LVC
No 32, novembre 2013
Paraît deux fois par année Impression: PCL Presses Centrales SA, Renens Graphisme: Jean-François Tiercy, Lausanne Tirage: 20’000 exemplaires
entre nous
entre nous
Photographie Mirei Lehmann
sommaire Brèves et reflets Une Place Rose pas morose Brèves
éditorial
Chères lectrices, chers lecteurs, 2 2
Le couple face au cancer Conférences du 5 octobre par le Pr Jichlinski, Caroline Codeluppi et Denise Medico 3 Au secours des plus fragiles L’Equipe mobile vulnérabilités du CHUV La LVC en action 5 moments choisis dans la vie de notre association
Olivier Engler 4
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En quête de soulagement Une recherche de l’EESP sur les proches aidants 6 Infos pratiques Nos propositions Adresses x
Du plus grand au plus petit
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Il n’y a aucune égalité face à la maladie. Chaque personne confrontée au cancer vit son parcours de patient de manière singulière, tout comme le proche développe ses ressources selon ses besoins, ses moyens aussi. Si chaque individu est différent, il existe toutefois des points de convergence, des lieux où se retrouvent des problématiques identiques. Ce sont autant de points d’appui favorisant les rencontres et les échanges, permettant aussi de partager des ressources. La Ligue vaudoise contre le cancer en est un. Un vrai !
silence. Plus de cinquante ans après, l’association poursuit d’une certaine manière toujours le même but, en développant par exemple ses prestations comme elle le fait à son siège, situé en plein cœur de Lausanne. Bibliothèque, petit salon d’entretien, conférences, accueil et rencontres permettent en effet à tout un chacun de trouver un peu de répit, une information, un livre ou simplement un sourire. Cette édition du journal Entre nous illustre parfaitement le rôle joué par la LVC dans le canton, et parfois au-delà. L’association informe, au travers de publications bien sûr, mais aussi de conférences ou de manifestations. Elle invite les uns et les autres à se parler, lors d’une prestation collective comme un cours de cuisine ou à l’occasion d’un événement en plein air. Elle occupe l’espace pour diffuser des messages de prévention afin de réduire l’incidence du cancer. Elle participe aussi à des recherches scientifiques afin de mieux comprendre les enjeux auxquels la société fait face.
Quoi, où, quand ?
Tendre une main
Que fait donc la Ligue vaudoise contre le cancer ? Cette question paraît inutile de prime abord, pourtant nombreux sont ceux qui ne connaissent pas l’existence de l’association, encore moins le rôle éminemment social que celle-ci joue en terres vaudoises. Chaque fois que la LVC va à la rencontre de la population, elle entend des témoignages lui démontrant que, ici et là, nombre de personnes auraient pu ou dû s’adresser à elle. Si elles avaient su ! Oui, si �elles avaient su ! Ce constat est étonnant dans la mesure où le cancer touche toutes les générations, toutes les couches sociales. Dans la mesure également où cette maladie bénéficie, fort heureusement d’ailleurs, d’un écho médiatique quasi constant. Chacun étant concerné, chacun devrait donc savoir ! Une affirmation naïve bien entendu. Car, lorsque la maladie apparaît, elle provoque des peurs et des soucis en tous genres. Et le premier réflexe est sans doute de se taire, comme si ne rien dire valait de l’or, comme si le corps humain pouvait sans autre étouffer toutes les émotions. Un peu comme si personne ne pouvait comprendre.
Toutes les particularités, tous les parcours de vie peuvent ainsi se diriger vers la LVC, parfois s’y croiser, voire s’y rencontrer. Un point de convergence, l’association en est donc un. Doublement même, puisque la Ligue ne pourrait jamais tendre une main aux personnes confrontées au cancer sans le très fidèle soutien de ses membres et donateurs.
Un livre, un sourire Lorsque, en 1960, les fondateurs de la LVC décidaient d’orienter ses activités vers l’accompagnement social, ils ont aussi cherché à briser le
Chères lectrices, chers lecteurs, n’hésitez jamais à franchir la porte de la Ligue ! Car, à la LVC, il n’y a pas de petit cancer ni de petit problème. Il n’y a pas non plus de petit geste ni de petit don. Face à la maladie, tout est important, tout compte. Je vous souhaite une bonne lecture. Olivier Engler Président
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Une Place Rose pas morose
Brèves et reflets
Jamais deux sans trois ! Une nouvelle fois, la LVC a revêtu la place Pépinet de rose, par solidarité face au cancer du sein. Par une journée grise et pluvieuse, la Place Rose a pris forme de bonne heure le samedi 5 octobre, au cœur de Lausanne…
Un chœur pour Chorafas Un concert exceptionnel s’est déroulé sur deux soirées du mois de mars au Théâtre de Vevey : Coup de chapeau à Georges Chorafas, ou un hommage en chansons à ce compositeur disparu. Assuré par le puissant groupe vocal Café Café, formé de près de 100 chanteurs, le concert avait pour têtes d’affiche le compositeur Pierre Huwiler, le chef d’orchestre Blaise Héritier, sans oublier Thierry Romanens. Ce chaleureux événement musical, au succès non moins fabuleux, a permis de réunir la somme de 6’000 francs, soit le bénéfice de la vente des billets, en faveur de la Ligue vaudoise contre le cancer. / MB
Eusébio, coureur hors pair Deux cent cinquante-cinq kilomètres à pied parcourus en Grèce en moins de quarante-huit heures, entre Delphes et Olympie ! Tel est le défi incroyable relevé fin avril par Eusébio Bochons, coureur au grand cœur. Non content de franchir la ligne d’arrivée, il s’est hissé sur la troisième marche du podium. Un nouvel exploit pour le sportif, qui avait déjà traversé une épreuve de taille : la maladie. Au total, quelque 3’500 francs ont été récoltés pour la LVC grâce à la généreuse contribution des personnes ayant tenu leur promesse de don à la suite du pari réussi d’Eusébio Bochons. Une coquette somme, réunie à l’aide des démarches volontaires de l’étonnant coureur. / MB
Une bonne hygiène de vie (alimentation riche en fibres, mouvement régulier…) contribue à se prémunir d’une tumeur mammaire. Mobilisée pour sa Place Rose, toute l’équipe de la Ligue vaudoise contre le cancer a répondu aux nombreuses questions du public vis-à-vis de ces problématiques. En effet, la manifestation visait à sensibiliser la population sur les moyens de prévenir l’apparition du cancer du sein, dans le cadre du mois international qui lui est dédié. Faut-il le rappeler, l’événement avait également pour objectif d’inviter le public à marquer sa solidarité envers les personnes touchées par un cancer du sein – le plus répandu chez la femme. Pour cette troisième édition, la LVC a mis l’accent sur la thématique délicate du couple face au cancer. Un sujet d’ailleurs au centre de deux conférences publiques (voir en page 3) proposées en parallèle, dans les locaux de la LVC : « Le couple face au cancer de la prostate », par le Pr Jichlinski et l’infirmière Caroline Codeluppi, du Service d’urologie du CHUV, suivie d’une rencontre intitulée « Une vie intime malgré tout », animée par Denise Medico, cheffe de la consultation de couple et de sexologie à Profa. Le cancer de la prostate – le plus courant chez l’homme – tout comme celui du sein portent souvent atteinte à l’image du corps. Que ce soit à propos du choix des traitements ou de l’intimité, les spécialistes ont donc convergé vers l’idée qu’il est essentiel d’ouvrir le dialogue avec son partenaire de vie. Ils ont par ailleurs souligné l’utilité d’un recours à l’aide de spécialistes, capables d’accompagner le couple dans son duel face à la maladie. Traiter d’un sujet grave n’exclut pas une certaine légèreté. Sur la Place Rose, l’ambiance était tout sauf morose, puisqu’un clown, répondant au doux nom d’Isidore, offrait des ballons sculptés en forme de fleurs ou d’animaux, pour le plus grand bonheur des bambins... Les adultes, quant à eux, ont pu admirer un couple de danseurs de tango. La performance singulière d’Artango & art2b System, à la fois urbaine et sensuelle, a visiblement retenu l’attention du public autour du tapis rose. Colorée, solidaire, informative, la manifestation a donc une fois de plus suscité de nombreux échanges avec la population en l’invitant au dialogue, plus que jamais nécessaire, autour de ce thème encore tabou et dérangeant qu’est le cancer. M arie B ertholet
La Ligue vaudoise contre le cancer tient à remercier Caroline Codeluppi, le Pr Jichlinski et Denise Medico de leur prestation dans le cadre des conférences, ainsi que ses bénévoles, sans oublier ses généreux partenaires et donateurs ayant permis l’édition 2013 de la Place Rose : Vaudoise Assurances, Service de la santé publique – canton de Vaud, PCL Presses Centrales SA, Nature & Découvertes, Payot Libraire, Artango & art2b System.
Oser la boule à zéro
© Jon Schmidt
Deux actions singulières se sont déroulées successivement le samedi 1er juin sur la place Pépinet, à Lausanne, puis à Sion le 8 juin. L’association CHauve pour la bonne cause a en effet lancé le challenge de « mettre sa tête à prix ». A savoir se raser la tête en public... But de l’opération ? Soutenir les familles d’enfants touchés par un cancer. La LVC a été l’une des heureuses bénéficiaires de cette action aussi originale que forte, symboliquement. Le camp d’escalade et de création qu’organise chaque année notre association pour les enfants touchés de près par la maladie a ainsi pu bénéficier d’une aide précieuse : plus de 3’500 francs ont été reversés à l’issue des deux événements, afin de soutenir ce projet particulier. Au total, 25 Romands ont ainsi mis leur tête à prix ! Un grand merci à eux pour leur geste solidaire. / MB
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Le couple face au cancer de la prostate Dans le cadre des animations de la Place Rose, le 5 octobre dernier, la LVC a organisé deux conférences publiques : « Le couple face au cancer de la prostate », avec le Pr Patrice Jichlinski, chef du service d’urologie du CHUV, et Caroline Codeluppi, infirmière à la consultation d’urologie du même établissement ; et « Une vie intime malgré tout », réflexion plus générale sur le couple face à la maladie conduite par la sexologue et Ph. D. (Profa) Denise Medico. Une problématique complexe dont la sexualité est loin d’être le seul enjeu.
Une thérapie, oui, mais laquelle ?
Le Pr Patrice Jichlinski, chef du service d’urologie du CHUV
Premier orateur, le Pr Jichlinski a rappelé d’abord le rôle essentiel de la prostate dans la production du sperme et sa configuration particulière : entourant un faisceau complexe de vaisseaux sanguins et de nerfs commandant à la fois l’érection et la continence urinaire, elle ne peut subir d’ablation totale ou partielle sans risques d’effets secondaires perturbant la sexualité masculine. Ainsi, lorsque le cancer est diagnostiqué (le plus souvent chez les hommes de plus de 60 ans), d’autres interventions thérapeutiques que la chirurgie (radiothérapie, hormonothérapie) sont susceptibles d’être mises en œuvre. Sans qu’il y ait toujours unanimité entre les spécialistes sur le meilleur choix à faire.
Une alternative : la « surveillance active » La question se complique encore du fait que les tumeurs de la prostate peuvent être agressives, c’est-à-dire à évolution rapide et pouvant générer des métastases, ou au contraire « indolentes », sans signes cliniques pendant de nombreuses années. Dans ce dernier cas, une « surveillance active » peut être plus judicieuse qu’une intervention lourde – pour autant que le patient accepte l’idée de vivre avec une maladie potentiellement dangereuse. Il s’agit en quelque sorte d’un pari raisonnable, car il n’est pas encore possible de prédire l’évolution d’une tumeur de la prostate – ce que les recherches sur le profil génomique de ces tumeurs permettront sans doute dans un proche avenir.
Des choix délicats, une réponse pluridisciplinaire Devant ces choix délicats, auxquels sont confrontés les patients comme les acteurs du système de santé, le Pr Jichlinski a souligné l’importance d’une réponse pluridisciplinaire. La tendance est aujourd’hui de constituer des centres de compétences dédiés au cancer de la prostate (c’est déjà le cas au CHUV) ; ces centres réunissent urologues, oncologues, radiologues, psychologues et personnel infirmier. Ainsi sont pris en compte non seulement les critères médicaux (le type de tumeur, les éventuelles comorbidités, l’état général du patient), mais aussi le contexte psychosocial.
Les hommes mariés vivent plus longtemps… Ce dernier élément est en effet primordial. Le Pr Jichlinski en a donné une illustration frappante: les hommes mariés ont une survie médiane significativement plus longue que les hommes divorcés, séparés, célibataires ou veufs ! Encore faut-il que le couple surmonte l’épreuve. Comment affrontera-t-il le diagnostic, l’incertitude, la diminution – voire la disparition – des capacités sexuelles du conjoint après une prostatectomie partielle ou totale ?
Le rôle crucial de la compagne A ces questions, Caroline Codeluppi a apporté un éclairage fondé sur son expérience d’infirmière en consultation d’urologie. Le premier choc est lié au diagnostic. Le patient touché est soudain renvoyé à sa solitude, à sa finitude, à l’impression de porter en lui une bombe à retardement ; il est confronté à ses peurs (l’impuissance, l’incontinence, la douleur possible…); il doit aussi improviser la manière dont il annoncera la nouvelle à ses proches. Le rôle de la compagne est déjà crucial à ce stade : c’est souvent elle qui prend le relais d’un conjoint abattu pour demander des précisions sur la maladie, le pronostic, les thérapies envisagées, ou pour avertir la famille. Par la suite, son soutien émotionnel, physique et « logistique » sera encore plus important.
Le couple mis au défi C’est surtout après une ablation totale ou partielle de la prostate entraînant dysfonctionnements érectiles et/ou incontinence que le couple est mis au défi. Et souvent, précise Caroline Codeluppi, par manque d’informations et de connaissances. Les conjoints n’osent pas toujours recourir à la consultation ambulatoire d’urologie pour aborder des questions aussi intimes. Alors ils « se débrouillent », tâtonnent, tentent d’en savoir plus sur les différents moyens (Viagra, gels intra-urétraux, injections intracaverneuses, pompes à vide) supposés aider l’homme à retrouver une érection satisfaisante… tout cela sous réserve de la bonne qualité des relations du couple avant la maladie. Caroline Codeluppi l’atteste: le cancer de la prostate, comme toutes les affections potentiellement graves, peut aussi bien renforcer les liens du couple (c’est heureusement la majorité des cas) que révéler ses failles. Et dans ce vécu postopératoire, ajoute-t-elle, il ne faut pas négliger la part des soins de support : diététique,
psychiatrie de liaison (spécifiquement dédiée aux difficultés psychologiques liées à l’émergence d’une maladie), andrologie, soutien offert par les aumôneries, sans oublier l’apport des partenaires extérieurs comme les sexologues, les psychothérapeutes – ou les assistants sociaux de la LVC.
Il n’y a pas de « modèle » à suivre Face au cancer de la prostate – et à la maladie en général –, quels sont les pièges que le couple doit éviter ? Denise Medico, la troisième intervenante, a répondu en insistant sur la complexité de la relation entre conjoints. D’autant que la maladie est plus qu’un « accident » : c’est un rite de passage, que chacun des deux partenaires affronte selon des modalités propres. Or, a souligné la sexologue, il est essentiel d’admettre que ces modalités peuvent être contradictoires chez la même personne : le conjoint malade peut à la fois avoir besoin de soutien et désirer la solitude ; et son partenaire peut aussi bien manifester un désir sincère de l’aider qu’une envie de fuite devant le drame et ses conséquences. Là-dessus se greffe encore l’histoire particulière du couple faite de besoins, d’espoirs, de fantasmes, de bonheurs et d’insatisfactions. Il n’y a donc pas de « modèle » à suivre.
Changements de rôles et « petits riens » Pour Denise Medico, la maladie repositionne les rôles au sein du couple dès l’annonce du diagnostic. Mais ce bouleversement va bien audelà de la thérapie et de ses effets sur la sexualité. Ayant affronté la maladie, la douleur, le corps ressenti comme un ennemi, la possibilité concrète d’une mort précoce, le conjoint touché, même en rémission ou guéri, ne sera plus jamais le même. Dans ses valeurs et sa conception de l’existence, il aura souvent évolué radicalement, et à un rythme différent de celui de son partenaire. Ce qui entraîne souvent des séparations après que le drame a été surmonté. Cependant, Denise Medico a aussi voulu mettre l’accent sur l’importance des « petits riens », ces microévénements qui créent le lien, l’intimité et le sentiment de l’engagement réciproque : dans le destin du couple confronté au cancer, un geste, une caresse, une parole, un cadeau pèseront souvent plus lourd que les difficultés sexuelles proprement dites. J ean -F rançois T iercy
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Au secours des plus fragiles Quel profil ont les patients « vulnérables » ? Comment les « repérer » au sein de l’hôpital pour mieux les orienter dans les méandres du système médico-social ? Eclairage avec le Dr Francis Vu, superviseur de l’Equipe mobile vulnérabilités du CHUV.
L’Equipe mobile vulnérabilités du CHUV. Au centre, le Dr Vu « Un projet novateur et unique au niveau suisse. » C’est ainsi que le Dr Vu, chef de clinique à la Policlinique médicale universitaire (PMU) de Lausanne qualifie l’Equipe mobile vulnérabilités. Porté par le Dr Patrick Bodenmann, médecin adjoint à la PMU, ce projet vise à détecter les patients cumulant des fragilités. Mais qu’est-ce, au juste, que la vulnérabilité ? « Ce terme générique inclut des notions diverses, reconnaît Francis Vu. Un patient peut être sujet à des vulnérabilités médicales, telles que des problématiques comportementales, somatiques, psychiatriques. Il peut également être confronté à des vulnérabilités sociales, comme le logement, les assurances, les finances, etc. Les personnes les plus fragiles étant celles qui additionnent des vulnérabilités médicales et sociales. » L’identification de ces patients fragilisés est vitale, au vu des risques qu’ils courent. « Les usagers fréquents des urgences, par exemple, ont une mortalité plus élevée, et une prise en charge médicale potentiellement plus chaotique », explique le docteur. Est-ce à dire que des patients renoncent à se soigner faute de moyens ? « Dans notre canton, l’accès aux soins est en effet difficile pour certains, déplore le médecin. Classiquement, les patients en situation de clandestinité repoussent le moment de consulter, car leur priorité consiste à s’acheter à manger, payer leur logement. Hormis le cas relativement connu des working poors 1, on observe depuis quelques années l’émergence d’une nouvelle catégorie de personnes renonçant régulièrement aux soins : les jeunes précarisés. Bien qu’ayant suivi une scolarité en Suisse, ces derniers sont dépourvus de diplôme et se retrouvent dès lors sans emploi, à l’aide sociale. Ce phénomène va grandissant. »
PRÉCARITÉ ACCRUE « La proportion de patients vulnérables a augmenté ces cinq dernières années », poursuit le médecin. En cause ? L’évolution démographique, notamment : « La population vieillit. Or, on a davantage de problèmes de santé à un âge avancé... Le climat économique, quant à lui, est de plus en plus défavorable. Selon les chiffres des services sociaux, les demandes d’aide sociale ont augmenté. Même constat pour les requêtes d’assurance invalidité et les demandes 1
Travailleurs au revenu modeste.
d’asile. Il existe par ailleurs une précarité chez certains ressortissants européens : des Portugais, des Italiens, des Français dorment dans la rue. Ils choisissent de rester en Suisse, car ils auraient encore plus de difficultés à trouver un emploi dans leur pays. » Et, face au cancer, qui sont les plus vulnérables ? « Cette maladie altère la qualité de vie, relève Francis Vu. Elle génère parfois une perte d’autonomie, voire de l’invalidité. La majorité des patients cancéreux ont plus de 65 ans. Pour nous, ce facteur est important : les personnes âgées sont généralement plus vulnérables. Les besoins identifiés le plus souvent chez ces patients sont l’isolement social et des difficultés au niveau relationnel, avec les soignants ou leur entourage. Nous avons ainsi été amenés à proposer un soutien psychologique à certaines personnes proches de la dépression. Les patients atteints de cancer sont régulièrement amenés à consulter les urgences, leur seule porte d’entrée dans le système de soins lorsqu’ils rencontrent des problèmes aigus. Il n’existe en effet aucun service d’urgences oncologiques en Suisse. »
UNE AIDE DURABLE ? Se voir étiqueter « vulnérable » est-il aisé ? « Nous devons en effet faire attention à ne pas stigmatiser ces patients, reconnaît le chef de clinique. L’immense majorité d’entre eux nous accueillent de manière positive. La complexité de la situation détermine la durée du suivi. Cependant, en moyenne, il faut compter quatre heures de prise en charge. Notre objectif consiste à mettre en place un réseau médico-social qui va prendre le relais sur le moyen et le long terme. Certains patients se sentent un peu perdus dans le système médico-social. Nos quatre infirmières prennent le temps de leur expliquer son fonctionnement, pour le moins complexe... » « Idéalement, le patient doit être l’acteur de sa prise en charge, ajoute le médecin. Il est important pour nous qu’il réalise et accepte qu’il a besoin d’aide. Tout d’abord, nous explorons ses ressources personnelles : est-il suffisamment bien, psychiquement, pour faire face à la maladie ? S’il est déprimé, par exemple, il aura en effet plus de peine à agir de manière autonome. Nous proposons alors au patient de le prendre par la main et essayons de trouver des soutiens dans son entourage proche et dans son environnement médico-social. » Le projet Equipe mobile vulnérabilités fait actuellement l’objet d’une étude, dont les résultats devraient être connus à l’horizon 2015… Dans l’intervalle, Francis Vu esquisse déjà quelques pistes de réflexion autour d’une amélioration de la prise en charge des patients
vulnérables : « Selon moi, le fait de mettre à disposition du patient une infirmière ou une assistante sociale qui puisse l’accompagner sur plusieurs années serait l’idéal. La présence d’un professionnel ayant une vision d’ensemble de sa situation permettrait en effet de répondre à une difficulté grandissante : la fragmentation de la prise en charge des patients. Le système médico-social est de plus en plus spécialisé. Ce morcellement risque d’aggraver encore les situations de vulnérabilités multiples. Une personne phare qui les aiderait à se diriger dans ce réseau complexe améliorerait leur parcours en termes de qualité de soins et de soutien social. Si le système médico-social était organisé de manière plus coordonnée, simplifiée, nous n’aurions plus besoin d’orienter les patients. » M arie B ertholet
L’équipe mobile vulnérabilités du CHUV Quel est le but de ce projet mis en place depuis 2009 ? « L’objectif recherché est non seulement d’améliorer la prise en charge médicale et la qualité de vie des personnes vulnérables, mais aussi d’avoir un impact positif, d’un point de vue économique, sur leur consommation en soins », explique le Dr Francis Vu. Les usagers fréquents du Service des urgences représentent en effet une population particulièrement fragile : « La moitié des cas de vulnérabilité ont été détectés sur l’appel d’urgentistes, l’autre moitié au sein de différents services du CHUV ou de la PMU, précise le médecin. Le service d’urgences est le seul lieu de soins accessible à tous : on ne peut refuser l’admission aux urgences à quiconque ayant un problème de santé, même sans argent ni assurance. Les usagers fréquents 2 de ce service coûteux cumulent en effet les vulnérabilités. Notre Equipe cherche à les encourager à mieux utiliser le système de soins. Par exemple, en les invitant à consulter un médecin de premier recours ou en les guidant en fonction de leurs besoins médico-sociaux. » Sur le terrain, les infirmières de l’Equipe collaborent ainsi avec les médecins et assistants sociaux du CHUV, de la PMU, mais aussi avec le réseau associatif – dont la LVC ! MB 2
Un usager des urgences au CHUV est jugé « fréquent » à partir de 5 consultations par an.
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La LVC en action Puisque les mots sont parfois lacunaires, nous ouvrons une petite lucarne sur la vie de votre Ligue, en images. Cinq moments choisis, pour un autre aperçu de nos activités…*
Des cours. Proposés dans tout le canton, ils représentent autant de lieux de ressource pour les patients et leurs proches : ici, un atelier culinaire animé par Bruno Fellay, responsable des fourneaux de la Fondation Rive-Neuve ; ailleurs, un rendez-vous dédié au bien-être… Des conseils préventifs. Car les suivre permettrait d’éviter un tiers des cancers ! Diffusés tout au long de l’année, ils touchent chaque génération, dans les écoles comme lors de manifestations. Au SlowUp �de la Vallée de Joux, de la crème solaire était offerte au public sur le stand de la LVC, érigé au sein de cet événement estival. Le mélanome demeure l’un des cinq cancers les plus répandus… De l’information à partager. Au siège de la LVC, chacun peut se renseigner et demander du soutien en cas de besoin. On y trouve par ailleurs une bibliothèque, ainsi que des brochures sur les différents cancers. Les jeudis, la Ligue ouvre ses portes pour un rendezvous sous le signe de l’échange : les Midis de Pépinet (voir p. 7). Quiconque peut y partager son expérience et s’informer, au fil de rencontres thématiques, sur l’alimentation, le mouvement, la gestion des changements liés à la maladie, etc. De l’aide. Bien au-delà des images, il y a tout le soutien, personnalisé, gratuit − et intraduisible sur papier ! − qui est offert quotidiennement au patient et à son entourage. Celui de nos assistants sociaux, qui les écoutent et les orientent face à la maladie : sur des questions juridiques, financières, relatives aux assurances… Sans oublier l’aide de nos bénévoles qui, dans l’ombre, apportent une formidable lueur d’espoir aux patients. Sans leur aide, sans la vôtre, ces instants décisifs n’existeraient pas. MB
Photographies de Mirei Lehmann. * Pour consulter le calendrier complet de nos propositions: www.lvc.ch
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En quête de soulagement Respect de la sphère privée
L’équipe de recherche de l’EESP : Marc-Antoine Berthod (à gauche), Nicole Brzak et Yannis Papadaniel �
Lancée il y a un an en terres romandes, une enquête anthropologique devrait permettre de saisir la réalité des proches aidants devant faire face à leurs obligations professionnelles. L’objectif est de déterminer quelques pistes pouvant conduire, un jour peutêtre, les autorités politiques à prendre des mesures d’accompagnement pour celles et ceux qui entourent une personne souffrante. Présentation.
Sera-t-il proposé un jour un soutien �officiel aux personnes accompagnant un proche gravement atteint dans sa santé ? La question n’a peut-être jamais été autant d’actualité. Dans le cadre d’un vaste programme d’enquêtes lancé à l’échelle suisse sur le sujet de la fin de vie (voir encadré), une équipe de recherche de la Haute école de travail social et de la santé – Vaud (EESP) mène une étude devant identifier les obstacles rencontrés et les ressources mobilisées par les personnes conciliant leur rôle de proche aidant et leurs obligations professionnelles. Le but de la démarche ? Dégager certaines pistes de réflexion relatives à la couverture sociale des situations d’accompagnement et à l’aménagement des conditions de travail pouvant à terme alléger la charge quotidienne assumée par les proches. « La situation du proche aidant, dans le cadre d’une maladie grave comme d’une dépendance, interpelle beaucoup la société, en Suisse comme à l’étranger. Certaines mesures officielles ont déjà été prises, notamment au Canada, où il existe un congé dit d’accompagnement de fin de vie. Il s’agit de permettre à un proche aidant d’arrêter son activité professionnelle pendant une durée déterminée et de retrouver ensuite son poste de travail », explique le Pr Marc-Antoine Berthod, qui conduit la recherche avec le Dr Yannis Papadaniel, et la collaboration de Nicole Brzak.
Marc-Antoine Berthod évoque à dessein la question du congé d’accompagnement, car le sujet occupe déjà passablement les esprits : « Il est vrai qu’au niveau des politiques sociales, il y a une volonté de développer ce genre de soutien. Les choses ne sont toutefois pas aussi simples qu’il y paraît, car imaginer un congé soulève d’importants questionnements touchant autant au respect de la sphère privée des personnes qu’à l’aspect bien évidemment économique. » L’enquête menée actuellement par les chercheurs de l’EESP vise tout d’abord à bien cerner la réalité des personnes accompagnant un proche gravement malade ; elle veut ensuite apporter des réponses précises concernant les mesures économiques, sociales ou politiques qui pourraient être prises : « Nous allons à la rencontre de ceux qui entourent une personne malade tout en assumant leur travail. Nous les questionnons sur les soutiens dont ils disposent, les réseaux d’aide ou de partage qu’ils ont trouvés ou développés. Pour autant qu’on nous y autorise, nous rencontrons aussi leur entourage, ainsi que leurs collègues, leurs supérieurs, la personne malade ou le personnel soignant. Notre démarche est anthropologique. Nous récoltons des informations s’inscrivant dans des situations de vie singulières et des réalités économiques distinctes, pour trouver ensuite des points de convergence ou d’articulation, entre elles bien entendu mais aussi avec la société au sens large », expliquent de concert Marc-Antoine Berthod et Yannis Papadaniel.
Une multitude de réalités Les chercheurs sont à mi-parcours du travail de terrain qu’ils ont engagé dès l’automne 2012. Ils peuvent cependant déjà avancer quelques observations : « Une des difficultés majeures que l’on identifie est la confrontation entre les exigences concrètes d’une mesure sociale, représentées par des délais ou un barème d’allocations par exemple, à des notions bien plus subjectives, comme la perception de la maladie, sa gravité et l’espoir de guérison », relève Yannis Papadaniel. A ce propos, les maladies du cancer recouvrent une multitude de réalités, tant pour les patients que pour leurs proches, avec des traitements et des pronostics très divers. Il est ainsi difficile de parler d’une seule forme d’accompagnement ou d’une mesure qui conviendrait à toutes et à tous. Les propos du Dr Papadaniel mettent en évidence les questions de fond qui ne manqueront pas de surgir lorsqu’il s’agira de délimiter une aide étatique : « A notre niveau, nous ne produisons pas de données statistiques ou économiques sur la possibilité d’un congé d’accompagnement. Notre rôle est de documenter la réalité des personnes concernées et de croiser les points de vue. Nous espérons fournir un éclairage complémentaire aux études plus quantitatives pour aider les pouvoirs publics à définir les mesures les plus adéquates », conclut MarcAntoine Berthod. P hilippe R acine
Un programme national de recherche L’étude consacrée à la conciliation entre accompagnement d’un proche gravement malade et poursuite de l’activité professionnelle s’inscrit dans un vaste programme national de recherche (PNR) sur la fin de vie. Financé par le Fonds national suisse de la recherche scientifique, ce programme vise à produire des connaissances sur la fin de vie à l’intention des décideuses et décideurs du système de santé, de la politique et des professions concernées. L’objectif est de permettre que des orientations ou actions soient choisies pour une approche digne face à la mort. Le programme national a été encouragé par les modifications sociétales constatées face à la fin de vie. En effet, la perception et l’aménagement de la dernière phase de l’existence se transforment profondément dans une société où la majorité des personnes meurent à un âge avancé. Ces dernières années, la notion de « bonne mort » ou de « mort réussie » s’est progressivement installée aussi bien dans les milieux professionnels concernés que dans le grand public. Le PNR doit permettre de mieux comprendre ce processus, notamment via de très nombreuses recherches scientifiques lancées l’an dernier à travers le pays et touchant de nombreux sujets : l’adolescent face au décès d’un de ses parents ; l’autodétermination ; les différences régionales de traitement médical ; le désir de mort ; la fin de vie en prison ; les facteurs de décision de transfert en unité de soins intensifs… Nombre de recherches s’inscrivant dans le PNR s’appuient sur des partenariats avec des institutions publiques et/ou parapubliques et le secteur privé. C’est le cas du travail mené par le Pr Marc-Antoine Berthod et le Dr Yannis Papadaniel : « Nous pouvons compter sur l’appui de différents acteurs, notamment la Ligue vaudoise contre cancer. Cette aide nous est précieuse, notamment pour entrer en contact avec des personnes disposées à partager leur propre expérience de proche devant mener de front l’accompagnement d’une personne malade et leurs obligations professionnelles. Nous avons déjà conduit une cinquantaine d’entretiens, et nous espérons pouvoir en faire tout autant au cours des prochains mois », précise le Pr Berthod. PR
Toute personne intéressée à participer à la recherche « Concilier accompagnement d’un proche gravement malade et poursuite de l’activité professionnelle » peut s’annoncer directement auprès du Pr Berthod à l’adresse marc-antoine.berthod@eesp.ch. Pour en savoir davantage sur le Programme national de recherche sur la fin de vie : www.pnr67.ch.
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Nos propositions LES MIDIS DE PÉPINET
COURS et ateliers
La LVC vous donne rendez-vous, au cœur de Lausanne !
Cours de cuisine – Clarens
Les jeudis à midi, à la Place Pépinet 1, partagez des moments de rencontre en lien avec le mouvement, l’information ou l’alimentation, en présence de nos collaborateurs et de différents spécialistes. Gratuit et sans inscription
Les mercredis 4 et 11 décembre 2013 / 7 et 14 mai 2014 De 9 h 15 à 14 h 30.
Atelier créatif – Lausanne Les mardis 21, 28 janvier / 4, 11, 18 février / 4, 11, 18 et 25 mars / 1er avril 2014. De 14 h à 16 h 30.
Cours de bien-être – Lausanne Les jeudis 27 février / 6, 13, 20 et 27 mars / 3 et 10 avril / 1, 8, 15 et 22 mai / 5 juin De 14 h 30 à 15 h 30
MANIFESTATION Women sport Evasion Lausanne
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La conteuse Alix Noble Burnand, lors du Midi de Pépinet « L’épreuve prise en contes », le 19 septembre dernier.
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28 novembre Chair de poule
Les samedi 21 et dimanche 22 juin 2014 La LVC tiendra un stand d’information dans le cadre de ce rendez-vous féminin placé sous le signe du sport et de la détente. www.womensportevasion.ch
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Les traitements accentuent souvent la frilosité. Quelques conseils et exercices pour atténuer cet effet secondaire et affronter les frimas.
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5 décembre Carte blanche aux participants
Une assistante sociale et une infirmière de prévention de la LVC répondent à vos propositions et à vos questions spontanées.
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12 décembre Palette de douceurs
Renseignements et inscriptions Un calendrier précis de ces activités se trouve sur www.lvc.ch. Tous les renseignements utiles peuvent être obtenus auprès du secrétariat de la LVC. – par téléphone: 021 623 11 11 – par mail: info@lvc.ch
Un moment à partager autour d’un thé aux épices et de biscuits. Pour petits et grands concernés par la maladie.
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Rejoignez la LVC sur tatif
19 décembre étonnante tradition
A midi, venez fêter Noël à Pépinet !
Ligue vaudoise contre le cancer (LVC) Service social Service de bénévoles Service de prévention Secrétariat Place Pépinet 1 1003 Lausanne Tél. 021 623 11 11 Fax 021 623 11 10 info@lvc.ch www.lvc.ch CCP 10-22260-0 Compte bancaire BCV: CCP 10-725-4 / C. 375.730.0 Service social LVC-CHUV Place Pépinet 1 1003 Lausanne Tél. 021 623 11 11 Fax 021 623 11 10 Service social LVC-Genolier Clinique de Genolier Case postale 100, 1272 Genolier Tél. 022 366 90 15 Fax 022 366 91 31 Service social LVC-Morges Ensemble Hospitalier de la Côte Case postale 384 1110 Morges Tél. 021 804 27 82 Fax 021 804 22 86 Service social LVC-Nyon Groupement Hospitalier de l’Ouest Lémanique (GHOL) Chemin Monastier 10 1260 Nyon Tél. 022 994 62 86 Fax 022 994 62 13 Service social LVC-Vevey Hôpital de la Riviera Site de la Providence Avenue de la Prairie 3 1800 Vevey Tél. 021 977 58 71 Tél. 021 977 58 83 Fax 021 977 56 06 Service social LVC-Yverdon Etablissement Hospitalier du Nord Vaudois (eHnv) Site Yverdon Rue Entremonts 11 1400 Yverdon-les-Bains Tél. 024 424 40 61 Tél. 024 424 40 35
La santé est le trésor le plus précieux et le plus facile à perdre ; c’est cependant le plus mal gardé.
Chauvot de Beauchêne
Merci de soutenir la Ligue vaudoise contre le cancer CCP 10 – 22260 – 0 021 623 11 11