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Avec Noé, ticket gagnant pour les vacances d’été
Le FSJU devrait investir cette année dans les centres aérés, les colonies avec hébergement ou encore les camps scouts entre 250 000 et 280 000 euros de bourses. Un dispositif qui permettra d’aider 1800 enfants à prendre la poudre d’escampette. Des tickets vacances (*) d’une valeur maximum de 275 euros à utiliser auprès d’une vingtaine d’organismes labellisés « Noé », aussi diversifiés que le DEJJ, les Gan Israël, des Beth Habad, les EEIF ou encore l’Hashomer HatzaÏr. Des organismes ayant signé une charte de qualité avec une quarantaine de critères parmi lesquels « une vigilance sanitaire renforcée », le « maintien du vivre-ensemble », « une vie juive de qualité équilibrée et ouverte sur la cité», des « activités sportives repensées », une « coordination (…) avec une cellule d’urgence (sur des sujets) sanitaires, logistiques, psychologiques et réglementaires ». Philippe Lévy, directeur de l’Action Jeunesse au sein du Fonds social juif unifié (FSJU) répond aux questions de la Vie Juive.
LVJ : Est-ce que les colonies font le plein ?
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P.L : « Il y a une explosion des demandes d’inscriptions. Les colos vont bien, elles se remplissent dès le mois de mars et en juin sont quasiment à guichet fermé. Après la crise sanitaire, les parents ont à nouveau confiance; il y a aussi la volonté de resocialiser leurs enfants et de leur transmettre des valeurs juives fortes. Par le prisme des tickets vacances, on permet aux jeunes dont les parents sont « CSP+ » d’en côtoyer de milieux plus modestes. La jeunesse doit nouer un lien avec la cité, elle ne doit pas se replier dans des colonies ghetto.»
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LVJ : Votre budget évolue-t-il en conséquence ? Les tickets vacances sont-ils votre seul levier d’aide financière ?
P.L : « Nous aidons ces organismes à l’année à travers la formation continue. Notre budget de bourses oscille entre 250 000 et 280 000 euros et il est en augmentation. Il évolue en fonction de la générosité des donateurs et de la collecte de la Tsedaka et en fonction des besoins des colonies. Pendant deux ans, le Fonds Myriam (ndlr : créé pendant la crise sanitaire pour aider les associations juives) nous a aidés à consolider ce budget. Notre objectif, c’est qu’il n’y ait pas un seul enfant qui ne puisse partir en colonie de vacances pour des raisons financières ou parce qu’il n’y a pas de place. Avec les tickets vacances, nous aidons en moyenne 1800 enfants. Ces aides sont cumulables avec des aides de la CAF. J’aimerais d’ailleurs que les années prochaines, il n’y ait pas de trêve en août et un meilleur équilibrage du calendrier des colonies. »
LVJ : Les organismes que vous aidez sont tous très différents les uns des autres, sur leur rapport à Israël, l’étude de la Torah…Ne campent-ils pas chacun sur leurs idéaux, loin les uns des autres ?
P.L : « C’est la magie de Noé qui est une marque ombrelle, une fédération. Depuis 2016 que je suis en poste, je peux vous dire que dans nos réunions, les représentants de l’Hachomer Hatsaïr sont à côté de ceux du Bne Hakiva, et ceux du Gan Israël à la même table que ceux du Judaïsme En Mouvement. Chacun a sa shehita, sa philosophie. Nous exigeons un minimum commun qui est la cacherout du Rav Wolf, le respect du shabat , même si au sens consistorial, il pourrait y avoir quelques entorses. Il y a de la ardout. Nous sommes les douze tribus d’Israël, nous représentons la richesse du judaïsme français. Nos réunions sont des coconstructions, elles sont plus que du vivre-ensemble, elles sont du faire-ensemble. Notre groupe Whatsapp , très bienveillant, palpite. Les colos se transmettent les cv d’animateurs. Nous travaillons tous main dans la main avec un seul objectif urgent : celui du militantisme et de la relève communautaire. »
LVJ : Pas de crise du bénévolat à l’horizon ?
P.L : « La jeune génération prend les manettes et lisse aujourd’hui les polémiques et les oppositions qu’on a pu connaître avant. Elle prend son destin en main. Dans l’ensemble, tous ces mouvements de jeunesse ont une même trame, un même souci du judaïsme. On pense aux EEIF qui fêtent leur 100e anniversaire cette année. Sur les 16 000 gamins qui partiront en colo cette année, plus de la moitié deviendra animateurs car ils auront été touchés par l’éducation au don, au hessed qui est promu dans ces mouvements de jeunesse. Aujourd’hui, c’est l’éducation informelle qui produit du militantisme. »
LVJ : Les colonies que vous financez sont exclusivement sur le territoire français ?
P.L : « Oui. Mais nous réfléchissons à l’Europe. Et à Israël quand les prix seront moins insolents ! »
LVJ : L’une des aides directes que vous apportez aux mouvements de jeunesse, c’est à l’année et il s’agit de la formation continue. En quoi consiste-elle, en quoi est-elle si importante ?
P.L :« Ces colonies de vacances ne doivent pas être un lieu uniquement d’amusement. Elles sont là pour faire grandir les enfants, créer de la solidarité, développer leur citoyenneté et leurs compétences comportementales. Notre socle, c’est celui de la Jeunesse et Sport. Nous avons des exigences. Ces formations continues constituent une proposition d’accompagnement sur comment accueillir la parole de l’enfant, prévenir des phénomènes d’addiction aux écrans ou encore les violences sexuelles sur mineurs. Il ne faut pas croire que ces sujets de société ne s’invitent pas dans les colonies. En effet, être titulaire du Bafa, c’est très bien mais cela ne suffit pas. Il faut pouvoir faire de la veille, prévenir, acompagner et le cas échéant signaler. L’OPEJ, qui est notre partenaire privilégié, met des professionnels de santé, des psychologues, des éducateurs à disposition pour nos formations continues et tout l’été au sein d’une cellule de veille. »
LVJ : La communauté juive est-elle touchée par ces problématiques ?
P.L : « Chez nous, pas plus qu’ailleurs. Oui, cela existe, mais nous ne sommes pas les plus impactés car traditionnellement, nos enfants, c’est notre famille. Il y a un supplément d’âme au sein des équipes éducatives qui prennent tout cela très au sérieux. Il y a un surinvestissement au niveau éducatif. Dans chaque colonie, il y a des aînés qui permettent à de jeunes directeurs d’être des pôles rassurants et peuvent intervenir sur ces sujets rugueux. Nous ne faisons pas la politique de l’autruche. »
LVJ : De quels problèmes parle-t-on concrètement ?
P.L : « Il peut y avoir des problèmes liés à des images volées sur les téléphones portables, des comportements liés à l’hypersexualisation. Mais je pense qu’on s’en sort bien. Et c’est justement parce qu’avec l’ensemble de nos associations, nous nous voyons tous les deux mois pour échanger sur nos pratiques avec en convergence l’intérêt supérieur de l’enfant et le fait qu’il soit dans un environnement protégé. Il faut préciser que le label Noé n’est attribué que pour deux ans renouvelables. Cet été, par exemple, nous allons nous rendre sur 15 spots, discuter avec les animateurs, partager leur cinquième repas. C’est une évaluation très organique, sur le terrain, c’est de la sociologie en acte. Et en fonction des résultats, nous en parlerons à la rentrée et remettons en place certains dispositifs visant à améliorer certaines pratiques. »
Note
(*) pour être éligible, il faut avoir un coefficient familial inférieur ou égal à 820. Un dossier à compléter sur le lien suivant : http://tickets-vacances.fsju.org/)
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Y’a-t-il des thématiques particulières qui seront abordées dans les colonies labellisées Noé cet été ?
« Il y en a deux qui se détachent en effet, explique Philippe Lévy. C’est le sujet de l’écologie avec une fresque du climat, des discussions sur le tri des déchets, d’autres planteront des arbres en partenariat avec des municipalités. L’autre sujet est le sport, mais davantage l’ingénierie du sport, car nous sommes dans l’orbite des Jeux Olympiques de Paris 2024. Par ailleurs, il y a un vrai problème d’obésité chez les jeunes. Avec le sport, on parle de tout, de la nutrition, de l’estime de soi, du fair-play. Je veux évoquer aussi des programmes expérimentaux très innovants à destination des adolescents avec des battle rhétoriques, des concours d’éloquence pour former, inviter le débat dans la logique de l’argumentation. On flirte avec le développement personnel et c’est très bien. »