2 minute read

Une commissaire de police devenue professeure de français

Commissaire de police pendant près de vingt ans, Juliette Monroche enseigne aujourd'hui le français aux collégiens de Fagnières, près de Châlons, et voit l'humain comme le dénominateur commun à ces deux métiers.

Souvent opposés, notamment d'un point de vue politique, les métiers de la police et de l'enseignement ont en commun les préjugés qui leur collent à la peau. « En restant la même personne, je suis passée de l'alcoolofasciste à l'ultra-gauchiste, plaisante Juliette Monroche. On retrouve aussi dans ces professions les valeurs républicaines et la notion de laïcité, auxquelles je suis très attachée. » Dès l'âge de 12 ans, cette Valenciennoise d'origine savait exactement ce qu'elle souhaitait faire plus tard : commissaire de police. « Pour aider les autres et commander les hommes. J'ai toujours eu la fibre féministe. J'ai fait Sciences Po et une maîtrise de droit privé, tout en passant les concours. » S'ensuivent deux ans à l'école de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or et un premier poste dans le Pas-de-Calais. « J'avais 25 ans, j'étais la première femme commissaire de police dans cette unité. J'ai adoré mon travail, même s'il demandait beaucoup de disponibilité. On est dans l'action, au contact des gens, en prise directe avec la réalité de ce qu'ils vivent au quotidien. »

Advertisement

Les mutations la mènent, tout comme son époux, lui aussi dans la police, vers d'autres commissariats du Nord. Puis en région parisienne, où elle est nommée cheffe de circonscription et déléguée aux violences faites aux femmes.

Après une étape à Budapest, elle rejoint Marseille. Jusqu'au burnout. « J'en parle librement, y compris avec mes élèves, assure Juliette, ellemême maman de deux ados. Je ne me retrouvais plus dans le métier. L'arrivée des réseaux sociaux a engendré une immédiateté de l'in- formation, des interventions. On avait de plus en plus d'interférences avec le politique. Et de moins en moins de frontières entre vie pro et perso. » Malgré ce surmenage, elle gère de front sa vie de famille, ses semaines de 50 heures et la préparation du Capes (certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré), qu'elle obtient.

Elle est mutée au collège Louis Grignon de Fagnières en 2018 et y enseigne le français depuis. « Capter l'attention d'une classe nécessite énormément d'énergie. C'est même plus fatigant que dans la police ! Mais j'adore mes élèves, ils m'apportent beaucoup. Je suis transparente avec eux. Ils savent que j'ai été commissaire. Je leur explique que le fait d'avoir un diplôme, quel qu'en soit le niveau, permet de faire ce qu'on aime. Certains me demandent si j'ai déjà tiré sur des gens, d'autres m'interrogent sur ce que j'aime lire. » Car Juliette a aménagé dans sa salle de cours une bibliothèque avec ses propres livres, qu'elle prête à loisir aux collégiens. « Je suis convaincue du bien-fondé de l'innovation pédagogique, sourit-elle. Je leur propose un système de classe flexible pour qu'ils s'installent selon leur envie d'être seul ou à plusieurs. Je leur laisse le choix des exercices, notamment les auto-dictées participatives, pour qu'ils soient actifs de nos cours. » Bien sûr, cette femme de caractère s'est donné les moyens de changer de cap professionnel. Elle voit également le burnout comme l'occasion de rebondir et conseille, pour une reconversion réussie, de prendre le temps de s'informer et de mûrir sa réflexion. « Quitter ses repères pour aller vers l'inconnu impose de se remettre en question et d'acquérir de nouvelles connaissances. Le plus important, c'est de s'interroger sur ce à quoi on aspire, en étant sincère avec soi-même. Et de miser sur ses passions pour retrouver l'énergie et le positif qui nous aideront dans cette démarche. » Bel exemple de cheminement.

Sonia Legendre

This article is from: