PlanningHistoricalCities_Metropoles du Sud Symposium2016_Proceedings

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Métropoles du Sud

SY M PO SI UM 20 16

Agence COBE, Anne D EMIANS, Mosè RICCI


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Métropoles du Sud

SY M PO SI UM 20 16

Agence COBE, Anne D EMIANS, Mosè RICCI



INDEX ......................................................................

Page :

07_ Préface

Alain Derey

09_ Ouverture du Symposium ÉLodie Nourrigat Rudy Llanos

17_ Métropoles du Sud

Annabelle Iszatt Guillaume Girod

25_ Short Talk / Ville intelligente - KA-AU 37_ Bourse d’études MDS 2015 Marine Pierson

43_ Agence COBE

Répondant : Jordan Sharp

57_ Architectures Anne Demians

Répondant : Quentin Giraud

71_ Mosè Ricci

Répondant : Charlotte Pierson

83_ Remise de la bourse MDS 2016

Marion Moustey Sarah Herbert

87_ Clôture

Laurent Duport –7–



Préface .......................................................... Directeur de l’ENSAM : Alain Derey

Tout d’abord je dois vous prier de bien vouloir excuser mon absence au Symposium annuel d’un domaine d’étude auquel je suis pourtant très attaché. La longue lignée des personnalités qui se sont succédées pour en assurer le succès manifeste clairement que les enseignants qui portent cet événement ont à cœur d’offrir aux étudiants une incontestable qualité quant aux interventions. Pour cela je leur en suis reconnaissant car ils contribuent ainsi à la notoriété de leur école. Mais ma reconnaissance ne s’arrête pas là puisqu’un domaine d’étude qui se veut ouvert sur le monde et qui en montre la diversité se doit de sortir des murs d’une école et de donner à voir la ville. Je veux aussi profiter de cette opportunité pour féliciter tous les enseignants qui sont les lauréats du programme européen intitulé Knowledge of Alliance for an Advanced Urbanism (SENcity). Je mesure les efforts qu’il faut déployer pour convaincre les experts et rentrer dans le cadre de l’appel à projet. C’est évidemment de ce genre d’engagement dont une école a

le plus besoin et dont elle peut s’enorgueillir en montrant aux étudiants qu’ils ne se sont pas trompés en faisant le choix de venir à Montpellier pour y poursuivre leurs études. Le résultat est à la mesure des investissements en temps et en énergie, et notre école se trouve d’une manière encore plus évidente à la croisée des chemins et des réflexions. Vous me permettrez de remercier chaleureusement les intervenants pour leur participation à ce Symposium ainsi que les étudiants qui sont partie prenante dans l’organisation de cette journée. Enfin je voudrais saluer tout particulièrement le principe de l’attribution d’une bourse qui semble désormais acquise depuis 2015 et qui facilite le travail de recherche de jeunes diplômés. Cette initiative est à encourager et je remercie l’association des anciens étudiants de Métropoles du Sud pour cette mise en œuvre qui témoigne d’une belle générosité et qui s’inscrit dans le prolongement des actions.

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Ouverture du Symposium

.......................................................... Présentation : Rudy Llanos Élodie Nourrigat

Élodie Nourrigat - Architecte, docteure en architecture & enseignante à l’ENSAM Rudy Llanos - Premier Adjoint au Maire de la ville de Sète & élu à Thau-agglo

Élodie Nourrigat

Bonjour. C’est un grand plaisir de vous retrouver aujourd’hui pour la 8e édition du Symposium Métropoles du Sud. L’organisation de ce symposium prend place au coeur de la pédagogie du domaine d’études Métropoles du Sud de l’École nationale supérieure d’architecture de Montpellier. La question du développement métropolitain des villes est un des enjeux majeurs pour les architectes. Dès 2009, nous avons

engagé des travaux dans cette volonté à la fois de compréhension, d’observation et d’expérimentation. Nous avons résolument fait le choix d’interroger la question métropolitaine tout d’abord au regard de la spécificité du territoire en tant que volonté de penser l’architecture, la ville et par la réintroduction et la reconnaissance de la spécificité, de la localité et de l’ancrage territorial. La force de la métropole de demain sera dans sa capacité à affirmer sa spécificité –11–


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par la reconnaissance de son propre territoire. Est également questionné l’apport massif des nouvelles technologies et leurs impacts sur la ville, en prenant en compte les nouveaux modes de gestion, de gouvernance et de constitution de la métropole. Ainsi ce qui est dénommé aujourd’hui comme « Smart City » nous semble être un engagement de réflexion nécessaire pour les architectes de demain. Mais la question fondamentale n’est pas celle de rendre les villes « intelligentes », car cela signifierait que certaines ne le sont pas, mais plutôt d’élever le niveau des échanges, des réseaux, de l’efficacité énergétique, de la culture et de l’éducation. La ville est intelligente non pas parce qu’elle est technologique, elle est intelligente car elle est en capacité d’accroître son niveau de services auprès des citoyens et de réinterroger les modalités de sa propre gouvernance. À partir de ce questionnement nous venons d’obtenir un programme Européen de recherche, sur trois ans dénommé Knowledge of Alliance for an Advanced Urbanism – SENcity. Ce programme regroupe trois universités, l’IAAC de Barcelone, l’Université de Gênes, et nous-même. Sont également associées six entreprises, françaises, espagnoles, italiennes et anglaises, travaillant sur la gestion des données informatiques, la réalisation d’applications d’aide à la gestion de la ville, la création d’outils d’analyse et d’optimisation des données géo-localisées, et enfin sur le mobilier urbain connecté. À ce groupement s’ajoute deux acteurs sociaux culturels. les éditions ACTAR et le Festival des Architectures Vives. Néanmoins, de son intérêt, l’objectif est, qu’en plus des résultats de la recherche, il est attendu la mise en place d’enseignements innovants. Ceci permettra de changer les paradigmes de conception et de production des projets en développant des synergies nouvelles faisant appel au milieu entrepreneurial, culturel ainsi que sociaux-économiques permettant de décloisonner les pratiques de l’acte de bâtir. Métropoles du Sud prend également appui sur 12–12–

une volonté de « s’engager ensemble ». Cela sous-entend la nécessité du partage. Ce partage est mis en oeuvre entre enseignants, mais aussi il est souhaitable qu’il fasse écho chez les étudiants.

Le métier d’architecte est trop complexe pour rester individualiste et retranché sur ses postures. Le partage c’est celui d’un projet commun. Cette expérience passe par la capacité à construire un débat en architecture. Ainsi, en plus du projet et dans le cadre du séminaire, les étudiants ont la responsabilité de l’organisation de cette journée de symposium. La construction d’un débat en tant que pédagogie nous semble être un outil essentiel à la formation d’architectes. Car notre rôle en tant qu’enseignants n’est pas simplement de leur transmettre des savoirs, mais de les préparer au plein exercice de leurs responsabilités en tant qu’acteur de la société.


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Enfin ce qui nous tient particulièrement à cœur c’est de pouvoir faire les choses avec envie et plaisir. Aujourd’hui c’est pour nous l’équipe enseignante, avec Jacques Brion, Boris Bouchet, Laurent Duport, Pierre Soto, Annabelle Iszatt, Jérôme Lafond, Guillaume Girod, Luc Léotoing, Laurent Viala, Clotilde Berrou et Axelle Bourdeau, le plaisir de voir l’aboutissement du travail des étudiants dans la réalisation de ce symposium. Nous les remercions, tous pour leur engagement et leur travail collectif, même si aujourd’hui vous ne verrez que certains d’entre eux qui vont se prêter au difficile exercice de l’animation de la journée et du rôle de répondant. Mais c’est aussi un plaisir partagé que d’accueillir, Anne Demians, Mosé Ricci et Mads Birgens Kristensen. Je les remercie au nom de nous tous d’avoir accepté de nous offrir ce temps de dialogue et de débat autour de ce qui nous réunit tous aujourd’hui : l’Architecture. Malheureusement, Enric Ruiz Geli, n’a pas pu se joindre à nous, en dernière minute, pour des raisons de santé. C’est aussi le plaisir de revoir des personnes ayant pris part au Symposium et qui reviennent aujourd’hui pour poursuivre ces échanges. Je remercie pour leur présence Manuel Gausa et Francis Soler. C’est le plaisir de faire en sorte que l’ENSAM sorte de ces murs et puisse être aujourd’hui ici au CRDP, que je remercie pour leur accueil. Ceci ne serait pas possible non plus sans le soutien de nos partenaires, avec qui nous collaborons pour vous offrir cette journée, je remercie : La région Languedoc-Roussillon Midi-Pyrénées, La ville de Sète, Thau Agglo, Volum, nouveaux showroom d’Union Matériaux, Technal, Vinci Autoroute, Technilum, le Géant des Beaux-Arts, Art Hélios, ainsi que les deux associations de l’école qui accompagnent cet évènement. Tout d’abord Archipel, la junior entreprise de l’école et l’association Focus, aujourd’hui présente pour les prises de photos. Ceci est important car l’engagement des

étudiants dans l’école, mais aussi au-delà est une force de l’ENSAM. Je remercie ainsi l’association Métropoles du Sud portée par des anciens étudiants qui nous démontrent aussi que les architectes de demain ambitionnent une pratique bien plus solidaire pour notre belle profession.

Et j’évoquerai juste enfin le plaisir de cette journée que nous allons passer ensemble et à laquelle vous assistez nombreux chaque année. Merci à tous pour votre présence et je vous souhaite une très belle journée de symposium.

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M ét r opoles du S u d Ru dy Llanos

Bonjour. Je me présente, je suis Rudy Llanos, maire adjoint de la ville de Sète. Merci à madame Nourrigat de me passer la parole. Avant toute chose, je voudrai situer la ville de Sète car certains d’entre vous ne savent peut-être pas où elle se trouve. C’est une ville qui est à 30 kilomètres à l’ouest de Montpellier et qui compte environ 43 000 habitants. De par sa situation et sa spécificité maritime, cette ville ne peut pas rester indifférente. Elle ne peut que s’impliquer auprès d’une école d’architecture ayant un master au nom de « Métropoles du Sud ». Il y a trois mois environ, au mois d’octobre, j’ai eu l’occasion de rencontrer la direction de l’école d’architecture et au cours d’une réunion, nous avons discuté de la place que doit jouer une école d’architecture dans le tissu social, culturel, économique et politique de la région. Quelques jours auparavant, j’ai eu des réunions à la mairie de Sète concernant des établissements possédant des lois d’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite. On s’est rendu compte qu’une petite ville comme celle de Sète possède 140 propriétés foncières, dont 120 qui étaient à mettre aux normes. Cela me paraissait énorme, car cela représente 7 millions d’euros de travaux, c’est-à-dire des années de travail pour une équipe d’urbanistes comme en a la ville de Sète. La direction de l’école d’architecture trouvait intéressant que ces propriétés foncières servent de lieu de « travaux pratiques ». Cela permettrait à la ville de voir quels seraient les établissements qui devraient être remis aux normes, qui devraient recevoir le public ou qui ne demanderaient pas de travaux trop importants. Il s’agit aussi de faire le tri et de repérer les structures dont on devrait se débarrasser puisque leur remise aux normes coûterait trop cher. Et enfin de voir celles qui pourraient regrouper des activités mutualisées. La direction avait l’air intéressée. Nous l’étions aussi et on s’est quitté sur ce sujet. 14–14–

Quelques jours après, en arrivant à la mairie de Sète, de nouvelles réunions ont suivi sur d’autres sujets, dont un qui concerne l’aménagement st de la ville. Le sujet est important car c’est un projet à long terme, sur les vingt années à venir. Il y avait donc ce projet de territoire et à côté de cela, je discutais avec mon fils ici présent dans la salle. Il m’a présenté le symposium « Métropoles du Sud ». Je me suis dit qu’il était dommage pour une ville, située à 30 kilomètres et à quelques minutes de Montpellier, d’avoir à coté une école d’architecture avec 900 élèves, 120 enseignants et de ne pas partager avec elle les préoccupations des collectivités locales et des élus. Surtout qu’il s’agit du moment où l’on projette de mettre en place et de programmer l’avenir de l’aménagement d’un espace où vivront les personnes qui y résident actuellement et surtout les personnes qui y vivront dans les vingt années à venir. Mme Nourrigat, M. Brion, M. Bouchet, M. Duport, Mme Bourdeau, M. Soto, Mme Iszatt, M. Lafond, M. Girod, M. Léotoing, M. Viala et Mme Berrou, m’ont permi de présenter ce projet d’aménagement et je les en remercie.


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Je vais vous présenter les principaux acteurs de cet aménagement. Il y a bien sûr la ville, avec une extension de territoire très limitée. Sur cette vue nord, nous voyons l’est à gauche et l’ouest à droite. C’est un lido qui va jusqu’à Agde, avec essentiellement des plages et des espaces naturels. Si on veut l’aménager, il ne faudra pas se rater car il n’y aura pas d’autres possibilités. Après il faudra creuser, faire autre chose mais on ne pourra plus en faire grand-chose. Les jeunes architectes qui sont dans la salle doivent être intéressés par ce projet qui respecte des schémas directeurs d’aménagement. C’est un projet où le développement urbain doit être pris en compte. C’est une vision nouvelle de l’architecture. Le deuxième acteur concerné par ce projet de territoire est l’agglomération Sète Bassin de Thau qui s’étend à l’est, au sud et à l’ouest. Il faut savoir que cette agglomération d’environ 90 000 habitants va constituer, avec les communes qui se trouvent au nord du Bassin de Thau, le troisième acteur qui constituera le syndicat mixte. On a deux communautés d’agglomération : Thau Agglo au sud, à l’est et à l’ouest du Bassin de Thau et la Communauté nord du Bassin de Thau. Le syndicat mixte a plusieurs missions, qui sont d’ordre patrimonial. Le contrat de gestion intégré est la première mission, avec la gestion du patrimoine environnemental et celui du bassin de Thau, qui constitue un patrimoine congélicole et de pêche. Le « SAGE » est le Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux et des milieux aquatiques. « Natura 2000 » protège les espaces naturels et en particulier les espaces au nord du bassin de Thau. Ces espaces sont appelés « bassins versants » car les eaux de pluies coulent sur le bassin et risquent même, si elles sont chargées de polluant, de mettre en péril l’écologie du bassin de Thau. « Natura 2000 » protège donc les espaces naturels et traite les déchets congélicoles, qui représentent 10 000 tonnes/an. Enfin, les compétences du syndicat mixte comprennent

une mission représentée par le SCOT, le schéma de cohérence territoriale qui va gérer, régler, et réglementer le développement de l’entrée Est pour les années à venir. J’ai tenu à vous présenter le projet de l’entrée est qui est représentée par un grand triangle. Il va falloir faire face à de nouvelles contraintes. En effet, les architectes travaillaient jusqu’à peu dans un espace à deux dimensions, et vont commencer maintenant à travailler dans des espaces avec d’autres dimensions. Il y a quelque temps, certains ont commencé à travailler sur la profondeur, d’autres sur l’obliquité ou sur le territoire… L’espace-temps commence à être pris en charge dans ce type de projet. Ce n’est pas que le temps « durable », comprenant l’économie durable et la vision écologique, mais il y a aussi le temps «matériel», c’est-àdire le temps de monter les dossiers, le temps administratif, et le temps politique. Il est prévu que le projet soit développé sur vingt ans et les personnes qui décident actuellement doivent prendre en compte les besoins, les demandes, les mouvements des populations qui passeront dans le futur. Le territoire était industrialisé en 1950. La ville travaillait essentiellement au niveau portuaire, avec le port qui était en ville. La ville travaillait surtout avec l’Afrique du Nord (primeurs, vin), avec l’Afrique occidentale également pour les bois tropicaux. Mais aussi avec l’Asie, le Brésil… Maintenant tout cela a changé. Le port est devenu étroit et les canaux de circulations sont trop petits pour le gabarit des bateaux actuels. Le port a donc dû se déplacer. Il se trouve sur le littoral entre Frontignan et Sète, en eaux profondes. Aujourd’hui c’est une énorme friche. C’est ce territoire qui doit être aménagé. Le diagnostic de ce qui devait être fait sur ce territoire débute en 2000. Dans le LanguedocRoussillon, il y a le département de l‘Hérault et le plan département habitat qui étudie ce qui doit se passer dans les années à venir. Il est prévu que la région accueille 20 000 nouveaux habitants/an qui vont se retrouver dans des –15–


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milieux urbains et sur le littoral. La ville de Sète va être concernée. Cette étude précise qu’il faudrait qu’il y ait une gare multimodale avec des transports en commun à moins de dix minutes des nouveaux aménagements. Il faudrait également qu’il y ait des circulations de proximité ou des circulations douces. Dans le milieu des années 2000, le schéma de mise en valeur de la mer précise que cet aménagement doit se faire sur les friches industrialo-portuaires. Et surtout celles qui sont situées en tissu urbain. En 2010, le SCOT est mis en place. Il va gérer le projet d’aménagement du territoire en projet durable. Il va surtout figer des règles, des codes de conduite et va interdire que la population fasse n’importe quoi. Il va aussi interdire le fait que si le maire change de convictions politiques, il ne pourra pas changer ni annuler la destination des réalisations. D’abord, il va falloir développer un cœur d’agglo sur les friches industrielles. Ensuite, requalifier certaines zones d’activités économiques, et pour finir protéger le nord du bassin de Thau. Il faudra aussi limiter le déplacement automobile en créant une gare multimodale SNCF. Ce pôle d’échange constituera une gare de bus où l’on pourra louer des vélos, voitures, mobylettes, navettes fluviales, etc. Bien sûr, il va falloir travailler sur le cœur d’agglo, dans le triangle de Sète, Frontignan, Balaruc... Il va falloir requalifier les voies de circulation automobile et développer des activités économiques, de sport et de loisir sur certaines friches industrielles. Le SCOT est approuvé en 2014 par les quatorze communes, la commune de l’agglo, Nord Bassin de Thau et de Thau Agglo. Il permet la maîtrise du développement du territoire. Il protège l’écosystème, limite les déplacements automobiles avec tous les jours 5 000 personnes qui viennent travailler à Sète et ceux qui habitent sur le pourtour du bassin de l’Hérault. Ces personnes représentent des coûts financiers, des pollutions, des contraintes sur l’activité de tous les jours... Il va falloir centraliser le développement urbain sur le triangle de Sète 16–16–

pour éviter le déplacement et prévoir le SCOT de façon à regrouper les habitations en centre urbain. « Construire la ville sur la ville », c’està-dire reconstruire une nouvelle ville sur les friches industrielles, en les réhabilitant. Il va falloir construire les grands objectifs : créer un pôle multimodal, des logements pour les nouveaux arrivants, les « migrants périphériques de l’agglo » c’est-à-dire les gens qui vivent en périphérie et qui viennent travailler à Sète. Et aussi pour les personnes qui vont travailler sur ce projet pour les vingt années à venir. Il faut ensuite créer une qualité de vie avec des espaces publics et dynamiser l’économie locale. C’est un projet ambitieux mais il devrait aboutir. Sur la carte, le périmètre est en rouge et le jaune représente les zones inondables. Les hachures sont les zones à dépolluer sur lesquelles il y avait des activités industrielles. En première phase, il va falloir développer les modes de transport. Il va donc falloir créer un long canal desservant la ville et prévoir des ponts qui vont passer au-dessus de ce canal. On va modifier la circulation, la rediriger vers la zone multimodale pour que la population ne vienne pas forcément sur Sète. Deuxièmement, travailler les modes de transports en commun, lignes de bus, navettes fluviales qui vont jusqu’au cœur de la ville. Troisièmement, créer des espaces publics structurants, des parcs et jardins, du foncier à bâtir (habitations, bureaux, tertiaires) et des propriétés déjà bâties qui pourront être intégrées dans le projet. Le but est d’aménager la zone en gardant son identité, en valorisant le paysage des quais, et en recréant un canal agréable. Actuellement, le canal qui vient de la Peyrade est une voie de circulation rapide et non une voie de vie. Partout en France les ports sont sortis d’intramuros. Par exemple à Nantes avec la requalification des quais en voies de circulation douces ou à Hambourg avec cette grande place aux bords du canal ; une place très agréable qui requalifie l’utilisation des quais avec des grandes voies de circulation.


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Je vais quantifier ce projet de l’entrée est. Il possède deux tranches: la première va se faire sur 55 hectares, avec la construction de 1 800 logements, c’est-à-dire 150 000 m2 de plancher. De 2025 à 2035, sur 20 hectares supplémentaires, il y aura 1 200 logements supplémentaires avec 100 000 m2 de plancher de plus. En tout le projet représente 75 hectares supplémentaires avec la création de 3 000 logements et 250 000 m2 de plancher. Il y a aussi la création d’espaces naturels structurants, d’espaces verts et d’activités économiques tertiaires. La construction de ce pôle est très importante.

Il a fallu sectoriser le projet en quatre parties. Il va falloir établir un programme car on ne peut pas demander aux personnes de vivre pendant vingt ans sur un chantier, ni bloquer l’entrée est de la ville. Les secteurs 1 et 2 seront faits dans les dix prochaines années et les secteurs 3 et 4 entre 2025 et 2035. La première étape consistera à faire les premiers ponts au-dessus du canal de la Peyrade. Il s’agit aussi de requalifier la route qui amène à la gare, c’està-dire l’élargir pour permettre une meilleure

circulation et l’aménagement d’une zone de construction d’habitations, de bureaux et d’activités commerciales. Durant le chantier on va essayer d’avoir une orientation durable. Les zones à remblayer et à dépolluer seront faites avec des déblais qui vont partir rapidement. Le sol sera aussi décontaminé dès le début. La phase 2 constitue la requalification du nord du canal de la Peyrade. Il y aura essentiellement des activités (économiques, culturelles, et tertiaires). On va finir par les remblais et créer les espaces verts structurants. En 2025, on devrait se retrouver avec des réalisations terminées (pôle multimodal, requalification de voies, les ponts qui vont enjamber les côtés sud et nord, le port qui sera déplacé, les espaces verts, les places, les habitations et les activités économiques et tertiaires…). Pour la troisième phase, dans la mesure où on a permis de requalifier les zones inondables qui auront été remblayées, on va pouvoir aménager la zone avec des lieux commerciaux essentiellement. La dernière zone est une ZAC qui va être élargie et requalifiée. La ZAC existante va ainsi s’élargir sur les nouvelles propriétés foncières. Tout cela pour 2035. Les 70 hectares sont représentés avec les 3 000 logements et l’activité économique. Voilà un exemple de la gare de Nantes, avec des espaces de vie accueillants. Chacun le fait à son goût bien sûr. Merci à tous de m’avoir permis de présenter ce dossier. Je ne vais évidemment pas terminer ce projet, vous vous en doutez bien. J’espère que quelques-uns d’entre vous pourrons travailler dessus. Merci.

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Métropoles DU SUD .......................................................... Présentation : Guillaume Girod Annabelle Iszatt

Enseignants MDS : Clotilde Berrou Boris Bouchet Axelle Bourdeau Jacques Brion Laurent Duport Jérôme Lafond Luc Léotoing Élodie Nourrigat Pierre Soto Laurent Viala

Annabelle Iszatt - Architecte, docteure en architecture & enseignante à l’ENSAM

Guillaume Girod - Architecte & enseignant à l’ENSAM

A n n abelle Isz att

C’est avec un plaisir certain que j’introduis le cadre de cette 8e édition du Symposium Métropoles du Sud, rencontre qui a la particularité de s’inscrire dans un projet pédagogique porté par une équipe de douze enseignants de l’ENSA de Montpellier et qui rassemble cette année une cinquantaine d’étudiants. En préambule, traçons les grandes lignes de ce projet commun. Le domaine d’étude Métropoles du Sud propose, au sein du cycle

Master de l’école d’architecture de Montpellier, une réflexion sur l’expression de la « localité » dans des villes qui peuvent être qualifiées de métropolitaines. Dans cette interrogation, quelques précisions s’imposent, pour ne pas le réduire à un « maladroit raccourci sémantique » : tout d’abord, le sud n’est pas considéré comme une situation géographique, mais comme un concept. La notion de localité dans la métropole n’est, pour sa part, pas considérée dans sa –19–


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faculté à générer un style ou à renvoyer une image particulière, mais dans les traductions spatiales qu’elle induit (manière de penser et de constituer des lieux). Cela permet de faire ressortir les spécificités d’un territoire, en posant qu’elles représentent une valeur d’ancrage, ainsi qu’une réponse au développement durable.

Cette spécificité locale est associée à une grande richesse (de modes d’habiter, d’usages, de techniques constructives,…). Elle est liée au sens que peut avoir un lieu dans une société et un territoire donné. C’est pourquoi, il est nécessaire d’étudier de nombreux territoires pour en rendre compte. Dans le même temps, cette démarche nous permet d’identifier des points de convergence, des principes de constitution proches à plusieurs métropoles. On peut également affirmer que cette spécificité s’exprime tant à l’échelle architecturale qu’à l’échelle urbaine. C’est pourquoi nous travaillons en croisant en permanence ces deux échelles.

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« Métropoles du Sud » travaille dans un cadre de réflexion qui exploite différentes modalités pédagogiques. Le domaine d’étude se développe en Master au travers de trois aspects complémentaires : - celui du projet travaillé en studio, qui est l’occasion d’un certain nombre d’expérimentation de situations urbaines ; - celui de l’apport théorique exploré dans le cadre du séminaire qui s’y rattache ; - celui des mémoires qui permettent la construction d’une pensée et d’une recherche personnelle prenant place dans le domaine thématique. Cette réflexion se développe parallèlement au sein du laboratoire de recherche de l’école, le LIFAM, dans lequel les travaux de l’équipe Métropoles du Sud se font écho des préoccupations du domaine. Il trouve également sa continuité dans une association d’anciens étudiants, qui démontre tout l’intérêt de promouvoir un lien et des échanges entre futurs diplômés et jeunes architectes. Le travail du domaine d’étude s’établit selon une certaine progressivité au long du semestre. On peut dire qu’il débute avec le voyage. C’est l’occasion de découvrir de nouveaux territoires et de prendre connaissance des sites d’expérimentation, sélectionnés pour leur capacité à soulever des questions. Le retour du voyage initie une phase de compréhension et d’analyse des sites d’étude qui permet d’asseoir les fondements d’une proposition. Lui succède la mise en place du projet urbain puis architectural s’appuyant sur les prises de positions que prend chacun. À côté de cela, les étudiants travaillent à la préparation du Symposium, qui vient clore la fin du semestre. L’organisation et la tenue de ce Symposium est ainsi un temps fort du projet pédagogique.


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Les étudiants ont la charge de la préparation, à savoir produire l’ensemble des documents de communication ou trouver des partenaires. Nous pouvons ainsi les remercier pour leur soutien : ENSAM, région Languedoc-Roussillon Midi-Pyrénées, ville de Sète, Thau Agglo, Technal, Vinci Autoroute, Technilum, le Géant des Beaux-Arts, Volum (Union des matériaux), Arts Helios, associations de l’école (Archipel et Focus), ainsi que les programmes européens Erasmus+ Alliance of Knowledge. Les étudiants ont également la charge de préparer une présentation des intervenants en ayant une bonne connaissance de leur parcours et de leurs préoccupations. Pendant cette journée, ils vont introduire les intervenants et animer le débat. Et pour ne rien perdre des échanges du symposium, un ouvrage de restitution paraît à l’issue de chaque édition.

Le cycle actuel s’intéresse aux métropoles de l’extrême. Il doit mettre en lumière la capacité d’adaptation et la particularité de territoire supportant une contrainte forte. Pour ce faire, il a débuté à Pampelune avec la thématique de l’agriculture urbaine, questionnant la possible perspective d’une autosuffisance métropolitaine. Il s’est poursuivi l’année passée avec la ville d’Evora afin d’aborder le problème de l’aridité. Non pas que cette ville soit actuellement face à cette situation mais parce qu’elle y sera confrontée dans un futur proche. En effet, elle est située dans les zones qui seront concernées par ce phénomène d’ici dix ans. Cette année, notre travail s’est concentré sur la ville Ljubljana en explorant la thématique des « Smart city ». Nous avons ainsi interrogé la condition des métropoles face à l’impact grandissant des nouvelles technologies, car depuis cette année, le travail de Métropoles du Sud s’inscrit dans le cadre du programme de recherche européen « SenCity », dont Guillaume Girod va vous parler.

Métropoles du Sud inscrit ses réflexions dans le cadre de cycles successifs qui explorent chaque année une nouvelle ville et s’achève par un travail sur Montpellier. Pour rappel, le premier cycle fut dédié au rapport des métropoles avec l’eau. Pour cela, il s’est intéressé au cas de Gênes, puis de Valence en Espagne et enfin d’Istanbul avant de revenir au cas montpelliérain.

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M ét r opoles du S u d G ui ll au me Girod

Comme l’a introduit Annabelle, on a initié un cycle sur la question des smart cities. Aussi bien dans le domaine « Métropoles du Sud » que dans le consortium européen. « Smart city » est un vocable qui a déjà porté débat au sein du consortium européen et qu’il faut collectivement interroger pour essayer de projeter l’ambition des villes existantes et nouvelles. Elle est établie sur plusieurs axes. Elle a une évolution logique et historique de la projection sur la ville. Mais cette évolution est à la fois graduelle et ambitieuse. Elle sort des images d’Épinal, c’est-àdire des projections traditionnelles de la ville du début du siècle qui étaient soit des projections urbaines par des experts planificateurs, soit qui venaient de la culture populaire commune. Les villes ont compris qu’elles ne pouvaient plus se construire sur un mono modèle d’infrastructures mais qu’elles devaient intégrer des éléments multifactoriels. C’est en cela qu’on les qualifie de Smart cities. Le programme européen parle d’urbanisme avancé. Certains diront « villes intelligentes », « villes souriantes », « villes heureuses »... mais il s’agit plutôt du re-questionnement global de ce qu’est une métropole. Ces utopies projetées du début du siècle ont eu de fortes conséquences sur la structuration des villes occidentales, qui ne sont pas rejetées aujourd’hui mais qui sont re-questionnées, et qui ne sont surtout plus l’alpha et l’oméga du développement urbain. Il est évident que le futur de l’humanité se recentre en ville simplement à cause de l’évolution mondiale des populations. Le xxie siècle sera urbain. La question de la « Smart Humanity » se redessine sur les « Smart city » puisque le futur de l’humanité se déroule dans le système urbain, qui lui rencontre des problèmes similaires ou différents. La question autour de la Smart city est « comment fabriquet-on collectivement le lieu de vie du xxie siècle » 22–22–

Comment est-ce qu’elle va être le réceptacle d’un « vivre ensemble », pour reprendre le vocable de la profession ? Il faut aussi comprendre que la ville n’est plus fabriquée par des experts et des pensées équivoques ou unilatérales. Elle a plutôt besoin de s’appuyer sur des systèmes multifactoriels.

Tout le monde comprend et fait face à la fin d’un cycle dans lequel il y a des problèmes de congestion et de pollution, etc. On fait face à cela de façon différenciée avec diverses problématiques. Bien souvent les pollueurs ne sont pas les payeurs et il y a donc une question globale : comment la smart city est capable de projeter son intelligence sur un modèle intrinsèque et sur un modèle mondialisé ? Si l’on regarde du point de vue de la classification européenne, la « Smart city » n’est pas que l’environnement ou pas que des systèmes intelligents mais elle est basée sur 6 axes. Elle parle de la question multifactorielle. Pour pouvoir réduire la question « smart » à l’intelligence, c’est l’économie qui doit être intelligente. Ce sujet se retrouve dans différents axes multifactoriels : celle des habitants au sens de la participation citoyenne, de l’administration, des modes de vie, de la


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mobilité et de l’environnement... Dans la pensée collective, la projection rejoint les projections du début du siècle sur ce que sera la ville et est majoritairement portée par des préoccupations environnementales, en réaction à un phénomène d’anxiété. Face au cataclysme annoncé, les images projetées ont besoin de se réconforter avec les systèmes environnementaux. Les questions urbaines sont beaucoup portées par la pensée environnementale alors que la smart city cherche à développer différents axes. On connaît tout le sommet des COP qui fabriquent une temporalité à l’échelle mondiale avec des objectifs à atteindre sur les villes. Ils se sont mis d’accord cette année à Paris. Cela fixe l’un des axes des smart cities et est vécu dans la pensée collective. La projection collective reçue des smart cities est essentiellement tournée vers des projections amicales qui réconcilient tout le monde avec la ville. L’environnement y est associé et la question verte revient. Or, ce qui est intéressant dans cette notion de ville intelligente, c’est que la réponse n’est pas environnementale mais fondamentalement globale. Le travail que l’on essaie d’engager dans le domaine « Métropoles du Sud » mais aussi plus largement dans le consortium européen, s’oriente autour de l’exportation et de la définition de cette notion de « Smart city ». Le contexte dans lequel le domaine « Métropoles du Sud » et l’école ce sont lancés sur trois ans se situe au sein d’un dispositif européen qui parle d’un vocable très intéressant, celui d’« Advanced Urbanism ». C’est une alliance portée par l’Europe qui répond à ces données multifactorielles. L’Europe comprend ainsi que pour réfléchir à l‘avenir des villes, il ne faut pas penser à une école dans son coin, ni à plusieurs écoles dans leurs coins. Ce sont plutôt des consortiums entre ces écoles qui portent les questions de l’architecture au sens large. Ou alors des experts sur des technologies ou des systèmes de pensée d’accompagnement des

politiques pour fabriquer la ville. Ce programme de recherche qui dure trois ans a la vocation de conforter cette idée de multi acteurs qui réfléchissent collectivement à un avenir que tout le monde souhaite meilleur. Ces quatre villes qui travaillent ensemble, partagent des problématiques métropolitaines occidentales relativement classiques. Avec à l’intérieur du dispositif des universitaires et des entreprises.

L’axe porté est la question de la « SenCity » au sens de ville sensorielle. D’un point de vue sémantique c’est aussi la ville des capteurs. Il s’agit de comprendre comment les technologies impactent le développement des systèmes urbains ? Les technologies latentes, comme cela a été abordé hier dans les discussions, posent la question de l’arrivée de la technologie dans la ville, de leur contrôle, avec tous les sujets contemporains qui balaient cette question: la gestion des données, la position des citoyens dans la ville, l’impact des lobbys sur la fabrication des villes.

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On pense qu’il faut répondre à ces problématiques par le repositionnement du sens de la Sencity et par l’extrapolation du terme sur la question de la ville sensorielle. C’est-à-dire établir comment la ville dans son système urbain réactive des données qui parlent de l’individu au sein du système ? Elle doit questionner les problématiques que tout le monde connaît. Comment la ville réussit à intégrer les objectifs incontournables globaux qui servent à toutes les métropoles mondiales, et qui sont réduites à la question des flux, informatiques ou migratoires au sens large, et qui arrivent à se positionner dans un horizon environnemental et culturel ? Le travail spécifiquement projeté pendant ces trois prochaines années est de comprendre comment la « SenCity » abordera les questions d’efficacité puisque la société contemporaine est définitivement efficace. Comment manipuler la question du local qui est un vocable, ou un néologisme, avec la question du local qui résonne à l’échelle globale, et la smart data. L’arrivée massive de données partagées puisque l’utilisateur partage volontairement ces données, impacte clairement les systèmes urbains. C’est l’un des axes de la « Smart city » : ouvrir les horizons avec ce concept un peu large, ce fourre-tout de la smart city qui peut être plus vaste que ce à quoi on veut le réduire. À l’intérieur de ces sous-systèmes, il y a des interrogations fondamentales. Le local correspond aussi bien à des enjeux politiques où l’Europe doit répondre à cette question très franche par rapport à la question aussi bien identitaire, c’est-à-dire « qu’est-ce que c’est qu’être européen à l’horizon du xxie siècle ? ». Et comment ces localités sont impactées par la technologie du xxie siècle, on dit que c’est la troisième révolution technologique. Toutes les villes ont été fabriquées par la technologie. Cette génération doit comprendre comment la ville et les identités européennes doivent se redéfinir par la révolution technologique. Les villes ont clairement des ambitions d’efficacité qui sont portées par les modes de vies contemporains 24–24–

très clairement libérés des individus, c’est-à-dire aller vite, vivre bien, dormir bien, manger sain et être efficace. Comment les villes sont capables d’intégrer ces notions d’efficacité de manière très claire et comment sont-elles capables de projeter une notion d’efficacité au-delà du système urbain. C’est-à-dire que l’efficacité des villes ne se résout pas à la courte durée des trajets qui redéfinissent les villes en projetant très probablement des systèmes urbains plus réduis que ceux actuels, pour qu’à l’intérieur d’un système on puisse se déplacer de manière efficace et ne plus utiliser les transports urbains de manière aussi aberrante qu’aujourd’hui. Enfin, comment la question, un peu anxiogène, des données que tout le monde diffuse à volonté va être intégrée dans un projet ambitieux et positif. La question des données ne devra pas se résoudre à l’utilisation perverse de la CIA qui récolte des informations incroyables sur les individus. Comment ces données récoltées fabriqueront-elles une compréhension qui serait meilleure et ciblée pour les systèmes urbains et comment le traitement objectif de ces données permet de développer des systèmes aussi bien intelligents qu’adaptés au mode de vie projeté du xxie siècle ?


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Short TALK

Ville Intelligente / KA-AU ..........................................................

Nicola Canessa - UNIGE Luis Falcón - IN ATLAS Johan Laure - ENSAM Mathilde Marengo - IAAC Judith Sykes - USEFUL SIMPLE PROJECTS

À partir de 2016, le Symposium Métropoles du Sud fait partie du programme de recherche Erasmus+ mis en place par l’Union Européenne. Le projet KAAU-SENcity réunit trois établissements d’enseignement supérieur : l’ENSAM au travers de son domaine d’études Métropoles du Sud et du LIFAM, l’IAAC de Barcelone et l’UNIGE (en particulier le département DSA de Gênes). Sont associées six entreprises, inATLAS, Mcrit, Technilum, Darts, Santa and Cole et Useful Simple Project, travaillant sur la gestion des données informatiques, la réalisation

d’applications d’aide à la gestion de la ville, la création d’outils d’analyse et d’optimisation des données géo-localisées et enfin sur le mobilier urbain connecté, le Festival des Architectures Vives et les éditions Actar sur quatre pays (France, Italie, Espagne et Angleterre), font partie des retenus par l’Europe dans le cadre de ce programme. KAAU-SENcity explore les potentialités de la ville qui utilise les nouvelles technologies au service de ses citoyens, mettant le projet et la participation au cœur de son fonctionnement. –27–


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Luis Falcón Merci beaucoup de m’avoir invité à participer à cette conférence. Merci à l’ENSAM de nous laisser la parole. Nous faisons partie des entreprises qui participent étroitement au projet de l’Union Européenne. Nous sommes principalement spécialisés dans la gestion du big data. L’idée est d’avoir énormément de données et d’intégrer des valeurs « X » et « Y ». Pour intégrer les données dans le territoire, on met en place nos propres solutions technologiques. D’un côté, cela permet au secteur public de mettre en place des analyses sur les villes, et de l’autre côté, de permettre au secteur privé de prendre des décisions en toute connaissance de cause. Dans notre entreprise, il y a deux côtés en terme de géolocalisation. Sur la première ligne il y a les barres horizontales qui sont les données, et les barres verticales qui signifient que nous intégrons les valeurs de « X » et « Y », c’est-àdire que nous géo-localisons les données. Sur la deuxième ligne, nous faisons des analyses. On analyse ces données en temps réel, sur une grande période d’intégration. Nous produisons ensuite des indicateurs pour aider les entreprises ou les collectivités à prendre des décisions. Les données sont collectées dans le secteur public et privé ainsi qu’auprès des hackers. Parfois les gens donnent les données gratuitement, d’autres nous les font payer. Nous avons par exemple un accord avec « Telefónica » grâce à qui nous récupérons les données des téléphones portables. Nous obtenons aussi les données des entreprises. Certaines d’entre elles ont des données sur leurs revenus, leur nombre de salariés, leur localisation ou leurs sources démographiques. Nous téléchargeons aussi des données ouvertes sur le réseau internet, comme par exemple la localisation des maisons d’Airbnb ainsi que les occupations des gens. Avec ces données nous allons dans deux directions. Tout d’abord, nous faisons une 28–28–

analyse quantificative avec les chiffres obtenus. Il y a aussi des données non-quantifiables qui donnent un sentiment ou un avis. Par exemple les données de twitter obtenues à Baltimore. Les sujets de conversations au sein des médias sociaux sont analysés. On analyse aussi les relations produites par le réseau à travers les relations des gens. Grâce à ces données nous géo-localisons les échanges.

Je vais vous montrer les idées principales de deux projets importants. L’un des projets épaule les collectivités locales sur la question des villes intelligentes. Nous les aidons à localiser les informations. Le deuxième projet est une étude à Barcelone sur le développement de l’entreprise Airbnb. Il s’agit de particuliers qui louent leur domicile sur des petites périodes. Les informations ne sont pas ouvertes, mais nous prenons ce qui est accessible sur internet. Nous produisons ensuite une application avec des « Heatmap »


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— carte thermique — montrant par exemple la densité de population à Barcelone. C’est une cartographie très utile lorsqu’il faut construire des supermarchés. Nous avons des informations sur le pouvoir d’achat des gens, sur leurs dépenses annuelles, sur l’offre au niveau de la restauration, sur les hôtelleries pour savoir où se placer, sur les prix au m2 des logements ou bureaux, etc. Sur certaines cartes, nous retrouvons des petits points représentant une adresse ou un code postal. À partir de ces informations, nous pouvons faire des analyses. Par exemple, s’il a une adresse que l’on veut analyser, il suffit de cliquer sur le point et on obtient des informations sur un périmètre de 500 mètres. On a ainsi des informations diverses sur les bureaux, les petites entreprises alentours, etc. On peut avoir des informations comme les dépenses de la population, des informations sur le marché ou encore le pouvoir d’achat. On peut aussi connaître les concurrents, leurs dépenses, leurs gains et le secteur d’activité dans lequel ils travaillent. On peut ensuite comparer chaque localisation et avoir une localisation moyenne. On peut ainsi décider de notre propre localisation. C’est un package que nous avons réalisé avec des villes qui souhaitent mettre en place une application pour le développement de leurs entrepreneurs.

Le deuxième projet est celui d’Airbnb. Il s’agit d’une économie de partage commencée en 2010, suite à la crise économique.

Certaines personnes cherchent à avoir un revenu grâce à leur maison et d’autres cherchent à louer des endroits moins chers et plus agréables. Sur la carte de la ville de Barcelone, les bulles jaunes représentent les hôtels, et la taille de la bulle représente le nombre de lits. On se fait donc une idée sur la densité en terme de nombre de lits. Par exemple en 2004 à Barcelone, on comprend que les grands hôtels se trouvent sur la côte. Les points rouges de la carte représentent Airbnb. Il n’y a presque pas de bulles en 2007 mais ceux-ci augmentent progressivement jusqu’en 2015. On voit bien le nombre important de personnes qui louent leur maison. On télécharge ces informations, on fait des analyses et on voit le nombre d’hébergements à Barcelone. On compte au total 26 000 appartements, c’est -à-dire 90 000 lits. Il faut savoir que tous les hôtels réunis comptabilisent 75 000 lits. Ce qui fait qu’Airbnb a donc 20 000 lits de plus que tous les hôtels rassemblés. Il est donc plus important que la plus grande chaîne hôtelière du monde. Les personnes offrent généralement leur appartement sur quelques semaines. Les offres actives représentent 11 547 appartements, ce qui fait 40 000 lits. Ce chiffre fluctue et il est intéressant de voir comment les gens peuvent ouvrir les appartements pendant quelques semaines et les retirer par la suite. Le taux d’occupation est de 89% et actuellement, il y a environ 12 000 appartements qui sont complets. Ces données sont produites chaque semaine. Le nombre d’appartement reste plus ou moins le même selon les semaines même il y en a de nouveaux qui s’ouvrent chaque semaine - environ 1000 lits/semaine -. Où se trouve donc la limite ? Il s’agit du nombre d’hébergements libres. En été, les gens quittent parfois leur appartement pour le louer et empocher 5 à 6 000 euros à l’année. Cela offre des enseignements aux politiques urbaines et aident les décisionnaires à gérer le problème.

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Mathilde Marengo Bonjour, je suis Mathilde Marengo, responsable des études à l’IAAC — The Institute for Advanced Architecture of Catalonia —. Je parlerai à mon nom et à celui de Chiara Farinea qui est à la tête des projets urbains. Je voudrai tout d’abord remercier le domaine « Métropoles du Sud » pour cette invitation. Je tiens aussi à excuser l’absence de M. Geli, qui n’a pas pu être là pour raison de santé.

Je vais vous présenter l’IAAC et la façon dont nous traitons la question de l’urbanisme avancé. L’IAAC est donc un institut de fabrication numérique et de recherche. Nous travaillons sur les enjeux de l’habitat du xxie siècle, à travers le prisme de l’architecture, de la localisation et de l’aspect géographique. Nous sommes situés à Barcelone, capital de l’innovation de l’Europe en 2014 et lieu de naissance du concept de l’urbanisme, plus précisément au 22@ dans le quartier de l’innovation. Le concept existe depuis vingt ans et regroupe des activités de formation et d’innovation concentrées dans des pôles d’activités. Nous avons créé le plus grand fab lab, en terme de taille, dans le sud de l’Europe ainsi que le Valldaura labs, un centre de recherche en lien avec le fab lab. Un fab lab est un réseau de laboratoires de fabrication, issu du concept créé par Neil Gershenfeld, qui a été professeur au MIT — Massachusetts Institute of Technology —. C’est lui qui a promu l’idée que n’importe qui peut faire n’importe 30–30–

quoi. Aujourd’hui, il y a une centaine de fab labs dans le monde et nous avions organisé la 10e conférence, « Fab 10 », à Barcelone. L’idée est de passer du « Fab Lab » au « Fab-ville ». Nous avons invité le maire de Barcelone, afin d’accepter le challenge de transformer la ville dans le premier « Fab Lab » du monde. Cette transformation est actuellement en cours et je pense que six des fab labs ont été une réussite avec deux d’entre eux qui sont adossés à l’IAAC. Nous fabriquons aussi des projets relatifs à l’autosuffisance, avec l’un d’eux qui fait partie du laboratoire Valldaura. Il y a trois laboratoires. Le premier dédié à l’énergie, l’autre à l’alimentation et le troisième à l’énergie verte et à l’écologie. On a aussi travaillé avec l’energrid, un système de gestion énergétique intelligent, que nous avons déjà déployé à partir de Valldaura. L’objectif est de le tester et de l’élargir à la ville. Nous avons aussi travaillé à partir de prototypes solaires. En voici deux exemples. Le premier est la maison du fab lab, «the Fab Lab House», développée en 2010 pour la ville de Madrid. Tout a été créé et fabriqué par l’IAAC, dans un fab lab à Barcelone. S’il y avait eu à Madrid un « Fab Lab » capable de créer les pièces, nous les aurions bien sûr envoyées là-bas, mais cela n’était pas possible à l’époque. Le deuxième exemple est celui du pavillon Endesa, développé en 2011 pour l’exposition sur les villes intelligentes. C’est un pavillon à énergie efficient. Il a été tellement apprécié qu’il existe encore aujourd’hui. Il a été placé sur la plage. Nous travaillons en général sur l’urbanisme avancé. Notre premier programme est un master en urbanisme. Il s’agit d’un master multidisciplinaire qui tend à façonner les villes, l’architecture et les technologies de l’avenir. Nous travaillons avec cinq lignes de recherches visionnaires : 1) la ville intelligente et les territoires en émergence, dirigés par Willy Müller et Jordi Vivali. On aborde ici des questions sur les paysages plus responsables et sur la façon de


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vivre dans les conditions les plus extrêmes de nos territoires, aujourd’hui et demain ; 2) les bâtiments autosuffisants. On passe du bâtiment urbain vers des groupements de bâtiments urbains. L’idée est de travailler sur l’énergie positive ; 3) la compréhension des matériaux afin de programmer le matériel et de voir de quelle manière l’environnement du bâtiment peut devenir plus responsable ; 4) il s’agit aussi de voir comment la technologie peut changer la manière dont nous interagissons les uns avec les autres ; 5) le design et la nature afin de promouvoir des solutions énergétiques à travers notre manière de vivre.

d’études. Cette année par exemple, nous avons travaillé sur la ville de Mumbai. Nous allons nous y rendre avec nos étudiants pour créer des projets réels, in situ. Nous travaillons avec la technologie, la planification stratégique, le prototypage, le design, et l’innovation en impliquant les citoyens. J’espère que nous pourrons vous montrer des résultats concrets de ce master dans quelques temps. L’IAAC fonctionne grâce à notre groupe multiculturel et multidisciplinaire, composé de personnes venues de 45 villes et 21 pays du monde entier. Je profite aussi de l’opportunité pour remercier Manuel Gausa, un des fondateurs de l’IAAC, d’être présent aujourd’hui. Si vous avez des questions, vous pouvez bien sûr nous contacter. Merci. Judith Sykes Bonjour à tous. Je voudrai vous remercier pour votre invitation. C’est un plaisir d’être parmi vous aujourd’hui. Je suis Judith Sykes, dirigeante de « Useful Simple Projet », un bureau travaillant sur des projets de réhabilitations urbaines et sur le développement territorial.

Cette année nous avons créé le master intitulé « la ville et la technologie ». L’idée est de déconsidérer qu’il est porteur de changement dans les villes. Il s’agit aussi de travailler sur la formation des décideurs à travers les élus et les politiques, afin d’accompagner la transformation de nos villes d’aujourd’hui et de demain. Il y a une différence par rapport à l’architecture avancée, car nous travaillons sur de vrais cas

Aujourd’hui en Grande-Bretagne, quatre villes sont à la pointe de l’utilisation de la technologie urbaine, en vue du développement urbain. Elles sont lourdement financées par le gouvernement afin d’accélérer l’utilisation des –31–


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nouvelles technologies intelligentes. Je vais vous présenter quelques cas d’études. Pour commencer, la ville industrielle de Glasgow, au nord de l’Écosse. Glasgow a reçu 24 millions de livres sterling de financement afin de créer un projet de « démonstration » pour les villes intelligentes de l’avenir. Il y a plusieurs programmes dans ce projet mais je vais me focaliser sur trois d’entre eux : le centre opérationnel, l’observatoire urbain et les infrastructures pour la croissance verte. Le centre opérationnel se trouve dans la zone périurbaine de Glasgow. Nous y retrouvons les secours, la police, le conseil municipal, etc. Tout est rassemblé pour produire une réaction efficace par rapport à ce qui se passe dans la ville. Cela se fait par le biais de la technologie, comme une réponse multiple. C’est tout à fait unique sur le territoire. L’observatoire métropolitain constitue la deuxième partie du projet. C’est un lieu physique organisé avec l’université de Strathclyde. Les citoyens peuvent s’y rendre et avoir accès aux données réelles, connectées à différents points de la ville. C’est aussi un portail qui permet d’obtenir des informations pour les applications. Nous avons par exemple créé une application pour les promeneurs afin de leur permette de se déplacer facilement. Dans l’application, nous trouvons l’histoire de Glasgow qui fait ressortir l’aspect historique de la ville. Nous y retrouvons aussi le système d’éclairage dynamique et intelligent. Ainsi, nous modulons les niveaux d’éclairage au fil de la journée et nous maintenons la sécurité. Dans le système d’éclairage, nous avons une station qui récupère des informations sur la météo, sur le nombre de personnes qui passent et sur d’autres éléments qui nous donnent une bonne compréhension du fonctionnement du centre-ville. La deuxième ville que je vais aborder est celle de Bristol, une ancienne ville portuaire qui gérait dans le passé les import-export vers les États-Unis. C’est une ville très créative. 32–32–

Nous avons créé là-bas un laboratoire sur le changement urbain, en lien avec le Big data. Nous cherchons à mieux comprendre ce qui se passe directement dans la ville. Nous y avons créé un accès ouvert pour ceux qui souhaitent utiliser les données afin de créer des applications ou effectuer des programmes de recherches à partir de ces données. Hier, nous discutions sur le rôle de la ville intelligente et sur le danger de voir cela comme un dispositif de création de villes plus efficaces. Bristol est une ville très créative et possède un programme qui nous montre comment la technologie peut améliorer l’expérience patrimoniale et culturelle dans la ville. Il y a des projets superbes comme ceux avec lesquels on peut discuter avec des boîtes aux lettres ou encore des lampadaires. Pendant des semaines, nous avons pu rassembler des histoires grâce à ces objets. La technologie n’est pas qu’une question d’efficacité énergétique, mais il s’agit également de plaisir, de loisir et d’expérience culturelle.

Une autre ville sur laquelle nous avons travaillé est celle de Milton Keynes, une ville nouvelle créée à la fin des années 1970 et possédant une forme urbaine particulière et très intéressante. La ville a travaillé sur la question de « Internet of Thing » (IOT) afin de lui permettre de mieux gérer


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des dispositifs tels que la collecte des déchets ou le transport urbain. Elle a investi dans ce système afin de maîtriser les éléments les plus basiques de la vie urbaine. Pour finir, la ville de Londres, avec quelques projets en cours qui tendent à simplifier l’utilisation de la technologie. Le Trafalgar square, qui se situe en plein cœur de la ville. C’est un beau projet, très ambitieux et entièrement piétonnier. Au début, cette question du piéton a posé des problèmes car les municipalités pensaient que ça allait créer le chaos en plein milieu de Londres. Un bureau d’étude a donc récolté des données sur le flux des piétons et des transports. Finalement, un outil informatique a été mis en place pour prouver que le projet pouvait fonctionner. Comme la plupart des villes, Londres fournit ces données au public comme la « Heatmap » par exemple, une cartographie de chaleur qui montre les opportunités de créer des réseaux divers. Il y a aussi le « Dashboard », le tableau de bord de la ville qui regroupe des informations sur le transport ou sur la qualité de l’air, une problématique énorme à l’heure actuelle. Celui-ci a permis aux habitants de pouvoir faire du lobbying sur la question de la qualité de l’air et de la pollution. Une application appelée « Mappiness » a ensuite été créée. Il s’agit d’un travail créé par le London School of Economics, qui permet aux citoyens d’exprimer leurs ressentis sur un lieu donné. Le « Commun Place » est un plan du pont de Londres. L’objectif ici est de s’exprimer lors d’une requalification de zone, et d’utiliser ce plan pour faire des propositions concrètes. L’idée est que nous arrivions au final à impliquer les citoyens. Jusqu’à présent, nous avions une population limitée et surtout bourgeoise. Avec cette application, nous élargissons le spectre et nous l’utilisons pour de nombreux projets de requalifications urbaines. Le « Transport Buzz » qui est un projet basé sur les informations en temps réel, montrant la performance et le fonctionnement des systèmes de transports.

Voilà donc des exemples concrets sur ce qui se fait actuellement en Grande-Bretagne. Les données sont ouvertes pour plus de transparence et plus de démocratie sociétale. Grâce aux expérimentations, nous comprenons mieux la ville. Je suis aussi enchantée par le fait que cette technologie va réunir des personnes multidisciplinaires. Il n’y aura pas seulement des ingénieurs et architectes, mais aussi des scientifiques dans le domaine des sciences sociales, des économistes et plein d’autres personnes qui se réuniront pour le bien de notre ville. Nicola Canessa Merci « Métropoles du Sud » pour cette invitation. Nous sommes ravis de pouvoir présenter notre travail. Je vais vous parler du laboratoire GIC-Lab, un pôle de l’Université de Gênes fondé il y a huit ans par Manuel Gausa. Vingt personnes travaillent sur différents aspects du laboratoire et sept cents étudiants ont participé aux différents projets.

Nous avons travaillé à Barcelone, à Montpellier ainsi qu’en Albanie. Nous avons organisé quelques ateliers autour de la ville intelligente et du paysage. Le GIC-Lab se concentre sur la ville et le paysage alentour, notamment la ville multimodale ainsi que sur les liens nécessaires au sein du GIC-Lab, tels que le « ReCyting » ou les « Sen Cities».

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Que faisons-nous concrètement dans le laboratoire ? Il y a trois typologies d’approche favorisées par le GIC-Lab et les partenaires. Nous organisons des colloques grâce auxquels nous récupérons des informations. L’un d’entre eux a été organisé par Mosè Ricci et Manuel Gausa. Il s’agit quelque part de la base d’une approche de l’architecture ou du paysage. À partir de ces colloques, nous travaillons sur la transformation des idées. On a collaboré avec l’Italie, la Croatie, l’Espagne, la France, avec le bassin méditerranéen en général. Tout le monde partage le même souci par rapport à la côté méditerranéenne. Nous avons aussi travaillé avec des étudiants et d’autres partenaires, afin de fournir des informations aux décideurs publics et aux élus. Nous avons travaillé avec la municipalité d’Albenga, afin de créer un plan stratégique pour le développement culturel de la ville. À partir de ces colloques, on a créé un guide le MedNet. Il s’agit du premier programme de communication de nos travaux, et de ceux des étudiants qui nous accompagnent. Il est très important de mettre en première ligne les projets des étudiants car il s’agit à chaque fois d’une nouvelle vision, d’une vision de fraîcheur pour nous et pour d’autres. Le « MedNet » est organisé en deux parties. La première est une approche des différentes unités universitaires sur diverses questions. Il y a plusieurs projets comme le Veneto-extreme city, le GOA diagram city, le Pic-city, etc. La deuxième partie se situe sur la zone autour de l’Aiguillerie. Nous avons travaillé autour de Gênes. Pas seulement avec nos étudiants, mais aussi avec des étudiants étrangers pour créer de l’échange. Nous élaborons d’autres types de guide comme le BNC GOA. Il s’agit d’un guide sorti il y a six ans, suite à un projet impulsé par Manuel Gausa. Il s’est même retrouvé dans une exposition. À partir de là, nous avons commencé à travailler avec nos étudiants sur les villes de Barcelone et de Gênes. Il s’agissait d’essayer de changer 34–34–

la méthodologie du système d’organisation métropolitain et surtout d’insérer plus d’espaces verts dans nos villes. Avec Emanuela Nan et Manuel Gausa, l’idée était de voir si on pouvait créer des espaces verts. Nous avons créé le « total GOA genova multi SCAN » qui va sortir dans quelques mois. Il s’agit d’une collection de tout ce que nous avons fait avec nos étudiants. Notre travail est particulier vis-à-vis de la ville et cela ressort dans ce guide. L’approche des étudiants est également mise en exergue.

Nous avons ensuite créé un ouvrage, appelé le WAP — World Agricultural Parks —. C’est un travail réalisé sur deux ans avec nos étudiants. Il traite des parcs agricoles dans le monde, de l’agriculture et des zones agricoles autour des villes, dans les zones périurbaines. Finalement, c’est notre KA-AU, « Knowledge Alliance for Advanced Urbanism ». C’est une excellente opportunité pour nous, assez différente des


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approches du passé, à travers des colloques ou des projets étudiants. Nous sommes sur une approche de trois ans. L’idée est de créer des scénarios transversaux. Nous créons un colloque important avec des sous-colloques, des ateliers... Nous avons beaucoup de partenaires sur le territoire européen. Nous faisons des échanges entre étudiants et travaillons sur beaucoup de projets pendant le KA-AU. Nous travaillons avec des laboratoires pendant des périodes de deux ans, particulièrement sur la ville de Gênes et sur la question de la « résilience ». C’est le mot à la mode en ce moment. Non seulement par rapport aux risques d’inondations mais aussi sur toutes les autres questions qui abordent la notion de résilience telles que le feu, la pollution de l’air, l’eau, la terre… Mais comment faire une ville résiliente ? Comment peut-on améliorer la résilience de nos villes ? En travaillant sur le monde entier, nous avons étudié ces questions et avons établi quelques bonnes pratiques. Merci beaucoup.

constamment connecté aux informations. Face à cette masse d’information, on se pose des questions sur nos capacités, comme par exemple se demander si on est encore capable d’utiliser notre propre réflexion pour avoir une idée sur la ville. Finalement, cette technologie ne vient pas en complément de nos fonctions primitives, mais créé quelque chose qui nous détourne de notre humanité. On devient tributaire du rythme des données : on est tout le temps joignable, on peut recevoir les mails 24h/24h, on est géo localisé et archivé, jusqu’à devenir une donnée comme une autre dans la ville.

Johan Laure

La véritable question est la suivante. Quel rythme devra-t-on apporter à la ville dans le futur ? Il serait peut être intéressant de réfléchir à contrario, et d’introduire la notion de « slow urbanism ». C’est-à-dire réfléchir à comment apporter un rythme humain à cette technologie et donc apporter un rythme humain à la ville. Il faudra peut-être revenir à une idée plus simple de la ville, moins liaisonnée, possédant une réelle efficacité et une immense base d’information. Il s’agirait d’utiliser cette technologie pour vivre la ville et y apporter une vraie humanité. Ce rapport entre technologie, temporalité et rythme de la ville doit faire découvrir des espaces et faire ressentir la ville aux autres personnes. Se demander comment introduire un groupe de personnes dans une réflexion saine et presque primitive, sans pour autant dénaturer leurs capacités primaires ? Les technologies sont comme une boîte de pandore. Elles sont développées, ouvertes,

Bonjour à tous. Je vais tenter d’apporter une réflexion sur la ville, sur les technologies qui la composent, et qui composent également notre quotidien ainsi que notre rapport aux autres. Nous avons toujours eu cette vision de la ville connectée comme l’apanage des villes-métropoles, des grandes villes et de ce rythme de vie élevé, où tous les rapports entre la technologie et les hommes se font de manière rapide et moins vécue. Mais la ville connectée, et toutes ces nouvelles technologies, apportent-elles une réelle réflexion sur l’efficacité de la ville ? On a l’impression que la ville doit être un bon élève qui passe par un filtre de capacité, aujourd’hui de plus en plus exigeant. Prenons l’exemple du smartphone, un outil qui nous offre une liberté exceptionnelle et qui permet d’être

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accessibles à tous, et possèdent cette tendance à regrouper les gens. Ce n’est plus l’individu qui se construit autour du groupe, mais c’est lui qui va constituer son propre groupe. Il y a des raisons diverses à cela : économiques, culturelles, liées au travail, etc. On se rend compte qu’on peut avoir une déshumanisation de la ville par l’homme et que celui-ci a tendance à essayer de la ré-humaniser par la technologie.

Cette technologie, lointaine et abstraite, permet à des gens ayant des intérêts communs, de se regrouper autour de projets plus ou moins importants, d’ordre sensible ou économique. Elle permet aussi de se retrouver ensemble dans la ville et est source d’initiative dans le paysage urbain. Ces outils possèdent des capacités fortes. Ils permettent aux personnes de se regrouper et d’avoir un destin commun. Ce destin commun doit servir à redessiner la ville grâce à différents aspects ou filtres qu’on peut poser. Il doit aussi y apporter une touche humaine, individuelle, et faire parvenir une sorte de sensibilité que l’on peut, au premier abord, complètement dissocier de la technologie. Ces nouvelles technologies sont peut-être à voir à travers une carte aux trésors : faire découvrir 36–36–

des lieux non répertoriés à l’Office du Tourisme par exemple, ou plutôt faire découvrir quelque chose de sensible, qui nous tient à cœur, grâce aux gens qui connaissent la ville et qui sont à même d’en parler. Ces découvertes peuvent prendre des formes multiples. Cela peut être le bar préféré ou le restaurant préféré de quelqu’un, information souvent relayée au second plan car elle est considérée comme non importante. Pourquoi ne pourrait-elle pas prendre de l’importance pour une personne ou un groupe ? Pourquoi notre bar préféré ne serait-il pas plus important qu’un musée ou qu’une place ? C’est ainsi une hiérarchie des informations que le « Slow urbanism » propose de mettre en avant. Il propose de ne plus voir la ville comme une masse de données compacte, entière, avec une lecture très horizontale de l’information, mais plutôt de réfléchir à cette masse d’information, de la filtrer et d’en récupérer une subjectivité. Il s’agit de ré-humaniser la ville, d’utiliser une sorte de déconstruction, de filtre qui va permettre de retirer certains points dans le parcours. Cette réorientation va apporter du temps libre. Il s’agira de découvrir la ville autrement, de ne plus relier un point A à un point B de la façon la plus rapide possible, mais de réfléchir à comment la parcourir. Non pas comme on le faisait avant en rendant la technologie dégressive, mais plutôt de penser à comment la faire à son image plutôt qu’à celle de la technologie. L’humain et la communauté sont vraiment au cœur de ce « Slow urbanism ». Il faut réellement réfléchir à l’impact que l’on peut avoir sur la ville grâce à la technologie. Un impact qui, selon moi, est plus puissant que ce que l’on pense. On se trouve dans une période où l’on peut décider de ce que pourra être la ville future. Tous ces outils de développement doivent nous permettre de construire un groupe centré sur l’humanité et développer une ville à notre image, pour faire de la technologie un véritable outil dans notre quotidien.


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Bourse d’études MDS 2015 .......................................................... Marine Pierson

Marine Pierson - Lauréate de la bourse MDS 2015

M ari n e Pierson

Il y a un an, l’association Métropoles du Sud me donnait l’opportunité d’effectuer des investigations sur le sujet des gares. C’est à ce moment qu’a émergé le projet TRAINING que je vais vous présenter aujourd’hui. TRAINING est un projet de recherche sur les gares et leur représentation dans la ville. Il est l’occasion d’étudier des gares à travers une réflexion plus globale sur les villes et leurs connexions. Lors de plusieurs voyages en 2015,

il a été possible d’expérimenter et d’étudier des gares de différentes échelles, architectures, histoires. Celles qui ont été retenues afin d’être analysées, comparées et mises en perspective sont celles de Copenhague, Kyoto et bien sûr, Montpellier. Le but de la recherche est d’explorer des moyens d’analyse permettant d’appréhender les gares dans leur ensemble mais aussi dans leurs spécificités. Enfin, ce travail vise à vous mettre à contribution afin d’examiner de nouveaux outils intellectuels, –39–


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graphiques et pratiques pour réfléchir aux différentes échelles architecturale, urbaine et paysagère. Pour percevoir la ville, il est nécessaire d’utiliser des outils et ce, d’une certaine manière. Une méthodologie est nécessaire. Il existe un grand nombre de méthodes possibles pour approcher le territoire. Le but de cette première partie est de passer en revue quelques manières d’analyser les gares en tant qu’éléments physiques, qu’objets architecturaux et d’aboutir à une démarche déclinable, tout en pouvant les comparer avec les résultats obtenus ici. Les gares, tout comme de nombreux autres éléments de la ville sont considérées comme des icônes. Elles occupent une place particulière de par leur rôle et la manière dont elles sont implantées. Ainsi elles véhiculent une image, une représentation dans l’esprit des riverains. Afin de poursuivre l’analyse des gares, il semble fondamental de toucher du doigt cet aspect et nous allons ici tenter de déterminer une méthode pour y parvenir et d’en parcourir les résultats. Pour réussir à appréhender le territoire, de nouvelles méthodes, autres que le plan qui impose des limites, sont à envisager de manière que, architectes et urbanistes puissent commencer à imaginer en aborder tous les enjeux (ou du moins la plupart). Pour ce faire, les différentes approches envisagées doivent être de deux types : spécifiques, applicables à des aspects précis et systématique, répondant à une logique de fonctionnement. On doit également ajouter à cela la dimension de la comparaison. L’intérêt de recueillir des informations sur un bâtiment ou un quartier est sa mise en perspective afin d’en tirer des conclusions. Dans le cas de notre étude, la méthode est la suivante. Nous étudions les gares de trois villes. Pour chacune d’entre elles, nous avons défini un diamètre de 1km autour de la gare, comme zone d’étude. Puis, nous avons produit les mêmes documents et recherches pour chacune d’entre elles. Certains se sont révélés inutiles, 40–40–

d’autres incontournables. Le but de cet ouvrage est d’exposer les outils qu’il semble intelligent d’utiliser lorsque l’on souhaite effectuer le même travail en ayant en toile de fond ces mêmes résultats pour les gares de Kyoto, Copenhague et Montpellier, afin de mettre en perspective les données recueillies. D’une manière générale, il est important d’adapter les documents à son discours car on l’a vu, aucune analyse n’est objective. Malgré tout, il existe des constantes du fait que toutes les gares répondent aux mêmes enjeux de base. Nous avons ici tenté d’expliquer et d’illustrer la méthode employée par K. Lynch pour élaborer des cartes mentales, telle qu’elle est décrite dans son livre L’Image de la Cité. Afin de réfléchir à l’aspect imaginaire véhiculé par les gares, nous avons tenté de nous approprier cette méthode et de l’utiliser pour étudier de cas de la Gare Saint-Roch à Montpellier, France.


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Tout l’intérêt de ce travail de recherche sur l’imaginaire engendré par les gares a été d’investiguer une méthode permettant d’évaluer cette notion, de la matérialiser et de s’en rendre compte. L’approche choisie a été une réinterprétation de celle employée par K. Lynch. La trame principale a été conservée, tout en en adaptant certaines parties du contenu comme la reformulation de certaines questions, l’ajout d’autres par exemple. La première étape a été conservée et il s’agit de celle de la « lecture » de la zone employée par une personne entraînée. Étant architecte, j’ai fait le choix de réaliser cette étape moi-même, au tout début de mes investigations, avant d’effectuer des recherches plus approfondies afin d’avoir un œil neuf. Mon approche a été celle d’une personné éclairée, habitant à Montpellier et pratiquant la gare occasionnellement. Par praticité et afin de rester proche des conditions d’utilisation future de cette méthode, ce travail n’aura été effectué que par une seule personne. La seconde étape est celle des interviews. Pour des raisons évidentes, une partie importante de cette phase concerne les interlocuteurs. Il est primordial de viser une mixité de profils à tous points de vue : âge, sexe, catégorie socioprofessionnelle, lieu de résidence. Ici, le choix s’est porté sur trois styles d’individus. Tout d’abord nous avons souhaité nous orienter vers des personnes habitant dans ce qui a été considéré comme le quartier de la gare. Elles pratiquent la zone étudiée au quotidien, sans forcément expérimenter l’objet gare dans son utilité première qu’est la fonction ferroviaire. On a supposé qu’elles pouvaient en avoir une perception pratique, relativement précise et fine dans un certain angle. Puis, le choix a été fait de viser des personnes pratiquant la gare très régulièrement, qu’elles soient Montpelliéraines ou pas. Ce sont des personnes qui ont une pratique de la zone presque opposée aux personnes précédentes dans le sens où leur but est d’utiliser la gare pour voyager, aller d’un point A à un point B alors que les premières

sont « forcées » d’utiliser cette zone dans le sens où c’est leur point de départ mais la gare n’est pas leur finalité, elle fait partie d’un parcours. Ceci nous permet d’avoir une vision globale dans ses différents aspects justement et d’aborder la problématique de sa position dans la ville. Enfin, il a semblé important d’interroger des spécialistes, initiés à l’étude urbaine et architecturale. Ceci a pour but d’uniformiser les réponses et d’obtenir une base commune. Au total 74 personnes se sont prêtées à l’exercice entre les mois de janvier et de novembre 2015. 28 d’entre elles sont passées par la « méthode directe » et 46 ont répondu au questionnaire en ligne, la « méthode indirecte ». La phase de recueil des informations ayant certes été une partie importante d’un point de vue temps et intérêt, celle de l’interprétation de celles-ci a été d’autant plus délicate. En premier lieu, il est important de parfois recouper les questions et mettre en commun les résultats afin d’en tirer des statistiques significatives. Les résultats sont organisés en quatre grandes catégories. La première catégorie concerne les éléments physiques relatifs à la gare en générale, puis à celle de Montpellier.

La seconde catégorie concerne le trajet et le rapport des personnes interrogées à la gare. La troisième catégorie concerne la reconnaissance visuelle. La quatrième catégorie plus générale sollicite davantage l’interlocuteur quant à son avis sur les gares, ses expériences de celles-ci et interroge leur vision de ces lieux pour le futur. –41–


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représentées est très frappante. La dernière manière de restituer les informations a été la représentation graphique des cartes mentales. Nous avons fait le choix ici de coller le plus possible à la méthode de K. Lynch en établissant une carte issue de notre propre analyse, une issue des réponses au questionnaire internet et une comme un bilan des cartes dessinées lors des interviews. Cela permet de comparer facilement les résultats et la carte en elle-même était l’occasion de revenir à l’essence de l’exercice. En ce qui concerne les points de repères, il existe certains que l’on retrouve sur chaque carte, quel que soit l’interlocuteur. Parmi eux, on retrouve la nef de la nouvelle gare, les arrêts de tramway, le square Planchon et le Mc Donalds de l’angle de la rue Maguelone et de la rue Jules Ferry.

Tous ces éléments sont proches physiquement de la gare, dans un rayon de 50 mètres environ. Ils figurent du côté nord de la gare et sont remarquables par le fait qu’ils sont presque tous en lien physique direct. On peut presque parler d’une « zone » identifiable. Dans un second temps, de nombreux dessins se sont organisés selon les armatures, c’est-à-dire les voies de circulation. 60% des personnes interrogées dessinent ou estiment vouloir dessiner leur plan de la gare à partir des armatures, 15% à partir des bâtiments et 25% à partir de points de repères précis. La manière dont celles-ci ont été 42–42–

Au cours de cette année, il a été passionnant de parcourir des gares dans des pays si différents. Il est frappant que celles-ci fonctionnent sur une base commune et l’idée d’y appliquer une méthode a émergé. Le but n’est pas de plonger dans les détails de chacune d’entre elles, mais au contraire de les comparer et d’investiguer des moyens, des outils d’analyse que vous pouvez utiliser à votre tour lors de vos prochains travaux.

Vous pouvez retrouver l’intégralité de ces travaux dans Training. Le livre édité à 200 exemplaires. Merci à COBE pour cette année de stage au cours de laquelle j’ai notamment pu travailler avec des personnes formidables sur le projet de la gare d’Aarhus, projet au cours duquel mes vagues idées se sont aiguisées et transformées peu à peu en cet ouvrage. TRAINING est un projet issu de presque une année de recherches, mais c’est avant tout une opportunité formidable qui m’a été donnée de concrétiser un travail qui me tenait à cœur, à travers la Bourse d’étude Métropoles du Sud. Je tiens à remercier chaleureusemenet les personnes à l’origine de ce projet, Élodie Nourrigat, Jacques Brion et bien sûr, Marion Moustey. Merci pour la confiance que vous m’avez accordée et pour m’avoir offert cette chance.


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Photos : 1 // Israels Plads – Copenhague - 2008. 2 // The Library – Copenhague - 2011. 3 // The Paper island - Copenhague - 2006. 4 // Nordhavnen - Copenhagen - 2008.

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Agence COBE ..........................................................

Mads Birgens Kristensen Architecte - Chef de projet Copenhague - Danemark

R épon dant : Jordan S h arp - é t u d i a nt à l’ E N S A M

COBE est une agence d’architecture internationale basée à Berlin et Copenhague, fondée en 2005 par les architectes Vanessa Miriam Carlow et Dan Stubbergaard. Le nom COBE provient de l’association des deux villes d’origine de ses fondateurs – Copenhague et Berlin. Aujourd’hui l’agence est structurée en deux entités bien distinctes sur chacune des villes et réalise indifféremment des projets seul ou en association sur les deux structures.

COBE se définit comme étant une communauté d’architectes progressiste et contemporaine travaillant à plusieurs échelles : des bâtiments à l’espace public, jusqu’à la planification urbaine à grande échelle. Pour COBE, l’architecture n’est pas l’expression d’un certain style ou d’une recherche formelle, le plus important est sa capacité d’adaptation au contexte, à la société et à la vie de ses utilisateurs. Leur mission est de créer des villes, des espaces publics et des bâtiments qui fonctionnent comme des moteurs –45–


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sociaux et qui sont compris intuitivement par les citoyens qui les pratiquent. Pour Dan Stubbergaard, l’architecture est quelque chose de beaucoup plus grand qu’une simple évocation par de beaux dessins. Il a conscience de l’impact social que peut avoir une bonne architecture et de la nécessité de traiter autant les questions pragmatiques que les grands défis rencontrés par la société actuelle. Depuis sa création, COBE a acquis une reconnaissance internationale grâce à la réalisation de projets innovants, ainsi qu’en remportant de nombreux prix. L’agence a notamment reçu le MIPIM Award 2012 pour la meilleure rénovation de bâtiment avec la bibliothèque de Copenhague, et le MIPIM Award 2015 pour le meilleur développement résidentiel avec les logements Kroyers Plads. Mads Birgens Kristensen Je voudrais tout d’abord vous remercier pour votre invitation à ce colloque que je trouve très intéressant. Il y a des personnes brillantes réunies aujourd’hui et j’en sais maintenant davantage sur les villes intelligentes. C’est très intéressant de parler de ces villes car nous vivons dans des lieux qui sont complexes. Il y a des langues et des cultures très différentes. Même si nous sommes sur le continent européen, il est difficile de communiquer entre les diverses cultures. Il y a des couches culturelles incroyables et lorsque nous mettons ce casque de traduction, nous pouvons supprimer les problèmes. Nous serons peut-être encore plus intelligents dans le futur et pourrons peut-être même mettre une puce dans notre tête pour communiquer. L’avenir nous le dira. Je vais commencer par aborder cette notion de « ville intelligente ». J’ai un peu modifié mon sujet d’intervention, car je vais surtout parler de « Métropoles du Nord » et de « la ville intelligente du nord ». Lorsque je voyage, je suis impressionné par le fait qu’on puisse passer si vite d’un monde à un autre. Je suis parti de 46–46–

ce monde plein de neige et de glace à -10°C et j’arrive ici, à Montpellier, avec une température de +10°C. Le changement est absolu. L’environnement, les paysages, les personnes ne sont pas les mêmes. Le voyage à travers le monde et la communication (smartphone, mail, etc.) sont devenus très efficaces. Ainsi, optimiser notre voyage nous permet de nous déplacer de façon très efficace et de partager des idées entre cultures de façon bien plus fluide. Je pense qu’il est important aujourd’hui d’aborder les barrières culturelles qui existent encore sur notre continent. Le partage est devenu très important. À Copenhague par exemple, on fait du covoiturage et on se déplace en vélo, même en hiver sous 20 cm de neige. À Montpellier, on se déplace facilement, il n’y a pas de neige et il fait doux. J’aimerais bien y passer au moins deux semaines d’ailleurs. Je voudrais transférer cette idée de la ville intelligente à notre sujet de prédilection, celui de l’architecture. Dans un cabinet d’architecture, on travaille avec la planification urbaine et on parle beaucoup de l’optimisation, de la gestion des déchets, des transports, de l’énergie, etc. Mais très souvent tout cela est invisible. Je veux parler du fait de travailler sur la forme d’une ville, le fait de la façonner pour qu’elle soit beaucoup plus intelligente, plus soutenable et écologique, et le fait que la culture urbaine soit plus humanisée. C’est ce que nous cherchons à faire à Copenhague. J’aime beaucoup cette citation de Winston Churchill : « il est essentiel de façonner nos villes par rapport à nos cultures ».


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C’est en essayant d’imaginer l’impact sur les générations futures que nous laissons une marque culturelle sur la planète. Il serait bien triste de faire le contraire. L’architecture n’est pas une question de style ou de forme. Il est beaucoup plus important de s’intéresser au contexte, à la vie sociale et surtout aux utilisateurs. Parler de la ville intelligente fait partie d’une thématique bien plus large qui appartient au développement durable et à la culture durable et soutenable. On peut appeler ça une « culture urbaine intelligente ». Dans notre bureau à Copenhague, il y a quatrevingts personnes dont des architectes, des développeurs, et beaucoup de stagiaires très talentueux. Nous travaillons de manière intégrée, collective et à toutes les échelles urbaines.

Lorsque nous travaillons sur un bâtiment, nous regardons l’échelle urbaine ainsi que l’espace urbain, tout est lié. Nous sommes très contextuels quelle que soit notre mission et nous étudions plusieurs couches : le social, l’urbain et le culturel. Cette notion de culture urbaine est vraiment notre maître mot, c’est la clé de la construction de villes durables pour l’avenir. Nous avons beaucoup d’outils à notre disposition. Dans notre bureau, nous avons un grand bac de lego qui fait le bonheur de nos enfants. Nous sommes fascinés par cela. C’est très ludique, basé sur la communication, le dialogue et c’est quelque chose d’intergénérationnel. On peut construire des choses incroyables à partir de legos en

étant tous ensemble, avec les enfants, la famille et les grands-parents. C’est grâce à ce principe que nous essayons de garder un dialogue et une ligne de communication avec les urbanistes, les entrepreneurs et les maîtres d’ouvrages. On construit donc ensemble et cela permet d‘engager tout le monde dans un seul et même projet. Le processus de développement architectural est basé sur une notion de multiples options : on démarre avec des esquisses, on peaufine, on élimine certains projets et on obtient un projet final. Parlons maintenant de notre planète, sur laquelle tout est lié aux ressources naturelles. Nous ne possédons qu’une unique planète et avec la vitesse à laquelle nous utilisons ses ressources, il nous en faudrait deux. Un problème se pose donc et le développement durable est primordial face à cela. Il s’agit de ressources, de changement climatique, de problématiques de la mobilité et d’intégration sociale, un très grand sujet dans le monde à l’heure actuelle. Il s’agit aussi de l’aspect économique qui influe et qui impacte fortement notre métier depuis une dizaine d’année. En tant qu’architecte et urbaniste, nous avons besoin de prendre en compte tous ces éléments. Je vais aujourd’hui vous parler du Danemark et de la Scandinavie en général. Notre bureau se situe en plein cœur de Copenhague, près du canal de Nyhavn. Il est placé dans la partie touristique par excellence, dans un pôle très créatif qui sera développé d’ici 2 ou 3 ans et qui deviendra une zone d’habitation.

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Au Danemark, il n’y a ni Tour Eiffel, ni Tour de Pise, ni Statue de la Liberté, mais il y a une petite Statue de Sirène. Les gens sont toujours déçus en la voyant, surtout les Chinois qui s’attendent à quelque chose d’énorme telle que la Statue de la Liberté. Copenhague est en pleine évolution et son développement urbain attire l’attention depuis des dizaines d’années. La marque de la ville est passée de cette petite sirène à l’idée de « j’aime Copenhague », comme concept et manière de vivre de façon durable. Toute la ville est développée autour de la ville propre. La qualité de vie est devenue l’élément clé en terme de notoriété. On peut par exemple nager dans la mer en plein hiver. Des zones urbaines colorées et vivantes ont aussi été développées. Un pont, qui permettait la traversée des voitures, a même été aménagé en zone piétonne et en voie cyclable. C’est devenu « the place to be » à Copenhague. Énormément de monde s’y rend, surtout en été où les gens font la fête, mettent de la musique toute la nuit, etc. Beaucoup d’argent a aussi été investi dans la question du développement du vélo (déplacement, routes cyclables…). Les infrastructures et voies cyclables sont uniques et adaptées à toutes les conditions météorologiques. C’est assez phénoménal et quel que soit le temps, on se déplace en vélo dans la ville. Je vais vous parler maintenant de la zone portuaire. Dans les années 1950 a été créé un plan en forme de main qui est aujourd’hui très connu. Il s’agit du master plan utilisé pour la ville. Autour de la pomme, la densité est élevée et dans les doigts, il y a une infrastructure avec des points centraux.

On retrouve des axes formant des sortes de couloirs de transports urbains, et un paysage qui entre vers la ville et qui fait de Copenhague une ville très verte. Le projet portuaire fait 48–48–

aujourd’hui partie de la pomme dans sa globalité, avec les doigts de la main qui entrent dans l’arrière-pays. Cette idée de densification de la ville et de densification de la pomme de la main est le nouveau paradigme. Le projet portuaire y joue un rôle clé. Il y a aussi une collaboration à grande échelle avec la ville de Malmö et on parle beaucoup de la région d’Øresund. La collaboration régionale entre ces deux villes est très renforcée au niveau de la flexibilité, de la souplesse des zones de travail, de la croissance, etc., tout cela est devenu complexe aujourd’hui à cause de la fermeture des frontières. Copenhague est en pleine évolution avec une croissance démographique énorme. Il y a environ 2 000 personnes de plus par mois, ce qui engendre une forte pression sur l’habitation et l’emploi.

Urban transformation Copenhagen Northharbor Nous avons remporté un important concours international en 2008. La problématique était la suivante : comment créer un quartier nouveau sur cette friche industrielle pour qu’elle devienne une zone d’habitation ? Comme dans toutes les villes du monde, la zone côtière en pleine transformation à Copenhague. Au nord, la partie portuaire fait partie du paysage côtier. On a tenté de transformer cette partie de la côte en une zone d’habitation pour 40 000


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personnes. C’était réellement le but du projet, c’est à dire bâtir sur la zone côtière et créer des îles autour de cette région d’Øresund, en se concentrant sur l’idée de la ville intelligente. C’est une zone de développement gigantesque sur laquelle on travaille. L’échelle est de 50 ans. C’est un quartier neuf, avec beaucoup de ressources qui sont apportées afin de créer une nouvelle identité pour la ville. On travaille beaucoup sur le rapport avec l’eau. En effet, c’est une ville sur l’eau, avec des petits quartiers situés sur des péninsules individualisées. Nous allons intégrer la zone portuaire au niveau du système de métro, au nord du réseau. D’ici trois ans, cela fera partie de l’infrastructure urbaine et du transport urbain. Près de la ligne de métro, il y a une forme en cercle qui dessert les îles, telle une corde que l’on jetterait à l’eau. Nous allons construire les voies cyclables en parallèle. L’aménagement du métro et des voies cyclables se fait donc main dans la main, il s’agit d’un couplage des deux. Aujourd’hui, nous en sommes à poursuivre la construction vers l’extérieur. L’approche a été de diviser le projet en îlots afin de pouvoir développer la zone en créant des identités uniques avec des quartiers séparés. C’est une bonne chose pour l’identité et la construction de communautés, mais aussi parce qu’une crise financière peut arriver à tout moment de nos jours. L’objectif est de finaliser chaque îlot et d’avancer pour ne pas avoir l’impression de vivre dans un chantier en cours durant des années. Il y aura toujours un canal qui sépare les habitations de la prochaine partie à développer. Ainsi, on avance étape par étape. Les ilots possèdent une infrastructure circulaire. Avec une vue aérienne, on peut s’apercevoir grâce à tout ce bleu qu’il s’agit bien d’une ville sur l’eau. On a la possibilité de prendre sa voiture personnelle, mais c’est plus compliqué que de se déplacer en vélo ou en transport en commun. Ainsi, l’utilisation de la voiture est repoussée. On retrouve à l’intérieur du projet tous les équipements nécessaires à la vie quotidienne,

tels que les crèches, magasins, commerces ou loisirs. Il y a aussi de nombreux espaces verts avec quelques îlots dédiés uniquement aux loisirs. Une véritable colonne vertébrale verte est dessinée. Il y a des couloirs verts sur la partie orientée vers le sud, avec à chaque fois une identité unique qui va se développer dans les années à venir. Sur le plan structurel de cette partie de Copenhague, nous travaillons à partir d’une structure de grille qui nous permet de développer la zone. C’est bien sûr considéré comme étant « intelligent » grâce à la technologie qui est utilisée. On peut diviser et sous-diviser, en tenant compte des éléments climatiques et météorologiques tels que la vitesse ou la puissance du vent. Nous sommes aussi très sensibilisés au réchauffement climatique et nous possédons les différents certificats écologiques et de développement durable. Nous avons une approche énergétique qui tient compte de l’idée d’être à énergie positive et d’être à un taux de CO2 négatif. Notre moyen de déplacement pour l’avenir mélange les dispositifs sur l’eau (canaux) ainsi que les petites routes et voies cyclables. Dans une vidéo que nous avons faite il y a quelques années pour le maître d’ouvrage, nous voyons comment la ville est organisée et comment le développement graduel de ce projet se fera dans le temps. La première partie sera finalisée dans deux ans.

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Nous venons aussi de remporter un concours pour le développement d’une des pointes du projet. Il s’agira de développer une partie dédiée aux bureaux. Nous sommes en train de requalifier un ancien silo et nous allons également créer de l’habitat. On a aussi remporté un concours pour créer deux stations de métro. Nous sommes donc très impliqués dans ce projet. Nous travaillons à tous les niveaux pour tenter de développer toutes les couches du projet. Celui-ci sera magnifique, ça sera la vraie ville durable de l’avenir. Tout est à échelle humaine avec une densité de 200 % alors que tout le bâti reste entre 4 à 6 étages. Il s’agit réellement d’une ville humanisée qui se focalise sur les espaces publics et les espaces verts. Les rues restent très intimes et gardent toujours un lien étroit avec l’eau. Lorsque l’on regarde la modélisation 3D, on a l’impression de se promener dans un modèle des années 1980. C’est un peu démodé mais ça donne quand même une idée. Il y a une partie bureau que nous attendons depuis deux ans, depuis que l‘on a gagné le concours. Au RDC, le programme est orienté au grand public. À Copenhague, l’hiver est très rude et ce n’est pas très agréable de vivre à l’extérieur. On a donc créé un jardin d’hiver à l’intérieur du bâtiment avec des cafés et restaurants. En restant dans la notion de ville intelligente, le bâtiment est accessible à tous et peut donc être utilisé toute l’année. Pour revenir aux plans, la première partie sera développée autour d’un pôle de structure existant. Celui-ci a été maintenu et a permis de créer le style de la construction. On va donc garder un ton rouge qui crée une réelle atmosphère. Les anciens silos ne seront pas rouges mais seront exprimés différemment. À partir de cette ancienne usine, on va créer un bâtiment qui garde un maximum de l’ancienne structure, tout en le réadaptant et en le requalifiant. Le but est de créer un bâtiment à énergie positive. Il y a plusieurs étages avec des hauteurs de 50–50–

plafond différentes, d’environ 9 mètres, ce qui est très rare dans les constructions modernes. Ça sera un bâtiment phare sur cette zone de développement, ainsi qu’un bâtiment très extravagant et particulier. Ce qui est intéressant dans ce projet c’est qu’il y a deux fonctions publiques : en haut, un restaurant et café accessibles au grand public, et en bas une galerie, un lieu d’exposition. Cette exposition sur le développement de la zone portuaire au nord est incontournable à Copenhague. L’Israels plads Comme toutes les agences d’architecture nous répondons à beaucoup de concours. « L’Israels plads » est la plus grande esplanade du Danemark, située juste à côté d’un espace vert, l’ØrstedsParken. C’était auparavant un lieu de marché, puis un immense parking. Sur cette esplanade, nous avons créé une forme et nous avons transformé la place pour qu’elle soit un lieu de loisir et de sport. Les voitures sont placées au sous-sol. On essaie d’y attirer toutes sortes de personnes : celles qui font leurs courses, des jeunes, des personnes qui souhaitent faire du skateboard ou celles qui veulent simplement s’assoir, boire un café et discuter. C’est un véritable lieu de vie en plein milieu de Copenhague.

Nørreport À proximité, nous retrouvons le projet Nørreport, une ancienne destination vélo très importante. C’était peut-être le hub le plus important avec 20 000 personnes qui y transitaient tous les


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jours, un véritable nœud central. Auparavant, c’était un lieu complexe où les vélos se trouvaient les uns sur les autres. Il était même difficile de retrouver son propre vélo. En 2008, nous nous trouvions réellement en plein milieu de couloirs cyclables. Il y avait cependant la place pour un flux important, cela a inspiré nos projets actuels. On a donc tenté de résoudre le problème du vélo tout en gardant cette culture très marquée. La culture du vélo a d’ailleurs engendré de nouvelles problématiques assez complexes sur lesquelles je reviendrai par la suite. L’approche en terme de design a été de comprendre le flux des personnes. On a créé une modélisation de ce flux, ce qui nous a donné la base du projet. Il passe d’une certaine façon, avec des îlots à individualiser au milieu. Il y a des systèmes de ventilations installés dans ces zones, car le système ferroviaire n’est pas conçu en lien avec le développement durable. Il fonctionne à partir d’essence. Il y a des zones de stationnement pour vélo, la gare à proximité, les stations de bus et des « lits à vélo » — des aménagements pour vélos joliment présentés dans les espaces urbains, à l’image des jardins avec des fleurs —.

Tout cela a été finalisé récemment et fonctionne très bien. L’intégration du vélo a été essentielle pour le concours et dans le projet. Nous avons rabaissé les zones de stationnement de vélos de quelques centimètres afin que ça

soit moins bruyant, moins complexe et plus harmonieux. Un système simple pour stationner les vélos a été créé avec des ronds très serrés. C’est un bon outil pour gérer les vélos et ça fonctionne très bien. Les propriétaires de vélos sont devenus très disciplinés et les zones de stationnement grandissent au fur et à mesure. Avant, les nombreuses pentes empêchaient le stationnement, mais tout cela est mieux géré aujourd’hui. C’est très beau aussi la nuit car il y a des petites lumières, comparables à des lucioles, qui volent au-dessus des baies de stationnement. On se trouve en fait dans la sensibilisation et l’éducation des propriétaires de vélos. Les baies de stationnement n’étaient pas utilisées à bon escient. Aujourd’hui, ce sont des zones traitées avec respect. The Library NV « The Library NV » est un projet de bibliothèque que nous avons réalisé. Le projet consistait à créer un mélange de plusieurs styles sur un bâtiment existant, dans une zone colorée, et mixte au niveau des usages et des bâtiments. Il a fallu rajouter 2 500 m2 pour une bibliothèque et une salle de concert. À part l’enjeu sur la diversité, l’idée principale était de faire en sorte que ces différentes bibliothèques s’empilent les unes sur les autres, avec des qualités et des identités bien distinctes.

Par exemple, entre une salle de concert et un lieu pour faire des fêtes, il y aurait des endroits bien plus souples avec des fonctions –51–


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de bibliothèques plus réduites ou de salles de réunion. Les différents programmes se sont ainsi construits comme si l’on empilait des livres les uns sur les autres. Les zones souples, entre deux programmes, seraient à utilisations multiples. Les parties entre le vieux bâtiment et les nouvelles fonctions créent une ambiance très vivante. Il y a beaucoup de lieux cachés et des zones plus intimes où les jeunes et les anciens peuvent lire des livres, boire un café ou se rencontrer. C’est devenu un lieu de rencontre important pour ce quartier diversifié aux multiples nationalités. Les habitants l’utilisent comme un salon urbain. « Remember my name », un artiste très connu au Danemark, a travaillé sur des dessins du projet. Les bibliothèques possèdent différentes atmosphères : la grotte pour que les enfants jouent, la bibliothèque pour les jeunes et celle pour les adultes faites de bois. Tout en haut, il y a un espace pour les événements avec une vue sur l’ensemble de Copenhague. On comprend très bien les différentes atmosphères qui règnent dans ce projet. C’est ce qui le rend adapté au quartier. Social infrastructure Depuis quelque temps à Copenhague, les lieux sont devenus plus conviviaux et il fait bon y vivre. Les gens ne quittent plus autant la ville qu’auparavant, ce qui signifie que le nombre d’enfants a explosé. Le nombre de crèches n’étaient donc plus suffisant. On a donc dû construire 30 à 40 crèches de plus. Ce projet est important pour la municipalité. Quand on regarde l’architecture pour les enfants, leurs fantasmes, les lieux dans lesquels ils aimeraient se rendre tous les jours, on fini par aborder le problème d’être parent lorsqu’il faut se rendre à la crèche. Au lieu de construire une grosse machine et des bâtiments semblables, on a créé un concept de village pour enfants. Ce n’était pas l’atmosphère d’usine à enfants qui était recherchée, mais le but était de greffer l’idée d’avoir des repères et des identités différentes et de construire des crèches autour de plusieurs 52–52–

noyaux. On a ainsi utilisé différents repères de la ville, tels que la mairie ou la caserne de pompiers, pour créer des espaces communs. On a par exemple une station de pompiers avec des petites voitures pour enfants. Il y a donc différentes fonctions avec des petits cubes qui peuvent héberger 20 ou 30 enfants à la fois. On a créé l’image d’un village vivant dans un contexte urbain dans lequel on apprend à ces enfants à vivre ensemble et à partager certains locaux, tout en ayant son propre environnement. Les enfants savent retrouver leur chemin pour retrouver leurs salles tous les jours. Il y a aussi un projet de paysage, avec un espace commun partagé par tous, qui est en cours de construction actuellement.

Il sera intéressant de voir comment tout cela va fonctionner. Ça va être coloré, très vivant, et bien sûr intense lorsque les parents vont laisser leurs enfants le matin : 700 vélos avec les enfants dessus, il faudra donc que la circulation soit bien organisée ! On a développé un autre petit village pour enfants situé dans un lieu appelé « la ville des anciens ». L’approche a été de créer différents noyaux pour 200 ou 300 enfants. Le concept était de créer des espaces différents dans lesquels les enfants pourraient entrer tous les jours. Il y a des fonctions et salles communes différentes. Il y a aussi beaucoup d’infrastructures paysagères, composées de plantes où les enfants allaient grandir et être acteurs de leur vie. C’est selon moi l’un des établissements les


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plus magnifiques de Copenhague. Il se fond dans l’environnement extérieur grâce à ses briques rouges. Construit l’an dernier, il est devenu un quartier hors pair pour les enfants. Certains disent qu’il s’agit d’une prison pour enfant et je n’aime évidemment pas cette image.

Roskilde Je vais maintenant vous parler du festival de Roskilde, un projet possédant une culture très particulière. On a remporté ce concours il y a quelques années pour construire une machine à Rock. Roskilde est un festival de renommée globale, connu pour un grand nombre de choses. On le connait pour le musée des vikings qui attire beaucoup de touristes ainsi que pour la plus vieille et la plus importante église du Danemark. Le « Rockmagneten » (aimant du rock en danois) était placé dans une arène. On a par la suite construit une nouvelle icône qui allait réunir la ville et le festival autour d’un projet de développement urbain qui s’appelle « Musical ». Il s’agit d’un développement très intéressant pour les industries créatives et les petites entités. On a créé la pièce centrale de ce nouveau quartier. Sur le site de l’ancienne usine à béton il y a des vieilles structures, on peut y voir le concept et les anciens espaces. La partie la plus importante a été de conserver ces espaces pour des activités socioculturelles d’ordre multiple. On devait préserver cette atmosphère très créative et diversifiée du lieu. Le projet jouerait un rôle important dans la ville et attirerait les jeunes pour des événements différents. C’était un concept primordial autour duquel on a dû travailler. Il a aussi fallu ramener

un nouvel aspect à ces structures non travaillées. L’idée a été d’amener un nouveau groupe dans la ville, un groupe qui allait toujours rester au sein du festival et au centre-ville. Il y a des fonctions secondaires et des volumes principaux. Nous retrouvons « Rockmagneten », un espace dédié aux bureaux et un lycée qui jouera un rôle important pour la diversité du quartier. Il y a aussi des anciens bâtiments qui ont été réhabilités et dotés d’une nouvelle fonction. Des objets loufoques reprennent le glamour et les idées de la culture rock. C’est un projet « bling bling » avec des éléments de la culture du rock qui sont devenus des concepts saillants du projet. Sur la façade, on voit un aimant en or qui sort du paysage de manière absurde et très attrayante à la fois. C’est une très belle réussite. À l’intérieur, tout est en rouge tel l’intérieur d’une guitare, c’était l’atmosphère recherchée. Le bâtiment possède une grande scène couverte en cas de pluie. Un tapis rouge passe par la rue principale, jusqu’à l’entrée. Il s’agit d’un bâtiment extrême de bien des façons et qui possède à l’heure actuelle le plus grand porte-à-faux du Danemark. C’est l’un des projets incontournables à Copenhague.

Knowledge City Le dernier projet est le Knowledge City qui a été livré la semaine dernière. Il est à Stavanger, la capitale pétrolière de Norvège. La ville possède un tissu urbain extrêmement éparpillé avec 90 % d’hébergements pour familles monoparentales. –53–


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Le campus universitaire n’est pas dans le cœur urbain, mais au milieu de nulle part. La culture de la ville a été construite sur le pétrole jusqu’au point où 60% des emplois se retrouvent dans l’industrie pétrolière. C’est un problème car depuis des années il n’y a pas d’autres sources d’emplois dans la ville. Depuis la crise, le prix du pétrole a chuté de 100 à 30 dollars par baril. Cela a engendré énormément de chômage et de licenciement, c’est-à-dire 20 à 30 mille emplois disparus du jour au lendemain. La ville possède ainsi un département industriel très important dans lequel la zone des startups est basée sur l’industrie pétrolière. Aussi, le repère principal sur ce campus est une infrastructure à pétrole qui illustre l’identité du lieu. Pour pallier à la crise, il a donc fallu travailler une situation plus diversifiée. Le projet a ainsi été lancé afin de rendre la région plus intégrée. Le programme était très ambitieux, avec 1 million de m2 à aménager. Il a fallu construire 4 000 hébergements pour les étudiants des nouvelles facultés, et étendre les incubateurs afin qu’ils se diversifient dans différents secteurs de croissance.

Un nouvel hôpital régional a également été construit sur 100 000 m2. Il fallait vraiment développer un campus universitaire fort pour l’ensemble de la région. Il a aussi été demandé d’introduire une nature urbaine, c’est-à-dire amener de la densité, des espaces urbains, de la cohérence sociale et faire en sorte que les gens se rencontrent en dehors du contexte universitaire. Cela représentait un véritable défi à cause de ce campus aussi étendu et 54–54–

traditionnel. Ce qui était positif dans le quartier c’était le couloir d’arbres qui faisait le lien entre l’incubateur avec la zone universitaire. C’était un point de paysage très fort sur lequel on pouvait construire. Le problème principal se trouvait dans ce total manque de densité, dont on a besoin pour créer un campus vivant. Il n’y avait aussi qu’un bus qui desservait les villes alentours mais celui-ci ne reliait pas les infrastructures principales. Il était donc difficile de se connecter aux autres villes. La question était de comprendre comment développer et initier une culture intelligente à Stavanger, une culture qui serait basée sur des études plus diversifiées et sur un objectif de croissance pour l’ensemble de la région. L’un des concepts a été de créer un lien très fort entre le couloir d’arbres, « la reine des idées », la zone de croissance (l’incubateur) et la zone de l’hôpital par la suite. Il a fallu aussi connecter la culture. On a donc créé un noyau super dense et urbain, bien relié avec les transports publics, au lieu de constituer un vide dans la ville. Il fallait ensuite se focaliser sur le fait de créer une épine dorsale urbaine avec des lieux de rencontre et un corridor social pour relier l’ensemble des zones. Il fallait vraiment croire à ce projet, l’envisager comme le nouveau paradigme du développement de Stavanger. L’objectif était de créer une ville de connaissance dense, basée sur une épine dorsale, sur des points de rencontres et des identités différentes. Nous avons créé ces cinq stratégies différentes. La plus importante se concentre sur les différentes identités et sur la fabrication d’un corridor très imposant entre les lieux de croissance et l’université. Il a aussi été important de faire une ville mixte, de créer des espaces de rencontre informels et de mélanger le bleu et le vert. C’était la stratégie appropriée pour mettre un cadre aux différentes identités. Le mélange de fonction est très important afin de ne pas avoir un grand centre résidentiel. Il fallait que tout se fonde dans la ville pour créer un environnement mixte. On a relié tout cela grâce


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à des transports en commun à travers la région, à des lieux de rencontre mais aussi en définissant le paysage ainsi que le paysage urbain. Le master plan est très dense dans cette zone car on y intègre réellement le contexte existant. Il n’y a pas vraiment de frontière entre le paysage et l’urbain. La construction s’est faite au fur et à mesure des années. La première phase a été de construire autour d’un corridor central plutôt que d’avoir cette croissance diffuse sur toute la zone. Le développement s’est donc réalisé à partir de cette épine dorsale centrale. Il était important de renforcer les identités de chaque zone afin de ne pas créer de monocultures. Pour monter la première phase du projet, on a fait en sorte qu’il y ait des utilisations mixtes avec des universités, startups, bureaux, etc., et peut être une médiathèque pour attirer la population. Le couloir qui relie l’incubateur et l’université est un « boulevard intelligent » qui sert de lien. Il fallait que ça soit un espace social mais également un espace qui gère l’eau. Tout au long du parcours, il est nécessaire d’avoir de l’eau, des transports en commun, des espaces pour les vélos et pour la marche à pied etc. On est passé d’une vaste zone ouverte à un espace public très ouvert, une arène avec différentes fonctions qui se fondent dans le paysage. La zone de croissance, qui se composait de bureaux très ennuyeux et d’un grand parking, s’est transformée en un lieu de rencontre avec une salle d’exposition au centre pour que les nouvelles entreprises puissent montrer leurs projets et tenir des conférences.

De manière globale, on a changé le point focal de la ville. Le but était réellement de transformer

la culture et le point focal de Stavanger, dont la plate-forme pétrolière était le seul repère. On a ainsi construit une culture de connaissance, une culture très urbaine. Le paysage reliera le quartier au reste de la région, qui bénéficiera peut être d’un avenir meilleur grâce à ce nouvel appel de croissance. Merci beaucoup. Question : Vos projets se situent principalement dans le secteur des « métropoles du nord ». Estce qu’à un moment vous allez vous intéresser au secteur des « métropoles du sud » et ainsi envahir l’Europe ?

Mads Birgens Kristensen : C’est sûr et certain. Nous sommes en train de préparer cela. J’espère que suite à cet évènement, je vais commencer à développer un réseau dans le sud de la France et mener des projets dans d’autres endroits en Europe. Malgré le nombre important de pays sur lesquels nous travaillons, nous sommes restés très local pour le moment. Cela –55–


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est dû au fait que nous avons tous à peu près le même âge, c’est-à-dire entre 30 et 40 ans. Nous avons donc eu nos enfants en même temps. Cela posait des problèmes complexes, surtout lorsqu’il s’agissait de voyager. On ne voulait pas se déplacer au-delà d’un périmètre d’une heure. Aujourd’hui, on est prêt à voyager pendant 2 ou 3 heures, et la ville de Montpellier nous est accessible en avion. Question : Vous semblez vous être penché sur la question de l’adaptation des sociétés et des habitants qui vont occuper vos projets. J’aurai voulu savoir si vous avez eu des retours d’expérience des utilisateurs ? Et si c’est le cas, est-ce ce dont vous vous attendiez ? Mads Birgens Kristensen : On n’a pas eu énormément de retour mais, de manière générale, celui-ci est positif. Notre focalisation sur les utilisateurs est très importante afin de comprendre la façon dont les gens vivent les lieux. On a eu majoritairement des réponses positives et la « Maison Dorée » en est un excellent exemple. Le directeur de cet établissement a eu énormément de réponses positives des gens qui vivaient dans le quartier. Il a été tellement fier de ce « salon social » qu’il racontait la même histoire à chaque personne qui venait : qu’il s’agissait d’une structure avec un empilement de livres. Il est devenu un personnage clé de cette zone. Je pense que grâce à lui, l’aspect social de ce projet a eu un impact très important. Le bâtiment a une image très diversifiée et est utilisé par des étudiants, des migrants, des gens du troisième âge, des jeunes familles. Pour l’instant il s’agit d’une belle réussite. Nombre de nos projets sont neuf. Nous verrons avec le temps si les vélos resteront bien alignés ou si la pagaille va revenir. Il y a eu un débordement une fois, on a donc commencé à éduquer les gens. Un policier à vélo se promenait même pour ramener l’ordre.

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Photos : 1 // ESPCI (Ecole supérieure de physique et de chimie industrielles) – Paris - 2015. 2 // Les Dunes Société Générale - Val de Fontenay - 2015/2016. 3 // Quai Ouest, rives de Meurthe - Nancy - 2015. 4 // L’immeuble REZO - Paris - 2013.

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Architectures Anne Demians ..........................................................

Anne Demians Architecte Paris - France

R épon dant : Qu entin G ira u d - ét u d i a nt à l’ E N S A M

Anne Démians crée en 2005 l’agence AAD, Architectures Anne Démians, une agence pluridisciplinaire composée d’architectes, urbanistes et ingénieurs, travaillant tant pour la commande publique que privée. L’agence apporte la même attention à toutes les échelles du projet et met en place un travail de recherche spécifique sur les process de construction et les enveloppes extérieures, dont les résultats peuvent être observés dans des projets tels que l’immeuble Rezo à Paris ou Zac Massena, pour lequel Anne Démians obtient

le prix de la femme architecte en 2013. L’agence a développé une aptitude visant à proposer des réponses sur mesure pour chacun de ses interlocuteurs. Au-delà de sa production architecturale, Anne Démians est engagée dans différentes réflexions sur l’actualité des villes, de l’architecture, de l’aménagement et de l’environnement. Ainsi elle participe à plusieurs groupes de travail dont la Caisse des Dépôts, portant une réflexion pour construire la « ville durable ». Et également sur –59–


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Le Grand Paris au sein du Conseil de l’Attractivité et de l’Innovation. Anne Démians intervient régulièrement dans les écoles d’architecture notamment à l’ENSA Bretagne et aujourd’hui à l’Université Paris Dauphine. Pour elle, la diversité des approches architecturales, urbaines et environnementales est moteur de connaissances revendiquées comme indispensables à l’élaboration de projets devenus de plus en plus complexes. Des projets qui nécessitent pour chacun d’entre eux, un regard particulier ne pouvant provenir que de structures ou individus capables d’y réfléchir dans une dimension globale. Anne Demians Élodie et Jacques m’ont demandé de répondre au thème suivant : poser une interrogation contemporaine dû au changement de paradigme urbain qu’implique l’apparition massive de nouvelles technologies. Question simple, réponse simple.

L’objet de cette intervention est de nous interroger sur le changement inévitable des modèles urbains qu’implique l’apparition récente et massive des nouvelles technologies, des nouvelles énergies, comme de toutes les formes qu’elles induisent directement ou indirectement. Il s’agit d’essayer d’apporter, en même temps qu’on les aura décelés, des nouveaux repères et des réponses appropriées.

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On prend à peine conscience, aujourd’hui, et certainement plus qu’il y a cinq ou six ans, qu’internet a modifié en profondeur nos échanges et nos modes d’expression. Pour autant, on a, d’un côté, une quantité d’études, très intéressantes, qui constatent ces changements et qui notent l’accroissement d’une économie de partage. Des études qui parlent d’une hybridation des cultures que développent naturellement, et de manière hypersonique, nos échanges permanents et brefs (plutôt raccourcis). Et c’est cette capacité à enregistrer des données infinies et entremêlées sur le développement des villes que nous développons avec entêtement (et, avec elle, tous les aspects complexes de l’acte de construire). D’un autre côté, nous montrons une incapacité sérieuse à intégrer des transformations qui restent issues directement du tout numérique. Alors que faire ? Nous faisons germer une société basée sur l’hyper-communication et, par ailleurs, nous faisons preuve d’un manque de concentration total sur les métamorphoses matérielles, urbaines et esthétiques qu’elle suggère, peu créatives et bien trop prudentes. Car, il n’est pas difficile de constater la difficulté que nous avons actuellement à réaliser une synthèse simple et lisible des choses, que personne ne fait plus en dehors de l’architecte. Nous restons sur des sujets que nous croisons par obligation et devrions en présenter une critique accablante, mais nous ne le faisons pas. Ce que je propose n’est rien d’autre que de faire sortir de la zone grise, certains thèmes qui sont essentiels à la pratique de notre art, quand on le confronte aux réalités d’un territoire d’études sur l’énergie, sur le social, sur les techniques, sur l’écologie ou sur le design. Cette démarche a nourri mes projets et l’ensemble de mes réalisations, ces huit dernières années. Deux grands chapitres sont développés : Énergie et Énergie. Le premier chapitre touche à l’Énergie proprement-dite. Il cherche à démontrer que le développement d’une économie avantageuse pour nos sociétés évoluées est inévitable et


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que le climat ne peut, pour autant, en être la sempiternelle victime. À travers la présentation de trois de mes projets, j’en énoncerai et en déclinerai le côté énergétique et technique (sans oublier l’esthétique) déployé suivant un processus de pensée engagée, puis fermerai ce chapitre avec la présentation synthétique des réflexions que je conduis au sein du groupe de travail RBR 2020. Ce groupe de travail a été mis sous l’autorité de Philippe Pelletier, délégué par le Ministère de l’environnement, pour acter des solutions urbaines et territoriales nouvelles, une fois qu’elles auront été débarrassées de cette surdose de règlementations qui accable la construction en France. Les membres de ce groupe sont aussi bien des représentants du secteur public (La poste/EDF/CSTB) que du secteur privé (Bouygues/Crédit Agricole).

modèle linéaire, construit et intelligent (la chronotopie des espaces), dans lequel le temps est le facteur principal, permet de renforcer toutes les occasions de partager rentablement et utilement l’espace construit. Espaces partagés entre habitations et bureaux, espaces partagés entre institutions et sociétés de privé, valorisant, sans aucune perte d’usage, et à tout moment de la journée et de la nuit, les dimensions les plus confidentielles et les plus ouvertes de la ville. Énergie et Énergie s’additionnent, s’entrecroisent, et s’entrechoquent. Elles ont comme dénominateur commun l’intérêt de l’espace et sa modernité, L’Énergie, à elle seule, peut-elle afficher une matérialité particulière ? L’Énergie, à elle seule, sait-elle produire une urbanité ? CHAPITRE 1 / ÉNERGIE

Le deuxième chapitre parle d’Énergie. C’est une manière de mettre à jour cette analyse qui agite l’accroissement des technologies numériques comme un apport majeur dans cette société d’hyper-communication installée dans l’instantané. Le développement d’internet a eu des incidences énormes sur nos modes de vie. C’est une évidence. La lecture attentive de « La Petite Poucette », de Michel Serres, permet de comprendre l’importance du numérique dans les changements conséquents qui se sont produits ces dix dernières années, dans nos rapports les uns avec les autres. C’est une énergie, dont la nature est complètement nouvelle, et qui se glisse en nous, se traduisant instantanément dans nos phrases et dans nos réflexes. Rapport à la connaissance, rapport à l’image d’une centralisation d’un pouvoir s’érodant au profit de la représentation plus horizontale d’un esprit collectif, plus collaboratif. Les attitudes au travail s’en trouvent modifiées et notre rapport à l’espace est bouleversé, qu’il soit rapproché ou territorial. Les centres urbains ont l’obligation de se transformer et doivent intégrer d’urgence l’idée de chronotopies actives et spécifiques pour qualifier mieux l’usage des espaces à consommer collectivement. Ce

Ce qui suit est un avancement méthodique à l’intérieur de mon travail. Ces avancées sont successives. On peut les considérer comme recherches appliquées. Chacun de mes projets est, en effet, l’occasion d’aller au-delà de la zone grise (cette zone consensuelle) pour faire émerger des questions théoriques. Bas-carbonne En 2008, EDF me demanda de répondre à la première édition de la Réflexion Bas-Carbone. J’y participai et j’en fus la première lauréate. Il s’agissait de répondre à cette question à peine abordée en 2008 : comment diminuer l’impact des émissions de carbone, produites par les bâtiments, dans l’atmosphère ? Ce projet, je l’ai donc considéré comme un projet de transition qui révélerait une prise de conscience et qui s’affirmerait comme un modèle rééditable. La question posée devenait alors la suivante : à quoi ressemblerait un bâtiment qui présenterait une identité bas-carbone ? On compte deux caractéristiques dans le carbone chimique : la forme pure et la forme impure. La forme impure, c’est le dioxyde de carbone qui contribue à augmenter l’effet de serre dans l’atmosphère et qui produit des –61–


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effets nocifs pour notre milieu. Le deuxième, plus pur, c’est le diamant, avec sa forme dure et pure. J’avoue préférer le diamant au dioxyde. Je me suis donc emparée de la forme éthérée du diamant et l’ai considérée comme la base manifeste d’un projet, auquel (puisque nous étions dans le sud, à Montpellier) j’assujettissais un projet, peu épais, reposant sur de grandes ouvertures au sud et de petites ouvertures au nord. Ce dispositif permit de générer des courants d’air entre le nord et le sud, au regard d’une différence thermique certaine entre la façade nord et la façade sud. La dimension passive était donc, ainsi, avérée. J’y rapportai, comme souvent dans mes projets, la question du travail que je conduis avec les industriels et avec les chercheurs, pour intégrer, dans le bâtiment, de nouveaux matériaux.

Ici, ce fut le dioxyde de manganèse qui aurait dû constituer le remplissage principal des panneaux préfabriqués en béton pour la façade. L’effet photosynthèse artificielle produit, était 300 fois plus efficace qu’un mur végétal. J’additionnai enfin une troisième composante : celle du cycle de vie, sachant que nous sommes encore en 2008 et que ces sujets ne sont alors abordés que de manière occasionnelle ou théorique. Aujourd’hui, ce réflexe est devenu plus naturel. Il est entré dans la gamme des questions que se posent les architectes et les maîtres d’ouvrage. Mais, on constate quand même que les banques de données sont trop insuffisantes pour être performantes. Considérer chaque matériau, qui contribue à la construction d’un immeuble, 62–62–

pour sa capacité à économiser sa propre énergie (au moment de sa fabrication), reste tout aussi important que de considérer sa maintenance et son recyclage. Ce projet n’a donc pas pu se faire, bien qu’il ait obtenu un accord de Christian de Portzamparc, architecte en charge du quartier de La Lironde, à Montpellier. Les raisons de cet empêchement restent obscures. Philippe Saurel soutenant, à l’époque, ce projet. C’est finalement Jean-François Gueulette, directeur de la SEMAPA/ Paris qui s’empara de l’idée et du projet, décelant son caractère démonstratif et vertueux. Il me demanda donc de changer certains éléments du projet pour l’adapter au climat parisien et à ses contraintes urbaines. C’est donc, après concours, dans le 13e arrondissement de Paris, que je devais réaliser ce projet. Je pose alors sur le site de Rungis, trois volumes simples que nous devions assujettir à la course du soleil afin que les bâtiments ne portent pas d’ombres importantes, les uns sur les autres. On règle ainsi, et de manière liée, la question du soleil et celle des contraintes de gabarit, attachées au PLU de Paris. Je voulais que ceux qui habiteraient le premier étage puissent prétendre à avoir autant de soleil que ceux qui logeraient dans les étages hauts. Cette transcription est intéressante car elle est l’occasion de repenser complètement le dispositif urbain des immeubles et la configuration intérieure du logement. Les contraintes forment souvent un prétexte qui fait avancer les choses. Alors qu’à Montpellier, nous avions un effet traversant, nous avions à Rungis des effets de double orientation sur les façades d’angle. Chaque appartement (même le plus petit) bénéficiait de deux, voire de trois, loggias qui favorisaient des voies de ventilation à travers les espaces habités. Les bâtiments avaient un coefficient de forme extrêmement performant. Nous sommes au nord de la Loire. Le rapport au climat est forcément différent à celui du sud. Et l’inertie de la masse bâtie et sa compacité restent, on le sait, les facteurs les plus agissants sur les résultats thermiques.


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TO 210 Ce projet reste exemplaire et emblématique pour la question qu’il soulève : celle de la hauteur dans les villes modernes. La Tour Montparnasse créa, en son temps, un traumatisme urbain important et la question de la hauteur fut, depuis sa construction, considérée comme point de non-retour. JeanPierre Caffet, chargé en 2008 des affaires urbaines de la ville de Paris décida d’organiser un atelier de réflexion auquel il m’invita à apporter une contribution. La question posée était la suivante : comment formaliser, le plus simplement possible, une bonne raison qui permettrait de construire en hauteur dans Paris ? Ce qui me sembla intéressant d’emblée, fut de dire qu’il n’y avait pas d’automaticité dans la question de la hauteur. Et qu’elle avait une bonne raison d’exister, si elle était le prolongement naturel et puissant d’une densité horizontale. Ce qui, à l’approche de la Seine deviendrait évident, puisque l’ouvrage, haut par définition, ne porterait aucune ombre en dehors de la surface portée sur le fleuve. Un autre sens apparaissait : tous les bâtiments emblématiques de la capitale se situant principalement sur les bords de la Seine, pourquoi pas, alors, une tour qui changerait radicalement cette perception empêchée de Paris ?

Nous sommes donc, bien là, dans un contexte particulier, soumis à l’incidence directe d’une perception nouvelle : un bâtiment de grande hauteur a sa place dans Paris, s’il apporte du nouveau sans contraindre son voisinage. On y trouve d’abord cette idée de vouloir en finir avec ce réflexe français qui pose les immeubles en hauteur comme des immeubles exclusivement chargés en bureaux ou, quelques fois, comme des immeubles exclusivement chargés en logements. Mais, jamais composites. Déjà donc, en 2008, je proposai d’assembler un immeuble de bureaux et un immeuble de logements au moyen d’une structure aérienne qui permettait de développer sur trois étages, des services partagés et des équipements de proximité, mais surtout de favoriser des échanges thermiques d’une grande efficacité. Là était son intérêt.

La double tour apparaissait. Et même si aujourd’hui, certains s’en sont emparés, ils n’en ont reproduit inintelligemment que l’image, mais pas le sens. –63–


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L’élancement des deux tours, du fait de leurs structures d’épaulement, permet des échanges thermiques qui autorisent un élancement rare de 1 pour 10. Cet élancement reste extrêmement fin pour la section habituelle d’une tour. Les échanges thermiques, bâtiment pour bâtiment, permettent un foisonnement entre bureaux et logements, dans la mesure où les besoins en énergie, pour un usage journalier ou nocturne, sont complémentaires. Mais toute cette technicité, entendonsnous bien, n’empêche en rien certains bruissements de la matière, les sensations d’un air qui circule, la perception sensible des espaces publics, les impressions furtives de la lumière sur l’élancement en double des tours. Tout un registre poétique que nous accomplirons naturellement, sans en parler, ici, obligatoirement. RBR 2020 Ce premier chapitre, je l’articulerai aussi autour d’une réflexion que je mène au sein du groupe RBR/2020. C’est un travail complet sur des questions qu’on pose aujourd’hui, mais inhabituellement en matière d’architecture et d’urbanisme. On y trouve des chercheurs, les grands constructeurs, la Caisse des Dépôts, le Crédit Agricole, le CSTB. Tous les acteurs majeurs de l’acte de construire. J’en suis la seule architecte. Mais ce qui est étonnant, quand on participe aux travaux d’un groupe de ce genre, c’est qu’on s’aperçoit qu’il n’y a que des expertises éparpillées, qui ne sont jamais rassemblées. J’ai essayé de transcrire avec Embarquement Immédiat, un texte que j’ai écrit pour l’occasion sur l’idée d’un territoire qui, bien que réquisitionné par les groupes financiers, devrait montrer quelques compatibilités palpables entre une économie fatale et un environnement placé sous urgence. Ce qu’il faut agencer, en priorité, c’est la fluidité de leur articulation afin que l’environnement soit lui-même source d’une nouvelle économie. Par ailleurs, il faudra redonner de l’énergie à nos initiatives qui sommeillent dans une France sans résultats, mais satisfaite et indolente.

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J’ai proposé de défaire ce qui était en lieu et en place, c’est-à-dire faire le bilan de ce qui était utile et de ce qui ne l’était pas, Défaire plutôt qu’ajouter, ou donner du sens aux vides qui sont délaissés, quand on en crée pas. On dit aujourd’hui que nous accusons une succession de crises, que nous sommes au bord d’une récession. Or, nous sommes plutôt dans une mutation réelle de notre vision sur l’environnement et sur l’économie. La façon de penser le territoire a changé. Et comme nous avons une démographie à 7MD, dont on sait qu’elle passera très vite à 10MD, il y a donc nécessité de penser l’écologie à travers l’économie de croissance, la densification utile du territoire des villes tout en laissant des terrains vagues (à développer) pour les générations nouvelles. Un apprentissage élémentaire : moins construire pour mieux consommer, pour mieux réserver. Cette idée est ce que j’ai appelé La deuxième Renaissance. Nous accusons actuellement une sorte de crispation dans la création et le développement de l’architecture de la ville. Nous sommes un peu comme à la fin du Moyen Âge, passant de crises en crises, avec morosité. Or, la révolution du numérique que nous traversons est certainement la bonne occasion pour mieux agencer toutes ces forces, en germe. L’embarquement immédiat, ce serait de dire qu’à l’échelle planétaire, nous avons des ressources suffisantes, mais mal partagées. Qu’il faudrait créer des lignes de partage, heureuses au sens où il s’agirait d’identifier comment partager ces disparités en eau, en terres agricoles, en pluie, en vent, en terrains constructibles. Nos grandes sociétés, grandes consommatrices de tout, en grand, ont gaspillé, des décennies durant, matières premières et territoires, pendant que la Suisse, par exemple, arrivait à créer la bonne communauté entre ses cantons et à trouver des éléments astucieux en équilibre. Les Suisses sont à 2 000kw/h et /habitant, alors que l’Europe consomme 6000kw/h et /habitant, par an. Une efficacité. Et si nous n’arrivons pas à nous en tenir à la même discipline, en France, nous avons néanmoins la capacité de produire des richesses qui restent liées à la géographie et à la topographie du pays. Ainsi, avons-nous


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développé, au sein du groupe RBR/2020, un nouveau modèle français : pouvoir identifier des structures françaises qu’on organise suivant des lignes de partage entre des villes qui n’ont, à priori, rien en commun. La réglementation française, estampillée NF, est homogène du nord au sud. Ce qu’il est urgent de faire, c’est d’arriver à désenclaver cette agrégation absurde. Ce qu’il est prudent de faire, c’est de favoriser les échanges entre le nord et le sud (l’eau, l’énergie tellurique, le soleil, tous les différents facteurs climatiques possibles, l’énergie marémotrice, le vent). Chez EDF, à la R&D, des chercheurs explorent les différentes manières de stocker l’énergie. Cette piste du stockage, indispensable à ses réserves, semble résolue, pour partie, mais pas encore suffisamment réglée pour mettre en application son transport et son immobilité momentanée. Cette compétition des régions, en matière énergétique, alors que chacune de nos régions expose des énergies de nature différente, pourrait trouver son terrain d’expression à l’intérieur d’Instituts en Développement d’Environnement Évolutif (les IDEE) qui permettraient, région par région, de créer une dynamique d’échange sur une ligne de partage énergétique, propre à la France.

non, quand il s’agit d’une telle œuvre. Mais certainement oui, si on se place sur le plan de l’exemplarité avantageuse et d’un copy-right dangereux parce qu’incontrôlable. Prenons cet autre exemple extrême que celui de la réussite désincarnée de BouyguesChallenger, au sommet de la technologie énergétique démonstrative, mais tellement absent sur le plan de l’architecture qu’on s’interroge au pourquoi de telles solutions désincarnées. Là, on pense que mettre en avant l’idée de dépenser le moins d’énergie possible et de le montrer est acte d’architecture. C’est insuffisant, bien sûr. Je questionne donc, par ailleurs, le sens de la matérialité. Et c’est avec ce projet que je réalise actuellement sur Val de Fontenay, près de Paris que je m’exerce. Ce chantier commença, voilà un an, aujourd’hui. Il se terminera l’an prochain. C’est le siège social de la Société Générale en région parisienne.

CHAPITRE 2 / ÉNERGIE Dans quelle mesure sommes-nous vraiment attachés à une société en train d’évoluer du fait du numérique ? La vraie question : à partir de quelle matérialité construit-on cette réalité ? On pourrait, bien sûr, évoquer cette réalisation magnifique des Thermes de Vals, œuvre de Peter Zumthor construite à partir de la pierre locale, de ses assemblages et de sa couleur choisie. Cette architecture est incontestablement contextuelle. Et, elle est, pour moi, juste et précisément suisse. Or, elle porte en elle une certaine nostalgie qui est directement liée à sa résolution. Et même si elle reste l’exemple d’une réussite confirmée, je reste persuadée qu’elle ne peut pas servir une méthode. Alors, on s’interroge. A-t-on besoin de méthode pour matérialiser une énergie tirée d’un environnement si spécifique ? Évidemment

Ce sont 90 000 m2 de surfaces de plancher à construire. Et toute l’histoire de ce projet consiste à juxtaposer deux réflexions menées parallèlement. Les façades deviennent des objets technologiques très sophistiqués, au point de trouver une interface inédite avec l’intérieur, lui-même modifié par l’intrusion en masse d’un esprit né du numérique. Nos comportements, dans nos façons de travailler, sont devenus évidemment différents. Avec l’informatique, nous montrons moins de besoin en lumière, –65–


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quand ceux qui sont propres au confort ou à l’ergonomie se sont accrus, avec l’idée, quand même, d’un rendement supérieur en production. Il y a eu modifications des modes d’habiter et de travailler, depuis quelques années. Ce que je propose, dans ce projet, c’est de réfléchir premièrement à cette question du matériau. Il y a cette belle idée qu’à travers l’évolution d’une façade, il y a peut-être de nouvelles matières à explorer, autre que celles dont on nous rabat les carnets de croquis depuis des années.

La Société Générale montrait, jusqu’à ce projet, du métal et du verre dans toutes ses constructions. Ici, c’est l’idée que si l’homme reprend sa place au cœur du dispositif collégial et productif d’une banque, il doit bien exister une manière de l’exprimer. La démultiplication des couches utiles qui s’additionnent en façade, dont celle, la plus présente, du bois (c’est un bois reconstitué qui n’a besoin d’aucune maintenance) donne à voir plus de profondeur. Ce bois n’existe pas en Europe et c’est après quelques mois de recherche au Japon que j’ai pu en comprendre toutes les qualités. Je suis donc allée rencontrer, chez eux, les industriels japonais qui, peut-être, à cause de leur fragilité insulaire, ont quelques années d’avance sur l’Europe, en termes de recherches industrielles. 66–66–

Ce bois est un bois reconstitué à 100%, à partir de bois recyclés et 100% recyclables. Et nous l’avons importé pour le proposer comme signe majeur et communicatif du nouveau projet. L’enjeu était de taille. Nous devions poser plus de 200 km de bois, sous forme de lames.

C’est une vraie préoccupation que d’arriver à produire et à construire une cohérence et faire en sorte que l’architecture se positionne comme un acte véritable de production sensée. Il y a la dimension passive des choses proposées. 90 000 m2, trois bâtiments, orientés est/ouest et des jardins orientés sud. Le terrain faisait 23 000 m2 pour 100 000 m2 de construction. J’eus donc l’idée de plisser le terrain, comme pour comprimer une feuille vers le haut et créer trois ondes qui contiendraient l’essentiel des surfaces. Entre elles, un herbier, des jardins et du bois au sol pour donner le sentiment d’un même univers. Deux échelles viennent se positionner en complémentarité. Elles accompagnent ce besoin affiché d’une nature reconstituée, bien dans son rapport à la lumière, toujours présente, en tout endroit de l’ensemble. Les patios creusent un sol habité par des espaces protégés et partagés. Car, avec pas moins de 5 500 personnes qui sont attendues dans ce lieu, l’objectif était bien de créer des espaces d’échange et de travail évoluant en permanence. Un pavillon central et une rue intérieure distribuent un Businesscenter et des cafétérias. C’est près de 13 000 m2 d’espaces qui sont mis à la disposition de l’entreprise.


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les épaisseurs produites par la pierre et par le béton par de nouvelles méthodes pour rendre l’effet de cette épaisseur. La question de la répétitivité et de l’abstraction vient se nourrir de la physicalité de la matière, un élément ambivalent de cette expression dans laquelle on se trouve. Nous devons favoriser une société dans laquelle chacun serait plus disponible, mais, en même temps, nous exprimons le besoin de sortir du caractère virtuel du numérique pour essayer d’incarner la matière. Cela sous un regard nouveau et risqué. Les escaliers relient différents réseaux de distribution avec l’idée de toujours proposer une interface entre des espaces d’usages définis, mais potentiellement requalifiables, si nécessaire. Interface des espaces intérieurs s’immisçant dans des espaces de réception, fluides et représentatifs d’un état d’esprit très particulier à l’entreprise. Les espaces de travail accompagnent l’arrivée du numérique. En fait cette voie du numérique, c’est simplement pouvoir favoriser des moments de travail sur une plage plus étendue de temps, faisant croiser des moments intenses de travail avec des moments de détente venant interagir entre eux. Les espaces sont changeants, dans leur destination, mais toujours dans des limites floues, alors que leur dessin est extrêmement précis. C’est aussi arriver à faire que les glissements entre le travail et les activités complémentaires soient possibles, sans rupture. Nous sommes là au cœur de l’identification. Jusque-là, le verre des façades exprimait la puissance de l’entreprise. Là, il s’agit d’exercer un léger glissement vers une expression plus individuelle. Nous sommes aussi, j’insiste, dans la duplication d’exigences individuelles générant d’autres façons d’utiliser l’espace. À partir de cette intention, on compte plusieurs façons de percevoir les choses. Les lames extérieures sont simplement (est et ouest) des brise-soleil. Elles viennent atténuer la lumière directe entrant dans les bureaux. Le clos couvert marque une certaine brillance. Il est tout en aluminium. Et c’est ce décalage entre ces deux matières qui crée l’épaisseur de la façade, en lui donnant une particularité : celle de remplacer

Dernier élément de ma présentation : l’ Énergie, à elle seule, saurait-elle produire une urbanité ? Il s’agit là de nous interroger tout simplement sur la façon de penser le rapport entre les différents éléments de programme et celle de les assembler de manière cohérente. Je viens de présenter, voilà deux jours, le projet Éole Évangile à Paris. C’est une réflexion élaborée pour essayer de créer de nouveaux espaces urbains plus entremêlés entre eux, plus interactifs, plus citadins. C’est aussi l’idée de traduire parallèlement, à un moment donné, tout ce qu’on peut scanner autour de nous (qui soit dans son temps) pour le transformer au profit de la ville. Ce projet dégage trois thèmes. Il se développe dans le cadre de réinventer Paris, appel d’idées proposé par Anne Hidalgo. Vingt-trois sites ont été mis à la réflexion, mettant Paris sous le feu des projecteurs et invitant à une recherche possible. On peut juste espérer que la puissance politique nuisible des verts à Paris ne conduira pas cette recherche sur cette piste dangereuse qui laisserait croire que les arbres et les plantes grasses, plantés dans du béton, sont la solution à tout. Le projet est pensé comme une constellation. Le vide m’intéresse, comme composant majeur et prioritaire de la ville, à la manière de celui qui crée l’espace magnétique entre astres. C’est l’espace interstitiel que nous traitons, ici, en espérant pouvoir le formaliser de manière inédite. On aura ainsi recherché cette capacité à créer plus de fluidité dans la structure de la ville. –67–


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Chaque fragment qui constitue ce dispositif part du vide et s’organise dans toutes les directions. C’est un morceau de ville articulé, surprenant, parfois inopiné, mais toujours harmonieux.

Nous sommes dans le 19e arrondissement de Paris, sur un site absolument délaissé et sur lequel on peut espérer poser un morceau de ville, témoin d’une volonté politique affichée. Ce sont trois thèmes qui se suivent et s’entrechoquent sur la parcelle triangulaire d’Éole. - La ville en son jardin. Le terrain se présente sous la forme d’une surface triangulaire de 10 000 m2 sur laquelle nous inscrivons 10 000 m2²de jardin. Moins de 5 000 m2²sont construits au sol, le reste se développant dans un espace ouvert. - Une nouvelle polarité culturelle. Le site est enclavé. L’en sortir, c’est l’ouvrir, en attirant les populations à s’intéresser à cet espace. Nous créons donc une salle de spectacles de près de 3 000 places qui vient réactiver ce site mis en totale inertie depuis des années. - La chronotopie des espaces. Ce modèle intelligent consiste à inclure, dans la réflexion-programme, la question du temps afin de mettre en filiation des programmes trop souvent seulement juxtaposés. 1 - La ville en son jardin est donc globalement un travail sur la qualité des espaces partagés. Le jardin d’Éole est le prolongement de la ceinture verte de Paris. Il a son propre biotope et accueille une faune et une flore qui lui sont propres et qui pourront contaminer le terrain. 68–68–

Le projet est ouvert. Il est en opposition complète avec l’architecture d’un îlot Haussmannien, système centrifuge dont il serait absurde de transférer les composants sur le site, au risque d’être pris à défaut entre un effet d’annonce et son contraire : réinventer Paris et reconduire Paris. Le système proposé est au contraire centripète. On vient défaire un système fermé avec un plan de masse composé, en vue du dessus, par deux croix (plus ou moins grandes) ouvertes sur leur environnement et leur voisinage. Les orientations sont multiples. Elles varient à partir de vues communicantes depuis des jardins ouverts sur l’extérieur.

L’autre idée est celle de la perméabilité de l’urbain. Cette qualité n’est pas souvent présente dans les grandes opérations immobilières. Là, elle consiste à dessiner un jardin qui serait traversé par des piétons et quelques véhicules de service, puis de relier un boulevard où passent des voitures à un arrêt de transport en commun (RER, tramway). Deux promenades sont ainsi planifiées, sans rupture de charge. Et plutôt que d’opposer les masses bâties aux masses végétales, on entremêle les unes aux autres pour construire des arborescences géométriques et végétales qui se développent dans un espace complètement nouveau, loin des références parisiennes ordinaires et récurrentes qui constituent toujours un risque. La végétation plutôt dorée s’implante à l’ouest du terrain, sous la lumière du soir. Au centre, c’est plutôt une végétation des sous-bois qui pousse et à l’est, c’est une végétation plutôt printanière que nous suggérons.


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Les liaisons douces sont faites à partir d’alternances entre des surfaces minérales et des massifs végétaux. L’avantage de l’étagement vertical et précis des espèces végétales (à condition qu’il s’appuie sur une réalité éprouvée) est de créer une multitude de milieux traversés par des faunes animales variées.

Ce projet fut, pour moi, une belle façon de renouer avec les grands utopistes des années 1960/1970. Yona Friedmann, Archigram, voire Bofill, au moment de son projet pour Reus, restent présents dans notre utopie pour une ville dans l’espace. On réinvente tout : l’architecture, les réseaux, les circulations et les jardins. Tout cela, au même moment, dans un même endroit. C’était une occasion unique pour une architecture urbaine qui se serait débarrassée enfin des mécanismes prioritaires du foncier. 2 - La polarité culturelle, c’est l’idée d’inclure, sur le site, une salle de 3 000 places qui le métamorphosera. Ce site était, jusqu’alors, insulaire. On essaiera d’en faire la nouvelle constellation culturelle du nord/est, à travers la configuration urbaine du projet, l’addition d’une architecture puissante et une desserte performante des transports en commun (RER, 2 lignes de tramway et 2 lignes de métro). Et même si le dispositif graphique et spatial est identique sur chacun des côtés du triangle, on produira deux perceptions différentes et sensibles de l’opération. L’une, gardera celle, plus dynamique, d’une Porte de Paris. L’autre produira une vision beaucoup plus entremêlée, plus indulgente, plus délicate du site.

La salle de 3 000 places s’insère dans cette géométrie, ouverte sur ses extérieurs, contrairement aux grands Zéniths qui sont des grands consommateurs d’espace. On rencontre, là, un nouveau tropisme culturel. Et pour continuer sur l’idée qu’un espace ne peut être assigné à un seul usage, la salle est articulée de telle façon qu’elle puisse passer de 3 000 places à 1 800 places. Ce qui lui permet de proposer une amplitude d’usage assez importante, dans une journée de 24 heures, en faisant varier les contenus.

3 - La chronotopie des espaces est un axe important du sujet abordé. Il s’agit de découvrir une nouvelle façon d’habiter la ville, hors des conventions urbaines que nous assènent, avec leurs schémas-plans, vus et revus, nos urbanistes conventionnés. On parle, ici, de l’optimisation des espaces dans toutes les directions. Et, c’est à travers la question de la chronotopie urbaine, celle qui touche aux espaces de la ville, qu’on trouvera l’économie nécessaire à des constructions mieux utilisées. Moins d’espaces pour plus d’usage. La base du projet reste classique : ce sont cinquante logements sociaux qui côtoient des surfaces de bureaux importantes. Ce sont 5 000 m2 que nous construisons pour réaliser le socle d’une salle évènementielle et des espaces partagés. Ce sont aussi 10 000 m2 de jardin qui est proposé. Le rythme pendulaire des logements (plutôt le matin et le soir) est le complément de celui des bureaux. Mais, là où il y a possibilité d’un usage 21h/24h, sur site, on le fait. Les espaces interstitiels sont là pour cette destination à priori indéterminée. –69–


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La volumétrie des immeubles qui se croisent dans l’espace met en scène précisément ces lieux qui, demain apparaîtront comme tout à fait normaux et légitimes. Il nous faut juste passer cette phase transitoire, sortir de la zone grise et convaincre.

Pour le logement, les espaces en plus seront davantage des salles d’études équipées d’Internet, des salles de co/working, des espaces de gymnastique. On note la présence de logements étudiants, de logements sociaux et de logements intermédiaires. Ce qui justifie ces adjonctions fonctionnelles et collectives. Toutes sont accessibles depuis la voie publique. La salle conforte l’offre globale du site, donnant une identité organique et culturelle à l’ensemble.

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Les jardins, dans la mesure où ils s’immiscent entre les bâtiments (et ce n’est pas le saupoudrage vert absurde qu’on voit fleurir dans tant de projets ahurissants) contribuent au lien social du triangle. Ils seront identifiés comme tels, comme des espaces à part entière et pas comme des emplâtres d’agrément, donnant aux élus ces bonnes raisons de signifier à leurs administrés qu’ils sont dans le coup. Les bureaux sont construits sur de grandes structures jetées dans l’espace sur un plan de masse croisé. Nous avons évalué les possibilités d’une réversibilité active et efficace de leurs espaces. Ce qui en ressort, c’est la possibilité de transformer, sans grand risque, le logement étudiant en logement intermédiaire ou social, la possibilité encore de convertir des espaces de bureaux en logements. La réversibilité des espaces est traçable et vérifiable. Je l’ai déjà réalisée à Strasbourg, avec Icade, à l’occasion de l’opération Black Swan. Je donne plus de hauteur à la construction, dans les logements, ce qui améliore le confort de l’habitation et permet son transfert en espace de travail connecté, si nécessaire. Une meilleure architecture de façade contribue à augmenter la durée de vie du bâtiment. On crée des espaces disponibles plutôt que des espaces dédiés. L’ouvrage devient alors un espace capable, prêt à encaisser toute modification d’usage ou de reconversion. Avec Eole l’idée est de construire des plateformes à usages potentiels, un prolongement des démonstrations de Friedmann. Nous sortons très simplement de la construction de bâtiments plantés en terre et articulés, comme toujours, autour d’un jardin. On y trouve des arborescences géométriques construites, des paysages adaptés aux modes de vie qui arrivent et qui sont propres à répondre aux vœux politiques de la ville, quand elle dit vouloir réinventer l’espace. On espère seulement que les commissions sauront écarter tous les projets conventionnels ou faibles, qui n’apporteraient rien d’autre à la ville que de lui permettre de prétendre qu’ils suffisent, après tout, à illustrer et justifier son propos. Merci.


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Photos : 1 // Ambito Spina 4 - Turin - 2010 . 2 // Eco office - Rome - 2010. 3 // Proposition pour le pavillon italien Expo 2015 – Milan - 2013. 4 // Marevivo - Pantelleria - 2012.

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Mosè Ricci

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Mosè Ricci Architecte & enseignant à l’UNIGE Rome - Italie

R épon dant : C h arlotte P ie rso n - é t u d i a nt e à l’ E N S A M

Originaire de Florence, Mosè Ricci est architecte, fondateur avec Philip Spaini de l’agence RICCISPAINI. Installée depuis 1984 à Gênes, l’agence développe une démarche compréhensive du patrimoine et de l’environnement grâce à une architecture qui sait prendre en compte tous les défis de la société contemporaine. Diplômé en architecture de l’université La Sapienza de Rome, Mosè Ricci a mené un parcours de recherche parallèlement à sa carrière en agence en occupant depuis 1984 un poste d’enseignant-chercheur en urbanisme à l’école d’architecture de Chieti-

Pescara et à l’école d’architecture de Gênes. Il possède également un parcours universitaire international en tant que professeur invité à la Graduate School of Design de l’université de Harvard, ainsi qu’à l’Uni-Moderna de Lisbonne et à la TU Munich. Le travail de recherche de l’architecte, fondé sur la question des interactions entre architecture, urbanisme et paysage dans le cadre de l’écologie, interroge principalement trois grandes thématiques : l’innovation dans la planification urbaine, les transformations contemporaines de la forme urbaine et la conception urbaine. –73–


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Ces recherches et travaux avec RICCISPAINI ont été récompensés par des prix tels que le concours pour l’exposition « Italian High Design and High Technology » à Shanghaï et ont également fait l’objet d’expositions à la Biennale de Venise, à la Modern Art Gallery de Rome et à l’Heimatt Museum de Berlin. Mosè Ricci est également éditeur pour la maison d’édition BABEL où il a publié plusieurs livres dont : « New Paradigms », « UniverCity », « Rischio paesaggio ». Le travail de Mosè Ricci se distingue par sa polyvalence : en tant qu’architecte praticien, enseignant, conférencier, auteur, il interroge de manière constante l’urbanisme d’aujourd’hui. Mosè Ricci Je voudrais tout d’abord tous vous remercier pour cette invitation. Merci au domaine d’étude «Métropoles du Sud». J’aurais appelé cette présentation « Métropole de l’ouest ». C’est pourquoi on comprend Montpellier dedans. Je tiens à vous montrer une courte vidéo que j’utilise souvent en guise de présentation lorsque j’interviens sur le thème de la ville intelligente. J’aimerais aborder les effets de cette importante révolution et de cette technologie de l’information, sur notre environnement urbain et également sur notre travail. J’utiliserai aussi ce film pour vous montrer mes récents thèmes de recherches. Je finirai à la fin par vous présenter mes projets. Cette vidéo montre un autre moyen d’utiliser la structure fonctionnelle de l’espace urbain. Vous pouvez la trouver sur Youtube. Le groupe s’appelle « Improv everywhere ». Il fait énormément de choses dans le même genre et cela agit assez efficacement sur l’environnement urbain. Un autre titre que j’aurais pu donner à cette présentation est « Learning from Detroit ». Dans la ville de Détroit aux États-Unis, il se passe quelque chose d’essentiel qui influence ma vision du futur urbain. Je pense qu’il faut aujourd’hui nous focaliser là-dessus.

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Ce qui se passe est similaire à l’année 1966, lorsque nous avions énormément appris grâce à l’apprentissage à partir de Las Vegas, l’une des théories architecturales les plus influentes du xxe siècle. Les architectes Robert Venturi, Denise Scott Brown et Steven Izenour nous avaient appris à apprécier, à travers les yeux d’un architecte, ce qui se produisait dans les villes du monde : cet étalement urbain et ces villes sans fin qui envahissaient tous les espaces possibles, avec une concentration autour des grosses infrastructures. En tant qu’architecte, nous avons ainsi appris beaucoup de choses depuis les années 1990 et jusqu’au début de ce siècle. Aujourd’hui, la ville de Détroit nous propose une situation totalement différente. J’ai commencé à travailler sur le sujet il y a 4 ans, lorsque j’ai créé l’exposition « RE-CYCLE » à Rome.

Nous connaissons tous le mot recycler. Il fait partie de notre comportement, de notre style de vie et nous faisons attention à tout recycler.


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Lorsque j’avais demandé à l’un de mes amis aux États-Unis de me renseigner sur des projets de recyclage à Harvard, il me répondit qu’il fallait que je me rende à Détroit, que je regarde ce qui s’y passe et que je revienne ensuite lui reposer la même question. C’est ce que j’ai fait. J’ai par la suite créé la partie urbanistique et le paysage de l‘exposition. « RECYCLE » est devenue par la suite un projet de recherche national très important, financé par le ministre de la Culture. Un groupe de dixhuit universitaires, dont la moitié était italiens, a élaboré un travail scientifique sur le sujet. L’idée n’était pas uniquement de transformer la nature de la matière, comme fabriquer un tee-shirt avec du plastique ou des bouteilles d’eau, mais plutôt de réutiliser des matières existantes en y glissant nos sens. Comme dans cette courte vidéo où l’on voit un directeur marchant sur un centre d’enfouissement. Il était est train de marcher sur une décharge et il a retranscrit le sens de la décharge à une colline, une topographie. C’est ça « recycler » pour nous, c’est-à-dire transformer le sens d’une matière urbaine, la réutiliser et lui donner une autre signification. « RE-CYCLE » est ainsi une exposition très populaire à Rome, la plus visitée au MAXXI Museum. Le livre Stalking Detroit publié à Barcelone en Espagne, parle de l’histoire de la grande bataille du début du siècle à Détroit, lorsqu’il y a eu le crash économique et que plus d’un million d’ouvriers avaient dû partir en quelques années. C’est ainsi que Détroit a cessé d’être le cœur du capitalisme occidental. Elle a perdu son visage de métropole en termes de forme, de sens et d’utilisation de la ville telle que nous en avions l’habitude. L’abandon a été très important. Le vide régnait dans le centre-ville. En rouge sur l’image, on voit les lieux abandonnés du centre. Aujourd’hui, dans une vision synthétique, on s’aperçoit de la mort de cette ville moderne. Quand on parcourt le centre, on voit des bâtiments, des écoles, des usines abandonnées, des ruines de la modernité. On voit cette ville industrielle qui est en train de mourir. Les architectes sont généralement heureux de travailler avec des ruines, ils en sont fascinés.

Aujourd’hui, il y a une nouvelle littérature autour de la ville de Détroit qui célèbre les obsèques de la modernité. Le film « Only Lovers Left Alive » de Jim Jarmusch sorti en 2014, montre que Détroit est devenu le dernier lieu possible pour les vampires. C’est l’histoire d’Adam et Ève, deux beaux intellectuels et vampires à la fois, qui se rendent à Détroit pour se retrouver. L’idée du film est de montrer que les humains sont les zombies et que les seules créatures capables de rester en vie sont celles qui sont capable d’apprécier la beauté et le lieu, d’aimer la valeur de son histoire, ou de rêver du futur. On dit que la ville est fantastique et pleine de charme, telle une ville morte qui va renaître. Lorsque les villes du sud vont mourir, Détroit renaîtra de ses cendres. Il s’agit de la nouvelle vie après l’aire métropolitaine. Si on se rend làbas, on n’a pas le désir de revenir à la période de richesse industrielle passée. Avec une visite guidée, on ne trouve rien d’officiel sur le parc de Lafayette par exemple. On trouve cependant une petite brochure appelée Garder les nuages à Détroit qui nous montre comment nous orienter dans la ville et comment attraper les « nuages » naturels ou fabriqués par l’homme. On y trouve les dix plus gros nuages de la ville. Des touristes s’y promènent pour essayer d’en trouver et de se saisir de ces nuages. Nous retrouvons les maisons abandonnées, la gare à travers laquelle passent les oiseaux en plein vol, l’ancien chemin de fer industriel transformé par les habitants en voix cyclable, les maisons dans les arbres, les installations de projets d’arbres ou de points alimentaires, le théâtre Michigan — ancien centre culturel le plus important de la ville où se rassemblait toute la société —. Celui-ci est devenu un parking pour les gens qui viennent visiter le centre de Détroit. Sur la vue aérienne, toutes les parties abandonnées en rouge, sont en réalité des zones vertes.

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Détroit est devenu un grand parc archéologique. On peut y vivre, et avoir beaucoup de places disponibles pour organiser notre vie. Lorsque l’on compare le nombre de personnes à la fin de cette aire dramatique de lutte entre les ouvriers, et que l’on regarde maintenant les données sur la ville, on s’aperçoit qu’il s’agit de la principale ville dans laquelle les gens reviennent vivre. Une vie nouvelle est née. Les citoyens ont changé, ils utilisent leur machine agricole et ils ont commencé à utiliser les terrains industriels pour produire des légumes et des fruits. Les américains disent qu’il se passe quelque chose de mauvais. On peut y apporter un grand intérêt mais le cas Détroit est particulier et dû à la crise. Les métropoles ne meurent pas aux Etats-Unis, cela ne se produit qu’à Détroit et dans la zone alentour. Voici un jardin potager illicite situé à Rome.

Un endroit où l’on est censé construire de nouvelles maisons. Cependant, cela est rendu impossible. À cause de la crise, il n’y a plus suffisamment de moyens financiers donc les citoyens en ont fait un potager. C’est ainsi que nous avons surmonté la crise. L’effet en Europe est différent de celui de Détroit, ce n’est pas aussi concentré. En Italie par exemple, on a construit 300 millions de mètres cubes/an depuis 1997 et cela jusqu’en 2012. En 2007, il y a eu la crise et le marché a chuté: moins de 35% des constructions dans les premières années, moins 40% par la suite avec plus de 5 millions de bâtiments vides.

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En Espagne, la situation n’est pas différente. Cézanne était une nouvelle ville pour 30 000 habitants qui fut complétement achevée mais complètement vide. En 2010, on rentrait dans la salle vide du pavillon néerlandais avec tout autour des bâtiments vides. En 2012, le nom du pavillon hollandais était « re-set » et celui du pavillon allemand était « Reduce, Recycle». En 2012, un groupe d’architectes allemands a remporté le concours pour la future ville de Munich. À cause de la crise et des nouveaux enjeux environnementaux, il a fallu réduire les infrastructures ainsi que les industries et augmenter les points alimentaires dans la ville, y compris sur les routes et les terrasses. Il y a 3 ans, Manuel Gausa, le conseillé pour l’environnement de Barcelone, a conçu ce projet qui doit réutiliser le cœur dense de la ville. Il voulait diminuer la densité métropolitaine dans le cœur du centre-ville et utiliser ce réseau en bloc de 3 par 3 et non de 1 par 1. Il voulait aussi utiliser les rues comme des espaces publics, jardins, serres, etc. Dans le quartier de la Tour Paris 13e, devant le ministère de l’Économie au bord de la Seine à Paris, s’est montée une installation d’art de rue. Pour des raisons artistiques, beaucoup de jeunes sont allé voir l’exposition en demandant haut et fort de ne pas détruire le bâtiment. Je pense qu’on peut voir les mêmes choses se passer un peu partout dans le monde. La question est de savoir ce que nous pouvons vraiment retirer de l’expérience de Détroit ? Trois choses selon moi. Premièrement, la ville moderne est morte à Détroit. De quoi traite réellement cette notion de « post-métropole » dont tous les chercheurs américains parlent ? Il s’agit d’une ville avec une qualité de vie plus élevée, une vie moins intense avec beaucoup d’espaces verts. Il y a énormément de zones abandonnées et il faut donc apprendre à mieux les utiliser. Je pense que finalement on peut limiter le concept selon lequel la forme suit la fonction. C’est devenu l’ancien paradigme de l’architecture. Si on créé une ville ou si on travaille sur un bâtiment existant, il faut savoir adapter les formes ou trouver un autre type


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de fonctionnement. Pour résumer, il faudrait changer le paradigme dans lequel nous travaillons et façonnons le paysage urbain et les échelles.

La deuxième idée à retirer du cas de la ville de Détroit, c’est que les projets les plus importants proviennent de l’économie de partage. Il y a des projets qui sont effectués directement par les citoyens, et d’autres qui sont proposés par des groupes d’architectes mais qui partagent la genèse du projet avec les citoyens. Il y a également quelques projets urbains qui peuvent déjà exister sans les présentations aux conseils municipaux mais avec une approbation uniquement au bout de 5 à 10 ans. Aujourd’hui, nous changeons rapidement notre ville. Cela est dû à la crise, mais à mon avis la crise n’est que le déclencheur du processus. Je pense que cela vient du fonctionnement actuel. En effet, nous sommes tous connectés et tout le temps ! Cette connectivité transfère des éléments qui étaient avant concrets et solides, vers un monde virtuel. Nous n’avons plus autant de magasins de chaussures, de concessionnaires automobiles, de banques dans notre rue, de salles de conférences, etc... Il est possible que dans deux ou trois ans, je sois un hologramme en train de proposer mes idées de façon virtuelle, et cela à partir de chez moi. Nous n’aurons plus besoin de faire la restauration de nos sites patrimoniaux ou de faire les choses de la même manière. Si

nous regardons les planifications de nos villes, et particulièrement les projets à Détroit, nous voyons que nous ne sommes plus dans un projet architectural comme auparavant mais qu’il s’agit plus d’une liste dans un livret d’utilisation pour Smartphone. Le troisième élément que nous pouvons retenir de l’expérience de Détroit, c’est l’utilisation du paysage. Pas seulement parce que le paysage est un bien culturel et commun et un indicateur de la qualité de vie, mais aussi parce qu’il est le seul endroit que nous pouvons gérer afin d’impulser nos projets futurs, en terme de production. Il peut être une suture verte pour le développement économique de la ville et pour les comportements spontanés qui peuvent modifier la ville avant les projets officiels. Je parle de création de nouvelles économies et je parle même de bonheur. Nous avons besoin de nous retrouver en plein air, de nous réunir avec nos enfants, nos amis ou nos familles. Internet est un lieu de partage, de participation, de vie, de modification de notre comportement et d’adaptation à l’environnement alentour. Il s’agit d’une représentation plutôt plate de quelque chose qui serait arrondi. Le paysage est un flux continu, un changement permanent, et peut être façonné par ceux qui vivent à l’intérieur de celuici. La similitude entre le paysage et le réseau est intéressante. Selon moi, c’est le paysage qui est le vrai paradigme, c’est-à-dire non pas un modèle, mais une manière d’imaginer l’avenir, un point de vue pour mieux le comprendre. Ainsi, j’utilise le cas de Détroit pour vous montrer mon travail récent sur le recyclage et sur la modification du paysage. Maintenant, je vais aborder quelques projets et concours remportés sur l’écologie et le paysage. Ce sont des projets dans lesquels on a bien plus travaillé la performance que les formes. Testa DiSpina Le premier projet est un concours international que l’on a remporté en 2011 sur la réalisation d’une nouvelle infrastructure entre Turin et Milan. Il s’agissait d’un projet important qui faisait partie du master plan. Cependant, il a eu –77–


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lieu juste avant la dégringolade du marché de la construction en Italie et le concours a dû être annulé. Il y avait une urbaniste et paysagiste portugaise qui travaillait avec nous.

On a imaginé un ensemble de bâtiments qui pourrait ressembler à la Défense et à l’Arche de la Défense. L’idée était de créer un lien entre ces deux villes. Il nous a été demandé de donner une forme sur un bâtiment qui avait déjà été dessiné en amont. Nous avons donc répondu qu’il ne fallait pas un architecte, mais juste quelqu’un pour la construction. Entre 2008 et 2012 les temps ont changé. Si la ville consommait d’une certaine façon, aujourd’hui c’est l’environnement rural qui doit envahir la ville et non pas le contraire. Les bâtiments doivent être disposés en harmonie avec la nature. Celle-ci doit rentrer à l’intérieur du bâti. Face à cela et pour avoir un aspect naturel, nous avons divisé nos programmes en sous unités et les bâtiments étaient localisés dans une zone totalement paysagère. Cela se retrouvait dans le fonctionnement des bâtiments : parking, métro, entrées étaient traités en sous-sol et la partie résidentielle émergeait sur ces paysages naturels. Tout était fabriqué de tuiles recyclées, telles des fleurs qui émergeraient de terre. Nous avions envie de colorer la ville de Turin qui est à la base plutôt grise. Nous avons aussi beaucoup travaillé sur la performance des nouveaux matériaux. Italian Pavillion Expo 2015 Le second projet est celui du pavillon d’Italie qui a fermé l’an dernier. C’était un projet pour lequel nous n’avions pas remporté le concours et il a 78–78–

été créé par Stefano Boeri. Nous n’avions pas forcément dessiné de construction, mais plutôt des serres et des zones dédiées à l’agriculture. Tout devait être léger et éphémère. Par la suite, une nouvelle ville très rationnelle a été créée et il nous a été demandé d’y construire notre pavillon, qui pourrait ressembler au palais de Venise à Rome. En fait, nous voulions substituer l’idée d’avoir cet endroit qui était en plein milieu de cette ville, le « cloud », signifie « morceau de terre » en anglais. On a fait un carottage dans la terre et nous avons créé quelques fondations. Nous avions envie de travailler sur le paysage italien reconnu dans le monde entier.

Nous voulions projeter des images de l’Italie avec ces voiles importantes qui attirent et créent un effet énergétique. Tout était en soussol. C’était une sorte de provocation écologique. Bien évidemment, le projet a été considéré comme stupide et a été rejeté par le premier jury. Progetto di Riqualificazione funzionale Ed Ambientale Del Water-Front Voici un autre projet dans lequel nous avons réellement travaillé le paysage. C’était aussi un concours international. On a travaillé avec les dunes, sur une plage dans le sud de la région de Calibri, une région défavorisée et assez pauvre. Nous avions proposé un projet de requalification de la plage dans lequel nous avons retravaillé les dunes, aménagé une voie cyclable et un boulevard urbain. La route a été déplacée. Nous avons ainsi remporté le concours. Cependant, l’administration publique a été virée à cause


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de son lien avec la mafia. Nous n’avons pas eu de chance car le projet a été suspendu alors qu’il s’agissait d’un projet très long. Nous avons quand même continué à le travailler, en espérant pouvoir le poursuivre un jour.

Voici maintenant quelques-uns de nos projets d’espaces urbains.

Il a fallu créer un espace vert sur trois zones distinctes : un espace vert existant, une zone de stationnement et une place. Il y avait dix projets présentés et le projet final a été choisi par les citoyens. Il était très simple. Notre équipe a proposé de regrouper les trois zones en créant un lien grâce à une sorte de ponton urbain en bois et en hauteur. Ce ponton servirait aussi à masquer les réseaux divers (électricité, l’eau, éclairage dans airs de jeux…). Spazio Pubblico Le projet « Spazio Pubblico » se situe au centreville de la petite ville de Belluno, proche de Venise. Il s’agit d’aménager une place centrale possédant une forme originale, composée d’une zone dédiée à l’activité pédestre, ainsi qu’un petit jardin.

Piazza Bracci Le site de la « Piazza Bracci » se trouve en périphérie de la ville Bologne.

Il a été demandé de retirer les arbres et de créer une grande place centrale. Nous avions proposé de garder ces arbres et de rajouter uniquement une sorte de tapis pour requalifier l’espace. Celui-ci aurait permis de les conserver. Nous avions aussi fait une projection du parcours de promenade. Nous avons finalement remporté le concours et le projet va pouvoir démarrer si tout se passe comme prévu. Presentosa Le dernier projet est à Lanciano, une ville magnifique en plein centre de l’Italie. Elle se compose d’une partie très ancienne et une plus moderne. L’idée était de créer une rue –79–


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principale au milieu de la ville qui serait un axe de connexion entre la nouvelle et l’ancienne ville. La route a été imaginée comme route, mais aussi comme lieu de marché ou de célébration pour les fêtes religieuses. Il a fallu maintenir ces multiples fonctions. C’est magnifique lors des fêtes lorsque les espaces publics sont décorés. Nous avons voulu adapter notre proposition à l’idée que les citoyens puissent faire ce qu’ils voulaient. Nous avons aussi créé le design en lien avec les traditions locales. Nous avons voulu travailler à partir de bijoux, de la dentelle, etc. Dans cette partie de l’Italie, il y a un bijou traditionnel qui est important lors des mariages. La belle-mère offre ce bijou à la mariée pour l’accueillir dans la communauté.

À partir de cette tradition, nous avons travaillé avec la pierre et sur un motif de tapis qui pouvait avoir une double utilisation : faire ressortir quelques icônes locales et intégrer un système d’éclairage qui permettrait de changer l’effet visuel de la nuit. La partie blanche est en béton photo-catalytique (capteur de co2), et la partie grise est en pierre. Ce sont des pierres coupées par une machine. Cela reste très industriel même si on travaille au départ sur une situation traditionnelle. Cela coûte au final moins de 100 euros/m². Les commerces peuvent également proposer du mobilier urbain qu’ils ont la possibilité de retirer le soir s’ils le souhaitent. 80–80–

Housing Soclae Voici un autre projet que nous avons remporté. Il s’agit de logements sociaux à Teramo, en Italie. Il est localisé dans la nouvelle partie de la ville, derrière la rivière. Il y a la présence de quelques HLM qui datent des années 1950. Une grande chaîne bancaire voulait les démolir afin de construire son siège avec des bâtiments sociaux tout autour. Nous voulions revenir à l’identité de l’ancienne ville. Nous avons sous-divisé le programme en plusieurs étapes : c’est comme si il y avait trois grands bâtiments différents avec des espaces publics au milieu. Nous avons utilisé des tuiles pour la partie publique, car la région produit des tuiles et un carrelage très particulier et traditionnel. Nous voulions utiliser des tuiles cassées pour pouvoir les recycler et les intégrer dans les bâtiments. Le projet est en cours, mais en Italie on ne sait jamais s’il va aller au bout. Polo Direzionale Notre dernier concours sera jugé à la fin janvier. C’est le siège d’une grande banque, près de l’autoroute, proche de Rimini. Le programme est lié à la banque : agence, restaurant et zone commerciale. Nous avons voulu travailler avec la topographie plane du site. Il y a deux types de façades, différentes selon l’orientation. La moitié du bâtiment possède des terrasses sur le côté ouest, elles peuvent être utilisées, ou fermées si besoin. C’est un projet simple, écologique avec plusieurs atmosphères. Je pense que nous faisons partie des trois derniers sur le concours, donc nous espèrons le remporter.


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Au final, on a traité la deuxième partie du bâtiment : un pont qui pourrait relier les deux bâtiments. Ainsi, si un propriétaire voulait discuter avec un autre, le déplacement se ferait grâce à ce pont.

Eco Office Nous avons aussi remporté le prix solaire européen. Il s’agit du « recyclage » d’un bâtiment existant, l’un des seuls bâtiments modernes à Rome. C’est un architecte connu dans les années 1970 qui a voulu amener en Italie la notion de brutalisme dans l’architecture. Un entrepreneur du bâtiment a racheté par la suite la moitié du bâtiment et il y a eu d’autres architectes qui devaient travailler sur l’amélioration de la façade. Le programme consistait en l’amélioration de l’image extérieure des ponts de béton et des façades. Il s’agit d’un bâtiment en forme de triangle. Il y a un grand plan en béton et l’intérieur du bâtiment est très sombre. Nous étions les seuls à ne pas travailler sur le béton, mais sur les espaces et nous avons quand même remporté le prix. Nous avons surtout travaillé sur l’efficacité énergétique du bâtiment. L’ancien système de fenêtre ne s’ouvrait pas, nous avons donc tout enlevé et créé un système qui pourrait s’ouvrir pour ne pas avoir un fonctionnement autonome. Nous avons légèrement changé le plan du bâtiment. Au final, nous avons pu presque tout changer en ne faisant pas grand-chose. Le bâtiment est une grande machine en terme de gestion énergétique, il peut produire et distribuer de l’énergie, ,même positive. Même la nature nous aide en terme d’exposition solaire ! Quand on est dans les bureaux on a l’impression d’être dans un bois, dans un contexte non urbain. Cela est très agréable. Il y a aussi des puits de lumière avec des images végétales imprimées sur le verre.

Question : Les smart cities sont aujourd’hui au cœur du débat. Pensez-vous que la revalorisation urbaine, par le recyclage que vous avez mentionné, peut faire partie des caractéristiques de ce qu’est une smart city ? Mosè Ricci : Selon moi, les caractéristiques de la ville intelligente sont très nombreuses et elles le seront encore plus à l’avenir, mais je ne vais pas m’étaler là-dessus. Que se passe-t-il dans la vraie ville ? Je pense qu’il s’agit d’un transfert des éléments solides de la ville, vers un monde non matériel. L’idée est de permettre aux habitants d’avoir plus d’espace et de construire moins de bâtiments. Dans l’occident, notre travail est de nous focaliser sur la création de la beauté et sur le recyclage des matériaux existants dans les zones urbaines, sans pour autant augmenter notre empreinte sur l’environnement. Il ne s’agit pas de démolir et de reconstruire. La ville intelligente nous permet de faire ce que l’on souhaite, où que l’on soit. On peut même donner une conférence dans un ascenseur si on le veut. Le paradigme qui relie les formes et les fonctions du bâtiment n’existait pas auparavant. Aujourd’hui, on peut utiliser notre patrimoine pour faire beaucoup de choses : vivre comme d’habitude ou alors faire une école dans un entrepôt ! On n’a plus besoin de tout distinguer, car on peut tout faire avec n’importe quel espace. –81–


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Cela est possible grâce à la ville intelligente et aux nouvelles technologies qui nous permettent de faire ce que l’on veut et n’importe où. Notre rôle en tant qu’architecte sera de créer de la beauté et d’agir à partir de l’existant. Par exemple, lorsque l’on regarde la basilique palladienne à Vicence, ou le théâtre de Marcellus à Rome, on s’aperçoit que se sont des bâtiments construits avec une partie ancienne et une partie nouvelle. Cela constituera le point focal de notre travail à l’avenir. Question : Cela fait huit ans que j’ai remporté un projet de pont sur l’Arno, près de Florence en Italie. En huit années, je n’ai réussi à avoir que l’approbation de l’avant-projet sommaire. Cela pour dire qu’il ne faut pas désespérer et que les projets non-faits peuvent un jour se réaliser. J’ai beaucoup aimé votre intervention sur Détroit, et la façon dont vous montrez ces jardins à Rome, occupés par les habitants suite à la crise économique. On s’aperçoit qu’à Détroit ou à Rome, on est en situation de difficulté économique. La question est la suivante. Est-ce que cette proportion à faire du vert est quelque chose de postérieur à un système de crise ? Ou s’agit-il de quelque chose de fondamental pour les populations, enclin à des politiques, de penser cet étalage de vert pour ne pas penser à l’incompétence politique et économique? Est-ce que l’on ne détourne pas l’attention en quelque sorte ? Les architectes ne sont-ils pas finalement complices d’un discours politique, en disant qu’on va faire du vert partout et que pendant ce temps on ne sera pas embêté ? Mosè Ricci : Je suis d’accord avec ce que vous avez dit. Cependant pour moi, la question se porte sur le fait que la crise joue un rôle essentiel, en tant que déclencheur du changement, dans la façon dont on voit nos villes. La ville de Rome n’a plus d’argent pour entretenir ses jardins et ses espaces verts. Les citoyens commencent donc à créer des jardins partagés et à s’installer dans les zones publiques. Cela plaît aux municipalités, car ils entretiennent les espaces. C’est illégal mais cela fonctionne. Ainsi, tout le monde est content.

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Par contre, je ne suis pas d’accord sur le fait de dire que mettre du vert va créer de la beauté. Ce n’est pas que cela. La ville intelligente nous donnera de plus en plus d’espaces disponibles dans les villes. Pensons par exemple au parc André Citroën à Paris, cette ancienne friche industrielle. Qu’allons-nous faire de ces anciens sites et de ces friches ? Pourquoi ne pas créer des environnements ruraux au sein de nos villes pour mélanger les catégories urbaines et nonurbaines ? Nous n’avons pas toutes les réponses, mais cette révolution technologique nous ouvre des portes. Il s’agit de la révolution la plus importante jamais connue. Bien plus puissante que la révolution industrielle où nous avons créé l’urbanisme, utilisé le béton, changé la manière de traiter le fer, etc. La théorie urbaine a changé à cette époque et il y a eu énormément de changement. Aujourd’hui encore, nous avons changé de paradigme. Je ne sais pas comment, mais je pense que nous sommes au-devant de changements absolument énormes. Nous avons compris que nous devrons créer des villes et des bâtiments de manière nouvelle. Nous ne pouvons plus nous contenter de formes et de beauté, mais il nous faut essentiellement des bâtiments durables. La question qui se pose est la suivante. Qu’allons-nous faire de tout ce dont nous n’avons plus besoin aujourd’hui et que pouvons-nous faire de notre héritage des années passées ? Cela coûte très cher, donc d’où viendront les moyens ? Les espaces verts font ainsi partie de ce nouveau paradigme.


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Remise de la Bourse MDS 2016 .......................................................... Marion Moustey Sarah Herbert

Marion Moustey - Architecte & présidente de l’association MDS Sarah Herbert - Architecte & lauréate de la bourse MDS 2016

M ari on Mou stey

Bonjour à tous, je suis heureuse d’être parmi vous aujourd’hui, afin de vous annoncer le lauréat de la Bourse d’Étude Métropoles du Sud 2016. Ce symposium est une occasion unique pour cela. L’association a été créée en 2013, avec pour volonté de tisser un lien étroit entre les futurs architectes et les jeunes diplômés. Vous êtes nombreux aujourd’hui à avoir répondu

présents, cela est très positif et montre que nous ne nous sommes pas trompés. Nous tâchons de mettre en place des liens, des outils, afin d’apporter du soutien et de valoriser les parcours personnels de chacun. Nous avons souhaité offrir une nouvelle opportunité. En 2015, nous avons mis en place la première Bourse d’étude Métropoles du Sud. Dotée de 8 000 euros elle a permis à Marine Pierson de faire le travail de recherche qu’elle vous a exposé ce matin. –85–


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Je tiens à la féliciter au nom de l’association pour la qualité de son travail. Nous avons suivi tout au long de l’année le blog Training et nous avons eu le plaisir de découvrir le livre éponyme qu’elle a édité. Marine a su exposer son sujet d’étude que sont les gares à travers une réflexion globale et pertinente. Elle a su porter ce projet de recherche qu’on lui avat confié. Forts de cette expérience, nous avons souhaité relancer un appel à candidature pour cette année. Parmi les candidatures, le jury s’est attaché à sélectionner le projet le plus pertinent au regard des fondements de l’association, mais également le projet le plus personnel. La lauréate de la bourse d’étude Métropoles du Sud est Sarah Herbert. Elle travaillera sur la reconversion du patrimoine industriel dans les opérations d’aménagements urbains.

C’est une thématique de travail qui l’intéresse depuis sa spécialisation à la maîtrise d’ouvrage complexe de master 2 à Sciences Po suite à son diplôme à l’ENSAM en 2012. Nous sommes heureux de lui offrir la possibilité d’approfondir son travail. J’invite Sarah à monter sur scène et à venir s’exprimer.

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Sarah Herbert Je tiens tout d’abord à remercier l’association Métropoles du Sud et mes anciens enseignants Élodie Nourrigat et Jacques Brion, ainsi que la présidente de l’association Marion Moustey, pour la confiance accordée de par l’attribution de cette bourse. En partant du postulat que d’ici 2050, plus de 70% de la population mondiale vivra dans les zones urbaines, les questions d’urbanisme et de métropolisation sont alors primordiales quant aux devenirs de notre environnement. Si certains pays ont connu des phénomènes de désindustrialisation au siècle passé, d’autres vont connaître ces phénomènes d’ici quelques décennies laissant de grands territoires délaissés à proximité des villes. En cela, la reconversion des sites industriels est une question récurrente à la fois dans les projets français, mais aussi internationaux. Au cours de mon parcours universitaire, puis professionnel comme architecte et aujourd’hui dans la maîtrise d’ouvrage, j’ai pu me rendre compte combien l’urbanisme mêle plusieurs disciplines dont l’architecture fait partie intégrante. Elle s’enrichit aussi à travers d’autres disciplines telle que le paysagisme, l’ingénierie, le droit, la finance… Ce sujet sera abordé sous les multiples angles qui composent le métier d’urbaniste afin qu’il soit le plus complet possible. Cette bourse me permettra de réaliser plusieurs séjours d’études notamment aux États-Unis, en Angleterre et en France dans le but d’analyser de multiples projets qui ont été réalisés ou qui sont en cours de réalisation et qui viendront étoffer mon sujet. À travers ce travail de recherche, je souhaite aussi soutenir l’École d’architecture de Montpellier et l’association Métropoles du Sud qui m’ont permis de me former et de me donner les clés tout au long de mon parcours universitaire et aussi professionnel. Encore un grand merci !


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Clôture .......................................................... .

Laurent Duport Architecte & enseignant à l’ENSAM

Laurent D u port

Je voudrais remercier l’ensemble des intervenants pour la qualité de leurs propos lors de cette journée qui a été à mon sens exceptionnelle, remercier les étudiants pour l’énorme travail accompli pour organiser cette journée, la structurer afin que celle-ci soit une réussite.

Élodie Nourrigat a indiqué que nous nous étions engagés dans cette voie à plusieurs et que nous espérons rassembler la richesse de la diversité des points de vue avec une volonté pédagogique d’ouverture, de construction et de participation au débat et que c’est pour cela que vous avez été invités tout au long de la journée. Pour résumer, revenons sur quelques points qui ont scandé la journée en regardant comment celle-ci encourage à sa manière la stratégie –89–


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nationale pour l’architecture lancée par le ministère de la Culture et qui contribue en particulier à participer, sensibiliser et mobiliser, selon les mesures proposées par l’un des groupes de travail conduit par Frédéric Bonnet, grand prix de l’urbanisme 2014. Lors de sa participation au symposium de Métropoles du Sud en 2012, il a indiqué que : « sensibiliser à l’architecture, ce n’est pas porter un message, diffuser une version officielle, mais plutôt susciter un intérêt général, un bouillonnement multiple autour des questions qui nous touchent tous : où habitons-nous ? Que nous offrent les villes et les territoires où nous vivons, comment construit-on les espaces publics, les logements, les lieux de travail, les équipements ? ». Il poursuit en nous disant que : « sensibiliser et mobiliser, c’est stimuler la recherche, l’invention, le débat, la prise de conscience et que ces actions ont pour objet l’enrichissement et l’extension de la demande pour l’architecture ».

Nous avons bien vu tout au long de la journée que cela pouvait prendre des formes multiples avec les conférences de nos trois intervenants Mads Birgens Kristensen, Anne Démians et Mosé Ricci. 90–90–

Avec COBE, ce qui est intéressant, c’est que c’est la première fois que la notion de Métropoles du Nord est abordée avec les questions d’échelle, de ressources, de mobilité, d’intégration sociale avec des projets d’espaces publics et d’extension de la ville de Copenhague. Anne Démians pour sa part nous a présenté une intervention « sur mesure » avec la transposition/ transcription d’un projet de Montpellier à la région parisienne, puis un projet où il est question de la construction en hauteur avec un programme mixte mais surtout en démontrant comment à travers des projets il est possible de questionner la recherche, la réflexion sur l’architecture elle-même dans tous leurs dispositifs y compris dans la notion de temps. Mosé Ricci quant à lui nous a présenté son travail sur Détroit et la question du recyclage ,sur le changement du sens de la vie après la métropole en s’interrogeant sur la réutilisation des espaces vides, délaissés et abandonnés ? D’autres actions ont contribué à cet élan et j’en veux pour preuve la bourse « Métropoles du Sud » initiée en 2015 avec ses lauréats, Marine Pierson et sa recherche sur les gares de trois villes, Montpellier, Kyoto et Copenhague et cette année Sarah Herbert avec son projet sur la reconversion du patrimoine industriel dans les opérations d’aménagement urbain. Mentionnons en outre le programme de consortium Knowledge Alliance for an Advanced Urbanism qui a été présenté ce matin où trois écoles d’architecture, de Barcelone (IAAC), Gênes (UNIGE) et Montpellier (ENSAM) sont réunies avec des entreprises (Usefull Simple Project, In Atlas) et des acteurs culturels (les éditions ACTAR et Champ Libre) pour vérifier, pour explorer sur trois années la question de la smart city dans le cadre de SENcity, la ville sensorielle à travers, entre autres, les notions de glocal, d’éfficacité, de smart data.


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C’est cela qui est important pour nous architectes et enseignants : concevoir des actions pour une ambition pédagogique, celle du domaine d’études de Master Métropoles du Sud. Mais c’est aussi prendre un temps en ce début d’année nouvelle pour s’installer dans une certaine durée, celle de l’architecture, mais aussi dans celle plus longue des Métropoles du Sud en devenir.

en particulier les répondants et animateurs de cette journée, Jordan Sharp, Quentin Giraud, Charlotte Pierson, Renaud Molines, Marline Lacroix, mais aussi l’association Métropoles du Sud. Merci également au CRDP pour son accueil depuis quatre ans maintenant, l’école d’architecture de Montpellier pour son soutien et la confiance qu’elle nous a accordé, le programme Erasmus+ KAAU, ainsi que nos partenaires de cette année : la région Languedoc-Roussillon Midi-Pyrénées, Thau Agglo et la ville de Sète, les associations Archipel et Focus, les sociétés Technal, Technilum, Vinci Autoroutes, Focus, Volum, le Géant des Beaux-Arts.

L’année prochaine nous terminons le cycle à Montpellier comme nous l’avions fait il y a quatre ans forts des expériences acquises à Pampelune, Evora et Ljubljana. Mais cette année la différence est de taille car Montpellier est devenue Métropole… du Sud le 1er janvier 2015, réunissant 434 000 habitants sur un territoire de 434 km2. Nous voilà donc, avec la thématique de la smart city au cœur des préoccupations contemporaines, et c’est bien cela que nous souhaitons proposer aux étudiants de Master de l’École nationale supérieure d’architecture de Montpellier avec la ville comme lieu de vie du xxe siècle Enfin nous souhaitons remercier, au nom des enseignants, tous les étudiants du domaine d’études de Master « Métropoles du Sud » et –91–


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École Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier :::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::

Étudiants de Master du domaine d’études

Métropoles du Sud

AGRED Maxime // BAHNEMANN Britta // BELLOU Évangélia // BILLIET Sébastien // BIOT Kévin // BOSSET Margaux // CAPELIER Émile // CHAPUIS Lucie // CHOUC Morgane // CISTERNE Julie // COSTES Émilie // DAHMANI Tanguy // DE LOS RIOS Camille // DOL Manon // DUCHEMANN Gilles // DUQUERROY Anthony // FOUCAUD Jonathan // FRAISSE Elsa // GARCIA Aude-Lise // GAL Gilles // GASSIOT CASALAS Elsa // GASULLA Maéva // GINESI Irène // GIRAUD Quentin // GONZALO RODRIGUEZ DE VERA Adéla // GRANIER Émilie // GREDIS Apostolos // HE Yunsheng // HERNANDEZ LLADO Marta // INTHAMOUSSOU Camille // ISNARD Yorick // KADDOUCH Marine // KARLSEDER Nina // LACROIX Marline // LAFENETRE Gaétan // LLANOS Jordan // MAINIERI Lisa // MAIRE Paul-Philippe // MALFONDET Marianne // MARIN-LAFLECHE Alizon // MERZOUK Taous // MOLINE Renaud // MORINI Paul // PAPIN Olivier // PELEMAN Anke // PIERSON Charlotte // PLANCHARD Violaine // PIZOVIC Mélissa // POTIER Thomas // PRUDENT Marie-Laure // PY Johan // REYDA Chloé // RICHARD Paul // RIGO Pierre // ROUSSE Samia // ROUXEL Fabien // SAIDOU Clément // SHARP Jordan // SWARTJES Aaron // TAQUET Audrey // TECHER Sandrine // TOUSSAINT Léa // TREUIL Louca // VALLERAULT Athur.

Publication : École Nationale Supérieure

d’Architecture de Montpellier

Photographies : leurs auteurs / RIGO Pierre /

Association Focus / DOL Manon © COBE, Rasmus Hjortshøj, CAOST Studio, Adam Mrøk, Sleth, Polyform, Rambøll, NORD Architects, Ja-Ja : p.42-53

Couverture : GIRAUD Quentin –93–


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L’équipe pédagogique et les étudiants de Métropoles du Sud tiennent à remercier :::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::

Pour la mise à disposition de la salle : La CRDP de Montpellier

Pour leur soutien :

Le ministère de la Culture et de la Communication L’École Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier L’Union Européenne - Erasmus+ La région Languedoc-Roussillon Midi-Pyrénées Thau Agglo La ville de Sète Vinci Autoroutes Technal Technilum Arts Hélio Le Géant des Beaux-Arts L’Association Archipel - association de l’ENSAM L’Association Focus - association de l’ENSAM Volum

Pour la traductrion :

Acb-Ilo : Clare Hart et Anita Saxena

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Enseignants Métropoles du Sud :::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::: Clotilde BERROU

Boris BOUCHET

Architecte Enseignante ENSA Montpellier

Architecte Enseignant ENSA Montpellier

Axelle BOURDEAU

Jacques BRION

Architecte Enseignante ENSA Montpellier

Architecte Enseignant ENSA Montpellier

Laurent DUPORT

Guillaume GIROD

Architecte Enseignant ENSA Montpellier

Architecte Enseignant ENSA Montpellier

Anabelle ISZATT

Jérôme LAFOND

Architecte Enseignante ENSA Montpellier

Architecte Enseignant ENSA Montpellier

Luc LEOTOING

Élodie NOURRIGAT

Architecte Enseignant ENSA Montpellier

Architecte Enseignante ENSA Montpellier

Pierre SOTO

Laurant VIALA

Architecte Enseignant ENSA Montpellier

Géographe Enseignant ENSA Montpellier

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Roundtable - 15th January Advanced Urbanism / Vision & Challenge :::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::: On January 15th 2016, as part of the Symposium MÉTROPOLES DU SUD, organised by ENSAM, some members of the Knowledge Alliance for Advanced Urbanism (KAAU) participated in a Round Table titled: Advanced Urbanism: Visions & Challenges. KAAU participants: • IAAC: Chiara Farinea & Mathilde Marengo • UNIGE: Manuel Gausa & Nicola Canessa • ENSAM: Jacques Brion, Élodie Nourrigat, Guillaume Girod, Johan Laure & Marion Moustey • InAtlas: Luis Falcón • Mcrit: Andreu Ulied & Marite Guevara • Technilum: Benat Saez • Useful Simple Project: Judith Sykes & Oliver Broadbent The increasing availability of data that comes from city sensors, creates new opportunities not just for monitoring and management, it will also radically change the way we may describe, understand and design cities, challenging many fundamental assumptions of the city design and planning professions. We understand “Advanced Urbanism” as the sensitive integration of ICT in cities, taking in consideration cultural heritage, environmental and social dimension issues. “Advanced Urbanism” is about designing and planning processes –instead of just concrete artefacts, linking citizens, business and government into sustainable urban business cultures. “Advanced Urbanism” requires changing traditional design and planning practices towards more open, collaborative and interdisciplinary practices. For this reason, our Consortium wants to build a Knowledge Alliance for Advanced Urbanism (KAAU) to promote the innovative education and training that emerging technologies require. KAAU will develop an educational and training platform, in partnership with HEIs and well-established industrial partners and companies. The objective of this platform is to offer participants the possibility to engage in a semi-professional environment, developing projects with the support and expertise of institutions that are commercially involved in their field of expertise. In this manner, it provides a potential jumping platform into future professional opportunities, while offering companies a fresh R+D environment where to propose new design challenges and applications. In this first round-table we will engage a discussion about the vision of each partner about this point of view of a new manner to think, design, and develop the urban planning profession. Share a vision from academic, professional and research position that is the challenge of this round-table.

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Métropoles du Sud

CONTACTS

La huitième édition du Symposium du domaine d’études "Métropoles du Sud", de l’Ecole Nationale Supérieure Alain DEREY d’Architecture de Montpellier, participe à nouveau à la Directeur de l’ENSAM définition du concept même des métropoles du sud. alain.derey@montpellier.archi.fr Le Symposium interrogeait le sens même de la ville, de ses Isabelle AVON d’inscription dans les territoires bâtis et modalités Directrice du développement et de communication paysagers existants et delason devenir à travers les isabelle.avon@montpellier.archi.fr interventions de Mads Birgens Kristensen, chef de projet de l'agence danoise COBE, Anne Démians, architecte Jacques BRIONww fondatrice de et l'agence Architectures Anne Démians et de Directeur des études de la pédagogie l'architecte Mosè Ricci, associé de l'agence Riccispaini. jacques.brion@montpellier.archi.fr A partir de 2016, le Symposium Métropoles du Sud fait Ahmide RADI partie du programme de recherche Erasmus + mis en place Directeur administratif et financier par l'Union Européenne. Le projet KAAU-SENcity réunit trois ahmide.radi@montpellier.archi.fr établissements d’enseignement supérieur, l’ENSAM au Pierretravers ROSIER de son domaine d’études Métropoles du Sud et du Directeur de l’antenne de Barcelone, La Réunion l’UNIGE en particulier le LIFAM, l’IAAC de pierre.rosier@montpellier.archi.fr Département DSA de Gènes. Sont associés six entreprises, inATLAS, Mcrit, Technilum, Darts, Santa and Cole, Useful Simple Project, travaillant sur la gestion des données informatiques, la réalisation d’applications d’aide à la gestion de la ville, la création d’outils d’analyse et d’optimisation des données géo-localisées, et enfin sur le mobilier urbain connecté. Deux structures culturelles, le Festival des Architectures Vives et les éditions Actar, sur quatre pays (France, Italie, Espagne et Angleterre), pendant trois années, font partie des retenus par l’Europe dans le cadre de ce programme. KAAU-SENcity explore les potentialités de la ville qui utilise les nouvelles technologies au service de ses citoyens, mettant le projet et la participation au cœur de son fonctionnement. 179 rue de l’Espérou 34093 Montpellier Cedex 05 T. 04 67 91 89 89 F. 04 67 41 35 07 www.montpellier.archi.fr

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