L'Hebdo du Vendredi Châlons 604

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Sorties

Du 7 au 13 janvier 2022 >> www.lh ebdoduve ndre di. c o m

Interview - Laurent Baffie

« Le rire, c'est aussi une thérapie ! » Adulé, parfois redouté pour ses vannes à tout-va et son impertinence, le roi de l'impro Laurent Baffie fait escale dans la Marne avec son dernier seul-en-scène. Seul ou presque, puisque l'auteur, animateur et humoriste invite le public à se poser les bonnes questions. Les vraies.

pas rire. J'ai été traumatisé par le 11 Septembre et par Charlie. J'arriverais peut-être à surmonter cela un jour, mais je ne me vois pas ni jouer ni aller voir un spectacle au Bataclan, par exemple. À quand un spectacle sur la maltraitance animale ? C'est aussi l'une de mes limites. Je vois plutôt la cause animale comme un engagement. Je travaille actuellement à l'écriture d'un livre et une conférence humoristique sur la zoologie. Ça fait partie des centaines de projets dans mes tiroirs et qui infusent. Mais la maltraitance animale, ça ne me fait pas rire. La misogynie non plus. C'est plutôt la connerie des hommes qui me fait rire, et que je dénonce dans « Soupe miso ».

Avez-vous pris de bonnes résolutions pour 2022 ? Quelques-unes, oui. Pour la deuxième année, je ne boirai pas d'alcool pendant le mois de janvier. Ce n'est pas évident pour moi. J'aime l'apéro, le bon vin, je suis un peu un alcoolique mondain. J'ai trouvé le temps long l'an passé, mais je le referai tous les ans. J'essaierai aussi d'être un peu plus optimiste. Vu tout ce qui se passe, ça va être une sorte de travail sur moi-même.

Vous multipliez ces dernières années les cordes à votre arc : humoriste, animateur radio et télé, réalisateur, écrivain, metteur en scène... philosophe ? Ce serait prétentieux de le penser. Ou alors philosophe de comptoir, avec une bière au bistrot. Cela dit, il m'arrive de sortir des saillies qui pourraient être rangées dans la philosophie de bon sens. Mais je ne me prends pas pour un intellectuel. L'écriture reste pour moi le plus important, parce que c'est magique. On part d'une page blanche, et un jour, on se retrouve sur scène, avec des décors, des comédiens. C'est une vraie émotion. On se sent un peu comme Dieu, comme un créateur, lorsqu'on fait une pièce ou un film.

Vous avez publié fin octobre votre 9e ouvrage, « Le guide de la répartie ». C'est quoi le secret de la vôtre ? Un petit don au départ, beaucoup de travail ensuite ! Je vanne tout le temps et tout le monde. C'est devenu une gymnastique, un instrument qu'on travaille chaque jour, comme le musicien travaille ses gammes. Mais le premier secret, c'est de savoir doser. Certains n'osent pas, parce que c'est délicat. Quand on dit autant de conneries, on peut aussi se faire engueuler. Et regretter certaines vannes ? Il y a des centaines de vannes que j'ai regrettées, oui. À chaque fois que ça a blessé les gens. Je déteste faire de la peine. Et comme je suis assez hard, j'ai un budget « fleurs » assez conséquent... La pièce « Soupe miso », écrite et mise en scène par vos soins, fait aussi son entrée au théâtre. Laurent Baffie serait-il féministe ? Cette pièce, c'est en quelque sorte les états généraux de la misogynie depuis la nuit des temps. Dès que l'homme a pu s'exprimer, il n'a eu de cesse de rabaisser la femme. Grâce à trois comédiennes formidables (Tiffany Bonvoisin, Fabienne Louin et Lily Rubens, ndlr), je raconte et je dénonce la misogynie avec humour à travers tout un tas de supports. Le spectacle, la publicité, l'actualité et les faits divers, etc. C'est un sujet extrêmement sensible, sur lequel on ne m'attendait pas, mais qui me tenait à cœur. Et faire rire les gens avec cette thématique, c'était très dur. J'ai repris la formule « culture et déconne » que j'utilise depuis des années. J'aime beaucoup la vulgarisation, le fait d'apprendre des choses en se marrant. C'est ce que je propose aux spectateurs et ils sont enthousiastes. Vous jouerez à Reims et à Mourmelon le spectacle « Laurent Baffie se pose des questions », né il y a

Laurent Baffie partagera toutes les questions existentielles qu'il se pose avec le public marnais, fin janvier. © Patrick Casté

deux ans. Comment a-t-il évolué ? Votre parti pris, c'est de faire Pose-t-il des questions que vous participer le public en l'invitant ne vous posiez pas à l'époque ? à monter sur scène. Qui dit impro, C'est un spectacle vivant, donc en constante dit aussi imprévus ? évolution, et que j'adapte aux villes dans les- Généralement, je prospecte un peu avant quelles je joue. J'ai justement mon classeur d'inviter les gens. Et comme la salle se rede questions sous les yeux. Je m'en pose tou- nouvelle à chaque représentation, on a soujours un tas et je remplace les moins drôles vent de très bonnes surprises. Il arrive aussi quand de plus drôles me viennent à l'esprit. qu'on soit un peu dépassé pendant les hapA l'époque, j'en avais publié 500 dans un penings. Je me souviens d'une femme assise livre. Ce sont des quesau premier rang qui est tions que personne ne se montée sur scène. De fil « Philosophe pose, qui parlent à beauen aiguille, on a compris de comptoir, avec coup de gens, mais auxqu'elle était en pleine séune bière au bistrot » paration. Son mari était quelles on ne peut apporter aucune réégalement dans la salle. ponse. Et ça va du graveleux au très réfléchi. Elle lui a lâché tout ce qu'elle avait sur le Est-ce qu'il existe des ours bipolaires ? Une cœur devant tout le monde. Ça a été son exuéphémère peut-elle procrastiner ? Pourquoi toire et c'était un moment émouvant, vraiquand je rêve que je baise, je me ré- ment très touchant, une sorte de thérapie veille trop tôt, et quand je rêve que je pisse, collective. Les gens lui ont fait un triomphe. je me réveille trop tard ? Je ne parle pas du Je ne pensais pas un jour vivre un tel mocovid dans ce spectacle. Je suis là pour faire ment dans un de mes spectacles. marrer les gens, pour leur remonter le moral. Je les invite à venir prendre une bonne dose Sept ans après les attentats contre de rire, je les traite comme une bande de Charlie Hebdo, peut-on rire de potes avec qui on passe une bonne soirée. Et tout ? même s'il y a des vannes, si ça va un peu C'est la sempiternelle question. Libre à chaloin, on reste dans quelque chose d'extrême- cun d'y répondre et de rire de ce qu'il veut. ment bienveillant. Le rire, c'est aussi une Personnellement, j'ai mes limites. Je ne fais pas de vannes sur les sujets qui ne me font thérapie !

Êtes-vous toujours ami avec Jean-Marie Bigard, malgré les thèses complotistes qu'il défend ? C'est plus qu'un ami, c'est un frère. Et on ne renie pas ses frères. Depuis qu'on se connaît, il y a eu bon nombre de sujets sur lesquels nous n'étions pas d'accord. Ça s'est accentué avec ses prises de position sur la crise sanitaire. Je le trouve parfois excessif, je ne partage pas toutes ses idées, mais je ne le juge pas. Serez-vous candidat à l'élection présidentielle cette année ? Non. Je l'ai fait croire pour celle de 2017 avec l'émission « Baffie président », ça m'a permis de prendre la température. Si je m'étais vraiment présenté, j'aurais fait haut la main 5 %, peut-être 10. L'un de mes slogans, c'était « avec moi, ça ne peut pas être pire ». En fait, j'ai toujours détesté la politique. À chaque fois que j'ai voté, je m'en suis mordu les doigts. Je pense que les solutions viendront des citoyens, de la collectivité et du travail de chacun. Elles ne viennent pas des politiques, ça se saurait.

Propos recueillis par Sonia Legendre 4 « Laurent Baffie se pose des questions », jeudi 27 janvier à 20 h 30 au Kabaret champagne music-hall de Tinqueux, vendredi 28 janvier à 20 h 30 au Centre culturel Napoléon III de Mourmelon. Tarifs : de 15 à 42 euros (déconseillé aux moins de 16 ans). Infos : le-k-reims.com, mourmelonlegrand.fr.


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