 »
 de
 Nantes,
 revêt
 la
 double
 veste
 de
 Chargé
 de
 tourisme
 et
 de culture.
«
Nantes,
renversé
par
la
culture
»72.
 C’est
 le
 postulat
 de
 départ
 qui
 trouve
 ici une
résonance.
Comment
constituer
un
patrimoine
fragmenté,
disséminé
qui
contient
à la
 base
 un
 peu
 de
 ce
 qu’on
 nomme
 monument,
 tout
 en
 inventant
 un
 concept touristique
?
Que
devient
Estuaire
?

«
 Le
 voyage
 à
 Nantes
 »
 se
 réapproprie
 ses
 codes.
 Comme
 si
 le
 packaging
 que représentait
Estuaire,
dans
les
connections
 qu’il
 proposait
 entre
patrimoine
présent
et œuvre
ajoutée,
ne
suffisait
plus,
il
faut
l’entourer
dans
une
autre
formule.
Une
mise
en

72

Sous
titre
du
voyage
à
Nantes,
figure


Figure 81 Images issues du film de communication du Voyage à Nantes Une étrange façon de revisité le patrimoine Nantais. LVAN.com Les Géants. Royal Deluxe L’éléphants, La Machine LE théatre


133

abyme
 d’une
 formule
 touristique,
 qui
 connectera
 encore
 plus
 un
 archipel
 d’éléments sous
 le
 terme
 de
 culture
 et
 patrimoine.
 Huit
 œuvres
 pérennes
 vont
 s’ajouter
 à
 la collection
 du
 fleuve
 et
 à
 celle
 de
 ce
 nouveau
 monument
 dispersé.
 On
 observe
 une parfaite
 continuité
 dans
 la
 politique
 culturelle
 nantaise
 qui
 renforce
 toujours
 plus
 son offre
 et
 ses
 formules
 pour
 amener
 les
 gens
 à
 découvrir
 le
 territoire.
 Ainsi
 se
 renforce l’image
 de
 la
 métropole
 du
 grand
 ouest
 comme
 renouvelée
 et
 redécouverte
 par
 la culture.
Deux
points
de
vues
se
confrontent
alors
dans
cette
récupération
d’Estuaire
par le
 Voyage
 à
 Nantes.
 Est
 ce
 qu’Estuaire,
 ayant
 rempli
 son
 contrat,
 celui
 de
 la conscientisation
 de
 la
 métropole,
 passe
 le
 flambeau
 ?
 Ou
 est‐ce
 que
 Nantes
 veut
 se réapproprier
la
formule
pour
réaffirmer
son
rôle
central
? Mais
 la
 métropole
 devra
 sans
 doute
 néanmoins
 compter
 avec
 Saint‐Nazaire
 pour assumer
 pleinement
 ses
 enjeux.
 Faudra‐t‐il
 pour
 cela
 changer
 de
 modes
 de gouvernance,
 imaginer
 un
 seul
 représentant
 commun
 pour
 l’entité
 géographique
 de l’estuaire
 ?
 Homogénéiser
 les
 compétences
 et
 l’importance
 de
 chacune
 des
 polarités, démographiquement,
 est
 pour
 l’instant
 impensable,
 et
 à
 terme,
 pas
 forcément souhaitable.
La
culture
a
succédé
au
passé
industriel
et
naval
de
Nantes.
Sa
reconversion patrimoniale
 et
 identitaire
 en
 est
 le
 résultat.
 Saint‐Nazaire
 de
 son
 côté,
 représente toujours
 la
 force
 productive,
 navale
 et
 industrielle,
 maintenant
 environnementale
 par l’installation
 des
plateformes
d’éoliennes
 offshore
et
les
chantiers
de
ces
dernières.
 La complémentarité
 et
 la
 diversité
 de
 ces
 polarités
 spécifiques
 est
 donc
 la
 force
 de
 cette métropole.
 L’échange
 d’une
 attractivité
 et
 d’un
 rayonnement
 culturel
 nantais
 contre une
force
économique
en
action
nazairienne.


Figure 43 Lieu Unique. Christophe Catsaros


135

Nantes/
Saint‐Nazaire,
histoire,
géographie VAUTHIER‐VEZIER
 Anne
 L'estuaire
 et
 le
 port
 :
 L'identité
 maritime
 de
 Nantes
 au
 XIXe siècle,
rennes,
presses
universitaires
de
rennes,
2007
* DE
 BROSSARD
 Maurice,
 De
 Nantes
 à
 Saint‐Nazaire,
 L'estuaire
 de
 la
 Loire,ed
 France Empire,
1983 FABRIES‐VERFAILLIE
 Maryse,
 STRAGIOTTI
 Pierre,
 La
 France
 des
 Villes,
 le
 temps
 des métropoles
?
Ed
Bréal,
Coll
Divers
Universi,
2000 FOURNET
 Philippe,
 «
 les
 grands
 estuaires
 français
 :
 organisation,
 aménagement, environnement
»,
Patrimoines
 et
 estuaires,
 Actes
 du
 colloque
 international
 de
 Blaye (2005),
coll
Des
lieux
et
des
liens,
ed
confluences,
2006,
p.27‐37 BROCARD
Madeleine,
LECOQUIERRE
Bruno,
MALLET
Pascal.
“Le
chorotype
de
l'estuaire européen”,
Mappemonde
n°3,
GIP‐RECLUS,
1995 FRITSCH
 Bernard,
 «
 Nantes‐Saint
 Nazaire,
 métropole
 exemplaire
 ?
 »,
 in
 l’information géographique
n°4,
2006 Place
publique
n°11/
débat
Gouverner
 la
métropole
en
présence
de
Joél
Batteux,
maire de
Saint‐Nazaire,
Jean
Marc
Ayrault,
Nantes
et
Yves
Métaireaux,
La
Baule.

L’Estuaire
de
la
Loire In
Nantes
/
Saint‐Nazaire,
L’estuaire
de
la
Loire,
un
territoire
à
inventer,
Place
 publique, la
revue
urbaine,
n°3,
juillet‐aout
2007 ‐MESNARD
 André‐Hubert
 «
 Pour
 une
 gestion

 décentralisée
 du
 patrimoine estuarien
» ‐THERY
 Laurent,
 MAHE
 Stanislas
 «
 L’estuaire,
 matrice
 de
 la
 métropole, complémentarité
des
deux
polarités
de
l’estuaire
» ‐
RENARD
jean,
«
Où
en
sont
les
relations
entre
Nantes
et
Saint
Nazaire
»
débat
* In
Patrimoine
et
estuaires,
culture
‐
gestion
intégrée
–
développement,
Actes
du
colloque international
de
Blaye
(2005),
coll
Des
lieux
et
des
liens,
ed
confluences,
2006 ‐LAMY
Yvon,
«
L’estuaire
comme
frontière
»
p
9‐15 ‐TREMBLAY
 Dominique,
 «
 La
 mission
 val
 de
 Loire
 :
 un
 projet
 transversal
 au
 titre
 de paysage
culturel
qui
prend
en
compte
l’ensemble
du
fleuve
Loire.
»
p287‐293, ‐MENANTEAU
Loic,
«
L’importance
du
lien
historique
paysage
estuairien
/patrimoine culturel
comme
élément
de
valorisation
»
p77‐100


Figure 43 Lieu Unique. Christophe Catsaros


137

‐FAUCHERRE
Nicolas,
«
Le
patrimoine
militaire
des
estuaires
:
la
mise
en
valeur
par
la mise
en
réseau
»
p
293‐299 




 ‐
 DI
 MEO
 guy,
«
le
patrimoine,

 un
besoin
social
contemporain
»,
p101.
L’auteur
est professeur
de
géographie
et
directeur
du
laboratoire
ADES.

Saint‐Nazaire,
ville
port DOSSAL
 philippe,
 DE
 GRAVELAINE
 frédérique,
 MASBOUNGI
 Ariella,
 Saint‐Nazaire,
 ville port,
l’histoire
d’une
reconquête,
Hors
série,
Place
publique
2010.
* AIVP
(Association
internationale
ville
et
port)
,
Saint‐Nazaire
 ville‐port
1996,
délégation au
développement
de
la
Région
Nazairienne.
* GEIPEL
Finn,
Conférence,
le
projet
Alvéole
14,
transformation
de
la
base
sous‐marine
de Saint‐Nazaire,
12
décembre
2007
au
Pavillon
de
l’Arsenal
dans
le
cadre
d’1
architecte
,
1 bâtiment.
http://www.pavillon‐arsenal.com/videosenligne/collection‐4‐79.php
* SANTANGELO,
 Andrea.
 Le
 mur
 de
 l’Atlantique
 en
 représentation,
Gennaro
Postiglione (dir.)
 The
 Atlantic
 Wall,
 linear
 museum,
 EU
 Programme
 Culture
 2000,
 multigrafié, octobre
2005. PRELORENZO

 Claude
 «
 Patrimonialiser
 les
 bases
 de
 sous‐marins
 et
 le
 Mur
 de l’Atlantique
 »,
 In
 Situ
 [En
 ligne],
 16
 |
 2011,
 mis
 en
 ligne
 le
 22
 juin
 2011.
 URL
 : http://insitu.revues.org/312 DEMANGEON,
 Alain
 et
 FORTIER,
 Bruno.
 Les
 vaisseaux
 et
 les
 villes.
 Bruxelles
 :
 éditions Pierre
Mardaga
(collection
Architecture
+
Archives),
1978. VIRILIO
 Paul,
 Bunker
 archéologie
 (1975),
 Editions
 Galilée,
 collection
 l’espace
 critique, 2008 VIRILIO
Paul,
Architecture
cryptique,
Paris.
Ed
auteur
1965 RELLENSMANN
 Luise,
 The
 Atlantic
 Wall:
 An
 Uncomfortable
 Heritage
 Site
 with
 Dark Tourism
Activity,
2004

Politique
culturelle
Nantaise BONNERANDI
 Emmanuelle,
 «
 Le
 recours
 au
 patrimoine,
 modèle
 culturel
 pour
 le territoire
?
»,
Géocarrefour,
vol.
80/2,
2005 FLORIDA
 Richard,
 The
 Rise
 of
 the
 Creative
 Class
 :
 And
 how
 it’s
 transforming
 Work, Leisure,
Community
and
Everyday
Life,
New
York,
Basic
Books,
2002 DELAVAUD
 Laura

 «
 Espace
 politique/espace
 culturel
 :
 les
 intérêts
 d'une
 alliance
 », Terrains
&
travaux
2/2007
(n°
13),
p.
136‐148.


Figure 43 Lieu Unique. Christophe Catsaros


139

RIOUFOL
 Ivan,
 HERVOUËT
 Dominique,
 à
 Nantes,
 la
 culture
 en
 bataille,
 Le
 Figaro,
 2 décembre
2000 GRANDET

 M.,
PAJOT
S.,
SAGOT
DUVAUROUX

 D.
GUIBERT
G.,
Nantes
la
belle
éveillée,Le paris
de
la
culture.Les
éditions
de
l’attribut,
2010 DE
 GRAVELAINE
 Frédérique,
 La
création
prend
ses
quartiers,
 Les
 chroniques
 de
 l’Ile
 de Nantes
n°5,
Place
publique,
2011 CATSAROS
 Christophe,
 Le
lieu
unique,
Le
chantier
,
un
acte
culturel,
Nantes,
Actes
Sud, 2006 REGENT
J.J.
Nantes,
clefs
pour
le
futur,
Editions
de
l’aube,
Paris,
2006 Lvan.com

Estuaire,
la
biennale BLAISE
 Jean,
 BONNET
 Frédéric,
 LUNEAU
 Dominique,
 Estuaire,
 l’art
 et
 le
 fleuve, Gallimard,
2007 PROUTEAU
Eva,
«
le
rêve
du
minotaure
»,
dans
revue
303,
n°
106,
Estuaire
2009,
2009, p.78‐81 AWP,
Catalogue
de
l’exposition
parcours
dans
le
port
de
Dieppe,
le
temps
d’une
marée, the
tide
is
high,
dirigé
par
Marc
Armengaud
et
Alice
Schyler
Mallet,
2005,
Cybèle www.estuaire/info.fr Place
publique
n°4,
 débat
 Estuaire
révolution
ou
esbrouffe..
?Yves
Michaud,
philosophe, Jean
 Blaise
 l’homme
 culture
 de
 Nantes,
 Michel
 Lumeau,
 galeriste
 et
 éditeur
 de
 place publique.
2009 Place
publique
n°6,
«
Estuaire
:
Pour
en
finir
avec
le
café
du
commerce.
»,
2009

Dispositifs
et
Rapports
à
l’œuvre
d’art VERHAGEN
Erik,
«
Une
œuvre
praticable,
Dispositifs
individuels
»,
Habiter
Poétiquement, Catalogue
de
l’exposition
éponyme,
Lille
métropole
Musée
d’art
Moderne
et
d’Art
Brut, 2010, BOULANGER
 Christophe,
 «
 Capital
 d’absence
 »
 Lam,
 Habiter
 Poétiquement,
 Catalogue de
l’exposition
éponyme,
Lille
métropole
Musée
d’art
Moderne
et
d’Art
Brut,

2010, De
CERTEAU,
L’invention
du
quotidien,
Art
de
Faire,
coll
Folio
essais
ed
Gallimard,
2005, (1990)


Figure 43 Lieu Unique. Christophe Catsaros


141

BOUCHIER
 Martine,
 «
 Le
 corps
 à
 l’oeuvre
 »,
 Chris
 Younès,
 Philippe
 Nys
 et
 Michel Mangematin
[éd.],
L’architecture
au
corps,
Bruxelles,
Éditions
OUSIA,
1997,
p.
156. POINSOT
Jean‐Marc,
Quand
 l’œuvre
 a
 lieu
 –
 L’art
 exposé
 et
 ses
 récits
 autorisés
 (1999) Les
presses
du
réel
–
domaine
Critique
et
théorie
de
l'art,
2008 CHEREL
 Emmanuelle,
 Quand
 l’art
 travaille
 nos
 lieux
 communs,
 Place
 publique,
 n°16, Juillet
2009 KAEPPELIN
Olivier,
préface
de
L'Art
à
ciel
ouvert:
commandes
publiques
en
France
1983‐ 2007,
CROS
Caroline,
LE
BON
Laurent,
Flammarion:
Centre
national
des
arts
plastiques, 2008,
p6‐7. COQUELIN
 Anne
 in
 penser
 les
 réseaux
 sous
 la
 direction
 de
 Daniel
 Parrochia,
 paris Champs
 Vallon,
 2001
 p
 121.
reflexion
sur
l’art
dans
 l’espace
public
dans
 le
cadre
de
 la mise
en
place
de
la
ligne
du
tramway
de
Strasbourg.

Urbanismeterritoire
et
paysage ASCHER
François,
Métapolis,
ou,
l’avenir
des
villes,
Odile
Jacob,
1995.
p.237. LUSSAULT
 Michel,
 «
 Temps
 et
 récit
 des
 politiques
 urbaines
 »,
 Le
 Quotidien
 Urbain,
La découverte,
sous
la
direction
de
PAQUOT
Thierry,
2001 BERQUE
Augustin,
Etres
humains
sur
la
terre,
Gallimard,
Paris,
Coll.
Le
débat,
1996 LERESCHE
 Jean‐Philippe,
 JOYE
 Dominique,
 BASSAND
 Michel,

 Métropolisations
 : interdépendances
 mondiales
 et
 implications
 lémaniques,
Editions
Georg,
Genève,
1995. p.30 MAROT
 Sébastien,
 «
 Sub‐urbanisme/sur‐urbanisme
 »
 Marnes,
 documents d’architectures,
éditions
de
la
Villette,
Ecole
d’architecture
de
la
ville
et
des
territoires
de Marne‐la‐Vallée,
2011.
p.301‐353 CORBOZ
 André,
 MAROT
 Sébastien,
 Le
 Territoire
 comme
 palimpseste
 et
 autres
 essais, Editions
de
l’imprimeur,
collection
Tranches
de
villes,
2001 LACHMANN
 Jean,
 Le
développement
des
pôles
de
compétitivité
:
quelle
implication
des universités
?

in
Innovations
2010/3
(n°
33),
De
Boeck
Université MANGIN
David,
MASBOUNGI
Ariella,
Agir
sur
les
grands
territoires,
Le
Moniteur,
2009 SORIA
Y
MATA
Arturo,
La
Cité
Linéaire,
nouvelle
architecture
de
villes,
Centre
d’Etudes
et de
Recherches
Architecturales,
1979. SIEVERTS
 Thomas
 Entre‐ville:
 une
 lecture
 de
 la
 Zwischenstadt.
 Éditions
 Parenthèses, 2004.



143

THERY
 Laurent,
 La
 ville
 est
 une
 figure
 libre,
 Sous
 la
 direction
 de
 MASBOUNGI
 Ariella, Editions
 Parenthèse
 et
 Direction
 générale
 de
 l’Aménagement,
 du
 logement
 et
 de
 la Nature,
Coll.
Grand
prix
de
l’urbanisme,
2010 VERSTEEGH
 Pieter,
 KAUFFMANN
 Vincent,
 Méandres:
 penser
 le
 paysage
 urbain,
 PPUR presses
polytechniques,
2005
/
p.
117 QUERRIEN
 Anne,
 Zones
 d’attente,
 Multitudes,
 Devenir
 métropole
 2010/4
 n°43,
 p.108‐ 113* CHEMETOFF
 Alexandre
 et
 BERTHOMIEU
 Jean
 Louis
 ,
 L’île
 de
 Nantes,
 le
 plan
 guide
 en projet,
par
le
bureau
des
paysages,
Editions
Mémo,
Nantes,
1999 CHEMETOFF
Alexandre,
Le
plan‐guide
(suites),
Archibooks,
2010,
p.26 CLEMENT
 Gilles,
 le
 manifeste
 du
 Tiers
 Paysage,
ed
 Sujet/Objet,
 2003

 suite
 au
 travail effectué
pendant
le
festival
ESTUAIRES
au
sein
de
la
base
sous
marine. SOLA‐MORALES

Ignasi,
Terrain
vague,
Quaderns,
n°212,
1995,
p.
78. AUTRES
SOURCES Diagnostiques
des
différentes
communautés
d’agglomérations ‐AURAN,
Nantes ‐CARENNE,
région
Nazairienne ‐SCOT,
métropole
Nantes/Saint‐Nazaire Point
de
vue
de
la
presse
locale
et
régionale
accessible
depuis
www.presseocean.fr La
 revue
 trimestrielle
 Place
 publique
 Nantes
 /
 Saint
 Nazaire
 en
 place
 depuis
 2003, réinterrogeant
sans
cesse
leur
rapport
au
sein
de
la
métropole.


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.