La force de la tsédaka
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Un royaume miraculeux!
Une dernière chance
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A
TABLE DES MATIERES ng
leterre
Numéro de téléphone pour écouter le témoignage direct: .....................................................................................................00-44-7966197314
Vingt ans et deux semaines
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aël Is r
Numéro de téléphone pour écouter le témoignage direct: ........................................................................00-972-52-7635889
Deux heures !
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Su
isse
Numéro de téléphone pour écouter le témoignage direct: ...............................................Confidentiel pour des raisons évidentes
A la minute près…
an c e Fr
p. 13
Numéro de téléphone pour écouter le témoignage direct: ................................................................................06-12-61-59-06
Une main tendue
pagne Es
p. 16
Numéro de téléphone pour écouter le témoignage direct:
Cinq fois!
p. 19
E
..........................................................................00-34-913-837-015 t ta
...................................................................00-718-809-264-9718
p. 22
aël Is r
Numéro de téléphone pour écouter le témoignage direct: ..........................................................................00-972-367-66432
Koupat Ha’ir La principale Caisse de Tsédaka d’Israël
0800-525-523 page 2 La force de la tsédaka POURIM 5768
Au cours de l’a nnée passée, se sont ajoutées des histoires exceptionnelles et instructives que nous ne pouvions insérer dans nos brochures par manque de place. Dans la brochure que voici, une petite partie de ces histoires est présentée, en tant que cadeau de Pourim à nos frères de France. C’est un cadeau qui exprime notre sincère estime et nos profonds remerciements à chacun des donateurs de Koupat Ha’ir. Vous avez une part considérable dans ces histoires… Le Créateur accomplit des prodiges par le mérite des donateurs de Koupat Ha’ir. Et ces donateurs, c’est vous ! Chacune de ces histoires, qui sont toutes vraies (vous trouverez ci-dessous le numéro de téléphone des personnes qui les ont envoyées), illumine un autre point, un nouveau domaine, un aspect intéressant de la vie.
s-Unis
Numéro de téléphone pour écouter le témoignage direct:
Un enfant sauvé
Alors que Pourim approche, nous rappelant les miracles divins pour sauver notre peuple, nous exprimons nos remerciements personnels, notre reconnaissance individuelle au Créateur pour les miracles et les bienfaits qu’Il nous déverse chaque jour. Certains de ces prodiges sont intervenus par l’intermédiaire de Koupat Hai’r.
Prenez un moment de repos, installez-vous dans votre fauteuil et laissez-vous emporter dans un royaume miraculeux… le royaume de la bienfaisance divine. Demain, votre prière sera peut-être quelque peu différente… plus profonde, plus émue, plus emplie de reconnaissance envers le Créateur qui nous inonde de Sa générosité. Et cela sera notre récompense.
Joyeux Pourim ! Et de bonnes nouvelles chez tous !
Une dernière chance
gleterre An
Nous voici en Angleterre, au premier étage d’un immeuble d’affaires somptueux, dans un bureau de luxe. Tapis moelleux, chaises de style... A l’intérieur, devant un large bureau, M. R. est assis et couvre son visage de ses mains. Des pensées affolantes envahissent son esprit et l’assaillent sans relâche…
« Tu as de bons amis, tente-t-elle de le rassurer. Tu les as tant aidés. Où sont-ils tous passés ?
La situation est dramatique.
Ce n’est pas seulement l’argent et les honneurs, c’est sa vie qui est en jeu ! La situation qu’il s’est faite par de longues années d’efforts est sur le point de disparaître, et il disparaîtra avec. Elle n’a pas besoin d’une grande intelligence pour sentir la catastrophe approcher.
Plusieurs affaires suivies avortées ont causé un immense déficit. Les gens ont perdu confiance. C’est juste une question de temps… La nouvelle va bientôt se répandre et les gens se précipiteront pour reprendre leurs dépôts. Ce sera la fin… Jusqu’à présent, il avait bonne réputation. On le connaissait comme un homme d’affaires prudent et réfléchi qui ne saute pas sur les affaires éblouissantes et dangereuses, un homme qui préfère avancer lentement et sûrement et qui recueille en abondance les fruits de sa circonspection. Mais la roue a tourné, l’avenir est sombre. La dernière affaire, celle dont les dimensions ne se révèlent qu’à présent, pour son malheur, constitue le dernier clou dans son cercueil… Il ne peut plus supporter d’être assis dans son bureau luxueux face aux colonnes de chiffres qui défilent sur l’écran. Il sort rapidement et claque impatiemment la porte de sa voiture. Il s’affaisse sur le siège et met le contact. Il ne voit pas les rues familières défiler ; ses yeux sont fixés dans le vide. En montant les quelques marches jusqu’à sa maison, il lui semble grimper le long d’une montagne abrupte. Sa villa splendide, meublée par les plus grands décorateurs de la capitale, combien de temps resterat-elle à lui ? « Je n’en peux plus ! s’écrie-t-il, plongeant son épouse dans l’effroi. Je n’en peux plus ! Nous sommes perdus ! Aujourd’hui, demain, après-demain… Je ne le supporterai pas ! » Elle connaît certes la situation mais son cri, semblable à celui d’une bête blessée, lui glace le sang.
– Des amis, c’est celui qui réussit qui en a, pas celui qui dégringole ! rugit-il. – Essaie quand même ! » supplie-t-elle.
« Tes amis ne t’abandonneront pas ! Nous sommes tous des Juifs ! » טטט Il partit les trouver, peutêtre pour ne pas perdre le bout de la dernière corde, peut-être pour lui faire plaisir, peut-être parce qu’il n’avait rien de mieux à faire. Ses amis hochèrent la tête avec empathie. Ils avaient vaguement entendu parler de ses malheurs, sans trop de détails. Sa détresse était maintenant évidente et la clé se trouvait peutêtre dans leurs mains. Chacun avait une dette de reconnaissance envers lui. page 3 supplément d׳histoire de délivrance POURIM 5768
Allaient-ils lui tourner le dos dans sa situation était désespérée ? « Nous te donnons une dernière chance, lui direntils à la fin d’une discussion approfondie. Nous te fournirons un très gros prêt : 100,000 livres sterling. Avec cette somme, lance-toi dans une affaire sûre, importe des écrans d’ordinateur de Chine, par exemple. Il n’y a aucun risque et un beau profit. Certes, c’est beaucoup de travail et d’efforts mais cela rapporte bien. Si tu réussis dans cette affaire, tu pourras peu à peu te rétablir. Si tu échoues, c’est que tu n’as pas l’intuition d’un homme d’affaires. Nous ne pourrons assumer une deuxième chute. » Combien d’espoirs il mit dans cette affaire ! Sachant que c’était sa dernière chance, il y investit tout son être, sans laisser la moindre chose au hasard. Une affaire si étendue demande des efforts soutenus, un grand nombre de relations, une profusion de documents… Il fit tout par lui-même, sans s’en remettre à personne. Les écrans de Chine arrivèrent au port en temps utile. M. R. reçut cette information et soupira de soulagement. Enfin ! Les écrans se trouvaient en Angleterre en bon état. Il avait luimême vérifié et acheté cette marchandise. Désormais, la voie vers la réussite était proche… L’était-elle vraiment ? Les boîtes contenant les écrans furent d él ic at em ent déposées dans page 4 supplément d׳histoire de délivrance POURIM 5768
un double camion. De là, elles seront transportées à l’intérieur du pays pour arriver à leur destination : les dépôts des acheteurs, ceux qui vérifieront leur qualité, les compteront et les paieront. Alors, M. R. pourra rendre une partie de sa dette immense et utiliser le reste pour faire une autre affaire qui le fera avancer d’encore un pas. Une très bonne affaire, aucun risque… Y a-t-il meilleur investissement que celui-là ? Le camion avait devant lui près de 48 heures de voyage qu’il était impossible de faire sans escale. Bien que M. R. fût impatient de voir son précieux chargement arrivé à destination, le chauffeur ne pouvait conduire 48 heures d’affilée. Des stations de repos se trouvaient sur la route, des endroits où boire quelque chose, faire une pause et dormir quelques heures. « Je ne sais pas ce qu’il peut arriver. Faites très attention ! recommanda M. R. à son chauffeur. Il peut y avoir des voleurs, des accidents, que sais-je ? Cette fois-ci, sans histoires. Je veux le camion intact et à temps ! » Le chauffeur comprit sa mission et l’aborda avec l’assurance d’un vieux renard. טטט Au point de repos de l’autoroute attendait un groupe de gangsters professionnels, munis de dispositifs dernier cri et d’un appareil capable de couper sans le moindre bruit le câble qui relie les deux voitures des doubles camions. A une vitesse étonnante, ils relient le câble à un camion conduit sur place, mettent le contact et disparaissent dans la nuit. Le tour est joué, sans laisser de traces ! Notre chauffeur arrive à cette station avec son double camion, avec les écrans d’ordinateur, et avec le dernier espoir de M. R. de voir sa situation se rétablir. La police savait ce qui s’y passait et faisait de temps à autre des gardes et des descentes mais la circulation fluide lui jouait des tours. Les voleurs étaient rapides et parvenaient à faire leur travail pratiquement sous le nez de la police. Au matin, le chauffeur affolé téléphone à M. R. : « On m’a volé un des deux camions ! Je ne sais pas comment ! Je ne me suis endormi qu’un tout petit moment ! » Des phrases entrecoupées, des exclamations étouffées… et le monde s’effondre sur M. R. A la police, on lui répond sèchement : « Cent
cinquante vols comme celui-ci ont lieu chaque nuit ! Vous n’avez aucune chance… Nous ne pouvons rien faire. Absorbez la perte et essayez une autre fois… »
Pourtant, son ami lui fait un grand sourire : « N’astu pas entendu parler de Koupat Ha’ir ? Fais un don à Koupat Ha’ir et tu seras sauvé… Ils retrouveront ton camion ! »
M. R. tourne en rond chez lui comme un lion en cage. Le monde s’est refermé sur lui, il n’a plus le moindre espoir. Avec la moitié de la somme qui lui reste, il ne couvrira pas la perte. Comment rembourser sa dette ? Que devient sa dernière chance ? Comment faire face à ses amis ? Comment régler ses dettes antérieures ?
Se moque-t-il de lui ? Est-il possible de se moquer de quelqu’un dans son état ?
La faillite... Il va commencer par faire faillite, pense-t-il avec effroi, puis il sera forcé de mendier. Non, il ne pourra jamais le supporter… Les fenêtres lui semblent plus menaçantes que jamais. Aura-t-il la force de résister à cet instinct qui le pousse à enjamber la fenêtre et à plonger vers le vide, vers le néant, vers l’oubli ? Il perdra en un instant ce monde-ci et le monde futur ! Mais comment affronter les humiliations, les créanciers, ses amis, sa famille, les photos dans les journaux ? Un cauchemar étouffant, un puits noir sans le moindre rai de lumière. Ses enfants marchent sur la pointe des pieds. Ils n’ont pas besoin d’explications. Son épouse ravale ses larmes et se voit déjà... veuve, démunie, criblée de dettes… La fin du monde est-elle à sa porte ? Un jour passe. Vingt-quatre heures plus amères que l’absinthe. Il respire lourdement, il est pris de vertige. Il ne mange et ne boit rien.
Mais son ami est tout à fait sérieux. Il le guide, lui explique où téléphoner et quoi dire. M. R. s’exécute presque contraint et forcé. Un jour passe. L’espoir réapparaît-il en son cœur ? Il ne sort presque plus de chez lui, son cœur bat à tout rompre. Il n’a révélé son secret à personne. Le lendemain, il reçoit un appel de la police de Glasgow. « Avez-vous déposé plainte pour le vol du contenu d’un camion ? – Oui. – Vous appelez-vous bien M. R. et habitez-vous bien à telle adresse ? – Oui. – L’équipe de voleurs a été attrapée et on a retrouvé votre camion. Les voleurs ne l’avaient pas encore vidé de son contenu. Venez à la station de police et apportez vos papiers. Vous pourrez reprendre le camion aujourd’hui même. » Comment la police a-t-elle attrapé les voleurs ? Elle ne nous l’a pas raconté. Pourquoi les a-t-elle trouvés ? Cela, nous le savons par nous-mêmes...
Une heure de plus passe. Qu’attend-il ? Peut-être le saut délivreur, peut-être la révélation dans la presse, peut-être les premiers coups frappés à la porte par les créanciers… M. R. est un Juif croyant mais cette catastrophe l’engloutit. Il sort de chez lui pour aller prier Min’ha à la synagogue avec des forces qu’il ne possède pas. Hier, il n’a pas prié avec la congrégation, ce matin non plus. Une dernière prière avant… avant quoi ? Il prie les yeux secs. La douleur l’immobilise, sa langue reste collée à son palais. A la fin de la prière, il rencontre un bon ami d’enfance qui voit la douleur sur son visage. Quelques mots sont échangés et l’image dramatique se révèle. Qu’y a-t-il à cacher ? Demain, tout le monde en parlera ! page 5 supplément d׳histoire de délivrance POURIM 5768
Israël
Vingt ans et deux semaines
Hanna était une jeune fille remarquable, une source de fierté pour ses parents. Elle donnait envie à tous ceux qui la connaissaient de proposer à ses parents en mariage leur fils ou leur neveu, pour avoir le privilège de la faire entrer dans leur famille. Cette jeune fille étant l’objet de tant de compliments, et qui les méritait tous, s’est fiancée à dix-huit ans. Malheureusement, après quelques semaines, le visage baigné de larmes et le cœur brisé, Hanna rendit sa bague de fiançailles. Toutes ses connaissances furent déconcertées, ses amies bouleversées. Ses parents se mordirent les lèvres de peine et espéraient la voir se fiancer à nouveau à un jeune homme qui lui conviendrait cette fois réellement. Hanna se sentait vidée, étourdie par la douleur. Une semaine passa. Après maintes supplications, Hanna osa se montrer dans la rue. Ce n’était pas de sa faute. Même sans connaître les raisons de sa décision, personne ne lui attribuait la moindre responsabilité. « Si seulement toutes les jeunes filles qui rompaient des fiançailles étaient aussi appréciées que Hanna ! Elle va bientôt trouver un bon garçon et oubliera tout cela » prédisaient les membres de sa famille. Prédisaient ? Espéraient, souhaitaient du plus profond de leur cœur – mais personne ne connaît l’avenir… Une semaine supplémentaire a passé. Peu à peu, de nouvelles propositions de mariage ont commencé à poindre. Certaines présentaient un problème chez le jeune homme, d’autres étaient tout à fait ordinaires. De nombreuses bonnes familles auraient aimé se lier par le mariage à celle de Hanna et à cette jeune fille dont les qualités continuaient à être célébrées de toutes parts. Elle garda sa peine en elle-même et pria pour l’avenir. Six mois ont passé, et six autres. Hanna nota tristement le jour anniversaire de ses fiançailles, puis le jour de la rupture. Rien n’avait vraiment changé depuis. טטט Hanna termina ses études sans changement et compage 6 La force de la tsédaka POURIM 5768
mença à chercher du travail. La réussite lui sourit et elle trouva une très bonne place. Elle s’investit de tout son cœur et recueillit d’excellents résultats. Dans le cœur de ses parents, la joie et la peine, la fierté et le tourment, habitaient tour à tour. Après un an, Hanna reçut un poste fixe. « Vais-je continuer à habiter ici ? pensait-elle. Qui sait où je serai dans quelques mois ? » Mais l’année s’avança jusqu’au milieu et même jusqu’à la fin, et Hanna resta sur place. Aucun changement. Sa jeune sœur se fiança et se maria. Hanna exprima sa joie de toutes les façons possibles. Son cœur brisé et ses larmes étouffées dans son coussin, seul le Ciel les connaissait. Une année de plus passa. Lorsque sa sœur eut un enfant, Hanna lui rendit visite à la maternité, lui prépara des gâteaux et fit tout pour exprimer sa joie et son émotion comme si elle-même n’existait pas. Elle ne savait pas qu’on priait pour elle. Elle n’était pas non plus au courant que sa famille avait organisé une « semaine de Chemirat Halachon » pour lui donner un mérite supplémentaire… Elle sentait bien que tout le monde désirait la voir mariée. Elle ne pouvait malheureusement pas donner ce qu’elle-même attendait plus que tout : trouver enfin le mari qui lui était destiné. Après quelques mois, son jeune frère se fiança lui aussi. La fiancée était bien plus jeune qu’elle : une jeune fille de dix-huit ans, comme elle-même lors de ses fiançailles. Elle alla choisir un bijou pour sa future bellesœur, donna son avis sur la robe de mariée… et se rendit au Kotel pour verser les larmes qui montaient en elle. Que personne ne voie, que personne ne sache – seul le Créateur était témoin de sa souffrance. D’autres petits-enfants sont nés et la maison de ses parents s’emplit de voix turbulentes. Elle aidait les uns et les autres, souriait autour d’elle, donnait de son temps et achetait des cadeaux… mais la partie la plus profonde et la plus protégée à l’intérieur d’elle-même, personne n’arriva à la réjouir. Ce repli du cœur restait triste, opaque, malheureux…
Des années ont passé. Ses plus jeunes frères et sœurs se marièrent les uns après les autres. Ils fondèrent de belles familles et tous leurs enfants éprouvaient une grande affection et une profonde confiance envers leur tante, leur tante qui avait déjà trente, puis trentecinq ans. Elle ne rajeunissait pas ; cet éclat de la jeunesse ne brillait plus dans ses yeux. Pourtant, sa réputation impeccable et l’admiration de tous ne l’avaient pas quittée. Rares sont les personnes aussi appréciées dans leur entourage. טטט Lorsque Hanna eut trente-huit ans et que ses parents n’étaient plus tout jeunes, un coup terrible frappa sa famille : son père tomba gravement malade… Son père était le pilier de la maison, le support sur lequel tous s’appuyaient. Sa mère supporta mal le choc et ce fut Hanna qui courut d’un médecin à l’autre, d’un centre d’examens à l’autre, d’un spécialiste à l’autre. De suite, ils surent que la situation était loin d’être encourageante. Personne ne parlait de guérison. « Espérance de vie », « retarder la fin », « réduction de la douleur », « soins alternatifs » – ces expressions éloignées de leur monde devinrent une partie de leur vie quotidienne. Hanna s’occupa de son père avec attention et dévouement. Pendant des jours entiers, elle ne quittait pas son chevet. Chaque geste, chaque expression du malade suscitaient une réaction immédiate de la part de Hanna. « Tu veux me faire plaisir ? » murmura-t-il un jour. Elle se pencha vers lui. Que ne ferait-elle pas pour faire plaisir à son cher Papa malade ? « Donne-moi la joie de te voir mariée… De te voir installée… Que je puisse quitter ce monde en paix ». Des larmes brillèrent dans ses yeux. « Je n’a i besoin de rien. Ne reste pas près de moi, ne perds pas ton temps… Fais quelque chose pour trouver un mari pendant que je suis encore en vie… » Combien de douleur peut recéler une requête d’un père couché sur un lit d’hôpital, d’un père qui attend la mort ? Hanna revint chez elle en larmes. Que pouvait-elle encore faire qu’elle n’avait pas déjà fait ? Il lui semblait qu’il n’y avait plus d’espoir. Elle essaya malgré tout à
nouveau çà et là. Elle surmonta sa gêne et demanda à ses frères, à ses sœurs, à ses tantes : « Faites quelque chose, pas pour moi mais pour Papa ». Les jours qui suivirent n’apportèrent ni proposition intéressante ni nouvelle tant attendue. Elle continua à rester assise près de son père, à le voir souffrir, à sentir la douleur le lanciner. Chaque fois que ses yeux se posaient sur elle, elle y voyait son espoir, sa requête qui ne se réalisait pas à cause d’elle. Son état s’améliora quelque peu. Son père rentra chez lui mais sa présence à la maison rendit les choses encore plus difficiles. « Fiance-toi, Hanna ! répétait-il. Fiance-toi, ne sois pas si exigeante ! Donne à ton père le mérite de mourir tranquille. » Hanna pleurait la nuit ; sa mère fondait en larmes, elle aussi. Comment pouvait-il quitter ce monde en sachant que son enfant si parfaite devenait une vieille fille ? « Fiance-toi ! » répétait-il matin, midi et soir. Pour Hanna, la maison était devenue intolérable. Fuir ? Quitter son père malade ? Ou rester et supporter les souffrances jour après jour, heure après heure ? Ses nerfs pourront-ils résister, son cœur ne se brisera-t-il pas de tant d’épreuves ? טטט Un jour, Hanna se rendit chez la Rabbanit Kaniewsky à Bné Brak. « J’a i presque trente-huit ans… commença-telle, mais une crise de sanglots la secoua et l’empêcha de poursuivre. A la Rabbanit, il n’est pas nécessaire de beaucoup raconter. Son cœur généreux saisit et absorbe de suite la douleur d’autrui… Trente-huit ans… Vingt ans de souffrances ! « Mon père est très malade, ses jours sont comptés… Il voudrait que je me fiance avant que… avant qu’il… » Les mots s’échappent de sa bouche, entrecoupés de pleurs. « Le Rav conseille de vérifier les mézouzot » répond gentiment la Rabbanit. « Nous les avons remplacées déjà cinq fois, nous ne nous sommes pas contentés de les vérifier. Nous les page 7 La force de la tsédaka POURIM 5768
Israël
avons remplacées, Rabbanit… Mon père en a acheté de nouvelles toutes les quelques années. Il pensait qu’il y avait peut-être un problème que nous n’avions pas vu ». Les pleurs continuent à la secouer. La Rabbanit soupire. Elle ressent la peine de cette jeune femme, elle capte les vagues de douleur incommensurables qui émanent d’elle.
moniale) d’expérience lui a déjà fait d’innombrables propositions de mariage qui se sont toutes soldées par un échec. « Cette fois-ci, j’a i une proposition extraordinaire pour toi ! lui annonce-t-elle. D’a illeurs, je ne comprends pas pourquoi je ne t’a i jamais proposé ce jeune homme jusqu’à présent ! - De qui s’agit-il ? demande Hanna sans trop d’espoir. - Untel, de telle yéchiva… »
« C’est ce qu’il dit à tout le monde… Koupat Ha’ir, je n’a i pas besoin de vous le rappeler. Vous avez certainement déjà fait un don important... Vous avez aussi changé les mézouzot… »
Hanna lui ajoute toutes les informations le concernant : il étudie dans telle yéchiva et habite à tel endroit. Son père s’appelle ainsi, sa mère est secrétaire à tel endroit, son frère est marié à une telle…
Hanna écarquille les yeux : « Un don à Koupat Ha’ir ?
« Tu as donc déjà entendu parler de lui ? récapitule la chadkhanit.
– Oui… Vous l’avez sûrement déjà fait… » – Non, je n’a i pas donné. Peut-être une fois ou l’autre, lors des Appels. Rien de spécial. Le Rav dit de faire un don à Koupat Ha’ir, pour se fiancer ? – Oui, bien sûr… » Hanna ne savait pas pourquoi elle n’avait pas offert de don à Koupat Ha’ir jusqu’à ce jour. Une jeune femme qui respecte scrupuleusement les mitsvot, qui suit les instructions des Rabbanim. Pourquoi n’avait-elle pas donné jusqu’à présent ? Pourquoi n’avait-elle pas transmis son nom aux Grands Maîtres pour qu’ils la bénissent ? C’est comme si cela lui avait échappé… A présent, elle se rappela de tout ce qui est écrit dans les brochures… Non, elle ne l’avait pas encore fait ! Elle quitta la Rabbanit le cœur empli d’espoir. Le jour même, elle envoya un don important, un don très important. Elle transmit son nom et le nom de sa mère afin que nos Grands Maîtres prient pour elle, et attendit la délivrance… טטט Un jour passe, puis deux. Hanna continue à s’occuper de son père malade, continue à voir l’espoir brûler dans ses yeux. Elle serait presque prête à se marier avec n’importe qui pour au moins donner à son père ce plaisir qu’il attend avec tant d’impatience. Et voici que, comme une réponse à sa prière, Mme Z. téléphone. Cette chadkhanit (intermédiaire matripage 8 La force de la tsédaka POURIM 5768
- Oui, on me l’a déjà proposé cent fois ! - Et pourquoi rien n’a avancé ? - Ah ! Eh bien… Rien n’a avancé. Nous avons essayé, nous lui avons envoyé quelqu’un, et nous avons essayé encore. Tous les quelques mois, quelqu’un d’autre pense à cette idée et nombreux sont ceux qui ont déjà tenté leur chance, mais rien ne s’est concrétisé. - Mais pourquoi ? Si tant de gens pensent que vous correspondez l’un à l’autre, pourquoi cette proposition n’aboutit pas ? » - Hanna garde le silence un moment, puis lui répond honnêtement : « Je vais vous dire. Nous nous sommes renseignés à son sujet la première fois qu’on nous l’a proposé et les renseignements étaient très positifs. Nous avons répondu que j’étais intéressée de le rencontrer mais de son côté à lui, ils n’ont pas donné de réponse. Lorsque d’autres personnes nous ont parlé de lui, nous nous sommes renseignés à nouveau, et nous avons eu la même impression que la première fois. Cette fois-là, nous avons envoyé un intermédiaire. Ils ont répondu par la négative. Ils ne veulent pas de moi ; le jeune homme n’est pas intéressé. Que faire ? C’est son droit ! » La chadkhanit écoute attentivement. Elle perçoit l’honnêteté dans ses propos, la déception et la résignation. Mais elle n’a pas l’intention de lever les bras avant d’avoir essayé.
« Je vais tenter ma chance, d’accord ? demande-t-elle. - Si vous voulez… Comme je vous l’a i dit, la réponse de mon côté est positive. Vous n’avez aucune chance… mais je ne vous empêcherai pas. » La chadkhanit s’adresse au jeune homme. Lui non plus n’est plus jeune. Ses amis commencent déjà à marier leurs enfants…. Elle insiste pour lui parler directement et non par l’intermédiaire de ses parents. « Bonjour, je suis Mme Z., une chadkhanit de telle ville. Je voulais vous proposer une jeune fille exceptionnelle : Hanna. - Ce nom-là, je l’a i entendu au moins cent fois, répondil, presque amusé. Tous les quelques mois, quelqu’un se rappelle de me proposer cette jeune femme. Je ne suis pas intéressé. Merci beaucoup. - Pourquoi pas ? Les âges correspondent, le milieu familial aussi. Où trouverez-vous une jeune fille aussi parfaite ? - C’est vrai qu’elle est parfaite, je ne dis pas le contraire. Mais moi, je ne veux pas d’elle. Nous nous sommes renseignés sur elle plusieurs fois et je ne suis pas intéressé. Merci pour votre dérangement. - Mais pourquoi ? intervient la chadkhanit, toute secouée. Quel défaut lui avez-vous trouvé ? Elle est vraiment exemplaire ! Je n’a i pas l’habitude de dire exemplaire mais Hanna est une exception ! Elle est tout à fait spéciale ! - Certes, répond le jeune homme, impatient. Le problème, c’est qu’elle aussi connaît toutes ses qualités. Elle sait qu’elle est intelligente, elle sait qu’elle réussit, elle comprend très bien la différence de niveau entre elle et les autres, elle… Bref, elle est très consciente de ses qualités. Moi, je ne veux pas de cela. Je veux une femme humble et effacée. Je préfère une personne simple qui est prête à écouter qu’une femme qui connaît si bien ses qualités. » La chadkhanit réfléchit. Cette explication ne parvient pas à la convaincre, mais elle ne sait pas comment lui prouver que Hanna est différente de ce qu’il imagine. Hanna est vraiment une personne remarquable ! Elle n’éprouve aucune fierté de rien. « Je voudrais vous poser une question, tente-t-elle.
Avant de vous parler, je me suis adressée à Hanna pour lui faire cette proposition. Elle a toujours répondu par l’affirmative alors que vous aviez toujours refusé. A votre avis, qu’est-ce qu’elle aurait dû me répondre lorsque je lui ai demandé pourquoi cette idée ne se concrétisait pas ? - Qu’est-ce qu’elle a répondu ? Est-ce qu’il manque de réponses possibles ? Elle a dû vous dire que cette proposition ne correspondait pas, qu’elle n’avait pas abouti, que certains aspects ne convenaient pas… N’importe laquelle des réponses habituelles ! - Eh bien, sachez qu’elle m’a répondu qu’ils étaient très intéressés par vous mais que c’est vous qui ne vouliez pas. Elle m’a raconté que sa famille avait essayé de vous envoyer des intermédiaires et que vous avez toujours répondu non. Je ne pense pas que beaucoup de jeunes filles auraient donné une réponse pareille, qui n’est pas très flatteuse. Pensez-vous vraiment qu’une personne orgueilleuse aurait répondu de cette façon ? - C’est cela qu’elle vous a dit ? - Oui, ce sont exactement ses mots. - Elle a peut-être changé… » dit-il, pensif. Sa voix était déjà plus douce qu’auparavant. « Bon, je crois que je vais me renseigner sur elle une nouvelle fois. Après tout, mes informations datent de plus de dix ans. » Le lendemain soir, il donne une réponse positive : il est intéressé de rencontrer Hanna. Une semaine plus tard, ils fêtent leurs fiançailles. Deux mois plus tard, le père de Hanna mena sa fille vers le dais nuptial. A petits pas, il marcha aux côtés de son gendre, le regard éclatant malgré les larmes qui inondaient ses yeux. Il resta assis toute la soirée, incapable de participer aux danses, mais son âme dansait à l’intérieur de lui. Quelques semaines plus tard, il rendit l’âme, serein et heureux. page 9 La force de la tsédaka POURIM 5768
S u i ss e
Deux heures !
La famille F. est une famille juive non religieuse, presque assimilée. Le père et la mère sont des personnes honorables et connues dans leur lieu d’habitation, une ville touristique suisse pittoresque dans les montagnes. Pas la moindre ombre de Judaïsme n’a de place dans ce foyer, ni Chabbat ni Yom Kippour, ni prière ni pomme trempée dans le miel. Rien ! Ils sont éloignés de leurs racines, se gardant à peine des mariages mixtes.
de rien ! Elle lui a tout offert avant même qu’elle ne l’a it demandé : les plus beaux vêtements, les aliments les plus coûteux, une voiture à la mode, une chambre de luxe, les appareils électroniques les plus performants… Sonia ne veut rien entendre.
Pourtant, lorsque leur fille de vingt-deux ans se joint à une secte hindoue, leur monde s’effondre. Leur fille unique, intelligente et brillante dans ses études, s’apprêtait à recevoir son diplôme et à commencer sa carrière. Quel coup !
– Tu ne comprends pas ?! Tu es prisonnière, ensorcelée ! Rentre et nous parlerons de tout cela… Si tu décides ensuite que tu veux retourner là-bas, nous ne t’en empêcherons pas… »
Les pleurs n’ont pas d’effet, pas plus que les tentatives de persuasion. Au début, elle s’est intéressée à cette secte seulement par curiosité, ensuite c’est devenu comme une rébellion. Elle se révolte contre ses parents qui s’opposent si farouchement à son chemin ; elle veut connaître ce qu’ils désirent avec un tel entêtement l’empêcher. Plus tard, elle devient prisonnière de leur propagande et de leur envoûtement, du feu étranger brillant dans leurs yeux, de l’auréole mystérieuse entourant leur chef et ses phrases impénétrables, des lois observées sans discuter par les membres de la secte, des exercices de respiration et de méditation… Sa culture occidentale lui joue des tours. Aucune valeur, aucun contenu n’emplissent son monde et son âme juive aspire à la spiritualité. Elle sentait un terrible vide, un malaise et un manque qu’elle avait tenté jusqu’a lors de noyer dans les notes et dans les examens, ainsi que par une vie sociale dynamique. A présent, un nouveau monde se dévoile à elle : silence, obéissance absolue, mystique… Pour quelqu’un qui avançait jusqu’à présent dans le vide, cette secte semble un univers riche de réflexion et de pensée profonde…
« J’a i trouvé ce que je cherchais toute ma vie. N’essaie pas de me demander de revenir ! répond-elle d’un ton sans retour.
Mais sa fille sait bien que si elle rentre chez ses parents, l’envoûtement disparaîtra, la bulle éclatera et le flottement dans les domaines de l’infini sera coupé. Elle coupe définitivement son portable. De toute façon, dans les lieux reculés où elle habite, il n’est pas facile de se brancher à la batterie d’une voiture de passage pour remplir ses piles. Un mois passe sans aucune nouvelle. « Que lui font-ils, à ma fille ? » pleure la mère aux oreilles de son mari. Pourquoi ne répond-elle pas au téléphone ? Pourquoi n’écrit-elle pas ? Pourquoi ne donne-t-elle pas le moindre signe de vie ? Que lui font-ils ? Qu’ont-ils fait à sa raison ? Reverra-t-elle sa fille un jour ? Leur maison spacieuse devient silencieuse et éteinte. Ils ne trouvent plus de goût à rien, ni à un poulet au four, ni au renouvellement de leur salon, ni à l’achat d’un nouveau lustre. A quoi sert-il de décorer la maison de leurs rêves si leur seule descendante marche au fond de sentiers de terre battue et vend son âme au Mal ?
Sonia abandonne tout derrière elle et devient prisonnière, comme sous l’effet d’une sorcellerie.
« Réserve-moi une place dans une maison de fous… Je vais bientôt y arriver, que je le veuille ou non ! sanglote la mère. Ma fille unique a disparu ! Que vais-je devenir ? Je devrais peut-être partir en Inde et la ramener de force ? »
« Rentre à la maison, ma fille ! » pleure sa mère au téléphone. Que ne lui a-t-elle pas donné ? Elle ne l’a privée
Elle se met à envisager des idées plus ou moins fantaisistes, à demander les dates des billets d’avions,
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à interroger les guides touristiques… L’Inde est emplie de cultes idolâtres, de gourous charismatiques et d’équipes de fanatiques frappés d’aveuglement. Trouver une jeune fille dans une secte dont on ne connaît pas le nom, dans une région inconnue, en sachant que cette jeune fille cherchera à échapper aux regards, c’est chercher une aiguille dans une botte de foin. « Ma fille s’est perdue et ma femme va elle aussi se perdre » dit le père brisé. Comprendra-t-elle d’ellemême la sottise de ses tentatives ? טטט Un mois de plus passe. L’été cède la place à l’hiver et, face à la cheminée, la mère est assise, pâle et le regard vide. Devant elle est pendue la photo de sa fille Sonia. Une Sonia souriante, pleine de vie. Combien de temps a-t-il passé depuis qu’on a pris cette photo ? Six mois seulement… Sur le canapé sont posés des albums de photos. Elle les feuillette et ses yeux s’emplissent de larmes. « Elle n’est pas morte ! Elle est en vie ! s’exclame le père lorsqu’il rentre du travail. Tu as l’a ir d’être en deuil. Elle est vivante ! Comment le sais-tu ? répond la femme d’une voix enrouée par les pleurs. Comment le savoir ? Cela fait presque six mois que je n’a i pas entendu sa voix. Je ne sais pas où elle est, je ne sais pas ce qui lui arrive, je ne sais pas avec qui elle a affaire ! J’avais une fille et elle n’est plus ! » Elle se remet à pleurer. Sa vie n’a plus de goût. « Fais-toi une raison, remets-toi ! Va faire des courses, va voir des amies ! Tu transformes notre vie en une tragédie ! » Il devient impatient. Lui aussi a mal, lui aussi est bouleversé, mais à quoi servent les larmes ? Le visage tourmenté de sa mère éveillera-t-il en sa fille le désir de rentrer ? « Des courses, des amies ? Je n’a i aucune envie de voir des amies et d’écouter leurs conversations futiles ! Cela n’a aucun intérêt pour moi qui souffre tant ! » Un mois de plus passe. Le printemps revient et les arbres bourgeonnent. Le jardin si bien soigné s’emplit de couleurs et de parfums, de la beauté captivante de la nature s’éveillant de son sommeil d’hiver. La mère ne voit rien. Elle regarde par la fenêtre et ne désire voir qu’une chose : sa fille… « Cette semaine, c’est ton anniversaire » annonce
le père à son épouse. Une douleur aigue lui perce le cœur. Chaque année, sa fille fêtait son anniversaire en sa compagnie, lui offrait un cadeau et préparait une cassette de nouveaux chants. La famille passait une soirée agréable et chaleureuse. Depuis que sa fille grandît, jamais ne passait un anniversaire qui ne fût une fête pour l’œil et pour le cœur. Et à présent… « Va t’acheter quelque chose pour ton anniversaire, répète le père, constatant que son épouse ne l’a pas entendu. – Pour mon anniversaire ? dit-elle avec amertume. – Oui, va t’acheter quelque chose. Je n’accepte aucune excuse ! Tu as une semaine entière et je veux quelque chose de nouveau : un meuble, un appareil, ce que tu veux. Un anniversaire, c’est un anniversaire, un point c’est tout ! » Elle le regarde surprise et garde le silence. Comment peut-elle se réjouir ? Pourtant, elle sort faire le tour des magasins sans que rien ne lui donne envie. Sa carte bancaire se trouve dans son porte-monnaie et elle peut tirer des sommes énormes. Dans un magasin, son regard se porte sur le bulletin de Koupat Ha’ir. Elle le prend distraitement en main et parcourt des yeux les articles qu’elle ne comprend pas très bien. Rav Kaniewsky ? La bénédiction des tsaddikim ? Faire un don ? Familles nécessiteuses ? Certes, elle connaît des organisations humanitaires comme la Croix Rouge. Ce n’est pas d’elles qu’il s’agit ici. Elle poursuit sa lecture et parvient aux pages des « yechouot », les solutions miraculeuses à toutes sortes de problèmes. Elle lit une histoire et est impressionnée, une deuxième et s’émeut. La force de la prière, la puissance de la tsédaka… A-t-elle une place dans tout cela ? Cependant, une âme juive réside en elle et cette âmelà s’éveille soudain. « Peut-être que mon problème se résoudra grâce à cela ? pense-t-elle. Qu’a i-je à perdre ? Les sommes proposées sont minimes : vingt euros, quarante, cent quatre-vingt. Ce n’est rien ! » Elle décide d’essayer, mais en donnant une somme bien plus importante ! Elle déchire le numéro de téléphone inscrit sur le bulletin et rentre chez elle. Une pensée l’obsède. Peutpage 11 La force de la tsédaka POURIM 5768
S u i ss e
être la solution se trouve ici ? Ici… Ici !
Sa mère se frotte les yeux. Est-ce qu’elle rêve ? Est-ce vrai ? L’a ir lui manque soudain.
Elle téléphone et fait un don généreux, à dire vrai très inhabituel.
« C’est toi ? Sonia ? demande-t-elle et ses sanglots éclatent sans contrôle. C’est vraiment toi ?
La secrétaire demande avec amabilité : « Désirezvous transmettre un nom pour que les Rabbanim prient ? » Elle est certaine que telle est la requête de cette personne qui offre, un jour de semaine ordinaire, une somme aussi importante.
– Maman, n’entends-tu pas que c’est moi ? C’est vrai que plusieurs mois ont passé mais je te languis tellement. Le jour de ton anniversaire, je serai auprès de vous ! »
« Un nom ? Les Rabbanim prient ? De quoi s’agit-il exactement ? » La téléphoniste explique en termes simples que les Grands Maîtres juifs bénissent les donateurs et prient pour eux. D. écoute leurs prières et y répond. « Oui, bien sûr que je suis intéressée ! C’est exactement ce dont j’a i besoin ! – Quel est votre nom ? – Je n’a i pas besoin qu’on prie pour moi. Je voudrais qu’on prie pour ma fille. C’est possible ? Ma fille se trouve dans une situation terrible » ajoute-t-elle d’une voix brisée. La secrétaire s’empresse de la rassurer ; elle note les noms et les envoie par fax en Israël. La mère de Sonia s’effondre sur le divan. Les albums de photos n’attirent plus son regard. Elle est bouleversée et épuisée par cet effort spirituel, par sa conversation surprenante et par ce nouvel espoir qui l’habite. Est-ce que cela pourra… Est-ce que cela pourra faire quelque chose ? Son mari la prendra peut-être pour une sotte, il craindra peut-être qu’elle aussi s’attache à la mystique… Elle laisse l’espoir l’envahir, non sans entendre une voix intérieure qui la met en garde contre une déception possible. Quelque chose va peut-être arriver… טטט Deux heures passent. La sonnerie du téléphone l’arrache à ses rêveries. Une voix douce et tant aimée est au bout du fil : « Maman ? Maman ? C’est dans quelques jours ton anniversaire, n’est-ce pas ? Je ne peux plus attendre. J’arrive ! » page 12 La force de la tsédaka POURIM 5768
Lorsque son mari rentre, il trouve son épouse ivre de joie. Elle lui raconte des propos incohérents à propos de bénédiction, de Rabbanim et de sa fille qui vient de téléphoner. Elle rit et pleure à tour de rôle, incapable d’expliquer que tout cela est si vrai qu’elle en tremble... Il hausse les épaules et pense que, si sa femme n’a pas perdu la raison de douleur, il reverra sa fille dans deux ou trois jours. La veille de l’anniversaire, la sonnette se fait entendre. C’est le son le plus agréable qu’ils aient jamais entendu. Sonia est debout à la porte, souriante. Elle est saisie si fort dans les bras de ses parents qu’elle en perd presque le souffle. Ce fut vraiment un « bon anniversaire », un anniversaire qui a donné lieu à de longues conversations jusque tard dans la nuit, des discussions entre des parents dont l’amour est manifeste et une jeune fille qui a connu un monde nouveau et étranger. Ils lui montrent des points contradictoires et elle réfléchit, sérieusement cette fois. Ils lui montrent ce qui arrivera à l’avenir. Ils lui expliquent que son monde se rétrécira autour d’une idole insignifiante et qu’il sera trop tard lorsqu’elle en prendra conscience. Elle écoute et les choses pénètrent peu à peu dans son esprit. Elle est venue pour deux jours mais elle en reste trois, puis cinq. Après deux semaines, elle vide ses valises et affirme sa décision de rester. Ce n’était pas seulement un bon anniversaire… Une jeune fille juive a été sauvée de la destruction. Son âme était proche d’une coupure totale et définitive avec son peuple. Sa vie spirituelle a été sauvée d’une destruction certaine.
France
A la minute près… M. G. habite l’un des hôtels particuliers du 16ème arrondissement de Paris. Les murs et le mobilier expriment plus clairement encore que sa déclaration d’impôts la fortune dont il dispose. Cet homme d’affaires prospère possède des quartiers entiers dans la ville, des bureaux dans tout le pays et des sources d’argent semble-t-il intarissables. M. G. a soigneusement préparé ses vacances à Marseille. Il prend une semaine de congé annuel au cours de laquelle il reprend son souffle et se consacre à sa famille. Malheureusement, M. G. ignore un fait important : une bande de cambrioleurs de premier rang le surveille. Sa richesse a attiré leur attention et sa maison leur a semblé être une proie assez facile, de l’extérieur au moins. Ils ont épié les allées et venues à toute heure de la journée et ont caché des antennes. Ces gens-là ne sont pas de ceux qui tomberont si aisément dans les mains de la police. Ils préfèrent investir du temps et tout prévoir à l’avance. Ensuite, ils sortiront avec un beau magot, de quoi vivre pendant longtemps. Grâce à leur table d’écoute, les cambrioleurs ont découvert un fait surprenant : le propriétaire de la maison va prochainement quitter les lieux pendant une semaine entière… Ils n’auraient pas espéré une meilleure nouvelle. Certes, le concierge restera à son poste dans son petit abri de la cour. Il continuera à observer et à rendre compte à la police de tout bruit suspect. Mais le concierge représente un problème négligeable. Il se trouve à l’extérieur : il ne voit pas ce qui n’est pas devant lui et n’entend pas ce qui est loin de lui ! Et si nécessaire, ce ne sera pas très difficile de le faire taire. Pour un temps ou pour toujours. M. G. se prépare donc innocemment à ses vacances et s’efforce de ne rien oublier. Il remercie D. de sa situation économique qui lui permet des vacances de rêve si profitables. A la dernière minute, le regard de M. G. se pose sur la console de l’entrée. Une enveloppe y est posée, prête à l’envoi. C’est une enveloppe destinée à Koupat Ha’ir… A l’intérieur se trouve un chèque d’une somme non négligeable qu’il avait prévu d’envoyer mais dont il
n’avait pas encore eu le temps de s’occuper. « Il n’est pas bon de retarder l’envoi d’un don à la tsédaka » pense-t-il. Il prend l’enveloppe avec lui dans l’intention de l’envoyer de Marseille. Pour Koupat Ha’ir, peu importe de quelle ville le don parvient. M. G. et sa famille prennent l’avion pour Marseille, en route pour la semaine de vacances qu’ils attendent depuis longtemps. Dans leur hôtel particulier à Paris, les rideaux sont tirés, quelques lampes restent allumées, le concierge est assis dans la cour. טטט Un jour passe, puis deux puis trois. Les cambrioleurs ne perdent pas de temps. Leur plan est mis au point dans les moindres détails. Leur mission est étonnamment facile : la maison est vide jusqu’à la semaine suivante ! Leurs informations leur apprennent que la famille est arrivée à Marseille comme prévu. L’heure H est fixée, le plan est en cours d’exécution. Dans un silence total, un petit groupe de professionnels se faufile à l’arrière de la maison. Ils neutralisent dextrement le dispositif d’a lerte et s’assurent qu’il n’en a pas un autre d’appoint. Ensuite, ils scient les barres de fer à la fenêtre de la salle de bains grâce à une scie électronique munie d’un silencieux. Une minute plus tard, ils sont à l’intérieur. Un tour rapide dans la maison – tout est calme. Les rideaux leur sont bien utiles, ils n’ont pas besoin de lumière supplémentaire. Le coffre-fort doit se trouver dans la pièce page 13 La force de la tsédaka POURIM 5768
France
de travail du propr iét a i re. Leur acolyte posté en bas surveille les lieux d’un regard d’a igle, le concierge dans son abri lit son éternel journal. Aucun bruit alentour. Le large bureau est soulevé en silence et déposé sur le côté. Le papier peint est arraché prudemment : ils espèrent révéler le coffre-fort. En vain. Après avoir poussé les tapis, ils font passer un appareil révélateur de métal sur les dalles. Il est possible que le coffre-fort soit fixé à la couche de béton au-dessous des dalles de marbre. Ils s’appliquent à leur tâche, travaillent minutieusement. Ils ne sont pas pressés mais ils préfèrent ne pas rester trop longtemps dans une maison étrangère, surtout dans des circonstances telles que celles-ci. Vingt minutes de travail intensif et ils découvrent le coffre-fort. Un coffre-fort gigantesque de très bonne qualité avec trois systèmes de fermeture, résistant au feu. Dès lors, le groupe se scinde en deux : l’un tente d’ouvrir le coffre-fort tandis que l’autre fait le tour de la maison et rafle tous les objets précieux. N’est-ce pas stupide de laisser tous ces trésors à d’autres ? Ce n’est pas facile de sortir d’un appartement qui ne nous appartient pas avec une valise pleine mais cela en vaut la peine. La maison est emplie d’objets valant une fortune. Même si le concierge devra payer pour cela de sa vie, cela ne les inquiète pas. Le travail, c’est le travail ! Les hommes qui s’affairent autour du coffrefort avancent à une vitesse satisfaisante. Ils préfèrent page 14 La force de la tsédaka POURIM 5768
le fracturer sur place et en vider le contenu plutôt que de l’emporter. De toute façon, il n’y a pas de raison de se presser. La porte blindée du coffre-fort tourne sur ses gonds, la serrure saute. La dernière fermeture de sécurité et… une déception profonde saisit les cambrioleurs. Le coffre-fort est vide ! « C’est certainement un coffre-fort factice, murmure le chef, certain qu’il existe un coffre-fort dans une maison comme celle-ci. En avant ! A mon avis, le vrai coffre-fort doit se trouver dans la chambre à coucher ! » Ils abandonnent la pièce de travail et les deux groupent se retrouvent pour éplucher la chambre à coucher. Des minutes précieuses passent mais leurs efforts portent des fruits : un coffre-fort ancien mais très solide est fixé à un endroit où personne n’aurait pensé chercher. Le voici, bien fermé, le vrai trésor à l’intérieur. « S’il a fait les frais d’un coffre-fort factice de cette qualité, ce coffre-là est au moins deux fois plus chargé que nous le pensions ! » affirme l’un d’eux. Le groupe se sépare à nouveau : deux hommes suffisent pour fracturer le coffre-fort. טטט Pendant ce temps, à Marseille, M. G. se repose de son labeur de toute l’année. Il écoute de la musique, prend son temps pour manger, fait du sport. Ses enfants restent auprès de lui. Il a posé l’enveloppe de Koupat Ha’ir sur sa table de nuit et l’a oublié, bien sûr. En vacances, le temps prend une dimension toute particulière. Le troisième jour, M. G. sent sa vitalité revenir. Il est plus calme, plus détendu, plus gai. Comme des vacances peuvent transformer quelqu’un ! Cependant, le soir, une inquiétude floue commence à l’importuner. Il marche inconfortablement d’un endroit à l’autre. Il s’étire un peu, baille un peu, pourtant ce sentiment pénible ne le quitte pas. Il se dirige vers sa chambre pour se reposer et trouve l’enveloppe de Koupat Ha’ir posée sur sa table de nuit. « C’est grave de ne pas donner de suite les dons de tsédaka ! pense-t-il, agacé de son oubli. Pourquoi cette enveloppe attend depuis trois semaines ? En attendant, les gens auraient pu profiter de cet argent ! » Sur l’impulsion du moment, il déchire le chèque, téléphone à Koupat Ha’ir-France et transmet la somme par carte bancaire, payable immédiatement. Dans sa maison, à Paris, deux hommes travaillent à ce moment même à fracturer son coffre-fort. Ils ont
scié à chaud les serrures intérieures et se sont trouvés face à une grosse serrure qui semblait au début de mauvaise qualité mais s’est révélée très difficile à forcer. Ils veillent à ne pas dire un mot car cette chambre se trouve juste en face de l’abri du concierge. Cela fait plus de deux heures qu’ils travaillent dans la maison. Il est possible que le gardien finisse par sentir que la maison n’est pas vide comme elle devrait l’être. La scie à métaux fonctionne à l’a ide de son silencieux et scie millimètre par millimètre. Encore un demi centimètre et ce travail ardu sera terminé. A travers la fente, ils aperçoivent des piles de billets. Il n’y a rien d’autre dans le coffre-fort… que des billets ! Leurs yeux s’a llument de convoitise et ils calculent déjà les sommes d’après l’épaisseur des piles… Plus qu’un demi centimètre ! Et soudain, sans qu’ils sachent comment, la serrure se casse et leur échappe des mains pour se fracasser à grand bruit par terre. Le concierge sursaute et les signaux d’a lerte sur leurs beepers clignotent. Le concierge appuie sur le signal d’a larme et le service de sécurité privé envoie des voitures munies d’une alarme qu’on entend au loin. Le groupe de cambrioleurs abandonne tout, détourne l’attention du concierge et disparaît à la hâte… טטט Dans sa chambre à Marseille, M. G. se lève après un bref moment de repos. Non, il n’a pas besoin de dormir. La sensation de malaise l’a quitté. Il retourne au salon de sa suite et se joint à ses enfants. Il n’est au courant de rien…
les escaliers. Plusieurs objets ont disparu des étagères, mais ceux-ci se trouvent alignés sur la table du salon. La chambre de travail est dépouillée de son papier peint… Il s’approche du coffre-fort et sursaute en le voyant scié. La société qui l’a installé lui avait affirmé qu’il était impossible de le fracturer ! Les jambes chancelantes, il s’approche enfin de la chambre à coucher. Il préfère que personne ne l’accompagne à ce moment critique. Il craint que les cambrioleurs aient découvert ce coffre-fort secret et l’a ient vidé avant de disparaître. La grosse serrure est posée sur la commode et son cœur cesse de battre. Il retire le tissu et trouve la porte défoncée… mais les piles de billets intactes ! Il ne manque pas un euro. Il recouvre le coffre-fort et se redresse, le poids qui l’accablait ces derniers instants l’ayant quitté. « Quand le cambriolage a-t-il eu lieu ? demande-t-il au concierge. A présent, il est capable de parler, de réfléchir et d’analyser les événements. « Mardi soir ! répond-il, impatient de raconter son aventure. « Mardi soir ? » M. G. fronce les sourcils. Une lumière rouge s’a llume en son esprit. « Vous en êtes sûr ? Mardi soir ? – Et comment ! Mardi, un peu après huit heures du soir, j’a i appelé le service de sécurité. A huit heures, je me suis préparé un café et c’était un peu après. Un quart d’heure, vingt minutes… Quelque chose comme ça. »
Le concierge remet la maison en état autant que possible. Il n’appelle pas le propriétaire en vacances puisqu’en fin de compte, rien n’a été dévalisé… Il couvre le coffre-fort d’un tissu et range tant bien que mal la chambre de travail aux papiers peints arrachés. Il demande au service de sécurité de rester sur place 24 heures sur 24 et retourne à son abri. Le propriétaire aura certainement un choc quand il rentrera mais il a évité une perte colossale.
Le concierge ne comprend pas pourquoi M. G. est soudain si secoué.
La famille G. rentre à Paris au début de la semaine. Le concierge les accueille avec un sourire et prend M. G. à part.
– Certainement ! » répond la responsable. Elle reçoit de temps à autre des appels étonnants comme celui-ci. Le système étant informatisé, ces informations sont gardées et retrouvées facilement.
« Il y a eu une tentative de cambriolage, murmure-t-il. Mais ne vous inquiétez pas, nous les avons interrompus à temps. Ils n’ont rien pris ! » M. G. sent ses genoux fléchir. Le coffre-fort ! Le coffre-fort dissimulé dans la chambre à coucher… Il y a laissé une fortune ! Il laisse sa femme et ses enfants en bas et monte seul
« Mardi soir… A quelle heure c’était donc ? » M. G. quitte le concierge et téléphone au bureau de Koupat Ha’ir. « Est-ce que vous pourriez vérifier, s’il vous plaît, l’heure exacte à laquelle j’a i fait un don la semaine dernière par carte bancaire ?
« Mardi, à huit heures vingt. Pour être précise : huit heures vingt-deux minutes et quarante secondes » répond-elle aimablement. Un appel à Koupat Ha’ir pour offrir un don, une serrure sciée qui tombe à terre, un bruit qui effraie le concierge… page 15 La force de la tsédaka POURIM 5768
Espagne
Une main tendue
L’Espagne... De grandes étendues d’orangers, de vieilles maisons de maître, des allées de pierre... Le passé et le présent se mêlent dans une harmonie surprenante. Le présent du Judaïsme espagnol est malheureusement très pauvre. Le pays où les plus grands Maîtres de notre peuple enseignèrent la Torah et écrivirent leurs ouvrages ne s’est pas relevé après avoir tourné le dos à notre peuple et l’avoir chassé de son sol. La population juive ne s’est pas rétablie. Il existe encore quelques descendants de Marranes ainsi que des immigrés juifs de divers pays. La plupart sont totalement assimilés. Dernièrement, un réveil juif a vu le jour en Espagne. Dans certaines synagogues, de petites congrégations se réunissent pour prier. Quelques personnes dévouées consacrent leur vie à attiser la flamme du Judaïsme dans cette communauté en voie d’extinction. Yits’hak était l’un de ces volontaires. Originaire de Mexico, il a été attiré vers l’Espagne par la langue et l’origine communes de ces deux pays. Il s’est associé de toute son âme à ces activités de retour aux sources qui sauvent certains Juifs de l’assimilation totale. Juan, l’un des jeunes gens qui se rapprochaient peu à peu de leurs racines, a fait la connaissance de Yits’hak. Ils ont décidé d’étudier ensemble chaque soir entre cinq heures et demie et six heures et demie. Ils se rencontreront dans une vieille synagogue dont la modeste bibliothèque leur suffit, Juan était encore au début de ses études juives. A cinq heures, Juan terminait son travail situé à un quart d’heure de route et il voulait être de retour chez lui à sept heures. Il consacrera avec joie une heure quotidienne à l’étude de la Torah. Ils ont convenu de se rencontrer pour la première fois un dimanche. Yits’hak arriva quelques minutes à l’avance, trouva une table bien placée, prit des livres dans la bibliothèque et regarda sa montre : cinq heures et demie. Juan n’apparut pas. Yits’hak commença à chantonner la mélodie de page 16 La force de la tsédaka POURIM 5768
l’étude, jetant de temps à autre un regard vers la montre et vers la porte. Juan n’était pas là. A six heures et demie, il se leva, déçu. A huit heures, Juan lui téléphona pour s’excuser : « Mon fils s’est blessé à la jambe. Ma femme est partie avec lui à l’hôpital et nous venons à l’instant d’en sortir ». Yits’hak lui répondit gentiment que des accidents arrivent à chacun et qu’ils remettront leur étude au lendemain. Lundi, Juan arriva à l’heure. Yits’hak commença à lire et à expliquer tandis que Juan regardait au loin. « Quelque chose de très désagréable s’est passé aujourd’hui au travail, raconta-t-il à voix basse. Une grave erreur s’est produite et on a pensé que c’était de ma faute. C’est tout juste que j’a i réussi à prouver que je n’étais pas responsable. Mais quelques employés ont commencé à parler et à dire des choses… qui ne m’ont pas plu ». Yits’hak le comprit : une telle situation peut être difficile à assumer. Il ferma le livre à six heures et demie en soupirant, bien conscient qu’en fait, ils n’avaient pas vraiment commencé à étudier. Mardi, Juan téléphona à Yits’hak à quatre heures et demie : « Je ne pourrai pas venir aujourd’hui. J’a i une terrible migraine et je suis même parti plus tôt du travail. » Yits’hak le remercia de l’avoir prévenu mais éprouva une sensation désagréable. Mercredi, Juan était assis auprès de Yits’hak comme sur des charbons ardents car il attendait un coup de fil urgent. En fin de compte, cet appel n’est pas arrivé. Quant à étudier, il n’y est pratiquement pas arrivé. Jeudi, l’étude s’est plus ou moins bien passée sauf que Juan baillait sans arrêt et s’est même assoupi à un certain moment. Il a raconté qu’il avait passé une nuit blanche. Dimanche, Juan a été pris dans un embouteillage et est arrivé à six heures et quart. Yits’hak avait demandé à quelqu’un de le prendre à six heures et demie, si bien que le cours s’est terminé avant même d’avoir commencé. Lundi, ils étudièrent assez bien mais une cérémonie qui se déroulait de
l’autre côté de la synagogue ne leur facilita pas les choses. C’est ainsi que les jours passèrent, les perturbations plus pesantes les unes que les autres. Après deux semaines où ils avaient étudié en fin de compte une fois et deux moitiés, Juan était découragé. « Tu m’as appris que celui qui veut faire téchouva est aidé, n’est-ce pas ? Moi, le Ciel ne m’a ide pas, au contraire ! Je ne le mérite probablement pas. Ces dérangements sont si imprévus et incompréhensibles… » Ses paroles reflétaient sa peine. Yits’hak partageait son sentiment mais craignait que ce genre de pensées ne mènent Juan à un résultat contraire : il risquait de tout arrêter. Il fallait trouver un moyen de poursuivre cette étude. C’était indispensable ! Yits’hak demanda conseil à son Rav. « Je sens que Juan me file entre les doigts, dit-il. Sans étudier la Torah, il ne progressera pas. S’il garde l’idée que D. ne veut pas de lui, il risque de revenir au point de départ. Que faire ? – Un Juif sait qu’en face d’un problème, il faut commencer par faire un don à Koupat Ha’ir, répondit le Rav après réflexion. Si un don est utile pour des problèmes physiques, pourquoi pas dans le domaine spirituel ? S’il fait obtenir l’a ide divine pour des rencontres d’affaires, à plus forte raison pour une rencontre autour d’un livre de Torah ! » Yits’hak rencontra Juan empli d’un nouvel espoir. Il le retrouva dans le même coin de la synagogue, replié sur lui-même.
Pendant une heure, Juan écouta les yeux écarquillés, de plus en plus ronds, de plus en plus étonnés. « Alors qu’est-ce qu’a proposé le Rav ? demanda-t-il lorsque Yits’hak termina son exposé. – Je pensais que tu comprendrais tout seul, sourit Yits’hak. Décide, bli néder, qu’avant chaque cours, tu donneras une pièce à Koupat Ha’ir. Tout simplement pour que notre ‘havrouta ait lieu. » טטט Lundi après-midi, Juan avait prévu d’a ller au cours tout de suite après le travail pour ne pas arriver en retard. Il donna une belle pièce à Koupat Ha’ir et sortit tranquille. Lorsqu’il arriva à sa voiture, il trouva la porte défoncée. Le métal était éraflé et on voyait qu’une voiture imprudente s’était serrée contre elle. Juan se trouvait face à un problème technique : comment entrer dans une voiture à la porte défoncée ? Toutes ses tentatives furent vaines. « Mais j’a i donné de l’argent à Koupat Ha’ir ! se dit-il, désespéré. Cela non plus ne sert à rien ? » « Qu’est-ce qui se passe, mon pote ? » Une voix se fit entendre derrière lui et une main lui tapa sur l’épaule. Juan se retourna, abattu, et vit un collègue de travail qui sortait généralement une heure après lui. « La porte ne s’ouvre pas. Il faut que je sois à cinq heures et demie à un quart d’heure d’ici. Que faire ? –Je vais t’y déposer, proposa généreusement son collègue.
« Courage, Juan ! lui lança-t-il en lui tapant sur l’épaule. Le Rav m’a donné un excellent conseil ! Viens, je vais te parler un peu de Koupat Ha’ir afin que tu comprennes de quoi il s’agit ».
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Espagne A cinq heures cinq, sa femme appela à nouveau : « Juan ? Où es-tu ? – En route pour la maison, comme tu me l’as demandé. Où dois-tu aller ? – Dans tel quartier, rue Untel.
–Tu peux encore arriver au cours à l’heure ? –Certainement ! Comment va la petite ?
Il regarda sa montre et se frappa le front.
–Je ne sais pas comment l’expliquer. Au début, elle étouffait presque, elle était tout le temps dans mes bras. J’étais folle d’inquiétude. A un certain moment, Fred est tombé et s’est mis à hurler. Je ne savais plus quoi faire. Je suis allée chercher de la glace pour la lui mettre sur l’endroit où il s’était fait mal. La petite était dans mes bras et l’a ir froid du congélateur lui a fait du bien. Elle respirait mieux. J’a i mis la glace sur la tête de Fred et je suis retournée près du congélateur ouvert. En quelques minutes seulement, ses bronches étaient dégagées ! Je pense que tu peux aller au cours. Nous irons chez le médecin plus tard ».
– Je me suis trompé ! Je me suis trompé d’heure, tout bêtement ! Oh ! Il faut que je fonce au bureau ! »
Juan fit demi-tour et son cœur bondit de joie. Voilà, le Ciel lui ouvrait les portes et lui aplanissait la voie !
Juan conduisit rapidement en éprouvant un immense soulagement. Il arrivera au cours à l’heure !
Le lendemain, Juan n’eut aucun contre temps. Il arriva à l’heure à la synagogue, après un don à Koupat Ha’ir, et trouva la place de Yits’hak vide.
–Ah ! Je dois aller dans la direction opposée… Cela n’ira pas. Viens, on va essayer ensemble ». A eux deux, ils tirèrent prudemment la porte. Voilà, voilà, encore une seconde… et la porte s’ouvrit. Juan sauta à l’intérieur, tout excité. « Pourquoi es-tu sorti plus tôt aujourd’hui ? demanda-t-il à son collègue. – Plus tôt ? répondit-il.
Le lendemain, Juan se trouva à nouveau pris dans un embouteillage. « J’a i fait un don à Koupat Ha’ir » se rappela-t-il, tentant de retrouver espoir. Un grave accident s’était produit sur la route et toutes les voies avaient été fermées à part une. « Si d’ici trois minutes, l’encombrement ne se dégage pas, je serai en retard » pensa-t-il. Une minute passa, puis deux, et soudain le lourd véhicule qui évacuait la voiture endommagée s’écarta de la route et les voies fermées s’ouvrirent. Brusquement, la circulation s’élança en avant et Juan appuya sur l’accélérateur. Il était encore possible d’arriver à temps ! « Rentre tout de suite à la maison ! le supplia sa femme au téléphone le lendemain après le travail. La petite respire très mal… Je crains une nouvelle crise d’asthme. Je n’en peux plus ! Viens vite ! » Sa voix pressante ne lui laissa pas le choix. Il connaissait bien la situation lorsque sa petite fille respirait lourdement et que sa femme perdait son sang-froid jusqu’à ce que les sifflements disparaissent. Il ne pouvait laisser sa femme toute seule. « Est-ce que je dois prévenir Yits’hak ? pensa-t-il, déçu. Pas encore, je vais essayer. J’a i fait un don, non ? » page 18 supplément d׳histoire de délivrance POURIM 5768
« Encore des problèmes ? songea-t-il. Yits’hak n’a jamais manqué jusqu’à présent ! » Il ouvrit un livre et tenta d’apprendre tout seul lorsque des bruits de pas rapides se firent entendre et Yits’hak entra en courant à la synagogue. « Tu ne me croiras pas ! Tu ne me croiras pas ! lança-t-il de loin. J’étais sûr de ne pas pouvoir venir aujourd’hui ! C’est un miracle ! » Juan se força à attendre la fin du cours pour que Yits’hak lui raconte ce qui lui était arrivé. Une pensée lui traversa l’esprit – oui, il le croit… Il le croit absolument… Yits’hak lui-même ne croirait pas à quel point il le croit… Plusieurs semaines passèrent. Les cours eurent lieu régulièrement, chaque jour, sans une seule absence. Emplis de reconnaissance envers le Créateur, Yits’hak et Juan ont récemment fêté leur premier siyoum après avoir terminé un chapitre. Juan était si ému qu’il arriva à peine à dire les mots du Hadran qu’il avait si bien préparés. Il avait goûté la douceur de l’étude de la Torah et avait senti la Providence lui ouvrir et lui fermer les portes, le retenir et le pousser en avant, le mettre à l’épreuve et le relever !
Cinq fois! Comme tant de fois, la mère de Rachel entend la porte s’ouvrir, le cartable atterrir par terre et les pas agacés de sa fille de treize ans se précipiter vers sa chambre au premier étage de leur villa. Elle entend la porte de sa chambre claquer et le bruit sourd de son lit sur lequel elle se jette. La mère de Rachel monte l’appeler et trouve sa fille le visage baigné de larmes. Son cœur se brise en entendant la description de sa journée. Que peut-elle faire qu’elle n’a pas encore tenté ? Elle a parlé à la directrice, aux enseignantes et même à quelques mères d’élèves… Elle entend de chacune des louanges sur sa fille : son bon cœur, sa volonté d’a ider les autres… Mais personne n’a réussi à l’a ider. Rachel continue à rester isolée dans sa classe et se trouve parfois confrontée à des situations pénibles : on se moque d’elle, on l’écrase et on ricane lorsqu’elle tente de prendre la parole. « Votre fille est une vraie perle, lui affirme son professeur. Un jour viendra où sa valeur se révélera. Ses camarades de classe sont encore très jeunes. Lorsqu’elles grandiront, elles apprécieront ses qualités ». Cependant, Rachel ne peut attendre qu’elles grandissent. Pendant ce temps, elle ne cesse de souffrir. « Je pense que cela vaut la peine de tenter un soutien psychologique professionnel, dit un jour le père de Rachel à sa mère qui lui confiait sa peine. Peut-être qu’une psychologue pourra lui donner davantage confiance en elle. Si Rachel parlait avec assurance, si elle connaissait sa valeur, personne ne pourrait lui faire du mal. – Les psychologues, les psychologues… soupire la mère. Ils savent beaucoup parler mais je ne sais pas ce qui en sort. – Essaie ! Si Rachel arrive à lui parler, si le clic se fait avec la psychologue, elle aura un domaine supplémentaire où évoluer. Qu’elle arrête de penser aux amies et s’intéresse à autre chose ! – Là, tu as raison. Rachel s’intéresse beaucoup à tout ce qui concerne la personnalité et la conscience. Peut-être qu’elle trouvera là un nouveau centre d’intérêt… » Sans perdre de temps, elle se renseigne et obtient
ats-Unis Et
le nom d’une psychologue de renom, compréhensive et agréable. Rachel se met à fréquenter son cabinet une fois par semaine. La psychologue se rend bien vite compte des qualités de cette jeune fille qui n’a pas encore quatorze ans. Les années de solitude et de souffrance ont développé chez Rachel la capacité de réfléchir et d’écouter. Sa sagesse, telle qu’elle se révèle dans leurs conversations, ne cesse de l’étonner. Rachel y révèle une profondeur qui attire le cœur de la psychologue comme par enchantement. « C’est bon et c’est mauvais » informe-t-elle sa mère, qui ne voit en cela qu’un avantage. Elle est heureuse de voir Rachel s’emplir de vitalité lorsqu’on mentionne le lundi, jour de sa rencontre hebdomadaire. « C’est bien parce qu’elle se développe, elle a des occupations qui lui plaisent. C’est bien qu’elle utilise nos rencontres pour apprendre le caractère des gens au lieu d’accumuler des frustrations à cause d’eux. Mais c’est mauvais aussi parce qu’elle risque de se détacher des camarades de son âge. La nécessité de l’introduire dans la vie sociale de sa classe grandit, elle ne fait que grandir ! – C’est bien pour cela qu’elle vient chez vous ! rappelle délicatement la mère. – C’est juste, mais je ne me trouve pas en classe auprès d’elle. Je l’encourage à approfondir ses liens, à se lier d’amitié avec d’autres camarades, à prendre courage devant le groupe puissant de la classe. Elle a cependant besoin d’un tremplin, de quelque chose qui changera son image médiocre aux yeux de ses camarades. – Faites-vous allusion à quelque chose de particulier ? – Effectivement. Bientôt vont commencer les préparations à la fête de fin d’année. Si vous pouviez insister que Rachel reçoive le rôle principal dans la pièce que joueront les élèves, ce serait un excellent tremplin. Elle remplirait un rôle important, serait au centre des événements, jouerait devant le public… C’est exactement ce dont elle a besoin ! page 19 supplément d׳histoire de délivrance POURIM 5768
ats-Unis Et
– Qui fera partie du tirage au sort ? demandèrent quelques voix. – Le tirage au sort ne peut tenir compte de chacune. Le rôle principal ne convient qu’à celles qui… » A nouveau, des cris et des disputes éclatèrent dans la classe. La sous-directrice tapa sur la table.
– Le rôle principal ? Vous savez qu’il est plus facile d’attraper la lune que de l’obtenir. Dans son école, la fête de fin d’année est l’événement principal de l’année. Dans cette classe, un grand nombre de filles fortes se battront pour obtenir ce rôle. »
« Nous tirons au sort parmi toutes les élèves que votre enseignante considère sauront jouer leur rôle. Veuillez inscrire les noms, Madame T., s’il vous plaît ! »
La mère rapporte au père les résultats de sa rencontre avec la psychologue. « Elle est convaincue que ce serait bon pour Rachel d’obtenir le premier rôle, soupire-t-elle. Qu’est-ce que je peux faire ? J’a i parlé avec son professeur et elle dit qu’elle n’a jamais eu autant de pressions pour ce rôle les années précédentes. Certains parents se sont même adressés au Directeur du réseau d’écoles… Bref, c’est une lutte ardue. Notre Rachel qui est si discrète n’a aucune chance.
Le nom de Rachel figurait parmi les noms inscrits sur les bouts de papier. Les élèves ne protestèrent pas parce qu’en fait, elle convenait à ce rôle autant qu’elles. Personne ne lui donnait la moindre chance : alors que des lions s’affrontaient, une fille aussi effacée n’attirait pas l’attention.
– Donne cent dollars à Koupat Ha’ir, conseille le père. Tu sais bien qu’à Koupat Ha’ir, on voit des miracles ! » La mère envoie Rachel faire un don à Koupat Ha’ir. Toutes deux ont d’abord récité quelques Psaumes et Rachel glisse l’enveloppe dans la boîte aux lettres. טטט En classe, les esprits étaient échauffés. Plusieurs élèves, certaines que le rôle principal était fait sur mesure pour elles, ne manquèrent pas de prouver aux autres pourquoi elles devaient l’obtenir. La classe se partagea en plusieurs groupes, chacun soutenant une autre candidate. L’enseignante ne parvint pas à calmer les esprits et la sous-directrice était ellemême tendue à cause des pressions diverses qui exigeaient que ce rôle soit donné à l’une ou l’autre des élèves. Rachel ne prit pas part aux discussions. Elle resta assise à sa place et assista à la lutte qui secouait la classe. La guerre était déclarée et seule une élève gagnerait la bataille. Qui ? « Nous venons de recevoir l’ordre du Directeur de procéder à un tirage au sort ! annonça la sous-directrice en entrant dans la classe. Les élèves restèrent muettes de stupeur. La sous-directrice en profita pour ajouter : « Le résultat du tirage au sort est voulu par le Ciel. Celle qui gagnera, gagnera ! Il n’y aura ensuite aucune discussion. Est-ce clair ? page 20 supplément d׳histoire de délivrance POURIM 5768
Le professeur inscrivit au tableau un nom après l’autre, qu’on recopia sur des morceaux de papier. Les élèves regardaient le spectacle avec intérêt.
On procéda au tirage au sort avec un soin particulier. Les élèves vérifièrent la boîte vide dans laquelle on introduisit les papiers. La jeune fille choisie pour tirer le papier portant le nom de l’actrice principale couvrit ses yeux d’un tissu opaque. Les élèves retinrent leur souffle. La jeune fille palpa les papiers et en tira un, qu’elle tendit au professeur. La sous-directrice se trouvait encore dans la classe, observant la procédure. L’enseignante ouvrit les plis du morceau de papier et annonça avec joie : « Rachel ! Voilà une actrice parfaite pour le rôle principal ! » Les instants qui suivirent transformèrent son annonce en une source de ridicule. « Elle ne convient pas à ce rôle ! On ne peut pas faire tout rater à cause d’une élève ! Il y en a d’autres qui jouent dix fois mieux qu’elle ! De toute façon, Rachel n’ose pas monter sur scène ! » Les cris menacèrent de percer le plafond. « Ce tirage au sort est voulu par le Ciel ! » tentèrent quelques voix de se faire entendre, en vain. « Un autre tirage au sort ! Un autre ! Un autre ! » commença une élève à lancer d’un ton rythmé, et les autres reprirent après elle. La sous-directrice tourna la tête d’un air mécontent, le professeur haussa les épaules pour montrer son refus. Rachel se leva et son geste inattendu fit taire la classe. « Je sais que le résultat de ce tirage au sort est voulu par le Ciel. C’est moi qui ai été choisie pour ce rôle, que vous le vouliez ou non, dit-elle avec une assurance qui la surprit elle-même. Mais pour que vous
n’ayez pas l’impression qu’il y a eu une erreur, je suis d’accord qu’on tire une nouvelle fois au sort. Si ce n’est pas mon nom qui est tiré, ce sera une autre qui sera choisie ! » La sous-directrice eut le temps de penser : « Peut-être qu’elle a vraiment peur de monter sur la scène ? » avant que la classe ne répète en cœur : « Un-autre tirage-au-sort ! Un-autre ti-rage-au-sort ! » On écrivit à nouveau les noms et les élèves vérifièrent le contenu de la boîte. Certaines jeunes filles regardèrent Rachel avec pitié mais elle n’avait pas l’a ir émue. « Je vais gagner une deuxième fois, c’est forcé » murmura-t-elle. Son professeur hocha la tête avec indulgence. Quel dommage, sa mère voulait tant ce rôle pour elle ! Rachel a gâché sa chance… Une autre élève se couvrit les yeux et plongea la main dans la boîte. Elle saisit un papier qu’elle tendit à la sous-directrice. Les élèves retinrent leur souffle. « Rachel ! » La sous-directrice était abasourdie. Les élèves tendirent le cou pour regarder le papier. « On a peut-être écrit Rachel sur tous les papiers ? » demanda une élève pleine de toupet au fond de la classe. – C’est moi-même qui les ai écrits ! répondit le professeur en colère. Je ne me serais pas attendue à une réflexion pareille ! Il y a une limite à tout ! – Madame ! s’écria Rachel, tout sourire. Madame ! Je sens que les élèves ne sont pas encore convaincues que je dois être choisie. Faites un nouveau tirage au sort, s’il vous plaît. Le troisième sera décisif, d’accord ? – Mais pourquoi fais-tu cela, Rachel ? Noémi B. en pleurait presque. Tu as bénéficié deux fois d’un miracle, mais tu ne dois pas compter là-dessus ! – Je sais que je vais gagner ! répondit Rachel d’un ton décidé. Peu m’importe de faire mille tirages au sort pour que toutes les filles de la classe admettent que ce rôle me revient ! » Le professeur et la sous-directrice échangèrent un regard. Il semblait que Rachel parlait avec une confiance profonde, une confiance absolue. Comment pouvait-elle être si sûre ? « Etes-vous d’accord de recommencer le tirage au sort, Madame ? Je suis d’accord, répondit son enseignante. Mais pourquoi es-tu d’accord, toi, Rachel ? Est-ce que tu ne veux pas de ce rôle ? Je le veux vraiment beaucoup. Mais je ne veux pas
qu’une de mes camarades pense que je le lui ai enlevé. Je serais contente qu’on fasse un nouveau tirage au sort. Et si tu ne gagnes pas cette fois ? Je vais gagner, avec l’a ide de D. Et sinon, non. Je ne demanderai pas qu’on répète ce tirage au sort ! » Le silence était à couper au couteau. Le professeur écrivit les noms, observée attentivement par plusieurs élèves. Ensuite, elle leva la feuille en l’a ir pour que tout le monde la voie. On coupa le papier et on chiffonna chaque morceau. Une élève s’approcha et tira un papier… et le nom de Rachel apparut pour la troisième fois ! Un brouhaha envahit la classe. Cette fois-ci, une majorité absolue se mit du côté de Rachel. « Le tirage au sort vient du Ciel ! protestèrent les élèves. Vous voyez que Rachel a gagné trois fois de suite ! C’est un signe évident ! » Pourtant, il restait encore quelques élèves à la mine contrariée et aux paroles acerbes qui tentaient de condamner le tirage au sort sur toutes sortes de prétextes. Rachel, tout à fait calme, demanda un tirage au sort supplémentaire et son professeur accepta. « Je le savais d’avance ! » affirma-t-elle à toutes celles qui l’interrogeaient. Le cours qui devait se terminer depuis longtemps attira aux fenêtres des dizaines d’élèves des autres classes qui regardèrent elles aussi le spectacle avec attention. Rachel gagna le quatrième tirage au sort ! Lorsque Rachel gagna pour la cinquième fois, les dernières sceptiques levèrent les bras. Elles n’avaient jamais assisté à un tel miracle… « J’a i fait un don à Koupat Ha’ir, expliqua ensuite Rachel. J’étais tellement sûre que c’était drôle de voir notre maîtresse si tendue à cause de moi avant chaque tirage au sort supplémentaire. Je savais que je gagnerais. Les tirages au sort ne m’ont pas étonnée ! » Rachel alla apprendre son rôle avec émotion et reconnaissance envers D., sans se rendre compte qu’une grande partie des buts de son rôle avaient déjà été atteints avant même qu’elle ait prononcé la première phrase sur scène. Sa personnalité effacée et morose changea du tout au tout. Sa voix assurée, son attitude posée, son comportement sage et conciliant conquirent le cœur de ses camarades. page 21 supplément d׳histoire de délivrance POURIM 5768
Israël
Un enfant sauvé
« Avraham ! » La mère élève presque la voix pour le gronder mais quelque chose la retient. Avraham a vraiment l’a ir mal en point. « Qu’est-ce que tu as, Avraham ? » Elle lui pose la main sur le front. Il n’a pas de fièvre mais son teint est d’une pâleur inquiétante. « Tu te sens bien ? » Avraham secoue la tête. « Tu as mal quelque part ? » Avraham secoue à nouveau la tête de droite à gauche. La maman s’assoit sur son lit. « Et cette nuit, tu te sentais bien ? » Seuls ses yeux bougent. A droite et à gauche. « Pourquoi ne m’as-tu pas appelée ? » Soudain, les yeux de l’enfant se remplissent de larmes. La mère s’affole en voyant les signes d’épuisement qui se révèlent sur son visage. Elle se prépare à sortir et à prendre un taxi pour l’emmener au centre médical. Cependant, le temps qu’elle trouve ses papiers et sa carte magnétique d’assurance médicale, Avraham semble s’être remis. Il s’est assis sur le lit et paraît tout à fait comme d’habitude. « Qu’est-ce que tu avais tout à l’heure » s’étonne-t-elle en poussant un soupir de soulagement. « Je ne sais pas, répond-il. Je n’avais même pas la force de parler ou de tourner la tête, mais c’est passé. » Sa mère l’a gardé à la maison ce jour-là. Elle avait beaucoup de travail en ces jours précédant Yom Kippour. Les sorties au centre médical ne faisaient pas partie de sa liste de choses à faire. Le soir, Avraham se sentit mal de nouveau. Il ne voulut pas manger et se coucha tout habillé. Sa mère posa une main inquiète sur son front, se promettant d’a ller le lendemain chez le médecin à tout prix. Le lendemain, la maman avait un emploi du temps très chargé. « Nous ferons un don à Koupat Ha’ir et c’est tout » dit le père lorsqu’il apprit la situation. Il envoya Avraham déposer lui-même le don dans la boîte de Koupat Ha’ir à la station d’autobus et il semblait page 22 La force de la tsédaka POURIM 5768
que l’incident était oublié. Le jour de Kippour, Avraham s’est senti très mal. Il s’est mis à pleurer de faiblesse et de douleur non localisée. Sa mère se fit d’amers reproches de ne pas l’avoir amené chez le docteur la semaine précédente. Dès l’issue du jeûne, ils se rendirent au centre de soins d’urgence, où on l’examina attentivement. « On dirait une grippe ordinaire, dit le médecin. Il n’y a aucun signe inquiétant. La gorge est un peu rouge. Vérifiez qu’il ne développe pas une angine ». La mère d’Avraham fut soulagée mais pas tout à fait rassurée. Un jour passa, sans changement pour l’enfant. « Je veux aller voir son pédiatre » dit la mère à son père. Les décorations pour la souka attendront. La santé passe avant ». Le pédiatre l’examina et fit la grimace. « Il y a quelque chose qui ne me plaît pas mais je ne sais pas la définir. C’est peut-être une simple grippe, peut-être qu’il couve quelque chose… Revenez demain, je veux le voir encore une fois. » L’après-midi, Avraham était bien malade. Ces quelques jours entre Yom Kippour et Soukot étaient très chargés et Avraham étant un enfant calme et facile, il n’a pas voulu déranger ses parents. Il était d’a illeurs lui-même troublé : était-il malade ? Par moments, il se sentait très bien, à d’autres il se sentait épuisé. La veille de Soukot, on décida de l’emmener encore une fois chez le médecin. « Je veux qu’il le voie avant la fête, dit la mère. On ne joue pas avec la santé. » Cette fois, le pédiatre était nettement contrarié. « Je veux que vous alliez à l’hôpital, au centre Schneider, dit-il. L’enfant ne semble pas en bonne santé, et cela fait trop longtemps. Je veux être sûr que nous ne perdons pas de temps alors qu’il couve quelque chose de mauvais ». Le père prit peur. « C’est la veille de Soukot ! s’écria-til. Comment aller à l’hôpital ? Comment ma femme se débrouillera-t-elle toute seule avec les préparations de la fête, la souka et les enfants ? Même s’il n’a rien, les services hospitaliers ne le laisseront pas sortir si vite. Pourquoi toutes ces souffrances ? » Il
décida intérieurement d’offrir un don supplémentaire à Koupat Ha’ir.
Le médecin accepta ses arguments. Il remplit une feuille entière de demande d’examens et jeta un coup d’œil à sa montre. « Courez au laboratoire du centre médical et faites-lui faire les examens de sang que voici. Nous saurons comme cela où nous en sommes. Quoi qu’il en soit, si vous arrivez après la fermeture, allez à l’hôpital. » Ils rentrèrent chez eux contents, car ils avaient eu le temps de faire les prises de sang. Le lendemain soir, à l’issue de la fête, ils firent leurs bagages et partirent vers le sud du pays où habitaient leurs grands-parents, pour une visite d’un jour. Ils avaient à peine posé leurs valises que leur portable sonna. « Bonsoir, c’est Docteur Katz ». Le père d’Avraham fronça les sourcils. « Je voudrais que vous passiez au cabinet prendre une lettre pour l’hôpital. » Le père d’Avraham éclata presque de rire. Son fils se sentait si bien et ils étaient si loin de la ville… Le médecin refusa de l’écouter. « Venez immédiatement. Même si vous étiez à l’autre bout du pays, cela ne changerait rien. Rentrez, prenez la lettre et allez au Centre Hospitalier Schneider. Cette nuit même. – Mais pourquoi ? Nous venons à l’instant d’arriver. Pourquoi ne pas attendre demain matin ? – Cela risque d’être trop tard. Je suis désolé de vous le dire mais vous ne semblez pas comprendre la situation. Avez-vous entendu parler de la leucémie ? » La chambre se mit à virevolter devant les yeux du père. Il se raccrocha à une chaise et ne posa plus de questions. Si les grands-parents entendaient cela, ils s’évanouiraient. « Je comprends... Je comprends. Nous arrivons tout de suite. » Sa femme devint livide. La route du retour fut très pénible. Avraham était assis près de la fenêtre, regardant à travers, s’efforçant de faire croire qu’il ne comprenait rien. Pourtant, il n’était pas sot et il comprit très bien qu’on ne prenait pas un taxi pour revenir chez soi deux minutes après être arrivés sans raison majeure. Sa mère récita des Téhillim pendant tout le chemin et, bien qu’elle essayât de cacher ses larmes, il les vit parfaitement. Son père éprouvait une douleur presque physique, comme une poigne qui lui serrait le cœur. Cette sensation était si forte qu’il fit la seule chose qui pouvait être utile : il sortit son portable et tapa le numéro de
Koupat Ha’ir pour faire un don. Au fur et à mesure que les villes défilaient sur la route, la peur le tenaillait. Bien qu’un quart d’heure seulement ait passé depuis son coup de téléphone, il fit un don supplémentaire et parvint à respirer encore quelques minutes de façon normale. Pratiquement tous les quart d’heure, il téléphonait à nouveau, se déchargeant ainsi de son fardeau d’inquiétude. Devant la porte du cabinet du pédiatre, qui était resté sur place pour les attendre, le père fit une pause et téléphona à Koupat Ha’ir. « Je ne parviens pas à m’expliquer cette impulsion irrésistible, dit-il plus tard. Je sentais que je ne pouvais pas entrer. Mes jambes tremblaient et il fallait que je sois fort pour ma femme et mon fils. Je n’arrivais même pas à respirer. Ce don m’a donné le sentiment que j’étais lié au Créateur, que les Portes célestes s’ouvraient pour moi. Il fallait que je le sente à intervalles réguliers ». Le visage très grave, le pédiatre lui tendit la feuille des résultats et il n’était pas nécessaire d’être très expert pour voir que tous les chiffres dansaient sur les diagrammes. Dr Katz regarda l’enfant avec pitié. « Allez à Schneider, conseilla-t-il. Je suppose qu’ils referont tous les examens. De toutes façons, vous serez en de bonnes mains. » Dès qu’il eut quitté l’immeuble, le père téléphona à Koupat Ha’ir. A l’hôpital, ils se dirigèrent vers les urgences et le médecin lut la lettre du pédiatre. « Montrez-moi les résultats des examens, s’il vous plaît » demanda-t-il. Le père d’Avraham lui tendit la feuille, cette main impitoyable lui serrant à nouveau le cœur au risque de l’étouffer. Le médecin parcourut la feuille des yeux puis fit signe à un collègue de s’approcher. Avraham perçut le regard qu’échangèrent les deux médecins. « Venez, entrez dans cette pièce un instant » dit le premier médecin. Il leur expliqua qu’ils allaient faire maintenant une série d’examens initiaux afin d’obtenir une image claire de la situation. « Nous pensons qu’il n’y a pas beaucoup de doute quant à son état mais telles sont les règles. Est-ce que Dr Katz vous a fait part de son appréhension ? » Ils hochèrent la tête, le père brisé, la mère aux yeux rouges et un enfant de dix ans qui comprenait parfaitement ses propos. « As-tu quelque chose à dire avant que nous commencions ? » demande le médecin à Avraham en lui caressant la joue. « Oui, murmura-t-il. Papa, fais encore un don à Koupat Ha’ir ! » page 23 La force de la tsédaka POURIM 5768
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Tel:0800-525-523 page 24 La force de la tsédaka POURIM 5768