JUNKPAGE L A C U LT U R E E N N O U V E L L E -A Q U I TA I N E
Numéro 63
JANVIER 2019 Gratuit
LE BLOC-NOTES
de Bruce Bégout
LA LUTTE INAUGURALE Sommaire 4 EN BREF 10 MUSIQUES
RICHARD BERTHOU & AYMERIC MONSÉGUR THIBAULT CAUVIN DU BLEU EN HIVER BRECHT EVENS & CHASSOL
16 EXPOSITIONS GUILLAUME CHIRON COÏNCIDENCES
22 SCÈNES LES 30 ANS DU PIN GALANT 30/30 FRANÇOIS GREMAUD MON TRAÎTRE NICOLAS BONNEAU DANS LES PLIS RÉSEAU 535 CROWD LE MOIS DE LA DANSE LE GRAND SOMMEIL MAY B
36 CINÉMA CHRISTINE CAMDESSUS
38 LITTÉRATURE 40 JEUNESSE 42 GASTRONOMIE 44 ENTRETIEN IXCHEL DELAPORTE
56 PORTRAIT MATHIEU FREAKCITY
Visuel de couverture :
Soin#3, 2016, Guillaume Chiron. « Petite peur sur la ville » [ Lire page 16 ] © Guillaume Chiron
Depuis plus d’un mois, un mouvement social identifié aux gilets jaunes parcourt la France et fait entendre partout sa voix, dans les centres-villes, les périphéries et les campagnes. Il est encore trop tôt pour analyser les raisons profondes de cette colère, sa composition sociologique, la nature de ses revendications. Ce qui est sûr, c’est que la plupart des gens qui glosent sur ce phénomène, plus de cinquante ans après mai 68, même parmi les experts en sciences sociales, en disent plus sur eux, sur leurs passions et leurs intérêts, que sur les gilets jaunes eux-mêmes. Car il y a quelque chose dans ce mouvement qui reste difficile à saisir. Certes, on voit très bien que l’écart entre les plus riches et les autres s’est creusé depuis le milieu des années 1980 et comment la logique néolibérale de réduction des dépenses de l’État, et de supposée augmentation du niveau de vie des travailleurs libérés ainsi des contraintes du droit du travail et des structures étatiques de la redistribution, s’est prise les pieds dans le tapis et ne tient pas vraiment ses promesses. Manifestement, réformes après réformes, la plus grande partie de la population française a le sentiment d’être laissée sur le côté de la route et de ne pas bénéficier de l’immense richesse créée depuis quarante ans par la réduction des coûts du travail et l’augmentation spectaculaire de la productivité. Mais, au-delà des demandes économiques et sociales (baisse des taxes, augmentation du SMIC et des retraites, justice devant l’impôt, lutte contre l’évasion fiscale, etc.), se manifeste aussi dans les diverses expressions du mouvement une revendication démocratique. Car, ce que nous vivons depuis le milieu du mois de novembre, c’est aussi une crise de la représentation, à savoir l’idée que les élus oublient les populations qui les ont fait élire et, coupés ainsi de la souveraineté populaire, poursuivent le plus souvent leurs propres intérêts, ceux de leur parti ou de leur portefeuille. Les invisibles s’insurgent contre ce décalage entre la représentation nationale et leurs exigences quotidiennes, comme si, au fond, les élus avaient reconstitué une sorte de classe à part, sourde aux demandes et aux besoins de la multitude qu’ils représentent. Cette critique de la représentation s’étend même à la classe des élites et des experts qui prétend diriger le bon ordre des choses ou le commenter doctement du haut de son savoir. Ce sont à la fois les classes dirigeantes économiques, politiques, médiatiques et techniques qui sont contestées dans leur être même comme ayant reconstitué une sorte d’aristocratie qui, au nom du prétendu bien commun, assure surtout le maintien de ses privilèges quasi de naissance eu égard à l’effondrement de la mobilité sociale entre les classes. Le tiers-état actuel, — à savoir ceux qui ne sont ni issus de la haute bourgeoisie ni des experts mandatés du statu quo —, ne réactive pas pour rien la symbolique révolutionnaire. Ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas un événement inédit ce que nous vivons depuis un mois, une telle colère et un tel soutien populaire, ce ne l’est que pour ceux qui, vivant dans une bulle d’autosatisfaction, n’y comprennent rien et affichent leurs mines ahuries sur les plateaux télé, essayant de se raccrocher à l’ancien monde, non ce n’est pas un événement, fulgurant, incompréhensible, non, tout ce qui se passe était prévisible, très prévisible, attendu, logique même. Il est même surprenant qu’il n’ait pas eu lieu plus tôt. En outre, un simple regard sur l’histoire sociale nous apprend que les gens qui, le plus souvent issus de ces classes moyennes préférant s’identifier à la classe des possédants qui les méprise ouvertement plutôt qu’aux classes inférieures avec lesquelles elles possèdent des intérêts et des pratiques communs, ne font rien que se plaindre de ces dernières, braillardes et mal élevées, alors qu’ils bénéficient le plus souvent des avantages politiques et sociaux acquis par ceux-là mêmes qu’ils critiquent et qu’ils oublient ensuite de remercier. Un peu, toute proportion gardée, comme ceux qui restent en arrière du front et moquent ceux qui y montent pour se faire casser la gueule, tout en bénéficiant de la paix pour laquelle ils ne font rien. En tout cas, après plus d’un mois de lutte, ce mouvement a plus fait pour la cause sociale et l’égalité que cinquante ans de négociations sages et raisonnables. Et ce n’est peut-être qu’un début. L’histoire reviendrait-elle ? Les rapports de force seraient-ils enfin de retour ? Contre la paix romaine du néolibéralisme impérial qui, de fait, impose partout la guerre de basse intensité contre les chômeurs, les retraités, les travailleurs pauvres et les migrants ?
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Inclus dans ce numéro le supplément 46e Festival international de la bande dessinée Angoulême JUNKPAGE est une publication d’Évidence Éditions ; SARL au capital de 1 000 €, 32, place Pey-Berland, 33 000 Bordeaux, immatriculation : 791 986 797, RCS Bordeaux. Tirage : 20 000 exemplaires. Directeur de publication : Vincent Filet / Secrétariat de rédaction : Marc A. Bertin / Rédaction en chef : redac.chef@junkpage.fr / Direction artistique & design : Franck Tallon, contact@francktallon.com / Assistantes : Emmanuelle March, Isabelle Minbielle / Ont collaboré à ce numéro : Julien d’Abrigeon, Didier Arnaudet, Bruce Bégout, Marc A. Bertin, Cécile Broqua, Henry Clemens, Joëlle Dubois, Guillaume Gwardeath, Olivier Pène, Henriette Peplez, Stéphanie Pichon, Joël Raffier, José Ruiz, David Sanson, Nicolas Trespallé / Correctrice : Fanny Soubiran / Fondateurs et associés : Christelle Cazaubon, Serge Demidoff, Vincent Filet, Alain Lawless et Franck Tallon / Publicité : Claire Gariteai, c.gariteai@junkpage.fr, 07 83 72 77 72 Sébastien Bucalo s.bucalo@junkpage.fr, 06 42 10 60 83 / Administration : Julie Ancelin 05 56 52 25 05, administration@ junkpage.fr Impression : Roularta Printing. Papier issu des forêts gérées durablement (PEFC) / Dépôt légal à parution - ISSN 2268-6126 L’éditeur décline toute responsabilité quant aux visuels, photos, libellés des annonces, fournis par ses annonceurs, omissions ou erreurs figurant dans cette publication. Tous droits d’auteur réservés pour tous pays, toute reproduction, même partielle, par quelque procédé que ce soit, ainsi que l’enregistrement d’informations par système de traitement de données à des fins professionnelles sont interDjs et donnent lieu à des sanctions pénales. Ne pas jeter sur la voie publique.
D. R.
INDUS
aSH est le dernier opus de la trilogie des portraits de femmes initiés par Aurélien Bory, Qu’est-ce que tu deviens (2008) et Plexus (2012). Dans cette trilogie, il questionne une femme qui a son histoire et qui se déploie par la danse. Dans Shantala Shivalingappa, il y a Shiva, dieu de la danse. Shantala a construit sa danse sur la figure de ce dieu dont la vibration rythme la manifestation du monde. Elle a dansé avec Pina Bausch et Sidi Larbi Cherkaoui et sa danse est faite de ce parcours entre Inde et Europe, entre mystique hindoue et physique quantique. Avec aSH, Shantala Shivalingappa danse au-delà d’ellemême.
SENSEÏ
À la suite de la parution en novembre de l’indispensable réédition de L’Homme sans talent aux éditions Atrabile, et pour compléter l’effort de ses confrères, les éditions Cornélius s’apprêtent à publier l’intégralité des œuvres de Yoshiharu Tsuge, peu traduites à l’étranger, mais dont l’influence a marqué durablement toute une génération d’auteurs. Prévue en sept volumes, cette anthologie débute en janvier avec la parution de l’ouvrage Les Fleurs pourpres, premier recueil regroupant douze histoires, parues entre 1967 et 1968. Un deuxième tome est déjà prévu pour août. www.cornelius.fr
aSH, c111, jeudi 17 janvier,
20 h 30, Auditorium, Agora Pôle National Cirque, Boulazac-IsleManoire (24750).
www.agora-boulazac.fr
Jean-Philippe Sarthou,
jusqu’au 3 mars, musée de la Création franche, Bègles (33130).
www.musee-creationfranche.com
« Quartiers modernes Frugès, les secteurs non bâtis »,
jusqu’au 27 janvier, Pessac (33600).
www.pessac.fr
Samedi 9 février, la Ville de Poitiers est heureuse de vous inviter à l’inauguration de la Villa Bloch, future résidence d’artistes. Visite commentée des lieux, expositions autour de Jean-Richard Bloch et de la Mérigote, rencontres avec les artistes et partenaires, concerts, lectures… Plusieurs animations seront proposées au public du 22 janvier au 23 février. Propriété de l’écrivain et intellectuel Jean-Richard Bloch (1884-1947), la Mérigote a été rachetée par la Ville de Poitiers en 2005. Véritable havre de paix dans un parc arboré de 2,4 ha dominant la vallée du Clain, la Villa Bloch possède un cadre propice à la création. www.poitiers.fr
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© Anton Raphael Mengs
RENOUVEAU
Marc Delmas
D. R.
© Yann Gachet
Saint Jack
TRIO
En janvier, Bordeaux Chanson présente le « très meilleur des Parties à trois », élu par les adhérents de l’association de promotion d’une certaine chanson française. Les « parties à trois » sont des expériences d’échange de répertoires de 3 auteurscompositeurs-interprètes qui ne se connaissaient pas avant et ont 5 jours pour créer un spectacle. Soit, le 17/1 : Guillo + Askehoug + Gérald Genty (cru 2014) ; le 18/1 : Pierre C + Eddy La Gooyatsh + Daguerre (cru 2015) ; le 19/1 : Marc Delmas + Bastien Lucas + Thibaud Defever (Presque Oui) (cru 2011). Le très meilleur des Parties à trois, du jeudi 17 au samedi 19 janvier, 20 h 33, Inox.
www.bordeaux-chanson.org
VENISE
Du 3 janvier au 30 mars, sur la scène du Petit Théâtre à Bordeaux, Éric Sanson incarne le personnage de Casanova dans une pièce unique, de Jean-François Lhérété, les jeudis, vendredis et samedis, à 20 h 30. « Giacomo Casanova est le prototype de l’homme du xviiie siècle. Hors du commun, esprit encyclopédique, il fait, dans la pièce, de la liberté son emblème, et de la recherche du bonheur terrestre son souci de prédilection. Fervent européen avant la lettre, il est en tout cela notre frère et notre contemporain. » Casanova (Un art de vivre),
jusqu’au samedi 30 mars, 20 h 30, le Petit Théâtre.
CULTES
Du 25 au 26 janvier, au cinéma Utopia, week-end cinéphile organisé par l’agence régionale ALCA en collaboration avec la librairie Mollat : « Redécouvrir Peter Bogdanovich ». Diffusion de deux splendeurs – The Last Picture Show (1971) et Saint Jack (1979) – en présence du critique et historien du cinéma Jean-Baptiste Thoret, auteur de l’ouvrage Le Cinéma comme élégie - Conversations avec Peter Bogdanovich (Carlotta Éditions), qui délivrera une conférence consacrée à ce pilier du Nouvel Hollywood, intime d’Orson Welles. « Redécouvrir Peter Bogdanovich »,
Utopia vendredi 25 janvier, 20 h 15, Saint Jack samedi 26 janvier, 11 h, The Last Picture Show ; 14 h, conférence de Jean-Baptiste Thoret.
www.cinemas-utopia.org
D. R.
Natif de Pau et désormais établi à Bordeaux, Jean-Philippe Sarthou obtient un CAP de prothésiste dentaire, puis un diplôme du conservatoire d’art dramatique et, enfin, un DUT carrières sociales. Après plusieurs emplois, il est aujourd’hui directeur d’une maison de quartier. Au fond de sa cave, retiré du monde, il peint et sculpte depuis 1999, utilisant tous types de matériaux : bois, plâtre, terre, os, huile, tissus, cire d’abeille et pigments. Cette exposition personnelle est la première qui lui est consacrée au musée.
La Ville de Pessac présente jusqu’au 27 janvier « Quartiers modernes Frugès, les secteurs non bâtis », réalisée par des étudiants de l’Université IUAV de Venise au sein de la Maison Frugès-Le Corbusier. Les planches de l’exposition mixent documents d’archives (notamment croquis et plans réalisés par Le Corbusier) et dessins numériques en 3 dimensions (créés par les étudiants) permettant de retracer les différentes étapes du projet urbanistique pensé par Le Corbusier. On y découvre le projet tel que présenté à Frugès en 1924 mais aussi les propositions qui suivront, notamment celles de 1925 et 1926.
Les Fleurs pourpres © Cornélius
RÉTRO
INÉDITS
© Aglae Bory
© Jean-Philippe Sarthou/ Photo Musée de la Création Franche
BRÈVES EN BREF
Agustin Berzero et Valeria Jaros
C. Doucet & D. Cote-Colisson, Opsiomasque
D. R.
Jusqu’au 17 février, arc en rêve centre d’architecture présente « Young Architects in Latin America », témoignage de la créativité architecturale en Amérique latine, en donnant un coup de projecteur sur une jeune génération prometteuse au regard de la scène internationale. Dynamisme, rapport au paysage, à la forêt en particulier, double héritage indien et moderne, engagement social, préoccupation environnementale, innovation constructive, diversité des approches et des pratiques, tel est le contexte dans lequel évolue la jeune architecture appelée à tenir un rôle important pour la conception des espaces de vie en Amérique latine.
URBANISME
SUDISTES
Le Vaste Monde #1, c’est celui des artistes, de leurs recherches, de leur cartographie, de leurs univers. « Vaste Monde #1 » ouvre un cycle d’expositions qui se propose de mettre en lumière le foisonnement d’artistes contemporains (Grégory Cuquel, Nicolas Delprat, Christophe Doucet & Dylan Cote-Colisson, Rachel Labastie, Thomas Lanfranchi, Louisa Raddatz, Nicolas Sassoon & Rick Silva, Lionel Scoccimaro, Laurent Terras) ayant en commun un lien personnel et/ou professionnel avec le territoire du sud de la Nouvelle-Aquitaine, avec le désir de créer et d’enrichir, au fil des éditions, ce corpus d’artistes.
LATINO
© Julie Balagué
© Studio Christophe Doucet
© Federico Cairoli
BRÈVES EN BREF
SPECTRE
« Sometime, I am a material explorer and other times I am its servant. This is my quest », Simon Raffy. Docteur en physique-chimie, Simon Raffy explore l’essence de la lumière depuis plusieurs années. Réfraction, interférences et maintenant polarisation et biréfringence sont autant de phénomènes exploités par l’artiste dans l’ensemble de ses créations. Entre les sciences, les arts, les technologies, le design, avec une pointe de mysticisme, la créativité sans barrière au service de la matière.
« Vaste Monde #1 », jusqu’au samedi
26 janvier, Villa Beatrix Enea et galerie Georges-Pompidou, Anglet (64600).
www.anglet-tourisme.com
« Young Architects in Latin America », jusqu’au dimanche 17
Simon Raffy, jusqu’au vendredi
www.arcenreve.com
baravinbordeaux.com
« Territoires de travail »,
jusqu’au mercredi 23 janvier, le 308 – Maison de l’Architecture.
www.le308.com
©Guy Labadens
S. Bancon, C. Mouriec et P. Uzcudun
© Cie La Nuit Venue / Collectif REVLUX
25 janvier, Le salon Xanadu, Hôtel des Quinconces.
février, galerie blanche, arc en rêve.
Odyssée meurtrière à la première personne d’un pervers sadique, Maniac conserve près de quarante ans après sa sortie tout son potentiel de film d’horreur culte des années 1980, bénéficiant pour le meilleur comme pour le pire d’une réputation de film extrême, révulsant, dérangeant et malsain. Dans ce parcours sanglant d’un tueur, incarné par le massif et impressionnant Joe Spinell, William Lustig abandonne le principe de la caméra subjective sans pour autant lâcher son anti-héros… Lune noire : Maniac,
lundi 7 janvier, 20 h 45, Utopia.
lunenoire.org
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La nouvelle équipe du Théâtre des Chimères lance sa première création Antigone à corps perdus, le 23 janvier aux découvertes – Théâtre des Chimères. Deux frères, Étéocle et Polynice, se sont livré une guerre mortelle pour le trône de Thèbes. Créon, leur oncle et nouveau roi, décrète que seul Étéocle recevra une sépulture tandis que le corps de Polynice, qui a fait appel à des armées étrangères pour tenter de s’emparer de la ville, sera abandonné aux vautours. Antigone, leur sœur, refuse de se soumettre à la loi du roi et par respect pour les usages et les dieux, enterre le corps de son frère. Arrêtée et jugée, elle est condamnée à être emmurée vivante dans une grotte. Antigone à corps perdus, Théâtre des Chimères, les samedis 26 janvier, 2 et 9 février, 20 h 30, les dimanches 27 janvier, 3 et 10 février, 17 h, Les découvertes, Biarritz (64200).
Immeuble de la Bauhaus à Dessau
HUNDERT
Du 17 janvier au 22 avril, le GoetheInstitut de Bordeaux accueille l’exposition « Architectures du Bauhaus ». Il s’agit d’un point de départ du centenaire de la naissance du mouvement Bauhaus, qui sera célébré tout au long de l’année 2019, et en résonance avec le festival inaugural à Berlin. L’occasion de découvrir le photographe munichois Hans Engels. Vernissage jeudi 17 janvier, à 18 h 30, en présence de l’artiste, le tout habillé d’un « currywurst » DJ-set de l’i.Boat. « Architectures du Bauhaus », Hans Engels, du jeudi 17 avril au lundi 22 avril, Goethe-Institut. www.goethe.de
© Hans Engels
D. R.
TRAGIQUE EFFROI
Le 308 – Maison de l’Architecture accueille « Territoires de travail » produite par Bordeaux Métropole et La Fab (La Fabrique de Bordeaux Métropole). L’appel à manifestation d’intérêt (AMI) AIRE (aménager, innover, redessiner, entreprendre) met à l’honneur des sites de projets localisés sur 8 communes de la métropole bordelaise. L’exposition présente les projets élaborés pour ces sites par 18 groupements rassemblant promoteurs, architectes, paysagistes, bureaux d’études et futurs utilisateurs. En parallèle, les travaux de 3 photographes – Camille Richer, Julie Balagué et Maitetxu Etcheverria – sur ces secteurs de l’AMI AIRE.
NETWORK
Deux amis, Olive et Gogo, réalisent ensemble de petites vidéos. Ils ont créé une chaîne sur Internet pour les diffuser. Le public assiste au tournage de nombreux sketches. Mais un débarquement soudain de milliers d’internautes affecte l’écosystème enfantin des deux copains. Dans ce spectacle, Gauthier David et Olivier Galinou proposent une réflexion sur nos usages des réseaux sociaux, la propagation viscérale de notre image, notre besoin permanent d’une confirmation de la valeur de notre existence. Surtout ne pas finir comme un curly de lendemain de fête, Cie La Nuit Venue / Collectif REVLUX, du jeudi 10 au dimanche 13 janvier, 20 h 30, sauf le 13/01, à 16 h, Lieu Sans Nom.
L’inénarrable Jérôme Rouger revient avec cet abécédaire de la séduction foutraque et incisif. L’art de plaire, plaire à l’autre mais aussi à soi, pour des motifs pas toujours avouables... Un abécédaire où l’on croise Mike Brant, mais aussi Roland Barthes et Yvette Horner, un abécédaire en forme de parcours exploratoire où Rouger n’épargne personne et surtout pas lui-même. De monologue en poème, de chansons en exposé... un voyage caustique et franchement hilarant dans ce mystérieux pays du désir. Et si cet impérieux besoin dirigeait le monde finalement ?
CHANCE
Après les ballades médiévales de Nombrer les étoiles, voilà qu’avec Fix Me Alban Richard, chorégraphe à la tête du CCN de Caen en Normandie, s’intéresse à une tout autre énergie sonore : celle de prêches d’évangélistes américaines, de discours politiques et de chansons de hip-hop féministes. Construite telle une symphonie classique, cette création pour quatre danseurs interroge à nouveau les rapports structurels entre musique et danse mais cette fois en dialogue avec les synthés vibrants et les boîtes à rythmes énergiques d’Arnaud Rebotini.
JOIE
La vaillante structure, La Petite Populaire, est plus que fière de recevoir L’Ocelle Mare, le 12 janvier, dans un lieu encore tenu secret. Entre musique expérimentale et installation sonore, L’Ocelle Mare est le projet solo de Thomas Bonvalet, bien connu de la scène underground bordelaise des années 2000. Ses disques sous cet alias ne ressemblent à rien de connu et ses concerts, d’une intensité bouleversante, sont capables de changer votre vision de la musique à tout jamais. Sans mentir. L’Ocelle Mare, samedi 12 janvier. www.facebook.com/pg/ lapetitepopulaire
Fix Me, conception & chorégraphie Alban Richard, jeudi 17 janvier, 20 h, La Manufacture-CDCN.
www.lamanufacture-cdcn.org
[Plaire] ou l’abécédaire de la séduction, Cie La Martingale/Jérôme Rouger, mardi 15 janvier, 20 h 30, Le Galet, Pessac (33600).
Lionel Marchetti
FRÉQUENCE
PAGES Zach Condon of Beirut
MASSIF
Désormais sous pavillon Live Nation, la grand-messe lot-etgaronnaise Garorock dévoile les 14 premiers noms de sa 23e édition. Soit Macklemore, Christine and The Queens, Paul Kalkbrenner, Sum 41, Roméo Elvis, Dima aka Vitalic, Thérapie Taxi, Columbine, Beirut, Vald, Jahneration, Aya Nakamura, Bagarre et Georgio. Plateau grand public, camping amélioré, restauration à choix multiples, animations à foison, le rendez-vous de Marmande s’envisage dorénavant comme une expérience…
Les Lullies
YEAH !
Garorock,
Fini les conneries, voilà Les Lullies ! Entre garage, punk et rock’n’roll, simplicité, rapidité, brutalité et crétinisme de bon aloi. Formation à Montpellier – Georges Frêche represent – en juin 2016, premier EP en 2017 sur le label barcelonais Discos Meteoro, puis un second chez Slovenly Records, maison de qualité nord-américaine, avant publication à l’automne dernier de leur premier album. Des tournées inlassables, des festivals à la pelle, une réputation dépassant les cercles d’initiés, du sang, de la sueur et des torrents de larmes d’amour…
www.garorock.com
mercredi 16 janvier, 19 h 30, Athénée libertaire.
du jeudi 27 au dimanche 30 juin, Marmande (47200).
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L’ALAM (Association Les Amis du Livre ancien et moderne) et le SNBB (Syndicat national des Bouquinistes et des Brocanteurs) organisent la 14e édition de ce salon du livre ancien. La manifestation propose des livres très anciens ou plus récents, du régionalisme, de la littérature enfantine, des ouvrages sur le voyage, sur les sciences et tous autres sujets intéressants et captivants. S’y côtoient éditions rares, BD anciennes, cartonnages des romans de Jules Verne, vieux papiers, gravures, belles illustrations, élégantes reliures…
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14e salon du livre ancien,
du samedi 19 au dimanche 20 janvier, 10 h—19 h, salle capitulaire, cour Mably.
Les Lullies + Guest,
© Slovenly Records
D. R.
© Shawn Brackbill
www.pessac.fr
Dans le cadre du programme Égalité des chances, l’éstba propose deux stages gratuits : du lundi 18 février au vendredi 1er mars et du lundi 15 avril au vendredi 26 avril. Ils s’adressent à chaque fois à 10 jeunes, 5 filles et 5 garçons, et se déroulent dans les locaux du TnBA et de l’éstba. Ce projet cherche ainsi à faciliter l’accès à l’information et à la formation pour permettre l’émergence de vocations et talents inhibés par des conditions sociales ou géographiques défavorables. Inscription jusqu’au 18 janvier. www.tnba.org
La semaine du son est un événement organisé par le centre d’animation Saint-Pierre de l’Association des centres d’animation de quartiers de Bordeaux dans le cadre de la 16e édition de la manifestation nationale « La semaine du son », parrainée cette année par l’immense Jordi Savall. Elle se déroule du 21 au 25 janvier pour les scolaires et du 25 janvier au 2 février pour tous. Tout a lieu au centre d’animation SaintPierre (4 rue du Mulet, Bordeaux), sauf le mardi 29, au cinéma Utopia. La semaine du son,
du lundi 21 janvier au dimanche 2 février, centre d’animation Saint-Pierre.
www.acaqb.fr
© Orelie Grimaldi
AMOUR
GROOVE
©Laurent Orseau
©Maxime Debernard
Alban Richard & Arnaud Rebotini
© Pierre Planchenault
©Agathe Poupeney
BRÈVES EN BREF
Saint-Médard Blanquefort
en 2019 destination Yannick Jaulin (LA)HORDE Camille Rocailleux Pierre Guillois Turak Théâtre Frédérick Gravel Kader Attou Compagnie Anomalie &… Frédéric Ferrer Aldebert Feu! Chatterton Collectif a.a.O El Nucleo …
carrecolonnes.fr carrecolonnes
Atelier Poste 4
100% spectacles
© JodyHartley
MUSIQUES
PeterHook
BORDEAUX ROCK Depuis 2004, l’association bordelaise porte à bout de bras le passé, le
présent et le futur des musiques amplifiées selon le lexique du ministère de la Culture et de la Communication. Une stupéfiante longévité en dépit du temps qui passe et des obstacles qui volent en rafale. Cela valait bien une causerie avec Richard Berthou et Aymeric Monségur au nom de cette histoire loin de s’arrêter. Propos recueillis par Marc A. Bertin
LA GENÈSE ET LA SUITE À l’origine ?
Richard Berthou : Une crise de quadras et de
quinquas ayant connu leur heure de gloire dans les années 1980. Plus sérieusement, le désir de publier une compilation « somme » avec un livret retraçant la singulière histoire du rock bordelais depuis la fin des années 1970. L’association comptait en son sein un canal « historique » ayant à cœur d’œuvrer pour ce patrimoine. Un premier festival à guichet fermé, de bonnes ventes du CD et nous voilà les premiers surpris ! N’ayant aucune stratégie de longue durée, dès lors, que faire ? On a donc rendu hommage à la scène de la décennie suivante, tout en jetant un regard sur ce qui se passait en ville. Aymeric Monségur : À la chronique s’est greffé l’instantané ; une démarche assez hybride. Comme au début nous vendions bien les disques, nous avions décidé de publier une compilation par semestre, puis une espèce de fanzine. En outre, nous avons su intelligemment surfé sur l’engouement du revival rock ou du teenage rock, puis, nous nous sommes penchés sur les musiques électroniques souhaitant lier toutes les générations. Nous étions les premiers en 2008, à une époque dépourvue de collectif dédié au genre, à organiser de grosses soirées electro, dont celle mythique au défunt 4Sans. Tout n’a pas été facile, de la crise du disque à l’usure des bonnes volontés, non ? A.M. : Depuis 2015, nous n’éditons plus de compilations alors qu’avant les formations programmées à la soirée Rock en ville y figuraient toutes. Il est révolu le temps des têtes de gondole au Virgin ou à la Fnac pour Noël.
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R.B. : 2012 a vu le départ d’un gros contingent
d’historiques du bureau de l’association… A.M. : …sans oublier le fiasco de notre festival au Palais des Sports en septembre 2012, on était accablé de dettes, en conflit avec la Rock School Barbey, le 4Sans avait fermé en juin 2011 et, paradoxalement, l’asso a rajeuni, on a quitté Bègles pour le centre-ville de Bordeaux, on est passé d’un bureau foutraque à 4 personnes. Malgré l’adversité, on a fait des soirées « Ici Paris », accompagné des talents locaux à Paris, organisé des espèces de tournées en Italie et en Espagne, monté 3 éditions du French Pop Festival, puis les Plages Pop au Cap-Ferret. L’arrivée de l’i.Boat, en 2013, fut un ballon d’oxygène, on Richard Berthou a pu recommencer à s’ouvrir au national comme à l’étranger. R.B. : Néanmoins, le pilier demeure Bordeaux Rock à travers les années même si notre souci permanent, c’est le nomadisme. On a toujours pâti d’un manque de lieu.
publics. Ouvrir un lieu, c’est tout sauf une partie de plaisir, tu fais vite de l’hôtellerie de nuit ; un sacerdoce. Dans ces conditions, peut-on faire ce que nous faisons ? C’est un tout autre métier. En résumé, quelle est la formule de Bordeaux Rock ? R.B. : L’itinérance et les grandes salles, sauf qu’avec le temps, les lieux disparaissent et les survivants sont de plus en plus petits pour accueillir du live. On a péniblement pu trouver 8 lieux cette année. A.M. : On a quand même la chance de bénéficier de la réouverture de la salle des fêtes du Grand Parc. R.B. : Les scènes émergentes sont dans les lieux privées. L’i.Boat est plus dans la prospective que les SMAC de la Métropole, c’est le paradoxe de l’époque. Cela dit, cela n’a rien de spécifiquement bordelais. Le problème était identique il y a 15 ans…
« La plateforme existe, libre à chacun de s’en servir. On fait simplement partie de ce qui se passe en ville, alors qu’il y a 10 ans, on passait pour des blaireaux… »
Jamais eu envie d’avoir votre bouclard ? R.B. : Soit tu trouves sans acheter, soit tu as les clefs d’un endroit, or ce n’est pas le cas ni l’humeur du temps ; je parle ici de lieux
Et pour ce qui relève de la méthode ? A.M. : Quand j’avais 25 ans, j’assistais à tous les concerts de tous les groupes programmés. Désormais, j’ai de jeunes scouts qui me renseignent et en qui j’ai totalement confiance. R.B. : Aujourd’hui, l’émiettement des styles est colossal. Dans le rock comme ailleurs, il règne une pléthore de sous-genres, un nouveau
IBOAT
L’EQUIPAGE VOUS SOUHAITE UNE TRÈS BELLE ANNÉE 2019 !
CONCERTS © Daniela Vorndran
16.01
Terence Fixmer et Douglas Mccarthy
chaque saison. Il est ardu de définir le son de la ville. A.M. : On pourrait aussi avancer que l’on vit dans un constant retour de hypes. L’an passé, le shoegaze. Cette année, le trip hop et le psyché à l’image du collectif Flippin’ Freaks, dont l’une des figures les plus en vue est TH Da Freak. Ils sont une quinzaine, chacun a son groupe, tout le monde joue avec tout le monde et ils sont tous bons ! 15 ans plus tard, Bordeaux Rock estelle toujours utile ? R.B. : Nous ne sommes ni une institution, ni invisibles. Notre légitimité, c’est ce rendez-vous qui offre un coup de projecteur, attire l’attention des médias et du grand public. On n’a peut-être qu’une légitimité technique, mais c’est déjà ça. Quand nous éditions les compilations, cela ouvrait les droits SACEM des groupes, un début de professionnalisation. A.M. : Les programmateurs viennent toujours faire leur « marché » pendant le festival. C’est un passage obligé, qu’on le veuille ou non, et une belle vitrine. Petit Fantôme ou Mars Red Sky sont passés par Bordeaux Rock. Sans se vanter, nous n’essuyons aucun refus. Un tourneur comme Jimmy Kinast de 3C insiste pour que ses poulains jouent à Bordeaux Rock. R.B. : La plateforme existe, libre à chacun de s’en servir. On fait simplement partie de ce qui se passe en ville, alors qu’il y a 10 ans, on passait pour des blaireaux… Le pire et le meilleur en 15 ans ? R.B. : Évidemment, la toute première édition du festival avec Les Corbeaux du Reichstag ; Les Standards sur la scène de Barbey en 2006 ; Bertrand Burgalat et Laetitia Sadier au 4Sans ; Parris Mitchell ; Rendez-Vous… A.M. : Petit Fantôme, dont on a publié le premier EP, que j’ai rattrapé par la manche alors qu’il voulait tout arrêter ; le premier Teenage Rock à Barbey, une aventure humaine incroyable, j’en ai pleuré lorsqu’ils m’ont demandé de monter sur scène ; la rencontre avec Hercules & The Love Affair, Hello Sunshine, Tender Forever ; Kap Bambino au capc, l’album Maybe Everything That Dies Someday Comes Back de The Artyfacts, ces gamins avaient 16 ans et ont tous poursuivi dans des groupes comme Cockpit,
un grand disque pop… R.B. : Sinon, le plus dur, c’était la scène garage. Des postures à la con. À leurs yeux, nous n’étions que des vendus même s’ils trépignaient de venir jouer à Bordeaux Rock… Rétrospectivement, quelle figure aurait dû tout exploser, mais rien au bout du compte ? A.M. : Tender Forever. C’était Christine & The Queens dix ans avant et tellement mieux. Trop originale, trop en avance. Pas pour rien qu’elle figure au programme des 15 ans après son super retour l’été dernier à la salle des fêtes du Grand Parc. Justement, que va-t-on déguster pour cette célébration ? R.B. : Une synthèse entre passé et futur. Et c’est rassurant que le passé soit encore vivace. La venue de Patrick Codenys de Front 242 me fait plus que plaisir, au-delà de ma passion pour l’EBM, il y a une vraie transmission. La soirée du 26 janvier, c’est un peu la grande fête du peuple rock bordelais avec le projet de King Khan, Louder Than Death, qui invite Magnetix et Fredovitch en backing band de luxe. Une sorte de revival de nos kermesses passées. A.M. : On souhaitait des noms qui claquent pour fêter ces 15 ans et marquer le coup. Peter Hook, ça fait huit ans que je le traque. Thurston Moore, j’ai cassé ma tirelire, mais c’était tellement génial au capc. Terence Fixmer et Douglas McCarthy (ex-Nitzer Ebb), c’est rare et ça va faire sensation. Après, janvier, c’est hyper-compliqué, les groupes ne tournent pas beaucoup, les Américains encore moins. Cela manque singulièrement de présences féminines ? R.B. : Il faut venir le 24 janvier, dès 20 h, à L’Avant-Scène, applaudir Pointpointvirgule, Atomic Mecanic et Big Meufs. Il y a aussi Aya, Clara et les Chic Freaks… Après, c’est un fait, la représentation féminine dans l’histoire du rock bordelais est hélas moindre que celle des moustaches.
MARC REBILLET COMPLET
23.01
PETER HOOK & THE LIGHT
NEW ORDER /JOY DIVISION – SALLE DES FÊTES DU GRAND PARC
25.01
BORDEAUX ROCK : TENDER FOREVER MILOS ASIAN BORDELLE & MARTIAL JESUS DJ SET
CLUBS 04.01
JEREMY UNDERGROUND DEEPUNDER
05.01
MOOMIN, SIR GUI YOUGO
10.01
JOVEM OLFFMANN
11.01
ELECTRIC RESCUE AURA-1 ASIER
12.01
NOUVEAUX MONDES : VOILAAA SOUNDSYSTEM LIVE JEAN TALU RIGO
17.01
COSY : CAPITAINE ROSHI, YEONG MICHIN YOO YOUNG
19.01
ACID RENDEZ-VOUS : PEPE DEL NOCHE ALEX FROM GALAX SUPERLATE
24.01
LA JIMONIÈRE : BWI BWI OBSIMO NOKE
25.01
BORDEAUX ROCK : TERENCE FIXMER / MC CARTHY, PATRICK CODENYS FRONT 24
MICROKOSM & DEPARTED
26.01
SUPER DARONNE : NU GUINEA LIVE
31.01
FUTURE SOUND : JAËL, A-STRVYT SAN J
18.01
BANZAI LAB : BAJA FREQUENCIA MISS CHEMAR
Bordeaux Rock #15,
du mercredi 23 au dimanche 27 janvier.
www.bordeauxrock.com
I.BOAT BASSIN À FLOT 33000 BORDEAUX
Billetteries : www.iboat.eu, Fnac & Total Heaven
Thomas de Pourquery © Edward Perraud et Thomas de Pourquery
MUSIQUES
DU BLEU EN HIVER Avec 26 concerts,
toute la diversité du jazz et des musiques improvisées se déploie entre Tulle et Brive pour la 14e édition du festival.
Porté par la nouvelle scène nationale qui inaugure ainsi sa première saison, Du Bleu en hiver initie cette année un partenariat renforcé qui dépasse les limites de la Corrèze, pour vibrer jusqu’à Boulazac et son Agora. Et les découvertes possibles inscrites dans la programmation contiennent autant d’hommages (Charlie Parker, Leonard Bernstein, le jazz New Orleans des années 1930...) que de concerts performances et de spectacles à l’heure de la soupe avec « Midi en musiques ». Le projet artistique convoque d’ailleurs les arts de la scène et le jeune public avec Ikui Doki qui réunira, autour du saxophoniste Thomas de Pourquery, une formation s’adressant aux enfants dès 6 ans, à travers une création « entre jazz et impressionnisme », intitulée Tapanu Taka. Une fantaisie insolite et cocasse revisitant un répertoire de musique française du début du xxe siècle fricotant avec le free jazz. Difficile à imaginer, et inscrit dans la ligne artistique du festival qui s’ouvrira sur l’orchestre de musiciens-chanteurs de l’Organik Orkeztra et le spectacle Ritual. Douze interprètes pour une création alliant chants basques traditionnels, jazz et même des textures plus classiques. La revue de détail de la programmation pourrait ainsi s’étaler sur plusieurs colonnes. Retenons ici la prestation de la jeune scène jazz et improvisée de Lyon, qui, à travers le collectif The Very Big Experimental Toubifri Orchestra, imprimera la marque de la folie douce. Les dix-huit musiciennes et musiciens s’avèrent des artistes complets fusionnant joyeusement musiques et disciplines. Comprenez que les acrobaties ici ne sont pas que musicales. Plus tard, le trio du violoncelliste Vincent Courtois réunit, autour de celui qui côtoya Portal, Kühn et Greaves, les saxophones de Daniel Erdmann et Robin Fincker dans Love of Life, et une musique inspirée par l’œuvre de Jack London. À signaler aussi ce clin d’œil au travail de Bird avec Ornithologie par le trio Un Poco Loco qui dans Feelin Pretty improvise également un coup de chapeau à West Side Story. Le saxophoniste Émile Parisien, pour sa part, saisit l’occasion des dix ans de son quartet pour tirer un feu d’artifice autour de ses 3 Victoires du Jazz (2009, 2014 et 2017). Sons of Love est le titre du dernier album, publié en 2017, du saxophoniste chanteur Thomas de Pourquery ainsi que celui de sa dernière création. Dans la trajectoire libre de cet inclassable, on pointe sa quête de transcendance entamée avec son groupe Supersonic autour de Sun Ra. Signalons encore le trio Three Days of Forest, lauréat jazz migration 2019, et le répertoire de protest songs électriques portées par la voix d’Angela Flahault. Ou la création de la pianiste Ève Risser, à la lisière de la musique de chambre et de l’orchestre jazz, ainsi que le finale avec l’inclassable quatuor Chromb, et cette énergie grouillante pas loin des ambiances de Soft Machine et The Residents. Ou enfin le charme trouble et puissant du trio Garibaldi Pop. De quoi donner des couleurs à l’hiver. Pour le coup, ce sera le bleu. José Ruiz Du Bleu en hiver, du jeudi 24 janvier au samedi 2 février, Brive (19100) et Tulle (19000).
dubleuenhiver.fr
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© Brecht Evens - Actes Sud
CORRÈZE IN BLUE BRECHT EVENS & CHASSOL La bande dessinée,
particulièrement américaine, apprécie les mélanges d’univers et on ne finira jamais de se délecter de ces croisements improbables qui ont donné lieu à des créations d’œuvres aussi délicieuses que Superman vs Mohammed Ali ou autre Batman vs Aliens.
L’ULTRABANDE Les concerts de dessin ne sont-ils pas une manière de prolonger ce plaisir coupable du crossover en cherchant à télescoper des ambiances et des univers qui entretiennent entre eux une relation a priori peu évidente voire franchement distendue ? Parmi la série d’événements annoncés pour cette 46e édition, la réunion inédite du tandem formé par Christophe Chassol et Brecht Evens s’avère en cela l’un des moments les plus excitants et alléchants de la programmation. Dans leur art respectif, les deux artistes combinent une facilité technique proche de la virtuosité à un goût commun pour l’expérimentation. Passé par l’écurie Tricatel, le compositeur et pianiste Christophe Chassol nourrit dans son travail un rapport intime avec l’image, puisqu’il est aussi vidéaste s’essayant lors de ses performances à établir des ponts entre sa musique et des extraits de ses propres réalisations. Il lui arrive aussi d’isoler des scènes de films ou de séries qui l’ont marqué, harmonisant des sons de la rue pour dérouler un « ultrascore » qui semble se fabriquer comme une BO imaginaire et augmentée. Représentant de l’école de Gand, le Belge Brecht Evens est devenu de son côté en quelques albums un poids lourd d’Angoulême régulièrement présent dans la sélection comme cette année avec l’éblouissant Les Rigoles qui nous plonge au cœur de la nuit parisienne à travers la dérive de deux dépressifs déglingos. Si ses récits sont difficiles souvent à résumer, c’est que les œuvres de Brecht Evens reposent d’abord sur un effet de sidération graphique, l’auteur s’étant fait une spécialité de peindre par couches successives à l’aquarelle et à l’Écoline ses décors et ses personnages. Le résultat assez bluffant flotte dans une esthétique fluo/ néon pour un résultat paradoxalement fluide et dense qui nous transporte dans un flux éthéré, un vortex de discussions décousues où se révèlent les névroses de l’homo festivus. Autant dire qu’on est plus que curieux de voir comment le roi de la mosaïque chromatique va fondre son univers luxuriant et hypnotique au service des arrangements limpides et planants de Chassol. Nicolas Trespallé Concert dessiné Chassol-Evens,
vendredi 25 janvier, 21 h, Grande salle - Théâtre d’Angoulême, Angoulême (16000).
www.theatre-angouleme.org JUNKPAGE 6 3 / janvier 2019
© Frank Loriou
THIBAULT CAUVIN De secret bordelais le mieux gardé à porte-drapeau de la vitalité musicale locale, le guitariste a publié Cities 2, 11e album où il dialogue avec 8 artistes. Un disque capital pour sa carrière, après des années de tournée mondiale. Propos recueillis par José Ruiz
LE VOYAGEUR Comment ce disque multicolore a-t-il vu le jour ? L’idée était de raconter quelques-unes des grandes villes qui m’ont touché durant les 15 dernières années. J’en ai choisi 12 et, avec des compositeurs orfèvres, nous avons créé des petits contes. Parmi eux, il y a le Cap-Ferret, un coin que j’aime beaucoup, et j’y ai invité Matthieu Chedid. Nous avons mélangé nos notes et nos univers pour créer la chanson. Pour ma part, c’était la première fois que je travaillais ainsi. Matthieu, lui, connaît par cœur, et il ignorait tout de la guitare classique. Ce fut un vrai bonheur de mélanger nos deux mondes. J’ai aimé mêler tous les ambassadeurs de musique qui sont sur mon disque. Ils se sont réunis autour de ma guitare dans cette balade autour du monde, venus d’univers différents et réunis pour la poésie du voyage. De façon générale, je les avais contactés avec quelques notes de musique comme une bouteille jetée à la mer. Tous ont accepté. Les morceaux ont pris forme en studio car je reste un musicien classique, et, malgré ma soif d’aventure et mon désir de me mettre en danger, j’ai besoin de précision. Or pour cela, il faut travailler. Le plus agréable était de se prêter à leur manière de faire. Certains fonctionnent comme moi, d’autres non. Par exemple, Erik Truffaz, trompettiste enchanteur avec qui nous racontons Agadès, protège l’envie de jouer peu, chacune des notes qui sortent de sa trompette doit être vraiment unique et peu répétée. Cela m’a beaucoup déstabilisé car j’avais au contraire l’habitude de jouer et rejouer un motif pour le faire évoluer. Lui, son envie est plutôt de garder la pureté
de la première impression. On s’est retrouvé en studio à ne jouer que très peu notre duo. Finalement, la troisième prise a été la bonne. Je garde vraiment un souvenir très fort de ce moment. Avec Ballaké Sissoko, ce fut aussi une rencontre osée pour conter Bamako. Alors que Ballaké ne lit pas la musique, j’ai fait sonner ma guitare comme une kora. Avec Thylacine, un DJ qui joue avec des machines, la musique électronique et la force qu’il crée, face à ma guitare, intimiste, charnelle, la confrontation fut riche. Nous avons abouti à un conte sur Berlin. Cet album ouvre vers un public plus large, notamment en France, alors que tu donnes des concerts dans le monde entier depuis 15 ans. C’est vrai. Je me suis produit dans des lieux étonnants : la tour Eiffel, un temple en Équateur, aux portes du désert en Tunisie, à l’Opéra de Shanghaï, au Carnegie Hall ou au Tchaikovsky Concert Hall de Moscou. Je joue des musiques invitant au voyage, inspirées par des influences espagnoles, sud-américaines, orientales. C’est une guitare classique ouverte sur le monde — Oulan-Bator, Istanbul, Calcutta — et les styles. J’aime me dire que toutes les musiques ne peuvent faire qu’une. Depuis que je suis enfant, je vis dans cette ambiance et cette philosophie. Et je protège cette pensée, en essayant de la conserver. Cities 2 est dans cet élan. Thibault Cauvin,
vendredi 25 janvier, 20 h 30, Le Rocher de Palmer, Cenon (33150)
lerocherdepalmer.fr
MUSIQUES
CLASSIX NOUVEAUX par David Sanson
du Viennois Erich Wolfgang Korngold, compositeur prodige qui devait faire carrière à Hollywood, la rare Ville morte (1920), sommet de postromantisme plébiscité par le public et les interprètes de son temps, est la transposition d’un roman non moins fascinant : Bruges-la-Morte, du symboliste Georges Rodenbach, dont se serait également inspiré Hitchcock.
Maquettes des costumes de Marietta, dans Bruges-la-Morte
VERTIGO-SUR-REIE « Le jour déclinait, assombrissant les corridors de la grande demeure silencieuse, mettant des écrans de crêpe aux vitres… » C’est par ces mots que débute Bruges-la-Morte, roman d’abord publié en feuilleton dans Le Figaro, du 4 au 14 février 1892, puis en volume la même année, chez Flammarion, et qui valut à son auteur, le Belge Georges Rodenbach (18551898) – dandy passant pour avoir été l’un des modèles du Swann de Marcel Proust– , un immense succès. Si l’inestimable et inépuisable mouvement symboliste a, en matière littéraire, donné naissance à peu de romans, celui-ci est un chef-d’œuvre, à thésauriser précieusement entre À rebours de Huysmans et Monsieur de Phocas de Jean Lorrain. À la fois thriller, poème en prose et conte fantastique, ce livre dont la protagoniste principale est la cité de Bruges elle-même, dédale désert de canaux et de quais, met en scène la tragédie d’un homme qui croit pouvoir faire revivre à travers une jeune comédienne le fantôme de son épouse disparue. Via le roman d’Entre les morts de Boileau-Narcejac, il serait d’ailleurs l’une des sources d’inspiration du Vertigo d’Alfred Hitchcock… 38 années auparavant, en 1920, c’est un jeune compositeur viennois de 23 ans, Erich Wolfgang Korngold (1897-1957), qui s’emparera de Bruges-la-Morte pour en faire le livret – écrit à quatre mains avec son propre père – de son troisième (!) opéra. Musicien prodige dont les dons avaient stupéfié ses contemporains, Gustav Mahler en tête, Korngold livre avec Die tote Stadt (La Ville morte) un ouvrage d’une éblouissante maîtrise, où les derniers feux
du postromantisme viennois, les ombres de Richard Strauss et de Puccini se mêlent en une partition convulsive, d’un lyrisme échevelé (c’est le cas de le dire), sorte de « bel canto moderne » aux couleurs déjà hollywoodiennes… Dans les années 1930, c’est d’ailleurs outreAtlantique que le Wunderkind poursuivra son parcours : sous contrat avec la Warner Bros., il signe – notamment pour Michael Curtiz et Mervyn LeRoy – 18 musiques de films qui lui vaudront deux Oscars et inspireront des générations d’émules. Sa carrière de compositeur « sérieux », égaré dans la modernité de l’après-guerre, ne se relèvera toutefois jamais vraiment de cette parenthèse West Coast : aussi Die tote Stadt, qui fut l’opéra le plus joué des années 1920, dirigé jusqu’au festival de Salzbourg par les plus grands chefs de l’époque, peut être tenu pour l’apothéose de son œuvre. Étrangement, bien que le fameux « Air de Marietta » soit entre-temps entré au panthéon des « tubes » lyriques du xxe siècle, ce n’est qu’en 2001 que Die tote Stadt a trouvé (grâce à l’Opéra du Rhin) le chemin des scènes françaises. Depuis, chaque production de cet ouvrage rare à tous les sens du terme est un événement, et l’on ne s’étonnera pas qu’il ait attiré l’oreille aiguisée d’Alain Mercier, directeur de l’Opéra de Limoges. Pour cette nouvelle production, celui-ci a fait de nouveau confiance, après La Cenerentola de Rossini, à la metteure en scène Sandrine Anglade. « Je suis tombée amoureuse de cette musique complètement hallucinatoire et de cette histoire passionnante, plongée dans ce que Cocteau
appelait “la grande nuit du corps humain”… Face à cette œuvre de la profusion (profusion de musique, profusion de situations…), j’ai pris le parti d’une mise en scène plus graphique que baroque, centrée sur les grands points de tension qui structurent l’œuvre, pour faire entrer le spectateur dans la tête de Paul. » Fidèle en cela à l’esprit du roman, elle dit avoir abordé la musique comme « un paysage », tout à la fois « présence de l’ombre, mouvement de l’eau dans les canaux de Bruges », décrivant les ondoiements de la Reie comme les atermoiements de son héros. La ville spectrale devient vite la vénéneuse traduction, le symbole irrémédiable de la mélancolie de celui-ci, architecture mentale, fantasmatique, horizon chimérique sur lequel s’éploie sa quête sans issue. « Il me semblait essentiel aussi que l’on puisse voir cette musique, s’y immerger », poursuit Sandrine Anglade : ainsi, au même titre que les chanteurs (Johanni Van Oostrum et David Pomeroy dans les rôles principaux), les musiciens du Chœur et de l’Orchestre de l’Opéra de Limoges, sous la direction de Pavel Baleff, seront-ils répartis sur le plateau : 140 musiciens sur scène, un défi inédit à l’opéra ! Ils prendront ainsi pleinement part à ce théâtre d’ombres et de fantômes, dont la brillance de l’orchestration ne rend que plus térébrante la noirceur crépusculaire, orphéenne et hitchcockienne… Die tote Stadt,
mise en scène de Sandrine Anglade, vendredi 25 janvier, 20 h et dimanche 27 janvier, 15 h, Opéra de Limoges, Limoges (87000).
www.operalimoges.fr
TÉLEX Autre production venue de l’Opéra de Limoges, la « Schubert Box » – présentant les merveilleux lieder de Schubert réarrangés par Bernard Cavanna dans une scénographie signée de Jean-Philippe Clarac & Olivier Deloeuil – est présentée au Théâtre des Quatre Saisons de Gradignan, couplée avec une Belle Meunière revisitée par le chorégraphe Pedro Pauwels (18/01). • Le même soir, c’est également l’Orchestre de l’Opéra de Limoges, emmené par Robert Tuohy, qui aura le plaisir d’accompagner la grande soprano américaine Nadine Sierra à l’Auditorium de Bordeaux dans un récital au programme éclectique : Massenet, Verdi, Donizetti, Bernstein et Stravinsky (18/01). • Au théâtre Saint-Louis de Pau, le Trio Talwegg confronte le Trio op. 50 de Tchaïkovski (1882) avec le Trio avec piano n° 1 composé par Chostakovitch en 1925 (20/01). • Quant au Quatuor Voce, autre jeune formation de chambre hexagonale, il présentera au Théâtre-Auditorium de Poitiers un programme Schubert & Mozart (22/01).
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© Cindy Lombardi
OPÉRA DE LIMOGES Chef-d’œuvre
JANVIER
AVEC LE SOUTIEN DU CRÉDIT MUTUEL DU SUD-OUEST
JANVIER - FÉVRIER EXPOSITIONS
RÉMI DUPRAT, ÅRD, GFELLER + HELLSG BILLY SERIB, CLAIRE FONTAINE, LOUIS GARY.
FESTIVAL #15 23
27 JANVIER 2019
PETER HOOK & THE LIGHT (JOY DIVISION / NEW ORDER)
CONCERTS
IQUE TIME ELLEIPSIS, UN NOIT HORNS, OLIVIER BE SOLO, LE VILLEJUIF CKPIT, UNDERGROUND, CO MARC MELIÀ, RON MORELLI, LOW JACK AT B2B SIMO CELL, AZAM , B, MUQATA’A & ZULI BO VAUDOU GAME, MAM ET), CHICK (GLAD WE M MU, YASAÏ, ISHA, BLU SA CLÉA VINCENT, THE UR, ARMED, DESCENDE IC THE ANTICHAMBER MUS BRIDGE #10.
THURSTON MOORE GROUP (SONIC YOUTH)
FIXMER / MC CARTHY (NITZER EBB)
PATRICK CODENYS (FRONT 242) MARS RED SKY
DJ-SET
KING KHAN
LTD
TH DA FREAK TENDER FOREVER ET PLUS DE 25 GROUPES BORDELAIS WWW.BORDEAUXROCK.COM
EXPOSITIONS
GUILLAUME CHIRON Musicien et plasticien, passé par les Beaux-Arts de Poitiers, responsable du programme de création « Rencontre du 3e type » au Confort Moderne, le presque natif des Deux-Sèvres produit un fascinant travail sur l’art du collage. À la faveur d’une monographie d’ampleur, présentée au pays, entretien de circonstance. Propos recueillis par Marc A. Bertin
SUR BRESSUIRE La première image ? Jack le tueur de géants (Jack the Giant Killer, 1962), film américain de Nathan Juran, adaptation du conte anglais Jack, le tueur de géants, avec des effets spéciaux inspirés par l’immense Ray Harryhausen. Je me souviens de sa diffusion à la télévision, dans le cadre de La Dernière Séance, un mardi soir avec ma sœur, et d’un petit personnage enfermé dans une bouteille. Déjà la fascination pour les changements d’échelle. Mon épiphanie, c’est le cinéma et non l’art contemporain. Et après ? Le grand plongeon dans la musique avec une petite bande très active à Bressuire qui m’a naturellement conduit vers le fanzinat ; nous étions unis par la même passion et organisions des concerts. On conduisait des entretiens, je réalisais mes premiers collages. Mon premier amour, c’était Sonic Youth, le groupe à la croisée de la musique et de l’art.
Des références ? Just what is it that makes today’s homes so different, so appealing ?, un collage de Richard Hamilton, de 1956, constitué d’images provenant de magazines américains collectées par son camarde John McHale, lors d’un séjour aux États-Unis. Qu’avez-vous appris aux Beaux-Arts ? Ne sachant quoi faire après le bac et, sur le conseil d’une amie, je me suis inscrit à l’EESI (école européenne supérieure de l’image de
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Bison futé, 2017
Poitiers) en 1997, d’où je suis sorti en 2002, DNSEP en poche. C’était la bonne voie, je pouvais enfin mener des projets qui me touchaient. Pendant le premier cycle, j’ai étudié la peinture et le multimédia ; les installations interactives notamment, c’était l’époque. Puis, en deuxième cycle, le son ; j’ai ainsi exposé à l’Ircam, à Paris. Cela dit, peut-être par peur, je me cachais. C’est après les Beaux-Arts que je me suis émancipé, même si ces études m’ont ouvert à plein de disciplines comme la photographie ou la vidéo.
« Je me sens incapable de jouer avec des choses contemporaines car la distance avec cette production des années 1950 et 1960 déclenche en moi un imaginaire contrairement à la matière actuelle. »
Pourquoi le choix du collage ? Parce que le fanzinat ! Au début des années 1990, nous avions à notre disposition des vieux magazines achetés chez Emmaüs et l’ordinateur de mon père, un Amstrad. On rédigeait les textes, puis je les découpais et remontais le tout. Même la pochette de la première cassette de mon premier groupe, Gum, était une peinture avec des photos découpées. Je nourrissais un attrait pour les vieilles images et le découpage me procurait une joie physique.
© Guillaume Chiron
KING KONG
Peu de temps après, vous voilà au Confort Moderne. Le lieu rassemblant mes deux passions : la musique et les arts plastiques. Dès mon arrivée à Poitiers, je voulais en être. C’est quand même ici que Sonic Youth avait donné l’un de ses tout premiers concerts en France ! Au départ, j’occupais un poste de médiateur culturel, encadrant des ateliers pour scolaires et assurant des visites. Puis, à la demande de Yann Chevallier, directeur de la structure, je suis devenu programmateur avec un budget propre et le souci de développer un volet expérimental, insérant le public dans le processus de création avec la pleine confiance des artistes. Ainsi est née Rencontre du 3e Type. Grâce à sa confiance, ont vu le jour, par exemple, « Le Bon Coin Forever » avec Forever Pavot ou « Ricky & Les Dix-iples » avec Ricky Hollywood. Quand trouvez-vous le temps de travailler ? Dans les interstices. Il faut maintenir le cap, persévérer. Quelle est votre méthode ? Premièrement, je glane, je récolte dans les videgreniers, chez Emmaüs, je reçois même des dons de particuliers ! Deuxièmement, j’archive, je réunis ma collecte dans des classeurs, harmonieusement répartis dans mon « salonatelier », à la recherche du choc esthétique entre deux images. Troisièmement, je sors scalpel et tube de colle.
Et votre matière première ? Une attirance de toujours. Je me sens incapable de jouer avec des choses contemporaines car la distance avec cette production des années 1950 et 1960 déclenche en moi un imaginaire contrairement à la matière actuelle. Je m’y retrouve sans pour autant nourrir de nostalgie pour le rétro. Vous pratiquez également la sérigraphie. Une technique liée à la musique. Les premiers pas se sont faits à domicile, dans le garage familial, pour réaliser des t-shirts et des affiches de concerts. Désormais, je collabore avec l’atelier de la Fanzinothèque, assez proche de mon lieu de travail. C’est une envie qui s’intensifie car différente du collage, cet objet précieux et unique. J’adore la reproduction et ses accidents heureux. Et si nous parlions de « Petite peur sur la ville » ? Au départ, on m’a proposé deux lieux, dont l’un hyper-humide… J’ai dû rappeler que mon travail, c’est du papier. Il s’agit de 150 œuvres originales, réalisées entre 2014 et 2018, présentées dans le château de Bressuire. Au regard de la surface d’exposition, j’ai conçu des grands formats ; un vrai bonheur. Par souci de place, j’avais un peu arrêté le grand format car je bosse chez moi. Cela m’a rappelé le linéaire que j’avais exécuté en mai 2018 à la MAP—La Cartoucherie de Toulouse pour « Apprendre avec des pincettes ». Quant on fait du collage, généralement, on n’a pas le souci de l’accrochage. En outre, certainement par déformation professionnelle, je ne désire pas que « montrer » mon travail, je souhaite aussi créer une scénographie spécifique en harmonie avec le lieu pour que naissent des rapports entre celui-ci et les œuvres. À l’origine, je souhaitais appeler l’exposition « Rétroperspective », avec un mélange d’ironie et de flou sur mon retour au pays même si je suis au début de ma carrière. Souvent, une exposition porte le titre d’une pièce. Là, je voulais insérer le mot « ville » et j’adore ces personnages gigantesques attaquant une cité, cet aspect fantastique qui me tient toujours à cœur. « Petite peur sur la ville », Guillaume Chiron, du vendredi 18 janvier au dimanche 10 février, château de Bressuire, Bressuire (79300). Vernissage, le 18/01, à 18 h 30.
ville-bressuire.fr guillaumechiron.com
Centre Culturel Allemand
agenda
Rencontres, débats, expositions, formations pédagogiques, médiation culturelle.
janvier
2019
2019
En conférence à la station ausone
EUROPE + 30 ANS DE LA CHUTE DU MUR 100 ANS DU BAUHAUS
PROGRAMMATION CULTURELLE MERCREDI 9 JANVIER 18h30
ROBERT MENASSE : La capitale
Retrouvez l’ensemble de notre programme à la librairie Mollat et sur mollat.com
Rencontre littéraire animée par Olivier Mannoni
r u e d e l a V i e i l l e To u r
station ausone J E U D I . 10
| 18 H
Tahar Ben Jelloun L’insomnie
Façade du Bauhaus à Dessau (Gropius) © Hans Engels
Littérature
DIMANCHE 3 FÉVRIER 15h30
Éd. Gallimard
La Guerrière Film
Musée d’Aquitaine
| 18 H
Valérie Manteau
Documentaire JEUDI 17 JANVIER 18h30 Vernissage « ARCHITECTURES JEUDI 14 FÉVRIER 19h-21h DU BAUHAUS » Speak-dating francoPhotos de HANS ENGELS allemand
Prix Renaudot 2018 Éd. Le Tripode
Exposition : 17 janv. au 16 avril
| 18 H
Frère d’âme
14 MARS 19h
JEUDI 24 JANVIER 14-19h
David Diop
EUROPE : 30 ans après la chute du mur, quo vadis ?
Prix Goncourt des lycéens
Littérature
Éd. Seuil
M A R D I . 22
13 Dialogue franco-allemand e
Illustrateur-auteur, invité du festival d’Angoulême Rencontre littéraire
Réflexions sur la question antisémite Société
AYZIT BOSTAN
Créatrice de mode, Munich MADD
NICOLAS MAHLER
Delphine Horvilleur
30 MARS 15h30
Éd. Grasset
www.goethe.de/bordeaux et sur facebook
| 18 H
V E N D R E D I . 25
| 18 H
Elisabeth Quin La nuit se lève Littérature
Éd. Grasset
L U N D I . 28
| 18 H
Leiji Matsumoto
Cours semestriels et annuels pour adultes et enfants. Stages intensifs pour collégiens et lycéens :
prochain stage du 18 au 22 février 2019 06 37 78 37 81
la-cle-pour-l-allemand@orange.fr
BiFA : Bibliothèque franco-allemande
BiFA
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Bibliothèque franco-allemande
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Capitaine Albator, dimension voyage Littérature
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Littérature
Indiebookday Librairie Ascenseur Végétale
COURS DE LANGUE
Franck Bouysse Né d’aucune femme
How to make a book with Steidl Documentaire
Éd. Kana
Du lundi au vendredi de 10h–12h et de 14h–17h
La librairie vous accueille du lundi au samedi de 9 h 30 à 19 h 30 le premier dimanche de chaque mois de 14 h à 18 h
Paul Doumer
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Le design du Bauhaus
Réalisation : H. Lejeune, bordeaux. kionopi.fr
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Littérature
Villa Tugendhat
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Le sillon
MARDI 5 FÉVRIER 18h
Robert Menasse © Wolfgang Schmidt
de
M E R C R E D I . 16
© Danica Dakic
EXPOSITIONS
Danica Dakić, First Shot, 2007-2008
CAPC À partir des acquisitions et dépôts entrés dans la collection, entre 2008
et 2018, le musée d’art contemporain propose un choix d’œuvres qui explore la notion de coïncidence et ses multiples réverbérations.
LE RÊVE DU SCARABÉE Carl Gustav Jung a formalisé et développé son concept de synchronicité à partir d’une célèbre anecdote. Alors qu’il se trouve en consultation avec une patiente, celle-ci lui rapporte un rêve où on lui offre un bijou en forme de scarabée. À ce moment-là, une cétoine dorée se cogne contre la vitre du bureau, voulant s’introduire dans la pièce. Carl Gustav Jung ouvre la fenêtre, saisit l’insecte et, s’adressant à la patiente, médusée, lui dit : « Le voilà, votre scarabée ! » Le choc ressenti par la patiente à cette vue eut alors pour effet de générer chez elle un déblocage mental qui aida grandement à la poursuite de sa thérapie. Le fondateur de la psychologie analytique définit la synchronicité comme « coïncidence temporelle de deux ou plusieurs événements sans lien causal entre eux et possédant un sens identique ou analogue ». Une image inconsciente pénètre la conscience et une situation objective coïncide avec ce contenu. « Coïncidence(s) » s’organise autour de cette incidence conjointe entre les deux faces d’une même réalité. Anne Cadenet, commissaire de cette exposition, a ainsi prélevé dans les œuvres inscrites à l’inventaire de la collection du musée entre 2008 et 2018, « des œuvres susceptibles d’entrer en résonance les unes avec les autres » et de produire ainsi, en écho au rêve du scarabée, d’autres modes de connexion. Sergio Verastegui assemble un tuyau de raccordement de plomberie et une plaque gravée reprenant le titre de l’œuvre qui invite le visiteur « à pleurer fort et aller prendre une douche ». Il enclenche ainsi un mouvement de
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l’extérieur vers l’intérieur, de la négociation à la contemplation, de la multiplicité à l’unité. Cette incitation au déplacement dans un territoire, dont les frontières reculent au fur et à mesure de l’exploration, se retrouve dans la plaque de verre de Raphaël Hefti où « l’erreur créative » dans l’utilisation d’un processus industriel donne une surface étonnante qui change de couleur selon l’angle de vue. Le matelas de Laurent Le Deunff, constitué de madriers poncés et sculptés, évoque un curieux voisinage avec le canapé sur lequel sont assis deux quinquagénaires rondouillards de Français moyens dans l’agrandissement d’un dessin de Jean Bellus, signé par le collectif d’artistes PrésencePanchounette. Face à ces deux personnages, une jeune femme porte une robe à rayures horizontales noires et blanches qui se confond avec un élément de décor identique. Par cette appropriation et sa puissance de détournement, Présence Panchounette dénonce l’outil visuel de Daniel Buren que le collectif considère « d’une neutralité bourgeoise ». La boîte du jeu de Fabrice Hyber Je s’aime révèle les ramifications foisonnantes de son espace d’activité et de pensée, et se recoupe avec les dérèglements fertiles des images de Markus Schinwald et les formes aberrantes de Naufus Ramírez-Figueroa où se mélangent l’humain et le végétal. La Pièce archéologique de Daniel Buren se constitue de fragments d’anciennes toiles découpées, recouverts d’autres éléments appartenant à des travaux plus récents, et cohabite avec une vidéo de John Baldessari où l’artiste chaque jour étale
une nouvelle couleur sur les murs et le sol d’un même espace pour aboutir à la création de six propositions monochromes. La forme géométrique à activer pour un déplacement en groupe de Franz Erhard Walther, le saut de Jonathan Binet pour dessiner « le plus haut possible » une ligne de traces de couleur noire et la chorégraphie d’Yvonne Rainer impliquant une femme, un homme et un ballon partagent la même préoccupation « du corps à l’ouvrage ». La vidéo de Danica Dakić plonge dans une enclave extravagante, éloignée des déflagrations d’une réalité violente, où chaque personnage porte son histoire, son handicap et l’énergie de sa différence comme une protection magique. Cette exposition puise son élan dans les différents domaines à travers lesquels elle se déploie : la mise en miroir, la prolifération, l’hybridation, la stratification, l’activation et l’altérité. Elle déclenche des rencontres fortuites, des contacts inédits et des côtoiements stimulants entre les œuvres, attire le regard sur des mystères insoupçonnés, suggère un pont reliant l’invisible et le visible et dégage ainsi de nombreuses pistes à emprunter. Car comme l’écrivait Vladimir Nabokov dans L’Enchanteur : « Plus on prête attention aux coïncidences, plus elles se produisent. » Didier Arnaudet « Coïncidence(s) »,
jusqu’au dimanche 20 janvier, capc musée d’art contemporain de Bordeaux.
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MINÉRAL VÉGÉTAL
La Canadienne Émilie Bernard nourrit sa pratique d’un intérêt croissant pour la nature et le paysage. À la galerie La Mauvaise Réputation, elle présente une exposition conçue au terme de deux mois de résidence chez Zébra3, dans le cadre d’un programme d’échange artistique avec l’association l’Œil de Poisson à Québec. Au cours de ses explorations bordelaises, la plasticienne a observé la présence de la nature dans la ville, examiné ses liens avec l’architecture, la façon dont elles cohabitent, s’imbriquent, se contaminent. « Spontanément, j’ai commencé à ramasser et à accumuler des objets naturels trouvés dans les parcs de l’agglomération : feuilles, branches, cailloux, etc. Ces objets ont été dessinés un à un pour ensuite utiliser ces dessins minimalistes et créer des compositions plus complexes. » On retrouve ces éléments végétaux posés sur un socle et recouverts de peinture blanche ou grise créant par là un décalage avec leur apparence naturelle. À proximité, une série d’aquarelles grises évoque des plantes aperçues, cueillies ou photographiées par l’artiste lors de ses balades. La collecte, l’inventaire sont ses pratiques de prédilection pour appréhender le réel, en offrir une relecture sensible, subjective. Son travail du dessin témoigne dans le même temps d’une épure des formes, en aplats de gris, et de jeux de superposition, de répétition, d’accumulation de dizaine d’éléments sur une même surface donnant lieu à des compositions au graphite à la lisière de l’abstraction. Se dégage de l’ensemble une atmosphère minérale mâtinée de l’infinie délicatesse de la réalisation. « Je voulais que cet espace soit léger, reposant et qu’une certaine douceur ou tranquillité s’en dégage. » « Chercher les sentiers », Émilie Bernard, jusqu’au dimanche 6 janvier, galerie La Mauvaise Réputation.
www.lamauvaisereputation.net
L’OBSCUR VIENT AU JOUR
Le procédé Piezography est à l’honneur à la galerie Arrêt sur l’image avec une carte blanche offerte à l’atelier de tirages d’art LEBOLABO, ouvert en septembre par David Helman et Maud Batellier. Pour l’occasion, quatre photographes invités présentent chacun une sélection d’images inédites en noir et blanc afin de mettre en valeur cette technique d’impression au charbon qui révèle une finesse dans les dégradés et une densité des noirs comparable, dit-on, à celle de l’argentique. Parmi les images ici présentées, on découvre les jeux d’ombres et de lumière à l’inspiration expressionniste et la beauté graphique des photographies de rues en noir et blanc de Valérie Six. Plus loin, la présence mystérieuse et picturale des paysages de Jean-Luc Chapin invitent à la contemplation. Dans une veine plus documentaire, Christophe Goussard montre une série réalisée à Alexandrie dans le bidonville de Gabbarit, installé sur les vestiges archéologiques de Nécropolis. Les visions nocturnes du photographe lèvent ici le voile sur une vie de peu nichée sur les ruines du passé où les vivants côtoient l’histoire des morts. De son côté, Gabrielle Duplantier réunit une sélection d’images liées au travail qu’elle a mené en Pays basque autour de son livre Terres basses, paru en 2018. De cet univers intimiste, étrange parfois, se dégage une poésie sombre. Paysages délaissés, abîmés, endroits de rien, anodins, mais sacrés à ses yeux, l’artiste dévoile un monde habité par l’histoire d’un deuil, la recherche de refuges, de lieux pour se reconstruire. Avec ses portraits hantés, de femmes ou d’enfants surpris dans un geste, elle capte à la surface de ses images les secrètes profondeurs de ses sujets, offre les siennes en miroir et les éclaire d’une incandescente noirceur. « Inédit », Jean-Luc Chapin, Gabrielle Duplantier, Christophe Goussard, Valérie Six, du jeudi 10 janvier au samedi 2 février, Arrêt sur l’image Galerie Vernissage jeudi 10/01, à partir de 18 h.
www.arretsurlimage.com
RAPIDO
D. R.
© Jean-Luc Chapin
DANS LES GALERIES par Anne Clarck
© Émilie Bernard
EXPOSITIONS
RETOUR VERS LE FUTUR
Qu’est-ce qui relie le plasticien Pierre Clément et l’artiste milanais Michele Gabriele présentés en ce moment à la galerie Silicone ? Certainement leur goût prononcé pour les récits parallèles, la science-fiction et toutes formes divergentes d’appréhension du réel. Réunis ici par affinités électives, ils bénéficient pour cette exposition d’un rapprochement de la galerie Silicone avec l’espace de travail mutualisé La Réserve Bienvenue, qui héberge l’atelier de Pierre Clément et a accueilli en résidence cet automne Michele Gabriele. Intitulé « Basic Extinct », ce double solo show met en regard le long d’un accrochage délibérément « sobre », une série de bas-reliefs muraux avec des sculptures composites posées sur socle. Constituées d’une plaque de plexiglas posée sur un châssis en persienne rétro-éclairé, les sculptures murales de Pierre Clément se situent à mi-chemin entre tableau, vitrine et radar design. Images de balayage satellite, coquilles d’huîtres, fil de coton, pointes de flèches en fibre de verre… le plasticien opère par collisions visuelles et juxtaposition de signes évoquant des communautés en marge adeptes de survivalisme. À la fois massives et délicates, ces pièces apparaissent tels des accessoires d’exploration de salon aux capacités technologiques encore inexplorées, invitant à fantasmer le monde et son origine de microrécits alternatifs en futurs improbables. De son côté, Michele Gabriele donne à voir une série de vélociraptors tout droit sortis de Jurassic Park. À l’envers des têtes de dinosaures, ces sculptures offrent au regard des formes en concrétion. Comme les deux faces d’un même récit, l’émerveillement lié à l’enfance d’un côté et, de l’autre, plus déstructurée, une vision de ruine telle une prémonition où il semble être question de la nostalgie de ce qui a disparu, et des promesses incertaines de ce qui semble se mettre en place. « Basic Extinct », Michele Gabriele et Pierre Clément, jusqu’au jeudi 17 février, galerie Silicone.
www.siliconerunspace.com
L’Écossais John Deacons présente une sélection de photographies noir et blanc et de presse-papiers en verre de couleurs à la galerie Guyenne Art Gascogne sous le titre « Contraste. Photographie noir et blanc et verrerie écossaise ». Jusqu’au 12 janvier. galeriegag.fr • La galerie MLS accueille le peintre espagnol José Ignacio Agacio Agoretta. Intitulée « La couleur du temps », l’exposition présente le monde de ce natif de Pampelune aux souvenirs figés, aux couleurs sensibles et au rapport au temps. Jusqu’au 9 février. www.galerie-123-mls.com • Amadine Durruty est de retour à la galerie La Mauvaise Réputation avec une sélection de dessins, réunie sous le titre « Cabin Fever – Preview ». Du 18 janvier au 28 février. lamauvaisereputation.free.fr • La galerie Jérôme B présente l’exposition « Asphalte » réunissant une sélection de photographies de Bernard Guillé, compositeur de musique, écrivain, musicien, conférencier et photographe. Du 18 janvier au 25 janvier. www.galeriejeromeb.com • Philippe Cognée et Fabrice Hyber seront à l’honneur de la prochaine exposition collective de la galerie DX. Du 15 janvier au 28 février. www.galeriedx.com • La plasticienne Claire Soubrier a entrepris la réalisation d’un clip vidéo au sein de l’EHPAD Le Petit Trianon pour la chanson Sauvage écrite par l’un de ses résidents, Monsieur Carpentier, sous le nom de Kaapi. Ce projet de clip impliquera les résidents comme le personnel de l’EHPAD. Une campagne de financement participatif a été mise en place sur la plateforme Helloasso. www.clairesoubrier.com
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HAPPY JANVIER APRÈS LA NEIGE
VIENNENT
À VOS AGENDAS ! SAM 19 JAN • 21H
JAZZ
DIM 20 JAN • 16H
HUMOUR
LES BONS PLANS
ANNE PACEO « Bright Shadows » BLØND AND BLŌND AND BLŎND « Hømåj à la Chonson Française »
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1 SOIRÉE > 2 CONCERTS SAM 9 FEV • 21H JAZZ
PRODUITS
STÉPHANE KERECKI « French touch » + ÉMILE PARISIEN QUARTET DIM 10 FEV • 16H
ESSENTIELS À PRIX
CINÉ-CONCERT
LE BALLON ROUGE Jeune Public SAM 9 MARS • 21H
CASSES
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CONCERT
DOMINIQUE A SOLO « La fragilité » + 1re partie
SAM 16 MARS • 21H CONCERT ACOUSTIQUE
DU 4 AU 21 JANVIER
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BIRDS ON A WIRE SAM 23 MARS • 21H
JAZZ
RHODA SCOTT LADY ALL STARS « We Free Queens » SAM 30 MARS • 21H
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JAZZ
STEVE TURRE QUINTET SAM 6 AVRIL • 21H CHANSON FRANÇAISE
CharlÉlie COUTURE SAM 13 AVRIL • 21H
MONOPRIX BASSINS À FLOT
JAZZ
10 RUE LUCIEN FAURE (AU PIED DU PONT JACQUES CHABAN DELMAS) DU LUNDI AU SAMEDI DE 8H30 À 21H ET LE DIMANCHE DE 9H À 12H45 1H GRATUITE DÈS 20€ D’ACHATS
INITIATIVE H X MOONDOG REMIX de Sax pax for a sax SAM 4 MAI • 21H
DANSE
JOB de la Cie Adéquate DIM 12 MAI • 16H
MONOPRIX LE BOUSCAT GRAND PARC
CLASSIQUE
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Ensemble Baroque de Toulouse
VEND 7 JUIN • 21H CHANSON FRANÇAISE
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atelier Le PasQueBeau
MONOPRIX LE BOUSCAT LIBÉRATION 30 AVENUE DE LA LIBÉRATION DU LUNDI AU SAMEDI DE 8H30 À 20H30 ET LE DIMANCHE DE 9H À 12H45
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SCÈNES
Avant d’être une station de tram, voici une salle sortie ex nihilo du sol de Mérignac en 1989. Un établissement de 1 400 places, attirant 100 000 spectateurs par an dont 4 000 abonnés, qui choisissent entre théâtre de boulevard et de répertoire, chanson et variétés, opérettes, humour, cirque, imitateurs, ventriloques et magiciens. La salle balance avec succès entre culture et divertissement, entre billetterie et subvention, laideur de la façade et confort de l’intérieur.
LE PING ET LE PENG La preuve que le Pin Galant est populaire, il n’est pas de salle de spectacle supportant autant de surnoms, de diminutifs familiers, affectueux et pornographiques : le Ping, le Peng, le Gland Pimpant, la Pine Galante ou, à l’usage des grands initiés, le Gland Alpin. Le mois dernier, le Pin Galant n’avait pas encore trente ans lorsque le Slava’s Snowshow est passé par Mérignac avec ses clowns et ses tempêtes de neige. Les clowns russes ne font pas neiger à moitié. En tout, pour les 7 représentations (un record de durée maison qui sera battu la saison prochaine avec 12 matinées et soirées du Cirque Plume en novembre), 420 kilogrammes de rectangles de papier ignifugé furent propulsés sur le public à l’aide d’une soufflerie géante. Le lendemain matin de la première, c’était un peu le bordel, le sol du hall en était jonché, Philippe Prost, le directeur, venait de se faire arracher d’urgence une dent et Alain Anziani, maire de Mérignac, s’était excusé de ne pouvoir être présent au repas de presse servi sur la scène. De quoi être de mauvaise humeur ? Pas du tout, Philippe Prost est juste un peu surpris par une question : « Pourquoi fêter l’anniversaire d’une salle de spectacle ? » « Pour moi, c’est évident, j’aime bien les anniversaires, marquer le coup quoi… Passer 30 années sous silence aurait été un peu bête non ? C’est de la communication mais cela nous permettra de faire des choses autrement. » Les festivités débuteront vendredi 18 janvier par la mise en vente de 30 dates à 30 euros (dont celles de Teh Dar, Nouveau Cirque du Vietnam du 23 au 26 janvier ; de Joey Starr dans Éloquence à l’Assemblée le 29 ; Juliette ; Rufus Wainwright et Alex Lutz sur son cheval en mars et avril) et finiront le dimanche 20 janvier par un grand bal chorégraphié par Philippe Lafeuille. Un bal qui soulage un instant la douleur de mâchoire post-opératoire du directeur : « C’est génial ! Pour une fois, les spectateurs participeront au spectacle ! Comme danseurs ! Des professionnels seront là pour guider tout le monde. » La veille au soir, le même Philippe Lafeuille visitera l’histoire du « tutu » dans un
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Le Bal des Princesses de Philippe Lafeuille
spectacle où 6 danseurs tutufiés danseront le tutu à travers les âges après une journée portes ouvertes et visite guidée qui permettra à qui voudra d’explorer les coins et recoins du Tutu Galant. Le bureau de Philippe Prost par exemple, situé au rez-de-chaussée, avec vue sur le stade, le ciel et une porte qui donne sur les coulisses : « Je suis à mi-chemin de l’entrée des artistes et de celle des spectateurs. » Il plaisante à moitié. Sa fonction est là, entre les lettres du théâtre et les chiffres du bilan, entre le poids de la caisse et l’ultra-léger de l’opérette. Comme Jean-Paul Burle qui inventa et forgea le lieu pendant 25 ans sous le mandat municipal de Michel Sainte-Marie, Philippe Prost est un artiste. Jean-Paul Burle a reçu une formation de chanteur, Prost de violoncelliste et de danseur. Les deux directeurs ont connu la scène, les coulisses, cet univers à part. C’est peut-être un des atouts de cette entreprise de spectacle en économie mixte qui loue 100 000 fauteuils par an parmi lesquels 30 000 occupés par 4 000 abonnés : « Nous nous autofinançons à plus de 60 %, le reste étant pris en charge par la mairie. » Le Ping et le Peng. L’autre atout du Pin Galant est peut-être l’ensemble des gens qui y travaillent et ont su s’adapter à deux directeurs aux personnalités différentes. Ils sont 22 à temps plein, sans compter les ouvreuses et quelques extras techniques. La plupart sont là depuis longtemps, comme Chrystelle Bordesoulle à la communication, depuis 24 ans. D’autres depuis le premier concert de Charles Aznavour en janvier 1988. Aujourd’hui administratrice, Marie-Laure Cailler était embauchée depuis deux jours comme comptable : « Je sortais de l’école, je n’en menais pas large. J’ai de suite eu à faire des tas d’autres choses que des bilans. Aznavour jouait dans 48 heures et il n’y avait pas de temps à perdre. Jean-Paul Burle n’était pas toujours facile, loin de là, mais il nous a beaucoup appris et donné des capacités pour comprendre cet univers du spectacle, pour progresser et faire fonctionner une salle de cette dimension. L’équipe en place aujourd’hui était pour sa grande part déjà là dans les
deux, trois premières années. » Un signe de stabilité plus que de routine, malgré une programmation parfois critiquée pour son côté plan-plan. Un partenariat s’est créé avec Transrock (Krakatoa) pour des concerts comme Brigitte Fontaine ou Chatterton restés dans les mémoires d’un public en partie venu là pour la première fois. En novembre, la salle a accueilli un spectacle du FAB, Triple HipHop de Kader Attou. Pour l’édition 2019, la proposition d’intégrer le Cirque Plume n’a pas été favorablement accueillie par l’équipe du FAB. « Une décision légitime de Sylvie Violan, précise le directeur, elle reste maîtresse de sa programmation, peut-être a-t-elle une autre idée pour la partie cirque. » Le Pin Galant ne souffre pas d’un complexe culturel. Là moins qu’ailleurs, on utilise le jargon institutionnel en guise de poudre de légitimité. Parfois, quelques attitudes agacent bien le directeur : « Dans le circuit, certains ne me disent pas bonjour. Pour d’autres, je suis un connard. Si je vais à la DRAC, ce n’est pas pour mendier des prébendes, c’est pour voir comment on pourrait être utiles les uns par rapport aux autres. Comment se fait-il que la Métropole n’ait pas la compétence culturelle ? Les routes, la cantine centrale, le tram c’est bien mais oh ! Et la culture ! C’est quoi ? » 30 ans après, tout le monde reconnaît que l’architecture extérieure du Peng n’est pas la plus réussie du monde mais à l’intérieur, la scène a été refaite, les fauteuils sont ok et le son généralement bon. « Nous ne sommes pas un héritage patrimonial, mais la volonté d’une ville, rappelle Philippe Prost qui est d’accord pour rafraîchir la façade, nous ne sommes pas un opéra qui fait partie du décor. Ici, il n’y avait rien avant. » « Il y avait une chartreuse » corrigera Daniel Margnes, adjoint à la culture et président de Mérignac Gestion Équipement, gestionnaire de la salle de spectacle et du hall des congrès adjacent. Et de rappeler qu’avant le Peng les artistes de passage à Mérignac se produisaient sous un chapiteau. Joël Raffier
© Dan Aucante
LES 30 ANS DU PIN GALANT
FESTIVAL ANGOULÊME
FESTIVAL INTERNATIONAL DE LA BANDE DESSINÉE D’ANGOULÊME
ISABELLE MERLET Coloriste émérite pour quelques-uns des
plus grands auteurs de BD contemporains, la Bordelaise s’est vue sollicitée par Taiyô Matsumoto pour mettre en couleur son dernier ouvrage Les Chats du Louvre. À l’occasion de la venue à Angoulême de ce fleuron de la création indépendante japonaise et d’une grande exposition rétrospective en son honneur, elle nous livre les coulisses de cette collaboration exceptionnelle. Propos recueillis par Nicolas Trespallé
© Isabelle Merlete, Taiyô Matsumoto
Rendez-vous traditionnel de la fin janvier, le Festival BD International d’Angoulême ou « FIBD » pour les initiés, constitue le moment fort de l’année bédéphilique tant il focalise, le temps d’un weekend, l’essentiel de l’attention médiatique autour du 9e Art. Malgré les polémiques diverses et récurrentes alimentant sans fin chacune des nouvelles éditions, l’événement dont a reproché (dans le désordre) le sexisme, l’élitisme, le copinage, l’humour douteux (on a encore en mémoire le vrai-faux palmarès de 2016) ou encore les obscures querelles intestines, a toujours su se relever voir se remettre en question ce qui explique sans doute sa longévité et sa place unique que beaucoup lui envie. Par son histoire, le FIBD est ainsi devenu un indicateur sans failles de la vitalité et des tensions d’un milieu pris entre artisanat et industrie. 46 ans après ses débuts, le festival reste ainsi plus que jamais un passage obligé pour tous les acteurs du secteur, un lieu d’échange pour les auteurs, éditeurs et bien sûr pour les centaines de milliers d’amateurs qui, outre le rituel de la dédicace, ont droit à des expositions patrimoniales, des performances, des concerts sans guère d’équivalents… Cette année encore, la programmation « transversale » et internationale fait honneur à la diversité graphique et à l’efflorescence créative du médium. En voici une petite sélection.
CHROMATIQUE Vous venez de mettre en couleur Les Chats du Louvre. Quel rapport entretenez-vous avec Taiyô Matsumoto, étiez-vous familière de l’œuvre de ce mangaka ? Pas vraiment, non, j’avais juste lu quelques-uns de ses titres. J’étais très surprise qu’il connaisse mon travail, c’était tout à fait impossible à imaginer. J’ai su qu’il avait pris sa décision après avoir vu mes couleurs sur Lune l’envers de Blutch et L’Art du chevalement de Loo Hui Phang et Philippe Dupuy, tous deux dans des tonalités claires, avec des nuances de gris colorés. Matsumoto a demandé à Futuropolis s’il était possible de travailler avec moi, j’ai fait un essai qu’il a apprécié, mais ça n’a pas été si simple…
Quelles ont été les difficultés ? Lorsque j’ai reçu les premières pages, je trouvais que le livre n’était pas fait pour la couleur [l’album est sorti également en noir et blanc, NDLR]. C’était un magnifique travail de noir et de valeur de gris que la couleur risquait de dénaturer. J’avais certes proposé un premier essai accepté, mais n’étais pas convaincue. J’avais le sentiment que je n’arriverais à rien de vraiment intéressant. C’est après une discussion avec Sébastien Gnaedig, l’éditeur, à qui je faisais part de ma réserve, que j’ai proposé de passer le trait en couleur. Tout le monde a été enchanté, et, à partir de là, j’ai pu avancer vraiment. J’ai refait quasiment 25 pages. Puis, on m’a demandé d’attendre, car Matsumoto voulait refaire des dessins sur les premières pages déjà livrées. Il a donc donné la priorité à la prépublication japonaise avant de
se consacrer au livre, qui est un pavé de 460 pages ! Cela a été un projet élastique, entre les délais de dessins, la traduction, les corrections, j’ai dépensé une énergie considérable pour venir à bout de cet album. On m’a contactée en septembre 2016 et le livre est sorti en octobre 2018 ! Comment avez-vous défini la gamme chromatique du livre, est-ce lui qui vous a orientée vers cette palette subtile de couleurs pastel ? Non, pas de façon explicite. Mais l’on agit en fonction d’un dessin et d’un récit, et ici le dessin était tellement fort que je ne pouvais faire qu’un accompagnement le plus discret possible. Pour autant, si je n’avais aucune indication générale, j’avais à suivre des demandes de vêtements pour les personnages. J’ai reçu un petit catalogue photo de tous les vêtements des personnages – manteaux, écharpes, pulls, jupes, etc. Et il m’a indiqué aussi la couleur des chats, qu’il avait définie dans les planches couleur pour la prépublication japonaise. Donc, c’était une carte blanche à contraintes, ce qui est toujours le cas. Les auteurs ont toujours en tête quelques couleurs, que ce soit de vêtements, d’accessoires, voire de cheveux ou de carnation. Cela dit, chaque couleur a des dizaines de variations, ce ne sont donc pas des contraintes trop écrasantes. On compose, comme en musique. Taiyô Matsumoto, Les Chats du Louvre, version en couleur d’Isabelle Merlet, Futuropolis / Louvre éditions.
« Dessiner l’enfance » – Rétrospective Taiyô Matsumoto.
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© Corben
© Manara
FESTIVAL ANGOULÊME
RICHARD CORBEN Toute sa vie, l’Américain a été
un outsider. Le voir aujourd’hui lauréat du Grand Prix d’Angoulême sonne comme une reconnaissance aussi inattendue qu’inespérée, la consécration tardive d’un talent inca(s)sable.
MANARA Outrageusement élancée, jambes
interminables, bouche pulpeuse légèrement retroussée, galbe ferme, cambrure indécente… la femme telle que dessinée par le maestro italien depuis près de 40 ans n’a rien de réel et c’est sans doute pour cela qu’elle ne cesse encore aujourd’hui de fasciner.
CORBEN LE BARBARE LA VÉNUS DE MILO
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Disparu des radars pendant plusieurs années en France, la faute à une publication erratique, l’artiste a représenté pourtant un jalon créatif déflagrateur dès la fin des années 1970, au même titre qu’un Druillet une décennie auparavant. Aussi outrancier que controversé, Corben reste un auteur discret relativement incompris même si, à défaut de réels disciples, il a toujours généré un fidèle noyau de fans plus ou moins honteux chinant avidement ses productions. Corben est un marginal qui a su malgré tout trouver sa place dans le milieu sans jamais transiger sur sa vision artistique. Trop bizarre et perfectionniste pour frayer longuement avec le mainstream (malgré un appel du pied de Stan Lee dans les 70s), l’oiseau est un enfant dégénéré de la contre-culture. S’il en apprécie l’inclination libertaire et dévergondée, l’artiste nourri aux EC comics comme aux lectures de pulps à la E. R. Burroughs se distingue de l’école Crumb par son appétence pour les mondes étranges et les univers épiques qu’il va charpenter dans un graphisme volontiers grotesque, un gros nez à la sauce underground. Son acmé créative se situe sans nul doute à la fin des années 1970 et au début des années 1980 quand il rejoint les pages de Métal Hurlant et son pendant US Heavy Metal, révélant une technique de mise en couleur personnelle à l’aérographe, idoine pour accoucher d’une fantasy fantasmatique et sexuée nappée de dégradés et de ciels aux teintes sursaturées et délicatement subtiles. Le résultat explose dans Den, histoire du maigrichon David Ellis Norman qui se retrouve transporté dans le « Nulle Part » pour se transformer en une caricature d’übermensch. Aussi glabre qu’outrageusement pourvu, il se balade à poil dans des paysages merveilleux pour combattre un sorcier maléfique et autres créatures fangeuses en essayant de résister à la tentation de femmes désirantes à la poitrine opulente. Apothéose kitsch et flamboyance formelle se conjuguent alors pour nourrir une œuvre moite et veineuse qui s’est, au fil du temps et des nouvelles technologies, épanouie différemment aux travers d’adaptations de classiques du fantastique de Poe ou du très lovecraftien Ratgod. Pigiste de luxe, on l’a vu sur des personnages qui suent la toxine et la testostérone comme Conan, Hellboy, Luke Cage ou Hellblazer. À 76 ans, sa ligne animale qui palpite et pulse, modelée par des clairsobscurs nés d’un jeu subtil entre pointillisme et hachures, donne l’illusion d’un bas-relief, d’une 2D en volume. La vision des originaux du maître va-t-elle enfin aider à percer le mystère de son génie graphique monstrueux? NT
Le natif de Luson sait bien que le fantasme n’a que faire du réalisme et de l’exactitude pour s’épanouir et c’est en se délivrant des pesanteurs anatomiques qu’il a su transformer ses femmes en une forme archétypale, un stéréotype qu’il n’est pas interdit d’imaginer comme sa contribution personnelle et sexy à la commedia dell’arte. Qu’elle soit rousse, blonde, brune, la femme chez Manara est interchangeable, modulable à loisir. Femme-objet manipulée par un simple boîtier dans le célèbre Déclic (qui lui vaudra la gloire) ou à la merci d’un homme invisible lubrique (Le Parfum de l’invisible), elle reste néanmoins une créature sublime déifiée, l’objet de toutes les attentions, le centre névralgique autour duquel tourne le monde manarien. Soutier des fumetti dans les années 1960, Manara a trouvé la gloire dans les années 1980 en anticipant la vogue du porno chic, même si son œuvre loin du gonzo reste, à de rares exceptions, plus proche de l’érotisme, du suggestif. Pour autant, il serait inexact de réduire l’art du Transalpin à une fascination monomaniaque tant son œuvre s’avère dans le détail bien plus disparate et riche grâce notamment à l’apport de deux figures tutélaires, deux génies dans leur domaine : Pratt et Fellini. Longtemps sous l’influence moebiusienne, Manara a su se détacher de son ombre grâce au soutien du père de Corto Maltese, lequel lui offrira deux récits historiques sur mesure, à la fois violents et ambigus, L’Été indien et El Gaucho. En parallèle, son amitié avec Fellini, grand amateur de bande dessinée devant l’éternel, lui donne l’occasion d’illustrer deux scénarios restés dans ses tiroirs qui prendront forme dans Voyage à Tulum et Le Voyage de G. Mastorna. Grâce à ces deux chaperons, Manara fait évoluer son trait et construit une œuvre de plus en plus personnelle jouant sur un rapport flottant au réel, comme l’exemple des péripéties de Giuseppe Bergman qui part à la recherche de l’aventure avec un grand A. Sorte d’Alain Delon lunaire, son héros nous immerge dans un imaginaire bigarré en quête d’un mentor étrange aux initiales transparentes « HP » alias Hugo Pratt. La série se pose sans doute comme son chef-d’œuvre et agrège les références littéraires et artistiques classiques pour mieux célébrer la beauté sous toutes ses formes et les génies du passé. Sa dernière œuvre prolonge cette inclination en rendant un vibrant hommage à un maestro de la peinture, le bad boy du Baroque, Le Caravage. Signe de son investissement sur ce projet, Manara aura mis près de quatre ans pour achever le second tome de sa biographie. NT
« Donner corps à l’imaginaire », Richard Corben.
« Milo Manara, itinéraire d’un maestro de Pratt à Caravage »
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FUTUROPOLIS On imagine mal encore aujourd’hui
l’influence primordiale qu’a pu avoir l’éditeur dans l’entreprise difficile de légitimation de la bande dessinée.
LA NOUVELLE VAGUE DE LA BD En présentant près de 20 ans de production de la maison d’édition, l’expo de la Cité internationale de la BD et de l’Image remet en perspective l’importance capitale qu’a pu avoir la structure fondée au cœur des années 1970 par un duo de passionnés : Florence Cestac et Étienne Robial. Renouant avec la tradition originelle des libraires-éditeurs, Futuropolis était le centre névralgique qui avait permis à toute une génération de se retrouver et de se fédérer autour d’une passion commune pour une bande dessinée différente. Pour ce faire, la maison s’appuie alors sur trois principes fondamentaux, qu’elle nomme ses « utopies » : contrôler toute la chaîne du livre, de la création à la mise en vente dans un esprit Do It Yourself avant l’heure ; créer des livres uniques par leur format, leur maquette, loin de la standardisation de l’album ; enfin, mettre l’auteur au cœur du processus de production. Nourri par le talent de graphiste du jeune Robial qui habille chacun de ces livres, Futuropolis développe une approche audacieuse et cohérente en défendant une production qui n’était pas encore dite alternative, accueillant dans ses murs la fine fleur de la création américaine underground et des joyaux du patrimoine tombés peu ou prou dans l’oubli. Le génial Calvo ouvre le bal suivi par le lancement de la collection mythique à l’italienne Copyright, sorte de Pléiade qui consacre des maîtres du strip d’humour (Segar, Goldberg…) et d’aventure (Raymond, Crane, Caniff…). Avec près de 1 000 titres publiés, l’éditeur construit un catalogue alors jamais vu, défendant clairement une politique de l’auteur quitte à publier des artistes réputés difficiles ou invendables. L’expo donne à voir des extraits de reportages d’époque, des documents inédits, des publications internes à la librairie jusqu’aux papiers administratifs aidant à cerner les coulisses de ce bouillonnant éditeur pas comme les autres. Mais c’est sans doute en présentant quelques auteurs emblématiques de la maison que l’on prend la mesure de son importance historique, en observant les ouvrages signés de Vaughn Bodé, Jeffrey Jones (qui n’était pas encore devenu Catherine), Crumb et du côté français, les premières œuvres de jeunes artistes prometteurs nommés Baudoin, Golo, Chauzy, Rabaté, Menu, Slocombe, Schlingo parmi d’autres pointures déjà installées comme Moebius, Tardi… Cette « première époque » prendra fin en 1994 lorsque les deux fondateurs partiront faire la carrière que l’on connaît de leur côté, Robial en graphiste hyper-courtisé, Cestac en devenant la nouvelle reine du gros nez rigolo. Mais l’essentiel est acquis, la route est désormais pavée pour l’Association et consorts, un passage de relais concrétisé par la sortie de l’unique numéro de la revue Labo de Futuro qui servira de matrice à l’anthologie Lapin. NT
© Jean Harambat
Flash Gordon © futuropolis
FESTIVAL ANGOULÊME
JEAN HARAMBAT Dernier lauréat du Prix
Goscinny, sous son ancienne formule, le Landais se voit consacrer une grande exposition malgré une production relativement resserrée de cinq albums parus en une petite dizaine d’années.
CADRAGE ET DÉBORDEMENT
Récompense justifiée pour cet auteur, qui développe une œuvre faussement dispersée tant elle révèle une affinité particulière pour la littérature classique, le voyage, l’Histoire, l’aventure. Loin de la trajectoire habituelle de l’auteur de bande dessinée, Jean Harambat a suivi un double cursus en haute école de commerce et philosophie avant de se confronter aux grands espaces. Lors de ses différents périples autour du monde, il s’engage un temps comme humanitaire pour Action contre la faim, puis se nourrit de ses expériences pour tâter du journalisme dans la presse écrite travaillant pour Géo, Sud-Ouest ou encore la revue XXI. À l’aube de ses 30 ans, il retourne dans son village landais bien décidé à consacrer pleinement son temps et son énergie à l’écriture. Pour son premier ouvrage, Les Invisibles, édité par Futuropolis, il puise dans le récit d’une révolte locale contre la gabelle au xviie siècle et se retrouve d’emblée distingué par le prestigieux Prix du festival d’Histoire de Blois. Loin de se spécialiser dans le genre de la BD historique, il entame par la suite une adaptation d’un roman inachevé de Stevenson, Hermiston toujours chez Futuropolis, tout en publiant chez Actes Sud un recueil d’ « haïkus graphiques », En même temps que la jeunesse, une ode personnelle au rugby amateur, à sa mythologie, à ses codes universels et initiatiques en sortant du versant folklorique associé trop communément à l’ovalie. La parution de Ulysse, les chants du retour (Actes Sud) en 2014 tient cette fois d’une sorte d’essai où l’auteur explore la dernière partie de l’Odyssée pour mettre en perspective le rôle particulier de cet épisode dans l’épopée. En interrogeant les sources archéologiques, des hellénistes ou des artistes, il s’emploie à tisser une réflexion sur la plasticité du mythe, comment celui-ci perdure et jette des ponts par son intemporalité entre passé et présent. Évitant tout didactisme, l’album-enquête sera à nouveau récompensé à Blois. Mais c’est sans doute le succès public et critique de Opération Copperhead, chez Dargaud, qui a définitivement fait sortir Jean Harambat du lot, ne serait-ce qu’en lui faisant gagner une audience plus large. Derrière ce flamboyant hommage à la comédie d’espionnage truffée d’humour british et de situations rocambolesques, l’auteur dévoile une nouvelle facette de son travail modifiant son trait comme un rugbyman modifie son jeu en fonction de l’adversaire et du terrain. Jean Harambat sait bien que dans le sport comme en bande dessinée, rien ne vaut l’art de la feinte..NT « Aller – Retour », Jean Harambat.
« Futuropolis 1972-1994. Aux avant-gardes de la bande dessinée », du mercredi 23 janvier au dimanche 19 mai, Cité internationale de la BD et de l’Image, Angoulême (16000).
www.citebd.org
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FESTIVAL ANGOULÊME
© Laura Park
SPIN OFF PFC Non, ce n’est pas le nom d’un nouveau groupe de rap branchouille mais
l’acronyme de Pierre Feuille Ciseaux, projet façonné par l’association ChiFouMi, qui repousse un peu plus loin les potentialités de la BD en transformant une activité intérieure et solitaire en performance collective placée sous le signe de la contrainte. Forme de consécration pour ses initiateurs, PFC intègre cette année la programmation de la Mecque de la bande dessinée. Enfin.
HOUBA, HOUBA, OUBAPO !
L’idée de départ était outrageusement simple, encore fallait-il y penser. Pour les membres de la structure ChiFouMi, composée de férus de BD alternative, il s’agissait de réunir quelques-uns de leurs créateurs BD préférés dans un même endroit pour le simple plaisir de les voir travailler ensemble. Porté par un ancien libraire, « June », alias Julien Misserey, le projet aboutit pour la première fois il y a dix ans grâce à l’aide providentielle de Lionel Viard alors responsable de la programmation culturelle de la Saline royale d’Arcet-Senans où se tiendra la première édition. Vingt auteurs venus de la galaxie indé répondent présents à l’appel pour cette résidence studieuse d’une semaine, parmi lesquels des piliers de l’OuBaPo (Ouvroir de Bande dessinée Potentielle, équivalent graphique de l’OuLiPo) tel Étienne Lecroart, mais aussi JC Menu, co-fondateur de l’Association. Les autres invités qui se connaissent ou non sont choisis pour leur univers graphique fort et surtout par leur désir de rejoindre une aventure artistique et humaine unique. Derrière la séquence performative proprement dite, PFC prend d’ailleurs soin de ménager aussi un espace d’exposition et propose une série de tables rondes et de projections diverses qui viennent enrichir ce travail commun. Si la forme évolue sensiblement, le concept dans ses grandes lignes se poursuit dès lors et gagne vite une certaine aura. PFC attire ainsi du sang neuf dès la deuxième édition avec l’arrivée d’autres figures de la scène alternative : Benoît Preteseille, L.L. de Mars, le Suisse Baladi ou l’Américain Anders Nilsen. Car PFC n’a que faire des frontières et s’ouvre rapidement à « l’internationale indé ». La tenue d’une session de PFC à Minneapolis, Minnesota, en 2013 couronne ce parti pris avec la présence de l’immense Charles Burns qui se retrouve presque comme un débutant et avoue alors son trac de ne pas être à la hauteur. Au total, en une décennie, c’est près d’une centaine d’auteurs venus d’une quinzaine de pays qui ont relevé le défi de PFC. Or, en quoi consiste-donc ce happening ? Le projet collaboratif se doit de répondre à une série de contraintes définies par les organisateurs ou proposées par les intervenants, des initiatives qui, du reste, sont parfois suivies ou échouent selon leur degré de complexité. Le corpus d’épreuves n’est donc pas arrêté et évolue. Le défi peut être classiquement de raconter un récit à travers l’itération, c’est-à-dire en utilisant une seule et même case ou en s’essayant au palindrome qui pousse à développer une histoire pouvant se lire dans les deux sens. On pourrait également citer « le carré en expansion » où un auteur dessine une case, un deuxième vient dessiner trois autres cases autour (selon la forme d’un L), quand un troisième en rajoute cinq de plus etc. L’éventail sans fin des exercices qui peuvent au besoin se densifier, se mêler, pousse les auteurs, parfois installés dans leurs retranchements, les invitant à trouver des solutions à des problèmes, à discuter entre eux pour faire naître des choses, l’idée sous-jacente étant de les sortir de leur zone de confort personnel. Certains habitués de l’improvisation s’en sortent naturellement mieux que d’autres et l’intérêt est de tirer tout le monde vers une direction même si cette dernière, nécessairement instable, se redéfinit en permanence comme un perpétuel work in progress. En sorte, PFC conçoit la bande dessinée en tant que forme mouvante. C’est une tentative de création permanente, un moyen de montrer que la bande dessinée est un échange et un art vivant. Comme PFC repose sur une mise en danger, la participation comporte des risques, mais pour l’artiste, l’intérêt est qu’il incite à casser les habitudes graphiques, à montrer à chaque aspirant laborantin ses limites pour l’aider à s’en affranchir. Car l’envie est d’abord de se laisser porter et déborder par le mouvement, l’inviter au lâcher-prise, réinterroger sa pratique du dessin en se jetant à l’eau. Par son histoire, le FIBD d’Angoulême se devait naturellement d’accueillir cette initiative atypique qui s’annonce comme un moment fort de cette édition. Ont d’ores et déjà répondu présents pour cette 6e manifestation quelques mascottes de l’événement — Menu, Préteseille — et une délégation française de fleurons de la scène alternative comme Simon Roussin ou Delphine Panique. Ils seront rejoints par des dessinateurs du monde entier dans une liste qui ne cesse de s’allonger parmi lesquels Anders Nilsen ou Noah Van Sciver. Cette efflorescence créative aura la tâche de montrer au public que la bande dessinée est une forme artistique à part entière, plus encore qu’elle peut s’émanciper en dehors du livre et de l’imprimé. Que de la contrainte naît aussi paradoxalement une forme de liberté. NT www.pierrefeuilleciseaux.com
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Depuis les années 1990, Angoulême a toujours été une manifestation double : à la fois un grand barnum pour le « petit » business avec mise en avant des têtes d’affiches et autres best sellers, mais aussi un événement qui a toujours veillé à ménager un espace pour une production moins visible, une création la plus alternative et marginale qui se situe volontairement hors des circuits commerciaux traditionnels. Pour reprendre une opposition binaire, on pourrait dire qu’Angoulême est une hydre à deux têtes : quand l’une sert de vitrine à la face industrielle de la bande dessinée, l’autre met en avant sa face artisanale et underground, là où priment rareté, tirages confidentiels, fait-main. Cette émulation semi-amatrice a donné lieu pendant longtemps à la tenue du festival off (ou FOFF pour les intimes), une sorte de contre ou alter-festival qui, après quelques années de sommeil, revit aujourd’hui sous le nom de « SPIN OFF » grâce à l’impulsion des étudiants de l’EESI (école européenne supérieure de l’image) et de l’EMCA (école des métiers du cinéma d’animation). Ce « rendez-vous de la microédition et de l’autoédition » se propose d’accueillir auteurs, illustrateurs, graphistes, adeptes de la sérigraphie, de la risographie ou basiquement de la photocopieuse, qu’ils soient des références dans leur domaine (on peut y croiser Antoine “WTF” Marchalot, Icinori ou les anciens du Dernier Cri) ou des projets collectifs d’artistes encore débutants tels Next Revel d’Angoulême et les Strasbourgeois de Mokki. Ces projets hors circuit tendent tous à décloisonner la bande dessinée en l’ouvrant vers l’illustration, la musique, l’art contemporain. Outre que SPIN OFF aide à mettre un coup de projecteur sur la bouillonnante scène du fanzinat et démontre que le fanzine reste une pratique bien vivante même à l’heure du dématérialisé, ce salon souterrain s’affiche comme une manifestation solidaire ouverte à l’international en invitant par le passé des projets venus de Serbie (Nova Doba) ou encore d’Italie (Delebile). Lieu d’échange et de fusion des genres, le SPIN OFF prévoit encore cette année la mise en place d’une radio participative éphémère pour diffuser toute son actualité pendant la durée du FIBD. Se voulant un événement festif, le SPIN OFF se prolongera tard dans la nuit avec plusieurs concerts programmés en soirée tout au long de la manifestation. De quoi raviver le vent libertaire de la grande époque, quand tard dans la nuit, les geeks venaient souffler dans les narines des punks à chien. NT SPIN OFF,
du jeudi 24 au dimanche 27 janvier.
www.bdangouleme.com
SCÈNES
festival continue de proposer des formes artistiques que l’on ne voit pas (souvent) ailleurs : du court, du bizarre, de l’inclassable, du dérangeant. Aux frontières du trouble, Trente Trente essaime désormais sur toute la NouvelleAquitaine. En attendant d’autres destinations dans un futur proche. Gros plans sur quelques lignes fortes et nouveautés 2019.
© A Monot
TRENTE TRENTE La 16e édition du
EN TOUS GENRES 1. Transgenre
Sans s’en rendre compte, dit-il, Jean-Luc Terrade, maître de Trente Trente depuis ses débuts, a programmé cette année trois artistes transgenres. Sorour Darabi avance depuis deux soli dans une direction performative où tout se mêle danse, texte, chant, conférence. Et l’autobiographie iranienne comme toile de fond. Farci.e, ce solo qui l’a découvert.e, questionne la langue française : « Comment penser le genre dans une langue qui donne un sexe aux idées ? En français, un objet qu’on n’arrive pas à nommer, on l’appelle une chose. Alors, un corps qu’on n’arrive pas à genrer, c’est une chose ? Une chose, en français, c’est féminin. Alors, toutes les choses sont féminines ? » Depuis il y a eu Savušun et Alexandre, aux côtés de Paul/a Pi, danseuse brésilienne rencontrée au master exerce du centre chorégraphique de Montpellier. Tous.tes deux ayant aussi décidé de brouiller les pistes sur le plateau, comme ce Ecce (H)omo présenté à Pau. Paul/a Pi s’y inspire des danses de Dore Hoyer, danseuse expressionniste allemande, autour de cinq affects : orgueil/vanité, désir, haine, peur, amour. L’occasion d’ausculter la notion d’archives, de ré-interprétation, de l’appropriation aussi. Et puis, créé aux Sujets à vif d’Avignon, il y aura L’Invocation à la muse de Vanasay Khamphommala et Caritia Abell. Des parcelles de BDSM, des zestes de performance, des soupçons de poésie, pour un duo qui bouscule les assignations genrées de la muse antique. 2. Femmes
Sur les 32 artistes invités de la 16e édition,
une douzaine sont des femmes. Soit un petit
Marcela Santander Corvalán, Disparue
pic, même si 30 30 n’est pas encore à du 50 50. On verra donc Leïla Ka, dans son solo Pode ser au Performance, les chorégraphes Gaëlle Bourges, Gwendoline Robin et Kaori Ito lancées dans de drôles de duos à Cognac et Elsa Guérin avec son exposition circassienne à Boulazac. Sans toutes les citer, on retiendra la venue de la danseuse chilienne Marcela Santander Corvalán et son solo Disparue en trois lieux différents (Limoges, Bordeaux, Pau). La danseuse, qui travaille depuis longtemps aux côtés de Mickaël Phélippeau, a collaboré avec Dominique Brun et fait équipe avec Volmir Cordeiro – un autre habitué de Trente Trente –, tient dans ce solo une position accroupie. « Je plonge dans cette posture fantôme, proche du sol, pour visiter la mémoire des gestes qui la constituent. » De cette position basse, elle fait pièce, rapprochant bassin et sol, mais aussi bassin et visage mobile, dans une nouvelle circulation des appuis et du mouvement. Dans son habit rouge à franges, ce grand plié décentre aussi nos regards, générant des images venues de postures et de cultures lointaines. Une cérémonie d’en bas et de l’au-delà. 3. Cinéma
C’est le retour de la soirée Trente Trente à l’Utopia, qui a déjà existé il y a longtemps, « sept ou huit ans » hésite Terrade, et rassemble cette année quatre courts métrages choisis pour leurs formats et leurs qualités plastiques. Ainsi on passera des Indes Galantes de l’acclamé Clément Cogitore, photographe et cinéaste, commandé par la 3e scène de l’Opéra de Paris, où des krumpers se retrouvent au
plateau vénérable de l’opéra Garnier, pour réinterpréter du Rameau avec ferveur et subtilité, au plus expérimental Quelque chose des hommes de Stéphane Mercurio, troublant échange entre un père et un fils. The Barber Shop de Gustavo Almenara et Émilien Cancet raconte comment, dans la jungle de Calais, les séances de coiffeur improvisé ramènent les hommes à des pensées intimes et des drames vécus. Quant à Habana d’Édouard Salier, il commence lui aussi chez le coiffeur pour dériver ensuite dans La Havane version dystopique. Le réalisateur bordelais signe là un moyen métrage noir et blanc léché, où caméra au poing, il suit son personnage dans une Havane des temps futurs, dévastée par la guerre et la pollution. 4. Futur(s)
Trente Trente va-t-il continuer sur sa lancée les années à venir ? Continuer sur son expansion régionale ? Terrade rumine encore d’aller respirer un peu ailleurs. Plus loin encore que Pau et Limoges, avec des envies parisiennes dès 2021. Sans perdre de vue les partenariats régionaux, d’autant que de nouveaux s’annoncent, notamment avec Saintes, il préférerait un Trente Trente en plusieurs temps. Bordeaux en janvier, puis ailleurs au printemps. Histoire que les formes de rue puissent aussi y trouver leur place. À suivre. Stéphanie Pichon Trente Trente,
du vendredi 18 au jeudi 31 janvier.
www.trentrente.com
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SCÈNES
Qu’il signe ses créations seul ou à six mains au sein de la 2b company, le comédien et metteur en scène suisse convoque toujours un univers fait d’humour tendre et de poésie barrée. Phèdre !, taillé sur mesure pour le comédien Romain Daroles, est de cette trempe-là. Une conférence irrésistible qui nous fait goûter l’alexandrin de Racine comme jamais, amenant la tragédie du côté du rire. Car le natif de Berne avoue un indécrottable penchant pour la joie. Rencontre avant la présentation de son Phèdre, avec un point d’exclamation s’il vous plaît, à Saint-Médard-en-Jalles. Propos recueillis par Stéphanie Pichon
COMME UN CHEVAL DE TROIE Pourquoi Phèdre ? Au départ, il y a une commande du Théâtre Vidy, de Lausanne, d’un spectacle qui puisse aller dans les écoles. Je l’ai pensé comme un cheval de Troie : soit prétexter un texte classique du programme scolaire pour apporter dans l’école une forme de théâtre contemporain. Et puis Phèdre, j’en suis tombé amoureux ado. Alors, je me suis dit que ça pouvait leur parler. J’ai imaginé une forme que j’aime beaucoup, celle de la narration par une seule personne. Cela commence comme une conférence sur Phèdre et se finit avec un conférencier qui joue les personnages. Qu’est-ce qui vous intéresse dans ce format de conférence, que vous avez déjà utilisé, notamment dans la Conférence de choses ? Le rapport très clair avec le public. On ne fait pas croire qu’on est quelqu’un d’autre. On évite tout ce qui relève des ornières psychologiques de l’incarnation de personnage. L’endroit de la citation permet une immense liberté. Au moment où il annonce : « Voilà maintenant je suis Phèdre », le spectateur est prêt à le suivre. Comme lorsqu’on est enfant et qu’on dit : « Je suis un chef indien. » On peut aller très loin avec ce principe, et cela permet aussi de s’amuser.
l’alexandrin, j’ai respecté les règles classiques tout en essayant de ne pas tomber dans ces mélodies habituelles et d’être dans le concret de la langue. Cet interprète incroyable arrive à réinventer, à se mettre à l’endroit de la parole, de ce qui est dit, par qui, à qui. Je suis bluffé par la qualité de langue qu’il arrive à transmettre. Romain Daroles est un jeune acteur dont vous avez été le professeur à la Manufacture de Lausanne. Qu’est-ce qui retient votre attention dans son jeu ? Lorsque j’ai eu Romain comme élève, j’ai très vite vu qu’il était un des ces interprètes avec lequel on a le sentiment d’être en face d’un être humain vivant et pas face à quelqu’un en train d’inventer ou de composer. Le rire, l’absurde traversent tous vos projets. Pourquoi les convoquer ? Je ne fais pas exprès d’aller chercher le rire. C’est quelque chose de très naturel chez moi, une façon de voir la vie. Je sais que la vie est une tragédie, que le monde est dur, d’une immense violence. Mais pour traverser tout ça avec puissance, je fais le pari de la joie. Dans le spectacle, Phèdre est passé à la moulinette de la joie. On ressent toute cette dimension tragique, avec une force qui nous secoue, qui nous rassemble. Cette catharsis collective passe par le rire comme par les larmes. Si on va chercher les larmes et les sentiments noirs, j’ai l’impression que quelque chose s’arrête. Et moi je veux croire en la puissance de la poursuite. Ce parti pris dans mes spectacles, c’est presque une dimension politique. Rions ensemble, et essayons d’inventer demain par la joie.
« Pour traverser tout ça avec puissance, je fais le pari de la joie. »
Comment justement vous êtes-vous amusé avec le texte de Racine ? Pour le personnage de Phèdre, on a quasiment toujours gardé les vers de Racine, dans un rapport très précautionneux, minutieux même. Pour les autres personnages, on passe des alexandrins à de la paraphrase pure. Parfois, je m’amuse juste à changer quelques mots, mais j’ai essayé d’avoir un soin pour la langue, un soin contemporain. Pour dire
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Le rire est aussi un moyen d’entrer plus facilement en communication avec le spectateur… Absolument. En présentant une pièce qui l’amuse par moments, j’essaie de faire que le spectateur se sente plus intelligent que le spectacle qu’il voit, pour pouvoir ensuite offrir des choses, je l’espère, pas trop bêtes. C’est aussi une manière de casser cette idée que le théâtre contemporain serait inaccessible et réservé aux initiés. Avec les élèves, cela établit d’entrée une connivence. À l’école, le théâtre ça les barbe, on le voit, on le sent. Alors, on essaie de rendre vivante cette matière tellement éloignée d’eux. On tente de les réconcilier, et leur amener le fait que le théâtre c’est vivant. Après l’avoir créé dans les classes, vous avez porté ce Phèdre au plateau. J’ai senti très vite que c’était un cousin de la Conférence de choses dont le registre très empathique réjouissait les gens. Je voyais bien que Phèdre avait cette même qualité de réconcilier les publics : les classiques et les contemporains, les jeunes et les personnes âgées. Le succès de la Conférence de choses vous a-t-il surpris ? Il m’a surpris et m’a réjoui ! C’est génial qu’une forme aussi simple puisse rassembler du monde. Revenir à l’essence du théâtre : un comédien, un texte, des gens qui regardent, et que ça marche. On y retrouve l’énergie de conteur, et l’envie de partager une histoire avec enthousiasme et bienveillance. Phèdre !, François Gremaud/2b company, samedi 19 janvier, 20 h 30, L’Asco, centre social et culturel, Saint-Médard-en-Jalles (33160).
www.carrecolonnes.fr
© Mathilda Omi
FRANÇOIS GREMAUD
© Aire Libre - Loewen photographie 2017
EMMANUEL MEIRIEU Le metteur en scène adapte
d’indispensables grands romans contemporains pour réaliser des spectacles essentiels qu’il confie à des acteurs d’exception.
ÉMOTION FACE CAMÉRA Les Néo-Aquitains ont la chance, en ce mois de janvier, de pouvoir découvrir deux spectacles d’une intensité émotionnelle rare créés par Emmanuel Meirieu : Mon Traître à Poitiers et Des hommes en devenir à Libourne. Adapté de deux récits du journaliste et écrivain français Sorj Chalandon, Mon Traître est l’histoire vraie d’une amitié que l’auteur noua avec l’un des leaders de la branche politique de l’IRA, Denis Donaldson. Pendant plus de vingt ans, les deux hommes partagent des valeurs, des idéaux, un engagement, une fraternité dans la lutte, jusqu’à ce que le combattant irlandais avoue être, depuis 25 ans, un informateur au service de l’armée britannique. L’assassinat, quelques mois après son aveu, de l’espion enlève toute possibilité d’explication. Trahison, amitié bafouée, deuil impossible : Sorj Chalandon écrit, pour comprendre, deux textes forts. Il relate dans Mon Traître la trahison qu’il a vécue et donne de façon imaginaire, dans Retour à Killybegs, la parole à son ami, à son traître. Emmanuel Meirieu fait de ces deux récits une bouleversante tragédie : le traître et le trahi se succèdent au micro, seuls en scène, face aux spectateurs, pour dire la difficulté de vivre et celle de pardonner. Un micro, un acteur seul en scène, les yeux dans ceux du public, un récit brûlant adapté d’un grand roman contemporain : c’est désormais la signature d’Emmanuel Meirieu, qui fait le choix de mettre en scène des êtres fragiles dans « une société qui abandonne ses plus faibles ». Cinq hommes brisés habitent le spectacle Des hommes en devenir, adaptation de l’auteur texan
Bruce Machart. Cinq récits d’hommes à l’asphyxie. Ils s’appellent Tom, Dean, Ray, Sean et Vincent. Tous ont éprouvé la perte, tous ressentent le manque, l’absence. Ils partagent la même douleur, hantés par un enfant, un ami, un amour, un parent, disparus. Inconsolables. Emmanuel Meirieu dit espérer faire un théâtre qui console : « Il n’y a rien de plus beau pour moi que ça : consoler quelqu’un. Mes histoires peuvent vous paraître d’abord tristes, violentes parfois, parce que je suis obligé de vous parler de l’extrême fragilité des êtres vivants et de la brutalité du monde. Mais je veux que vous sortiez du théâtre consolés, réconfortés. » En février, Emmanuel Meirieu présentera en Île-de-France sa dernière création : l’adaptation de La Fin de l’homme rouge de Svetlana Aleksievitch. Pourquoi ce texte sur la chute de l’utopie soviétique ? « J’aime les derniers de cordée et les chaînes de solidarité humaine. Aujourd’hui, il semble qu’il n’y a plus d’alternative au libéralisme. Pour ma part, je n’arrive pas à laisser les choses disparaître. C’est pour cela que je fais du théâtre. » Essentiel, donc. Henriette Peplez Mon Traître, adaptation et mise en scène d’Emmanuel Meirieu, mercredi 23 janvier, 19 h 30, centre d’animation de Beaulieu, Poitiers (86000).
www.comedie-pc.fr
Des hommes en devenir, adaptation et mise en scène d’Emmanuel Meirieu, mardi 15 janvier, 20 h 30, Théâtre le Liburnia, Libourne (33500).
www.theatreleliburnia.fr
©Richard volante
SCÈNES
NICOLAS BONNEAU En 2007, c’est Laurent Fabius qui gagne la palme du dérapage sexiste, avec
Qui va garder les enfants ?, raillerie machiste à l’endroit de la candidate à la Présidence de la République. Le dramaturge, lui, est un conteur plutôt sensible et féministe. Il fait de la phrase assassine le titre de sa dernière création, et met en lumière, à travers 8 portraits de femmes en politique, les mécanismes de domination masculine. Propos recueillis par Henriette Peplez
LE PARTI PRIS DES FEMMES Dans Une vie politique, vous partagiez la scène avec Noël Mamère. Dans Qui va garder les enfants ?, avec qui partagez-vous le plateau ? Elles sont huit femmes politiques. Il y a Yvette Roudy, militante qui a été la première ministre des Droits de la femme ; Ségolène Royal, incontournable : elle est la première candidate à la présidentielle et c’était la députée de ma circonscription. Il y aura aussi Christiane Taubira, Angela Merkel, Margaret Thatcher, Simone Veil. Et puis, j’avais envie de montrer des femmes dont on entend peu parler, comme Virginie Lecourt, maire d’une petite commune du Limousin. Je l’ai rencontrée en décembre 2015 dans le cadre des « conférences artistiques et citoyennes » organisées par le Théâtre du Cloître de Bellac. Comme avec Noël Mamère, je l’avais suivie pendant une semaine : conseil municipal, monument aux morts, discours aux aînés… Bref, elles seront huit. Alors, évidemment, pas physiquement, avec moi, au plateau. Sur scène, je serai tout seul.
beaucoup de lecture, de visionnage de films et de documentaires, notamment pour faire le portrait de celles que je n’ai pas pu rencontrer. Mais on est au théâtre, dans une création artistique, alors il y a aussi une part d’imaginaire. Christiane Taubira, j’aurais adoré la rencontrer mais elle n’était pas disponible. Aussi l’ai-je imaginée ; j’ai imaginé son entrée en politique, comment naît sa vocation. Comment se fait la transformation de cette masse documentaire vers l’écriture théâtrale puis vers la mise en scène ? Habituellement, c’est au cours des répétitions que je réadapte le texte. Qui va garder les enfants ? m’amène à changer de méthode de travail : on a collecté et écrit à quatre mains, avec Fanny Chériaux qui signe aussi la musique. Et la mise en scène se fait également à deux, avec Gaëlle Héraut qui assure la direction d’acteur.
« Contrairement à d’autres de mes spectacles, qui relevaient de l’autofiction, je suis ici très proche du réel. »
Vos créations s’appuient généralement sur une importante phase de recherche documentaire. Avez-vous ainsi procédé ? C’est un projet à gestation longue, 3 ans, partagés entre enquête sur le terrain, travail d’écriture artistique, résidences de création. Le collectage, c’est beaucoup d’entretiens, de rencontres, avec des femmes de terrain et des femmes politiques plus médiatisées, comme Delphine Batho, Clémentine Autain, Roselyne Bachelot, Nathalie KosciuskoMorizet, Marylise Lebranchu. C’est aussi
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Dans vos spectacles, vous parlez à la première personne : votre propre histoire entre en résonance avec celle que vous racontez. Ici aussi ? Dans Sortie d’usine, je raconte le monde ouvrier ; je parle de mes parents, du travail de mon père à l’usine et de ma prise de conscience de la domination de classe. Dans Qui va garder les enfants ?, je parle aussi en mon nom : je raconte ma rencontre avec ces femmes politiques. Je parle aussi de ma sœur, de l’éducation que nous avons reçue, des mécanismes qui m’ont conduit à prendre conscience, tardivement, de ma propre domination masculine. Contrairement à d’autres de mes spectacles, qui relevaient de l’autofiction, je suis ici très proche du réel.
Par exemple ? Je raconte par exemple un épisode de ma vie dont je ne suis pas très fier. Quand j’étais en 4e, au collège, une fille s’est présentée contre moi à l’élection des délégués de classe. Moi, je voulais garder mon poste : j’avais été désigné l’année d’avant, sans élection. Alors j’ai tout fait pour la faire chuter, j’ai lancé des rumeurs sur son côté bonne élève et timide, qu’elle ne saurait pas défendre les élèves, prendre la parole en public. Bref, je me suis comporté comme un vrai connard. C’est ma première confrontation à la lutte des genres et à la domination masculine. Comment être légitime sur ce sujet quand on est un homme ? C’est le reproche que m’adresse Yvette Roudy dès le début du spectacle ; elle dit : « Encore un homme qui se mêle de parler à la place des femmes ! » Je pense que c’est important que les hommes prennent la parole sur ce sujet, pour que les choses évoluent. Dans le spectacle, je vais retracer le chemin de ma prise de conscience, qui démarre avec la conscience de l’humiliation de classe et se termine par l’idée que moi, Nicolas Bonneau, je suis une femme comme les autres. Qui va garder les enfants ?,
conception, écriture et jeu de Nicolas BonneauCie La Volige, du vendredi 11 au samedi 12 janvier, Théâtre de la Coupe d’Or, Rochefort (17300).
www.theatre-coupedor.com
du mercredi 16 janvier au dimanche 31 mars, Théâtre de Belleville, Paris (75011).
www.theatredebelleville.com
jeudi 11 avril, 20 h 30, Théâtre le Liburnia, Libourne (33500).
www.theatreleliburnia.fr
jeudi 9 mai, 20 h 30, Les 3T-Théâtres de Châtellerault, Châtellerault (86100).
www.3t-chatellerault.fr
© Collectif Petit Travers
PAU Pièce pour balles blanches et bonshommes rouges.
Ou l’inverse. Dans les plis du paysage du collectif Petit Travers met la jongle au centre. Où corps et objets dialoguent dans une belle égalité poétique.
BALLE AU CENTRE La doudoune écarlate. Le fond noir. La balle blanche. Les balles blanches. Dans les plis du paysage commence comme ça. Par un focus sur l’objet. Rideaux, tulles et voiles floutent ce qui se joue au plateau et découpent l’espace. Cette pièce pour sept artistes du collectif Petit Travers (Martin Barré, Julien Clément, Rémi Darbois, Juliette Hulot, Nicolas Mathis, Marie Papon, Clément Plantevin) réalise une drôle de prouesse. Celle d’évacuer le narratif, l’individualité, pour ne garder que la moelle : la balle de jonglage et les corps qui l’animent au rythme d’une batterie. Parfois la balle semble même retrouver toute son autonomie, rebondissant dans les airs sombres, sans mains pour l’activer. Elle ne va pas non plus forcément vers le haut : l’objet se décale, opte pour des trajectoires diagonales, horizontales, coudées. Des apparitions graphiques et segmentées, autant que les personnages en anorak rouge qui traversent la scène en ordre indéfini, telles des figures interchangeables. À un, deux ou plusieurs, ils recomposent à chaque fois le paysage sur scène. Ils font corps avec l’action. Les élans sont coupés, tronçonnés par des fondus au noir. La présence du batteur-musicien se révèle aussi sonore que visuelle : sa main s’élève, s’abat, presque plus mobile que celle des jongleurs. La partition semble à la fois calculée et imprévisible. Avec des ratés, des accidents, des surprises. Dans cette valse avec l’objet, revient la lancinante question : qui est animé ? Qui ne l’est pas ? Comme si la balle jonglait avec les corps. Et pas l’inverse. Depuis 2003, le collectif Petit Travers a fait vœu de bâtir les « fondations d’un jonglage nouveau » ; rien que ça.
Mené par Nicolas Mathis et Julien Clément, il affiche comme influence le grand jongleur Jérôme Thomas, le compositeur Pierre Jodlowski mais aussi les chorégraphes Pina Bausch ou Maguy Marin. Ce qu’ils cherchent depuis leur première pièce, Pan-Pot ou modérément chantant (2009), c’est une écriture « graphique et virtuose », à l’opposé « de l’acte performatif ou de la course au spectaculaire ». Un monde fait de théâtralité, de geste minimal et de lignes graphiques. Et c’est ainsi qu’en faisant cirque, ils créent une danse pour « individus-paysages », ce que Nicolas Mathis définit comme « un panel de qualités de présences qui vont d’une désincarnation des personnes jusqu’au fait de les voir dans leurs corps, leur singularité, leur originalité ». Car Dans les plis… quitte à un moment son obsession du désincarné pour opérer un point de bascule. Les doudounes rouges laissent place à un dégradé de couleurs, de corps et d’individus. Après les déplacements anonymes et millimétrés, vient le temps des rituels nocturnes, des fêtes spontanées en pleine lumière. L’uniforme cède place à des humanités vivantes, drôles et désordonnées. Eux parlent d’une danse paysanne. On y verrait plutôt les contours d’un rituel urbain, où la percussion se fait aussi sèche que concrète. Où les corps passent de la plus grande maîtrise à la fragilité. Stéphanie Pichon Dans les plis du paysage, collectif Petit Travers,
du jeudi 24 au vendredi 25 janvier, 19 h 30, espace James Chambaud, Lons (64140).
www.espacespluriels.fr
© Jean-Pierre Bouron
© Jean-Pierre Bouron
SCÈNES
G19 + MIXAGE - PYRAMID = RÉSEAU 535 Mais encore ? La nouvelle région bouscule et reconfigure les
réseaux de structures dédiés aux arts vivants. Les deux grands événements de visionnement de compagnies régionales Région(s) en scène et Spectacles d’hiver vivent ce mois-ci leur dernière édition sous l’ancienne formule. L’an prochain, le réseau 535 imaginera d’autres formes et temporalités. Explication de texte.
MUTATIONS À L’ŒUVRE
Chaque hiver, depuis 15 ans, le réseau Mixage – 37 programmateurs de spectacle vivant de l’ancienne Aquitaine – et le réseau Pyramid – 22 opérateurs de l’ancienne Midi-Pyrénées – associent leurs forces pour Région(s) en scène. Un rendezvous où 14 artistes des deux régions présentent leurs créations à un parterre de 150 programmateurs. Histoire que leur travail soit visible à un large panel de salles, et que la diffusion artistique soit favorisée. Mais ça, c’était avant. Avant que la réforme territoriale vienne rebattre un peu arbitrairement les affinités géographiques, pour étirer l’Aquitaine vers le nord, et faire grossir Midi-Pyrénées vers l’est. Comme le dit la toute nouvelle présidente du réseau 535, Gabrielle Boucher, programmatrice à Mourenx (64) : « Il y a les frontières administratives et les liens avec les territoires. Parfois cela diffère. Nous étions proches de la région Midi-Pyrénées, beaucoup moins du Poitou-Charentes et de G19. » Région en scène(s) 2019, qui se déroule à Lormont, Floirac, Villenave-d’Ornon et Bègles, du 9 au 11 janvier, verra donc sa dernière formule Sud-Ouest friendly. « Aujourd’hui, Pyramid essaie de faire entrer de nouveaux partenaires de la région Languedoc-Roussillon, où il n’existait pas ce genre de réseaux », témoigne Anne Bardin, à la tête du réseau Pyramid. « Avec l’Aquitaine, il y a longtemps eu un rapprochement qui tenait à des affinités, des méthodes de travail similaires. Cette alliance n’a actuellement plus trop de sens en terme de repérage artistique. Mais nous ne les lâchons pas comme ça : l’an prochain, trois compagnies d’Occitanie iront présenter leur travail dans le réseau 535. Et inversement. »
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De son côté, Mixage est allé voir ce qui existait au nord de Bordeaux et a trouvé un nouveau partenaire, le G19, dont Céline Bohère, de l’association A4 à Saint-Jean-d’Angély, est encore la présidente. Chaque année, ce réseau de Poitou-Charentes invite pour Spectacles d’hiver des professionnels à visionner en version condensée le travail de compagnies régionales. 22 cette année, sur trois jours, à Bressuire et Thouars. Pour la première fois, il sera chapeauté par le réseau 535, créé en septembre. À l’horizon 2020, il s’agirait de garder les deux rendez-vous historiques – Spectacles d’hiver et Région(s) en scène– l’un au nord et l’autre au sud, mais le timing pourrait être corrigé, les deux rendez-vous étant en janvier. « Pour les programmateurs, surtout les plus petits, il est compliqué d’organiser deux déplacements à trois semaines d’écart. » Alors, l’un pourrait se jouer à l’automne, l’autre en hiver, en distinguant deux étiquettes différentes : un pour les jeunes pousses émergentes, l’autre pour la diffusion de tous types de compagnies. Alors ce mariage forcé, aubaine ou complications ? Pour Céline Bohère, « c’est un atout. Cela a ouvert les vannes vers de nouvelles compagnies et propositions artistiques. Aujourd’hui, par exemple, je programme le Petit Théâtre de Pain, venu du sud de l’Aquitaine. Cela n’aurait pas été le cas il y a trois ou quatre ans ». Même écho positif chez Gabrielle Boucher. « Ce mariage un peu forcé est l’occasion de se rencontrer, de créer un nouvel outil pertinent, d’imaginer d’autres manières de faire. » Exemple ? « Mixage avait toujours insisté sur la question de la diffusion, alors que G19 était aussi dans l’accompagnement de la création, les temps
de résidence, la recherche de partenariats. Ces façons de faire nous décalent. On sera désormais sur les deux fronts : la diffusion et le soutien à la création. » Il devrait aussi y avoir des tournées régionales, pour que la médiation et la présence artistique soient mieux partagées sur le territoire. Mais au fait qui adhère à ce nouveau réseau ? Des structures de toutes tailles, des scènes rurales ou métropolitaines. Tout un maillage qui défend la mutualisation et le partage d’expériences pour accompagner au mieux les artistes, leur visibilité et leur diffusion. « C’est à la fois un réseau de solidarité, une manière de soutenir les artistes, de parler de ce qu’on programme, de ce qu’on voit. C’est aussi un endroit d’échange entre professionnels sur nos pratiques », précise Gabrielle Boucher. Aujourd’hui, le nouveau réseau 535 réunit 60 membres et d’autres pourraient les rejoindre prochainement. Pour financer ce réseau et ces deux événements phares, la Région Nouvelle-Aquitaine et l’OARA sont essentiels. « L’OARA aide 100 % de nos adhérents à la diffusion dans leurs salles. Joël Brouch nous rencontre pour imaginer aussi de nouveaux projets ensemble. » Bref l’avenir de ces réseaux se réinvente doucement pour coller au mieux à ce territoire devenu (trop) vaste. Stéphanie Pichon
Région(s) en scène, du mercredi 9 au vendredi 11 janvier.
www.reseaux-mixage-pyramid.org Spectacles d’hiver,
du lundi 28 au mercredi 30 janvier.
www.g19.fr
© Estelle Hanania
GISÈLE VIENNE 15 danseurs. Une fête improvisée. De la transe ralentie pendant 1 h 40. Crowd nous fait entrer dans un rituel païen au son electro des années 1990. Le versant chorégraphique de WEE!, les trois jours electro du TAP.
SLOW MOTION L’an dernier, c’était le chorégraphe Christian Rizzo qui était l’invité de WEE!, festival de musiques électroniques co-signé par le TAP et le Confort Moderne. Le Syndrome Ian lançait neuf danseurs dans les moiteurs du clubbing des années 1980, entre disco et new wave, en hommage au son de Joy Division et à Ian Curtis. Cette année, WEE! passe à la décennie 90 avec Gisèle Vienne, artiste polymorphe franco-autrichienne (chorégraphe, plasticienne, metteure en scène) qui n’aime rien tant qu’explorer la violence et agiter des formes inquiétantes et nouvelles, appuyée par Denis Cooper, performer, dramaturge et auteur. Avec Crowd, exit le clubbing de boîte de nuit. Les fêtards seraient plutôt des teufeurs, qui choisissent hangars, clairières ou lieux abandonnés. Au plateau, le sol sale, les bouteilles d’eau abandonnées, les jeunes gens en jeans et sweaters rappellent l’ambiance des free parties. Il y a vingt ans, il y a un siècle. « Au début, je n’étais pas partie sur les rave parties, je voulais parler de la fête. Je ne suis pas anthropologue, je me voulais juste témoin », expliquait l’artiste sur France Culture. « Crowd est traversée par ma mémoire de plein de choses : ma mémoire sensible, affective, la superposition des temps ; le temps de la lumière, le temps des interprètes, le temps du mouvement. » La bande-son, jouée en direct par le DJ Peter Rehberg, nous situe d’emblée chez les pionniers de Detroit, Berlin, du temps où l’electro s’expérimentait encore, où les pionniers traçaient un nouveau chemin. De nouveaux rituels. Car c’est ce qui passionne l’artiste : s’interroger sur la communauté, sur sa manière d’incorporer la violence qui lui est inhérente, et les endroits où elle peut encore créer des rassemblements collectifs. « Ce qui m’intéresse de manière plus vaste, ce sont les espaces
qu’il faut réinventer. La société laïque ne pense pas suffisamment ces nouveaux espaces de la transgression, de l’expérience spirituelle, métaphysique… Ça ne me semble pas encore acquis. On fait glisser l’art du côté du divertissement, de la pédagogie, l’art n’est ni l’un ni l’autre. » La partition extrêmement écrite de Gisèle Vienne et Denis Cooper est aussi chorégraphique que théâtrale. Chacun des danseurs est un personnage, dont les contours ont été travaillés. Sans parole, toujours au rythme de la bande-son, ils passent par tous les états, s’aiment, s’attirent, passent par la joie ou la violence. Toute une panoplie d’humanités se reconfigure sans jamais lâcher le beat tendu de la techno. Tout se joue et se rejoue. Avec lenteur, ralentis, gros plans, focus, arrêts et cuts. Dans Crowd, le mouvement slow motion sert de motif à Gisèle Vienne qui revendique avoir des corps retouchés comme on a des photos retouchées, des effets de cinéma qui donnent à cette fête ce ton troublant entre vivant et trafiqué, entre nostalgie des nineties et ultra-modernité. Autour de cette création chorégraphique, les trois jours de WEE! navigueront entre le TAP et le Confort Moderne. On y retrouve des fidèles, Ron Morelli ou Simo Cell, et des formats nouveaux comme ces siestes électroniques de Schlomo. Stéphanie Pichon Crowd, Gisèle Vienne,
jeudi 24 janvier, 20 h 30, TAP, Poitiers (86000).
WEE!, du jeudi 24 au samedi 26 janvier,
TAP et Confort Moderne, Poitiers (86000).
www.tap-poitiers.com
SCÈNES
LE MOIS DE LA DANSE Le traditionnel
rendez-vous de Cenon rend hommage au faiseur de tubes planétaires Petipa lors du spectacle de clôture au Rocher de Palmer. À voir notamment Bianca Scudamore et Francesco Mura, jeune couple prometteur du Ballet de l’Opéra de Paris dans des extraits peu connus du maître.
GRAINES « C’est extraordinaire : en 8 mois, elle est passée de quadrille à sujet, l’élite du corps de ballet », apprécie Gilbert Mayer, professeur de danse reconnu de l’Opéra national de Paris et fidèle partenaire des Rencontres de la danse classique, spectacle de ballets qui clôt traditionnellement le Mois de la danse à Cenon. Elle ? C’est Bianca Scudamore. Dès son entrée à l’Opéra de Paris, les qualités de cette jeune Australienne, âgée aujourd’hui de 19 ans, ont été remarquées. « Elle a une technique extrêmement brillante et sûre pour son jeune âge », apprécie le maître. « Elle a percé d’une façon impressionnante. Elle est au-dessus du lot », approuve Aurélien Houette, danseur (sujet) au Ballet de Paris. Après une formation notamment à la Brisbane Academy of Dance, puis deux ans à l’école de danse de l’Opéra de Paris, Bianca Scudamore entre dans le corps de ballet de la compagnie en septembre 2017 comme quadrille. Elle gravit très vite les échelons : coryphée, puis sujet en mois d’un an. Parallèlement, elle poursuit sa course en tête dans les grands concours avec notamment le 2e Prix cet été au prestigieux Concours international de Varna, catégorie junior. Son partenaire et collègue, Francesco Mura (sujet), a obtenu lui le 3e Prix. Et même enthousiasme pour ce jeune danseur de 21 ans. Le couple a d’ailleurs remporté le prix du Cercle Carpeaux destiné à récompenser de jeunes espoirs du corps de ballet de la compagnie parisienne. « Ce sont des talents purs, apprécie Aurélien Houette. Au-delà d’une très belle technique, ils ont une fougue invraisemblable et une générosité en scène. Ils n’ont pas ce mauvais stress qui fige. Ils se lancent à corps perdu et donnent tout. C’est assez incroyable ! Quand on sort de l’école, on peut mettre un peu de temps à prendre ses marques. Pas eux. Ils sont à l’aise, attentifs, mais avec cette décontraction qui leur est propre. On est très contents de les avoir avec nous. Surtout qu’avec Varna et Carpeaux, ce sont des danseurs très demandés, y compris à
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l’étranger. » Cette année, l’ancien élève d’Annie Cazou, à l’origine de ce Mois de la danse, officiera aux côtés de Gilbert Mayer comme répétiteur pour le spectacle de clôture le 9 février Sylvia Saint-Martin au Rocher de Palmer. Sébastien Bertaud, l’autre enfant cenonnais devenu grand, sujet au Ballet de Paris, ne sera pas de la partie pour cause de création à Milan. Cette 32e édition des Rencontres de la danse classique reste fidèle à l’esprit pédagogique initié dès l’origine avec la célébration des grandes périodes de l’histoire du ballet et de ses figures légendaires. Hommage donc évident au danseur/maître de ballet/ chorégraphe français Marius Petipa (1818-1910), « l’icône du ballet classique » [Lire notre édition #27 et #55, NDLR] pour le bicentenaire de sa naissance. Avec traditionnellement des danseurs des Ballets de l’Opéra de Paris et de Bordeaux (sous réserve) et la compagnie François Mauduit. « Par son immense contribution à l’évolution du ballet classique, Marius Petipa est considéré comme la personnalité de notre art la plus importante ; il a été fêté et reconnu comme tel dans le monde entier à l’occasion de cet anniversaire », rappelle Gilbert Mayer. Bianca Scudamore et Francesco Mura célébreront cette figure historique via un programme conçu spécialement pour la soirée, deux pas de deux signés Petipa encore peu connus en France : Le Carnaval de Venise et Esmeralda créés respectivement par Milon (1816) et Perrot (1844). « La carrière chorégraphique de Petipa se divise en trois grandes phases, rappelle Gilbert Mayer : les grands ballets conçus avec Tchaïkovski (Lac des cygnes, Casse-noisette, Belle au bois dormant, etc.), les ballets d’opéra et la reprise à Saint-Pétersbourg de ballets créés en France
© Béatrice Ringenbach
D’ÉTOILES
au xixe siècle et disparus. » Ces pièces « ont été importées à Paris par le maître de ballet Eugène Polyakov que Noureev avait fait venir à Paris. Inconnues ici, elles étaient très populaires en Russie. » Le couple Sylvia Saint-Martin et Fabien Révillon, sujets et valeurs confirmées du Ballet l’Opéra de Paris, présentera le grand adage de Casse-noisette, version Petipa remaniée par Noureev ; et le finale de Raymonda. « Noureev avait une passion pour Petipa, souligne Gilbert Mayer. Il n’a eu de cesse pendant toute sa direction à l’Opéra de Paris de nous faire découvrir toutes les facettes de ce grand chorégraphe. Il a remonté, en les réactualisant et les remaniant, tous ses grands ballets, mais en conservant toujours l’esprit et le style. Petipa, c’était son dieu. » Sandrine Chatelier
Le Mois de la danse, du samedi 12 janvier au samedi 9 février, Cenon (33150). Informations : 05 56 86 38 43.
Carmen, Cie François Mauduit, samedi 12 janvier, 20 h 30.
Histoire de la danse espagnole, ballet Estrymens Laredo, dimanche 13 janvier, 15 h. Danses berbères, samedi 19 janvier, 20 h 30 Hommage à Marius Petipa, samedi 9 février, 20 h 30, Le Rocher de Palmer.
© Hervé Deroo © Janina Arendt
MAGUY MARIN 37 ans après sa
MARION SIÉFERT Helena aurait dû danser avec Jeanne. Mais Jeanne
n’en a pas eu le droit. De cette absence, la chorégraphe a fait une force et inventé dans Le Grand Sommeil une nouvelle figure : l’enfant grande. Helena de Laurens s’y dédouble, tour à tour enjôleuse, espiègle, dérangeante, peste aux membres élastiques, enfant-adulte habitée par des peurs fantasques. Propos recueillis par Stéphanie Pichon
DOUBLE JEU Qu’est-ce qui a présidé à la naissance de ce projet ? J’avais envie que se rencontrent Helena de Laurens, danseuse et comédienne de 27 ans, et Jeanne, qui avait dix ans quand on a commencé. Elles ne se connaissaient pas mais quelque chose les rassemblait : le masque, la grimace, convoquer ce qui fait peur, la question du jeu. Chez Jeanne, je sentais un devenir-actrice. Son jeu dépassait le jeu d’enfant. Justement, comment faire avec un enfant pour passer du spectacle pour de rire à un travail en vue d’un spectacle professionnel ? Au théâtre, on peut se permettre des choses qu’on ne pourrait pas faire dans le cadre familial. C’est permis de salir, d’aller dans des extrêmes, vers des cris… Notre manière de travailler c’était cette spontanéité. Je les ai laissés libres dans les impros. Après six mois de répétition, Jeanne n’a pas eu l’autorisation de continuer. Au plateau il n’y a donc qu’Helena. Comment s’est passé ce glissement de deux à une ? La question était : comment passer du duo au solo sans effacer le duo. Sans imiter l’enfant qui n’est plus là mais en fabriquant un personnage de fiction, une enfant grande. Ce texte dit par Helena, c’est la parole de Jeanne que j’ai écrite en pensant à son corps, son imaginaire, ce qu’elle sait faire… Cet accident a finalement été le moteur de la pièce. On s’en est servi pour aller encore plus loin, montrer tout ce qu’on n’aurait pas pu montrer si Jeanne avait été là. C’était finalement plus intéressant, notamment pour explorer ce trouble autour de l’enfance avec toutes ses limites, notamment celle de la sexualité. Helena parle beaucoup, danse en même temps. Comment avez-vous travaillé ce lien texte/danse ?
Les deux viennent en simultané, cela donne une impression d’une densité forte du texte alors qu’il ne fait pas plus de 10 pages. Les partitions corporelle et textuelle sont équivalentes. Le corps marque le rythme de la parole. Elle le dit en même temps qu’elle danse. Cela donne parfois des paroles très lentes. On a joué aussi avec les bras hyperlaxes d’Helena pour désorganiser le corps, perturber les repères d’orientation. Il y a toute une gamme entre la parole simple, le geste quotidien, le geste dansé. Il y a aussi beaucoup de grimaces. Cela vient d’Helena qui a une recherche personnelle universitaire sur Valeska Gert, une danseuse allemande des années 1920, qui faisait des danses de visage. Comme tous les autodidactes, Helena va chercher seulement dans les choses qui l’intéressent. Elle a toute une collection de grimaces, c’était central pour moi lorsque j’ai écrit la pièce. Jeanne a-t-elle vu la pièce ? Non. Au départ, elle regrettait de ne pas l’avoir vue. Mais elle n’avait pas envie de voir que tous les applaudissements allaient à Helena et pas à elle ! Moi aussi, en l’imaginant dans la salle, j’ai compris que ce n’était pas le moment. Elle a treize ans. Elle n’allait pas comprendre la transformation et le transfert vers un personnage de fiction. Elle n’allait pas comprendre pourquoi on allait dans la laideur. J’ai la vidéo. Je lui ai dit qu’on la regarderait plus tard. En fait, maintenant elle s’en fiche ! Le Grand Sommeil,
conception, mise en scène et texte de Marion Siéfert, mardi 8 janvier, 20 h 30, Théâtre de Tulle, Tulle (19000).
www.sn-lempreinte.fr
du jeudi 7 au vendredi 8 février, 20 h 30, Théâtre Saragosse, Pau (64000).
www.espacespluriels.fr
création, que dire encore de May B ? Que cette marche bancale des échoués de la vie a été un électrochoc dans le paysage chorégraphique des années 1980. Que cette danse anti-spectaculaire, faite de gestes minuscules et puissants, a été le socle du travail de la chorégraphe. Qu’il faut encore aller le voir ou le revoir.
L’INFINIE
HUMANITÉ Jouer une pièce des centaines de fois. La remettre encore et encore sur l’établi parce qu’elle a fait date et encore sens. May B est entré dans l’histoire de la danse contemporaine avec ces personnages fardés de blanc, comme couverts de cendre, cette façon burlesque et tragique d’envisager la vie. Maguy Marin l’avait-elle deviné lorsqu’en 1981 elle compose cette pièce dans l’urgence ? L’œuvre de Samuel Beckett lui a servi d’impulsion. Surprise, l’auteur accepte de la rencontrer et lui donne son accord pour utiliser ses textes. En quelques semaines, enceinte, la chorégraphe toulousaine écrit May B. C’est sa pièce émancipatrice, après ses années passées à l’école Mudra de Béjart puis au Ballet du xxe siècle. « Ce travail sur l’œuvre de Samuel Beckett, dont la gestuelle et l’atmosphère théâtrale sont en contradiction avec la performance physique et artistique du danseur, a été pour nous la base d’un déchiffrage secret de nos gestes les plus intimes, les plus cachés, les plus ignorés », dit-elle. Au Tanztheater de Pina Bausch, elle ajoute l’absurde beckettien et présente au plateau des corps tout sauf jeunes et flamboyants. Informes, grimés, grossis, grégaires. Victimes et bourreaux. Presque quarante ans plus tard, la sidération de ces dix personnages saisis d’effroi et de rires-sanglots opère encore. Ils demeurent ces figures atemporelles de refugiés, d’errants des villes, de migrants du monde. Pour deux soirs, au TnBA, en partenariat avec la Manufacture-CDCN, ils poseront encore une fois leurs petits pas tortueux sur les lieder de Schubert. « Fini, c’est fini, ça va finir, ça va peut-être finir », lancentils. Ce May B, lui, n’a toujours pas envie de finir. Stéphanie Pichon May B, chorégraphie de Maguy Marin, du mardi 29 au jeudi 31 janvier, 19 h 30, sauf le 29/01, à 19 h 30, TnBA – grande salle Vitez. www.tnba.org
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D. R.
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CINÉMA
Les Tombeaux sans noms de Rithy Panh
FIPADOC Le FIPA se dépoussière pour renaître de ses belles cendres en FIPADOC !
Le rendez-vous audiovisuel biarrot s’est entièrement tourné vers la production documentaire. Sous l’impulsion de Christine Camdessus, déléguée générale depuis juin 2018, il souhaite s’inscrire dans un moment de regain pour un genre longtemps sousestimé. La déléguée générale et directrice artistique du festival explique les grands changements et enjeux de l’événement qui se tiendra du 22 au 27 janvier.
UN NOUVEAU RENDEZ-VOUS EUROPÉEN Pourquoi avoir repensé le festival ? Les partenaires historiques du festival ont estimé que la formule du festival généraliste était un peu arrivée en bout de course, qu’elle ne rencontrait plus autant de succès, ils étaient enfin convaincus qu’un festival dédié à un genre précis fonctionnerait mieux. Les festivals d’Annecy consacré à l’animation ou encore celui de Lille dédié aux séries nous montrent la voie. Il manquait en France un festival entièrement dédié aux documentaires même si des festivals du film documentaire thématique existent. Le FIPADOC sera ouvert à tout type d’écriture, de format et doit viser un public le plus large possible. Le FIPADOC souhaite-t-il rester un festival grand public ? C’est la force de ce festival, qui n’a de sens que si le grand public répond présent et accède aux documentaires dans des conditions de projection optimum, des conditions de cinéma ! Certains documentaires seront parfois déjà passés sur petit écran mais méritaient une plus large rediffusion, d’autres seront parfaitement inédits ! En programmant une centaine de films, le FIPADOC garde la même jauge, le même nombre de salles, la même durée de festival que le FIPA. Quelle place a le documentaire aujourd’hui ? J’ai le privilège d’être également directrice artistique de ce festival et j’ai pu mesurer la difficulté de ne sélectionner que quelques pépites parmi de très nombreux bons films. Ce qui me fait dire qu’on assiste, indéniablement, à un regain d’intérêt pour le cinéma documentaire. On s’inscrit dans un moment où les gens comprennent ce que ça veut dire. Le documentaire répond, me semble-t-il, à un besoin croissant d’explication du monde. Cette forme filmique a une place plus identifiée et ce genre, souvent considéré comme un sous-genre,
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suscite une plus forte appétence. Ce regain s’inscrit bien entendu dans la continuité du travail entrepris par France Télévision et arte, qui diffusent les documentaires en prime time. Le documentaire est-il un film à part entière ? Tout à fait ! Un documentaire est toujours signé par quelqu’un et représente, de ce point de vue-là, un angle de vue, une façon de raconter une histoire. Le focus sur l’Allemagne nous mettra face à d’autres façons de raconter parfois une même histoire. Au FIPADOC, nous avons eu la volonté de montrer la diversité de ce genre et la richesse des points de vue. Un créateur ou un artisan, comme aime à se définir Serge Viallet1, représente bien une œuvre et une façon de raconter un événement. Le FIPADOC s’engage à faire en sorte que personne ne soit exclu par la forme ou par le contenu, nous parions par ailleurs sur le fait que bien souvent un bon documentaire rend des histoires complexes immédiatement compréhensibles. Reconnaissez-vous une mission pédagogique à cet événement ? Oui, nous nous inscrivons absolument dans cette dimension. Nous savons les spectateurs friands des sessions questions-réponses avec les réalisateurs des films. Ces moments révèlent bien souvent une grande curiosité pour la démarche des réalisateurs, le choix d’un sujet, pour la façon dont ils ont approché les personnages ou encore pour leur processus créatif. Il y a donc un travail de médiation avec la présence, c’est l’ADN du festival, des réalisateurs ou des producteurs. La présentation de Mystères d’archives de Serge Viallet, invité d’honneur, donnera lieu à une rencontre de deux heures et devrait permettre d’aborder la façon dont a été conçue et montée cette collection de plus de 50 films.
Des journées professionnelles pour quoi faire ? En dehors des séances ouvertes au grand public, et celles destinées aux étudiants, le festival souhaite organiser des rencontres professionnelles. Nous travaillons à une journée France TV, arte et Allemagne, sous les patronages du CNC, de la SACEM, de la SCAM et des syndicats, avec la présence des producteurs afin d’évoquer la production de documentaires, leur diffusion, la façon de les accompagner au mieux. En quoi consiste le focus sur l’Allemagne ? Ce focus, qui met l’accent sur un pays, sera renouvelé à chaque édition et doit donner une identité européenne au FIPADOC. Nous souhaitons créer des partenariats avec les grands festivals du documentaire en Europe. On veut qu’ils se sentent les bienvenus au FIPADOC. Le choix s’est porté sur l’Allemagne parce que c’est le trentième anniversaire de la chute du Mur, parce qu’il y a les élections européennes, parce que la région est jumelée avec la Hesse et parce qu’enfin nous nous sommes mis d’accord avec un autre grand festival du documentaire, le Sunny Side of the Doc2, pour mettre un même pays à l’honneur. Nous ne sommes pas jumeaux mais complémentaires, notre rôle étant de faire rayonner les documentaires européens et français. Quels thèmes se dégagent de la sélection ? La question est difficile dans la mesure où nous avons reçu près de 900 films, longs métrages ou séries ! Cela dit, j’ai été impressionnée par le nombre de films qui traitent du sujet des migrants. Le sujet reste fréquemment abordé, moins à travers la question des déplacements que de l’arrivée dans les différents pays européens. Rejoignant les grands sujets sociétaux, je dois vous parler d’Impact, une nouvelle catégorie
Island of the Hungry Ghosts de Gabrielle Brady
« Le documentaire n’est pas un genre poussiéreux ni un pensum pour universitaires, mais bien un genre novateur porté par des hommes et des femmes enthousiastes. »
qui, je l’espère, sera bientôt présentée en compétition. Il s’agit de films qui ont une dimension sociétale et abordent les questions de dignité humaine, de valeurs humanistes ou encore d’environnement. On a très envie de développer cette sélection et d’accompagner ces films après le festival avec la structure FIPADOC hors les murs pour que ces documentaires soient diffusés dans les réseaux associatifs, dans les cinémas avec les réalisateurs et qu’ils puissent alimenter ou susciter le débat. Le projet est ambitieux et ne concernera pas forcément que des films inédits. La sélection Impact de l’édition 2019 intègre les films ayant pour sujet les récents récipiendaires des prix Nobel, Denis Mukwege3 et Nadia Murad4.
Un festival est-il le lieu privilégié de diffusion du documentaire ? Anne Georget, la présidente du FIPADOC, en tant que réalisatrice, ou moi-même en tant qu’ancienne productrice, mettons un point d’honneur à donner aux réalisateurs présents un moment de plaisir. Nous estimons que les réalisateurs méritent que leurs œuvres soient montrées dans de bonnes conditions avec un public qui puisse interagir avec eux. En les mettant à l’honneur, nous souhaitons tout simplement qu’ils soient bien traités ! Le documentaire n’est pas un genre poussiéreux ni un pensum pour universitaires, mais bien un genre
novateur porté par des hommes et des femmes enthousiastes. Nous souhaitons que les gens y prennent goût.
Que pouvonsnous vous souhaiter ? Le succès de cette première sera bien entendu mesuré à l’aune du nombre des entrées, des accréditations professionnelles, mais je souhaite qu’il le soit également à la qualité des débats et des retours du public. Nous lorgnons avec gourmandise et envie vers le festival du film documentaire d’Amsterdam5, qui se tient en novembre et avance les chiffres incroyables de 250 000 spectateurs pour 250 films ! Nous invitons donc les cinéphiles à faire de Biarritz un autre temps fort du film documentaire européen. Henry Clemens fipadoc.com 1. Réalisateur de courts métrages, de films documentaires et de reportages. Depuis 2008, il dirige la collection Mystères d’archives produite à l’INA. Pour cette série, il a reçu le prix FOCAL 2009 et le prix FIAT 2009 dans la catégorie « meilleur usage des archives ». 2. Marché international du documentaire. Se tiendra du 24 au 27 juin à La Rochelle. 3. L’Homme qui répare les femmes, Thierry Michel (2016). 4. Le Combat de Nadia Murad, Alexandria Bombach (2018). 5. International Documentary Filmfestival Amsterdam (IDFA) (Festival international du film documentaire d’Amsterdam) est le plus grand festival mondial du film documentaire. Il fut créé en 1988.
LITTÉRATURE
PARIS ANNÉE
ZÉRO
Grands idéaux et humains misérables, pour donner les grandes lignes du dernier titre d’Hervé Le Corre, à la prose formidable, aux personnages toujours magnifiques, rendus comme absolus par la période évoquée. Après L’Homme aux lèvres de saphir, l’auteur délaisse à nouveau le Sud-Ouest pour s’atteler à la description vertigineuse d’une des périodes les plus meurtrières de l’histoire récente, soit cette fameuse « semaine sanglante », qui se déroula du 21 au 28 mai 1871. Les protagonistes de ce roman, nous les découvrons, pour certains, dès le 19 mai, lors du sabotage d’un canon des Versaillais. Ces scènes de guerre civile donnent lieu à un roman noir magistral, sans concession, où chacun devra renoncer à ses idéaux ou parfois, même, son humanité – on retrouve quelques personnages de L’Homme aux lèvres de saphir, dont la sauvagerie et la perversité peuvent s’épanouir librement dans cette ville en ruine qu’est Paris à cette période. Ne nous leurrons pas : l’issue de la Commune est inéluctable et l’impitoyable répression de ce mouvement populaire restera longtemps comme une plaie infectée de l’Histoire de France. De ces batailles inégales, qui rythment le récit alors que tonnent les canons versaillais, le roman nous donne à voir une face encore plus sombre de ces personnages ; des jeunes femmes sont enlevées et vouées à des destins encore plus sinistres… Au milieu de ce tumulte, le délégué à la sécurité, Roques, cherche à comprendre ; faible et vacillante lumière dans un monde dévasté. Olivier Pène Dans l’ombre du brasier, Hervé Le Corre, Rivages/noir
VOIX
SANS ISSUE Banlieue-Paris-banlieue, Guillaume Vissac est allé-retourné, chaque jour, transporté « en commun », avec d’autres en RER ou en métro. Des années durant. Mais la routine, parfois, s’enraye. Les correspondances ne sont pas assurées, la rame n’arrive pas, ne part plus, on attend la raison, elle tombe : « accident de personne ». Derrière cette expression, la mort souvent. Sur le quai, l’usager souffle, s’impatiente. Le flux doit être rétabli, le corps retiré. Les « accidents de personne » s’accumulant, Vissac prend peu à peu des notes, qui deviennent littérature. Le tout devient un projet publié d’abord à heures fixes sur Twitter, puis un livre interactif en ligne sur Publie.net. Dernier avatar, ce livre papier Accident de personne paru chez Othello, le « label » du Nouvel Attila dédié aux « livres mutants ». Mutant, ce livre en forme de ticket de métro géant l’est assurément. Le livre fait foule : chaque page donne la parole à un nouvel individu désigné par sa fonction (« celui qui est déjà mort », « celui qui interviewe les morts », « ceux qui conduisent », « ceux qui ramassent les morceaux »…). Et chaque texte génère des notes par ces mêmes voix qui reviennent commenter, échos d’échos qui constituent une part importante du texte. « Comprends-moi : je dois lâcher ta main car elle me brûle : tu vas devoir aller sauter tout seul ou en tout cas sans moi. » Ce livre, et ses versions numériques antérieures, c’est un peu Félix Fénéon puissance foule, le fait divers pris dans sa dimension boule de neige, les voix qui s’élèvent des corps quand un corps se jette sur les voies. La vie des morts. Julien d’Abrigeon Accident de personne, Guillaume Vissac, Othello
FRISSONS
D’ANTAN
Ce fut d’abord un documentaire qui a connu plus qu’un succès d’estime sur les chaînes télévisées, mais son réalisateur caressait le projet fou d’en faire plus. Ainsi est née cette affolante somme, Lui - Années érotiques, fruit d’un minutieux travail. Retour en arrière. Novembre 1963, la France du général de Gaulle découvre en kiosques la sublime Valérie Lagrange, nue, assise dans une caisse en bois à la une du « magazine de l’homme moderne ». De l’aveu même de son créateur, le mogul Daniel Filipacchi, cette publication est destinée aux hommes et se veut une copie du concurrent américain Playboy. Surtout, le génie du créateur de Salut les copains est de savoir très bien s’entourer : Régis Pagniez, directeur artistique ; Jacques Lanzmann, rédacteur en chef ; Francis Dumoulin et Jean Demanchy en guise de chefs de rubrique et de talent scouts. Sans oublier le jeune Francis Giacobetti dont l’objectif sculptera les courbes de plus d’une actrice. S’il est facile, voire cavalier, de ne retenir qu’une aventure de l’effeuillage, s’affranchissant des interdits, c’est aller un peu vite en besogne et oublier les forces d’une rédaction qui a aussi bien compté Philippe Labro que François Truffaut, Jean-Marie Périer que Peter Knapp. Cette petite bande, qui a son rond de serviette à La Tour d’Argent et ses bureaux sur les ChampsÉlysées, invente le pendant masculin de la presse féminine, le charme en plus. De la forme – choix typographiques, principe de mise en page, place réservée aux illustrations, sobriété des couvertures – au fond – grands entretiens, sujets de société, cartes blanches aux intellectuels, reportages à l’étranger –, tout ici participe à une espèce de fantasme susceptible de ravir tant les cols bleus que les cols blancs. Et aussi les dames. Graphiste de formation, Philippe Roure rend un hommage amoureux à cette folle épopée, qui, hélas, n’a su survivre à la banalisation du nu, et s’arrêta (dans sa première formule historique) en octobre 1987. Revisitant trois décennies, son ouvrage déjoue l’écueil de la nostalgie et donne la parole aux acteurs et actrices (Mireille Darc, Brigitte Lahaie) ayant participé à ce petit miracle. Au bout du compte, un témoignage précieux sur le temps béni du journalisme et de l’esprit français. Hubert Bonisseur de La Bath
Lui — Années érotiques, Philippe Roure, Gründ
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© Pierre Wetzel
AURÉLIA COULATY & PIERRE WETZEL L’auteure et le
photographe ont publié quarante portraits de demandeurs d’asile.
DEMANDEURS
DE RÊVES « On ne sait rien des auteurs ni même de la maison d’édition au nom étrange sise à Bordeaux », a écrit la librairie Les Saisons de La Rochelle au moment de présenter avec enthousiasme Les Rêves d’avant la route, le livre d’Aurélia Coulaty et Pierre Wetzel, paru aux éditions Maison Spectre, aboutissement de deux ans de travail. D’origine périgourdine, nouvellement installée dans la campagne bordelaise, Aurélia Coulaty, journaliste et auteure, a découvert les photographies de Pierre Wetzel en passant devant son singulier atelier, Maison Spectre, rue des Faures, à Bordeaux. Remettant au goût du jour des techniques pionnières, Pierre Wetzel photographie à la chambre. La visiteuse est saisie par le rendu du collodion humide sur plaque de verre. « Elle m’a demandé si on ne pourrait pas travailler ensemble, explique Pierre Wetzel, sur les rêves en général, puis sur les demandeurs d’asile, avec un point essentiel : ne pas traiter ce thème comme un sujet d’actualité, mais avec un angle artistique. » « C’est un domaine dont doivent s’emparer les artistes, appuie Aurélia, pour sortir des discussions politiques et des batailles d’arguments. C’est notre manière d’aborder les choses autrement. » Si Aurélia travaillait déjà avec des enfants en classe d’accueil, l’expérience fut nouvelle pour le photographe, notamment portraitiste
de personnalités et de musiciens en tournée. « Au début, je me disais que le travail allait être plus délicat, puis je me suis aperçu que la démarche reste la même, une fois la première minute passée : l’explication, les échanges avec le sujet et les premiers sourires. » Pour capter ces paroles de toutes origines, Aurélia Coulaty se souvient de s’être affranchie de codes langagiers, privilégiant le recours aux dessins, gestes, regards, mots de toutes langues ou éclaircissements apportés par un fils ou un cousin. « On a abordé avec eux des choses très intimes, en essayant de mettre en avant leur inconscient personnel. » Ainsi, Sadek, qui a tout perdu en quittant l’Irak, se revoit petit garçon pilotant Goldorak. Gohar, venue d’Arménie, n’a rien oublié de son envie de gravir les pentes du mont Ararat. Ibrahim, qui a fui le Soudan par la Libye, est le visage de la photographie de couverture. Lui aussi a un rêve. Mais il dit que, s’il y pense, il n’arrive pas à dormir. Guillaume Gwardeath Les Rêves d’avant la route, Maison Spectre Éditions.
Exposition à Bègles (centre social
et culturel de l’Estey) en janvier et à Mérignac (Salle de la Glacière dans le cadre d’Art Expo) du 1er au 10 février.
Rencontre à Bergerac, au Café Albert, vendredi 22 février.
© Cie des Bestioles
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5 © Dandy Manchot
© Patrick Carpentier
Une sélection d’activités pour les enfants
© Dragon Images
© David Ruano
SCÈNES JEUNE PUBLIC
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CINÉMA Classique
Le retour dans la jungle du tigre Shere Khan inquiète les loups. Le félin mangeur d’hommes risque de s’attaquer à Mowgli, l’enfant qu’ils ont recueilli et élevé. La panthère Bagheera, sa protectrice, décide donc de ramener le jeune garçon chez les siens, parmi lesquels il sera en sécurité. Mowgli, quant à lui, n’a aucune envie de quitter la jungle et suit Bagheera à contrecœur. L’incontournable Walt Disney ! Le Livre de la jungle, dès 5 ans,
mercredi 16 janvier, 15 h, espace Simone Signoret, Cenon (33150).
www.ville-cenon.fr
CIRQUE Bambou
Teh Dar signifie « tourner en rond autour d’un feu » en langue k’ho, une ethnie minoritaire du centre Vietnam. Cette région montagneuse des Hauts Plateaux, son originalité culturelle, ses fêtes rituelles, ses masques et ses musiques sont la principale source d’inspiration de ce spectacle. Rythmée par les coups de tambours et les gongs de cinq musiciens en live, la musique percussive autant que mélodique emporte le public dès le début du spectacle. Le bambou est une nouvelle fois au cœur de l’esthétique et de la scénographie très inventive de cette création où quinze acrobates virtuoses, filles et garçons, enchaînent les prouesses et le jeu, non sans humour et avec une décontraction confondante. Ils sautent, grimpent, jonglent, dansent et jouent de la beauté animale de leurs corps sculptés par et pour l’acrobatie. Teh Dar 1 , Nouveau cirque du Vietnam, du mercredi 23 au samedi 26 janvier, 20 h 30, Le Pin Galant, Mérignac (33700).
www.lepingalant.com Nonsense
Entre cirque, western moderne et illusion d’optique, les deux acrobates, auteurs et interprètes, imaginent un monde affranchi des lois et des logiques du nôtre.
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Inventifs et drôles, ils détraquent l’espace et le temps, gomment la frontière entre le réel et l’irréel, se jouent avec humour de la gravité et bouleversent nos repères. Accepter l’absurde, oublier la raison et rire de la logique… un programme à suivre autant pour les petits que pour les grands !
Émilie Jolie 2 , mise en scène de Laurent Serrano, dès 4 ans,
Les Idées grises, Cie Barks, dès 6 ans,
L’histoire du petit chaperon rouge revisitée pour notre plus grand plaisir ! Proposant sept versions théâtralisées qui explorent avec drôlerie et profondeur tous les symbolismes de cette fable devenue universelle, un spectacle interactif et musical, sans artifices.
www.latestedebuch.fr
Des chaperons rouges et… une chaise, Mahalia Cailleau & Teddy Costa, dès 2 ans, samedi 26 janvier,
www.theatreleliburnia.fr
mardi 29 janvier, 19 h 30, théâtre Le Liburnia, Libourne (33500).
www.theatreleliburnia.fr
COMÉDIE MUSICALE Énigme
Masha est une enfant énergique de trois ans qui vit dans une ancienne gare dans la forêt. Précoce, fofolle et amicale avec tous ceux qu’elle rencontre, cette petite fille fougueuse ne peut pas sembler se garder hors des péripéties. Michka est une figure paternelle chaleureuse qui fait de son mieux pour guider son amie et l’empêcher de se blesser, finissant souvent par être la victime non intentionnelle de ses mésaventures. Bien qu’il apprécie de passer du temps tranquille seul, Masha lui manque lorsqu’elle n’est pas autour. Masha et Michka, les aventures de Masha détective, dès 3 ans, samedi 2 février, 14 h 30 et 17 h, théâtre Fémina.
www.box.fr Culte
Émilie est une petite fille rêveuse. Un soir, elle prend peur seule dans sa chambre. À son habitude, elle s’évade dans ses songes, et imagine que les personnages de son livre d’images l’appellent. Ils ont besoin d’elle : les pauvres sont enfermés dans leurs pages et cherchent la fée qui viendra les soulager. Parmi ceux-ci, une Sorcière, dont le rêve est de trouver l’Amour afin de ne plus faire de mal et devenir une princesse. Sur les conseils du Grand Oiseau, très philosophe, et accompagnée par l’Horloge, l’Autruche, le Hérisson, les Baleines de Parapluies, la Compagnie des Lapins Bleus et le Petit Caillou – qu’elle mettra dans sa poche –, Émilie part à l’aventure dans les pages de sa vie…
dimanche 3 février, 14 h et 17 h, Le Pin Galant, Mérignac (33700).
www.lepingalant.com
CONTE
Sous la neige 6 mois-5 ans,
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, Cie des Bestioles,
samedi 12 janvier, 11 h, Hôtel de ville, La Teste-de-Buch (33260)
Rouge
11 h et 11 h 30, médiathèque d’Ornon, 16 h, médiathèque Les Étoiles, Villenave-d’Ornon (33140).
www.villenavedornon.fr Bubulles
Embarquez pour un voyage dans l’univers magique et fascinant des bulles de savon. Après plus de 300 représentations à travers le monde de leur dernier spectacle, les artistes espagnols entreprennent une aventure nouvelle et envoûtante avec Bloop ! Ils ont dû en faire des bulles de savon pour arriver à maîtriser leur art comme ils le font aujourd’hui ! Sur scène, deux talents émergents de la compagnie jonglent avec les bulles, les font tournoyer, s’envoler tels de voluptueux nuages… Il y a de la grâce dans cet art de l’éphémère, de la tendresse et de l’humour aussi, dans le monde des bulles de savon. Un spectacle qui promet d’en émerveiller plus d’un. Bloop !
jouer aussi… Les spectateurs, assis tout autour, guidés par la musique et la lumière, sont invités à un voyage au cœur des imaginaires, un doux voyage sensoriel et poétique.
, Cie Pep Bou, dès 4 ans, vendredi 25 janvier, 20 h 30, Les Carmes, Langon (33210). 3
lescarmes.fr
THÉÂTRE Origami
Une multitude de papiers de soie dessinent un paysage blanc, qui respire aux sons du vent, crisse telle la neige, s’éclaire et ondule. Puis le papier se défroisse pour laisser notre imagination s’envoler jusque dans le public qui à son tour peut
mercredi 16 janvier, 15 h et 17 h, centre Simone Signoret, Canéjan (33610).
www.signoret-canejan.fr
samedi 19 janvier, 10 h 30 et 16 h 30, salle Linsolas, Bruges (33520).
www.espacetreulon.fr
mercredi 23 janvier, 10 h et 15 h, théâtre le Liburnia, Libourne (33500).
Aérien
En construisant à vue et de manière artisanale cette création théâtrale, cinématographique, magique et musicale autour de l’utopie du vol, les auteurs nous communiquent leur fascination pour le vol et leur désir d’échapper aux lois de l’apesanteur. Dans cette sorte de conférence scientifico-artistique où les comédiens lévitent (si, si), créent des dessins animés en direct et expérimentent des envols physiques et spirituels, ils revisitent l’histoire du vol humain à travers les siècles et c’est passionnant. Une proposition si poétique, magique, ingénieuse et délicate que l’on s’envole avec eux ! L’Envol 5 , Cie Nokill, dès 5 ans, jeudi 17 janvier, 20 h, Le Champ de Foire, Saint-André-de-Cubzac (33240).
www.lechampdefoire.org Quête
C’est l’histoire d’une petite fille de 9 ans, Girafe, qui vient de perdre sa mère, et dont le père, chômeur, se voit retirer son abonnement à la télévision câblée, dont notre héroïne a pourtant besoin pour réaliser un exposé sur la vie des girafes. Déterminée à réunir la somme de 53 507 euros qui lui garantira un abonnement à vie à Discovery Channel, Girafe part en vadrouille dans les rues de Lisbonne, accompagnée de son doudou, pour un voyage dont elle reviendra transformée pour toujours… Depuis l’inoubliable By Heart, on sait le talent du metteur
© Jérôme Pouille
© Eric Sneed
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© Vincent Beaume
D. R.
en scène Tiago Rodrigues, directeur du Théâtre national de Lisbonne, pour écrire des textes qui serrent le cœur très fort. On sait également combien Thomas Quillardet, repéré récemment avec sa transposition théâtrale de deux films d’Éric Rohmer, excelle à bâtir avec peu d’accessoires des spectacles aussi ambitieux que fluides et harmonieux. La rencontre de leurs univers, à travers le personnage de cette petite Girafe, fillette qui rappelle autant l’Alice de Lewis Carroll que celle de Wim Wenders, donne un petit bijou de délicatesse, d’intelligence et d’émotion qui a conquis le public du Festival d’Avignon 2017. Tristesse et joie dans la vie des girafes, texte Tiago Rodrigues, mise en scène Thomas Quillardet, à partir de 10 ans, mardi 5 février, 14 h et 19 h 30, mercredi 6 février, 14 h 30 et 19 h 30, jeudi 7 février, 10 h et 14 h, vendredi 8 février, 10 h et 19 h 30, TnBA – salle Vauthier
www.tnba.org
SPECTACLE MUSICAL Sommeil
Ce parcours-spectacle, créé pour le jeune public avec une comédienne, une violoncelliste et des centaines d’oreillers, est une variation sur le thème de l’insomnie et le rapport très personnel que chacun a au sommeil. Une femme habite ce lieu et se débat avec le sommeil tandis qu’une chanteuse/violoncelliste accompagne ses errances. Claire Ruffin crée un théâtre d’images, un voyage onirique entre théâtre d’objets et danse. Égarement, flottement, suspension sont autant de sensations qu’elles nous transmettent. De jolis moments à regarder et à vivre avec nos enfants. 1 000 chemins d’oreillers 6 , Cie L’Insomnante, de 3 à 7 ans,
mercredi 9 janvier, 11 h et 16 h, Théâtre des Quatre Saisons, Gradignan (33170).
www.t4saisons.com Duo
Mathias et Julien Cadez, en clowns hirsutes, relèvent le pari fou de concilier la fantaisie et le sérieux, pour séduire tous les publics avec la musique classique. Ils offrent un spectacle irrésistible dans une mise en scène empreinte de poésie, de folie et de clowneries à la Chaplin. La lumière
joue les divas et virevolte dans les airs, les notes s’envolent dans un battement d’ailes de colombe… La magie des Virtuoses, à la fois lyrique et électrique, rend grâce à la musique. Les Virtuoses
7 , dès 6 ans, mercredi 16 janvier, 20 h 30, Le Pin Galant, Mérignac (33700).
www.lepingalant.com Sons
Cette installation-concert, à destination de la petite enfance et du tout public, est une expérience sensuelle, sensorielle, de notre rapport au temps, à la durée et à l’espace. La chanteuse, Aurélie Maisonneuve, et le percussionniste, Philippe Foch, unissent leurs matières sonores dans une même écoute de l’instant. C’est ainsi que le plus petit événement et notre attention portée sur lui nous emmènent vers des territoires sonores insoupçonnables, où les sons circulent, s’éloignent, s’étirent. Un moment artistique basé sur le travail d’écoute du tout-petit, qui amène le spectateur adulte à l’essentiel, au fondamental. Ne manquez pas ce concert poétique à écouter en famille ! Variations, Tempus #3
8 , Cie Athénor, dès 9 mois, mercredi 23 janvier, 15 h et 17 h, Théâtre des Quatre Saisons, Gradignan (33170).
www.t4saisons.com Star
Aldebert, si vous ne le connaissez pas, c’est un poète des « mots qui touchent » et « qui bercent ». Il fait mouche avec humour, ironise parfois et émeut toujours. Il est un super-héros en chanson. Les super-héros, c’est également nous les parents, les tontons, les tatas super-héros du quotidien. Aldebert écrit, compose et triture les mots comme personne. Ses concerts sont des moments uniques à partager en famille avec, à chaque fois, un décor inédit et une mise en scène originale qui mêle projections vidéo, théâtre, humour et acrobaties. On repart de là le sourire aux lèvres et le cœur léger, l’impression d’avoir passé la soirée avec un ami de la famille. Aldebert, c’est le remède anti-morosité à donner aux petits et grands, sans exception. Enfantillages 3
9 , Aldebert, dès 6 ans, vendredi 25 janvier, 20 h 30, Le Carré, Saint-Médard-en-Jalles (33160).
www.carrecolonnes.fr
GASTRONOMIE
ÉPIPHANIE Le monde se divise en deux catégories :
galette frangipane ou galette briochée.
SAVOIR TIRER Petite, de toutes les légendes autour de la nativité, mon histoire préférée était celle des rois mages Gaspard, Melchior et Balthazar (leurs noms me faisaient rêver) arrivant d’Orient (encore du rêve), les bras chargés d’or, de myrrhe et d’encens pour l’enfant Jésus. C’est l’histoire à la base de la tradition de la fête des rois. Et c’est en janvier. Le 6 janvier. Janvier, c’est aussi le mois des nouvelles résolutions, celui où on se dit qu’on peut repartir sur de nouvelles bases, boire moins de gin & tonic, faire plus de sport, arrêter de regarder BFMTV. Surtout, c’est le mois de la galette. Car c’est tout de même LA question du mois de Janvier. Autour de nous, il y a deux camps. Ceux du Nord préféreront la galette à la frangipane (ou galette parisienne), peut-être parce qu’ils ont dans le cœur le soleil qu’ils n’ont pas dehors. Ceux qui viennent du Sud, et qui par tous les chemins y reviendront, choisiront plutôt la galette briochée (ou couronne des rois). Pour les plus gourmands, « les deux, évidemment, avec beaucoup de beurre, tièdes ! » comme le dit ma copine Julie B. La galette parisienne ou briochée est un peu un soleil de janvier qui réchauffe et réconforte. Qu’elle soit à la crème d’amande, à la frangipane pour les puristes, ou autres saveurs originales, quand vient le temps de la galette, nous retombons tous en enfance. C’est en France que j’ai découvert le rituel de la galette. En Amérique ou en Afrique (je suis africaine et américaine, et française aussi), cette tradition n’existe pas. Dans ma famille, on fête traditionnellement Thanksgiving et Noël mais pas la fête des rois. J’ai découvert cette tradition avec ma bellefamille. C’est une belle façon de partager de petits instants de bonheur. Et le bonheur est toujours bon à prendre, d’où qu’il vienne. J’aime ces moments autour de la galette. Il y a la couronne des rois et la galette, il y a du cidre, parfois du champagne et du jus de pommes pour les enfants. Rose, la plus jeune des enfants, va sous la table et dit le nom de tous ceux présents. On découpe les parts de galette et les distribue. Celui ou celle qui tombe sur la fève devient roi ou reine et sacre son roi ou sa reine. Et puis on discute de tout et de rien. La vie simplement. Il y a aussi la galette au bureau, avec les collègues. J’adore ! Tout au long du mois on déguste la
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galette. Un petit rituel qui met une ambiance familiale au travail. Un moment de partage de plus autour d’un petit bout de brioche, qui finalement devient plus que ça. Pourquoi imaginer des séminaires de Team Building au fin fond des Pyrénées (et on peut se le dire, personne n’a envie de voir son collègue en short, survêtement ou maillot de bain au choix), quand une galette suffit ? Le monde se divise en deux catégories : frangipane et briochée. Peu importe la recette. L’essentiel est d’être heureux. Joëlle Dubois Brioches à Bordeaux : Aux Douceurs de Bacalan
anciennement Boulangerie Lacaule 160, boulevard Albert-Brandenburg.
La P’tite Boulangerie Notre-Dame 62, rue Notre-Dame.
Loïc Aspa Pâtissier Chocolatier
258, boulevard du Président-Wilson.
Galettes à Bordeaux : Boulangerie Louis Lamour 7, rue Ravez.
Jocteur, le boulanger de l’Hôtel de ville 76, rue des 3 Conils.
La Boulangerie
51, rue des Faures.
Pâtisserie S
8, cours Alsace-Lorraine.
Pâtisserie Mi Cielo
13, boulevard Pierre-Ier, Le Bouscat (33110).
© Julia Maksy / Mi Cielo
LES ROIS La recette facile
Galette des rois à la crème d’amande (et un joli feuilletage) Ingrédients
- 2 pâtes feuilletées prêtes à dérouler (choisir une pâte « pur beurre ») - 100 g de beurre - 100 g de sucre - 100 g de poudre d’amande - 2 œufs - 5 gouttes d’extrait d’essence d’amande amère ou 2 cuillères à café de rhum (au choix) - 1 fève (on en trouve en pâtisserie ou boulangerie)
Préparation
1 – Préchauffer votre four à 210 °C. 2 – Faire ramollir le beurre au micro-ondes, ajouter le sucre, la poudre d’amande, l’essence d’amande amère ou le rhum, et 1 œuf. Mélanger. 3 – Séparer le blanc du jaune de l’œuf restant. 4 – Dérouler le 1er rouleau de pâte feuilletée et couper une bande de 1 cm tout autour. Poser votre rond de pâte sur une feuille de cuisson. Badigeonner le fond de pâte de blanc d’œuf. Disposer la bande de pâte de 1 cm découpée plus tôt sur le bord du rond de pâte et la badigeonner de blanc d’œuf. 5 – Dérouler le 2e rouleau de pâte et découper une bande de 1 cm tout autour. La poser sur la première bande et badigeonner de blanc d’œuf. 6 – Verser la crème aux amandes et bien la répartir sur le fond de pâte. Recouvrir la crème avec le rond de pâte restant. 7 – Mélanger le jaune d’œuf restant avec 10 ml de lait et badigeonner le dessus de la galette. Attention à ne pas laisser couler la dorure sur les côtés. Marquer la galette à votre goût à l’aide d’un petit couteau pointu. 8 – Enfourner 25 minutes. Surveiller la cuisson. Sortir la galette du four et la laisser tiédir sur une grille. Déguster tiède ou froid.
IDROBUX, GRAPHISTE - PHOTO : BRUNO CAMPAGNIE - L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ - SACHEZ APPRÉCIER ET CONSOMMER AVEC MODÉRATION
ENTRETIEN
IXCHEL DELAPORTE Munificence, loin s’en faut,
s’écrit rarement en lettres d’or sur les frontispices des grands crus du Médoc et d’ailleurs. La fin de l’été venue, les dames patronnesses voient-elles seulement, par d’immenses fenêtres, la cohorte des travailleurs des vignes, échinés ? Dans Les Raisins de la misère, la journaliste rapporte la rude réalité d’une main-d’œuvre invisible sur les territoires des grands crus. Partant d’un constat statistique implacable, cette plume pour L’Humanité revient sur ce couloir de la pauvreté1 qui se superpose sur les zones des grands châteaux viticoles du Médoc, du Libournais ou encore du Sauternais. Et pose un regard tendre sur ces précaires tout en révélant un lumpenprolétariat de la vigne. Propos recueillis par Henry Clemens
LE SANG Comment une personne qui ne s’intéresse pas au monde viticole en est-elle venue à signer un tel ouvrage ? Justement ce qui est intéressant dans cette première approche que j’ai eu du Bordelais, c’est que je n’ai pas approché le monde du vin mais le monde de la pauvreté. J’avais travaillé pendant plusieurs années sur les quartiers populaires, et donc sur les questions de pauvreté. Je me suis toujours intéressée aux statistiques, aux données chiffrées parce que c’est une base de départ nécessaire pour tout journaliste et quelle ne fut pas ma surprise de trouver dans la note 194 de l’Insee la notion de « couloir de la pauvreté ». Ces territoires, je ne les connaissais pas au moment où j’ai appris l’existence de cette note. Je n’étais pas non plus amatrice de vin. J’ai donc trouvé intéressant d’aller rencontrer les habitants de ce couloir, essayer de comprendre pourquoi il y avait un taux particulièrement élevé de personnes au RSA et tant de personnes dans des situations de précarité. De quel type de misère s’agit-il ? La note l’aborde de façon succincte, n’en dresse pas en quatre pages un portrait-robot précis, mais elle décrit un certain nombre de profils. On y trouve beaucoup de mères célibataires, seules avec enfants, des personnes âgées, dont des agriculteurs, des viticulteurs avec 400 ou 500 euros de retraite. On y rencontre encore des jeunes couples chassés de Bordeaux, dont les loyers ont explosé ces dernières années, avec l’espoir de mieux vivre à la campagne. Au fil de mon reportage et de mes nombreux déplacements, sont venus s’ajouter les profils des saisonniers, les ouvriers de la vigne, en particulier les étrangers. On trouve plusieurs catégories : tout d’abord les ressortissants européens qu’ils soient espagnols, portugais ou italiens et qui ont la possibilité de venir travailler en toute légalité. Et puis il y a les illégaux, les ouvriers sans-papiers, qui ne sont pas comptabilisés dans le couloir de la
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pauvreté. Il me semble que la situation est de fait plus grave que ce que la note décrit en 2011. D’ailleurs dans une deuxième note de l’Insee, datant de 2014, on constate une aggravation de la situation économique. Avez-vous découvert des précaires physiquement marqués ? Lors de mes rencontres, j’ai été marquée par l’impact du travail viticole sur les corps. Je rencontrais beaucoup de personnes affectées de troubles musculo-squelettiques, des malades du travail, des malades des pesticides. Le travail de la vigne ne se résume pas, comme on le pense communément, uniquement à la période des vendanges. Le travail de la vigne est néanmoins un travail saisonnier et qui dit saisonnalité dit précarité. Les CDI sont une denrée rare. On propose plutôt des CDD allant de trois jours à quelques mois. Tous ces ouvriers de la vigne ont de ce fait peu de visibilité financière. Ça précarise extrêmement. Il faut ajouter que jusqu’au début des années 1980, les propriétaires préféraient avoir des ouvriers à l’année, logés, pas toujours très bien, et nourris, dans les châteaux mêmes, s’assurant ainsi de la disponibilité de cette main-d’œuvre. Quand la raffinerie de la Shell, gros employeur médocain, ferme à Pauillac, en 1986, la région entame une lente dégringolade. Cela montre bien que la vigne représente bien souvent le seul débouché possible pour les habitants. Les châteaux dans une course à l’échalote mortifère cherche à réduire les coûts liés à la main-d’œuvre et s’en remettent aux sous-traitants, pour fournir une main-d’œuvre clé en main. Ces services se développent de manière exponentielle, deviennent la norme dans le Bordelais et dans d’autres régions viticoles. Pour une même exploitation, on embauche plus d’ouvriers, pour que le travail soit fait plus vite. Les contrats sont d’autant plus courts. Ce qui a pour conséquence de dégrader encore un peu plus les conditions de travail, sans compter les nombreuses
© Olivier Coret
DE LA TERRE
infractions au code du travail. C’est un système extrêmement rodé et qui a contribué à la précarisation des travailleurs. Avez-vous découvert des dames patronnesses incapables de voir la misère ? Il y a en effet un décrochage entre les employeurs et les ouvriers. Quand j’ai voulu contacter les grands châteaux à propos de cette précarisation, pour savoir s’ils connaissaient ce couloir et la note de l’Insee, beaucoup m’ont opposé le silence en retour. Les moins prestigieux des châteaux se sont parfois laissé approcher mais oscillent bien souvent entre surprise et déni. Ils en viennent à reconnaître que cette pauvreté existe mais jamais sur leur territoire, plus loin, ailleurs. Il me semble qu’accepter et reconnaître cette réalité reviendrait à écorner une image glamour dans laquelle la pauvreté n’a pas sa place. J’avais l’intime conviction de cette méconnaissance mais encore fallait-il la constater sur le terrain. J’ajouterai les maires qui, bien souvent, ne sont pas au courant de la note. Chacun regarde par le petit bout de la lorgnette de son territoire, sans se rendre compte que tout cela est représentatif d’un vaste système. On pouvait se réjouir du projet de la Maison du Saisonnier, à Libourne, qui fait sens pour une main-d’œuvre en mal de logement mais semble à ce jour au point mort. Voilà dix ans qu’on en entend parler, mais rien ne se fait. Or, on sait que l’absence d’adresse fixe constitue un gros frein à l’embauche. Quand des logements existent, ils sont bien souvent insalubres et les locataires victimes de marchands de sommeil. Tout cela est instauré en système à Pauillac par des prestataires de service qui parfois vont jusqu’à racheter les logements. Les victimes sont alors bien en peine de se rebeller car fortement tributaires de ces logements. Le rapport des Pays du Médoc dresse un état des lieux des travailleurs des vignes et pointe la question du logement comme étant cruciale mais également facilement
« Il me semble qu’accepter et reconnaître cette réalité reviendrait à écorner une image glamour dans laquelle la pauvreté n’a pas sa place. » solvable. Le maire de Pauillac n’a pas souhaité participer à cette étude sur les saisonniers... Une partie de mon enquête consiste donc à rendre visible cette population qui compose le couloir de la pauvreté et qui fait partie intégrante de ce paysage, que les grands crus le veuillent ou non. Il établit que ces situations ne sont pas liées à des choix de vie mais liées à la manière dont on accueille aujourd’hui ces travailleurs au niveau local. Si vous enlevez ces travailleurs, en particulier les étrangers, il n’y a pas une bouteille qui sort des chais ! Ils sont indispensables, et c’est le rapport des Pays du Médoc qui le dit. À partir de ce constat, il est nécessaire de leur octroyer la place qu’ils méritent et il incombe en particulier aux châteaux de les accueillir dignement. Comment les châteaux s’exonèrent-ils de la contribution territoriale ? En travaillant sur ce sujet, je me suis aperçu qu’un député du Médoc, Benoît Simian, ancien socialiste passé chez LREM, avait proposé un projet de loi tout à fait intéressant proposant de distinguer les grands crus adossés à des grands groupes financiers, type LVMH, Pinault, Dassault, Auchan, GMF ou AG2R, et les exploitations familiales à taille humaine. Force est de constater que les groupes financiers qui jouent le prestige et la spéculation ne contribuent pas ou peu fiscalement à la vie locale, aux développements des villages qui se meurent et dans lesquels les services publics ne fonctionnent plus comme à Pauillac, Lesparre-Médoc ou encore à Saint-Estèphe dont le village ne rend pas hommage à la grandeur de l’AOC. Il me semblerait juste et équitable que ces grands groupes contribuent. Pour la petite histoire, une fois passé chez les marcheurs, Benoît Simian a abandonné le projet de loi… Pourquoi si peu de rébellion dans les vignes ? Contrairement aux victimes des pesticides, il n’y a pas de mouvement de rébellion chez les précaires. Il faut dire que concernant les pesticides, on peut de moins de moins se cacher derrière son petit doigt. Les pesticides sont une problématique partagée par un plus grand nombre via des combats médiatiques menés par Valérie Murat ou encore Marie-Lys Bibeyran. Ce sujet interpelle davantage l’opinion publique et le consommateur que celui des conditions globales de travail. Pour autant, les maladies liées aux pesticides sont très difficiles à faire reconnaître par les châteaux et par la MSA. Les vignerons, bien que conscients, sont souvent démunis face à une possible mutation demandée par la société. Il faut avoir des reins solides pour passer en bio ou en biodynamie, les grands crus peuvent se le permettre. Le sujet n’est pas manichéen et faire marche arrière reste compliqué. Avec
cette question de l’invisibilité, on est dans l’actualité du mouvement des gilets jaunes, très original, asyndical et apolitique. Les gilets jaunes se sont tus longtemps, ils se font entendre désormais. Le livre résonne avec ces personnes qui disent « je ne vis pas, je survis », qu’on pourrait mettre dans la bouche des travailleurs de la vigne. Vous semblez militer pour un vin éthique ? Une question qu’on me pose souvent depuis que le livre est sorti, est-ce que le Bordelais sortira de cet engrenage mortifère dans lequel les gens sont mal payés, mal considérés et est-ce que cette région est condamnée à faire soit des vins pleins de pesticides, conçus dans des conditions inavouables, soit des grands vins prestigieux et... hors de prix ? Il semble intéressant pour les grands crus qu’ils se posent la question du traitement des salariés et des saisonniers. Je crois que le pouvoir est du côté du consommateur, celuici est en droit de savoir si le vin a été élaboré dignement. J’ai été marqué par Alain Déjean qui refuse de laisser travailler les vendangeurs plus de cinq heures dans ses vignes. Lors de ma visite du Château Coutet, d’Adrien David Beaulieu, j’ai également vu une autre image de l’employeur. Avez-vous, en dépit de ce portrait gris d’une partie de la filière, un bon souvenir de dégustation ? Je dois dire que le vin de voile d’Alain Déjean est magnifique. Il m’a laissé un excellent souvenir. Il se trouve que j’ai vraiment apprécié les vins des propriétaires dont les discours correspondaient à des conduites culturales vertueuses et à des conditions de travail dignes... Un hasard ? Si vous deviez choisir une bande-son pour ce livre ? Pour la bande-son d’un documentaire tiré de ce livre, je mettrai John Coltrane parce que c’est violent et doux à la fois. Coltrane renvoie à des situations d’une extrême violence mais à la fois des rencontres d’une grande richesse et d’une grande générosité ! J’espère avec ce livre qu’à la question prégnante des pesticides, on puisse désormais ajouter la question des conditions de travail dans les vignes. 1. Part du Nord Médoc, contourne Bordeaux en passant par le Blayais, traverse SaintÉmilion et se termine dans le Lot-et-Garonne (voir note 194 de l’Insee).
Les Raisins de la misère, une enquête sur la face cachée des châteaux bordelais, éditions du Rouergue, 176 pages, 2018.
Ixchel Delaporte en dédicace :
jeudi 17 janvier, 18 h, La Machine à lire, vendredi 18 janvier, 15 h, Cultura, Bègles (33130), samedi 19 janvier, 11 h, association Cœur de Bastide, Sainte-Foy-la Grande (33220).
PORTRAIT
MATHIEU FREAK CITY Du front de l’Est au
Sud‑Ouest, de Métal Hurlant à Charles Burns, du Monde à l’Opéra de Bordeaux, de la scène hardcore à Born Bad Records, itinéraire de l’illustrateur trentenaire sous influence 80.
DU SQUAT D’emblée, évacuer la question sur le blaze. « Il est nul. Je l’ai choisi à un moment de grande indécision sur mon futur, c’était plus le nom de code d’un projet global. L’idée d’un truc grouillant, chaotique, foutraque, peuplé de mutants. Un état d’esprit plus qu’une personne. » Reprenons. Metz, milieu des années 1980, Lorraine au cœur d’acier, fermetures des aciéries et poids de l’Histoire, « j’ai grandi dans les tranchées qui passaient dans notre jardin », Verdun, la Meuse, « un coin particulier, ça se voit socialement et culturellement ». Famille modeste, mais vraies valeurs (humilité, travail, respect) tout en exhalant un léger parfum libertaire hérité de Mai 68. Dès le plus jeune âge, une fascination pour les BD et les dessins animés. « Je me nourrissais de F’murr, des Tortues Ninjas, des Chevaliers du Zodiaque et des Mondes engloutis. » Sans oublier l’oncle punk pour la touche destroy. L’imaginaire par la musique, déjà. « Iron Maiden, gamin, tu n’écoutes pas, mais visuellement, ça te frappe. Je me souviens aussi des camions de forains vendant au marché des t-shirts de Manowar, AC-DC… Tout ce truc badass qu’il était bon de porter à l’école. » Et le dessin dans tout ça ? « Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours crayonné, encouragé car mon don de reproduction était assez prononcé. Je créais des pochettes de disques fictives de groupes fictifs. » Mickey ou riffs ? Difficile de trancher. Une certitude, filer droit à la maison tout en étant soutenu pour faire ce qu’il désire mais tout sauf en dilettante. Pour compléter le tableau, le foot. « Naturellement supporter du FC Metz, le maillot Sollac, le Graoully. On les achetait chez Décathlon puis on les floquait chez soi au fer à repasser. Mon père avait vu le match historique face au Barça, gagné 4-1. J’adorais aussi la Mannschaft. Lothar Matthäus était mon idole ; c’est dur de se décider quand tu vis en Lorraine, la frontière est floue. Leur défaite en finale de l’Euro 92 face au Danemark a été un drame. Bizarre cet Euro privé de Yougoslavie, moi qui vénérais les équipes de l’Est. C’était le début de la guerre des Balkans, l’entrée dans le monde des adultes. » 11 ans, radical changement de vie. Le divorce
du paternel le conduit en Gironde. Le soleil, l’océan, les milieux plus aisés et une intégration difficile tant les locaux se pincent le nez. « Qu’importe, j’avais pris le parti d’être déphasé. Je passais d’OTH à NOFX, les mecs étaient à fond dans le skate punk. J’étais encore plus véner même si j’étais en “Californie”. Mes origines étaient là, je devais encore plus me battre, c’était viscéral. Un bon carburant pour monter un groupe qui, dans ma banlieue, constituait une belle échappatoire. Larry Clark a filmé mon adolescence : des privilégiés apathiques. » L’adolescent s’étourdit en ville. Concerts au Jimmy, à Barbey, à la Médoquine, fait ses humanités, « d’Agnostic Front à Wire », sous l’aile bienveillante de Martial et Baboosh à Total Heaven tandis qu’un certain Gwardeath et Luc Ardilouze d’Abus Dangereux le fournissent en mixtapes. Cherchant un prétexte pour étudier en ville et en jouir, direction le lycée Magendie puis la faculté d’arts plastiques et d’arts appliqués. Voici le temps de la liberté en mode Do It Yourself. Soit un groupe (21 Enemy) d’obédience hardcore, l’organisation de concerts, un premier atelier loué pour se lancer dans la sérigraphie (affiches, t-shirts), le fanzinat, le off d’Angoulême, le choc des Requins Marteaux. « Un parcours logique entre autonomie et maîtrise et une satisfaction personnelle. » Le seul sachant tenir un crayon dans la bande, aussi, et qui se forme à la PAO. Il croise ses aînés — Tanx, Winschluss, Camille Lavaud — qui le confortent dans ses choix. Non, il ne perd pas son temps. De son propre aveu, ses cinq premières années dans le métier sont « un laboratoire expérimental ». Une drôle de synthèse également : Margerin et Jano, Jim Phillips, Charles Burns et Métal Hurlant. « Mon esthétique ? Une distorsion totale en ton et en trait du early 80s, grinçant et décapant. La mise en image de mon quotidien, de mon intimité. Cependant, je ne tiens pas à en faire une resucée, je suis de mon époque. Néanmoins, ces codes-là me sont totalement naturels. J’ai une attirance inconsciente. Kebra, c’est hyper-agressif comparé à Tintin. Bazooka, c’était hyper-violent au même titre
« Kebra, c’est hyper-agressif comparé à Tintin. »
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©Mathieu FREAKCITY
AU PALACE
que Moolinex ou Le Dernier Cri. » Côté boulot, le grand écart, de Schnock au Monde, de Violence Conjugale à Rock en Seine. Des rendez-vous manqués (NME, Converse) et dernièrement l’Opéra de Bordeaux. Un pied dans la presse, l’autre dans la musique, une main dans l’institutionnel, l’autre pour soi. « J’ai dorénavant plus de poids, je peux enfin vivre décemment de mon travail. On reconnaît mon style, même si ce n’est pas signé. Quant au travail de commande, on accepte ou pas, aucun souci. Je n’ai plus à batailler avec ma conscience. » Depuis un an et demi, sa grande affaire, c’est MONDO ZERO, collectif fondé avec Duch, Nicolas Oules et Thibaut Gleize ; occasion rêvée de partager des soirées blockbusters/ pizza avant de partir en tournée au gré des salons. Plus sérieusement, un nouveau cap. « Éditeur, malgré les emmerdes, ça me plaît. Je reviens à l’artisanat, à la prise de risque sur des publications. Une fraîcheur bienvenue. » Lui, qui « pompait éhontément Pierre La Police » à la fac, obéit toujours à la même méthode : pinceau noir, scan et couleurs sur Photoshop. Et un cadre, du calme, maniaque, limite obsessionnel, 8 à 10 heures par jour. Pas très romantique. « Désormais, je recherche la déconstruction. Nulle routine. J’ai atteint certains objectifs mais refuse les journées types. Récemment, j’ai repris le carnet pour retrouver le goût du dessin. » Septembre verra la publication d’un ambitieux projet en collaboration avec un autre gars de l’Est, Lelo Jimmy Batista, ancien rédacteur en chef de Noisey France. Un abécédaire consacré aux morts les plus étranges au cinéma. « Compliqué de se lancer sans se perdre dans un truc aussi gigantesque surtout qu’on ne veut pas tomber dans l’anecdotique. » Des rêves ? « Une BD, une affiche de cinéma pour Jean-Pierre Mocky, ça renvoie aux cinémas de quartier. » On s’apprête à se quitter, quand… « Oh, putain, j’oubliais, je dois refaire la devanture de Total Heaven, ils vont me maraver ! » Marc A. Bertin freakcitydesigns.com www.instagram.com/freakcitybd
Du 23.01 au 23.02.2019
Portes ouvertes 9 et 10.02
Un mois pour célébrer Jean-Richard Bloch et l’ouverture d’un nouveau lieu de résidence d’artistes à Poitiers Programme détaillé sur villabloch.poitiers.fr © Illustration : Philippe Spé - Direction communication Ville de Poitiers 2018