• P 402014 • Trimestriel • Supplément au no 2013-4 • Bureau de dépôt : Namur 1 • Ed. resp. : Pierre Hupez, s.j., Rue Fauchille, 6, 1150 Bruxelles •
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Echos
de la Compagnie de Jésus Province Belge Méridionale et Luxembourg
Hommage aux Jésuites décédés (2012–2013)
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Nous avec eux eux avec nous • DE LA FÊTE DE MARIE MÈRE DE DIEU 2012 À LA TOUSSAINT 2013 •
P. Georges Bédoret 16 mai 1917 – 24 janvier 2012
p. 2
P. Pierre Defoux 16 mars 1924 – 3 février 2013
p. 26
P. Xavier Breuls de Tiecken 23 avril 1922 – 23 février 2012
p. 3
P. Georges Krug 26 juin 1922 – 2 avril 2013
p. 30
P. Jean Lecuit 7 juin 1931 – 7 avril 2012
p. 6
P. Marcel Gérard 21 janvier 1922 – 8 juillet 2013
p. 32
P. André Delhaze 30 mars 1920 – 15 mai 2012
p. 10
P. Jean Legros 2 mars 1927 – 27 août 2013
p. 34
P. Guy De Grox 23 janvier 1936 – 1er octobre 2012
p. 11
P. André Roberti de Winghe 10 juillet 1925 – 20 septembre 2013
p. 37
P. Paul Lebeau 16 décembre 1925 – 13 novembre 2012
p. 14
Fr. Jean-Pierre Scailquin 18 février 1942 – 9 décembre 2012
p. 18
P. Jean Mottet 24 avril 1933 – 25 décembre 2012
p. 21
P. Paul Smolders 29 septembre 1938 – 24 janvier 2013
p. 24
Du 1er janvier 2012, fête titulaire de la Compagnie de Jésus, à la Toussaint 2013 Un hommage à nos frères jésuites décédés Maintenant, ô Maître Souverain, tu peux laisser ton serviteur s’en aller en paix selon ta parole. Car mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples : Lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à ton peuple Israël. Gloire au Père, et au Fils et au Saint-Esprit, pour les siècles des siècles. Amen. Cantique de Syméon, Luc 2, 29-32
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Nous avec eux
P. Georges Bédoret Né le 16 mai 1917 à Clermont-Walcourt, décédé le 24 janvier 2012 à Woluwe-SaintPierre, il est entré dans la Compagnie le 23 septembre 1934 et a été ordonné prêtre le 2 février 1952.
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é à Clermont (Walcourt) en pleine guerre, mai 1917, dans une famille qui sera nombreuse, Georges entre jeune au noviciat en septembre 1934. Après la formation habituelle, on le trouve surveillant éducateur à Godinne, puis à Mons, en pleine guerre encore. Il fait sa théologie à Leuven et est ordonné prêtre en août 1947 ; vient alors le temps du troisième an à La Pairelle. Le voici d’abord à Arlon, comme ministre et avec la charge de l’église, puis à Liège, SaintServais avec les mêmes tâches. En 1955-1956, il est envoyé à Bujumbura comme ministre, pour aider aux constructions en cours. Il est rappelé au collège Saint-Michel à Bruxelles, comme Recteur (1956-1959), avant d’aller en France pendant de longues et belles années (trente-quatre ans), comme « ouvrier apostolique » et animateur de retraites (Exercices spirituels) : d’abord à Gap, à Marseille, à Aixen-Provence, puis séjour heureux à Marseille (1968-1987), enfin à Montpellier. Il revient en Belgique à Charleroi, au service de l’église du Sacré-Cœur ; mais à l’âge de 90 ans, sa santé le conduit à La Colombière (Bruxelles), mai 2007, où il vivra paisiblement ses dernières années, fidèle aux eucharisties quotidiennes, tant qu’il l’a pu. Ses yeux et ses
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oreilles le lâchaient peu à peu ; sa fin fut rapide et calme — nous en avons été surpris. Homme dévoué et souriant, soigneux dans tout ce qu’il faisait, il était un guide spirituel de bon conseil, très accueillant pour ses visiteurs, ce qu’attestent tant de personnes reconnaissantes. Pierre Mourlon Beernaert, s.j.
Texte que le P. Bédoret aimait prier souvent Job prit la parole et dit : « Je sais, moi, que mon libérateur est vivant, Et qu’à la fin, il se dressera sur la poussière des morts. Avec mon corps, je me tiendrai debout, Et de mes yeux de chair, je verrai Dieu : Moi-même, je le verrai ! »
Eux avec nous
P. Xavier Breuls de Tiecken Né le 23 avril 1922 à Roclenge-sur-Geer, décédé le 23 février 2012 à Woluwe-SaintPierre, il est entré dans la Compagnie le 7 septembre 1941 et a été ordonné prêtre le 15 août 1953.
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es deux frères et les deux sœurs de Xavier lui donneront de nombreux neveux et nièces, qui lui voueront une grande affection. Il fait les humanités gréco-latines au collège jésuite de Tournai. En mars 1939, la Revue Missionnaire (jésuite) publie un petit rapport du cercle missionnaire, signé Xavier Breuls, 3e latine. On y lit déjà toute l’ardeur d’apôtre, qui l’a animé jusqu’à son dernier souffle ! « Le cercle, écrit-il, est en correspondance régulière avec deux missionnaires, le P. Peeters, de Kinzambi, et le P. [Robert] Delhaze, de Djuma. » Se doutait-il alors qu’il les rencontrerait quelques années plus tard, dans leur champ missionnaire ? En septembre 1941, il entre au noviciat d’Arlon, dont les bâtiments seront réquisitionnés quelques mois plus tard par l’armée allemande, et qui trouvera alors refuge dans un couvent de religieuses non loin de là, à Guirsch. Nous sommes en effet en pleine deuxième guerre mondiale, et le déroulement des premières années de formation de tous les jeuners jésuites s’en trouvera encore plus d’une fois perturbé. Après les études classiques au juvénat de Wépion (1943-1945) et la philosophie à Godinne (1945-1947), Xavier fait la régence comme surveillant, d’abord dans son ancien
collège de Tournai (1947-1949), ensuite au collège Saint-Michel à Bruxelles. Pour la théologie il est à Eegenhoven, où il est ordonné en août 1953. En 1954, il termine sa formation par le 3e An à Wépion. Le voilà prêt pour la mission qu’il a demandée dès son entrée au noviciat. Arrivé au Congo en 1955, il commence par quelques années dans l’enseignement. A Kikwit-cité, il est professeur de religion et de français à l’école professionnelle (l’EPTOK, le futur ITPK), aumônier des scouts et des xavéris, père spirituel des élèves et confesseur à l’école et à la cathédrale. (C’est à Kikwit que
« Annoncer l’Évangile n’est pas un motif d’orgueil ; c’est une nécessité qui s’impose à moi ! Malheur à moi si je n’annonce pas l’Évangile ! Quel est donc mon salaire ? C’est d’offrir gratuitement l’Évangile que j’annonce, sans user des droits que cet Évangile me confère. Libre à l’égard de tous, je me suis fait l’esclave de tous, pour en gagner le plus grand nombre… » 1 Co 9, 16ss
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Nous avec eux des élèves lui auraient donné le nom de François Xavier, par dévotion au grand saint missionnaire jésuite). Et, bien sûr, il profite de ses loisirs pour apprendre la langue et s’initier aux us et coutumes du pays. Car ce dont il rêve, c’est d’une activité pastorale, à l’image de Jésus parcourant les routes de la Palestine en annonçant le Royaume de Dieu, soit ici, une vie de broussard. En 1961, il voit son rêve se réaliser : il est nommé vicaire itinérant, et le restera pendant plus de vingt-cinq ans, autrement dit, jusqu’au jour où, malgré son ardeur apostolique et sa ténacité, le bon « frère âne » commencera à traîner la patte et déclarera forfait. On le trouvera successivement à Yasa, où il est aussi accompagnateur des Xavéris (1961-1965), à Kikwit Sacré-Cœur, où il est également accompagnateur spirituel à la pédagogie des Frères Joséphites (1965-1967), puis rédacteur de la feuille de liaison du diocèse « Lukwikilu lweto » (1967-1968), à la paroisse Sainte-Marie de Kikwit, où il doit remplacer comme vicaire et professeur de religion le P. Léo Duvieusart, parti au 3e An (1968-1969), à Kingungi, où il est aussi professeur à l’école normale (19691971), Yasa (1971-1974), Tumikia (1974-1976), Kisanji (1976-1981), Lumbi (1981-1983), Lusanga (1983-1986) et Sia (1986-1987). A partir de 1987, il doit se résoudre à un mode de vie plus sédentaire. Il est d’abord vicaire résidant et aumônier de l’hôpital à Djuma (1987-1988), puis à Mosango (1988-1989), avant de devenir aumônier de l’hôpital de Bonga-Yasa avec les cours de religion à l’I.T.M. (1989-1992). En 1992, il rejoint la communauté « Souhait pour tous les Congolais, tous les confrères et tout le monde : “E Jesu, kitula mono bonso nge !” Jésus, rends-moi semblable à Toi ! »
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de la résidence Nzo Ngemba comme aumônier de l’Hôpital Général de Kikwit (19921999). Il est donc à Kikwit quand s’y déclare, en avril 1995, la terrible épidémie de type Ebola, qui en quelques semaines fait plus de cent victimes, parmi lesquelles un médecin, six religieuses (dont toute la communauté des Sœurs des Pauvres de Bergame) et seize infirmiers et infirmières. En aumônier consciencieux et dévoué, le P. Xavier, avec les précautions utiles, continue courageusement son ministère d’accompagnement des malades. En 1999, il va renforcer l’équipe pastorale de la lointaine paroisse de Sia, dont il devient, en 2002, ministre et économe. En 2003, la paroisse est cédée au clergé diocésain et il retourne à la Nzo Ngemba. Il a alors 81 ans et le travail pastoral, surtout les longues années d’itinérance, les nombreux déplacements, l’ont usé. Depuis 1961, il a changé quinze fois d’affectation ! Modèle de mobilité, de disponibilité ! Quelle faculté d’adaptation aussi à tant de populations, différentes par la langue et les coutumes ! « C’est le propre de notre vocation d’aller d’un endroit à un autre et de vivre en quelque lieu où pourront être plus grands le service de Dieu et le salut des âmes. » Pour le P. Xavier, ces lignes du Sommaire des Constitutions, vécues dans l’obéissance, n’ont certes pas été lettre morte ! De retour à Kikwit, il reçoit une tâche moins rude. En plus de ‘ministères divers », il est bibliothécaire et responsable de la salle Loyola, où les étudiants et étudiantes de l’Institut supérieur pédagogique viennent travailler, avec la possibilité de consulter les livres de la bibliothèque. Il devient leur « conseiller culturel », et profite de ses loisirs pour composer, en collaboration avec Adelbert Kola, la brochure Vers le mieux-être. Réflexion sur la politique, où il montre comment compétence, conscience professionnelle et sens des res-
Eux avec nous ponsabilités doivent être les maîtres-mots en vue d’un vrai progrès humain. (1re impression en 2004, 6e mille en 2008 !). Mais avec les années ses forces déclinent, il souffre d’insuffisances cardiaque et respiratoire, et le 13 janvier 2009, il rentre définitivement en Belgique. Accueilli à la communauté Saint-Claude La Colombière, il est soigné à l’hôpital Saint-Luc, et peut, après quelques semaines, rejoindre la communauté
de Godinne. Quand celle-ci est fermée (2011), il retourne à La Colombière. Toujours ferme et bien droit, il garde son enthousiasme et ses paroles encourageantes pour tous ceux qu’il rencontre, jusqu’au jour où ses forces l’abandonnent, et où il s’abandonne pleinement luimême entre les mains de Celui qu’il a servi jusqu’au bout. Jan Evers, s.j.
« La politique, c’est l’art de conduire un peuple vers le mieux-être. » « Ce qui se passera de l’autre côté, quand tout pour moi aura basculé dans l’éternité… je ne le sais pas ! Je crois, je crois seulement qu’un grand amour m’attend. »
Paul VI
Saint Jean de la Croix (1542-1591) « Le plus grand acte de charité que puisse faire un chrétien (et un non-chrétien), c’est de faire de la politique. » Paul VI
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Nous avec eux
P. Jean Lecuit Né le 7 juin 1931 à Charleroi, décédé le 7 avril 2012 à Bruxelles, il est entré dans la Compagnie le 14 septembre 1949 et a été ordonné prêtre le 6 août 1964.
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é à Charleroi aîné de cinq enfants, Jean était très attaché aux siens. La guerre marquera sa jeunesse. Il entre au noviciat d’Arlon en 1949. Après sa philosophie à Eegenhoven, il se spécialise en mathématiques et en physique à Leuven. Il fait sa théologie pendant le concile et est ordonné prêtre en même temps que son frère Pierre (1964). Sa mobilité le mène d’abord à Liège comme professeur au collège. Dès son « troisième an » en 1967, l’Italie le séduit. Il y gardera des amitiés fidèles jusqu’à son dernier jour. De 1971 à 1974, son travail en milieu populaire à Florence le convainc que tous doivent pouvoir s’exprimer. De retour à Liège, il devient en 1977 collaborateur « volontaire » d’ATD Quart-Monde. Cet engagement le conduit notamment à Jemappes (Mons), Bruxelles, et Méry-sur-Oise (1992-1999). Un temps adjoint du P. Provincial (1999-2003), il poursuit son activité avec ATD : contacts personnels, écrits, recherches sur la vie du P. Joseph Wresinski. Jean soutient aussi, à partir de 2006, les Italiens du Foyer catholique européen à Bru xelles. À la maison Pierre Favre ces dix dernières années, il demeurait actif, présent à la vie communautaire, accueillant, disponible aux accompagnements, attentif aux petits, curieux de tout — réétudiant l’hébreu biblique ! —, attaché au cœur de l’Évangile.
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Hospitalisé d’urgence, bien entouré et lucide sur son état, Jean part, le Samedi saint, vers sa Pâque éternelle. « La vita è bella ! », confiait-il encore quelques jours plus tôt.
Homélie pour la messe de funérailles L’octave de Pâques transfigure nos peines dans la clarté de la résurrection, les premiers rayons d’un soleil levant qui ne connaît plus de déclin. Jean, dans sa montée, rude et inattendue, vers sa dernière Pâque, a accompagné le Christ au fil de la Semaine sainte. Plus encore, il s’est laissé accompagner par son Seigneur, conduire à traverser la mort avec Lui. Jean a reçu, vécu lucidement le sacrement des malades dans l’après-midi du dimanche des Rameaux. Il a continué, les jours suivants, comme en accomplissement de toute sa vie, à habiter les traces de Celui qui l’avait appelé à le suivre au plus près. Il a pu affronter l’inattendu dans sa présence, en logeant sa peine dans celle de Jésus aimant jusqu’à l’extrême. En se laissant porter par son amour, qui s’est fait solidaire de nos détresses et de nos dépouillements ultimes, pour nous rendre à notre tour proches de nos frères et sœurs éprouvés. Le psaume du bon berger nous a redit l’abandon qu’il faut
Eux avec nous consentir, la confiance qui, tout en affrontant la maladie, s’en remet à Dieu : « Passerais-je un ravin de ténèbres, je ne crains aucun mal. Près de moi, ton bâton, ta houlette sont là qui me consolent. » La maman de Jean s’en était allée un Vendredi saint. « Femme, voici ton fils », lui aura dit le Seigneur en accueillant son enfant dans l’après-midi du samedi, du repos sabbatique. C’était quelques instants seulement avant que la maman de Jean Tonglet, un de ses grands amis de longue date, engagé avec lui dans ATD, ne parte elle aussi vers Dieu. Reconnaissons les signes que Dieu nous donne. Ils scellent les liens humains et spirituels les plus profonds entre les personnes, ces relations que Dieu seul, secrètement souvent, peut soutenir et nourrir en vérité. La première lecture, de saint Paul, vient de nous rappeler la promesse de vie qui s’offre pour chacun de nous dans le Christ à jamais vivant. Sa résurrection n’efface pas, mais transfigure les heures douloureuses qui le conduisent dans sa gloire pour qu’il nous la partage : « Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? », dira le Ressuscité aux disciples d’Emmaüs, en les aidant à surmonter leur tristesse pour entrer dans sa joie. L’accès à la vie plénière passe par l’abandon de la Passion, le silence effacé du Samedi saint. Jean s’en est allé dans cet intervalle de retrait discret. Il s’est comme retiré doucement, au seuil de la veillée pascale, pour entrer dans cette veille, dans cette attente de l’aube où le joyeux message de l’Ange rejoint non point les disciples d’abord, mais les femmes attentionnées. Des femmes venues là aux premières lueurs, comme porteuses de l’affection des plus humbles, des plus petits, pour recevoir, avec eux les premiers, la consolation offerte. Dans une belle page de son livre Jésus misérable (p. 69), Jean médite le mystère du Sa-
medi saint, du Christ descendu aux enfers, comme dit le Symbole des Apôtres. Il écrit à ce propos : « Cette descente aux enfers n’exprime-t-elle pas la Communion du Christ avec les hommes jusque dans ce qui est la conséquence de leur péché sans qu’il ait péché lui-même ? » Il cite alors le P. Joseph, qui s’exprime ainsi : « Quand maintenant un homme ou une femme me dit : “Chez nous, c’est l’enfer”, quand je vois une famille vivre une situation infernale, pour le moins ai-je la certitude que le Christ est revenu de l’enfer et que la solution existe. […] Et je crois comprendre qu’en descendant dans les ténèbres, Jésus acheva sa mission en sauvant aussi les nantis, les oppresseurs, ceux qui savent ou ne savent pas ce qu’ils font en torturant les malheureux. Sans cette descente dans l’innommable horreur, tous les hommes n’auraient pas été sauvés, l’amour de Dieu ne serait pas allé jusqu’au bout de l’anéantissement. » De cet anéantissement, Dieu le Père relève son Fils, non pas isolément, mais comme premier-né d’entre les morts. Il nous relève en Lui. La vie qui nous est promise au-delà de nos jours terrestres n’est pas une éternité anonyme. C’est vivre d’une présence ; celle de Dieu même, dans l’épanouissement de notre relation avec son Fils. Paul y insiste : « Ceux qui se sont endormis, dit-il, Dieu, à cause de Jésus, les emmènera avec son Fils. Ainsi, nous serons pour toujours avec le Seigneur. » « Être avec », en plénitude : « Aujourd’hui, tu seras avec moi dans le paradis. » Être avec : telle fut l’orientation foncière de la vie de Jean. Il aimait beaucoup l’évangile de saint Marc, dont il faisait, dernièrement encore, une lectio divina qu’il partageait à des amis. Or, saint Marc précise bien que Jésus choisit les Douze d’abord « afin qu’ils soient avec lui » (Mc 3, 14). Au sein de son « être avec » le Christ, Jean a voulu « être avec » toute
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Nous avec eux personne, à commencer par les plus pauvres, dans la joie comme dans la peine. Non pas avant tout faire des choses pour les autres, mais d’abord vivre une qualité de présence, une proximité fraternelle dans laquelle le service trouve alors la justesse d’un amour respectueux. Les derniers jours de Jean lui ont rendu en affection cette qualité d’« être avec », à travers tant de marques d’amitié et de présence, y compris de tous ceux et celles qui ne pouvaient se rendre à son chevet. « Être avec ». Être là, simplement, pour accompagner, en ses derniers jours, celui qui a accompagné tant de personnes diverses dans leurs épreuves. C’est ainsi qu’on entre dans la communion authentique. Aussi Paul peut-il dire en vérité : « Retenez ce que je viens de dire, et réconfortezvous les uns les autres. » L’évangile nous fait entendre l’exultation de Jésus. En présence de ses disciples, il s’exclame : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange. » Jésus s’adresse à son P. comme créateur et maître des merveilles de l’univers. Comme source de la beauté dont l’œil, l’intelligence et le cœur de Jean n’ont cessé de s’émerveiller. Toutefois, le motif de la louange est plus profond encore : « Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. » Jésus reconnaît ici la prévenance de l’amour : « Oui, Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bonté. » Non que le Seigneur préconise l’ignorance. Loin de là. Il avait donné à Jean beaucoup de sagesse. Et Jean était savant en bien des choses, curieux de tout, en de multiples domaines, capable de dialoguer avec des interlocuteurs variés en les suivant sur le terrain de leurs centres d’intérêt et de leurs compétences, qu’il s’agisse de politique, de sciences, d’art ou de théologie biblique. Mais sa sagesse et son savoir, Jean, loin d’en retirer de la suffisance, n’avait qu’un désir :
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les partager et, plus encore, d’abord les laisser s’enrichir de la sagesse et du savoir des plus pauvres, experts en humanité, susceptibles de s’ouvrir à la révélation de celui qui a rejoint notre condition pour nous ouvrir à la dimension divine semée en nous, et qu’il vient faire éclore dans les cœurs qui ont la simplicité de s’y ouvrir. « Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. » L’objet de cette révélation, c’est la paternité de Dieu. Seul le Fils unique de Dieu en mesure la bonté. C’est pourquoi lui seul peut aussi nous la révéler. Non pas comme un savoir déversé de l’extérieur, mais comme le partage d’une expérience, qui ne transfigure la nôtre qu’en venant l’habiter au plus intime et au plus bas. En se faisant pauvre parmi les pauvres. Il y a quelques jours, dans la chambre de Jean à la maison Pierre Favre, j’ai trouvé sur son bureau, près du crucifix de ses vœux, bien lisible de l’endroit où Jean se tenait assis, un petit papier manuscrit. Quand je l’ai montré à André Modave, il a reconnu sans hésiter l’écriture du P. Joseph. Il y est écrit simplement — mais quel programme de vie ! — : « La charité, c’est devenir pauvre pour avoir une voix de pauvre, non une voix de riche qui parle pour les pauvres. » Saint Paul nous indique la source d’une telle attitude : c’est l’amour des pauvres que le Christ nous manifeste à tous. Paul dit aux Corinthiens : « Vous connaissez la générosité de Notre Seigneur Jésus Christ qui, pour vous, de riche qu’il était, s’est fait pauvre, pour vous enrichir de sa pauvreté » (2 Co 8, 9). Oui, Père, Seigneur du ciel et de la terre, nous proclamons ta louange. Avec tous les hommes et les femmes que Jean a rencontrés. Avec sa famille, ses amis si divers, ses compagnons jésuites. Nous te rendons grâce avec lui-même, notre frère Jean, notre père Jean,
Eux avec nous qui te rejoint dans la lumière pascale. Avec le P. Joseph Wresinski. Avec saint Ignace et le bienheureux Pierre Favre. Avec ton Fils Jésus Christ, mort et ressuscité pour lui. Pour chacun de nous. Jésus qui nous dit, comme Jean
« Frères, Jésus, nous le croyons, est mort et ressuscité ; de même, nous le croyons, ceux qui se sont endormis, Dieu, à cause de Jésus, les emmènera avec son Fils. Ainsi, nous serons pour toujours avec le Seigneur. » Première Lettre de saint Paul aux Thessaloniciens 4, 13sv.
« En ce temps-là, Jésus prit la parole : Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. Oui, Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bonté… » Évangile selon saint Matthieu 11, 25-26
« La charité, c’est devenir pauvre pour avoir une voix de pauvre, non une voix de riche qui parle pour les pauvres. »
nous l’a soufflé sur son lit d’hôpital : « Vi voglio bene a tutti », « Je vous aime tous. » Philippe Wargnies, s.j.
« La divine douceur sauve tout, elle veut tout sauver. Elle ne désespère jamais de personne (…). Elle est présence, elle est hospitalité. Elle est parole échangée. Elle est compassion. » Maurice Bellet, L’Épreuve
« Nul n’est prêtre sans une sorte d’attachement viscéral à Jésus Christ. À lui, non pas comme un symbole, mais comme une réalité vivante de ce que le monde vit et que les plus pauvres autour de nous expriment et espèrent. » P. Joseph Wresinski, cité par Jean dans son livre Jésus misérable
Mot manuscrit du P. Joseph, sur le bureau de Jean
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Nous avec eux
P. André Delhaze Né à Dorinne-Yvoir le 30 mars 1920, décédé le 15 mai 2012 à Woluwe-Saint-Pierre, il est entré dans la Compagnie le 23 septembre 1938 et a été ordonné prêtre le 24 août 1951.
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’une famille de cinq garçons (il était le dernier en vie), André est entré au noviciat d’Arlon en septembre 1938. Après la formation habituelle, il fait deux années de régence en Belgique, puis deux années en Afrique Centrale (Totshi, 1946-1948). Sa théologie faite à Leuven, il est ordonné prêtre en août 1951. Sa vie missionnaire, André la vivra toujours au diocèse de Kikwit, dans diverses localités le long du Kwilu. On le trouve une année à Kinzambi ; après son 3e an comme adjoint du P. Maître (Arlon, 1953-1954), il retourne en Afrique où son cœur est attaché. Il est d’abord à Pindi, au nord de Kikwit (1954-1960), comme missionnaire itinérant. Après une année à Djuma, il fait partie de la communauté de Sia, au nord du diocèse, toujours comme itinérant ; il prend en charge les Ligues du Sacré-Cœur (1962-1976), et est enfin directeur de l’école primaire de Sia. De 1946 à 1976, cela fait donc trente ans de dévouement pour l’Église d’Afrique, sans jamais ménager ses forces. Revenu en Belgique, il a vécu quelques années à Erpent (1976-1981) comme professeur de religion, puis à Liège comme ministre et vicaire à Saint-Christophe, avec la charge de l’hôpital psychiatrique de Volière. Il souffre de plus en plus des yeux, mais accepte la tâche de curé à Fraipont et Nessonvaux (1989-1997), où il donne ses dernières forces. Puis il arrive à La Colombière, où il vivra ses quinze der-
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nières années, en priant pour le monde, l’É glise et la Compagnie. Nous avions fêté en communauté ses 92 ans (en mars) et, pendant la Semaine sainte, il avait reçu l’onction des malades, au milieu d’une dizaine de confrères. Parvenu au terme d’une longue vie donnée, le cher et discret P. André s’est éteint paisiblement, près de huit ans après son frère, le P. Robert, décédé lui aussi à La Colombière (octobre 2004). Souffrant beaucoup des yeux depuis longtemps, le P. André était devenu presque aveugle ; il venait à l’eucharistie et aux repas en chaise roulante, et ses oreilles avaient bien baissé. Auprès du Seigneur ressuscité, il va retrouver un « corps spirituel ». Il a fini de cheminer dans la foi, sans voir, et il peut entendre : « Bon et fidèle serviteur, entre dans la joie de ton Maître » ! Sa chambre était encore remplie de dossiers liturgiques ; une farde gardait les lettres de son frère Robert. Il y avait aussi différentes cassettes, et des photos en grand nombre, dont une grande photo d’un pèlerinage à Lourdes en 2005 (Ordre de Malte). Son gros bérêt noir était là, car il avait peur du froid en hiver ! Deux pipes cassées enfin… et tout un dossier de contacts avec l’ONA (Œuvre nationale des aveugles) pour échanger des cassettes de livres enregistrés. Adieu, P. André ! Pierre Mourlon Beernaert, s.j.
Eux avec nous
P. Guy De Grox Né à Frameries le 23 janvier 1936, décédé le 1er octobre 2012 à Anderlecht, il est entré dans la Compagnie le 14 septembre 1955 et a été ordonné prêtre le 28 juin 1969.
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e 1er octobre 2012, au cours de l’eucharistie célébrée en la fête de sainte érèse de l’Enfant Jésus, dans l’église de sa paroisse Saint-François-Xavier, Guy s’écroule. Il ne reprendra pas connaissance. Les paroissiens de Cureghem (Anderlecht) sont sous le choc : le P. Guy fait maintenant partie de la chorale céleste… Commençons par un témoignage de sa famille : « Enfant, il aimait la musique… déjà ! et Luc Varenne, qu’il imitait avec brio. Son désir d’entrer dans la Compagnie n’étonna personne : plusieurs grands oncles, oncles et cousins s’étaient consacrés à la prêtrise. Il n’oubliait pas les fêtes, anniversaires, moments joyeux ou douloureux : une carte un coup de fil, un mot plus personnel et réconfortant, tout cela nous faisait chaud au cœur. Et les réunions de famille ! Nous y tenions tous. Elles commençaient par la messe qu’il célébrait. Que de souvenirs échangés (nos parents sont morts relativement jeunes). Sur certains sujets sensibles, Guy avait un avis tranché, et cela provoquait des discussions animées, sérieuses, enrichissantes. Il aurait aimé notre nouveau Pape François : un jésuite, ouvert à tous. Guy nous manque beaucoup. » Après son noviciat à Arlon, Guy se voit déjà destiné à l’enseignement dans nos collèges. Ses deux ans de juvénat à Wépion sont consacrés à l’étude de la philologie et de la littérature. Après sa philosophie à Eegenhoven il acquiert
la licence en philologie romane à l’UCL. Nous sommes en 1964, peu avant le « Walen buiten ». Il est envoyé au Collège du Sacré-Cœur à Charleroi pour enseigner en 3e latine (c’est avant le rénové) et assurer le chant liturgique (selon l’esprit du tout récent concile Vatican II) à l’église et au collège. En septembre 1966, Guy commence sa théologie. Celle-ci terminée, le voilà à Charleroi de nouveau, mais cette fois pour vingtsept ans d’affilée. Mais ce ne seront pas des années tranquilles… en moins de dix ans le collège connaîtra une complète mutation. Le comité d’expropriation de l’Etat, en vue de l’élargissement de la rue du Pont-Neuf, oblige le collège à se reconstruire ou à déménager. Fautil rester au centre ville ou s’implanter en périphérie ? Comment rendre les bâtiments conformes aux futures normes du rénové et de la mixité ? Guy participe activement aux discussions de la communauté et de l’équipe éducative du collège. En 1972, la communauté ouvre une maison dépendante au 57 boulevard Janson : pendant douze ans elle abritera des enseignants dont Guy. Ce sera pour lui un engagement pour plus de simplicité dans la vie commune. C’est ce qui l’a rendu heureux à Cureghem, après son long séjour à Charleroi. Guy n’oubliera jamais la journée du 2 février 1974. Elèves et professeurs reçoivent l’ordre de sortir deux à deux avec leur banc de classe,
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Nous avec eux de traverser le parc jusqu’au boulevard Mayence où une petite porte donne accès aux locaux mis à la disposition du collège par la Défense nationale pour la durée des travaux. On y restera plus de trois ans jusqu’au jour du grand retour vers le nouveau collège, le 12 mai 1977. L’inauguration des bâtiments tout neufs coïncidera avec la célébration du centenaire du collège. Quel symbole ! Guy fut aumônier des scouts du collège pendant tout son séjour. Il y fonda de profondes amitiés. Il ne s’est jamais habitué à la manière désinvolte de traiter les choses sérieuses. Et pour Guy tout était sérieux et méritait une sérieuse préparation. Avec les chefs il préparait avec soin le grand camp d’été qui devait comporter un aspect de vrai service des autres. Bienveillant sans limite par principe, toujours accueillant, il ponctuait tous ses contacts par ses légendaires jeux de mots. Dès 1965, jusqu’à son décès, Guy fut un accompagnateur fidèle d’une équipe de foyers de médecins (équipe Hippocrate) : il a cheminé avec ces couples (ainsi que ceux d’une Equipe Notre Dame), partageant les joies et les peines, admiré pour sa ténacité, son idéalisme et son engagement social. A 61 ans, Guy prit sa prépension de l’enseignement. Les continuels changements de programme et les évaluations de tout genre l’ont usé. Pour lui tout devait être minutieusement préparé, l’improvisation le déstabilisait. Aussi son status dans la communauté de Cureghem, qui sera dénommée plus tard « communauté Hurtado », lui était parfaitement adapté : il partageait la pauvreté effective d’un quartier et gardait un rôle non directif dans les équipes d’animation religieuse du collège Saint-Michel. Peu à peu il s’est investi dans la pastorale locale. Pendant dix ans il a assuré presque seul le chant liturgique à l’église Notre-Dame Immaculée de Cureghem.
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Ce qui est encore le plus admirable c’est qu’en acceptant de bon cœur qu’une chorale paroissiale (d’un autre style que le sien) le remplace d’abord partiellement puis progressivement chaque dimanche, il a cru que son rôle devait désormais se limiter à mêler sa voix, toujours excellente, à celles des choristes, au service de tous, sans aucune prétention de sa part. Toujours très mobile (qui de Cureghem ne l’a pas vu, de son pas rapide, avec un sac plastique, arpenter les trottoirs du quartier ?) et désireux de rendre tous les petits services possibles, il était très ému et désarmé en face de toute misère. Devant le pauvre, il ne pouvait résister et était toujours prêt à donner. Les derniers temps, tout ce qui l’entourait était bon comme cela : Guy rappelait souvent le mot du P. Alberto Hurtado : « Contento, Señor ! » Toute la paroisse et ceux qui l’ont connu ont rendu grâce au Seigneur de l’avoir repris rapidement, sans souffrance. Il était dans la paix et se laissait conduire par la Providence sur le chemin évangélique de la pauvreté, ayant abandonné au Seigneur toute exigence personnelle. Jacques Delooz, s.j.
Témoignages « Sa simplicité, ses réflexions profondes, sa passion pour l’Evangile, et son option pour les pauvres ont marqué tous ceux qui l’ont connu. » (équipe de Saint-Michel) « Sa liturgie était bien préparée, en recherche d’un chant adapté. Il a accepté sa fragilité, sans se plaindre, toujours souriant. » (un ami prêtre) « Il est passé parmi nous en faisant le bien : humour, humilité, service. » (un compagnon jésuite)
Eux avec nous « Un homme d’une grande bonté, d’un humour fin, d’humeur constante et joyeuse. Et d’une magnifique humilité. » (un directeur de collège) « Depuis 1965 Guy fut un ami fidèle qui a cheminé avec notre équipe, partageant nos hauts et nos bas, nos joies et nos peines. Nous l’admirions pour sa ténacité, son idéalisme et son engagement social. Nous sommes recon-
« Nous le savons : le corps, qui est notre demeure sur la terre, doit être détruit. Mais Dieu construit pour nous dans les cieux une demeure éternelle, qui n’est pas l’œuvre des hommes. Nous avons donc pleine confiance… » 2 Co 5, 1-6
naissants d’avoir pu bénéficier de sa présence spirituelle si bienfaisante et louons Dieu pour cela. » (une équipe « foyers de médecins ») « Par son regard et son sourire, Guy savait accrocher le contact avec ceux et celles qui vivent dans le besoin, que celui-ci soit matériel, spirituel ou affectif. » (un compagnon jésuite)
« Le Seigneur en désigna encore soixante-douze, et il les envoya deux par deux devant lui, dans toutes les villes et localités où Lui-même devait aller. Il leur dit : “La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux : Priez donc le Maître de la moisson…” » Luc 10, 1-2
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Nous avec eux
P. Paul Lebeau Né le 16 décembre 1925 à Couillet (Charleroi), décédé le 13 novembre 2012 il est entré dans la Compagnie le 9 août 1943 et a été ordonné prêtre le 23 juin 1957.
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e P. Paul Lebeau nous a quitté paisiblement en la fête de saint Stanislas Kostka. Nous perdons ainsi un théologien qui a mis en pratique les ouvertures du concile Vatican II. Issu d’une famille de magistrats de Charleroi, Paul Lebeau entre au noviciat d’Arlon au terme de ses études secondaires au collège du SacréCœur. Comme la majorité des jésuites de l’époque, il suit les cours de philologie classique, formation qui lui sera bien utile lorsqu’il abordera la théologie à Woodstock où il est ordonné prêtre et lorsqu’il entreprendra son doctorat à l’Institut catholique de Paris en patrologie. Il se consacre ensuite à l’enseignement de la théologie à Eegenhoven, puis à L’IET et à Lumen Vitae. Éminent pédagogue, il est animé par un esprit que la fidélité à la tradition n’a jamais fermé à la nouveauté. Il fut toujours marqué par une véritable jeunesse intellectuelle que les années n’ont pu entamer. Son travail de professeur comportait les prolongements habituels de ceux qui se donnent à fond dans des publications diverses. Au travers des activités pastorales qu’il a menées en même temps que l’enseignement, il a su comprendre, en particulier, la valeur du renouveau charismatique et l’aider, par ses connaissances théologiques, à évoluer et à s’adapter. Nombreux aussi sont ceux qui ont pu bénéficier de ses connaissances liturgiques. D’autres gardent en mémoire ses engagements pour l’œcuménisme et les mouve-
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ments chrétiens pour la paix. Ceci est sans doute à mettre en relation avec un esprit d’ouverture aux dimensions internationales. Tout cela mérite reconnaissance et action de grâce. Robert Huet, s.j.
Homélie pour la célébration d’à-Dieu Il peut paraître paradoxal que les lectures choisies pour cette eucharistie d’à-Dieu à notre frère Paul parlent de joie et de bonheur. « Heureux serez-vous si vous le faites », venonsnous de conclure. C’est qu’au delà et au dedans de la peine que nous éprouvons de son départ — et aussi de cette souffrance que nous éprouvions depuis quelques mois à voir son état de santé se dégrader — nous sommes surtout rassemblés dans la gratitude pour ce qu’il a été parmi nous : un homme heureux, épanoui, rayonnant de culture, d’initiative et d’entrain, un homme d’action de grâce (c’est ce que les quelques versets de l’épître aux Philippiens 4, 4-9 ont évoqué) mais aussi et surtout un vrai disciple de Jésus, qui, dans toute sa vie, tous ses ministères et toutes ses relations, n’a pas voulu autre chose qu’humblement servir tous les frères et sœurs humains que le Seigneur a mis sur sa route, comme l’évoque l’évangile
Eux avec nous du lavement des pieds (Jn 13, 1-5.12-17). L’apparence un peu solennelle de Paul, une certaine emphase dans ses propos pouvaient parfois donner le change, voire agacer ou faire sourire. Il me semble que c’était surtout le reflet d’un accomplissement, un bonheur de vivre, une juste estime de soi-même, une sorte d’humble assurance de quelqu’un qui, selon la vieille expression des comptes de conscience, était « content dans sa vocation » et dans sa vie. Paul était fier de ses origines ; il aimait rappeler qu’il était de Charleroi. Il aimait évoquer son père, magistrat, agnostique mais profondément droit et honnête et qui avait accepté avec beaucoup de respect le choix religieux de son fils. Il rappelait sa mère aussi, femme de foi profonde et les racines campagnardes qu’il avait par elle. Il aimait évoquer le parcours de sa formation dans la Compagnie, parcours assez atypique mais dont il avait tiré le plus grand fruit et qui, en fait, l’a équipé pour la grande variété d’engagements et de ministères qui furent les siens : la rencontre de circonstances favorables et d’une grande disponibilité de sa part l’avait amené à faire son juvénat à Drongen, ce qui lui permit de bien maitriser le néerlandais, et plus tard sa théologie aux USA, grâce à quoi il parlait parfaitement l’anglais. Le troisième an en Autriche, le doctorat en théologie en France complétèrent sa formation, promesse peut-être, en tout cas excellente préparation de son futur engagement européen. Paul fut un homme disponible : non seulement pour accomplir les tâches qu’on lui confia ou qu’on lui demanda d’assumer mais aussi pour prévenir les appels, pour reconnaître les signes des temps, pour s’engager avec détermination dans des voies nouvelles. Il était depuis quelques années professeur de théologie lors de la profonde réforme des
études que fut la création de l’Institut d’études théologiques ; il fut de ceux qui s’engagèrent délibérément dans ce nouveau chemin. Plus tard il fut président de l’IET, tâche qu’il assuma avec sagesse et courage ; j’ai le souvenir personnel d’une décision de programme me concernant où j’ai pu apprécier l’une et l’autre. Il fut un des premiers aussi à mettre en œuvre les nouvelles pratiques qu’autorisait la Réforme de la liturgie par le concile. Paul fut aussi très engagé dans le mouvement œcuménique, dans le renouveau charismatique, ainsi que par les rapports entre les deux : c’est sa compétence et son engagement dans ces domaines qui amenèrent la cardinal Suenens à lui demander une collaboration qui fut étroite, dura pendant des années et dont il gardait un précieux souvenir. On ne peut pas ne pas mentionner son engagement militant dans le Mouvement international de la réconciliation et le célèbre épisode qui devait lui valoir une notoriété de grand public : « Pas d’armes dans l’Église » (on ne doit pas oublier qu’effectivement cette vieille coutume contestable fut supprimée dès l’année suivante). Autre forme privilégiée à la fois d’œcuménisme et d’engagement dans la société, c’est la part importante prise par Paul dans la pastorale et la vie de la Communauté européenne, et en particulier dans la création de la chapelle de la Résurrection et toutes les activités qui se déroulent autour de celle-ci : célébrations diverses, récollections, conférences, sans oublier les années où il exerça la charge de supérieur de la Communauté européenne SaintBenoît. Tant que ses forces le lui permirent, il se rendait fidèlement chaque matin à la chapelle pour une prière dont il avait été un des initiateurs. Ce n’était encore qu’une partie des nombreuses célébrations et prédications qu’il assura pendant des années, répondant aux demandes de groupes divers : messes en an-
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Nous avec eux glais à Saint-Nicolas Bourse et pour la communauté des Philippins, célébrations de la Confrérie Saint-Yves des avocats… On lui demandait volontiers ce service, non seulement parce qu’il ne le refusait pas mais parce qu’on était sûr que par lui ce serait fait avec soin et de grande qualité. Je n’évoquerai pas tous ses écrits, livres ou articles, prolongement naturel de son enseignement et de son ministère. Mais je ne peux pas ne pas mentionner un d’entre eux, son livre sur Etty Hillesum, produit d’une rencontre spirituelle qui le marqua profondément : et c’est justice de rappeler que c’est lui qui fit connaître au public de langue française cette femme exceptionnelle. L’écho profond que celle-ci éveilla chez Paul nous aide aussi à entrer dans le secret le plus intime de sa propre vie. Toute cette activité intellectuelle et pastorale s’inscrit dans un réseau serré de relations : la famille d’abord, frères, neveux, nièces et leurs enfants dont il parlait avec tendresse, ses communautés et confrères successifs, de très nombreuses amitiés nouées au fil des temps et des rencontres avec des hommes et des femmes d’origines, nationalités, cultures et convictions diverses, chrétiens séparés et libres penseurs ; et même simplement le sourire partagé ou le grand geste de salut adressé à ceux qui le croisaient furtivement… On ne peut oublier non plus son attention pour les pauvres, et les démarches difficiles où l’entraîna parfois son bon cœur. Mais qu’il me soit permis d’évoquer d’un mot cette exceptionnelle rencontre avec la jeune femme chinoise qui vint un jour le trouver vers la fin de son mandat à l’IET et qui est devenue sa filleule : ce fut une des joies les plus profondes et durables de sa vie. « Réjouissez-vous dans le Seigneur… Que votre bienveillance soit connue de tous… Tout ce qu’il y a de vrai, de noble, de juste, d’aimable, d’honorable, tout ce qu’il peut y avoir de bon,
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dans la vertu et la louange humaine… » Ces mots de saint Paul, dans sa lettre aux Philippiens, reflètent bien la figure de notre Paul qui était si fier de porter ce nom. Un homme aimant la vie, jetant sur le monde et les personnes un regard de bienveillance, capable d’admiration, content dans sa vocation. Jusque dans les diminutions de l’âge qu’il ressentait douloureusement, il a gardé ce fond de bienveillance et sa capacité de s’émerveiller — fûtce des ébats des oiseaux, du changement des saisons… Je me permets de citer quelques mots d’une lettre reçue d’une amie qui lui a rendu visite fidèlement jusqu’à ses derniers jours : « Alors que son esprit brillant et puissant l’avait quitté, sa bonté, son sourire, son plaisir de rencontrer ses semblables et sa joie intérieure lui étaient restées chevillés à l’âme. » « Je vous ai donné l’exemple… Heureux serez-vous si vous le faites ». L’Évangile nous livre le dernier message de Jésus au moment d’entrer dans son Heure et de donner sa vie pour nous ; il nous montre le vrai sens de la vie, le cœur même de la vie chrétienne : l’amour véritable qui prend corps dans l’humble service mutuel. Il nous fait entrer plus profondément encore dans la compréhension de la vie de Paul : selon la belle expression du P. Arrupe, Paul a été fondamentalement, profondément et fidèlement, un homme pour les autres, entièrement donné à sa vocation de jésuite, à sa mission de professeur, de prédicateur, avec audace créative et fidélité persévérante. Le cœur et le foyer de cette vie donnée, il faut les chercher dans sa foi profonde, son intimité avec le Seigneur, sa confiance infinie dans le Dieu d’amour. À ce Dieu nous le confions aujourd’hui. Jean-Marie Faux s.j.
Eux avec nous
« Sachant que le Père lui avait tout remis entre les mains et qu’il était venu de Dieu et qu’il s’en allait vers Dieu, il se lève de table, dépose ses vêtements…. Vous m’appelez Maître et le Seigneur… je le suis… vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres ;… c’est un exemple que je vous ai donné : … faitesle vous aussi. En vérité, en vérité, je vous le dis, un serviteur n’est pas plus grand que son maître, ni un envoyé plus grand que celui qui l’envoie. …vous serez heureux si vous le mettez en pratique.… je connais ceux que j’ai choisis. En vérité, en vérité, je vous le dis, recevoir celui que j’enverrai, c’est me recevoir moi-même, et me recevoir c’est aussi recevoir Celui qui m’a envoyé. »
« Tout progresse selon un rythme profond, propre à chacun de nous. On devrait apprendre aux gens à écouter et à respecter ce rythme : c’est ce qu’un être humain peut apprendre de plus important en cette vie. Je ne lutte pas avec Toi, mon Dieu. Ma vie n’est qu’un long dialogue avec Toi. Le premier mot qui me vient à l’esprit, toujours le même, c’est : Dieu. Il contient tout et rend tout le reste inutile. Toute mon énergie créatrice se convertit en dialogue intérieur avec Toi. La houle de mon cœur s’est faite plus large depuis que je suis ici, plus animée et plus paisible à la fois, et j’ai le sentiment que ma richesse intérieure s’accroît sans cesse… Ma vie est une succession de miracles intérieurs. Et comme c’est bon de pouvoir encore le dire à quelqu’un. » Etty Hillesum
Evangile selon saint Jean 13, 1-20
« Cantique des degrés. De David. Éternel ! je n’ai ni un cœur qui s’enfle, ni des regards hautains ; Je ne m’occupe pas de choses trop grandes et trop relevées pour moi. Loin de là, j’ai l’âme calme et tranquille, Comme un enfant sevré qui est auprès de sa mère ; J’ai l’âme comme un enfant sevré. Israël, mets ton espoir en l’Éternel, Dès maintenant et à jamais ! » Psaume 131
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Nous avec eux
F. Jean-Pierre Scailquin Né le 18 février 1942 à Mons, décédé le 9 décembre 2012 à Etterbeek, il est entré dans la Compagnie le 13 avril 1963 et a prononcé ses derniers vœux le 5 mars 1977.
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’est au sein d’une famille nombreuse que Jean-Pierre apprit à être « frère ». Entré à 21 ans au noviciat d’Arlon, il suit une formation en éducation physique puis en catéchèse à Lumen Vitae. Son champ d’action est diversifié : l’éducation (collège de Godinne, collège Saint-Michel, Service des Equipes de moniteurs, Fédération de scouts catholiques), l’apostolat social (MRAX, communauté Avec) et l’administration (secrétaire du directeur de Saint-Michel, Unité pastorale des Côteaux, économat de la communauté SaintIgnace).
Témoignage C’est en 1979 que Jean-Pierre est venu rejoindre la communauté Avec installée depuis un an à Schaerbeek, rue des Palais. Son travail professionnel l’appelait chaque jour à SaintMichel mais cette tâche ne l’a pas empêché de s’insérer très réellement, activement et affectivement, dans sa commune. Nous vivions alors des temps agités, notamment à travers les engagements du Front antiraciste de Schaerbeek qui s’opposait à la démagogie xénophobe du bourgmestre de l’époque. Je me souviens en particulier de la grève de la faim
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entreprise par quelques militants au printemps de 1982 pour protester contre la décision prise illégalement par la commune de refuser toute nouvelle inscription d’immigrés. Jean Pierre avait pris sur lui de veiller au confort et à la santé des grévistes. C’était bien cela, Jean Pierre : un service discret, effacé mais efficace, qu’il remplissait avec fidélité, tact et bonne humeur. Il fut aussi pendant quelques années le trésorier du MRAX (Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie). Il s’engagea aussi dès le début au plan paroissial, de diverses manières, engagement qui devait prendre un tour plus déterminé encore lorsque vint l’heure de la retraite de son travail à Saint-Michel et qui motiva pour une bonne part le fait qu’il demeure à Schaerbeek après la fin de la Communauté Avec. Dans cette communauté, pendant trente ans, j’ai vécu avec Jean Pierre et j’ai pu apprécier — je dirais volontiers goûter — la qualité de sa présence et de sa participation fraternelle. Service, discrétion, chaleur, simplicité, bonne humeur teintée d’humour. Je rends grâce pour tout ce qu’il a été avec nous pendant ces années ; je prie pour toutes celles et tous ceux qu’il a rencontrés, aidés, accueillis, pour l’unité pastorale des Côteaux, pour toute
Eux avec nous la commune de Schaerbeek et ses habitants si divers. Jean-Marie Faux s.j.
Homélie des funérailles Unir et réunir, nous le savons, c’était l’art de vivre de Jean-Pierre. Comment son dernier acte terrestre ou son premier geste céleste pourrait-il être différent ? Nous voici donc réunis avec lui et par lui. Jean-Pierre, vous êtes nombreux à l’avoir bien connu. Et vous avez, dans la mémoire, des souvenirs heureux qui ne s’effaceront pas. Jean-Pierre, vous êtes quelques-uns à l’avoir côtoyé en communauté et donc en plus grande proximité. Et vous avez, dans le cœur, des sentiments qui ne s’estomperont jamais. A ces souvenirs et à ces sentiments qui vous habitent, permettez-moi de joindre mon témoignage. Celui de quelqu’un qui, dix années durant, chaque jour ouvrable de l’année, a travaillé étroitement avec Jean-Pierre. Le travail, nous l’avons tous éprouvé, nous fait passer par des moments d’expériences diverses. Souvent agréables mais, parfois rudes ou difficiles. Des moments faits parfois de dureté, de fatigues et même de peur. Et c’est dans ces circonstances-là que Jean-Pierre donnait sa pleine mesure. Se manifestaient alors au grand jour, ses nombreuses qualités. Je n’en retiendrai que trois. Son écoute, d’abord. Sa capacité d’écouter vraiment. De toute sa personne et de toute son intelligence. Il captait avec patience et il comprenait. Il comprenait les besoins de raconter les difficultés rencontrées, de dire son découragement ou ses rêves avortés. Et alors venaient les conseils, les bons conseils qui apaisent et qui redonnent le goût d’avancer.
Mais une autre qualité de Jean-Pierre, c’était, après avoir tout entendu, de n’en pas parler. Et cela, c’est un bonheur précieux. Celui de vivre un sentiment de confiance assurée en quelqu’un. Savoir que l’on peut compter franchement sur lui, sur son tact, sur sa discrétion, sur son infinie loyauté. Une troisième qualité encore chez JeanPierre : son mode particulier de communication. Pas une communication clinquante, pas de poudre aux yeux, pas de grandes phrases. Le contraire de cela. Bien mieux donc. Une communication faite de retenue, de réserve et de respect. D’où émanait une grande authenticité. Dans une institution comprenant deux cents enseignants, il se passe toujours quelque chose. Et, souvent, il faut pouvoir compter sur un bon messager, fiable aux yeux de tous, unanimement apprécié. Chaque fois, dans ces missions spéciales qui lui étaient confiées, Jean-Pierre a excellé. Et, paradoxalement, de la posture modeste et même humble qu’il adoptait, rayonnait une véritable force. Vous le comprenez, cette force de JeanPierre, c’était la force de l’amitié humaine authentique. Il était, en quelque sorte, expert en humanité. Mais cette force humaine avait un secret divin. L’évangile que nous venons d’écouter nous le révèle. Je voudrais en extraire deux phrases. Une première, d’abord. « Comme le P. m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés et vous, aimez-vous ». Le Père, moi, vous. Il nous est dit ici que l’amour est comme un fleuve. Il a une source, il coule, il se transmet. Il descend du Père mais, observons-le bien : il ne remonte pas vers le Père. Ou alors d’une manière bien particulière : « Mon commandement, le voici : aimez-vous ». Ce que nous apprenons ici c’est que l’amour reçu de Dieu ne peut pas lui être rendu autrement qu’en aimant ses frères. Il
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Nous avec eux n’y a pas deux amours. Jean-Claude, tu as souhaité que soit inscrite sur l’annonce du départ de Jean-Pierre une phrase de l’apôtre Pierre : « Seigneur, toi qui sais tout, tu sais que je t’aime. » Ces mots, en effet, correspondent bien à Jean-Pierre : Tu sais que je t’aime puisque j’aime mes frères. Mais ce n’est pas tout. Je voudrais aller un peu plus loin dans la mise au jour de ce secret. Reportons-nous, pour cela, à une deuxième phrase. Une phrase que je voudrais traduire en me tenant au plus près du texte grec. C’est une phrase bien connue. Mal traduite, elle dit : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » Ce qui, en quelque sorte, reviendrait à dire qu’il faut aimer ceux qu’on aime déjà. Le secret se trouve là, dans la découverte d’une bonne traduction ! Car dans le texte d’origine, il n’y a pas le verbe donner. Il y a le verbe disposer. Et cela change tout. « Il n’y a pas de plus grand amour que de disposer sa vie pour des amis, pour de l’amitié pour faire des autres des amis. » Disposer sa vie pour qu’ainsi, par le don de son écoute, de sa confiance et de sa parole, de l’amour surgisse chez l’autre et qu’adviennent des amis. Frères et sœurs, chers amis, c’était là le secret de Jean-Pierre. Il ne se contentait pas d’aimer les autres en se faisant leur ami. Il disposait sa vie pour faire naître des amis. Pour faire des autres des amis. C’était un créateur d’amitié. Jean-Pierre avait 70 ans. Il a passé septante ans à disposer sa vie pour des amis. Aujourd’hui, comme hier et comme les autres jours, il nous invite à l’amitié. Entre nous. Et, nous pouvons en être sûrs, aujourd’hui, c’est lui qui sait combien Dieu l’aime. Jean-Paul Laurent, s.j.
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Témoignage Certains hasards ont fait que je connaissais un peu mieux Jean-Pierre que bien d’autres pères ou frères : son attachement à Mons dont il était ancien et où avait aussi étudié son neveu, son aptitude relationnelle, sa gentillesse sans chichi et — détails sans doute — notre homonymie et notre âge ; parcourant, avec des fréquences variables selon les années et les fonctions, l’étage de la direction de SaintMichel depuis 1982, j’ai eu de multiples occasions d’être accueilli par lui avant d’affronter des activités plus formelles : ce n’était pas désagréable de commencer ainsi ces visites. M. Jean-Pierre Dubuquoy, ancien directeur du collège Saint-Stanislas (Mons)
« Le 9 décembre 2012, jour du décès de Jean-Pierre, l’Eglise priait à la messe du deuxième dimanche de l’Avent : Seigneur tout-puissant et miséricordieux, ne laisse pas le souci de nos tâches présentes entraver notre marche à la rencontre de ton Fils ; mais éveille en nous cette intelligence du cœur qui nous prépare à l’accueillir et nous fait entrer dans sa propre vie. »
Eux avec nous
P. Jean Mottet Né le 24 avril 1933 à Fronville, décédé le 25 décembre 2012 à Arlon, il est entré dans la Compagnie le 14 septembre 1951, et a été ordonné prêtre le 6 août 1964.
Homélie de la messe des funérailles Monseigneur l’Archevêque de Luxembourg, qui êtes aussi, cher P. Jean-Claude Hollerich, membre de la Compagnie de Jésus, Cher Jean-Marie, toi notre Doyen et notre Vicaire Épiscopal, Vous, chers Pères jésuites, qui avez gardé au cœur une attache fidèle avec Arlon, à cette église du Sacré-Cœur qui fut la vôtre, et au noviciat qui rayonna depuis la fin du xixe siècle jusqu’à ce centenaire, fêté dignement il y a quelques années, Chers confrères prêtres et amis de Jean Mottet, Chers abbé Jules Mottet et Maria, le frère et la sœur de Jean, chers neveux et nièces, cousins, cousines et familles apparentées, Dans cet admirable vaisseau néoromanrhénan, nous nous sommes rassemblés ce jour pour accompagner un confrère, un ami, un collègue dans l’enseignement à l’athénée Royal d’Arlon ou à la communauté jésuite de Godinne, un sportif qui reçut le prix du mérite sportif d’Arlon, un agitateur de jeunes, un conseiller, un accompagnant de retraites scolaires, un passionné de la mission, Jean Mottet, qui plus est, fut pour moi un fidèle ami et un
efficace coadjuteur dans l’animation des paroisses de Saint-Donat et du Sacré-Cœur. Jean fut un homme passionné par l’annonce de la bonne nou velle ; figure atypique au sein de la Compagnie de Jésus, il vivait en « électron libre » qui parvint progressivement à faire admettre un style qui lui fut propre. Pour lui, compétitions de kayaks, rallyes, compétitions sportives, rencontres, préparations de belles liturgies signifiantes et chantantes, camps de jeunes, intégration dans la pastorale locale et décanale, sessions de formation de prêtres et de laïcs, tout était bon pour le P. Jean afin de mieux parvenir à faire passer le message de l’Évangile dans toutes les couches de la société. Je me souviens de ce qu’il m’a confié tout récemment lors de « RivEspérance 2012 », ce grand rassemblement pour donner un souffle nouveau au peuple de Dieu, organisé à Namur début novembre 2012. Il m’a partagé ce souffle et cet enthousiasme qui lui fit du bien ; c’est là qu’il rencontra des chrétiens engagés ou distants, pratiquants réguliers ou irréguliers dont le seul critère pouvait se résumer en cette définition : « l’Évangile nous rassemble ». Très attentif au monde des jeunes, n’est-ce pas lui qui, avec des confrères enseignants, directeurs et directrices d’écoles, professeurs de religion, organisa à Arlon, dans les années 1972, une superbe mission pour les jeunes-du milieu scolaire, tous réseaux confondus, et
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Nous avec eux que l’on baptisa : « Vivre Avec ». Un groupe français de chanteurs liturgiques qui commençait à faire parler de lui, le groupe « Crèche », dont les membres s’appelaient Mannick, Jo Akepsimas, Gaëtan de Courèges, Jean Humenry, étaient de la partie ; des noms bien connus depuis lors : les membres de nos chorales paroissiales reprennent souvent leur répertoire. J’ai encore feuilleté hier un album de photos où j’ai revu le P. Jean Mottet, cheveux noirs et rouflaquettes, s’entretenir avec le P. Amory, un liturgiste renommé. Quelle belle époque ! Quel dynamisme ! Quelle dynamique ! Quelle dynamite ! Et ces messes du samedi soir 18 heures au Sacré-Cœur, préparées avec une équipe liturgique, qui recopiait les homélies d’après un enregistrement : ainsi tout le monde pouvait en recevoir le texte et le méditer durant la semaine. Et cette animation des chants, à la guitare, avec Philippe Crochet, qui avait 17 ans à l’époque, et qui est toujours fidèle au poste. Les jeunes du P. Mottet sont devenus papas depuis lors et sont prêts à être grands-pères ; que de générosité et d’accueil suscités grâce à Jean, qui était toujours l’étincelle initiale qui mettait le feu aux poudres ! Jean était un rassembleur, un détecteur, un fédérateur, un catalyseur, doublé d’un anticonformisme sympathique. C’était aussi un ami des jeunes, au point de vivre avec eux des temps de retraites à Clairefontaine, à Maredsous, à Orval ou ailleurs : moments providentiels pour poser les questions essentielles sur la vie, sur leurs croyances, leurs orientations, sur le sens à donner à l’existence, avec ou sans Dieu. Ces moments-là lui demandaient beaucoup d’énergie ; il en revenait souvent très fatigué, voire même épuisé. « Que veux-tu ? disait-il, on n’a plus vingt ans ! » C’est vrai qu’il avait 79 ans bien sonnés, et il espérait faire une belle fête pour ses 80 ans au prochain avril 2013 !
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Mais il y eut ce 29 novembre, au croisement de la rue de Diekirch et de la rue de la Caserne… l’accident… la perte de conscience… le pronostic vital engagé. Dans nos communautés, on a prié, on a espéré, jusqu’à ce jour de Noël, en soirée, où Jean nous quitta pour entrer dans la lumière de Dieu. Pour lui, Noël fut véritablement son dies natalis, le jour de sa naissance à la vie en Dieu, le jour de sa renaissance. Deux jours après Noël, la liturgie nous proposait de fêter Jean l’évangéliste, son saint patron, qui avouait dans le commencement de sa première lettre : « Oui, la vie s’est manifestée, nous l’avons contemplée. Et ce que nous avons contemplé, ce que nous avons entendu, nous vous l’annonçons pour que vous soyez en communion avec nous et que nous ayons la plénitude de la joie » ! Quelle coïncidence ! Jean Mottet n’appréciait pas trop le service du pouvoir ; mais il expérimenta souvent le pouvoir du service : l’accueil, l’écoute, l’hébergement occasionnel dans la petite maison de la rue des Déportés, des trajets et des démarches multiples pour débloquer les problèmes de la vie des gens et de la vie des jeunes. Ce fut là son pain quotidien. En tant que prêtre et religieux, il a vécu quasi quotidiennement le geste de Jésus avant la Pâque, le Jeudi saint : s’abaisser, suivre l’exemple du Maître, comme lui nouer le tablier, comme lui servir par amour, comme lui donner son temps… et même sa vie ! Comme lui… Jean, on aurait aimé te garder longtemps encore parmi nous ; tu nous as habitués, en plus de trois décennies à Arlon, d’être sur tous les fronts, de tous les combats pour plus de justice, plus de fraternité, plus de compréhension entre les élèves et leurs profs, entre les parents et leurs jeunes, entre les couples. Tu vas beaucoup nous manquer : mais, toutes les valeurs que tu as défendues, tous les combats que tu as menés, nous nous enga-
Eux avec nous geons à les reprendre à notre compte. Comme toi, nous nous efforcerons de traduire l’Évangile en paroles, mais surtout en actes, pour le monde d’aujourd’hui. Mes amis, malgré notre peine, rendons grâce à Dieu pour tout le travail accompli par le P. Jean Mottet. Discrètement, sans tapage, il a cherché à rendre le Christ présent dans notre secteur pastoral d’Arlon, et bien au-delà, partout où il passait. Tantôt, en communiant au Corps livré et au Sang versé du Christ Jésus, nous retrouve-
rons la source des énergies qui ont motivé Jean durant toute sa vie de religieux et de prêtre. Puissions-nous aussi y trouver la paix que lui procuraient sa foi et son invincible espérance. Et que Jean vive maintenant dans ta Lumière, Seigneur, après t’avoir courageusement cherché dans le visage de ses frères et sœurs qu’il a rencontrés sur sa route. Abbé Paul Hansen, curé de Saint-Donat et du Sacré-Cœur, Arlon
O Sacré-Cœur de Jésus, apprends-moi le parfait oubli de moi-même. Enseigne-moi ce que je dois faire pour parvenir à la pureté de ton Amour. Tu as mis dans mon cœur une grande volonté de te plaire, Mais je n’ai par moi-même qu’une impuissance complète d’en venir à l’effet sans une grâce particulière qui me viendra de toi seul. Seigneur Jésus, fais en moi ta sainte volonté : j’y mets, je le sens, bien des obstacles, mais soumets-moi tout à toi. C’est à toi qu’il appartient de tout faire, divin Cœur de Jésus. Toi seul auras la gloire de ma sanctification, si je me fais saint ! Achève donc, Seigneur Jésus, ton ouvrage. Prière de saint Claude la Colombière
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P. Paul Smolders Né le 29 septembre 1938 à Bruxelles, décédé à Woluwe-Saint-Pierre le 24 janvier 2013, il est entré dans la Compagnie le 4 octobre 1978 et a été ordonné prêtre le 25 juin 1983.
P
aul est né dans une famille belge partie en Argentine peu après sa naissance. Il y passe la majorité de sa jeunesse. Ingénieur chimiste et philosophe de formation, il entame, en 1977 des études de théologie à l’Institut d’études théologiques de Bruxelles. Il entre au noviciat de la Compagnie à Wépion l’année suivante et est ordonné prêtre à 45 ans. Durant son noviciat, Paul subit un accident de la circulation qui lui provoque une fracture du crâne. Celle-ci a laissé des séquelles qui ont orienté et marqué profondément sa vie apostolique. Son ministère sacerdotal, il l’accomplit à la Communion d’Opstal, puis à la communauté Saint-Michel de Bruxelles. Il participe à l’animation de l’église, très présent et actif dans les groupes de prière. Là, son talent d’accompagnateur l’amène à donner de multiples retraites. Dans ces différents ministères, il a su déployer ses qualités d’écoute, de discernement et toute l’attention d’un cœur vraiment sacerdotal. C’est en 2011, qu’il rejoint la communauté Saint-Claude La Colombière à partir de laquelle il a pu rester fidèle à tous ses amis et continuer son apostolat d’accompagnement. Il a relevé le défi des épreuves physiques avec une ténacité et un courage qui n’ont fait que renforcer sa disponibilité et son accueil à l’égard de tous.
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Sur ce chemin de sainteté, le Seigneur a profondément modelé et façonné Paul et a influencé sa manière d’exercer son ministère sacerdotal. Il s’est endormi dans la paix en la fête de Saint François de Sales. Robert Huet, s.j.
Homélie pour la messe de funérailles « Moi, je suis venu pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance… » Dès les premiers versets de son évangile, saint Jean nous dit que dans le Verbe fait chair, dans le Christ Jésus, « était la vie » (Jn 1, 4), la plénitude de la vie, le mystère de la vie, l’origine, le commencement, de toute vie. Il ne s’agit pas seulement de la vie surnaturelle, de la vie proprement divine, de la vie éternelle, mais aussi de la vie temporelle, terrestre, biologique. Il s’agit de la vie tout court. En lui, Jésus « était la vie ». « Moi, je suis venu pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance. » Notre frère Paul aimait la vie, il avait un immense appétit de vivre. Une des caractéristiques de son existence est qu’il fut de nombreuses fois au seuil de la mort, qu’il eut de nombreuses fois à lutter très consciemment contre la mort et qu’au terme de ce combat, il
Eux avec nous reçut comme à neuf la vie. Il l’a reçue comme un surcroît indu, comme un sursis, comme une gratuité, comme un cadeau de Dieu. Il en acquit un sens de la vie extraordinaire et à travers ce sens de la vie, un sens très profond du Dieu Créateur et Sauveur de la vie. C’est pour échapper à la mort qu’en 1975 il prit à Buenos Aires le premier avion disponible pour se sauver en Belgique. Au temps de la dictature, Paul s’était engagé à fond en faveur des pauvres et de la justice. Il apprit qu’il était sur la liste de ceux que l’on voulait faire disparaitre prochainement et il dût quitter en hâte. Au noviciat, lors de son accident et de sa fracture du crâne, il fut à la mort. Il y a quelques années, après son opération du cœur, Paul resta un mois aux soins intensifs de l’UCL. Ce fut une lutte, jour après jour, contre la mort. Mais ce ne sont là que quelques épisodes les plus marquants d’un combat pour la vie qui fut celui de toute son existence. A travers tout cela, Paul a fait au jour le jour l’expérience du Ressuscité. « Souviens-toi de Jésus Christ, ressuscité d’entre les morts », écrit saint Paul à Timothée. Dans l’évangile johannique, Marthe, affligée par la mort de son frère Lazare, fait un bel acte de foi : « Je sais que mon frère ressuscitera au dernier jour. » Elle parle au futur, mais Jésus la reprend au présent : « Je suis la Résurrection et la Vie : celui qui croit en moi, même s’il meurt vivra ; et quiconque vit er croit en moi ne mourra jamais » (Jn 11, 25). « Dans la maison de mon Père », dit encore Jésus dans le même évangile selon saint Jean, « il y a beaucoup de demeures ». La « demeure » dont il est ici parlé, représente plus qu’un simple lieu d’habitation. C’est le lieu où l’on trouve son repos, sa paix, sa joie, son « lieu » précisément. C’est se trouver enfin chez soi dans la maison de son Père. C’est se trouver à
une « place » qui, à l’avance, nous a été préparée. Car Jésus continue : « Autrement, vous aurais-je dit que j’allais vous préparer le lieu où vous serez ? Lorsque je serai allé vous le préparer, je reviendrai et je vous prendrai avec moi, si bien que là où je suis, vous serez vous aussi. […] Je suis le chemin, la vérité, la vie » (Jn 14, 2-6). Nous n’effectuons pas seuls le passage de la mort. Jésus s’y fait notre chemin vers la Vie et vers la lumière. Nous croyons que Jésus est venu chercher notre frère Paul pour le conduire là où il est, « dans le sein du Père » (Jn 1, 18). Saint Paul écrivait — nous l’avons entendu : « Voici une parole sûre : Si nous sommes morts avec lui [Jésus], avec lui nous vivrons. Si nous supportons l’épreuve, avec lui nous régnerons. » Paul, notre frère, notre ami, a supporté beaucoup d’épreuves, il a été soumis à plusieurs handicaps. Cela n’a pas empêché son apostolat incessant. « On n’enchaîne pas la parole de Dieu » : fidélité au confessionnal et à l’eucharistie de notre église Saint-Jean Berchmans, fidélité au groupe de prière Siloé, fidélité aux personnes handicapées de Ciney, fidélité aux accompagnements spirituels, fidélité aux nombreuses amitiés qu’il savait susciter et nouer. Comme son patron, Paul aurait pu dire : « Je supporte tout pour ceux que Dieu a choisis, afin qu’ils obtiennent eux aussi le salut par Jésus Christ, avec la gloire éternelle. » Merci, Paul, de nous avoir montré qu’à travers les épreuves et les handicaps, la vie reste belle et qu’elle peut être vécue dans la paix et même dans la joie. Jean-Marie Hennaux, s.j.
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P. Pierre Defoux Né le 16 mars 1924 à Arlon, décédé le 3 février 2013 à Woluwe-Saint-Pierre, il est entré dans la Compagnie le 14 septembre 1942 et a été ordonné prêtre le 31 juillet 1955.
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ierre est le deuxième d’une famille de huit enfants. Son frère Max devient scheutiste au Japon, et son frère André est prêtre du diocèse de Namur. Au terme de ses études secondaires au collège Notre-Dame de la Paix à Namur, il entre au noviciat d’Arlon, rejoignant à Guirsch le groupe de novices connu sous le nom de « belle et riche année ». S’ensuivent les années d’études de philologie classique et de philosophie, la régence à Léopoldville et à Charleroi et la théologie à Enghien avec les jésuites français. C’est à cette époque qu’il réalise pour les éditions Dupuis à Marcinelle la célèbre bande dessinée consacrée à saint François Xavier. Pierre mettait ainsi à la disposition d’un grand nombre de lecteurs des talents artistiques méconnus des supérieurs de l’époque. Cette méconnaissance a approfondi un esprit libre fait d’humour, de tact, de profondeur, de discrétion et de souci des autres. Il est ordonné prêtre à Enghien en la fête de saint Ignace. Pierre rejoint le collège Saint-Servais à Liège comme enseignant et aumônier des cadets de 1959 à 1966. Nous le retrouvons au collège Saint-Michel de Bruxelles de 1966 à 1970. Vient ensuite le collège de Godinne où il participe activement à la réforme pédagogique au sein d’une équipe d’enseignants enthousiastes. Il met ainsi sur pied l’option arts d’expression et partage ses talents de sculpteur, de peintre, d’écrivain, de conteur, de scénariste
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et de metteur en scène. Avec des membres de la communauté jésuite, il transforme la grande chapelle du collège. En 1988, il est retraité de l’enseignement et devient curé de MontGodinne. C’est une période de création artistique intense : céramique et peinture. Communautés jésuites, collège de Godinne, paroisses avoisinantes, hôpital de Mont-Godinne sont les principaux dépositaires de ses œuvres. Il rejoint ensuite la communauté de Plomcot à Namur où il est supérieur de 2002 à 2005. A cause de problèmes de vue, il doit limiter ses activités artistiques. Durant les six années qui suivent il est membre de la communauté Notre-Dame de la Paix à Namur. Durant ce séjour, sa santé décline. C’est pacifié, qu’il rejoint en 2011, la communauté Saint-Claude La Colombière à Bruxelles. Cette arrivée à Bruxelles correspond à l’organisation à Godinne d’une exposition où bon nombre de ses œuvres étaient rassemblées. Au cours de sa vie de jésuite, Pierre n’a jamais revendiqué quelque statut que ce soit, ni recherché les honneurs. Libre à l’égard de luimême et de tous, il peut aujourd’hui entendre la réponse du Seigneur : « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40). Robert Huet, s.j.
Eux avec nous
Témoignage Jésuite, prêtre, professeur, Pierre a été en tout un artiste. Le dessin, le sens artistique étaient chez lui un don inné, un talent qu’il a fait fructifier. Mais bien avant d’être l’artiste talentueux et généreux que nous connaissons, lui qui se reconnaissait simplement et modestement traducteur, interprète ou metteur en scène de la parole, Pierre a été un grand observateur de la nature et des humains. Il a jeté sur eux un regard sympathique, et évangélique. L’artiste, en lui, était avant tout un contemplatif. Dans notre société, devenue de plus en plus une société du spectacle, nous sommes sollicités par une multitude d’images qui se présentent à notre vue. Toutes ne sont pas d’un égal intérêt. Il ne suffit pas de voir. Il faut savoir regarder. Pierre fut un artiste au regard juste, transparent et amical qui nous apprend à regarder. Ce regard d’artiste chrétien porte un double secret dont nous pouvons tirer profit. Le secret de ce regard juste, c’est d’abord de regarder avec les yeux du cœur. Le renard du Petit Prince de Saint-Exupéry a le mot exact quand il dit : « On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux. » Ce regard est celui de l’aveugle-né guéri par Jésus dans l’évangile de Jean (chap. 9). Ce regard est le chemin de la découverte de Jésus. Pour avoir un regard juste, il faut ensuite avoir dépassé ses illusions sur soi-même et sur le monde. C’est la seconde leçon que nous laisse Pierre. Lui qui était si soucieux des apparences, il nous dit que l’essentiel, nous ne l’atteignons qu’à travers ces apparences imparfaites, au-delà de ces apparences. Si nous nous arrêtons aux apparences, nous restons prisonniers de notre désir. Notre regard reste rivé aux choses telles que nous voudrions qu’elles soient et non pas telles qu’elles sont.
Les yeux du cœur, pour un chrétien, ce sont les yeux de la foi. Merci, Pierre, parce que ton œuvre artistique nous invite à regarder vraiment, longuement, intérieurement. Tu nous proposes de jeter un regard neuf et toujours renouvelé sur la personne même de Jésus, sur nous-mêmes, sur la nature et sur les événements du monde, au-delà des illusions, un regard réaliste et néanmoins poétique. Il est devenu courant d’opposer le « voir » et le « croire ». Pour Pierre, comme dans l’évangile de Jean, la foi est un « voir », un regard de personne à personne. « Où est le Fils de l’Homme pour que je croie en lui ? », demande l’aveugle-né après sa guérison ; Jésus lui répond : « Tu le vois, c’est lui qui te parle. » L’œuvre artistique de Pierre est une œuvre qui propose, sans l’imposer, la suite du Christ et l’école de l’Esprit. Une œuvre jésuite, assurément !
Pierre Defoux et son œuvre S’il n’a produit qu’une seule BD dans Spirou (et Robbedoes) en 1953, « Xavier raconté par le Ménestrel » (rééditée cinquante ans plus tard, en deux volumes), Pierre Defoux est un artiste complet : illustrations, caricatures, affiches, fresques murales, céramiques, vitraux, pièces de théâtre et émissions de télévision scolaire. Il fut aussi un brillant enseignant à Léopoldville, à Charleroi, à Bruxelles, à Liège et à Godinne. A la question comment avez-vous commencé le dessin ? Il répondait : je ne me suis jamais « mis » au dessin. Je suis né avec le dessin, c’est un besoin fondamental pour moi. J’ai toujours visé un type de représentation qui soit beau. Quand j’entends quelque chose, j’ai un réflexe presque automatique de le mettre en dessin. Ce réflexe me pousse à écrire dans une autre langue qui est universelle. Quand je prends ma plume, je veux que ce
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Nous avec eux soit beau. Si ce que je dessine n’est pas beau, alors je ne le garde pas. J’ai donc mes propres critères pour savoir si c’est beau ou non.
La BD de Xavier En 1952, c’était le ive centenaire de la mort de saint François Xavier (compagnon d’Ignace de Loyola). Le P. Provincial demanda à Pierre s’il était volontaire pour illustrer l’histoire de Xavier sous forme de bande dessinée pour les enfants. Il a sauté sur l’occasion et a été très surpris d’apprendre que c’était pour Spirou, et non pour une petite revue bien pensante. Il devait fournir pour le journal deux pages par semaine. Ce récit conte la vie exemplaire de « l’apôtre des Indes », jésuite espagnol né près de Pampelune en 1506 et mort en Chine, au large de Canton, quarante-six ans plus tard. Ce grand missionnaire fit partie du groupe des six premiers jésuites qui, en 1534 à Montmartre, firent le vœu de consacrer leur existence au service de Dieu et de l’Eglise. La BD publiée dans Spirou appartient, par son trait, à l’école dite de « la ligne claire », façon Will, Peyo ou Jijé humoristique. Par la suite, cette œuvre est tombée dans l’oubli. Il était prévu que Spirou en fasse un album. Il ne l’a pas fait, estimant que le sujet n’était pas assez commercial. Ces planches sont restées aux archives Dupuis pendant quarante ans et c’est grâce au CRIABD que les originaux ont été rendus à l’auteur qui les a confiées au Centre belge de la BD. La Libre Belgique a publié ces septante-cinq planches en 1989-1990 et un album en noir et blanc a été publié par les éditions Hélyode en décembre 1990. Pierre Defoux a dédicacé ce premier album à Angoulême en janvier 1991. Deux ans plus tard, il a dessiné dix-sept nouvelles planches pour terminer enfin cette his-
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toire inachevée. Les éditions Coccinelle BD de Durbuy en ont fait deux volumes en 2002, enrichies des couleurs de ierry Faymonville. Ces albums sont toujours disponibles. Dans son livre, paru en 2011 chez Karthala, le professeur Philippe Delisle note que la BD de Pierre Defoux « donne une image renouvelée du missionnaire, homme de dialogue plus que d’autorité… ».
La céramique C’est à l’âge de 12 ou 13 ans que Pierre réalise ses premiers modelages avec de la terre qui n’était même pas cuite. Bien plus tard, dans le collège où il enseigne, le recteur promeut des activités artistiques dont l’une était la céramique. Il fait alors des moules pour un professeur et commence la production de la céramique. En 1988, alors que Pierre Defoux est retraité, le syndicat d’initiative de Godinne lui demande de restaurer la chapelle Saint-Roch près du collège. Il opte pour la céramique plutôt que des fresques, car l’endroit est exposé à l’humidité. Et c’est ce travail qui le lance. Il réalise des « pages d’évangile » traduites en céramique. Il fait aussi des séries de proverbes tant religieux que profanes. Son seul souhait est que la céramique « parle ». Reconnaître Zachée dans une céramique n’est pas important, le laisser parler l’est beaucoup plus. Son désir, c’est que ses œuvres continuent à vivre en étant regardées. On assiste donc chez Pierre Defoux à une abondante production, aussi diversifiée dans les thèmes abordés que dans la forme d’expression choisie, répartie aux quatre coins du pays et même à l’étranger… Dans ce parcours pluriel, une seule trame, celle du « spectacle ». Car le visuel doublé du littéraire est bien le caractère principal de son œuvre.
Eux avec nous L’expression « Montrez voir » est chère à cet artiste qui se veut avant tout « traducteur et metteur en scène », c’est-à-dire interprète
et serviteur de la Parole. Tel Jean Baptiste, il désigne Quelqu’un et s’efface devant plus grand que lui.
« Lorsque sur mon corps — et bien plus sur mon esprit — commencera à marquer l’usure de l’âge, quand fondra sur moi du dehors, ou naîtra du dedans, le mal qui amoindrit ou emporte, à la minute où je comprendrai que je suis malade ou que je deviens vieux, à ce moment surtout où je sentirai que je m’échappe à moi-même, donnez-moi, mon Dieu, de comprendre que c’est Vous — pourvu que ma foi soit assez forte — qui écartez douloureusement les fibres de mon être, pour m’emporter vers Vous. O énergie de mon Seigneur, force irrésistible et vivante, c’est à Vous que revient le rôle de me brûler dans l’union qui doit nous fondre ensemble… » Pierre Teilhard de Chardin
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Nous avec eux
P. Georges Krug Né le 26 juin 1922 à Merksem-Antwerpen, décédé le 2 avril 2013 à Woluwe-Saint-Pierre, il est entré dans la Compagnie le 7 septembre 1941 et a été ordonné prêtre le 15 août 1953.
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eorges est l’aîné d’une famille de huit enfants. Après ses études au collège Notre-Dame d’Anvers et une année de droit aux facultés de Namur, il entre au noviciat d’Arlon. Après l’ordination sacerdotale, il enseigne aux collèges de Tournai, de Charleroi, de Mons et surtout de Godinne. Il a pu rendre bien des services dans l’aide aux malades et plus spécialement aux personnes handicapées de Ciney. Il rencontrait aussi régulièrement des religieuses âgées. Comme citoyen, Georges s’engageait dans la promotion d’un multilinguisme actif, signe concret du respect profond qu’il portait aux communautés linguistiques du pays. Il rejoint la communauté Saint-Claude la Colombière de Bruxelles en 2010. C’est là qu’il partage et communique à ses frères, à sa famille et au personnel soignant la paix profonde et la reconnaissance qu’il avait rencontrées chez les malades et les personnes handicapées. C’est dans cet esprit qu’il s’est éteint à l’aube du mardi de Pâques.
Homélie des funérailles Il pourrait paraître étonnant que nous ayons choisi comme première lecture un passage de saint Paul (Philippiens 4, 4-9) qui commence ainsi : « Réjouissez-vous… ». Ces mots sont tirés de celle des épîtres de Paul où trans-
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paraît le mieux sa con nivence avec ceux qu’il appelle « mes frères et sœurs bien aimés, ma joie et ma couronne » et la Bible de Jérusalem donne pour titre à ce passage : « derniers conseils ». Ils évoquent bien la personnalité de Georges telle qu’elle s’est exprimée et est apparue tout au long de sa vie. « Que votre bienveillance soit connue de tous les hommes » et plus loin « tout ce qu’il y a de vrai, de noble, de juste, de pur, d’aimable, d’honorable, tout ce qu’il peut y avoir de bon dans la vertu et la louange humaine, voilà ce qui doit vous préoccuper ». Oui, ces mots cernent bien la personnalité de Georges, discrètement fraternel, sensible et plein de délicatesse. Étant entré dans la Compagnie en même temps que lui, étant son conovice comme nous disons, j’ai pu l’apprécier et en profiter pendant les années de formation, y compris pendant la dernière année, le troisième an que nous avons fait ensemble à Münster en Allemagne. Il me semble que ces mots rendent bien compte aussi de ses années de professorat, à Godinne surtout, comme professeur de quatrième, puis de poésie. « Tout ce qu’il y a de beau, de noble, de juste… » Beaucoup d’étudiants sans doute, comme celui dont un d’entre nous a, tout récemment et de manière tout a fait imprévue, pu recueillir le témoignage, ont été éveillés par lui à l’étude sérieuse, à la réflexion, à la découverte de la beauté, à la justice aussi. On pense
Eux avec nous notamment à la rigueur de pensée et à la conviction avec laquelle il réfléchissait et faisait réfléchir sur l’histoire et l’avenir de la Belgique. Mais il ne faudrait pas oublier ses tâches plus directement spirituelles comme modérateur des Équipes Notre-Dame, puis surtout comme animateur spirituel des plus petits. Quant à l’évangile (Matthieu 25, 37-40), son choix s’est imposé à nous en pensant à cette longue période de la vie de Georges où il s’est consacré corps et âme aux enfants handicapés profonds de Ciney. « J’étais malade et vous m’avez visité… ». Ce ministère avait complètement ravi Georges. Il s’y donnait de tout son cœur, avec toute la patience, l’attention, la qualité de présence silencieuse qu’un tel apostolat requiert. Il y trouvait une profonde joie : je me souviens d’une confidence qu’il avait faite lors d’une journée de province, parlant de la grâce qu’il y avait à vivre avec des enfants incapables de péché… Et sans doute pouvons-nous évoquer aussi, tout autour de ce service qui était le cœur de sa vie, toute l’aide fraternelle, tout l’éclairage évangélique qu’il a pu apporter à ceux et celles qui, avec lui, étaient au service de Jésus dans ses membres souffrants ; et je pense notamment ici aux années pendant lesquelles il fut aumônier national de Foi et Lumière. Puis est venu le temps des diminutions : la perte progressive de la vue, la faiblesse généralisée, la passivité, le silence : déjà à Godinne, puis ces dernières années dans notre communauté La Colombière. Georges désormais n’a plus quitté son deuxième étage : mais pour lui cet étage avait trois lieux : sa chambre presqu’au milieu, il la quittait souvent et volontiers pour aller vers un des deux bouts de l’étage : à un bout la chapelle où il s’attardait longuement, à l’autre l’infirmerie où il était heureux de trouver un peu de compagnie. Il ne parlait presque pas et son silence pouvait faire croire à une ab-
sence mais il était souvent une écoute, et il en sortait de temps en temps, d’une manière surprenante, par une réponse, une question, une réflexion. Je me souviens qu’à la fin d’une journée de récollection, lors du Carême de l’année dernière, il avait tout d’un coup pris la parole à la chapelle, d’une voix forte et distincte pour remercier le confrère qui avait animé la journée. Merci, le mot était souvent sur ses lèvres ; il était très reconnaissant envers celles et ceux qui le soignaient : « J’ai de la chance de vous avoir, qu’est-ce que je ferais sans vous », disaitil. Ainsi pendant tout ce temps, celui qui avait si souvent « visité Jésus dans les plus petits de ses frères » était devenu désormais celui qu’on visitait, qu’on soignait, qui dépendait des autres : il était devenu un de ces plus petits, il était devenu Jésus. Georges est entré dans la paix et la joie de Dieu. À un niveau très profond, nous pouvons bien faire nôtre la recommandation de Paul : « Réjouissez-vous dans le Seigneur ». Une joie qui n’exclut pas la peine, l’émotion, mais qui est une paix profonde, une communion. Que son souvenir, que son exemple nous encourage à chercher toujours ce qui est vrai, juste, aimable, à avoir soin les uns des autres, à servir et à aimer en toutes choses. Jean-Marie Faux, s.j.
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Nous avec eux
P. Marcel Gérard Né à Châtelineau le 21 janvier 1922, décédé le 8 juillet 2013 à Woluwe-Saint-Lambert, il est entré dans la Compagnie le 7 septembre 1939 et a été ordonné prêtre le 15 août 1951.
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près des études au collège du SacréCœur de Charleroi, Marcel entre au noviciat d’Arlon. Il prononce ses derniers vœux à l’institut Gramme d’Angleur le 2 février 1955. Très tôt le P. Gérard marque un souci particulier pour les conditions de vie des plus démunis. Il approfondit ainsi les sciences sociales. Après quelques années passées d’abord à l’institut Gramme, puis à Bruxelles Saint-Ignace et à Liège Saint-Servais, il rejoint la région de Mons en 1971 : prenant la relève des Pères Alphonse Wauters et Carlos Gérard, il anime la communauté chrétienne qui se rassemble autour de la chapelle Sainte-Barbe à Ghlin, près de l’ancien charbonnage. Sa préoccupation sociale l’amène à s’engager activement pour aider les habitants des logements « sociaux » — dont il était luimême locataire —, à s’organiser. C’est ainsi qu’il fonde le syndicat des locataires de Ghlin qui prendra rapidement une dimension nationale. Dès 1965, au moment du concile Vatican II, il publie chaque mois, sous le titre l’Espérance des Pauvres, un dossier de presse où il se fait l’écho de tout ce qui concerne le développement, la lutte contre la pauvreté, le combat contre l’apartheid et autres formes de racisme et d’injustice dans le monde entier. « Sa préoccupation était de faire connaître les pro-
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blèmes de la pauvreté de par le monde mais surtout de porter à la connaissance de tous ce qui était fait « pour et avec eux », dans l’E glise notamment afin d’encourager à l’engagement » (témoignage de Philippe de Briey). Le bulletin est envoyé gratuitement tous les mois à travers le monde à deux cent nonante personnes et institutions ; il en assurera seul la tâche jusqu’en 1991, date où il passe la main à une équipe, tout en continuant à y collaborer. C’était un travailleur infatigable. « Progressivement, la revue changea de nom et devint Espérance des peuples, qui connut un beau succès. Tous appréciaient beaucoup le P. Marcel Gérard, parce qu’il était un homme simple, cordial, plein de foi et de bon sens, un homme d’ouverture d’esprit et d’humour. Les enfants et les jeunes venaient sans réserve vers lui » (témoignage de Philippe de Briey). Après 2008, il est membre de la communauté du Sacré-Cœur à Charleroi. Pour des raisons de santé, il rejoindra la communauté Saint-Claude La Colombière à Bruxelles en 2011. Robert Huet, s.j.
Eux avec nous
« Quand nous est-il arrivé de te voir étranger et de te recueillir… de te voir malade ou en prison, et de venir à toi ? » Le Seigneur leur répondra : « En vérité, je vous le déclare, chaque fois qui vous l’avez fait à l’un de ces plus petits, qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » Matthieu 25, 38-40
« Jamais, vous le savez, nous n’avons eu un mot de flatterie, jamais de motifs intéressés, Dieu en est témoin, jamais nous n’avons recherché les honneurs, ni auprès de vous ni auprès des autres hommes, alors que nous aurions pu nous imposer En qualité d’Apôtres du Christ. Au contraire, avec vous nous avons été pleins de douceur, comme une mère qui entoure de soins ses nourrissons. Ayant pour vous une telle affection, nous voudrions vous donner non seulement l’Evangile de Dieu, mais tout ce que nous sommes, car vous nous êtes devenus très chers. » 1 Thessaloniciens 2, 8)
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Nous avec eux
P. Jean Legros Né le 2 mars 1927 à Seneffe, décédé à Woluwe-Saint-Lambert le 27 août 2013, il est entré dans la Compagnie le 14 octobre 1947 et a été ordonné prêtre le 6 août 1959.
J
ean est le troisième d’une famille de quatre enfants. Après ses études secondaires au collège Saint-Michel de Bruxelles et des candidatures en droit aux Facultés Saint-Louis, il entre au noviciat d’Arlon. S’ensuit la formation classique des jésuites de l’époque, études de lettres, philosophie, régence (stages) au collège Saint-Michel, puis la théologie. S’ensuivra enfin le troisième an de formation qu’il effectuera à Paray-le-Monial, en France. À partir de septembre 1961, il enseigne au collège Saint-Michel. C’est en 1967 qu’il rejoint le collège Saint-Servais de Liège, jusqu’en 1991. Préfet de l’internat, titulaire en 2e, professeur de français et de langues anciennes, aumônier scout. Que de relations personnelles furent ainsi créées, que de temps d’accueil et d’écoute aussi bien auprès des élèves que des collègues enseignants et éducateurs. En même temps, Jean s’investit dans des lieux variés et occasions de rencontres, à Botassart, en Grèce lors de voyages scolaires, dans l’école voisine SaintJacques. Retraité de l’enseignement à l’âge de 64 ans, Jean devient ministre du théologat de Bru xelles. C’est avec joie qu’il retourne à Liège en 2001 où la communauté Saint-Servais bénéficie de ses services jusqu’en 2009. Il relève encore le défi d’accompagner sa communauté pour un séjour en Grèce ou encore de rem placer au pied levé des accompagnateurs de
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séjours d’élèves dans ce pays. En 2009, il rejoint la communauté SaintClaude La Colombière dont il a été le dévoué ministre jusqu’au 1er juillet dernier. Hospitalisé à l’hôpital Saint-Luc dans la matinée du 27 août, il y est décédé dans la paix vers minuit, en présence de son supérieur. Robert Huet, s.j.
Eucharistie d’au revoir Quand nous nous sommes demandé quelles lectures conviendraient pour cette eucharistie d’au revoir à notre frère Jean, c’est tout spontanément que s’est imposée à nous cette béatitude : « Heureux le serviteur fidèle ». Ce choix ne résulte pas d’un rapprochement facile entre le terme de serviteur et celui de ministre, charge que Jean a portée pendant les vingt-deux dernières années de sa vie et jusqu’à moins de deux mois avant son départ, c’est parce que, très réellement et concrètement, dans toute sa vie et toutes les tâches assumées, il a été ce serviteur — de Dieu, de l’Église, de ses frères, de tous ceux qui lui étaient confiés ou que la vie a mis sur son chemin — compétent, consciencieux, fiable, effacé et bienveillant, sans discours ni complications inutiles, auquel on pouvait recourir en confiance, tant il alliait le bon sens et une bien-
Eux avec nous veillance fondamentale. Et c’est avec même simplicité lucide qu’ayant joué sa partition dans la vie, il a accueilli la mort. C’est tout cela qu’exprime la réponse que le prophète Michée fait à l’homme qui cherche à plaire à Dieu : « Rien d’autre que d’accomplir la justice, aimer la miséricorde et marcher humblement avec Dieu. » La justice, la miséricorde et la fidélité. Au chapitre 23 de l’évangile de Matthieu, au milieu du discours très dur dans lequel il se démarque de la fausse justice des pharisiens, dans une claire référence à cette prophétie, Jésus affirme que c’est bien là l’essentiel de la loi. Accomplir la justice. Faire ce qui est juste (au double sens de justice et de justesse), bien faire ce que l’on a à faire là où on est, accomplir son devoir d’état, selon un terme qu’on n’emploie peut-être plus beaucoup mais qui est lourd de sens. C’est bien ce qu’a fait notre frère Jean, tout au long de sa vie dans la Compagnie. D’abord dans sa carrière d’enseignant, de 1961 à 1991. On pourrait dire, plus largement et plus justement sans doute sa carrière d’« homme de collège », car son engagement de trente ans dans les collèges, dont vingt-cinq au même collège Saint-Servais de Liège, allait bien plus loin que la simple fonction de professeur — si absorbante et bien assumée qu’elle ait été — et comprenait aussi bien des activités annexes, préfet d’internat, aumônier scout, voyages scolaires — en particulier vers la Grèce qui lui était si chère — et, en tout cela, toutes les occasions de rendre service, l’accueil des élèves, les relations avec les collègues, enseignants et éducateurs. J’ai avancé le mot homme de collège pour exprimer tous les aspects que la tâche de professeur jésuite comporte con crètement ; parlant de sa si longue présence à Saint-Servais, avec tant de don d’accueil et d’engagement fidèle, on devrait sans doute dire : homme du collège, de ce collège Saint-
Servais dont il était une figure. C’est avec le même sens du devoir, la même simplicité que Jean va assumer la tâche de ministre (celui qui est chargé du bien-être de la communauté), d’abord pour la communauté Saint-Bellarmin du théologat à Bruxelles, puis en 2001, de retour dans son cher Liège, pour la communauté Saint-Servais et enfin, depuis 2009, dans la communauté Saint-Claude La Colombière. Malgré le poids de l’âge et une fatigue grandissante, il l’a portée fidèlement jusqu’au début de juillet où il a pu enfin déposer le fardeau. Et la voix du Seigneur n’a pas tardé à se faire entendre : « Entre, bon et fidèle serviteur, entre dans la joie de ton maître. » Le Seigneur ne nous demande pas seulement d’accomplir la justice. Il demande aussi « d’aimer la miséricorde » (ou la tendresse, comme traduit la Bible de Jérusalem : « aimer avec tendresse »). La miséricorde, l’amour prévenant et fidèle, celui même du cœur de Dieu. Nous n’avons vraiment pas de peine à retrouver Jean ici. Le soin et la compétence qu’il mettait pour rendre un service dans le cadre de sa tâche débouchait vite sur une relation plus personnelle et même une véritable amitié. Jean était un homme foncièrement bon, bienveillant, sans chichis, simple et direct mais vraiment attentif aux personnes et sensible aux détails qui font la vie fraternelle. Aidé peut-être par un certain goût personnel pour les bonnes choses, il avait le souci de petites gâteries comme varier les fromages ou les confitures. Chacun et chacune qui l’ont abordé ou surtout ont vécu et travaillé quelque temps avec lui peuvent témoigner de la profonde bonté qui, sous des dehors sans façons et volontiers blagueurs, émanait de sa personne. Une bienveillance fondamentale aussi, un respect qui acceptait les gens comme ils sont, sans illusion mais sans jugement. Le Seigneur nous demande enfin de « mar-
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Nous avec eux cher humblement avec Dieu ». Nous touchons là à la vie intime de notre frère, sa foi, sa prière, sa relation avec le Seigneur. Jean était discret, sobre en la matière, peu démonstratif. Mais la manière dont il célébrait l’eucharistie de communauté — ce qu’il faisait assez fréquemment, attentif à « boucher les trous » — laissait deviner la solidité et la profondeur de sa foi. Il avait toujours un petit mot d’homélie, très bref : il relevait un point de l’évangile, en résumait d’un mot le contenu souvent de façon fort suggestive, et invitait à en tirer le fruit. Il gardait un moment de silence avant de continuer. C’est avec cette sobriété, cette lucidité, cette foi pro-
fonde qu’il a accueilli mardi dernier le verdict des médecins, refusé l’acharnement aléatoire et achevé sa montée vers son Seigneur. « En tes mains, Seigneur, je remets ma vie. » À notre tour, en cette célébration, avec beaucoup d’affection et de gratitude, nous le remettons entre les mains du Père. Et j’aime évoquer en terminant ce chant un peu naïf que l’on chante parfois dans les célébrations d’au revoir : « Ajoute un couvert, Seigneur, à la table. Tu auras aujourd’hui un convive de plus. Reçois-le bien chez toi ; il était notre ami. »
« En todo amar y servir. » « Que le Seigneur te bénisse et te garde ; qu’il fasse pour toi rayonner son visage ! Que le Seigneur te découvre sa face, te prenne en grâce et t’apporte la paix. » Chants de la messe des funérailles le 31 août 2013
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Jean-Marie Faux, s.j.
Eux avec nous
P. André Roberti de Winghe Né le 10 juillet 1925 à Louvain, décédé le 20 septembre 2013 à Woluwe-Saint-Pierre, il est entré dans la Compagnie le 14 septembre 1942 et a été ordonné prêtre le 15 août 1955.
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ndré est né dans une famille qui comptait cinq enfants ; il est le deuxième. Après ses études au collège de Godinne, il entre au noviciat de Guirsch et est ordonné prêtre à Eegenhoven. À l’issue de son troisième an à Wépion, il rejoint le collège Saint-Michel de Bruxelles en septembre 1957 comme professeur de religion, accompagnateur spirituel d’équipes Notre-Dame et aumônier scout. C’est dans cette triple insertion que naissent des intuitions et des projets qui orienteront ses engagements futurs. En 1965, il part à Lourdes avec des scouts ; ce furent alors les débuts des équipes Saint-Michel qui accompagnent depuis lors des personnes handicapées à Lourdes chaque année durant le mois d’août. Dès 1971, il ouvre une maison appelée le Toit à l’avenue de Tervuren qui s’intègrera dans « L’Arche » de Jean Vanier en 1973. Chaque samedi, il préside l’eucharistie qui rassemble des personnes de l’Arche et de Foi de Lumière aux côtés des paroissiens qui fréquentent l’église du collège Saint-Michel. La rencontre était pour lui chemin d’humanité et de foi. Liée a son sacerdoce, son amitié avec les personnes handicapées allait de pair avec de nouveaux engagements : auprès des jeunes
jésuites de 1982 à 1994, comme recteur du théologat, auprès des séminaristes et des prêtres du Grand-Duché du Luxembourg de 1985 à 1987 pour l’accompagnement spirituel ; de 2000 à 2006 comme supérieur de la communauté SaintClaude La Colombière où il a terminé ses jours le 20 septembre 2013. Les petits billets qu’il écrivait chaque semaine dans Alleluia Arche ont été collationnés dans deux livres aux titres évocateurs : Heureux avec eux et Que tout s’arrange. Robert Huet, s.j.
Homélie de la messe des funérailles Le P. André a souvent été au pied de la croix que beaucoup parmi nous ont dû porter douloureusement. C’est sans doute là qu’il a reçu de Jésus Marie pour Mère. La dévotion mariale de notre père et ami a entretenu en lui un cœur tendre et maternel. Quand il arrivait à Lourdes, il aimait dire : « Elle m’attendait ! Regarde comme elle est contente de me voir ! » Et voici qu’au ciel, c’est maintenant la grande rencontre !
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Nous avec eux La croix de Jésus — de son cœur ouvert ont coulé le sang et l’eau —, la croix des vœux de Compagnon de Jésus, déposée sur le cercueil, le chemin de croix que le P. André faisait à pieds nus, évoquant toutes les souffrances du monde, la petite croix sur le front que, les derniers jours, il venait demander à son supérieur avant de la lui faire à son tour… La croix, celle de chacun de nous dans cette église. Tous sans doute, nous avons été rencontrés par le P. André, une immense présence, à un moment difficile de notre existence. De sa belle écriture, dans une plaquette pour les jeunes en pèlerinage (1969), il disait : « Sois présent à toute souffrance. Les plus vraies sont les plus cachées. Les plus proches sont les plus lourdes à porter. Jésus te parle à travers elles. Connais-tu son message d’espérance ? » Ce message d’espérance, le P. André en a été le vecteur par sa qualité d’écoute et d’accueil. Il n’y a de réponse à la souffrance que celle de l’amour que je porte à celui qui souffre. « Sois accueillant, soucieux de chacun, crois en ce qui est meilleur en lui, écoute-le, aime-le de cette amitié qui n’est pas attirance, mais présence à son problème, à sa recherche… » Je me souviens encore de cette phrase de l’abbé Pierre qu’il nous citait lorsque j’étais son élève : « Aimer, c’est : quand tu souffres, j’ai mal. » Pour le P. André, les moins valides étaient des révélateurs d’Évangile : « Ils voient de ce regard intérieur qui distingue et reconnaît par un accord en profondeur. Ils sont l’enfant qui nous est proposé comme modèle pour entrer dans le Royaume. […] Ils sont Jésus Christ crucifié au milieu de nous, sauvant le monde… Mets-toi à leur école pour regarder avec leurs yeux et trouver à leur lumière la réponse aux vraies questions ! » Mais n’oublions pas la première lecture, celle de la fête de sainte Bernadette, qu’on lisait lors des messes au cachot, ce lieu insalubre
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d’où la voyante s’encourait vers ses rendezvous à la grotte. Le P. André avait si bien perçu que l’Église est communauté ou elle n’est pas. Il n’a donc cessé de créer des communautés : le Toit, la « messe du samedi », la chapelle de Cocrou, le pélé des Équipes Saint-Michel, les équipes Foi et Lumière, toutes les relations qu’il tissait et qu’il mettait en contact les unes avec les autres. Le P. André était un animateur de communautés — l’étole sur son cercueil le rappelle — et, au cœur de celles-ci, il y avait toujours le plus faible, le plus fragile. Je n’ose pas commencer la litanie : Denis, Hélène, Marco, Vianney, Patrick, Marthe-Angèle… Il nous invitait sans cesse à nous caler sur le plus petit. Il a vécu « un sacerdoce totalement donné aux plus fragiles ». Il y avait aussi les jeunes, porteurs du monde de demain, auxquels il faisait confiance. Le P. André était en cela un visionnaire, car il n’y a pas d’avenir si l’on oublie les « moins rentables » et si on compte sans les jeunes. Il voyait déjà l’Église de demain. Le soir de l’inauguration du Toit, le P. Louis Toussaint, son inspirateur et ami, prononçait une homélie assez prophétique. Il se réjouissait donc de l’éclosion de petites maisons, de petites communautés qui permettaient à l’Évangile de passer de bouche à oreille, de personne à personne, par la relation personnelle. L’Église du P. André était en réseau, comme un filet au maillage très serré. Que de vocations suscitées, que de vies réorientées que de liens tissés. « Cet homme et son regard ont un jour changé ma vie. » Lourdes a profondément marqué la vie du P. André. Cette ville mariale fut au cœur de sa vie, elle en fut aussi comme le point d’orgue. Souvent il évoquait ce pèlerinage en compagnie de sa maman souffrante. Il y eut la grande aventure des pélés à Lourdes avec les jeunes,
Eux avec nous Pour l’Arche des pauvres Issu de lignée noble, il entra au noviciat Chez les bons Pères jésuites, il n’en fit pas un plat En régence, en mission au collège Saint Michel Les jeunes gens, intrigués, reçurent comme du miel Il emmena des scouts en pèlerinage à Lourdes Pour éveiller à Dieu les oreilles les plus sourdes Les personnes avec handicap il écouta De chaleur humaine sans hésiter les combla Pour ouvrir la maison du Toit se démena Un havre de paix et d’amour à l’Arche créa Des hordes de plus en plus nombreuses allèrent en train Se rendre près de la Vierge à Lourdes, ce n’est pas vain Emmenant les personnes handicapées en peine Découvrant l’amitié, le service, c’est d’la veine Des novices jésuites, des jeunes gens de bonne famille Étourdis et frivoles, furent touchés par la vie Conférences, chemin de Croix, de la bonne nourriture Avec la messe du Père, des beaux chants c’est nature Il organisa pour les jésuites en régence Des weekends mémorables pour entrer dans la danse Pour fêter la Pâque à Beausart il m’emmena Au château de son frère, puis la messe célébra Après le feu si difficile à allumer Deux jésuites illustres vinrent nous réconforter Il célébrait la belle messe de Foi et Lumière Les chants avec instruments n’étaient pas nés d’hier Les enfants de chœur menés par un jeune scolastique Et un séminariste les mettait en musique Contre toute attente il fut nommé supérieur Des étudiants théologiens et professeurs Conduisant la barque de l’IET à bon port Pour former des disciples qui dans le monde soient forts Une mission plus méritoire à lui fut confiée Supérieur des confrères retraités et âgés Pour rendre doux leurs vieux jours et les préparer Á la vie après la vie, le bonheur espéré En 2011 les quarante ans du Toit furent fêtés Tant d’années, les personnes différentes, enchantées En 2012, l’atelier du Grain eut 35 ans Avec beaucoup d’amusement et d’émerveillement Un jour il rejoignit, après toutes ces missions La Colombière, maison où l’on fait attention Exercer la patience, l’amour comme une rente Admirable passion, supplication orante Gonzague Jolly, .s.j Echos • Supplément 2013-4 •
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et ces équipes hôtels qui permettaient aux personnes moins valides de vivre le pèlerinage autrement. Et puis ce dernier pèlerinage dont il est revenu apaisé, prêt à vivre son grand passage vers le Père. Il était passé entièrement du côté des malades. J’ai pu lui donner l’onction des malades au milieu de ceux pour qui, jadis, il animait lui-même le pèlerinage. Il ne pouvait désormais plus parler ni même écrire, mais il lui restait ses yeux. « Oh, ce regard, je ne l’oublierai jamais », dit un chant à propos de Jésus. Ces yeux voient maintenant l’invisible auquel il a tant cru et qu’il nous a fait voir. « Le ciel est plus beau avec lui », aimait dire le P. André, offrant une de ses formules profondément théologiques, mais d’une simplicité qui touche le cœur. Le P. André était en effet un « baroudeur de l’intelligence du cœur ».
« Ce qui est folie dans le monde, Dieu l’a choisi pour confondre les sages ; ce qui est faible dans le monde, Dieu l’a choisi pour confondre ce qui est fort ; Ce qui dans le monde est vil et méprisé, ce qui n’est pas, Dieu l’a choisi pour réduire à rien ce qui est, afin que nulle créature ne puisse s’enorgueillir devant Dieu. » 1 Co 1, 18.25.27-31
« Merci d’avoir osé commencer tant de projets, merci de nous avoir toujours incités à aimer et à vivre avec les personnes les plus fragiles et les plus humbles. » Témoignage
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Merci, cher P. André, d’avoir été pour nous, comme le dit Nathalie, un P. inspirant, aimant, exigeant et confiant. Oui, le ciel est plus beau avec vous, mais la Terre n’est pas moins belle pour autant, car vous y avez laissé une trace profonde. Vous êtes un fondateur, et nous sommes les héritiers. Aujourd’hui, au cœur même de l’émotion, nous nous sentons invités à poursuivre. Avec la Vierge Marie, priez pour nous et que votre mémoire vivant en nos cœurs soit souffle de vie et d’espérance. Terminons par un Ave Maria, « car c’est bien la prière de ceux qui ne peuvent s’empêcher d’être là, des malades qui n’en peuvent inventer d’autres, des pèlerins distraits qui vont où on les guide, de tous les pauvres du monde que Dieu, en Marie, salue à son tour… » Charles Delhez, s.j.
« Heureux les pauvres de cœur : le Royaume des cieux est à eux Heureux les miséricordieux : il leur sera fait miséricorde Heureux ceux qui font œuvre de paix : ils seront appelés fils de Dieu. » Mt 5, 3.6.9
« Près de la croix de Jésus se tenait debout sa mère… Voyant sa mère et près d’elle le disciple qu’il aimait, Jésus dit à sa mère : « Femme, voici ton fils ». Il dit ensuite au disciple : « Voici ta mère ». Et depuis cette heure-là, le disciple la prit chez lui. » Jn 19, 25-27
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