revue Pli numéro 2

Page 1

PLI poĂŠtiques lacunaires

02

2014



- Ce second PLI se veut le double incomplet de celui qui le précède. - et ? (Ils)

rassemblent les âges, contournent les sommes, méfient les mots, empruntent et croisent, s’exilent puis reviennent, donnent à voir et à penser, inventent, tracent, construisent ABOYEUR s. m.

Celui qui dans une prison est chargé d’appeler les prisonniers demandés au parloir. « [...] Plus que tous les autres, les voleurs, les escrocs, les filous, continuellement en guerre avec la société, devaient éprouver le besoin d’un langage qui leur donnât la faculté de converser librement sans être compris; aussi, dès qu’il y eut des corporations de voleurs, elles eurent un langage à elles, langage perdu comme tant d’autres choses. Il n’existe peut être pas une langue qui ait un point de départ connu; le propre des langues est d’êtres imparfaites d’abord... »

- (Pour chacun) et le pain et la guerre et les morts. Chiffonniers. Clivage éclaté, trop jeune. Pas les bureaux, ni parti, ni représentants. Et l’ingouvernable !

-Sur un livre repeint, l’image manquante, le mot de trop. -Encore, l’image, dans l’image, miroir, ou surface floue, plane. Ménage ou Passim, le référent oblique de la délectation nombrilique. Le retour. -Je suis habituellement en vie. C’est à dire que je ne sais plus. -Le poème va sans dire. Et nous allons sans lui. - NOUS SABOTONS toute sorte de projets. Le constat est que nous sommes malhabiles, souvent en proie à une peur LE et SPECTACLE INTÈGRE LE SPECTACLE diffuse à des rythmes psychotiques, ceux d’une structure qui ne cesse de se construire pour s’effondrer davantage, nous refuse l’échec, la tentative, la maladresse, le retrait. Pour nous, il s’agit de s’en sortir.


- Relier ensemble, les cinq tomes nocturnes m’endorment. Et je chasse mes rêves. Que reste t-il ? Absolument tout. Ni la défaite ni le jeu. Ramasses sur le sol les bruits de la marche. Manquant, chose comble. - C’est aussi le récit d’un comédien dans une fiction contemporaine tout juste bonne à satisfaire d’autre contemporains, du temps passé audehors d’une autre enclave. Une route improvisée mène au lac, vert par le reflet des sapins, noir, son épaisse profondeur, inconnue, noire. « Résignés, regardez, je crache sur vos idoles; je crache sur Dieu, je crache sur la Patrie, je crache sur le Christ, je crache sur les Drapeaux, je crache sur le Capital et sur le Veau d’or, je crache sur les Lois et sur les Codes, sur les Symboles et les Religions: ce sont des hochets, je m’en moque, je m’en ris... Ils ne sont rien que par vous, quittez-les et ils se brisent en miettes. » A. Libertad On nous organise / Nous nous organisons. Réalistes? Nous constatons que le libre service a encore un prix - Et qui le sait.

-Ça fuit. -Oui, ça fuit.

« Au revoir ici, n’importe où. Conscrits du bon vouloir, nous aurons la philosophie féroce ; ignorants pour la science, roués pour le confort ; la crevaison pour le monde qui va. C’est la vraie marche. En avant, route ! » A. Rimbaud - rassemblent les âges, contournent les sommes, méfient les mots, empruntent et croisent, s’exilent puis reviennent, donnent à voir et à penser, inventent, tracent, construisent -


( Chicanes )

Anonyme - Remarque à un jeune poète Anonymes - Correspondances Cesare Battisti - Correspondance Stéphane Bérard - Publié, Modéré, Refusé. Haïkus (extraits) Stéphane Bernard - Textes choisis Vincent Bonnet - Hypersujets_ Stéphane Chavaz - Vis leurs vies Justin Delareux - Retours et restes Alain Fleig - Ex-Voto (suite et fin) Jocelyn Gasnier - Les étrangers sont partout (extraits) Jean-Marie Gleize - «Démocratie» et Stations, 14 Hans Holbein - Danse macabre Alexis Judic - Oblivion 2 (palplanche béton) Patrick Mosconi - Correspondance Charles Pennequin - Nous dérivons et Je me révolte Mathias Pérez - Photographies Eric Pougeau - Mon amour Lesala Riaput - Au-dehors Riton la mort - La parade soft Patrick Sainton - Stations, 14 Christophe Tarkos - Penser plus

-pagaille !

PLI


HANS HOLBEIN

Danse macabre


PATRICK MOSCONI et CESARE BATTISTI

correspondance

-Ci-dessous, les trois mails en questions. Je ne sais pas si tu peux en faire quelque chose, mais bon, un peu de vie quotidienne entre deux desesperados fatigués, pourquoi pas ?

Message du 16/09/13 - 20:39 De : cesarebattisti A : patrick.mosconi Objet : ? Et bien alors, comment vas-tu mon pote ? C’est quoi ce silence prolongé ? T’embrasse, Cesare

PLI /2


PATRICK MOSCONI et CESARE BATTISTI

correspondance

Message du 16/09/13 - 23:45 De : patrick.mosconi A : cesarebattisti Objet : re: ? Je me sens un peu indécent de te dire à toi, qui es dans une situation plutôt difficile, que depuis mon retour du Brésil je suis en train de sombrer. Je ne vois, et ne veux voir personne, et suis incapable de faire les choses les plus élémentaires de la vie quotidienne. D’accord, je m’occupe de ma mère malade, raids dans le sud, et de mes filles en galère, et vais enterrer mes morts et je fais semblant d’être en forme (pudeur, orgueil) mais quand je me retrouve seul, je n’arrive plus à avancer, ni écrire, ni peindre, et pour tout dire je n’ai plus le goût de vivre. À trop refuser ce monde, à mépriser les pouvoirs (artistiques et autres), l’argent et ses larbins, je me trouve isolé et dans un état d’auto-dénigrement abyssal. Je peux rester des heures prostré, une étrange peur au ventre, et une conscience, sûrement exagérée, de mon impuissance. Tu sais, mon grand, à ma manière, je n’ai jamais renoncé à ma révolte et à mon enfance, mais faut croire que je n’ai pas été assez malin et assez voyou, pour assurer mes arrières. Cela étant dit, je préfère encore ma vie et ma merde à un quelconque confort intellectuel ou social. Et cette merde, je vais l’avaler et leur recracher à la gueule, même quand je serai mort, et que tout le monde s’en foutra. Demain sera un autre jour, et on se relèvera mon frère, car nous, on se relève toujours. Je t’embrasse, mon petit frère, Patrick PLI /3


PATRICK MOSCONI et CESARE BATTISTI

correspondance

Message du 23/09/13 - 17:49 De : cesarebattisti A : patrick.mosconi Objet : les mots Mon frère querido, Ta lettre est arrivée tout droit dans ma poitrine. J’ai pris mon temps avant de répondre. Le temps pour mieux comprendre et me comprendre aussi. Me caler dans tes mots jusqu’à l’indécence. Parce que les mots, comme tu le sais bien mon très cher, ont un pouvoir diabolique dont l’effet est souvent plus dévastateur (ou miraculeux) chez qui les prononcent que chez qui les écoutent. La mort, cher Patrick, moins on en parle mieux on se porte. Et toi, tu l’as trop souvent au bout des lèvres. Que disait-il déjà l’autre ?… «Ce sera un fou rire qui vous tuera.» Toujours attentif, Cesare

PLI /4


RITON LA MORT

La parade soft


RITON LA MORT

La parade soft


RITON LA MORT

La parade soft


CHARLES PENNEQUIN

Nous dérivons


LESALA RIAPUT

Au-dehors

Des humanolisses glissent et broutent la pelouse pendant la pause déjeuner. ils ascenseurisent en troupeau terne et se merguezent et se moquettent grise frites froides. rapidement leurs cerveaux glacés se creusent par habitude ou se pizza grillent. d’autres bureautent seuls leur sandwich parcellisés dans un coin. un suicidinformaticien s’agrippe à une table. il tente vainement de tapoter son clavier xanaxé intranquille. une fois sa directrice le conduisit au sous-sol. elle appela le samu plutôt que les pompiers de la boite pour ne pas que cela soit consigné dans le rapport. ça évite les ennuis. ici tu peux crever tandis que certains rient de ta lente dégénérescence et de ton mal-être. jungle de câbles et de fils électriques. drh détruit la race humaine des êtres devenus des déchets à gestes figés. elle transcrit. toute méthodique. elle endort et pique chacun des insectes de sa collection. ses yeux bleus ressources ouvrent pleurs et tripes lors des entretiens. elle tue de sang-froid. elle ment. elle isole. elle meurtrit jusqu’aux restes. elle trie. elle prise de rendez-vous. elle insipide cette insensée. communiquez les tous flingués dans la tour vitalité en berne l’un après l’autre à la benne passés au broyeur en sueur atomisés têtes défaites dézinguées tout est à refaire les corps et les cervelles détériorés en charpie les malades les détruits les écrasés nous n’oublions pas PLI /9


LESALA RIAPUT

Au-dehors

fuir déserter résister écrire contre sans cesse ils ont les flingues ils ont les lois nous quelques mots des tumultes et des rivières et des forêts et des amis qui nous entourent nous ne laisserons rien passer quand à toi joie de vivre notre adorée patiemment nous te réapprenons.

PLI /10


ALEXIS JUDIC

Oblivion 2 (palplanche bĂŠton)


JUSTIN DELAREUX

Retours et restes

Débris Je fait mine et rate. Le dessin, la phrase, la voix, l’art. Il me plait de rater, au cas où la chose tiendrait. Les arbres se décollaient encore-un-peu, du sol - On lisait les oiseaux, sauvages, ils en étaient - Il n’y avait pas, dans ses yeux, le reflet de la pousse (Le sol et ses yeux se décollaient) Il n’y avait que les sommets silencieux ces ombres lointaines - êtres immenses - Ses mains se décomposaient au claquement des secondes - Le temps lourd sur le dos, le temps tyran sur le dos - , que le retrait. Littéral, après accident - dans le style - du constat. Attentant. / L’autre jetait son écuelle pour recevoir l’eau à même les mains. / La marchandise pressée, le renouvellement de sa perte. / Onze pinceaux secs et maculés de noir me servent d’horizon. / Le dos se courbe et la voix se terre. / L’organe se pli à beau fixe, chaque jour, nous cherchons. / On a beau lire, rien ne semble éclairer. / Le long du boulevard, juste avant le pont. / On a beau dire qu’on s’y fait, le dos se serre et les os se terrent. Comme on creuse.

Le dorbe se terroix. Commona faireaux. Orgapli chaquand jourchons. Pinçonsec et macunoir: servanzon. Carnage ! Toudéréchi gesteste sulra. Onna lireau. Eclairemble et deminatôtour. Voicèdent suivoù chapent au lonlard. Justant lépon. Onnat tourbeauron toupenchan tournevid.

PLI /12


JUSTIN DELAREUX

Retours et restes

« …Quand tout dors dans la nature, j’évoquerai le génie de la Révolution. Et docile à ma voix, il descendra des régions où les astres s’embrasent, il se tiendra debout à mon chevet, et à sa droite, armé d’une épée flamboyante, dissipera devant moi les ténèbres de l’avenir. » E. Coeurderoy

« Ce n’était pas une émeute de boutiquiers ; c’était une révolte d’anges rebelles qui, depuis, ne se relevèrent plus. Tout ce que le prolétariat de Paris renfermait d’invisible énergie et de poésie sublime tomba dans ces jours néfastes, étouffé par la réaction bourgeoise, comme le froment par l’herbe stérile. » Jours d’exil, 1854, E. Coeurderoy

« Toutes les pluies du monde n’ajouteront point un millimètre (de hauteur) à une montagne ; mais les pluies peu importantes peuvent lui enlever par la cime des mètres et des mètres de hauteur. » « Ils sont anarchistes mais ils veulent bien entrer dans les gros mariages d’argent, dans les gros mariages bourgeois, dans les gros mariages des dynasties universitaires, dans les gros mariages de défense républicaine. Et ils ont fait de la Sorbonne une pépinière de gendres. » C. Peguy

« L’artiste « est une contradiction vivante. Il est sorti des conditions fondamentales de la vie ; ses organes ne supportent plus sa pensée » »

Melmoth, l’homme errant, Maturin , cité dans L’homme sans contenu de G.Agamben

« Nous étions contre le pouvoir des mots, contre le pouvoir »

G,J, Wolman

PLI /13


JUSTIN DELAREUX

Retours et restes

DALIDA. Je ne te connais pas, nous ne nous sommes jamais rencontré et il va ainsi et c’est tant mieux, ainsi je me demande encore si tu existes je me demande une sale idée, je me demande si c’est le mouvement qui fuit ou les yeux qui penchent, je ne te connais pas toi commerce des jouies et je me moque et je m’en rie et je m’en cogne et je me gosse, hypnotique frénétique des choses que tu ignores, je ne te connais pas toi infection planétaire marchande , je me demande le visage et la couleur coloré de tes cheveux que je scande, que je ne connais pas, que je lacune potentiellement, que je la vise potentiellement; nous disparaîtrons. Je me souviens ne pas te connaître toi fine fleur purulente de la démocratie, je sais ne plus avoir de grands mots suffisants pour altérer ce qu’il reste de toi² et de ta frange² à zéro, et de ta boule² à jaquette, et de ton sigle² implacable, et de ta trace² de vomi, où tu écrit chaque jour comme au comptoir de ta lourde masse cube, nous nous sommes inachevés - des objets déjà fait, des objets déjà fait des objets déjà fait des objets déjà fait, cette après midi de printemps, la première; nous disparaîtrons. Je ne te pense pas toi la grande tige à talon (état) que je n’ai jamais croisé et, j’ai tout épris dans le sanglot rouge de tes règles et de tes lois de, je te sais mon strapontin je te tapine en minimal répété dans ton masque dans ton coeur sous ta robe sous ta serviette allégée sous ton nom de redite Gladisse Gladisse, j’entend encore d’une voix molle et désœuvrée, blocus blocus, et tout les gaz que tu échappes et tout les courants que tu vend bloc H bloc H, que du vent, je ne te connais pas toi passagère illustre des intempéries contemporaines, je ne te connais pas mais tout comme toi; nous disparaîtrons. Hier encore tu te pavanais nue sur une route qui mène à la route, hier encore je t’ai regardé de travers, j’ai fermé les yeux j’ai baissé la tête j’ai biaisé le regard, prêté l’oreille, demain encore, je serai, danse macabre, et l’écriture sera nerveuse, et je dois bien dire que je ne te connais pas, toi qui me frotte qui me pousse jeune fille qui me vote, qui me regarde au loin, de tes moulures pendantes et de ta morale sensuelle, pesante, je ne te reconnais pas toi, effigie passante des jeunesses en bandes passantes tout aussi que la longueur de tes jambes, célèbre comme le prénom surnommé de toute les unes de notre sémantique horizontale houleuse, la chose s’écrasant sur une roche absente où tourne le sable en rond, tu sais dans la main dans la tienne; nous disparaîtrons. PLI /14


JUSTIN DELAREUX

Retours et restes

« Les citations dans mes œuvres sont comme des voleurs aux aguets sur la route, qui attaquent avec leurs armes le passant et l’allègent de ses convictions » W.Benjamin

« L’artiste est l’homme sans contenu, qui n’a d’autre identité qu’une émergence perpétuelle au dessus du néant de l’expression, ni d’autre consistance que cette incompréhensible station en-deçà de soi-même. » « L’essence du nihilisme coïncide avec l’essence de l’art au point extrême de son destin en ce que chez tous deux l’être se destine à l’homme comme Néant. Et tant que le nihilisme gouvernera secrètement le cours de l’histoire de l’Occident, l’art ne sortira pas de son interminable crépuscule. » G.Agamben, L’homme sans contenu, chap 6 ; Un néant qui s’anéantit lui même

La poïétique a pour objet l’étude des potentialités inscrites dans une situation donnée qui débouche sur une création nouvelle. « Partout la naissance attention le jour déjà le hasard dévore la terre riche encore l’écrit retourne au principe de solitude la colère du corps l’écrit sépare le souffle de la lettre l’écriture égare la vivacité à dire le détachement de l’homme cesse au nom du lieu la raison illumine un arrêt sur le mot oppose le perceptible à une absence il n’y a pas de fumée la main porte le feu et le livre (8 octobre 1994) » G.J. Wolman - Les inhumations, Peinture dépeinte -

« D’autre part, je tiens à informer mes lecteurs que je recevrai avec plaisir tout ce qu’ils trouveront bon de m’envoyer : pots de confiture, mandats, liqueurs, timbres-poste de tous les pays, etc. En tout cas chaque cadeau me fera rire. » A.Cravan - Maintenant nº 4, mars-avril 1914 PLI /15


JUSTIN DELAREUX

Retours et restes


Ex-voto (suite et fin)

ALAIN FLEIG

EX-VOTO

52 RAPPELS DE BASE ET AUTRES VŒUX PIEUX comme aide-mémoire ou semainier pour quelques hirsutes, hydropathes, fumistes, zutistes, incohérents, vilains bonshommes, situationnistes et autres mal-pensants pré, post ou péridadaïstes. (tout ça également au féminin, bien sûr.)

_

La première partie du texte à été publiée dans le premier numéro de PLI.

PLI /17


Ex-voto (suite et fin)

ALAIN FLEIG

30 Dans l’ART comme dans la guerre, au bout, il n’y a toujours que des cadavres et quelques anciens combattants. 31 Un artiste est toujours ou mort ou en devenir. Ceux qui sont bien installés dans le présent sont très rarement de vrais artistes. 32 Quand l’artiste commence à ressembler à son client, l’ART signe son propre permis d’inhumer. 33 Même lorsqu’il paraît sinistre, l’artiste rigole de lui-même, de vous et de nous. Se foutre du monde avec dilection est ce qu’il a toujours fait de plus sérieux. 34 Si l’artiste avait voulu dire ceci ou cela, il l’aurait dit, n’étant pas plus con qu’un autre. S’il l’a peint, sculpté, photographié joué ou filmé, c’est que c’était, pour lui, le meilleur et le seul moyen de l’exprimer et il n’appartient à personne de trahir sa pensée avec des mots qui ne sont pas les siens. PLI /18


Ex-voto (suite et fin)

ALAIN FLEIG

35 Les critiques cherchent à comprendre pourquoi ils ne comprennent rien là où il n’y a rien à comprendre, mais assurent toujours, néanmoins, avoir parfaitement compris. 36 Discours de vernissage et éloges funèbres appartiennent au même admirable et vain sous-genre littéraire de souspréfecture. 37 Pour la communication, l’ART est affaire de politique. 38 Pour la politique, l’ART est une question de communication. 39 L’ART n’est concerné ni par la politique ni par la communication. Il vomit, jouit, fait pipi et caca (et même se retient parfois) là où il en a envie sans avoir à se justifier ou s’excuser.

PLI /19


Ex-voto (suite et fin)

ALAIN FLEIG

40 Un jour, bientôt sûrement, il n’y aura plus d’ART et nul ne s’en apercevra puisque les critiques continueront d’agiter le cadavre pour se persuader eux-mêmes qu’ils existent encore, sans s’apercevoir qu’il y a déjà beau temps qu’il s’est vidé sur eux. 41 En ART, il n’y a que des célibataires : amants, maîtresses, clients ou voyeurs. Tous exhibitionnistes et mis à nu. C’est sans doute en cela qu’il est toujours une aventure collective. 42 Si l’ART copule fréquemment avec le sacré, l’histoire de l’ART n’est pas une histoire sainte et les images pieuses y sont faites pour être régulièrement polluées, déchirées, piétinées et remplacées. 43 L’ART est une idée confrontée à une matière qui résiste, plus quelque chose d’autre (peut-être un simple clin d’œil) qui crée le désir entre les deux.

PLI /20


Ex-voto (suite et fin)

ALAIN FLEIG

44 Le dépassement de l’ART ne signifie pas qu’il y ait quelque chose de mieux après l’ART, mais que celui-ci tend enfin à (presque) se confondre avec la vraie vie. 45 L’ART, comme le rire, l’amour et la Révolution, ne puise son universalité que dans l’intime, le local et le particulier. 46 C’est dans le vécu que l’ART trouve sa seule légitimité. 47 Tirer somptueusement son coup ou jouer une belle partie d’échec ne saurait néanmoins suffire à faire de chacun qui le prétend un artiste. Légitimité n’est pas finalité.

PLI /21


Ex-voto (suite et fin)

ALAIN FLEIG

48 Seul un ART digne de ce nom, puissant et libertaire comme la vie, peut empêcher la déroute générale de la pensée devant une fausse culture médiatique, libérale et commerciale, prête à consommer, et le triomphe absolu de la barbarie qui nous guette. 49 L’ART est chez lui au bordel. C’est à une putain d’Arles que Van Gogh a offert son oreille coupée. C’est pourquoi les bourgeois font des reproductions de ses œuvres pour décorer leurs toilettes et les couvercles des boîtes de crottes de chocolat qu’ils offrent en souvenir à Noël ou à Pâques à leur progéniture, leurs femmes ou à leurs maîtresses qu’ils imaginent, comme les croûtes qui ornent leur salon, être leurs propriétés. 50 L’ART au musée, c’est comme le sport ou le sexe à la télé. L’esthétique libéral prend l’art en otage, feignant de favoriser une nouvelle culture, mais qui, comme pour le sport (et sans doute le sexe), ouvre en grand les portes à une nouvelle violence aussitôt retournée contre celui-ci.

PLI /22


Ex-voto (suite et fin)

ALAIN FLEIG

51 Il arrive néanmoins que les restes de l’ART décorent plus ou moins agréablement les murs désespérants des musées. Cela n’en fait pas pour autant des bordels. Ce que certains regrettent assurément.. 52 Le plus insignifiant des cacas, oublié sur un recoin de cimaise, voire mal reproduit sur un écran de télé (beurk !), peut toutefois receler une puissance révolutionnaire et vitale insoupçonnée. Ce n’est pas tant l’œuvre en soi qu’une question de (mauvaise) rencontre, tant qu’il est encore possible d’en faire.

PLI /23


ERIC POUGEAU

Mon amour (ĂŠcriture sur papier)

PLI /24


ERIC POUGEAU

Mon amour (photographie)


ANONYME

Remarque à un jeune poète

Que de la poésie du passé... Comme si Jude Stéfan n’était pas DANS Catulle Pennequin dans Péguy et Walser Comme si Prigent n’avait lu ni Martial ni Bodel ni Doudin Et Guyotat jamais lu Saint-Amant Comme si Eluard avait pas publié son anthologie de la poésie du passé Comme si ne revenaient comme des balles Rimbaud, Lautréamont, Mallarmé Chaque fois qu’il s’agit d’être Moderne Comme si Ossang ignorait Olivier Larronde Et Ponge, Malherbe Comme si le vivant Burroughs n’était pas mort depuis 20 ans et né il y a 100 ans Et comme si Rothenberg ignorait tout de la poésie Amérindienne Et comme si Caillois et Péret étaient les crevards sans mémoire de toutes les poésies anciennes Comme si Cédric Demangeot n’avait jamais entendu le nom de Andreas Gryphius Comme Si Ilarie Voronca n’avait jamais lu les vieux chants du mort du peuple Roumain Comme si Patrick Beurard-Valdoye n’avait jamais lu Kurt Schwitters Et comme si Henri Chopin n’avait pas lu les poètes du Moyen-Age Et comme si Savitzkaya ignorait Sebastian Brant Et comme si.... Le passé, c’est ta grande gueule de petit con de poète véreux et subventionné, l’avant-garde de ton cul bouché, d’écrivaillon poussif et inoffensif. Bon à rien sauf à te piquer la gueule avec un mauvais jaja qui te contente (puisque tu te contentes de rien) dans les vernissages, les cocktails, les marchés, les salons. Bon tout juste à gerber sur tout ce que tu n’as pas su apprendre, en bon spécialiste de l’abîme feinté. Le passé c’est toi, ton statut de poète autoproclamé, ton ignorance crasse, ta posture bien cambrée d’écrivain de métier, pute extravertie de l’art de dire des conneries, avec ton bic ou ton apple, qui fait croître le désert, car dès que tu ouvres ta gueule de chien de garde, c’est un coup de canif donné à la vérité et que tu ne te rends même plus compte que tu es plus imbécile que le public que tu n’auras jamais de toute façon ... Va crever ! Mange tes morts !

PLI /26


PATRICK SAINTON et JEAN-MARIE GLEIZE

Station, 14


PATRICK SAINTON et JEAN-MARIE GLEIZE

Station, 14


PATRICK SAINTON et JEAN-MARIE GLEIZE

Station, 14


PATRICK SAINTON et JEAN-MARIE GLEIZE

Station, 14


PATRICK SAINTON et JEAN-MARIE GLEIZE

Station, 14


PATRICK SAINTON et JEAN-MARIE GLEIZE

Station, 14


PATRICK SAINTON et JEAN-MARIE GLEIZE

Station, 14


PATRICK SAINTON et JEAN-MARIE GLEIZE

Station, 14


PATRICK SAINTON et JEAN-MARIE GLEIZE

Station, 14


PATRICK SAINTON et JEAN-MARIE GLEIZE

Station, 14


PATRICK SAINTON et JEAN-MARIE GLEIZE

Station, 14


PATRICK SAINTON et JEAN-MARIE GLEIZE

Station, 14


PATRICK SAINTON et JEAN-MARIE GLEIZE

Station, 14


PATRICK SAINTON et JEAN-MARIE GLEIZE

Station, 14


STEPHANE BERNARD

Textes choisis

où la mort est un maladroit que l’on sème la vie l’inquiète davantage. ce qui s’y produit. ce qui ne s’y produit pas. au point qu’il prie parfois le retour d’un cauchemar. il s’y produit tant. où les rires font trembler, d’une terreur, mais ridicule. où l’on sait à force que la mort est un maladroit que l’on sème.

écologies je lui dis qu’en tant que poète il ne faut pas hésiter à froisser du papier. il me répond qu’il ne faut pas le jeter, qu’il servira à démarrer le feu.

motifs les signes que je grave devant moi n’en sont pas, ne font pas des mots, sont juste les motifs qu’impriment sur la page mes nerfs pliés. PLI /41


STEPHANE BERNARD

tabula rasa croyez-le, mes enfants, votre héritage est une table rase. tout ce rien que je vous lègue, c’est tout le désert où je me suis investi. un lieu propre, assaini du mieux que j’ai pu. pas une bâtisse paraphée de la main du bonheur, mais un simple hectare de terre meuble qui blessera le moins vos pas tendres. y demeurent quelques déblais, quelques décombres, et le soc a remonté les éclats, pour le bien de notre histoire, oui, ce petit jeu où chercher quand nous entendons crisser les racines en nous au loin. et sur le seuil de votre espace hérité, écrit au poing dans la terre, à la griffe dans le noir fertile, mes derniers mots plus noirs et grouillant de cette pleine santé que sont les vers. deux mots qui commencent.

PLI /42


STEPHANE BERNARD

le champion à chaque marque faite sur le temps il sert le poing, dur à moudre le vide.

les dieux puérils les hommes, cinq ans, font des châteaux de sable. les dieux, deux ans, les détruisent.

mes contemporains leurs applaudissements ne forment aucun vent. ce qu’ils disent jamais n’élève ou n’abat. il est alors heureux que l’orgueil bombe ma voile, et que les voix des anciens seules dictent à la rame sa descente et sa levée. car l’orgueil survit à ses morts, et le vaniteux vit à moitié.

PLI /43


STEPHANE BERNARD

l’art quotidien même reversée dans une œuvre, toute cette vie échappée chaque jour ne me sera pas rendue.

et le monde pour que tu sois tout est une histoire d’écholocalisation et de frottement. tu peux être n’importe où ou en n’importe qui tu te frottes et tu cries c’est toi toujours qui cognes et vibres avec n’importe quel outil. toi qui n’écoutes que toi encore quand ce bruit te revient qui te situe. c’est dire s’il n’y a que toi et le monde fait pour que tu sois en lui. PLI /44


STEPHANE BERNARD

plage par l’aménagement comme en quarantaine, la plage est désertée. des résilles d’acier tiennent la roche contre l’air. l’abîme monte à mes pieds. ici est interdit. j’y retournerai.

j’abîme perdre m’a dressé contre la cime. cette défaite, rien ne l’explique. la colère de perdre me coupe tous les ponts. je hais le beau, le riche, le chanceux. la journée je sens trop l’humain. je me terre. je ne me relève qu’à la nuit. ma volonté est un fantôme. à la lumière de l’aube ma réalité projette des ombres trop crues. des fautes si nettes que je m’y assomme, et flanche en moi. et sur le cul, des points blancs devant les yeux, j’attends une brèche dans ma lâcheté et dans ma peur, une brèche où voir, une brèche où passer. PLI /45


STEPHANE BERNARD

Textes choisis

les mots rouges c’est plusieurs fois par semaine maintenant. une petite note écrite en rouge, bien en évidence sur le sous-main de son bureau. un reproche, l’aveu d’une déception. les dernières syllabes en capitales. puis c’est le silence abyssal à table à l’heure du dîner où personne ne parle, ni ne parlera. et cette appréhension double maintenant quand il rentre de l’école et qu’il pousse la porte de sa chambre et qu’il a faim.

PLI /46


RITON LA MORT

La parade soft


RITON LA MORT

La parade soft


RITON LA MORT

La parade soft


JOCELYN GASNIER

Les étrangers sont partout (extraits)

(Sur le mur de la planque, Alice et Rikka se balançant et récitant un poème existant)

La nuit tombe à nouveau, portant avec elle des conflits n’est ce pas excitant ? Le sept des échelles faits sortir l’écho des profondeurs n’est ce pas passionnant ? La marque la moins scintillante des profondeurs tu ne l’as pas encore surmonté ? Clignotant chaudement sur la providence de l’amour allez arrête ça ! Nous convergeons et ne devenons qu’un nos cris de fierté et d’éclats comme une fusée en un instant le scintillement est parti le Pierrot monte sur la crinière de la justice le fou tient de la lune des délires sombres si ce jeu existe seulement si nous pouvons perdre tout espoir alors ma folie pourrait ne jamais mourir aussi longtemps que le jeu se poursuit brisé, j’ai crié de toute mon âme :

VANISHMENT THIS WORLD

(dans la médiation) La courbe de la bourdouane a pris cinq pour cent et mille deux cent de plein dans la gueule ce qui fait que le soleil ne brille plus dans l’ouest et décrète sa défaite — que les esprits du vent se sont fait délocaliser sans pouvoir discuter du contrat qui prend fin le jour même de la fin du monde sémantique — désormais le langage de la vie en société sera géométrique — des courbes et des courbettes PLI /50


JOCELYN GASNIER

Les étrangers sont partout (extraits)

Le rapporteur pour les Éditions Réinsérer dit ensuite : - Où est passé le langage symbolique ? Parole et représentant du peuplipapillon- coloré, Nous voulons vous entendre dire : humanisme-tord-de-goudille ! (dans le village des voisins vigilants) Vide. Personne ne se parle ni ne se salue gaiement. Le néant Le rapporteur pour les Éditions Réinsérer dit ensuite : - Cessez fils de putrie de la patrie qui patrouillent avec la trouille (toujours là) - Pourquoi tu ne pars jamais d’ici ? - Pourquoi je partirais ? - Je sais pas pour aller en Italique, ou en Millélunui — tout le monde fait ça — on dit à la famille qu’on voyage — vie accomplie — indépendance — parents qui ont des choses intéressantes à raconter à leurs amis au sujet de leurs enfants — se la péter pour draguer depuis Bongkok, Bongong, Boubay, Vachiton, Berlo-Bléro-Berlon, Oulahilapator de Mongolio — faire de la coutumerie avec les pauvres du monde entier qui sont plus amusants que nos pauvres — Mechixo et ses sombres héros !— Aller se dépaypioter pour s’échapper — voyager quoi ! - Je n’ai pas besoin de ça — j’ai le sentiment cosmicon — en ce lieu : le monde entier et les temps mélangés — je pense à toi — les bacchantes ont chanté pour nous — elles ont chanté pour les indiens sans les connaître — elles ont chanté pour les extraterrestres — elles ont chanté pour les peintres de Chauvet — elles ont chanté pour l’inimaginable totalité en un point du monde à une époque — je chante pour elles aujourd’hui — je chante aux petiots des années 3000 et 4000 et 5000 — non je ne souhaite vraiment pas partir pour m’échapper de ce réel que je déploie en restant ici PLI /51


JOCELYN GASNIER

Les étrangers sont partout (extraits)

(sur le passage) - Te souviens-tu de celui qui est apparu de nul part hier ? — Cet homme d’à peine trente ans - Je n’ai vu qu’un homme de quelques minutes — ne sachant pas encore parlé et que le temps de son apparition fit vivre — je n’ai pu le reconnaître cet enfant récent au cri étouffé par les déjà-installés (sur le passage) - Il est encore passé trop vite celui-là — ‘pas pu voir qui c’était - Ça commence à bien faire cette histoire ! — On a aucun personnage dans ce bordel ! Personne à qui s’attacher ! — Moi je me casse - Parle pas comme ça — en plus on n’a pas vraiment le droit de parler de notre situation et du livre tu sais... - Ta gueule j’en ai rien à foutre — sans moi (sur le passage) - Du feu ? - Bah oui mon garçon - Merci pour la générosité primitive — c’est la toute première chose entre nous — toi de l’allure avec ton front de montagne - Qu’est ce qu’il raconte — ‘Sont bizarres les jeunes - Je disais — à toute époque on aurait eu de la gratitude pour toi (sur le passage) - La défaite de l’ouest - T’as entendu ce qu’a dit ce mec qui vient de me taper l’épaule en passant ? - Non tu veux qu’on le repochette ? - Non mais il a dit « la défaite de l’ouest » - Il devait parler d’histoire-géographie - Non j’ai l’impression qu’il parlait bien sur mon épaule

PLI /52


JOCELYN GASNIER

Les étrangers sont partout (extraits)

Les garces à la bourre brandissent mon livre Cinquante charité brandissent mon livre Sex pistils brandissent mon livre Les mères de l’invention et le moustachu brandissent mon livre Indus Solaire 40 brandissent mon livre Mort en Juin brandissent mon livre Capitaine cœur de bœuf brandissent mon livre Pauvros et son hamster brandissent mon livre Télévision psychique brandissent mon livre Père Ubu brandissent mon livre Courant 93 brandissent mon livre Satan et le grand Riton brandissent mon livre Sa copine Alice Vallonia brandissent mon livre Jean-Luc l’asticot brandissent mon livre Soleil Invaincu brandissent mon livre Le temple acide de ta mère brandissent mon livre Gros gadget brandissent mon livre Maître chanteur marteau brandissent mon livre Les crottes de nez brandissent mon livre Les communards brandissent mon livre Monsieur Tambourin brandissent mon livre Jésus adolescent et les branleurs brandissent mon livre Joy et Joan brandissent mon livre Le groupe des fleurs qui voyagent brandissent mon livre Seth et les chats d’Édouard brandissent mon livre Les souterrains pourpres brandissent mon livre Les filles de la ville du soleil brandissent mon livre Les marionnettes de viande brandissent mon livre

PLI /53


JOCELYN GASNIER

Les étrangers sont partout (extraits)

Hier matin à Lascow, une bande de meutards de toute communauté confondu ont peint dans une grotte — par ennui — les gars du coin sont venus voir — par ennui — cette invention — et sont repartis fiers de ce que cette bande de branle-couille avait fait. On accepta qu’ils ne foutent rien d’autre de leurs journées que de peindre dans la grotte

Un pêcheur, pêcha dans la Gée — un gros livre — vieux de 35 000 ans — On reconstitua les morceaux du titre — Bien qu’incomplet : La Grande Saga ou les étrangers sont partout ou faisant de la lèche à la langue l’écrivain est lui même étranger à sa fiction — n’est ni franqué ni troncho ni frizailleur ni mortroll ni neutrino ni lepteuton ni mumuzelemans et pas même mortrait — les tronchodes sont bonnes — ouais j’y ai goûté — c’est comme ça, c’est écrit dans le dictionnaire — c’est bien fait pour les malins — cotiseur ergo loquatur — c’est de la merde — des futureureux — pour Losting jéné réchion — possédé par la glande-gidouille — with his worn out shoes? — hier matin à Lascow — débile — débile — dé — la Géniale Dysenterie — Les garces à la bourre brandissent mon livre — le sentiment cosmicon — il avait fait rater l’époque — Monogatori On démontra que ce livre n’avait pas été lu à l’époque de son écriture, puis que la redécouverte de ce livre eu un effet dévastateur sur l’interprétation de son temps : il avait fait rater l’époque

PLI /54


CHARLES PENNEQUIN

Je me révolte

je peux dire que je me révolte je peux en avoir la certitude je peux me l’affirmer dans la tête la tête peut répercuter les ordres à l’ensemble de mes organes les organes peuvent se révolter un par un chacun leur tour les membres se révoltent toutes les parties de moi peuvent se révolter tout le monde qui m’habite tout le monde en moi le petit monde tout le petit monde de moi peut prendre un air de révolte c’est un petit air toutes les pensées peuvent imprimer la révolte tout ce qui peut penser le moindre petit bout de moi qui peut se mettre à penser le petit moindre moi tout ce petit monde en branle voilà ce que je peux faire : mettre mon petit monde en moi en branle pour qu’il se mette à penser par lui-même c’est-à-dire pour qu’il commence à se révolter PLI /55


ANONYMES

correspondances


ANONYMES

correspondances


STEPHANE CHAVAZ

Vis leurs vies

Marre marre de ce moi-même cachot-trou Je toupie dans mon bocal Prévisible toujours creuseur de trous déjà creusés Creusés par d’autres par moi plus profonds par certains autres Une machine pour me faire la belle Pour laisser derrière ce que j’ai été ce que je suis ce que je serai Mon cerveau jeté dans ma machine Machine à vivre autre Vivoter c’est intolérable virevolter ça montre vite ses limites Je programme ma machine une année ou une personne connue et un pourcentage Einstein 8% Tu refous ton cerveau en place te voilà toi avec 8% d’Einstein donc plus vraiment toi ton QI a fait un Mao (grand bond en avant) pour te dire la relativité j’y captais nada j’ai commencé à sentir l’ampleur de l’idée Ma machine ne serait rien sans la fonction réversibilité Ca va te pomper à force d’avoir de l’Einstein dans la caboche il ne suffit pas de gueuler Génie sors de ce corps tu programmes Einstein – 8% tu te retrouves le con d’avant Les trucs que j’ai écrit quand j’étais un peu Einstein je les calculais plus après il m’a suffit d’envoyer Einstein 8% pour les piger Dernièrement je me suis fait un week-end François Hollande Je me suis tapé 4 nanas 2 politiques 1 journaliste 1 actrice pas du gibier de mec normal PLI /58


STEPHANE CHAVAZ

Vis leurs vies

Samedi tour de pédalo en mode capitaine j’y suis allé en scooter Et la femelle la plus bonne la môme Chômage une courbe superbe qu’on a envie de voir encore monter Le mois dernier un jour entier Pavé de 1968 100% Arraché de la chaussée j’ai amoché 3 CRS belle ambiance Cohn-Bendit a la main douce et moite Mardi 7 mars je décapsule la boîte à frissons Dieu 100% rien j’attends toujours rien PUTAIN ALORS C’EST VRAI QUE JE SUIS LUI ! (voilà pourquoi je m’emmerde grave depuis le début) Mercredi 8 Gaz Auschwitz 1944 100% Jamais pensé être aussi efficace des groupes à poil tu fais connaissance une bise tous se couchent Un peu frustrant à la longue pas appris grand-chose Jeudi 9 Dallas 22 novembre 1963 100% C’est Marylin déguisé en Jackie Kennedy qui plante trois balles dans JFK Vendredi 10 Guillotine 1793 Jouissif à t’en péter les nerfs L’instant bref où tu tranches le gras d’un cou ça vaut 100 fois le plaisir sexuel même si ça dure rien j’ai prolongé d’un mois on s’en lasse pas Le 11 avril Soisson bug de la machine Jean-Pierre ou le vase elle réussit à afficher Allons pour le vase Me voilà vase j’entends la voix de Clovis sur moi Pot de chambre et il me pisse dedans Le 12 avril Tyrannosaure Rex Putain la vue de là-haut une envie pressante de me branler peux pas bras trop courts Machine tue-apocryphe et casse-légende Autour de moi ils la veulent pour eux ma machine pas de pot les parasites elle ne reconnaît que mon ADN elle se nomme fantaisimagination ma machine tout est dit bon j’vous laisse j’file mater comment Vercingé a rampé devant César en – 52

PLI /59


VINCENT BONNET

Hypersujets_










VINCENT BONNET

Hypersujets_


Penser plus

CHRISTOPHE TARKOS

PLI /70


STEPHANE BERARD

Publié, Modéré, Refusé. Haïkus (extraits)

PLI /71


STEPHANE BERARD

Publié, Modéré, Refusé. Haïkus (extraits)

PLI /72


STEPHANE BERARD

Publié, Modéré, Refusé. Haïkus (extraits)

PLI /73


STEPHANE BERARD

Publié, Modéré, Refusé. Haïkus (extraits)

PLI /74


Photographies

MATHIAS PéREZ

(Vers) grand. (Vers) multiple. Dans le large. Sur les pointes. Écarté ou écartant. Courbes. Vers le grand. Vers le multiple. Au large. Largeurs. Largesse. Sur la paresse. Sur les fruits. L’un dans l’autre. Au travail. C’est un sein. Non deux. Des montantes. Des creux. Oui. C’est silencieux. Tout en bruit se rejoignant. C’est répété. Concentré. Ça flotte ou ça pend. C’est peint. M. dit : Fais en plusieurs. Fais en des grands! Regardes. Gouttes. Prend ton temps. Laisse le temps. Continues. Fumes. Embrasses. Nourris. Découpes. Colles. Regardes. Recules. Touches. Plis. Tournes. Écris. Plusieurs! Assembles. Gouttes. Traces. Vis. ( C’est attentif. C’est attenant ) Fais en plusieurs. Tu verras. Fais en des grands. Mets y le corps. Balayes. Creuses. Vas vers le simple. Comprends. Rencontres. Retrouves. Recouvres. Sois étranger.

PLI /75


Générer. Généreux. Génère. Jette ce pavé luxueux à la face froide du monde! Réchauffes le de tes culs. Les contours se dispersent, d’une gravité légère. Tu répètes pour ne pas y mettre de toi. C’est autour qui te remplit. Et dedans c’est la lumière. Tu as vu les portes, leurs formes de cons. Quelque chose de lettre. Ça flotte. C’est bien l’entre du monde. Sa ligne. Original, certainement pas. Certain, jamais. Originel, comme la fente, l’ouvert. Tu vois le tableau. L’objet. Et l’attente, dessinée. Les mauvaises langues comme les bonnes s’y collent. La maison des seins nous ouvre ses portes. Et ça gonfle et ça dégonfle et ça fuie et ça coiffe. L’épiderme-monde montre ses formes, c’est matière d’être. Aucune autorité ici. Des yeux et la confiance de se dire. Que l’on rend hommage à tout ce qui nous dépasse.

PLI /76


Hubert Lucot PLI /77


Bernard Heidsieck PLI /78


Auto-portrait chez Sylvestra Parra PLI /79


JEAN-MARIE GLEIZE

«Démocratie»

Il y a, dans les Illuminations de Rimbaud un texte intitulé Démo-

cratie. Nous ne savons pas grand-chose de l’écriture de ce texte puisque le manuscrit en est perdu. Il est publié tardivement en revue (dans La Vogue en 1889) mais nous ne sommes pas surpris de rencontrer un texte portant ce titre sous la plume du démocrate Rimbaud, violemment hostile à la dictature de Napoléon III et radicalement en phase avec le mouvement insurrectionnel de la Commune de Paris, avec, pourraiton dire la démocratie insurgeante, révolutionnaire. Comme le suggère Bernard Noël, Rimbaud est communard « non seulement d’opinion, mais d’être ». Or la particularité de ce poème est d’être le seul du recueil à se trouver entièrement entre guillemets. C’est la Démocratie qui parle. Il s’agit d’une prosopopée. Une fois cela entendu, les spécialistes de Rimbaud sont perplexes et d’avis contradictoires. Pour reprendre la formule de l’un d’eux (Pierre Brunel) : « l’intention de Rimbaud semble particulièrement difficile à saisir ». Le texte exprime en effet la violence impérialiste et capitaliste, annonce le massacre des « révoltes logiques »… Rimbaud reprend-il à son compte l’affirmation d’une démocratie guerrière, conquérante, manifestation de la force du peuple (selon un schéma fréquent chez lui : nécessité d’une destruction/déflagration en vue d’une régénération ou d’un « relèvement » ultérieur) ? Ou bien prend-il un malin plaisir à transcrire la caricature de la démocratie véhiculée par ses adversaires bourgeois, à attiser l’horreur et la terreur qu’elle leur inspire ? Il faut ici revenir aux guillemets. Si Rimbaud s’exprimait en son nom propre, comme il le fait dans tous les autres poèmes des Illuminations, il le ferait directement. Dans ce poème il fait parler la démocratie qui dit (dévoile cyniquement) ce qu’elle est et ce qu’elle fait, quelle est son effrayant programme civilisateur. Le résultat est finalement que le lecteur est conduit à transférer les guillemets au seul mot du texte qui n’en comporte pas, son titre. La « démocratie » n’est nullement pouvoir du peuple, mais instrument de domination et d’oppression du peuple, des peuples, la « démocratie » n’est pas la démocratie. Ce constat permet alors de revenir à l’ambiguïté du geste de l’écrivain, ambiguïté tout à la fois volontaire (la mise en œuvre rhétoPLI /80


JEAN-MARIE GLEIZE

«Démocratie»

-rique de la prosopopée comme dispositif concerté) et inévitable, subie : les Illuminations disent à la fois le caractère inacceptable du « monde qui va », ou du monde comme il va, sa violence et la contreviolence nécessaire qu’il entraîne, les entrevisions utopiques plus ou moins cohérentes qu’il suscite, etc. Si quelque chose comme la démocratie existe elle suppose sans doute d’autres luttes, d’autres formes de vie dont le travail de poésie ne peut rendre compte que confusément ou obliquement. Exigence, malaise, angoisse, colères, troubles sémantiques et rythmiques, opacité critique, tels sont quelques-uns des symptômes de cet état de résistance inconfortable où se trouvent les « horribles travailleurs » dont Rimbaud est le frère. Pour ceux qui s’éprouvent « comme » Rimbaud, après le déluge, dans le chaos-ruche des grandes villes, des sociétés modernes industrielles et postindustrielles, celles de l’empire « démocratique » (guillemets) occidental, le sentiment dominant reste celui qui résulte essentiellement du fait que démocratie signifie désormais capitalisme, régime de la liberté, régime du libéralisme (marché, finances, exploitation, profits), et que ce capitalisme démocratique, l’air pollué que nous respirons, se présente aussi, comme la forme ultime et définitive, et pourquoi pas « naturelle », de la vie en société. Il n’y a pas, il n’y aurait pas, d’alternative. D’où la nécessité de qualifier, préciser : démocratie parlementaire, ou plutôt, aujourd’hui médiatico-parlementaire, démocratie libérale, capitalisme démocratique, mais aussi, puisque guillemets il y a, si on cherche à les retirer c’est-à-dire à se réapproprier le mot et la chose : « vraie démocratie » comme le disait Marx, ou « démocratie sauvage », ou « démocratie radicale », ou « démocratie insurgeante » (comme le suggère Miguel Abensour, démocratie en état d’émergence et construction critique permanente), ou encore « démocratie sans limites » comme le proposait Rosa Luxembourg, en l’opposant à la « démocratie bourgeoise » ; elle soumettait alors à l’examen les limites et les contradictions internes de la « démocratie » sous guillemets, dont elle observait, comme Rimbaud, deux dimensions antidémocratiques PLI /81


JEAN-MARIE GLEIZE

«Démocratie»

étroitement liées : le militarisme et le colonialisme , l’importance de l’appareil militaire étant lié d’une part à la nécessité de contenir et de réprimer les mouvements d’insurrection populaire, d’autre part d’imposer par la force des armes aux peuples colonisés les bienfaits de la domination et de l’exploitation économique occidentale. Donc, pour ceux-là, dont je suis, qui lisent et continuent d’écrire à l’intérieur de ce qu’on nomme écriture de poésie (c’est-à-dire qui se situent marginalement à l’intérieur d’une pratique de la littérature elle-même devenue culturellement secondaire et mineure), essentiellement la conscience de n’être pas très en phase avec la démocratie comme valeur d’ambiance, comme idéologie politique et comme forme de gouvernement, le sentiment de n’être nullement représenté par des professionnels parlementaires et autres qui eux-mêmes sont manipulés et ventriloqués par les tenants du vrai pouvoir (celui de l’économie mondialisée), et comme une insurmontable sensation de paralysie ou d’impuissance et d’étouffement. Les mots glissent, il suffit d’écouter. Par exemple ce jeune maghrébin qui a participé aux émeutes de l’année 2005 dans les banlieues en région parisienne : il parle de ses parents et d’une société qui voudrait les « incarcérer ». Il veut dire les « insérer ». Le lapsus fait entendre que l’intégration peut-être perçue comme un processus d’enfermement et de maintien violent dans un statut d’infériorité sociale. C’est bien pourquoi il est symptomatique que certains affirment au contraire (contre toute évidence apparente, en situation d’extrême précarité matérielle et morale, dans le contexte asphyxiant de notre « démocratie » guillemets) la réalité actuelle de leur émancipation. J’ai tenu à mettre en exergue permanente à la revue Nioques, revue de poésie contemporaine, cette phrase du poète Christophe Tarkos, mort prématurément en 2004 : « Je ne suis pas pressé, je ne m’étouffe pas, je ne suis pas écrasé, je ne suis pas enfoui, je ne suis pas encerclé, je ne suis pas écrasé, je respire. ». Il soutient, personnellement, l’affirmation, sur le fond du déni de l’écrasement et de ses multiples formes. Et s’il soutient cette position, s’il peut affirmer si fort la négation de la négation, c’est parce qu’il écrit, et que cette pratique de la poésie il la comprend PLI /82


JEAN-MARIE GLEIZE

«Démocratie»

et la vit comme une pratique émancipatrice (insurgeante et émancipatrice). Ce qui précisément nous incite à entendre que ce en quoi la poésie serait d’abord politique, pour Christophe Tarkos, par exemple, c’est en tant qu’elle est un acte, et que cet acte de langage est (ou en tout cas peut être) affirmation singulière, revendication d’autonomie, forme de vie et de survie en milieu hostile. Il nous faut alors peut-être en revenir rapidement à quelques distinctions naïves : il y a eu, dans notre histoire récente quelque chose comme une poésie engagée, celle de la Résistance, en souci de communication directe (formes simples, lyrisme de combat) avec un peuple en souffrance de démocratie ; antérieurement déjà, lorsque le surréalisme avait souhaité s’articuler sérieusement au mouvement réel de l’histoire il s’était déclaré « au service » de la Révolution (sans toutefois reculer sur l’ardente nécessité de transgression ou de subversion formelle) ; après la guerre on voit Paul Eluard publier un livre intitulé Poèmes politiques, que préface Aragon. Le poète communiste n’omet pas de souligner ce que « politique » veut dire pour Eluard, pour lui-même, pour leurs camarades, et que résume la formule : « de l’horizon d’un seul à l’horizon de tous » (ce pourrait être aussi bien le slogan générique pour une « poésie démocratique »), il n’omet pas non plus de citer l’encourageant mot d’ordre d’Isidore Ducasse : « La poésie doit avoir pour but la vérité pratique », en l’interprétant comme énonçant ou annonçant le passage du temps (romantique) des utopies à celui de l’ « efficience humaine ». Ce qui est patent c’est que l’idéologie poétique standard, des avant-gardes historiques aux néo-avant-gardes des années soixante/soixante-dix, du lyrisme engagé à la poésie politique ou à la théorisation de la « révolution du langage poétique » en consonance avec le désir de Révolution, est celle d’une « efficience » (pour reprendre le mot d’Aragon) de la poésie, plus ou moins immédiate ou oblique, plus ou moins directe ou restreinte. Or il est non moins clair qu’aux alentours des années quatre-vingt, à ce que j’appellerai une séquence d’euphorie porteuse (la combinatoire transgresPLI /83


JEAN-MARIE GLEIZE

«Démocratie»

-sion, subversion, expérimentation, invention, action), à la faveur de divers effondrements sur lesquels il est inutile de revenir, le champ de la poésie contemporaine s’est en fait recomposé (comme les familles) autour de deux pôles principaux : celui du retour à (ce que j’appelle la re-poésie) retour aux fondamentaux de la poésie rendue à elle-même, et donc restituée au public, au peuple lecteur, après défiguration et aggravation du divorce, et celui d’une volonté de ne pas rompre avec un héritage de recherches et d’aventures, tout en récusant les postures dogmatiques et les illusions politiques de la veille et de l’avant-veille et de l’avant-avant-veille. On assiste alors à l’émergence d’une génération de poètes, s’exprimant dans des revues comme Java, ou Facial ou Quaderno, ou encore la Revue de littérature générale d’Olivier Cadiot et Pierre Alferi, d’orientation nettement expérimentale mais tout aussi nettement a-politique, pratiquant la critique (celle des conventions sociales et/ou celle des conventions de genre) sur le mode de la distance ironique ou du parodique et de la dérision. Poésie ou plus généralement formes d’art critiques en effet en ce qu’elles mettaient notamment, en question la hiérarchie culturellement admise entre les modes majeurs et les modes mineurs, ou « populaires » d’expression. Un « essai excentrique » (c’est ainsi qu’il se définit lui-même) intitulé L’art parodic’ (en 1996 publié par Java sous la plume d’Arnaud Labelle-Rojoux) tentait de décrire et de donner légitimité théorique à quelques-unes de ces pratiques du renversement systématique des valeurs (ou de la confusion des niveaux et des genres) qui se sont répandues dans cette période de post-avant-gardisme un peu sceptique, ou à tout le moins méfiante à l’égard du sérieux des générations précédentes. Il ne serait sans doute pas faux de dire que si les poètes des générations précédentes tenaient en quelque sorte pour acquise, (quels qu’aient pu être les choix stratégiques divergents quant au sens de leur pratique, a ses modes de réalisation, etc.) une adhésion de principe, explicitement formulée ou restée implicite, à quelque chose comme un idéal de démocratie réelle, tout en acceptant pour quasiment inéluctable le fait d’un renoncement à une réception large, et l’accusation PLI /84


JEAN-MARIE GLEIZE

«Démocratie»

maintes fois prononcée d’« élitisme », les poètes de la génération dont je parle, celle dont je viens de dire qu’elle avait pris distance (et ne réglait plus son travail sur les attendus de quelque croyance que ce soit), se trouvaient en quelque sorte sujets d’une pratique « démocratique » en ce sens qu’ils se refusaient activement à négliger les modes actuels de l’expression et de la culture de tous (médias, écrans, prélèvement d’énoncés sur le donné contextuel, montages, mixages, détournements divers etc.). Toute la question étant de savoir si l’apparent « retrait » idéologique, qui caractérise de prime abord cette masse textuelle, désigne une manière de neutralité, une indifférence aux contenus concernés (voire une adhésion non dite à ce qu’ils véhiculent), ou s’inscrivent au contraire dans une perspective pouvant être comprise comme une forme de « résistance » active à ces formats, à ces contenus, à leurs modes de circulation et d’exposition publique, etc. Ces « écritures d’après », après dissolution des dogmes, après la dernière vague des avant-gardes théorisantes et groupusculaires, sur leur versant « ironiste » comme sur leur versant « sérieux » (écritures de montage, écritures dispositales ou documentales), peuvent sans doute être lues comme critiques mais aussi bien conserver pour le lecteur, leur part d’ambiguïté et d’indécidabilité constitutives. Reste qu’on peut observer, dans ces écritures « d’après » (et à l’occasion de certaines prises de position concrètes dans les luttes sociales ou les mouvements alternatifs), un certain retour de la notion de résistance. Alors que se développent autour de nous des gestes de « désobéissance civile » (d’Athènes à Tunis ou au Caire, de New York, Occupy Wall Street, à Tarnac ou à Notre Dame des Landes…) qui sont comme des protestations collectives au nom de la démocratie sans guillemets contre des décisions ou des « lois » ou des états de faits, imposés par la police et la justice de la « démocratie », celle de la prosopopée rimbaldienne, et qui est toujours celle dont nous sommes les citoyens), on constate, en régime dit poétique, ou post-poétique, le fait que l’imaginaire de résistance continue de résister. Il faut peut-être remonter ici aux PLI /85


JEAN-MARIE GLEIZE

«Démocratie»

propositions de Francis Ponge telles qu’il les énonce dans un certain nombre de ses « proèmes » des années trente - si proches de nous aujourd’hui où l’on voit que des élections démocratiques portent au pouvoir là des fanatiques religieux, ici des gouvernements de gauche très soucieux d’expulser les étrangers, sur le fond, par ailleurs d’une progression « démocratique » du fascisme municipal. Ponge, donc, qui au lieu de suggérer à ses amis surréalistes de l’époque de laisser parler un murmure pseudo « libérateur » (l’écriture dite automatique ») préconisait de « résister aux paroles », c’est-à-dire de ne pas laisser en nous parler l’idéologie qui nous parle (la doxa, les stéréotypes, les poncifs véhiculés par la mediasphère) mais au contraire de travailler à contre-paroles, à contre-usage, de pratiquer, si besoin est, « l’art de les violenter [les paroles] et de les soumettre » . Cette poétique-là reste d’actualité, l’ « ordre des choses », qu’il qualifiait de « monstrueux » et de « sordide », dont il disait qu’il est celui où des gens se suicident « pour avoir été ruinés », par ces « gouvernements d’affairistes et de marchands », est bien celui du « capitalisme démocratique » que j’évoquais tout à l’heure. Résister aux paroles, donc, opposer le silence de l’écriture au bruit des paroles, ou bien encore démonter et remonter le flux continu de la surinformation déréalisante, de façon à retrouver s’il se peut le sens des mots, le sens des choses et des situations et des événements. Mais résister également aux images, au flux continu des images, celles qui « occupent » notre espace et nos yeux, les murs d’écrans qui nous éloignent et nous séparent de la réalité. Tenir compte du fait que ces images « font partie » de cette réalité dont par ailleurs elles nous éloignent. Et que donc il s’agit de travailler avec et sur et contre ces images en surimposition, surimpression, décomposition, etc. Enfin, résister aux images c’est également, et je retrouve ici la « position » de décalage par rapport aux diverses variantes des postures d’engagement, renoncer à la magie stupéfiante des images d’Epinal, celles qui ont nourri et porté notre imaginaire utopique, politique. Y renoncer pour affronter lucidement ce qui est notre lot : la traversée, en utilisant pour écrire les accidents du sol, et du contexte, PLI /86


JEAN-MARIE GLEIZE

«Démocratie»

et des circonstances, de l’épaisseur opaque, celle d’un d’un réel contradictoire, conflictuel et violent. C’est un des sens de la formule que j’emprunte à un artiste et poète installationiste ou poète intermédia (Philippe Castellin) : « La poésie n’est pas une solution ». Si nous comprenons la pratique endurante et insistante, voire résistante, de l’écriture de poésie, (dans un contexte où elle est une pratique de fait socialement mineure) comme une contribution critique et restreinte, en partie aveugle, à l’invention permanente d’un espace démocratique, nous savons bien qu’il n’y a pas de solution, et que l’écriture n’a pour but et fonction que d’intensifier les questions, des questions. Cette hypothèse ne prend sens que si nous pensons espace démocratique (la possibilité de la démocratie) en dehors de l’institution politique dont c’est le nom et que nous imaginions la réalité concrète, ici et maintenant, de « communes » autonomes, auto-gérées, où s’expérimentent librement de nouveaux modes d’expérience sensible, de nouvelles formes d’échange, d’expression, de communication, d’activité collective, de vie. De tels îlots, de vie et d’action, de réflexion aussi et de lutte, existent. Politique expérimentale, en écart significatif à la politique instituée, comme il y a des pratiques expérimentales de l’art et de la poésie, qui le sont ou devraient l’être, en principe, par définition. Il s’agit pour nous de construire nos propres cabanes, et les chemins qui les relient (il peut s’agir de revues, de micro-structures éditoriales, de circuits alternatifs de diffusion), et si nos cabanes sont détruites (elles sont fragiles et précaires par nature), nous les reconstruisons ailleurs, sans nous décourager.

PLI /87


JEAN-MARIE GLEIZE

«Démocratie»

Et puisque j’ai commencé avec ce texte de Rimbaud, je termine sur ces guillemets et les révoltes logiques. La question poétique, politique, est bien celle du sens des mots. Celui qu’on leur donne ou qu’on leur inflige. Et celui qu’on voudrait leur rendre. Il ne peut résulter de cette longue et « féroce » séquence (celle que développe la prosopopée rimbaldienne) que ce que le poète appelle des « révoltes logiques », celle des colonisés, des exploités, des déplacés, des opprimés, alors, et maintenant, et partout. Logiques, c’est-à-dire inéluctables. Logiques aussi parce qu’appelant un retour, un retournement, un renversement, en langues, en paroles, en écritures, en tracés.

PLI /88



INDEX / BIOGRAPHIES

Cesare Battisti romancier, né à Cisterna di Latina, au sud de Rome. Révolutionnaire et activiste durant les «années de plomb », il est condamné par contumace à la prison à perpétuité pour des crimes de sang qu’il réfute. Fuite, clandestinité, prison, diffamation… Le Brésil finit par accepter de ne pas l’extrader et lui rend la liberté. À ce jour, il demeure le bouc émissaire idéal que le Spectacle a fabriqué pour dissimuler sa misère et son infamie. Stéphane Bérard né en 1966, vit et travaille à Paris, développe une œuvre polymorphe où l’invention est un mode d’intervention critique. Tous les secteurs que l’art a investi au tournant du siècle (design, mode, architecture littérature, cinéma, performance, son & chanson) y sont explorés. Il est représenté par la galerie Eva Meyer, Paris. Stéphane Bernard né en 1972 et après plus de 20 ans d’exil dont 14 passés à Rennes, est rentré chez lui : Saint-nazaire. Vincent Bonnet photographe, éditeur, artiste, iconoclaste, Vincent Bonnet s’intéresse à l’image, à ses conditions d’apparition, à ses territoires d’action, à ses usages vernaculaires et à ses enjeux de production. Son projet au long cours est de constituer une archive vivante, un fond d’images efficientes et critiques, qu’il cherche à inscrire dans le champ social et politique. Il tente d’opérer des sorties et des déplacements : de l’art vers l’action, de la bêtise vers la réflexion et de l’œuvre vers le travail commun. Stéphane Chavaz est né un soir de fondue. Il cria pour qu’on ne coupe pas le cordon. Depuis il n’a plus crié il a écrit. Il attend patiemment la mort dans quelques soubresauts. Justin Delareux est artiste et écrivain, créateur de la revue pli infos : justindelareux.fr Alain Fleig est un plasticien qui travaille essentiellement avec la photographie. Historien et critique d’art, écrivain et collectionneur né en 1942 et décédé le 17 décembre 2012. Il participe à la fondation du FHAR (Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire) et crée en 1973 le Groupe 5, ouvertement d’inspiration situationniste. Il publie une revue : Le Fléau Social, PLI /90


INDEX / BIOGRAPHIES

jusqu’en 1975. À partir de 1982 enseigne à l’Université de Paris VIII puis à l’École de l’Image de Poitiers-Angoulême et enfin à l’École supérieure des Beaux-Arts d’Angers. Il est l’auteur de grandes compositions photographiques réalisées à partir de photographies instantanées. C’est un des premiers ayant adapté, dans les années 1970, les recherches en photographie expérimentale à la représentation du désir homoérotique par la métaphore de l’image : photographies très agrandies afin de valoriser la trame, jeux de mise en abîme, assemblages de polaroids puis plus tard d’Ektachrome, polyptyques. Ses œuvres, qui proposent aussi une réflexion sur la mise en image de notre monde, tournent toutes autour des notions de pulsion scopique. Parallèlement à son travail de recherche photographique, il réalise plusieurs actions de rue liées à sa réflexion sociopolitique. En 1981, participe à la création des Cahiers de la Photographie avec Gilles Mora, Bernard Plossu, Arnaud Claass, Claude Nori… En 1984 à la revue des Arts avec Benzakin, Jaques Fol, Yannick Milhou. Il est l’auteur d’une quinzaine d’ouvrages tant de recherche historique que de réflexion sur la photographie ainsi que de nombreux articles et textes de catalogues. Jocelyn Gasnier est né en 1988, il est peintre et écrivain, il vit au Mans. Jean-Marie GLEIZE est né à Paris le 2 avril 1946, poursuit depuis Léman une méditation en prose (« prose en prose », « post-poésie ») qui prend la forme d’une enquête, investigation narrative discontinue (littérale, documentaire) à partir de traces ou données matérielles images (photographie, polaroïd, vidéo) ou textes. Professeur émérite de littérature à l’Ecole Normale Supérieure de Lyon où il a été responsable du Centre d’Etudes Poétiques de 1999 à 2009. A dirigé les collections NIOK (éditions Al Dante) et « Signes » (ENS éditions), et créé la revue NIOQUES qu’il anime depuis 1990. Bibliographie sélective : Poésie et figuration, Seuil, 1983, Simplification lyrique, Seghers, 1987, Francis Ponge, Seuil, 1988, Léman, Seuil, 1990, A noir, Seuil, 1992, Le Principe de nudité intégrale, Seuil, 1995, Les Chiens noirs de la prose, Seuil, 1999, Non, Al Dante 1999, Néon, Seuil, 2004, Film à venir, Seuil 2007, Sorties, Questions Théoriques 2009, Tarnac, un acte préparatoire, Seuil 2011. «Poésie et Figuration & Poésie et littéralité», réunies en un volume, à paraître aux éditions Questions Théoriques. Le livre des cabanes, à paraître aux éditions du Seuil. PLI /91


INDEX / BIOGRAPHIES

Hans Holbein est un peintre et graveur allemand, né à Augsbourg en 1497 et mort à Londres le 29 novembre 1543. Alexis Judic est né en 1983 à Saint Nazaire en France. Archéo-anthropologue des « formes perdues ». A travers des voyages réels et virtuels son travail explore les inventions singulières contemporaines ou lointaines créées par l’Homme. Villes et villages abandonnés ayant servi à des expérimentations militaires, communautés hippies ayant vécu à la fin des années 60 des expériences utopiques et artistiques, conflits architecturaux et ensembles pavillonnaires sont ses principaux sujets et le point de départ de ses productions. Après avoir décelé ces architectures et autres lieux, il opère un travail de reconstitution, généralement utilisé dans une perspective historique, scientifique ou anthropologique. infos : www.alexisjudic.com Depuis ses premiers pas au pied des Pyrénées, au début des année cinquante, Patrick Mosconi a bourlingué sur des pistes hypothétiques ; s’est réveillé dans des culs-de-sac ; s’est égaré, comme beaucoup de sa génération sur les sentiers du roman et du scénario, avant d’oser affronter la vie par la forme et la couleur Charles Pennequin est né en 1965 à cambrai, poète fais des poèmes simplifiés ou standards des poèmes délabrés et des improvisations au dictaphone mégaphone et des vidéos à l’arrache dans les trains des lectures le long des autoroutes travailleur de lui-même à travers la parole de l’autre il se dit écouteur de sa propre mort dont il n’a plus de nouvelles depuis la naissance. Mathias Pérez est peintre. Vient de parraitre une monographie de 168 pages avec les contributions de Bernard Noël, Christian Prigent, Claude Minière, Rémi Froger, Jacques Demarcq, Bernard Heidsieck, Jean- Paul Fargier. Avec des photgraphies de Mark Lyon, Marc Pataut, Willy Ronis et Christophe Mézières. Mathias est représenté par Granville Gallery de Jean- Pierre Bruaire et Catherine Melotte. (Les textes qui accompagnent les photographies publiées dans PLI sont écrits par O.Fénéon) Eric Pougeau est né en 1968, vit et travaille à Paris. Ancien guitariste PLI /92


INDEX / BIOGRAPHIES

des Flaming Demonics (groupe culte pari­sien du début des années 1990), il se tourne par la suite vers l’art dont il se sert pour critiquer avec violence les institutions sociales sous toutes leurs formes, à commencer par la famille. Son œuvre, morbide, s’intéresse à la sphère intime, « lieu d’excès et de passions », expression d’une certaine animalité, séparée par un gouffre de la sphère publique. Son œuvre « Fils de pute » a été exposée à la Maison rouge à Paris en 2010-2011. Lesala Riaput a passé 8 ans dans une asphyxiante industrie culturelle parisienne. A déserté. Après avoir vomi la publicité, vomit actuellement le travail et plus généralement l’ordre des choses. Apprécie les forêts, la construction de cabanes, les chouettes, la fuite, le kothou parotta, l’arbois, la zone. Riton la mort est né à Saint Martin D’Hères en 1987. Il officie en tant que chanteur au sein du groupe de punk extrême SATAN. Riton La Mort est notamment l’auteur de deux ouvrages parus aux éditions Le Dernier Cri: «Pur Sang» (2011) et «Terre Froide» (2013). infos: ritonlamort@yahoo.fr http://bierenoire.blogspot.com Patrick Sainton, « Je regarde la surface de ces portraits, comme une traduction littérale. Du carton gris. Des grandes plaques de carton gris. Des morceaux de scotch marron. Des arbres noirs en boule ou des arbres ramifiés. Des têtes de mort. Des coupures de journaux, des photos d’écrivains parfois retouchées. Des phrases citations trafiquées parfois entre crochets raturées, Et raturées on les lit mieux. Des papiers collés les uns sur les autres. Des coups de pinceaux, des tracés, Des traits de marqueur. Un travail de connections et de montage, d’assemblages, de coupe, de colle, de traits. Des taches : des phrases ou des photos, ou des choses collées, qui prennent une place, qui prennent une place. Tout cela c’est Patrick Sainton sa manière de lire d’écrire de tracer de peindre sa manière de couper, de coller, d’assembler. C’est sa marque, du lyrisme et de la littéralité en même temps,de la sécheresse et du chant.» Texte écrit et lu par Éric Giraud le 18 mars 2005 à La Garde ChriStophe Tarkos est un poète français, né à Marseille en 1963 et mort le 30 novembre 2004. PLI /93


INDEX / BIOGRAPHIES

PLI, cabane, projectile, tentative éditoriale débutée en octobre 2013. Aucunes subventions jusqu’à lors aucune assise, uniquement des marges. Pli ne se pavane pas en salon. Les tirages sont limités. La couverture c’est une gravure sur linoléum de Justin Delareux. PLI est imprimé à l’Arbre aux papiers, au Mans, les tirages dépendent, en partie, du nombre de souscripteurs. Il faudrait remercier chaleureusement les auteurs présents dans ces deux premiers numéros. Remercier aussi tous ceux qui ont permis l’édition de PLI, par leurs donations ou leurs souscriptions. Remercier ses lecteurs, ses passeurs. Remercier les amis dispersés. Nous en appelons à intensifier les échanges et les constructions.

« Cette feuille désire être le point de contact entre ceux qui, à travers le monde, vivent en anarchiste sous la seule autorité de l’expérience et du libre examen » A.Libertad

PLI /94


Le peintre Mathias Pérez à généreusement offert à PLI 30 gravures signées et numérotées,

Il est possible de souscrire à la revue sous cette forme : 2 numéro + une gravure : 90e ou gravure seule : 69e

Ce geste afin de soutenir matériellement les constructions en cours

Il est possible que soient édités, dans l’irrégularité, des bulletins ou organes sémantiques annexes à la revue. Nous les feront parvenir à chacun sans grand soucis.

Tout courrier sera le bienvenue « pots de confiture, mandats, liqueurs, timbres-poste de tous les pays, etc. En tout cas chaque cadeau me fera rire. »


Le numéro 02 de la revue Pli a été tiré à 100 exemplaires, papier 120g, couverture 300g, dos carré collé, en mai 2014. sans subvention, sur le mode opératoire du pré-achat ou du don. 30 exemplaires hors commerce papier 90g ont été distribués. Les couvertures sont faites à la main. Ce numéro est archivé dans la bibliothèque du Centre International

de

la

Poésie

à

Cette en

note a été décembre

Marseille.

écrite 2014.

_ construction / liaison : justin.delareux@gmail.com tempsdencre@riseup.net


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.