la Lettre de l’opinion hors-série • mars 2015
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Spécial second tour :
la France du tripartisme la Lettre de l’opinion abonnement@lalettredelopinion.fr
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Départementales 2015 : les clés du premier tour La dramatisation des élections, leur profonde nationalisation et les échos assourdis d’un effet 11 janvier ont pu contribuer au sursaut de participation. Pascal Perrineau, chercheur au CEVIPOF
Taux d’abstention aux premiers tours des élections cantonales depuis 1982 - en pourcentage des inscrits 55,7 50,9
49,8 39,6
2
31,5
33,3
1982
1985
39,6 34,5
36,2
35,1
29,8
1988
1992
1994
1998
2001
2004
2008
2011
2015
Une abstention moins forte que prévue A chaque campagne, son lot d’inconnues et à chaque soirée électorale, son lot de surprises. Ce n’est pas parce que ces départementales « nouvelle version » étaient inédites qu’elles ont dérogé à cette règle. Bien au contraire. Première surprise, La participation. Déjouant les pronostics, plus d’un électeur sur deux s’est rendu aux urnes dimanche dernier alors que l’abstention anticipée par les sondeurs s’élevait à plus de 52%. Loin d’établir un record, l’abstention est donc en baisse de 6 points par rapport à 2011. Le nouveau scrutin, la nationalisation des enjeux, le fait de renouveler 100% des cantons et non plus une moitié, tout cela a finalement contribué à doper la participation. Le record d’abstention revient à la Seine-Saint-Denis (63,18%) tandis que la Lozère détient la palme du département le plus civique (33,9% d’abstention). Ce « sursaut » de participation n’est pas sans conséquence sur les configurations de seconds tours. La règle de 12,5% des inscrits (seuil de qualification) donne à la participation une grande importance : plus elle est élevée, plus il est facile d’accéder au second tour. Résultat, des triangulaires auront lieu dans plus de 325 cantons, avec un record pour le Pas-de-Calais (13 triangulaires sur 39 cantons), suivi du Lot-etGaronne (12/21) de la Drôme (8/19) et de l’Aisne (8/21). A noter, une seule quadrangulaire (sur les 2054 cantons du territoire) sera possible dans le canton d’Ambazac en Haute-Vienne, où le PS est arrivé en tête (26,93%), devant le FN (25,32%), le PCF (24,36%) et l’UMP-UDI (23,39%).
Élec tions dépar tementales
Des résultats à l’épreuve de la réalité et non des sondages :
la gauche s’effondre, la droite et le centre s’imposent et le FN s’enracine Le prisme des sondages Il est marquant de constater comme ce premier tour a été analysé et commenté par rapport aux sondages d’avant le vote et non par rapport aux… résultats réels, comparés à ceux de 2011. A entendre les personnalités politiques et les journalistes présents sur les plateaux et les ondes, la gauche a limité la casse, le FN a plutôt déçu et la droite emporte une victoire sans conteste. Il est vrai que la participation a été plus élevée que celle prévue par les instituts, que le FN a réalisé 4 points de moins que la moyenne des 17 sondages réalisés depuis décembre (un score de 25,2 pour une moyenne des sondages de 29,1%) et que le bloc de gauche comme celui de droite ont fait, à l’inverse, des scores un peu meilleurs que les moyennes sondagières : total gauche de 36,7% contre 34,5% en moyenne des sondages et total droite de 36,6% contre 33,8% prévus par les instituts. La gauche s’effondre Partie divisée, la gauche ne participera pas à plus d’un quart des seconds tours : plus de 520 sur les 2024 que compte le territoire. La gauche dans son ensemble perd environ 13 points en 4 ans et le PS, au sein des forces de gauche (36,7%) atteint 21,5%. A l’issue du second tour, il est probable que les départements gérés par la gauche soient réduits à une vingtaine c’està-dire une perte de 40 exécutifs (deux tiers de moins !) et un coup d’arrêt à plus de vingt ans la Lettre de l ’opinion • hors-série • mars 2015
de progression territoriale. Symboliquement, la défaite s’annonce cruelle avec les pertes probables de bastions historiques de la gauche : Nord, Pas-de-Calais, Bouches du Rhône, Gard, Seine-Saint-Denis (plus incertain), les bastions communistes du Val-de-Marne et de l’Allier, ou de départements « symbole » tels l’Essonne du Premier ministre ou la Corrèze présidentielle.
La droite et le centre s’imposent Le phénomène de grande marée du bloc de la droite et du centre se révèle moins dans sa progression en points par rapport à 2011 (+3,5) que dans le nombre de départements qu’il parviendra à conquérir et la domination qu’il exercera sur la France des départements après les deuxièmes et troisièmes tours.
Résultats des élections cantonales 1988-2015 50
36,7% 36,6%
50
27,46 21,47
40 33
36,7% 36,6%
30
25,2% 20 bloc de droite
15
10
bloc de gauche FN 1988
1992
1994
1998
2001
2004
2008
2011
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Repères Si cette victoire, après la vague bleue des municipales, permet à Nicolas Sarkozy de lui donner l’élan nécessaire pour faire sortir de terre le nouveau parti qu’il ambitionne dans l’optique de la course à la présidentielle, les configurations de second tour mettent en relief les divisions au sein du parti d’opposition sur l’attitude à adopter face au FN.
La gauche, éliminée dans plus de 500 cantons, ne conserverait qu’entre vingt et trente-cinq départements L’UMP et l’UDI pourraient contrôler deux tiers des départements Le FN est arrivé en tête dans 43 départements et sera présent au second tour dans plus de la moitié des cantons
La présence du FN au second tour 2015
2004
2011
quadrangulaire
4
0
1
triangulaire
215
5
283
Duel FN / gauche
41
266
282
Duel FN / droite
16
128
510
TOTAL
276
399
1 076
décompte IFOP
4
Le FN s’enracine La mue du parti lepéniste se développe. Depuis 2012, le FN gagne des élus à chaque rendezvous électoral, poursuivant ainsi son processus de notabilisation. On a vu l’émergence d’un « Front municipal », on assiste aujourd’hui à la naissance d’un « Front départemental » : avec un seul conseiller général sortant, le FN compte déjà 8 conseillers départementaux élus – inédit - dès le premier tour. Surtout, le FN peut encore prétendre à la conquête de deux départements : le Vaucluse (la concurrence vient de la Ligue du Sud de Jacques Bompard) où le FN est arrivé en tête dans plus de la moitié des cantons (10 sur 17) et l’Aisne, où il se maintient dans la totalité des cantons, contrairement à la gauche (présente dans seulement 15 des 21 cantons) et à la droite (14 sur 21). Le FN, en réitérant sa performance des européennes (plus de 25%), poursuit son maillage territorial et sera présent dans 792 duels, 283 triangulaires et l’unique quadrangulaire, soit dans plus de la moitié des cantons au total. Et il est arrivé en tête dans 43 départements (cf. carte ci-contre), installant par là la France dans un système tripartite probablement durable...
Formation arrivée en tête par département PS et alliés ou DVG UMP et alliés ou DVD
FN
Élec tions dépar tementales
Les projections
60 ∕ 40
P P
P
Ain
P
UMP
Charente
Corrèze
P
Isère
P
DVD
Drôme
P
Potentiel de bascules À DROITE (UMP- UDI- DVD)
Paris ne vote pas : la ville étant à la fois une commune et un département, c’est le Conseil de Paris qui fait office de Conseil municipal et de Conseil général.
Bouchesdu-Rhône
Pyrénées Atlantiques
Guadeloupe
Vaucluse
PP
P
Gard
au FN
Jura
P
P
Allier
Saône-et-Loire
P
DeuxSèvres
P
P
UDI
Doubs
Cher
P
Harris Interactive / M6, sondage soir du vote
Indreet-Loire
DVD
PP
Duel gauche / FN : seul cas où la victoire de la gauche semble possible à 60% contre 40%, malgré de faibles reports des électeurs de droite, très partagés (56% voteraient à gauche, 44% FN).
PRG
P
Duel droite / FN : le binôme de droite recueillerait le soutien de 71% des électeurs, contre 29% pour le binôme soutenu par le parti de Marine Le Pen.
Côte d’Arrmor
P
Duel gauche-droite : 58% des suffrages exprimés pour la droite (42% pour la gauche), qui bénéficie notamment du report de 92% des électeurs FN du premier tour.
PS
Seineet-Marne Essonne
P
Triangulaire : la droite arriverait en tête avec (41%) devant la gauche (37%) et le Front National (22%).
P
P
Eure
P
P
Oise
PC
Nord
Aisne
SeineMaritime
P
Intentions de vote second tour
P
départements sortants
Pas-deCalais
Guyane
Martinique
La Réunion
Mayotte
La métropole de Lyon ne vote pas, exerçant les compétences départementales depuis janvier 2015. Le reste du département du Rhône élira 23 conseillers départementaux. La Martinique et la Guyane ne votent pas, en raison de la mise en place des collectivités uniques en décembre 2015.
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Tour d’horizon des personnalités (ré)Élus Eric Ciotti, président UMP du Conseil général des Alpes-Maritimes Élu dès le premier tour dans son canton de « Tourette-Levans » avec 51,63% des voix. Il devance le binôme du FN (29,45%) tandis que la gauche est très faible : 10,84% pour l’union de la gauche et 8,09% pour le Front de Gauche. Patrick Devedjian, président UMP du Conseil général des Hauts-de-Seine Élu dès le premier tour dans son canton d’Anthony avec 51,03 des voix. Contrairement à la droite qui se présentait unie derrière un seul binôme, la gauche partait très divisée (4 binômes) : union de la gauche (deuxième avec 19,18% des voix), divers gauche (7,67%), écologistes (5,95%) et Front de gauche (5,67%). Le FN est à plus de 10%.
Joris Hébrard, (maire FN invalidé du Pontet) Du jamais vu : l’élection de conseillers généraux FN dès le premier tour. Aux municipales de mars 2014, l’élection de Joris Hébrard avait été invalidée à cause d’irrégularités. Pour sa première candidature à une élection, il avait créé la surprise en enlevant la mairie avec seulement 7 voix d’avance au second tour devant l’UMP Claude Toutain (en triangulaire avec un candidat divers droite).
Les 294 élus du premier tour par étiquette 38
UMP 10
UDI
116
Union de la droite 56
Divers droite PS
Henri Emmanuelli, président PS du Conseil général des Landes depuis 1982 Réélu avec 50,77% des voix dans son canton de « Coteau de Chalosse », il bat le binôme d’union de la droite (25,24%) et du FN (16,57%).
24
Union de la gauche PRG PCF Front de gauche
14 2
220 élus de droite
4
soit 110 binômes
2
Divers gauche FN Divers
6
Dimanche dernier, avec 53,7% des voix, il a largement devancé le binôme UMP (24,79%) et celui de la gauche (21, 52%). De bon augure pour le candidat frontiste qui compte bien récupérer son éphémère fauteuil de maire le 27 mai prochain, lors de la nouvelle élection municipale.
18 8 6
64 élus de gauche 8 élus du FN
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Focus sur 6 Départements AUBE, la gauche en voie de disparition
En ballotage Dominique Bussereau, président UMP du Conseil général de la Charente-Maritime depuis 2008 L’ancien ministre des transports de Nicolas Sarkozy est en ballotage très favorable après ses 47,5% au premier tour dans son canton de Royan. Il affrontera dimanche prochain le FN (27,7%) alors que les binômes de gauche ne se sont pas qualifiés (18,5% pour les socialistes, 6,35% pour les communistes). Hervé Gaymard, président UMP de Conseil général de la Savoie depuis 2011 Malgré ses plus de 55% au premier tour dans son canton d’Albertville, l’ancien ministre de l’Economie devra participer au second tour, n’ayant pas réuni les 25% des inscrits nécessaires pour être dispensé de second tour. Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports Ancien président du Conseil général du Nord, le seul ministre de plein exercice à se présenter aux départementales est arrivé en tête dans son canton de Lille 5 avec 37,6% des voix. Il devrait l’emporter au second tour où il affrontera en duel le binôme UMP-UDI (23,39%) tandis que le FN (19,78%) a été éliminé.
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André Vallini, secrétaire d’Etat chargé de la réforme territoriale Avec 40,9% des voix au premier tour, André Vallini devrait l’emporter au second tour dans une configuration de duel face au FN (24,6%), le binôme UMP (23,5%) ayant été éliminé, d’autant qu’il pourra compter sur les 11% recueillis au premier tour par un binôme divers gauche. Maigre consolation toutefois pour la gauche qui, éliminée dans 11 des 28 cantons de l’Isère, devrait perdre ce département qu’elle dirige depuis 2001. Ségolène Neuville, Secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion Dans les Pyrénées-Orientales, Ségolène Neuville se retrouve en triangulaire face à la droite (23,62%) et le FN (23,3%) sortis au coude-à-coude du premier tour. Elle devrait l’emporter grâce à son avance du premier tour ayant recueilli près de 38% des suffrages et des reports des voix des deux autres binômes de la gauche non qualifiés (8,2% et 7%). Christine Boutin Dans les Yvelines, à Rambouillet, l’ancienne ministre du Logement devrait décrocher son sixième mandat. Arrivée en tête (29,43%), elle affrontera le FN (25,21%) au second tour alors que la gauche, divisée en 3 binômes n’est pas parvenue à se qualifier.
La gauche ne parvient à se qualifier que dans 1 des 17 cantons, où elle affrontera le FN. Le FN sera présent dans les 14 duels de second tour, 3 binômes de droite sont passés dès le premier tour. Aisne, fort espoir du fn Plus fort score du FN aux européennes (40%) et 2e après le Var aux départementales (38,7%). Le FN est arrivé en tête dans 16 des 21 cantons, a obtenu un élu au premier tour et sera présent dans les 20 seconds tours (dont 7 triangulaires). corrèze, vers une bascule symbolique ? Aucun candidat FN au second tour. 4 cantons à droite dès le premier tour, la droite en tête dans tous les autres sauf… dans celui de Tulle où le maire rate l’élection au premier tour de moins de 10 voix. Essonne, duel serré : La gauche est éliminée dans 4 cantons (sur 21), la droite est arrivée en tête dans 9 et le FN se maintient dans 8 cantons : trois fois en duel face à la gauche, trois fois face à la droite et deux fois en triangulaire. Nord, le ps a déjà perdu Département le plus peuplé de France et dirigé par le PS depuis 17 ans, a déjà basculé : la gauche est éliminée dans 27 cantons et donc qualifiée dans seulement un tiers des cantons (14 sur 41). Vaucluse, espoir du fn 3e département français où l’on a plus voté FN (à 37,4%), le FN compte déjà un élu dès le premier tour. Il sera présent dans 15 des 16 cantons restants (après son retrait à Bollène au profit de Marie-Claude Bompard) : 6 fois en triangulaire et 9 fois en duel (5 face à la gauche, 3 face à la droite, 1 face à la Ligue du Sud).
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