Du même auteur Tourisme, culture et modernité en pays Toraja, Sulawesi-Sud, Indonésie, Paris, L’Harmattan, 1997. Les Toraja d’Indonésie. Aperçu général socio-historique, Paris, L’Harmattan, 2000 (1997). L’Indonésie éclatée mais libre. De la dictature à la démocratie, Paris, L’Harmattan, 2000. En route pour l’Asie. Le rêve oriental chez les colonisateurs, les aventuriers et les touristes occidentaux, Paris, L’H armattan, 2001 (1995). L’autre sens du voyage. Manifeste pour un nouveau départ, Paris, Homnisphères, 2003. [épuisé] Voyage au bout de la route. Essai de socio-anthropologie, La Tour d’Aigues, L’Aube, 2004. [épuisé] Désirs d’Ailleurs. Essai d’anthropologie des voyages, Québec, PUL, 2004 (2000). Autonomadie. Essai sur le nomadisme et l’autonomie, Paris, Homnisphères, 2005. [épuisé] Planète Sexe. Tourismes sexuels, marchandisation et déshumanisation des corps, Paris, Homnisphères, 2006. [épuisé] Voyage au bout du sexe. Trafics et tourismes sexuels en Asie et ailleurs, Québec, PUL, 2006. Routes. Eloge de l’autonomadie. Une anthropologie du voyage, du nomadisme et de l’autonomie, Québec, PUL, 2009. Voyages pluriels. Echanges et mélanges, Annecy, Livres du monde, 2011. La Marche du monde. Des routes et des tours, Annecy, Livres du monde, 2012. Eloge du voyage désorganisé. Déroutes et détours, Annecy, Livres du monde, 2012. En route pour Bali. Chroniques culturelles d’un paradis en mutation, Québec, PUL, 2013.
FRANCK MICHEL
DU VOYAGE ET DES HOMMES Désirs d’Ailleurs revisited
Éditions Livres du monde 2013
© Éditions Livres du monde 25, avenue de Cran - F. 74000 ANNECY www.livresdumonde.net Tous droits de reproduction et de traduction réservés. ISSN : 2262-7510 ISBN : 978-2-919117-14-7
Sommaire
Présentation (7) Introduction (13) 1. L’autre et l’ailleurs : rites de voyage et mythes de passage (25) 2. Mythes, rites et risques touristiques (35) 3. Un Orient forcément « extrême » : sacré et sacralisé (47) 4. De la fin des trips à la faim du voyage (61) 5. Vie du tourisme et survie du voyage (75) 6. L’art et la manière de bourlinguer (95) 7. Nous et les autres, de l’hôtel à l’hôte (117) 8. Du sacré, du jeu et de la fête (139) 9. L’espace-temps du voyageur (159) 10. De l’image à l’écrit : de beaux prétextes à voyager (179) 11. Exotisme et lien social : des quêtes sans conquêtes (199) 12. Le cas de l’Asie dans la recherche de l’altérité (217) 13. L’aventure humaine du voyage entre nature et culture (239) 14. Eco ou Ego : vers un touris me prétentieux ? (255) 15. Aventures multiples (277) 16. Des cultures en voyage à la culture du voyage (307) 17. Le tourisme entre l’histoire et la politique (325)
18. Des traditions aux modernités et aux mutations touristiques (345) 19. Des tours, du sexe et de la liberté : décors exotiques (375) 20. Pour une anthropolo gie critique des voyages (397) Bibliographie (407)
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Photos de couverture : détails d’une fresque murale à Ipanema, Rio de Janeiro, Brésil. Photo © Franck Michel, 2012.
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Présentation Un essai d’anthropologie des voyages « L’homme fait le voyage, le voyage fait l’homme ». Michel de Montaigne
Du voyage et des hommes, un titre d’ouvrage qui renvoie sans doute davantage à Montaigne qu’à Steinbeck, est avant tout un essai d’anthropologie des voyages. C’est aussi une immersion dans l’univers salvateur ou ludique de nos tribulations, proches ou lointaines, durables ou saisonnières, qu’elles soient vacancières ou non. Le livre que vous avez entre vos mains reprend une grande partie de Désirs d’Ailleurs, un ouvrage paru en 2004 aux Presses de l’Université Laval au Québec. La présente version arrive une décennie plus tard avec des réactualisations et de nombreux chapitres ou paragraphes inédits. Cette édition paraît aussi sous une forme quelque peu débarrassée de l’appareil de notes ou de références, ainsi que de la préface, de la postface et de certaines parties, qui nous ont paru inutiles pour cette nouvelle parution. Enfin, une autre raison de cette réédition – si le livre au final n’est plus du tout le même, nous avons tout de même indiqué en sous-titre « Désirs d’Ailleurs revisited », comme un clin d’œil à l’esprit nomade sinon routard de Bob Dylan et une allusion aux lecteurs-visiteurs qui redécouvrent un livre comme on revisite un site – est d’une part la diffusion confidentielle du livre au Canada et d’autre part la difficulté de trouver ou même de commander l’ouvrage en France. 7
Désormais ce livre est donc plus nettement accessible dans sa forme et plus facilement disponible sur les rayons des libraires dans l’Hexagone. Pour ma part, cet essai d’anthropologie des voyages – le pluriel nous paraît essentiel à « voyage » tant la diversité du terme recouvre des réalités différentes parfois même opposées –, vient en outre clore un cycle de 25 ans de travaux menés sur le tourisme et le voyage. Une période consacrée à l’étude et à la pratique de la route, et parfois également de la déroute, souvent plus salutaire qu’on ne le pense. Une bonne tranche de vie vouée au nomadisme volontaire, matérialisée par une quinzaine d’ouvrages portant sur les mobilités contemporaines, voyage en tête. Entamée dans les années 1985-1988, à l’occasion notamment d’un « grand » voyage en Amérique du Sud et d’un autre en Asie, cette réflexion d’un bon quart de siècle s’achève (temporairement !) à l’été 2013 en Indonésie, sur les hauteurs de Bali, au moment où précisément je relis les ultimes épreuves de ce manuscrit. Ces prises de plumes et de routes alternatives repassent toujours par le Vieux Continent, cette terre tout particulièrement « rincée d’exotisme » (dixit Michaux), un continent surtout à la dérive qui opte désormais pour un patrimoine à tout-va, digne de la nouvelle ère du « terroir-caisse » tout-puissant, sans parvenir hélas à rompre avec ses vieux démons à la fois politiques et plus que jamais populistes. Depuis maintenant une décennie, sans pour autant négliger l’appel de la route, ces pérégrinations exotiques ou non se sont poursuivies par la voie numérique et sur la Toile, avec l’association Déroutes & Détours et la revue L’Autre Voie (www.deroutes.com) et, plus récemment et de manière plus collective, avec la plateforme de réflexion sur le voyage, La croisée des routes (www.croiseedesroutes.com). Les lectrices et lecteurs peuvent à leur tour poursuivre ou approfondir les thèmes autour du voyage et de ses multiples avatars en partant « visiter » ces sites. D’ailleurs, le tourisme cybernétique et plus globalement virtuel a manifestement de beaux jours devant lui. Même si, ici ou là, en Europe ou en Amérique du Nord 8
surtout, apparaissent aujourd’hui des séjours « sans objets technologiques » et des offres « déconnexion » pour des clients soucieux de ralentir la cadence le temps des vacances, avec pour seul mot d’ordre : se débrancher. Il est vrai que de plus en plus de nos contemporains s’endorment avec leur smartphone à leurs côtés ou sous l’oreiller. La débranche s’avère alors salutaire. Ainsi de l’Amérique à l’Asie, gigantesque et fascinant terrain d’immersion pour l’anthropologue, sur la Terre ou sur la Toile, la planisphère se fait plus ronde et aplanit les identités meurtrières décrites par Amin Maalouf, et enjolive les tristes tropiques jadis traversés par Claude Lévi-Strauss. Le sanglant XXe siècle est passé par là et a laissé une marque indélébile sur les fractures culturelles et les blessures de l’histoire. Le « nouveau monde » n’est plus situé à « notre ouest » mais partout, et surtout dans tous les suds éparpillés sur notre planète rétrécie. Georges Balandier a parlé de ces « nouveaux nouveaux mondes » qu’il nous faudra à tous un jour – un beau jour – non pas découvrir mais comprendre. Pour ne pas sombrer, pour ne pas se replier, se taire ou encore se terrer, dans un mutisme mortifère ou au fond d’un terroir pensé comme un dernier mais illusoire refuge. Le monde tel qu’il est ne se fuit pas, il se parcourt. Humblement. A échelle humaine, impérativement. A notre époque privée de lendemains enchanteurs, mais aussi de nécessaires utopies, la carte et le territoire rationnalisent un peu plus nos tribulations vers les ailleurs. Vers l’inconnu plus encore. Elles n’intéressent plus seulement les voyagistes ou les militaires mais tous les tenants des savoirs officiels et des sciences devenues inhumaines. Des poètes maudits ou non, des écrivains, des artistes, des réalisateurs, tous « cartographient » souvent les réalités du monde de façon plus satisfaisante que certains chercheurs endormis et autres universitaires patentés, déconnectés du réel qui les entoure… ou les tracasse. Divisé en vingt chapitres, dont plusieurs totalement inédits, Du voyage et des hommes esquisse les contours d’une anthropologie des mobilités toujours en gestation. Quant à 9
l’analyse du tourisme, elle est ici appréhendée dans son acception la plus large possible, allant ainsi des formes de vacances classiques aux pratiques alternatives nomades en tout genre. Et si dans le domaine de la recherche scientifique le temps du déni semble passé (il a tout de même fallu attendre la fin des années quatre-vingt-dix en France), les « humanités » sur le tourisme et le voyage sortent peu à peu de la pénombre des sciences humaines trop souvent figées par des institutions universitaires désuètes et incapables de s’adapter au couple modernité-mondialisation qui pourtant régit notre quotidien. Notre pari tient dans une formule simple mais claire : le voyage est un moyen d’aller vers les autres et un outil pour mieux les comprendre. Signalons également aux lecteurs que ces vingt chapitres peuvent être lus indépendamment et dans le désordre, chaque partie traitant d’un thème en particulier, ceci expliquant aussi quelques petites redondances entre certains chapitres. En espérant qu'à la lecture de ces pages sur l'ailleurs et sur le désir qui nous y guide, toutes et tous s'y retrouveront quelque part et, peut-être, y verront comme une invitation au voyage, un voyage qui soit tout à la fois authentique et passionnel, riche et imprévu. Une découverte qui côtoie inévitablement l’inconnu, passage obligé pour quitter l’univers de la peur, si savamment entretenu par nos médias et nos dirigeants, qui tend à gangréner nos existences actuelles, et pour construire d’indispensables ponts qui relient les hommes et les cultures. Car l'initiation au voyage emprunte toujours d'étranges chemin s de traverse qui ne ressemblent en rien à une voie toute tracée. Sans quoi le pas vers l'autre ne se résumerait qu'à une banale mascarade où se dévoilerait, hélas, notre incapacité si grande à comprendre nos « non semblables ». Ici même ou là-bas, chez nous comme chez eux, chez tout le monde en définitive. Le voyage commence une fois fermée la porte de son appartement, une fois franchi le seuil qui ouvre sur le fameux et prometteur « Dehors », qu’il soit grand ou petit. Le voyage dans le monde, comme le paradis sur terre s'il en est, nécessite finalement autant sinon plus d'efforts de soi que de droits sur 10
les autres, de volonté et d'envie de saisir le réel environnant que de désirs et de besoins de plaisirs faciles, trop rassurants et trop confortables. Fruit d'un long cheminement qui ne se réduit pas seulement à une addition kilométrique, le voyage, parce qu'il reflète la vie et se montre exigeant, se cherche, se dissimule, se laisse désirer, et dériver, puis surtout, il se mérite, tout en se suffisant à lui-même. Le voyage qu’on renouvelle sans arrêt avec des yeux tout neufs à chaque nouveau périple engagé est un combat permanent contre l’habitude et la morosité. Une action autant qu’une activité pour donner plus et non pas moins de sens à la vie. La nôtre et celles des autres. F. M., Wanagiri (« la forêt sur la montagne ») Bali, le 15 août 2013.
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