PLI poĂŠtiques lacunaires
01
2013
Il dessine les signes manquants, il dit avec ses mots courts, il découpe les apparats de la ville, il scande, il trace contre les murs des prisons, il cherche la parole, il invente les mots, il devient archéologue, il cherche l’attitude, il construit des cabanes, il récupère les restes, il se sent égaré, elle cadre la chute, il pense avec : ils perçoivent les ruines -Ne devrait il pas y avoir quelque chose, une entrée, une introduction, quelque chose quoi. Il a commencé par goûter les mots avant de pouvoir les dires. Goûter le support des mots avant de pouvoir les lires. Puis les mots sont entrés dans sa bouche. Puis par la bouche est passé le mot -cuit-. Il avait , petit à petit, disséminé sa langue, tout autour de lui. -Nous nous sommes rendu au centre de la forêt. J’ai sectionné le cadenas de la porte. Désormais, nous ne rentrerons que par effraction. Nous allons écrire avec effraction. -Nous trouvons toutes sortes d’astuces pour nous procurer de l’argent, pour le rendre à qui nous le demande. C’est l’absurde dans l’ainsi. Il cherche l’accomplissement : le mot travail provient du mot trepalium. -Rien ne va. Rien n’ira jamais car rien n’est jamais allé. (chanté) Elle dit le voyage pour ne pas dire la fuite, pour ne pas dire le comble de sa vie, pour dire combler le vide de son être : maintenu en vie. Il ne sait pas encore qu’il sera entendu et qu’il devra dire. Il a commencé par goûter les mots, laissé macérer les mots, dans un liquide à déglutir, celui de sa bouche, acide et corrosif. (Mordant, pas encore.)
-Nous cherchons, nous aussi, le sens de l’adjectif communiste. Nous cherchons, nous aussi, à répandre l’anarchie. « tout doit disparaître » -promotion sur les cuillères. Il y a un petit train qui fait le tour du faux-centre de la ville. -Il faut encore nous raconter des histoires pour pouvoir encore nous endormir. -Nous sommes de l’émeute, impatients. Il dit qu’il a cent visages, une même voix. Qu’il faut combattre contre le cours normal des choses. Remonter le courant. La vie courante. Que rien n’est acceptable. Que jamais contribue à abolir le hasard. Qu’il n’a ni famille ni école. Il raconte qu’il ne sait pas parler, qu’il a trouvé le fond des choses dans le partage de la solitude.
« NOTRE BUT EST D’APPROFONDIR LES CONTRADICTIONS à TOUS LES NIVEAUX »
Puis : Il dessine les signes manquants, il dit avec ses mots courts, il découpe les apparats de la ville, il scande, il frotte contre les murs des prisons, il cherche la parole, il invente les mots, il devient archéologue, il cherche l’attitude, il construit des cabanes, il récupère les restes, il se sent égaré, il pense avec
il y a Alain Fleig - Ex-Voto Gaetan Léon - Quod? Alexis Judic - Oblivion Charles Pennequin- On va vivre là Marc Brunier Mestas - neuf gravures Etienne Jean Monnier - Livre des suites David Liaudet - Complément d’illustrations Jean-Marie Gleize - à, pour, avec - Le livre des cabanes Jocelyn Gasnier - Les étrangers sont partout Nicolas Daubanes - Prison de Mataro Mathieu Tremblin - Droit de glanage Justin Delareux - Projectile Littéral Marine Lévêque - aquatintes Anonyme - Correspondances Manuel Salvat - Princesse prolétariat
PLI
On va vivre là
CHARLES PENNEQUIN
-L’idiotie, le poème neuneu, la poésie au ras des pâquerettes, se mettre plus bas que terre, se mettre honteux, ça c’est quelque chose qui m’a toujours travaillé. Ce n’est pas une régression, c’est dire qu’il y a des désirs cachés qui passent dans les mots, que chacun a sa manière bien a lui de remuer les choses dedans sa bouche, que chaque parole a un secret dedans et que ce ne sont pas que les médias qui savent tout de la parole, de la science à parler, pour moi l’armée noire c’est avant tout une invasion de parole, un grouillement des mots dont on ne veut pas entendre parler, on ne veut pas entendre parler l’enfant en soi, la femme en soi, le faible en soi, le philosophe en soi, tous les en-soi mêlés et qui veulent prendre la parole, toutes les bagarres positives avec l’être et le dehors. [...] La poésie dit ça, elle dit le moment où ça peut partir en vrille dans le vivant, seulement le vivant n’y croit pas, il préfère les discours des chefs, des autorités, de l’église, du patronat, il préfère en chier de la publicité et de la morale que de voir qu’il chante à tue-tête dans sa tête à longueur d’année. On ne veut pas croire au fait qu’on est des bêtes à parler et à tournoyer dans la caverne avec des torches allumées dans le noir et qu’on voit rien et qu’on danse, on ne veut rien voir de tout ça bien souvent. Sauf par moment où ça rit de bon cœur avec la pensée qui sort dans la bouche et que la bouche se mette à penser le chant et à livrer ça à l’air libre. Personne ne croit en la poésie, même moi à 95 % de mon temps je n’y crois pas, je suis éteint comme un téléviseur. Charles Pennequin
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CHARLES PENNEQUIN
On va vivre là
On va vivre là On va s’écraser là En douce On respirera ici On cueillera là On foulera telle plante On ira dans les chemins On se tassera bien ici Quelque part Dans un pareil endroit Vivre ici en fermant telle porte On se souviendra des jours Tous les jours passés ici Tous numérotés Consignés On agrafera le tout On enverra ça promener On balbutiera quelques phrases Ici ou là Histoire de creuser quelque chose Face aux fenêtres PLI / 2
CHARLES PENNEQUIN
On va vivre là
On passera l’été, l’hiver On ira boire pas loin On voisinera des autres On regardera les routes, les monts On passera son temps à observer, écouter On mangera aussi, on fera des petits tours Dans la forêt, on chassera Et on se fera tuer Comme tout un chacun Mais on sera toujours là Avec le soleil La pluie, le vent Et les saisons entières A rien savoir De quoi que ce soit Et de qui ça vient Et comment ça repart Jusqu’à se découvrir enfin le son D’une bonne pesée de terre Par-dessus nous
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MATHIEU TREMBLIN
Droit de glanage
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MATHIEU TREMBLIN
Droit de glanage
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MATHIEU TREMBLIN
Droit de glanage
PLI / 6
MATHIEU TREMBLIN
Droit de glanage
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MATHIEU TREMBLIN
Droit de glanage
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MATHIEU TREMBLIN
Droit de glanage
-Un droit de glanage est appliqué à un trompe-l’œil publicitaire en autocollant, apposé sur la devanture d’un supermarché et figurant une suggestion de présentation de petit déjeuner, café, jus de fruits, fruits et céréales.
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MATHIEU TREMBLIN
Droit de glanage
Butin :
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ALAIN FLEIG
Ex-voto
EX-VOTO
52 RAPPELS DE BASE ET AUTRES VŒUX PIEUX comme aide-mémoire ou semainier pour quelques hirsutes, hydropathes, fumistes, zutistes, incohérents, vilains bonshommes, situationnistes et autres mal-pensants pré, post ou péridadaïstes. (tout ça également au féminin, bien sûr.)
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ALAIN FLEIG
Ex-voto
1 Qu’il soit une bonne fois entendu que l’ART n’a pas de public : il a un horizon d’attente. 2 L’ART ne saurait être pour tous, mais pour chacun qui intimement l’espère. 3 En cela, l’ART est profondément élitiste puisqu’il s’adresse à ce qu’il y a de supérieur en chacun. 4 L’ART ne se diffuse pas. Pas plus qu’il ne se ventile, se volatilise ou se vaporise ni ne se consomme. Même le plus mégalo de ses propos, est affaire de confidence. De toi à moi, si tu le veux bien. 5 La culture tente toujours d’interférer dans l’ART pour le modeler, l’influencer et le dévitaliser au profit de la pensée dominante.
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ALAIN FLEIG
Ex-voto
L’ART, tant qu’il est vivant, ne peut donc s’acoquiner à la culture sans se perdre irrémédiablement. Ce qui ne signifie pas que l’artiste, lui, doive être inculte ni refuser les oboles publiques. 6 La culture est la dépouille de l’ART, au mieux son fantôme. C’est ce qui reste quand a disparu ce qui l’a fait être. 7 L’animation est le nom politiquement correct donné à la branlette nécrophage des petits asticots de la culture. 8 Ceux qui prétendent aimer l’ART, mais ne savent pas faire l’amour aux artistes, sont des animateurs. 9 L’ART ne se vend pas, il est dû à chacun. Vendre l’ART est aussi ignoble que vendre la justice ou les sacrements (encore que ça…).
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ALAIN FLEIG
Ex-voto
10 L’artiste ne reçoit pas le prix de son œuvre, mais une compensation. Cela n’empêche nullement qu’il soit, assez fréquemment, un prostitué qui se vend au plus offrant ou à ceux qui le caressent le mieux dans le sens du poil. 11 Une galerie est un passage couvert où “travaillent” habituellement les putains et les pickpockets. 12 Toute pédagogie de l’ART est une imposture. Tout au plus peut-on tenter de faire partager sa propre expérience de la vie ou de la matière et ça n’est déjà pas si mal. 13 L’ART n’est pas un jeu d’enfant, n’en déplaise aux éducateurs. Il n’a rien à voir avec l’éducation, le dressage, la coercition ou l’aménagement du temps libre. Il sème le trouble, attente à l’ordre du monde, ricane aux enterrements, regarde sous les jupes des filles et dans la braguette des garçons, instille le désir, la rébellion et pose bizarrement des questions dont nul, en général, n’a envie de connaître la réponse.
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ALAIN FLEIG
Ex-voto
14 Emmèneriez-vous vos enfants au bordel ou sur un champ de bataille ? Si oui, pourquoi ne pas les emmener au musée le dimanche ou à la cinémathèque ? Ce n’est pas forcément moins dangereux ni mieux fréquenté . 15 L’ART accepté ou loué par ceux qu’il est censé déranger a toute chance d’être un ART RATé. La récupération est habile, les malentendus sont plutôt rares et “le système” toujours beaucoup plus malin qu’on ne le croit. 16 En fonction de quoi, on peut dire qu’en ART le succès est toujours mérité. L’insuccès aussi, bien sûr. 17 Si l’ART est mort, comme le proclament certains, ce ne peut être que de rire devant les institutions et certains prétendus “artistes”.
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ALAIN FLEIG
Ex-voto
18 L’ART bouse, l’ART casse, l’art chie, l’ART mord, l’ART gent, l’Art lequine… Et vous fait bien d’autres choses encore que vous n’imaginez même pas. 19 Si l’ART est essentiel pour l’humanité et pour l’homme, certains dussent-ils y perdre la vie, il est sans importance, voire dangereux, pour la société ; d’où la tendance générale à ne le considérer que comme une question de prestige, de jeu d’agrément et de décoration. Ce qui est un moindre mal quand on y pense. 20 L’ART triche. C’est sa grandeur et sa force. Il n’y a que les consommateurs imbéciles pour croire à l’authenticité de l’ART. 21 In fine, même lorsqu’il s’agit du plus innocent des paysages, l’ART ne traite toujours que de la rébellion, de la mort et du sexe, toutes choses inacceptables par une société
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ALAIN FLEIG
Ex-voto
“comme il faut”. Il n’y a pas d’ART sans rapport violent et amoureux à l’Autre. 22 Mais contrairement à l’orgasme attendu, l’ART ne soulage de rien. 23 Quoi qu’il en soit, malgré quelques points communs, l’ART est loin d’être aussi réjouissant que la chair, mais on peut le pratiquer plus longtemps sans crainte du ridicule. 24 C’est sans doute en cela que L’ART n’est pas un métier. Certains disent que c’est la Révolution par d’autres moyens ou que ça n’est rien. Le plus souvent, ça n’est pas grand-chose, mais un pas grand-chose essentiel, même lorsqu’il est évidemment mauvais. 25 L’artiste est entièrement libre, y compris de se prostituer et de tenter d’assassiner l’ART. Il ne fait alors que se suicider debout et, pour chaque artiste mort, dix autres sortent aussitôt de l’ombre
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ALAIN FLEIG
Ex-voto
(sans préjuger de leur qualité). D’où, sans doute, l’inflation actuelle. 26 Alors qu’il demande fréquemment d’immenses sacrifices, l’ART s’offre presque toujours et profondément, comme une affaire de vanité. Ce ne peut être que par pudeur. 27 Ce qui compte le moins en ART, c’est pourtant l’artiste. Ce que les gens appellent le “don” n’a pas la moindre importance, néanmoins, on ne peut faire sans. 28 L’ART finit toujours par coucher dans le lit du pouvoir qui pense ainsi s’offrir une caution, sans se rendre compte que ce qu’il étreint alors n’est déjà plus qu’un cadavre. 29 En ART, tout a été déjà fait, pensé et dit depuis longtemps. C’est ce qui fait qu’on peut toujours continuer à faire du nouveau sans crainte.
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MARC BRUNIER MESTAS
neuf gravures
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MARC BRUNIER MESTAS
neuf gravures
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Prison de Mataro
NICOLAS DAUBANES
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Prison de Mataro
NICOLAS DAUBANES
Frottages au graphite sur papier, réalisés sur les murs de la prison «semi-panoptique» de Mataro (Espagne). Prison imaginée par l’architecte Elies Rogent, construite en 1851, inaugurée en 1863 et mise hors service en 1995, elle a notamment été utilisée par Franco pour l’enfermement de ses opposants.
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NICOLAS DAUBANES
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ETIENNE JEAN MONNIER
Le Livre des Suites
Au soir du dimanche 16 avril 2006, jour de Pâques, je notais : Crois voir, au loin, que je n’ai plus d’idées – mais, sauvage, la vie et des humeurs. * Le bruit commença de cesser et j’eus soudain besoin du silence. Le silence était là ; il m’attendait. La paix commença de souffler et j’allai m’asseoir dans un coin. La paix soufflait. Je me cachai. * Mon piège – qui est peut-être en même temps mon salut : je me méfie de tout ce qui vient de moi. Je n’obéis qu’aux appels les plus violents. * Je passe mes journées à chercher ce que mes nuits oublient. C’est le ventre qui cherche. C’est le cœur qui touche. Nous piétinons le silence à l’intérieur. Et c’est le silence qui conquiert. *
Les mots tracés dans la nuit sur la neige sont effacés au matin par tes pas. *
3 janvier 2009 : Toutes ces choses qui tiennent mon cœur et que je ne sais toujours pas dire, et qui serrent mon corps. Pourtant l’œuvre naît. La foi revient par instants, me traverse, m’emplit, m’emmène, vive et pareille aux vents qui passent dans les Écritures. Depuis une semaine j’écoute en boucle La jeune fille et la mort de Schubert. Mon Dieu où sont mes larmes. * PLI / 26
ETIENNE JEAN MONNIER
Le Livre des Suites
15 février 2009 : J’essaie de faire taire les pensées. Quand les pensées se taisent, le moindre geste, le moindre souffle est une naissance. La moindre parole vit. C’est toujours la déconstruction, lente et massive à la fois, de ce que je crois pour laisser place à ce qui vit. Chercher à faire silence en moi est tout ce qu’il me reste. Tout ça pour encore des éclairs. * Il y a que j’aime infiniment l’humanité. Il y a que j’aime infiniment le monde. Il y a que j’aime infiniment Dieu. Il y a que j’aime infiniment l’ivresse. Il y a qu’il me faudrait un corps sobre. * Il y a pour l’Homme le sentiment de Dieu en lui, et le sentiment de lui en Dieu : c’est ce que j’appelle foi. Il y a l’envahissement irrépressible de Dieu dans l’Homme, et de l’Homme en Dieu : c’est ce que j’appelle feu. Il y a l’appel. Il y a l’accueil. Il y a la vie commune. * Je cherche à unir ma vie ; à rassembler mes traits ; à concentrer mon cœur ; à être indivisible. * J’ai tenu il y a peu que chaque battement de cœur était l’appel le plus violent. * PLI / 27
ETIENNE JEAN MONNIER
Le Livre des Suites
28 octobre 2009 : Je ne sais toujours pas qui je suis. Je ne sais à nouveau plus rien, ni même si je ne sais plus rien. Le danger c’est peut-être de se mettre aux aguets et d’attendre un savoir. Mais faire, oui, faire au creux de cette tension-là. * La tranquillité n’est pas la paix. On doit se priver de tout quand on a quelque chose à faire disait Flaubert. Le chaos génère la paix et la paix génère l’érection. L’érection permet le souffle. * Peut-on appeler vérité autre chose que le mouvement incessant et pourtant immobile tapi au fond de nous, loin derrière les pensées, les sensations ou les sentiments, sinon la contemplation de ce mouvement, son saisissement, son fixer, son dire ? C’est ce saisissement dans du langage que j’appelle simplement nommer – et c’est cette vie saisie dans du langage que j’appelle nom. * Je marche vers l’abandon. Je cherche la confiance où m’engloutir. Je ne crois pas. Je veux me fier absolument et ne plus jamais rien faire sinon le geste nécessaire ; ne plus jamais rien dire sinon la parole vitale ; ne plus jamais penser sinon le geste et la parole. * Au soir du jeudi 11 octobre 2007 je notais : Un jour, bientôt, il me restera à dire je t’aime, et à partir. * PLI / 28
ETIENNE JEAN MONNIER
Le Livre des Suites
Je vois partout les siècles surgir. Je veux en moi le feu autour duquel on dansa dans les temps païens ; en moi les larmes des pères à la naissance ; en moi le sang du Seigneur pour le monde. * Je dis : Quand je cesse de penser alors c’est le silence. C’est la brise légère. C’est la rumeur du monde, c’est la rumeur du ciel. C’est la douceur qui ravit le cœur à lui-même. * Je cherche à parler aux vivants. Je cherche à faire revivre dans ma langue toutes les voix qui ont cherché la parole. La parole, c’est la part commune aux langages ; c’est l’éternité. Je cherche pour les siècles une voix qui permette la parole. * La parole est le mouvement infini, que rien ne meut. Là l’être se trouve. Que la voix devienne la parole, et la voix dira la parole. *
Tout est grâce. Tout est don. Rien qui ne soit toi. *
Je dis : Le silence n’est pas ce qui se tait. * PLI / 29
ETIENNE JEAN MONNIER
Le Livre des Suites
Ce matin, mercredi 6 janvier 2010, je note pour mémoire que lorsque j’ouvris les volets le sol était blanc car il a neigé dans la nuit. Et je note pour mémoire qu’il serait bon sans doute de ne plus jamais avoir peur. *
La quête continue, la vie est en marche, elle est là. *
Je ne cherche pas la paix, je descends au silence quand je ne peux plus faire autrement, quand je ne peux plus faire autrement je vais au creux des sources, au creux des larmes. Et la chaleur qui infiltre ma poitrine alors, c’est elle aussi que j’appelle Dieu. *
J’entends l’appel des choses. Je lis les heures. *
Quand je disais à Angeline au soir du samedi 17 janvier 2010 que je comprenais mal le temps, car plus je me sens vieillir, plus je me rapproche de mes sentiments et de mes comportements d’enfant, elle s’approcha très lentement du bord de son fauteuil, et tout son corps se mit à m’écouter. Chaque pas fait vers l’avant est aussi fait vers l’arrière lui disais-je, de sorte que le jour de notre mort est le même que celui de notre naissance. Nous ne sommes qu’une boucle. Je crois qu’on appelle saint celui qui finit cette boucle et qui continue de vivre après. La vie d’après la boucle est sainte et nécessairement auprès de Dieu. La paradis est derrière la fin. Parfois je crains ce songe fait un soir d’adolescence alors que je rentrai à pied dans la nuit vers la maison familiale, et dans lequel je vis qu’il ne me faudrait guère dépasser mon trentième anniversaire pour achever ma boucle. Je vois très distinctement ce point de non-retour – au sens propre – qui me stupéfait – de là l’appréhension. PLI / 30
ETIENNE JEAN MONNIER
Le Livre des Suites
*
Hier, aujourd’hui ni demain n’eurent, n’ont, ni n’auront cours. La suite des âges est infinie. Le temps s’effondre dans l’éternité à mesure des instants et des générations. Toute génération vide. * Je suis passé sous des toits qui ne s’écroulaient pas. J’ai couru sur des terres qui ne me portaient pas. J’ai regardé des ciels. J’ai regardé des miroirs. Je cherche la lumière qui ne s’éteint pas. *
Les mystères sont achevés depuis les siècles et se dévoilent aux vivants. *
Dimanche 26 septembre 2010 : Je marchais hier avec Milad dans les rues de Rennes et la foule grouillait. Je m’arrêtai sur quelque chose dont je ne me souviens pas ; je me retournai ; et je vis la foule comme si j’allais mourir dans l’heure. Tout continuait et j’avais cessé, je regardais, je respirais, je voyais le monde sans moi, et cette première absence éclairait tous les gestes, tous les visages. Quelques minutes plus tard je regagnai ma place et le monde. Les visages et les gestes avaient gardé ce voile vivant. Cette ombre si claire permit une fois de plus un cœur neuf. * La vie éclate sans cesse. Je pleure où la vie éclate. Quand je pleure je vois ma vie éclater dans ta vie. Ton Nom est la vie éclatante. * PLI / 31
ETIENNE JEAN MONNIER
Le Livre des Suites
Et sur mes lèvres le goût du baume blanc dont Blanche soigne ses lèvres. *
Je retraçais dernièrement avec Louis une partie de mon parcours d’écrivain. Je disais : D’abord je cherchais à écrire dans le Ciel, mais quand je revenais j’étais si mal que je dus faire autrement. Ensuite je voulais être tout entier dans tous mes mots, mais mes gestes quotidiens étaient trop éloignés du geste d’écrire : même souffrance qu’avant. Alors je voulus que tous mes gestes soient égaux au geste d’écrire, et j’opérai un long travail de réajustement, d’équilibrage. Il eut été mesquin de faire descendre l’écriture dans le quotidien : je hissais le quotidien jusqu’à l’écriture. Le Livre des Suites vint à son heure. Aujourd’hui il n’y a plus de différence entre ce que j’écris et ce que je vis. Ça n’est plus de la littérature ; c’en est pourtant une relance. * Je cherche une vie où déployer ma voix, mes gestes. Je cherche ma vie. Toute la vie, nous cherchons notre vie. Qu’il en soit ainsi pour les siècles. * Je cherche dans mes livres l’endroit où d’amour le cœur tremble. Je cherche l’horizon du cœur. * Écrire c’est donner dans l’ombre. Je veux vivre ensemble à l’ombre des yeux et dans la lumière du monde. * PLI / 32
ETIENNE JEAN MONNIER
Le Livre des Suites
J’écris pour n’avoir plus devant les yeux que la lumière. *
Dans le grand champ derrière la maison du Pré des Pierres, un groupe d’oies sauvages vont et viennent. Comme tous les ans à leur temps, elles s’y arrêtent quelques jours avant de reprendre leur voyage vers le sud. Elles volent en V, et le mouvement de leurs ailes dans le vent fait le bruit que fait le silence dans le cœur. C’est le même ravissement tous les ans. * La vie est la chose la plus simple au monde, et la plus belle à nos yeux quand nous la laissons vivre. *
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MARC BRUNIER MESTAS
neuf gravures
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MARC BRUNIER MESTAS
neuf gravures
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DAVID LIAUDET
Complément d’illustrations au dictionnaire Larousse
aux lecteurs, Suite à un travail effectué en 1990 sur les définitions du dictionnaire Larousse, j’ai entrepris dès 1994 de poursuivre l’exploration de cet ouvrage. Je me suis tourné vers les marges où se logent les vignettes qui illustrent certains mots. Je me suis aperçu qu’il y avait des privilégiés. Tout mot n’a pas droit à sa vignette. Et, comme Monsieur Cinoc dans La vie mode d’emploi de George Perec, se faisait le défenseur des mots oubliés, je me suis fait le défenseur des mots non illustrés. J’ai engagé ce «Complément d’illustrations au dictionnaire Larousse» par des planches lithographiées en suivant scrupuleusement l’ordre alphabétique et j’ai commencé à attribuer un dessin à chacun de ces mots. La première planche commence par le mot abandon et commencer par ce mot n’était pas forcément stimulant. Pourtant, après plus de quinze années de travail et plus de 90 planches, je vais bientôt terminer la lettre E. J’avais réalisé la planche des Z pour mon ami Jacques Ramondot et j’ai triché un peu, sous l’amicale pression de l’arthotèque de Châtellerault en réalisant une petite planche avec les mots autour de manufacture. J’essaie de conserver une relation étymologiques entre tout mes dessins. J’aime particulièrement dessiner ces mots qui a priori ne peuvent pas l’être comme les adverbes par exemple. Ces vignettes sont aussi comme des objets que l’on pourrait poser dans des phrases, dont il faudrait inventer une grammaire. Des objets qui pourraient conquérir la troisième dimension. On pourrait alors caresser l’amitié, brûler la haine, sécher l’abattement. Suite aux conseil avisé de Gérard Diaz, je me suis mis à aquareller certaines planches. La couleur complète ainsi les informations. Je me suis donné cette tâche à effectuer, avec une règle simple qui me porte, me conduit, à laquelle je dois me plier, avec laquelle je dois jouer. Monsieur Bartlebooth, autre personnage de George Perec, est mon modèle. C’est dans ces tâches régulières que je trouve le plus de variétés, c’est ce travail que je poursuis. David Liaudet
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DAVID LIAUDET
Complément d’illustrations au dictionnaire Larousse
« Bartlebooth, en d’autres termes, décida un jour que sa vie tout entière serait organisée autour d’un projet unique dont la nécessité arbitraire n’aurait d’autre fin qu’elle même. Cette idée lui vint alors qu’il avait vingt ans. Ce fut d’abord une idée vague, une question qui se posait - que faire ? - , une réponse qui s’esquissait : rien. L’argent, le pouvoir, l’art, les femmes, n’intéresseraient pas Bartlebooth. Ni la science, ni même le jeu. Tout au plus les cravates et les chevaux ou, si l’on préfère, imprécise mais palpitante sous ces illustrations futiles ( encore que des milliers de personnes ordonnent efficacement leur vie autour de leurs cravates et un nombre bien plus grand encore autour de leurs chevaux du dimanche ), une certaine idée de la perfection. Elle se développa dans les mois, dans les années qui suivirent, s’articulant autour de trois principes directeurs : Le premier fut d’ordre moral : il ne s’agirait pas d’un exploit ou d’un record, ni d’un pic à gravir, ni d’un fond à atteindre. Ce que ferait Bartlebooth ne serait ni spectaculaire ni héroïque; ce serait simplement, discrètement, un projet, difficile certes, mais non irréalisable, maîtrisé d’un bout à l’autre et qui, en retour, gouvernerait, dans tout ses détails, la vie de celui qui s’y consacrerait. Le second fut d’ordre logique : excluant tout recours au hasard, l’entreprise ferait fonctionner le temps et l’espace comme des coordonnées abstraites où viendraient s’inscrire avec une récurrence inéluctable des événements identiques se produisant inexorablement dans leur lieu, à leur date. Le troisième, enfin, fut d’ordre esthétique : inutile, sa gratuité étant l’unique garantie de sa rigueur, le projet se détruirait lui même au fur et à mesure qu’il s’accomplirait ; sa perfection serait circulaire : parti de rien. Bartlebooth reviendrait au rien, à travers des transformations précises d’objets finis.» extrait de La vie mode d’emploi George Perec P.O.L 1978 PLI / 42
JOCELYN GASNIER
Les étrangers sont partout
Les étrangers sont partout ou l’écrivain faisant de la lèche à la langue est lui même étranger à sa fiction — n’est ni franqué ni troncho ni frizailleur ni mortroll ni neutrino ni lepteuton et pas même mortrait — d’attente sur la frontière, dites leur de ne pas faire comme nous et d’inventer — les tronchodes sont bonnes — ouais j’y ai goûté — c’est comme ça, c’est écrit dans le dictionnaire — c’est bien fait pour les malins — lex est quod notamus — cotiseur ergo loquatur — Berthe Damneke qui colporte ça dans — c’est de la merde — des futureureux — pour Losting jéné réchion — possédé par la glande-gidouille — with his worn out shoes? — hier matin à Lascow — débile — débile — dé — la Géniale Dysenterie — imprimé sur papier riet
(extraits)
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JOCELYN GASNIER
Les étrangers sont partout
(au centre aujourd’hui) - Tu as vu ce type qui s’est immolada devant le Pôle Emploi ? - Ouais — torcho et brûlo — c’était un mortrait qui avait un travail dans sa région le Mortrou — près de Brûlon - Chez moi toute la famille est au chômage en ce moment — à table on parle de permort tous les jours alors ça ne m’étonne pas ce qu’il s’est passé - Merde vous parlez de permort en famille ? Le serf chasse le serf — pauvre contre pauvre c’est la ligoudille de ce pays — abonnnés à l’abonminer-nation - Ouais — même si j’ai pas bien compris qui habitait dans ce pays si ce n’est mes voisins qui viennent bouzifailler du bigorneau de temps en temps avec moi à la maison (dans l’enveloppe du mort) Chère famille, chers voisins, Je vous aime, seulement je veux que le pourvoiment publicon sache que nous sommes tous en train de souffrir. Mes derniers mots seront : Nous devons urgemment redéfinir notre Humanilité, il y a danger (dans le cottage village des cotiseurs) - Tu as entendu parlé du cotiseur ergo loquatur — je cotise donc j’ai le droit de parler - Ah non pas du tout — moi je ne travaille pas et je parle — mais dis m’en plus - Quelqu’un me parle ? — ora et labora ! — mort aux oiseaux — mort aux oisifs ! — On va tous vous contributer, vous les assistés ! Délaissons les adlésés ! Ces acherges à piquer ! - Eh ! Oh ! Je suis là moi ! — Allo ! - quelqu’un me parle ? — Il a disparu - Mais non je suis là ! — Je suis là ! Eh dis je te parle ! Le rapporteur pour les Éditions Réinsérer dit ensuite : - Des personnes disparaissent chaque jour dans les villages. L’origine de cette disparition semble être une nouvelle maladie : le cotiseur ergo loquatur C’est la raison pour laquelle je vous fait part de ce rapport PLI / 44
JOCELYN GASNIER
Les étrangers sont partout
(sur le pont) - Eh dites je vous connais vous ! — d’Avignon ? — vous êtes d’Avignon ! — Les magiciens d’Avignon ! - Pas d’Avignon nous — pas nous prendre pour des concons ni ronchons car à babord on gueule on gueule mais à Avignon on gueule plus très fort — festoche fastoche pour bourgeois fastueux — tour de magie — HOP — Avignon disparaît de ce monde — trou à mignon — HOP — Avignon réapparaît et devient une marque de bière dans ce monde - Buvons une Avignon ensemble pour fêter ça — décontenançons cette bouteille — vidons là ! — et continuons de décontenancer le reste du monde ! (dans la bibliothèque A-tentative) - Pourquoi cite-t-il tant — les Scythes ? - Il est amoureux — Il dit « seule la vie amoureuse restera » (coucou, salut, ça va?) - CC - Lu - CV ? - La forme — toujours la forme — putain de style Le rapporteur pour les Éditions Réinsérer dit ensuite : - Les tronchos sont fort en prolo-parlotte mais que faire s’ils abandonnent les autres — le sentiment cosmicon — s’ils enfantent un marmonde sans l’attacher aux peuplades aux forêts de peupliers ou à la prolo-parlotte, le marmonde s’en ira tourner en rond dans la salle de jeu et se délitera par concrétion faute d’avoir été ancré (dans un vide comblé d’amour) - Il me manque un truc dans ma vie - La poésie sûrement - Quoi? Trukudon que dis-tu donc? PLI / 45
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Les étrangers sont partout
- Il te manque la poésie car partout où le manque ? sera poésie ! s’il te manque de la guinouillette dans le frigo c’est qu’il te manque un pot de poésie dans le placard — un poète à payer sur le tard - Et le manque de lien politique? - Manque de poésie - Et s’il manque du travail? - Travaille la poésie - Et le manque de joie chaque jour, le manque de l’être aimé? - Manque de poésie et chaque poète mort nous manquera - Tu me manques - Moi aussi je t’aime 1979, une guerre éclate dans la ville de Pouet-Loulé entre les pro-John-Deer, les Pro-Ford et les Pro-Renault mais ce sont les Cosnards, mafia possédant la barrière électrique extensible qui ont gagné à la suite de cette victoire — en 1984 aménagement sur le site de Coulans-sur-Gée — L’entreprise prend une dimension industrielle — paysans sans terre — contrôle des terres de la région — Je salis votre nom Cosnetard ! Au marché Place des jacobins — sur un stand de poteries on vend des décontenants — Il y en a de toutes les tailles — décontenant à vie — décontenant à mots — décontenant à ennemis — décontenant à pisse pour incontinents — décontenants décorés Dans l’histoire de l’art de Gombrich — sur la carte des lieux cités à la fin — il ne se passe rien dans l’ouest de la France — un désert culturel — soit-disant — Quelle Folie ! Et la Charnie ?! La ministre frizailleur Jenny Bonidé à changé l’appellation du RSA (Revenu de Solidarité Active) qui devient le RDH (Revenu de Dignité Humaine). Il n’est plus le revenu de celui qui reçoit de la part de ceux qui veulent bien le laisser vivre, mais bien le revenu de celui qui peut jeter à la figure de ceux qui le regarde noir son existence. Ainsi on ne regardera plus ce revenu comme dépense pour des existences lourdes à porter mais bien comme un dernier rempart de l’humanisme à entretenir PLI / 46
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La Génialogie de la Ligoudille Étude du mythe fondateur de Max Bellastung mémoire-mémorable d’un étudiant en génialogie Les fictions moquent avec légèreté ce qui est pris pour du réel, dans la langue même,elles décontenancent les gredins-guedins Max Bellastung Max Bellastung fut le premier juge de la ligoudille. Il portait une robe-couverture-de-chambre bailbrun, d’alezan, de gris pommellé, de poil de rat, de cerf, de rouen, de vache, de zencle, de pecile, de pye, de leuce. Il fut enfermé chez lui par ses fils pour ne plus aller juger. Max Bellastung dormait toute la journée sur un lit à son nom, si bien qu’il était parfois confondu avec ce meuble de chambre. Il usait de la confusion pour prendre l’apparence de fumée de fumier et laisser le lit le représenter devant la famille. Les fils disaient «Bonjour père Bellastung» à l’oreiller, le lendemain, on donnait la soupe verte à la couverture. Max Bellastung devint juge car il n’était né ni franqué, ni troncho, ni frizailleurs, ni mortroll, pas même mortrait ce qui était caution de son impartialité. Il était né jeté-là sous forme de quelques pellauderies que feust l’enfant, fondement qui escappoit de sa mère. A partir de là, son père s’exclama « t’es pas fini mon fils », et Max Bellastung cru toute son enfance qu’il était donc infini. Très jeune, il lut Le traité du désespotoir de Kiki Le Garde et il perdit toute idée de ce qu’il pouvait bien être, seul l’habit de soi, l’apparat en soie, nu de soi, nul en soi, dépourvu d’intériorité, l’habit faisait le bonhomme. Il deviendra alors ce qu’il pense des autres : juge. Max Bellastung jugea en premier un écrivain, Louise Fernande Stephanie, pour anti-trollisme et anti-ahurisme. Louise Fernande Stephanie est une nanti qui fut installé par les éditions Galliyénamarre. Le dossier fut difficile pour Max Bellastung car d’un côté les livres-heretico-ça-envoie-du-pâté plaisait à Max Bellastung, mais il était manifestement devant une demeurée, une bouffeuse de haricots, une simplette guinouillette tronchode. Il se reconnu en cet écrivain-fini et cette infinie-conne. Il la condamna au coupe-ongle de la ligoudille et au gourdin à gourdes. Après cela, tout le monde reconnu sa qualité de
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juge. Les fils de Max Bellastung l’ont enfermé pour savoir qui était vraiment leur père. Les fils de Max Bellastung pensaient que la ligoudille était une addiction pour leur père donc il lui firent subir une cure de désengage. La réalité c’est que la ligoudille s’était confondue toute entière avec cet homme et que sans le pouvoir de juger, il ne pouvait plus qu’être de la fumée de fumier ou un lit. Tout vaporeux qu’était Max Bellastung, il commença à s’envoler, devint omnipotent et pu juger tout le monde au même moment, des trains à vapeur, des vipères et des guêpes, des mordus du crédit. Douze merdeux sans prédisposition, jouant les apônautres ont dormi sur le lit du nom de Max Bellastung, écrasés de douze rêves et d’une douzaine d’oeufs cassés, se perdirent de ligoudille pour écrire chacun un livre de malade : Bubule, Bille, Blâme, Balbutie, Drible, Balade, Bile, Bide, Bleute, Blême, Bam et Bondiou. Livres proscrivant la préposition « dans » ; Seuls livres encore autorisés dans les bibliothèques mortrolls et interdits dans les universités franqués, c’est ce qu’on dit.
Le Bibliobus des Éditions Réinsérer (décentralisation et ennui) L’Autorité (il est à la fois flic, juge et président) — Alors pourquoi avez-vous brûlé toutes les voitures du quartier ? Le Gamin (il a à la fois 8, 12, 15, 20 et 29 ans) — On se faisait chier. L’Autorité — Moi je pense que c’est dans tes gènes, c’est inscrit dans votre sale race. Le Gamin — C’est vous qui avez inventé ça, j’ai vu vos enfants jeter des pétards sur des handicapés qui passaient, dans votre campagne, c’est du même ordre. Et votre fils aîné qui ne dépasse pas le mètre carré de son lit, situation d’insecte, c’est du même ordre. L’Autorité — Ça n’a rien à voir, fais pas le malin c’est toujours vous. Le Gamin — Parce qu’aucun de nous ne s’amuse monsieur. L’Autorité — Pourquoi vous-êtes vous arrêté à ce quartier ? Vous aviez assez de temps pour faire toute la ville comme vous ne branlez rien de vos journées. Le Gamin — Parce que c’est devenu vite chiant aussi, on se lasse, au fur et PLI / 48
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à mesure ça se désenchante. J’allume le feu sur la première bagnole, puis je laisse les prochaines à mes potes, une fois qu’on a tous passé notre tour, on se fait chier. L’Autorité — Situation de crevés ! Le Gamin — On a pas brûlé le bus magique par contre. L’Autorité — Le ? Le quoi ? Le Gamin — Le Bibliobus des Éditions Réinsérer, nos grands-pères qui se font chier depuis qu’ils sont à la retraite passent leur temps dans ce bus. Respect des anciens on n’en brûle rien. Vous n’avez pas vu le bus magique ? L’Autorité — Encore des histoires de gamins. Le Gamin — Vous ne pouvez donc pas le voir. Sûrement car vous cherchez profondément toute raison, sûrement car vous croyez que les motivations sont cachées. Le bus magique, seul ceux qui ont confiance en la puissance de l’apparence peuvent le voir, tous ceux qui trouvent toute raison dans l’apparent peuvent voir le Bibliobus car il est tellement flagrant. L’Autorité — Mais que se passent-t-il dans votre cerveau ? Quand les scientifiques pourront expliquer cette délinquance dans vos synapses, tout sera réglé ! Le Gamin — N’allez pas si loin. Ne cherchez pas aussi profondément. Regardez, regardez dans ce parc, vous voyez le bac à sable ? Le gamin qui fait son château de sable là ; il se fait chier. Je vous envie, vous avez réussi à vous convaincre que vous êtes occupés. Je vous envie car de ce point de vu vous interprétez toute chose comme motivée. Mais les moteurs sont cramés, nos têtes sont cramés, nous jouons aux jeux vidéos avec des champions complètement cramés et OP, on lit nos BD dans lesquelles les dessins sont tellement fumés qu’on n’aspire plus qu’à ça, devenir auteur de BD, faire des images, de jolies images, d’inquiétantes images, de sales images, éviter autant qu’on le peut la profondeur. le fond, ça nous fait peur maintenant. On garde la vignette narrative, histoire de se la raconter entre potes, on vous laisse les secrets mystères pour vos prêtres, policiers et papa, papes, pompiers et pompidou L’Autorité — Bon j’en ai assez de ces conneries. Je vais vous enregistrer dans le fichier. Ton nom et celui de ton pote. Le Gamin — Quick et Flupke.
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La Géniale Dysenterie T’es tout petit — t’es tout petit — et ya pas d’arbre chez toi — t’as pas de jardin — t’as pas de plante — et tu dois marcher une heure pour aller à Lidl — oui il y a des Lidl en Allemagne — oui Lidl c’est allemand — alors tu marches — et quand tu marches — il y a des arbres — alors quand tu marches tu possèdes tous les arbres — pense à payer le loyer un jour — fais pas semblant de ne pas comprendre la facture — les chiffres — c’est international - Tiens si je m’achetais une plante à Bauhaus? — ou un petit arbre? — un Noyer! — j’adore les noix — mais je ne sais pas si un petit noyer — un noyaux — ça fait des noix — ou alors j’achète des noix au super-marché — mais alors il faut marcher — pouah — boyaux — un cageot — mieux — chercher s’il y a un marché — comme ça je pourrais marcher et acheter! — et je rentre à l’appartement après — sac de noix — bière — où ils parlent allemand — où je comprends rien — à mon bouquin — ah ouais tiens si j’écrivais un bouquin! — un truc malsein! — quand je m’arrêterais de marcher — je commence l’histoire — un père qui va niquer ses enfants — des petits nuciculteurs — putain — on va me détester après ça — putain c’est fort — putain c’est drôle ce mot — nuciculteur — un bouquin — une vraie merde qui dégouline — amoureusement — je vais écrire un livre — un livre de merde — un livre génial — le mien:
LA GÉNIALE DYSENTERIE
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MARC BRUNIER MESTAS
neuf gravures
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Frères et soeurs, quels sont vos désirs réels ? Végéter dans le drugstore, le regard lointain, vide, ennuyé, en buvant du café insipide ? Ou peut être LE FAIRE PETER OU LE CRAMER COMPLÈTEMENT. La seule chose que l’on peut faire avec ces maisons d’esclaves modernes - appelées des boutiques - EST DE LES DÉFONCER. Vous ne pouvez pas réformer le capitalisme et l’inhumanité. Donnezy des coups jusqu’à ce qu’ils crèvent. _ Récemment nous avons commencé à voir à travers une autre sorte de duperie : il y a un certain type de professionnels qui prétendent nous représenter... Les députés, le Parti Communiste, les leaders syndicaux, les travailleurs sociaux, la vielle-vieille gauche... Tous ces gens ont prétendu agir en notre nom. Tout ces gens ont certaines choses en commun... ILS nous vendent, toujours... ILS ont tous peur de nous... ILS prêcherons toujours le maintien de la paix... Et nous en avons marre... Et nous sommes pauvres... Et nous sommes fatigués de la paix. Angry Brigade, mars 1971
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ALEXIS JUDIC
Oblivion
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Quod?
GAETAN Léon
notule (ou amusement préalable à user comme tu l’entends ; ou plus exactement comme tu le voudras, ou pas) :
« la vie de l’homme est embrouillé et insignifiante La société trivialité sans fin » Mac Diarmid
«on n’enflamme pas une allumette sur un mur qui s’effrite» Mac Diarmid
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Quod?
GAETAN Léon
ATTN :CONFIDENTIEL
RECOMMANDÉ en RECOMMANDÉ A.R. COURRIER DE NUIT COURRIER OFFICIEL ENVOI SPÉCIAL FACSIMILÉ PERSONNEL PAR AVION RE : EN REPONSE A: V/REF : OBJET REFERENCE
À l’attention de : Mais À qui de droit : Chers amis, Chers Maman et Papa, Madame, Monsieur, Mesdames, Messieurs, Cher À bientôt, Veuillez agréer, <>, l’expression de mes sentiments distingués. Veuillez agréer, <>, mes salutations distinguées. Je vous prie d’agréer, <>, mes salutations les meilleures. Veuillez croire, <>, à mon meilleur souvenir. Je vous prie de croire, <>, en l’expression de mes sincères salutations. Recevez, <>, mes meilleures salutations. Salutations distinguées, Salutations, Très cordialement. Affectueusement, Amicalement, Amitiés, Cordialement vôtre, Cordialement, Merci,
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Quod?
GAETAN Léon
Vous acceptez de ne pas exporter ni réexporter tout/..../ou /.../ confidentielle obtenu auprès /...(OU LOINTAINEMENT)/ vers (I) les pays ou tout ressortissant ou résident des pays suivants : Corée du Nord, Cuba, Iran, Iraq, Libye, Serbie, Soudan, Syrie, ou tout autre pays auquel /.../ imposent un embargo sur les biens ; (II) toute personne inscrite sur les listes /...(TENU PAR QUI QUI VEUT)/
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Quod?
GAETAN Léon
EN PARCOURANT, LISANT CETTE REVUE, vous affirmez et garantissez que vous n’êtes ni situé, ni sous le contrôle, ni un ressortissant ou résident de l’un desdits pays, ni inscrit sur l’une desdites listes. Vous acceptez en outre de ne pas utiliser ces POÉSIES à des fins interdites par la législation/.../ y compris, de manière non exhaustive, au développement, à la conception, à la fabrication ou à la production de missiles nucléaires ou d’armes chimiques ou biologiques.
à part ça....
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Quod?
GAETAN Léon
Quod ? (Qu’arrive t il ?) se disait-il qui pourtant se tait
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Quod?
GAETAN Léon
Titre légende image : P15 : RUINES (08/04) voir. voir encore, à l’envers et au-delà P17 : trace du presque rien (tirage numérique jet d’encre, 100 x 70 cm) P19 : «où aller ? il n’y a nulle part où aller.» P20/21 : «l’horizon n’aveuglera pas mes désirs» P22/23 : «jamais si loin d’une origine insignifiante» P24 : «ceci est à moi» P25 : «ceci est à moi. D’ici à ici» P26 :«où est-ce «là-bas» ? P27 : «de l’autre côté» P28/29 : Scène : Il y a P30 : Ici tu fus mon «ailleurs» P31 : Et cet «ici» a tous lieu P32 : Scène : Que c’est-il passé ? P35 : «Ce»
(.)
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Quod?
GAETAN Léon
notule pour la série d’images qui suit. «ni plus ni moins qu’une adoration du chaos» disait Powys de Tchouang-Tseu ni plus ni moins ni ni ordonné sans ordre établi est ce désordonné ? ____________________________ ref. Notes : Kenneth White «l’esprit nomade», Le livre de poche, septembre 2008.
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Quod?
GAETAN Léon
Aussi : _J’ai déplacé l’image (page) «déchets» au début de la série RUINES. _ Je pense que l’image «watched and re-watched» semble un peu étrangement placer, ici, en fin de série. Alors ou on la met, on l’insère au début, au milieu des textes, ou et elle s’installe n’importe où dans la revue, ou tu la dégage. _quelques titres ont été corrigés. _à voir aussi s’il est utile d’insérer les dimensions des tirages ; car je ne crois l’avoir indiqué qu’une fois.
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MANUEL SALVAT
Princesse
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JEAN-MARIE GLEIZE
à, pour, avec
à, pour, avec Dire à qui j’écris. J’écris à. À Philippe Beck, à Aliette Cosset, à Michel Crozatier, à Anne-Laure L, à Aurelien G. , à Christophe Hanna, à Cécile Mainardi, à Patrick Sainton, à Olivier, à Laurent, à Bertrand, à beaucoup d’autres comme eux, j’écris à (ou avec) celui, Siegfried, dont je viens de recevoir ces lignes, il vit en Allemagne, je lui ai donné, un jour, un polaroid noir trouvé dans la rue d’Assise, il y a entre nous ces mots : «La photographie est noire, mais ça n’est pas un négatif» : «Depuis bientôt 1 an, je n’ai en tout et pour tout qu’une fenêtre pour écrire. Le cadre percé à jour, le châssis d’une fenêtre. Le tout étant de ne pas lâcher prise. À faire le guet. À être de garde. À veiller au flux et reflux du temps qui passe dans le temps qu’il fait. Chemin faisant j’en suis venu à tenir des bulletins météorologiques sous une hutte en bois, tout en devisant sur le passage des nuages dont Goethe dit qu’il «donne fort à penser». Il en naît un ramassis de phrases dont aucune bouche ne voudrait. À vrai dire j’en suis même à ne plus voir quoi dire. Au pire il ne restera plus qu’à proférer le moindre mot en blanc ou dans le noir pour ne pas avoir à l’inscrire - noir sur blanc. Étrange infirmité que celle d’avoir toujours à tenir en rejet ce que l’on trouve à écrire. De n’écrire que contraint, contre son gré. Sous la dictée. À main forcée à ne pas lâcher prise. Et cette tâche, que trop souvent je me sais à moi seul ne pas être là. C’est un état singulier. D’éveil, mais qui vous laisse vacant. À ne pas être là. En hors-je, via un il. En exil, pour tout dire. Exilé à l’intérieur d’une langue dans laquelle on tente encore d’écrire alors qu’on ne l’entend plus parler autour de soi depuis nombre d’années. Et c’est ainsi qu’avec le temps me vient comme un langage de ventriloque. Je ne dis plus une chose, mais suis tenu d’avoir à me la faire dire alors qu’elle m’ignore et me délaisse sur le devant d’une scène désertée. Et là, donc, je m’y fais parler, soliloque à vide, et tout en sachant avoir pris à tout jamais congé de ma personne pour n’être plus qu’un vacataire.» Altitude zéro, poètes, etcetera : costumes. (extrait) Java, collection les petits essais, 1997 PLI / 66
JEAN-MARIE GLEIZE
Le livre des cabanes (extraits)
Sans date Juillet 1987 - août 2013. Comme si le souvenir, « antérieur à la question », ou le souvenir de la question, était remonté à la surface de l’écran. Quelque chose de nocturne ou le tableau noir (Caravage ?), « la simple surface pleine d’un volume noir infiniment dense ». Un récit à peine prononcé, presque inaudible, modifié par le temps. Conçu pour réaliser le chant. Il ou elle s’ouvre. Cette phrase décrit l’ouverture. « Une fente ». Mais la description est attendre. Il y a des fleurs qui s’ouvrent. Au même instant. Pour décrire il suffit d’un seul mot. Quel souvenir ? Un mot qui décrivait l’attente, ou le commencement. Quelque chose s’ouvre. – Non, avant l’ouverture. Le souvenir de quelque chose avant. Le silence d’un seul mot, avant. Un instant de juillet. Une possibilité nocturne. Encore une question encore. Celle du passage d’une vérité froide à l’idée de l’eau. Il n’y a encore (je ne perçois) qu’une seule tache au fond de l’eau. Cette vérité concerne les yeux. Pourtant encore la question encore. Aucun souvenir antérieur à la question. Un jour de juillet. Cela, PLI / 67
JEAN-MARIE GLEIZE
Le livre des cabanes (extraits)
« quelque chose de nocturne », avant. Le passage d’une vérité froide à (je le nomme) : encerclement. Un lieu qui n’est pas encore. Une possibilité nocturne. Leur description en ce lieu. Et celle d’un autre sentiment : rien (rien d’autre avant). Toujours ils ou elles « absents à leur place ». Non, la forêt n’a jamais été plus belle. Ainsi je n’ai jamais pu savoir (n’ayant que substitué). Plusieurs mots ainsi substitués à d’autres. A un seul. « Quelque chose s’ouvre, quelque chose de nocturne ». Quel souvenir encore ? Il prendra la place d’un autre. Inscrit pour toujours. Au même instant. Dans sa chute, avant de disparaître. Quelque chose alors de ce temps devenu sourd. Pour elle, devant moi, telle musique. Je ne sais plus où. Le texte commençait par un mot : entre. Passage. … Ainsi le passage. Je suis de l’autre côté. Où ? Plus tard, entre les branches, la forêt. Absentes, attentives, comme absents et absentes à leur place. (Sans date). C’est elle qui dit : le jour se lève. Il y a, dans le paysage, un trou. Creusé, joues creuses. Le souvenir de ces joues creuses au moment où le jour se lève. L’eau est au fond. Ce qui reste de noir au fond. PLI / 68
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Le livre des cabanes (extraits)
Je vois le jour entre les deux. Je suis passé devant et maintenant les touche. Elles n’ont pas de visage. A l’instant où le jour se lève. A gauche, un pré, et la bouche, le mouvement infime de ces deux lèvres closes. Et le brouillard. Dialogue : De tête à travers la vitre, s’exerçant à l’acuité : déjà, un souvenir. C’était la mémoire qui changeait les mots. Le temps les avait effacés. – Tu connais cet instant où la réalité sort de l’eau, réellement imprévisible. Modifiée par le temps au fond de ces cuves. Maintenant le récit commence à l’intérieur du visage. Je dis que les yeux voient le jour. Pour qu’ils voient. Pour qu’il y ait le regard. Et le corps tout entier. Les yeux, la bouche, le visage, la forme des arbres et des buissons, modifiés par le temps à l’instant où le jour se lève : la possibilité nocturne, le commencement d’un dialogue : Immobiles en train de tomber. (Sans date) : c’est elle qui dit « cette musique est la mienne », « je les vois, elles tombent », et : « pour ce chaos qui ouvre la porte ». Dont la source à l’instant où du lit se lève un jour en courant, dont les mains sont ouvertes, dont les paumes sont offertes, couchées, « à partir d’ici ». PLI / 69
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Le livre des cabanes (extraits)
Je ne suis plus la chose ensevelie. Aujourd’hui, avec précision. Cet angle droit à midi : voici la rivière, la Vienne. « Je vais plus vite que toi ». « Plus froidement ». Voici aveuglément la rivière à l’angle, droit ici, tout en bas. En nous, à partir d’ici. Jeudi. Le chemin que j’ai quitté, avec les arbres. A des hauteurs différentes. Bras tendus à des hauteurs différentes. Jeudi : c’est un sommeil d’arbre. Voici un champ. Comme un champ d’arbres. (Je ne parviens à décrire aucun de ses gestes). Il se lève. Il est debout. Il tourne trois fois autour de cet arbre. Il tourne ses bras. Quel souvenir ? Une à une, comptées une à une… « Données au ciel ». Une (elle a sa propre mémoire). Sans date : il ferme les yeux. Le jeu du bois sur lui-même avant le collier. Le temps passe d’arbre en arbre. De la jambe gauche à la jambe droite. Du temps encore. Cela, l’histoire du visà-vis des arbres. La possibilité nocturne. Le passage du sang d’une jambe à l’autre. Comme une visite en forêt . Le souvenir d’un lieu. Les chevilles opposées au courant. Debout, contre la pente. On distingue les éléments du jeu : long comme (un canal), long comme (jambes et bras donnés au ciel, chevilles opposées au PLI / 70
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Le livre des cabanes (extraits)
courant – « gardant la mémoire du lieu », noir comme (écluse). Et deux fois le même arbre, même longueur au sol, même longueur maintenant vertical, même (…) Même longueur maintenant droite. Il se lève, il est debout les bras le long du corps. Le jour monte à travers les arbres. « Cette vérité sensible vers laquelle nous allons ». Division, pliage, pression désormais dans la trajectoire. Injectée de plomb. Simplement, ce geste de retourner. Simplement, parce que la rivière. De nuit en nuit. Jusqu’à épuisement des nuits. A l’envers : « Cette nuit, la plus belle ». Je marche. (Nous marchions et cette nuit était la plus belle). Jusqu’à épuisement des nuits. Sans date : c’est lui qui écrit La forêt n’a jamais été plus belle. Ainsi, dans la mémoire du dialogue. Elles se sont levées en même temps que moi. Les chevilles froides. Vérifiées. A contrecourant. Un chant, le chant qui te voit.
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Le livre des cabanes (extraits)
Les dernières pages de ce journal étaient presque transparentes, et sur la couverture du cahier on pouvait lire à l’encre rouge deux des lignes de la méthode : 4. Les yeux fermés nous entendons la musique de tout (objective), et 8. Nous appelons une révolution possible.
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Projectile Littéral
JUSTIN DELAREUX
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Projectile Littéral
JUSTIN DELAREUX
Histoire de la poésie lacunaire du siècle 2 au siècle 30. (ou Partitions pour un poète sonore) On va reprendre l’automatique. Clic-clic. Ratatatata. L’automatique revient. En force l’automatique en force. L’auto en force l’auto clic. Ratatatata. ça dégaine de partout ça déborde ça lâche des salves des balles des sourdes des sales des salves de balles à salive automatique. clic. Tonne pète de partout ratatiné peu ratatiné mot ratatiné mort ça claque. Dernier bouleversement du monde avant mise à jour bim bim tu test tes mots tu peu pas test manges tes mots manges vas y manges toi dans le vent l’automatique bim dans l’air la poésie foutu en l’air qui retombe molle c’est cinq euros l’entrée clic clic ratatatata la soupe la fouf la poésie dite en l’air dis tout dans l’air dans l’eau noyée en force l’auto critique crame en force ça butte direct l’auto claqué avec ses petites roues de misères au pneu qui ne se fabrique plus que part piquet ou plan sociale paye ton plan ton gros plan qu’on t’a bien mis ta retraite avant l’heure merci en vous remerciant la poésie en vous remerciant veuillez disposer la poésie veuillez disposer en vous remerciant par la porte sans porte ouverte et solidaire au monde de la force clic clic la force poésie vous remercie t’a participé c’est le principale rentre chez toi en auto critique sévère la poésie shlag la peupeu c’est chaud le pneu est chaud c’est plastique partout plastique en tranche le pain sec et sa mie de bulle creuse et sa croûte épaisse dure de taxation sauvage et de débraillage la poésie te remercie débraillée la poésie à poile tatoué sur la main la poésie à points bim Ratatatata c’est l’organe qui parle de ma main j’ai plus de voix c’est pour les sourds la poésie sonore c’est pour les sourds putain la poésie putain partout vulgaire salope de média cravate la poésie avec elle te remercie vas y clic dispose tu clic clic bouge plus clic sans coupure sans silence toujours mâcher la poésie bouche la peupeu dans la teuté qui taxe trois fois ta marge de salaire vocale à liberté fuyante du rock Ratatatata multiplication des pains dans ta poésie boum dégaine auto combustion sur le torse arrache tes poils sec arrache ta voix muette pleine de salve d’obus rouille de but rance crame ta salive à cinq euros ta salive au travail ta langue prolo plus là qui donne son poste de pute contre un ticket resto easy c’est ssissi gros la poésie dans les roues dans les gentes les gentils gentes zizi qui claque shlag lumière sur ta tronche bouge plus vas y bouge la poésie PLI / 74
Projectile Littéral
JUSTIN DELAREUX
bouge répète sa claque ça pète sa mère en à sa claque par dessus le marché de la poésie du marché sans fond des papiers sans encre de peau et vas y tire toi dessus la poésie se tire dessus voila tout co-corde automatique étage moins deux la poésie moins une trace t’es grillé vas y court c’est gratos gras gris et gorge de poésie profonde qui te remercie du passage de ta volonté c’est sympa de ta volonté première de participer à la participation des clic Ratatatata en force dans ta face l’auto crasse l’auto crame retournée contre la poésie barrage du bas des barrières des bas chaudasse poésie chaude recouverte de fuel l’allumoire à la place du geuloir la poésie ta gueule la poésie sonore pour les sourds le sonore Ratatatata dans le tram vos papier la fermeture dans quinze minutes merci la poésie d’enregistrer vos documents à la sortie bravo merci t’es fort ça butte nique tout la montagne nique la montagne et ses trous partout la tronche de l’arbre paye sa tronche la poésie de l’arbre à scie qui en glande pas une de gland de ruines de bouches à plein pots sur bande pressante ça fuie de partout l’automatique dans la poche ceinture sur le manche clic tour de bras clé de sol bim te fume la peu la pu la po la pi la pa la pa compris la poésie le mot silence depuis le début crie cire Bim tiens t’apprendra à la poésie t’apprendra l’auto truc coco vin biscotte crue mâche les mots ta discipline à mots la peu peu c’est facile gratte vromb c’est ça c’est swag c’est cleen la poésie easy auto clic en bande en clic en pots en purée de pieds de vers en gros la poésie du bateau fixe c’est truc bien c’est épuisant produit épuisé du marché des consciences pain de plastique clic automatique le gueuloire ta gueule assommé dans l’ascenseur totale poésie sociale totale du gros pavé toto tout tonfa la poésie gomme la poésie cogne giro girouette n’a rien a dire la niche pépère du mot de trop sans fin sans jamais sans suite suie toujours clic ratatatata c’est sans fautes la poésie sans fautes non foutu non de peu en l’air clic dans ton diez du bizz c’est l’assure en l’air c’est passant c’est sans cesse stop ou marge clair marge à faire et à dire et à taire et atterrir putain parsqu’il nous reste triste beaucoup à faire péter les affaires au plastique clic au boom bang des petites solutions privées de vie publique au mot peu peu accordé au gens peu qui pense encore qui pense la grosse pensé commune qui nous écrase le gros marché boiteux et friable qui maintiens la grosse pensée boiteuse commune tout ça au placard au plastique au pain clic clic l’automatique putain écrire c’est oeuvrer comme on ramasse des merdes comme on vice des boulon rond pilonne des PLI / 75
Projectile Littéral
JUSTIN DELAREUX
pilonnes débranche et rebranche maintiens diffuse passe à la chaîne à la main dis bonjour merci au revoir fondu dans l’acier liquide dans le tissus tissé imprimé noué empaqueté compté rangé puis recompté puis envoyé puis transporté puis marchandé puis revendu puis recompté puis au revoir merci de nous disposer les mots partout disposent de nous les disposons partout pour mieux les oublier pour mieux leurs faire la peau clic les Ratatatata de la manière artisanale du paquet chelou du colis suspect discret à la porte de vos certitudes merci en l’air tout ça en l’air à venir : Ressac de la poésie dans les courants répétitifs moyens fragments dit : -les yeux historiques du passage et du passage car cette humanité passagère fait face au silence publique et le porte sur ce qui à lieu et qui nous meut mais il y a bien plus l’histoire est bien plus longue mais tout effacé cette histoire cette partie de l’humanité cette partition du silence des hommes est tout effacée comme eux les courbés s’effacent en publique lors qu’il faut représenter s’efface comme le long texte simple et portent ainsi l’histoire silencieuse de l’humanité. Elliptique. Plongé ; La lumière de l’auberge met en scène l’arbre vert. Nocturne est allumée, lourd l’air humide, solide, palabre: se traîne. Le plateau en damier de noyé repose contre le mur. Dans une obscurité calme et reculée. Sire, je suis d’un autre pays. Où la voltige du sommeil, posture sans gravité, poursuit nuit en nuit, le monologue des âmes, orchestre, danse macabre. Le langage c’est de choir. Chaque phrase est décombres. Une ascèse. Une assise. Une chaise. Une vitrine. Le fracas. écrire par soustraction par effacement élaguer couper supprimer des mots reprendre obstruer rendre obscure cacher ôter les mots petit à petit rétrécir le texte simplifier ou taper sec enlever ne pas se soustraire au mot soustraire le mot en enlever diminuer vers le moins le nécessaire moins L’extinction du silence L’extinction l’éviction Silence l’étouffement la disparition du retrait. PLI / 76
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JUSTIN DELAREUX
Il y a une autre faune aux frontières des eaux sur la limite des fleuves un autre courant d’autres univers mondes à la limite des terres par dessus les noyés tout un autre temps au gré des courants au vent des crues rien de semblable aux habitudes du monde sur la nappe fraîche courante au pied des monts, il y a l’absence.
Une grande histoire comme la profonde histoire du trou noir c’est d’ailleurs la plus lointaine des histoires c’est le plus épais creux qu’il y eu avant la fin c’est le point des convergences des confusions de toute les attentes et même des attentions surtout de latence c’est le point à l’angle de la main c’est la bouche d’aération de l’œil, par où parfois l’on capture l’autre, l’oreille au couteau à couteau tiré. Pendant ce temps, dans le fond de la salle on attend toujours, sous couverts dans le fond des têtes de tous : à couvert. Sans cette précision aucun indice aucune marge d’erreur aucun possible. Sans cet indice imprécis - l’espace autour. Manière noire lumière. Deux individus se collent nez à nez se sentent. Nous revenons à ce moment précis sur l’histoire du creux ou du nu extrême, sous , l’histoire du début, celle des linges déchirés et de la nuque, du bol fracassé : le passage au feutre sous la paupière. -Je peux t’offrir mon regard pour que tu le maquille. Dans l’apparat, l’aporie, que des rebonds de fonds, des bourdonnements de chaires, des frissons. Je peux faire don de mon corps pour que tu t’y perde. Les écumes débordent, les eaux séparées se lient les langues et les sexes reconnaissent les chemins, loin de l’espace sans précision, encore aussi loin des jours, tout aussi loin des règles et des lois. à titre de mémoire, avant fragmentation. À titre de mémoire, un carnet vide, effacé. Influencé des orgueils passionnels, aux recoins des rues, de la fougue charnelle contre les pares-brises du matin, sous l’alcôve de la collégiale, c’est alléchant, animal, désir à tire tendu, impatiences. Dans la seconde zone, au fond, manière, noire lumière, attentes. -Qu’on t-ils tous à vouloir ressembler à de vieilles photographies. Ils sont enfants et déjà nostalgiques. Où n’auraient ils connu l’enfance qu’ à travers de vieilles photographies. Ne sont ils que des représentants. Que reste t-il de la caverne. Pourquoi les habitudes des anciens sont devenu les devoirs des nouveaux. Que c’est il passé. Qui a bien pu effacer les contours de ce corps. Les soustitres se poursuivent mais l’image à disparue. Reste quelques propositions sombres et lentes, la tentative d’un langage, un dispositif incendiaire. PLI / 77
Projectile Littéral
JUSTIN DELAREUX
Sur la disparition du texte Sur la sublimation du mot peu
monocorde.
horizontale.
de défaites à célébrersilencieux, imprécis,
La photographie montre une table sur laquelle on remarque des vêtements noirs des graines un pistolet à colle des boites en plastiques sans couvercles des sacs de graines, du bois Précipice Ou détachement Ou presquJ’ai mis mes deux mains en bol. Puis je suis allé cueillir cette eau là. J’ai appris par coeur. à la poursuite du temps. J’ai rencontré. J’ai retenue. J’ai porté cent visages et le même coeur. Fait cent pas tourné autour tout autant. Le même coeur. Et une fatigue fixe. L’obscurité d’écrire écrire c’est obscure. L’opacité de l’être. J’ai fais le mur. Face aux lumières décadentes. J’ai perçu l’obscurité des temps. Le leurres de tout ce qui scintille. -Mettre le feu aux rampes. Voila tout.
(Toute les promesses irrésolues) - Fragment de masques. Noircir
(jusqu’à la lumière) PLI / 78
Correspondances
ANONYMES
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Correspondances
ANONYMES
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Correspondances
Anonymes
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Correspondances
ANONYMES
PLI / 82
Correspondances
ANONYMES
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Sans titres ( aquatinte)
MARINE LéVêQUE
PLI PLI//84 1
Sans titres ( aquatinte)
MARINE LéVêQUE
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Sans titres ( aquatinte)
MARINE LéVêQUE
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JUSTIN DELAREUX
détitrer
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INDEX / BIOGRAPHIES
CHARLES PENNEQUIN est né en 1965 à cambrai, poète fais des poèmes simplifiés ou standards des poèmes délabrés et des improvisations au dictaphone mégaphone et des vidéos à l’arrache dans les trains des lectures le long des autoroutes travailleur de luimême à travers la parole de l’autre il se dit écouteur de sa propre mort dont il n’a plus de nouvelles depuis la naissance. MATHIEU TREMBLIN, Droit de glanage, 1 août 2013. Supermarché U, rue du 4 septembre, Arles (FR). Impression au traceur sur autocollant, cutter. 300 x 150 cm. Mathieu Tremblin est né au Mans en 1980, il vit et travaille à Rennes et Arles, Il forme avec David Renault le duo les Frères Ripoulain. Il est membre du collectif de photographes BIP. Mathieu Tremblin met en œuvre des dispositifs d’interventions graphiques et s’inspire des pratiques et expressions anonymes, autonomes et spontanées dans l’espace urbain pour questionner les systèmes de législation, de représentation et de symbolisation de la ville. ALAIN FLEIG est un plasticien qui travaille essentiellement avec la photographie, historien et critique d’art, écrivain et collectionneur né en 1942 et décédé le 17 décembre 2012. Il participe à la fondation du FHAR (Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire) et crée en 1973 le Groupe 5, ouvertement d’inspiration situationniste. Il publie une revue : Le Fléau Social, jusqu’en 1975. À partir de 1982 enseigne à l’Université de Paris VIII puis à l’École de l’Image de Poitiers-Angoulême et enfin à l’École supérieure des Beaux-Arts d’Angers. Il est l’auteur de grandes compositions photographiques réalisées à partir de photographies instantanées. C’est un des premiers ayant adapté, dans les années 1970, les recherches en photographie expérimentale à la représentation du désir homoérotique par la métaphore de l’image : photographies très agrandies afin de valoriser la trame, jeux de mise en abîme, assemblages de polaroids puis plus tard d’Ektachrome, polyptyques. Ses œuvres, qui proposent aussi une réflexion sur la mise en image de notre monde, tournent toutes autour des notions de pulsion scopique. Parallèlement à son travail de recherche photographique, il réalise plusieurs actions de rue liées à sa réflexion sociopolitique. En 1981, participe à la création des Cahiers de la Photographie avec Gilles Mora, Bernard Plossu, Arnaud Claass, Claude Nori… En 1984 à la revue des Arts avec Benzakin, Jaques Fol, Yannick Milhou. Il est l’auteur d’une quinzaine d’ouvrages tant de recherche historique que de réflexion sur la photographie ainsi que de nombreux articles et textes de catalogues. -Nous publions le texte inédit Ex-voto en deux parties, la prochaine partie dans le prochain numéro de PLI. PLI / 89
INDEX / BIOGRAPHIES
NICOLAS DAUBANES, Prison de Mataro. Frottages au graphite sur papier, réalisés sur les murs de la prison «semi-panoptique» de Mataro (Espagne). Prison imaginée par l’architecte Elies Rogent, construite en 1851, inaugurée en 1863 et mise hors service en 1995, elle a notamment été utilisée par Franco pour l’enfermement de ses opposants. infos : www.nicolasdaubanes.com ETIENNE JEAN MONNIER est écrivain il est né au Mans en 1983. -Nous choisissons de publier dans PLI quelques extraits du Livre des Suites. L’écriture de ce texte à dé-butée par un livre déchiré. Il s’agissait d’en finir avec la littérature. Il y a dans le Livre des Suites une expérience qui nous est commune, celle du silence et de la pauvreté. DAVID LIAUDET est artiste et enseignant. Il enseigne à l’école supérieure des Beauxarts du Mans. JOCELYN GASNIER est né en 1988, il est peintre et écrivain. ALEXIS JUDIC, Oblivion, dessin numérique. Alexis Judic est né en 1983 à Saint Nazaire en France. Il vit et travaille à Nantes. -En archéo-anthropologue des « formes perdues », mon travail reconstitue des sculptures nées d’architectures et de formes utopiques auxquelles je redonne mémoire et matérialité. A travers des voyages réels et virtuels mon travail explore les inventions singulières contemporaines ou lointaines créées par l’Homme. Villes et villages abandonnés ayant servi à des expérimentations militaires, communautés hippies ayant vécu à la fin des années 60 des expériences utopiques et artistiques, conflits architecturaux et ensembles pavillonnaires sont mes principaux sujets et le point de départ de mes productions. Après avoir décelé ces architectures et autres lieux, j’opère un travail de reconstitution, généralement utilisé dans une perspective historique, scientifique ou anthropologique. A l’échelle sculpturale, la reconstitution me permet par un parti pris didactique, de faire découvrir la monumentalité et l’inventivité d’une architecture disparue, le mécanisme d’une technique obsolète ou les pratiques d’une civilisation lointaine. infos : www.alexisjudic.com
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INDEX / BIOGRAPHIES
GAETAN LEON est né de ça quelques et nombreuses années. Il vit quelque part et ailleurs, ou ici. Là-bas, là, et au-delà de (« voir ci-dessus »)... À parcouru, parcours divers chemins entremêlés, en différents paysages, espaces égrenant jeux et questionnements; mises en formes. Que dire ici d’une certaine gamme de thèmes de recherches quand il s’agit, est question de « rapport au monde, à l’autre », de vie _du vivant_ formes auxprises avec l’existence _ l’ « ex-»_(lieu, ou position à partir duquel...) Tout est affaire de temps-espace, praxis et « attitude » . JEAN-MARIE GLEIZE est écrivain; il est né à Paris, aux Tournelles, dans le quartier du Marais entre Bastille et Saint Paul. Il est aussi Professeur émérite à l’Ecole normale supérieure de Lyon où il a dirigé le Centre d’Etudes Poétiques durant dix années (1999-2009). Il a conçu ce laboratoire comme une « communauté » de recherche et de création. Il travaille (avec d’autres) à l’émergence d’une écriture objective. Il s’est marié en Tunisie, a vécu à Carthage et a enseigné à l’Université de Tunis. Il a également enseigné aux Etats-Unis (dans la forêt du Vermont) et en Chine intérieure, à Wuhan. Il a beaucoup tourné autour du trou de Léman, le lac. Dès qu’il en a la possibilité, il retourne en Chine, à Xi’an et à Pékin. Ou à Tarnac, qui est le village de son enfance. Il travaille à l’exténuation et au dépassement du genre poésie. Il croit pouvoir parler de « post-poésie ». Il encourage toute initiative en ce sens. Il a longtemps documenté ses déplacements dans l’espace à l’aide du Polaroïd. Il aime la musique arabe, le noir, la pluie. Il s’intéresse aux ordres mendiants. Il ne va pas au théâtre. Il a fondé la revue Acid(e) avec Michel Crozatier Puis la revue Nioques dont il est toujours responsable. Il croit que l’adjectif « littéral » et l’adjectif « communiste » doivent avoir un sens. Il travaille (avec d’autres) à le chercher.Il a publié dans de nombreuses revues dont L’in Plano, ZUK, Tartine, Axolotl ou TTC. Il a fondé la cellule Max Stirner à Sigonce (Alpes de haute Provence), avec Michel Crozatier et Patrick Sainton (« deadly workers »). Il dit qu’il a mangé un poisson de source et qu’il faut construire des cabanes. Il dit qu’il va vers un arbre et qu’il revient. Ou qu’il devient.
Bibliographie sélective : Poésie et figuration, Seuil, 1983, Simplification lyrique, Seghers, 1987, Francis Ponge, Seuil, 1988, Léman, Seuil, 1990, A noir, Seuil, 1992, Le Principe de nudité intégrale, Seuil, 1995, Les Chiens noirs de la prose, Seuil, 1999, Non, Al Dante 1999, Néon, Seuil, 2004, Film à venir, Seuil 2007, Sorties, Questions Théoriques 2009, Tarnac, un acte préparatoire, Seuil 2011. A paraître : Le Livre des cabanes. PLI / 90
INDEX / BIOGRAPHIES
MANUEL SALVAT, Princesse, tirage photographique, débris divers, papier peint, styrodur, (15x15x25) 2011-2012, exposition Ubique, galerie Gilla Loercher, Berlin. Depuis la fin des années 90, Manuel Salvat propose une idée de la ville comme organisme proliférant. Il en désigne chaque élément, chaque cellule, qu’il agence, comme dans un jeu de construction dont on organise les pièces avec les hésitations et les certitudes de l’improvisation. Entre les murs des lieux d’exposition, il installe -ou laisse s’installer- tout un univers urbain, une multitude d’immeubles réduits par la photographie -maquettes inversées- miniaturisés comme pour les contraindre à rentrer dans cet unique contenant. A ces reconstructions empruntées au réel, il adjoint des éléments évocateurs d’architecture, assemblages, moulages, objets trouvés : Meubles-immeubles, objets hybrides de représentations d’immeubles et de mobilier d’intérieur, Angles, Immeubles producteurs, et leurs précieuses déjections sont autant de jeux avec la forme et l’anti-forme. Qu’elles soient fabriquées, parfois de façon sophistiquée, ou bien ramassées, sorties d’un quelconque rebut, il considère et conserve les pièces qui serviront à ses arrangements avec un regard de collectionneur, qu’il abandonnera toutefois au moment de livrer l’installation au spectateur. Confrontés sans hiérarchie, immeubles et objets -peu identifiables- contribuent à opérer un brouillage des frontières, un jeu sensitif et mental d’aller-retour entre intérieur et extérieur, espace intime et espace public. En 2008, pour son installation Paysage d’angle avec Fouetterie à la Galerie SMP reprise à Berlin l’année suivante, il fait clairement référence à Philip K. Dick en matérialisant l’Edifice du roman A Maze Of Death (Au bout du labyrinthe). De plus en plus, Manuel Salvat semble interroger la supposée solidité du réel et en ramasser les résidus après effritement. Angèle Assia, 2010 MARC BRUNIER MESTAS, neuf linogravures. «... Le coup vient d’être tiré. La figure, le trait franc et incisif de Marc Brunier-Mestas évoquent l’art des grands maîtres, de Rembrandt et Dürer jusqu’aux vignettes expressionnistes. L’univers, lui, dessine des horizons plus incertains. Au centre de tout, l’humain. Ce qu’il est, ce qu’il transforme. Le fou, le monstre, la nature, la ville, la machine, l’animal. Le linograveur procède par assemblage, un morceau d’homme, un bout de bête, un tour d’écrou. Sourire aux lèvres, le grand méchant loup se glisse dans l’Histoire de l’Art. Partout, l’hybride, le difforme, l’incongru...». Xavier Fayer
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INDEX / BIOGRAPHIES
ANONYMES, correspondances. Nous avons choisi de publier ici quelques traces de ce qu’il reste du geste ingénieux d’un faussaire de timbres. Correspondances et gratuité, oeuvres miniatures. D’autres éléments de cette collection paraîtrons dans le prochain numéro de PLI. MARINE Lévêque est née en 1987, elle est artiste et enseignante. Elle pratique la photographie et l’estampe. Nous publions ici trois aquatinte réalisées entre 2009 et 2010. JUSTIN DELAREUX est artiste et écrivain, il est né en 1987. Il est aussi le fondateur de la revue PLI. infos : www.justindelareux.fr
PLI est une vue ou ressemble à une revue ou est un espace qui prend la forme d’un livre (se déguisant comme), aux creux, comme tentative. PLI existe grâce et avec tous ceux qui ont souhaité recevoir cette revue. Les raisons qui nous ont poussées à créer cet endroit sont aussi le manque d’espace et la tentative de mettre en lien différents groupes de penser. PLI est en projectile littéral ou pour les luttes insurrectionnelles. Nous nous ennuyons des parutions cycliques et répétés, confortables et rassurantes, nous proposons ne rien prévoir et ne rien revendiquer. PLI se sent proche de la tentative car ne pourra jamais être entièrement abouti, de l’échec, car nous ne gagnons rien, à quoi bon jouer encore, quand nous ne faisons que cultiver notre en-nui. Nous remercions ceux qui ont contribué généreusement à la revue.
Si peu nous a été transmis, c’en pourrait être une chance Tiqqun
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Le numéro 01 de la revue Pli a été tiré dans un premier temps à 30 exemplaires, papier 90g, couverture 300g, dos carré collé, en octobre 2013. La revue a été réimprimée trois fois. Ont été distribués 90 exemplaires au total, sans subvention, sur le mode opératoire du pré-achat ou du don. Les couvertures sont faites à la main. Était ajouté dans chaque exemplaire un dessin original réalisé par Justin Delareux. Ce numéro est archivé dans la bibliothèque du Centre International
de
la
Poésie
à
Cette en
note a été décembre
Marseille.
écrite 2014.
_ construction / liaison : justin.delareux@gmail.com