Lettre de La Pairelle de mars 2014

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PB- PP B-01134 BELGIE(N) - BELGIQUE

Sous le signe de la joie
 L’annĂ©e 2013 s’est terminĂ©e par deux Ă©vĂ©nements heureux ! Le 23 novembre dernier, la famille ignatienne de Belgique francophone, rejointe par une importante dĂ©lĂ©gation du Luxembourg, a vĂ©cu une belle rencontre inaugurale de partage des multiples expĂ©riences vĂ©cues et de leur mise en rĂ©seau. Une fois encore, le rĂ©cit de l’itinĂ©raire d’Ignace a permis « aux histoires personnelles de faire corps » (35Ăšme C.G. de la Compagnie de JĂ©sus, dĂ©cret 2, § 2). La triple contribution du Centre Avec dans cette Ă©dition de notre Lettre, explicitant la deuxiĂšme demande du Notre PĂšre, est un beau signe de la fĂ©conditĂ© du rĂ©seau ignatien. Le 17 dĂ©cembre, avec une discrĂ©tion typique de celui qui Ă©tait ainsi mis Ă  l’honneur, Pierre Favre, un des premiers compagnons d’Ignace, Ă©tait canonisĂ© par le pape François. Si nous Ă©tions nombreux Ă  souhaiter et Ă  espĂ©rer cet Ă©vĂ©nement, La Pairelle s’est particuliĂšrement rĂ©jouie de ce que celui dont Ignace louait la maniĂšre d’accompagner les Exercices soit ainsi reconnu par l’Église. Saint Pierre Favre Ă©claire Ă©galement la rĂ©flexion partagĂ©e dans cette Lettre lorsqu’il Ă©crit Ă  la fin de sa vie : « Il vaut mieux ĂȘtre plein de grĂące et faire grandement de petites choses, que ne pas croĂźtre intĂ©rieurement et faire misĂ©rablement de grandes choses. De toutes petites actions faites avec une grande bĂ©nĂ©diction de la grĂące ont plus de durĂ©e et plus de fruits que des actions trĂšs importantes accompagnĂ©es d’une petite grĂące» (MĂ©morial, 3 avril 1545). Pierre, dans l’accompagnement et dans toute action cherchant Ă  faire croĂźtre le Royaume, nous nous recommandons tous Ă  ton intercession. P. Etienne Vandeputte sJ Directeur

Fais venir ton rĂšgne, Fais se rĂ©aliser ta volontĂ© sur la terre, Ă  l’image du ciel « Les temps sont accomplis et le Royaume de Dieu s’est approchĂ© : changez vos coeurs, accueillez la Bonne Nouvelle ». Ainsi commence la prĂ©dication de JĂ©sus. Toute son existence, son enseignement, ses oeuvres « LĂ  oĂč il passait, il faisait le bien » et ïŹnalement le don qu’il fait de sa vie sont consacrĂ©s Ă  faire advenir le Royaume (le RĂšgne) de Dieu. Et c’est la mission qu’il conïŹe aux disciples qu’il a rassemblĂ©s et qu’il envoie proclamer la Bonne Nouvelle jusqu’aux extrĂ©mitĂ©s du monde.

« Landmine » : « Je n’ai pas de pied qui puisse ĂȘtre lavĂ©... » Metta Karuna, Cambodge.

Le Royaume, c’est le monde selon le coeur de Dieu. JĂ©sus nous en dĂ©voile le mystĂšre dans la grande scĂšne du Jugement (Mt 25) : « J’ai eu faim et vous m’avez donnĂ© Ă  manger, soif et vous m’avez donnĂ© Ă  boire
 vous ĂȘtes venus Ă  moi
 ». Le RĂšgne de Dieu advient partout oĂč des femmes et des hommes ont soin les uns des autres, se font les prochains de ceux qui sont dans le besoin, se soucient aussi du bien de la sociĂ©tĂ© et de toute la famille humaine. Sans oublier la force cachĂ©e de la priĂšre et de toutes les passivitĂ©s quand elles sont offertes. Quand nous prions « PĂšre, fais venir ton rĂšgne, fais se rĂ©aliser ta volontĂ© sur la terre, Ă  l’image du ciel », c’est toute la rĂ©alitĂ© du monde – les tristesses et les angoisses, les joies et les espoirs – que nous prĂ©sentons Ă  Dieu. Et nous nous rendons disponibles pour accueillir, avec une immense gratitude, la force de son amour et laisser conformer notre vie, dans tous ses dĂ©tails, Ă  l’image de JĂ©sus. « Sans moi vous ne pouvez rien faire », nous a dit JĂ©sus. Mais, parce qu’il est avec nous jusqu’à la ïŹn des temps, il ose nous inviter Ă  « aimer comme il nous a aimĂ©s ». Jean-Marie Faux s.J.

Ed. resp. : Michel DANCKAERT ‱ Rue Marcel Lecomte 25 - B-5100 WĂ©pion - Namur ‱ Bureau de dĂ©pĂŽt : 5000 Namur 1 ‱ N° d’agrĂ©ation P 201 136


Cette priĂšre oĂč JĂ©sus relie ciel et terre peut Ă©galement ĂȘtre mienne et 
 nĂŽtre. L’EXPERIENCE DE L’INJUSTICE Tel un potier qui travaille la glaise, Dieu nous façonne dĂšs le sein de notre mĂšre. AnimĂ©s d’un souffle de vie singulier, nous entamons la vie dĂ©pendants, fragiles et mendiants. Un long chemin nous attend, un chemin d’apprentissage et de rencontres, avec des hauts et des bas. Un jour, sans que nous le voulions, notre route rencontre le mal embusquĂ© dans le monde. Une expĂ©rience qui blesse et qui suscite de l’incomprĂ©hension. Un autre jour, nous faisons l’expĂ©rience des tentations du monde. Nous donnons prioritĂ© Ă  la satisfaction de nos dĂ©sirs Ă©goĂŻstes aux dĂ©pens des autres, de la nature et mĂȘme de cette transcendance qui nous habite. C’est l’expĂ©rience d’une trahison intĂ©rieure. Un dĂ©senchantement se produit et peut ĂȘtre suivi d’une descente aux enfers. Ces deux expĂ©riences fondamentales nous remplissent de tristesse et nous font rĂ©flĂ©chir. Comment ai-je pu ignorer mon frĂšre ? Pourquoi n’ai-je pas pris soin de la CrĂ©ation ? Comment ai-je pu faire du mal ? Une voix crie en nous « plus jamais ça ! ». L’expĂ©rience de l’injustice est au coeur de notre humanitĂ©. La rĂ©volte est saine, le repentir est salvateur, pourvu qu’ils invitent au changement. Si mĂȘme le plus noir nuage a toujours sa frange d’or, nous Ă©voquons l’espĂ©rance d’un rĂšgne de paix et d’amour, plus fort et plus durable que tout le mal du monde et au-delĂ  de notre propre finitude. Et pour construire ce rĂšgne, nous nous tournons vers Dieu et vers les autres. Car seuls, nous sommes incapables de construire un tel Ă©difice.

MĂ©morial du mur de Berlin

S’ENGAGER POUR UNE SOCIETE PLUS SOLIDAIRE VoilĂ  quelques lignes qui Ă©voquent le chemin menant Ă  la rĂ©flexion engagĂ©e. Individuellement et collectivement. Une sociĂ©tĂ© peut poser les jalons d’une nouvelle solidaritĂ©. Nous devons penser et agir, mettre en oeuvre une transition salutaire. Combattre l’exclusion et l’injustice. Donner la parole aux sans-voix et construire une dĂ©mocratie inclusive. Changer notre rapport Ă  la nature et Ă  la crĂ©ation trop souvent rĂ©duits Ă  l’exploitation. Rendre Ă  l’humanitĂ© la grandeur de son image cĂ©leste. Un fameux programme de dialogue et d’écoute. Au Centre Avec, centre d’analyse sociale basĂ© Ă  Bruxelles, notre travail veut aider Ă  mettre des mots sur les crises de ce monde et sur les chemins de transition. Au sens Ă©tymologique, le mot crise est un moment de discernement, de jugement et de choix. Nous nous donnons trois axes de recherche : comment changer notre rapport au monde, notre relation Ă  autrui et nos maniĂšres de construire le collectif. En rendant compte des signes d’espĂ©rance prĂ©sents dans notre sociĂ©tĂ©.

Frédéric Rottier Directeur du Centre Avec

Foi et engagement pour la justice Le Royaume de Dieu grandit au coeur du monde. Ma foi dans la Bonne Nouvelle du Royaume annoncĂ© par JĂ©sus-Christ me donne la tĂąche de discerner les signes d’espĂ©rance dans la rĂ©alitĂ© mĂȘlĂ©e de la vie humaine et de la vie du monde. Elle me donne aussi la responsabilitĂ© de me mettre Ă  la tĂąche, ensemble avec les femmes et les hommes de bonne volontĂ©, pour construire un monde plus juste et plus humain. Ainsi, ma foi interpelle sans cesse ma maniĂšre d’ĂȘtre au monde. En retour, mon engagement pour plus de justice fait bouger et nourrit ma foi. La spiritualitĂ© ignatienne m’aide Ă  vivre mes combats pour la solidaritĂ© comme autant de rendez-vous avec le Christ. Elle m’aide Ă  trouver ma juste place, Ă  faire ce que je peux lĂ  oĂč je suis en acceptant mes pauvretĂ©s, mes limites et mes contradictions. Elle m’aide aussi Ă  trouver dans la gratitude pour tout le bien reçu, une source pour continuer, jour aprĂšs jour, Ă  m’engager.

Claire Brandeleer Membre du Centre Avec

QUE TON ESPRIT NOUS ÉCLAIRE À ceux d’entre-nous qui ont une croix lourde Ă  porter, donne, Seigneur JĂ©sus, de vivre dans l’espĂ©rance d’une paix retrouvĂ©e. Stany Simon, sJ

Chercher et choisir la volontĂ© de Dieu : l’« Ă©lection » selon saint Ignace Quand Ignace parle d’élection il ne pense Ă©videmment pas au choix de nos reprĂ©sentants politiques. Il entend par lĂ  le processus par lequel un chrĂ©tien cherche activement le dĂ©sir de Dieu sur sa vie ou une part de sa vie, pour la mettre en pratique.

« Election » ou « DĂ©cision »? Avec nos contemporains, nous parlons plus facilement de dĂ©cisions Ă  prendre. L’horizon, c’est alors l’homme avec sa libertĂ© et sa responsabilitĂ© individuelle et sociale, en rĂ©fĂ©rence Ă  sa conscience. Pour Ignace, l’horizon est plus large : l’homme comme ĂȘtre crĂ©Ă© dans sa relation avec Dieu et qui s’interroge si le Seigneur a des attentes particuliĂšres sur lui Ă  tel moment prĂ©cis de son « histoire sainte ». Parler d’élection nous situe donc Ă  un niveau de profondeur qui implique un dĂ©centrement de soi pour donner la prioritĂ© au dĂ©sir de Dieu. S’il s’agit bien de moi dans toute l’ampleur de ma libertĂ© et dignitĂ© humaines, celles-ci sont rĂ©fĂ©rĂ©es Ă  Dieu de maniĂšre essentielle.

coeur ressembler Ă  JĂ©sus Christ, je serai peut-ĂȘtre amenĂ© Ă  choisir le chemin de la Passion, de l’humiliation ou de la pauvretĂ© comme lui, ce qui nĂ©cessite une grande gĂ©nĂ©rositĂ© et humilitĂ© pour aller Ă  l’encontre des valeurs dominantes de notre sociĂ©tĂ© !

ReconnaĂźtre la volontĂ© de Dieu Ignace distingue trois maniĂšres diffĂ©rentes et complĂ©mentaires pour reconnaĂźtre la volontĂ© de Dieu. La premiĂšre est celle d’une Ă©vidence immĂ©diate, donnĂ©e d’en haut Ă  la maniĂšre de la vocation de saint Paul ou de saint Matthieu. Si ce type d’expĂ©rience spirituelle n’est pas donnĂ© d’office ou trĂšs frĂ©quent, on peut nĂ©anmoins en demander la grĂące et rester vigilant pour

pour ou contre telle option, Ă  en jauger les poids respectifs et Ă  les comparer pour adopter la solution qui me semble recueillir le plus d’arguments. Ce travail plus rationnel peut s’accompagner d’une attention aux motions intĂ©rieures et viceversa ; dans la majoritĂ© des cas, une combinaison des 2e et 3e maniĂšres de choisir aidera Ă  trouver la bonne dĂ©cision. En sachant qu’un argumentaire est toujours sujet Ă  caution, car des motivations trĂšs diverses peuvent s’y entremĂȘler. De toute façon, l’élection comporte une dimension de travail sur soi et en soi, tout en se disposant Ă  accueillir la grĂące d’en haut.

Favoriser la plus grande union Ă  Dieu possible

Plus une Ă©lection est importante, plus il faut se disposer intĂ©rieureCHOISIR DE CHOISIR ment par la priĂšre et, si besoin, Choisir fait peur parce qu’on risque de se par un temps de retraite oĂč toute tromper. l’attention peut se porter sur Dieu Choisir, c’est renoncer et cela frustre. et les mouvements intĂ©rieurs. On peut postposer. Il faut s’assurer que l’objectif Mais ne jamais opter revient Ă  laisser les autres principal poursuivi c’est la louange ou les Ă©vĂ©nements dĂ©cider Ă  ma place. et l’amour de notre CrĂ©ateur et Seigneur. Pour m’aider, je peux Donc Ă  vivre par procuration sans garantie de m’imaginer quel conseil je rĂ©sultats meilleurs. Alors je choisis de choisir
 donnerais Ă  une tierce personne CĂ©cile Cazin qui se trouve dans la mĂȘme situation, ou encore ce que j’aimerais avoir choisi quand je me l’accueillir. Pour Ignace, cette trouve sur le point de mourir ou maniĂšre de faire Ă©lection est la plus devant le Seigneur de gloire. sĂ»re puisque Dieu s’y communique Aussi l’élection, qui est la piĂšce directement Ă  l’ñme du croyant, sous maĂźtresse de la retraite des 30 jours, la forme d’une trĂšs grande ne se situe-t-elle qu’au milieu de la consolation intĂ©rieure qui ne laisse 2e semaine, quand le retraitant a subsister ni doute ni hĂ©sitation. dĂ©jĂ  fait la lumiĂšre sur son histoire de La seconde, c’est l’attention aux grĂąces et de pĂ©chĂ©s et s’est (re)mis mouvements intĂ©rieurs, consolations en route Ă  la suite de JĂ©sus. C’est et dĂ©solations. dire qu’une Ă©lection ne se fait pas Ă  Si telle alternative me remplit la lĂ©gĂšre, mais comme elle concerne habituellement de joie, de paix, une orientation importante de ma vie, d’harmonie avec moi-mĂȘme et me je dois me mettre dans de bonnes Peut-ĂȘtre le message principal renforce sur mon chemin Ă  la suite conditions pour bien la rĂ©aliser. d’Ignace aux chrĂ©tiens de son temps du Christ, il y a fort Ă  parier qu’elle et d’aujourd’hui, c’est de ne pas se correspond Ă  la volontĂ© de Dieu. Si, SimplicitĂ© Ă©vangĂ©lique rĂ©signer Ă  rester dans l’indĂ©cision, par contre, d’y penser me remplit de mais d’oser compter sur Dieu qui Pour Ignace, celui qui veut agir selon doutes, de crainte, d’un sentiment de aime entrer en communication avec la volontĂ© de Dieu doit entrer avant vide intĂ©rieur, de sĂ©cheresse ceux et celles qu’il chĂ©rit pour les tout dans la simplicitĂ© Ă©vangĂ©lique : spirituelle, cela peut ĂȘtre le signe que appeler Ă  choisir un « plus de vie » chercher d’abord le royaume de Dieu Dieu n’attend pas lĂ  un engagement Ă  la suite de son Fils. et sa justice (Mt 6,33), donc de ma part. Faire Ă©lection, c’est donc Ă  la fois un relativiser toute prĂ©fĂ©rence Si la premiĂšre maniĂšre offre une acte de foi et un acte de gĂ©nĂ©rositĂ©, personnelle pour donner la prioritĂ© certitude immĂ©diate, la seconde l’expression de mon dĂ©sir de absolue au dĂ©sir de Dieu. Cela peut nĂ©cessite de la patience, un lent progresser sur le chemin oĂč JĂ©sus impliquer bien des combats pour me travail d’attention et de discernement m’appelle Ă  ĂȘtre au plus prĂšs de lui rendre « indiffĂ©rent », c’est-Ă -dire qui demande en rĂšgle gĂ©nĂ©rale un dans les circonstances concrĂštes de disposĂ© Ă  choisir librement ce que accompagnement sĂ©rieux. ma vie. Un dĂ©fi qu’il vaut la peine de j’aurai reconnu comme volontĂ© de La troisiĂšme maniĂšre de faire Ă©lection relever ! Dieu. Et si je dĂ©sire de tout mon consiste Ă  chercher les arguments Josy Birsens s.J.


Cette priĂšre oĂč JĂ©sus relie ciel et terre peut Ă©galement ĂȘtre mienne et 
 nĂŽtre. L’EXPERIENCE DE L’INJUSTICE Tel un potier qui travaille la glaise, Dieu nous façonne dĂšs le sein de notre mĂšre. AnimĂ©s d’un souffle de vie singulier, nous entamons la vie dĂ©pendants, fragiles et mendiants. Un long chemin nous attend, un chemin d’apprentissage et de rencontres, avec des hauts et des bas. Un jour, sans que nous le voulions, notre route rencontre le mal embusquĂ© dans le monde. Une expĂ©rience qui blesse et qui suscite de l’incomprĂ©hension. Un autre jour, nous faisons l’expĂ©rience des tentations du monde. Nous donnons prioritĂ© Ă  la satisfaction de nos dĂ©sirs Ă©goĂŻstes aux dĂ©pens des autres, de la nature et mĂȘme de cette transcendance qui nous habite. C’est l’expĂ©rience d’une trahison intĂ©rieure. Un dĂ©senchantement se produit et peut ĂȘtre suivi d’une descente aux enfers. Ces deux expĂ©riences fondamentales nous remplissent de tristesse et nous font rĂ©flĂ©chir. Comment ai-je pu ignorer mon frĂšre ? Pourquoi n’ai-je pas pris soin de la CrĂ©ation ? Comment ai-je pu faire du mal ? Une voix crie en nous « plus jamais ça ! ». L’expĂ©rience de l’injustice est au coeur de notre humanitĂ©. La rĂ©volte est saine, le repentir est salvateur, pourvu qu’ils invitent au changement. Si mĂȘme le plus noir nuage a toujours sa frange d’or, nous Ă©voquons l’espĂ©rance d’un rĂšgne de paix et d’amour, plus fort et plus durable que tout le mal du monde et au-delĂ  de notre propre finitude. Et pour construire ce rĂšgne, nous nous tournons vers Dieu et vers les autres. Car seuls, nous sommes incapables de construire un tel Ă©difice.

MĂ©morial du mur de Berlin

S’ENGAGER POUR UNE SOCIETE PLUS SOLIDAIRE VoilĂ  quelques lignes qui Ă©voquent le chemin menant Ă  la rĂ©flexion engagĂ©e. Individuellement et collectivement. Une sociĂ©tĂ© peut poser les jalons d’une nouvelle solidaritĂ©. Nous devons penser et agir, mettre en oeuvre une transition salutaire. Combattre l’exclusion et l’injustice. Donner la parole aux sans-voix et construire une dĂ©mocratie inclusive. Changer notre rapport Ă  la nature et Ă  la crĂ©ation trop souvent rĂ©duits Ă  l’exploitation. Rendre Ă  l’humanitĂ© la grandeur de son image cĂ©leste. Un fameux programme de dialogue et d’écoute. Au Centre Avec, centre d’analyse sociale basĂ© Ă  Bruxelles, notre travail veut aider Ă  mettre des mots sur les crises de ce monde et sur les chemins de transition. Au sens Ă©tymologique, le mot crise est un moment de discernement, de jugement et de choix. Nous nous donnons trois axes de recherche : comment changer notre rapport au monde, notre relation Ă  autrui et nos maniĂšres de construire le collectif. En rendant compte des signes d’espĂ©rance prĂ©sents dans notre sociĂ©tĂ©.

Frédéric Rottier Directeur du Centre Avec

Foi et engagement pour la justice Le Royaume de Dieu grandit au coeur du monde. Ma foi dans la Bonne Nouvelle du Royaume annoncĂ© par JĂ©sus-Christ me donne la tĂąche de discerner les signes d’espĂ©rance dans la rĂ©alitĂ© mĂȘlĂ©e de la vie humaine et de la vie du monde. Elle me donne aussi la responsabilitĂ© de me mettre Ă  la tĂąche, ensemble avec les femmes et les hommes de bonne volontĂ©, pour construire un monde plus juste et plus humain. Ainsi, ma foi interpelle sans cesse ma maniĂšre d’ĂȘtre au monde. En retour, mon engagement pour plus de justice fait bouger et nourrit ma foi. La spiritualitĂ© ignatienne m’aide Ă  vivre mes combats pour la solidaritĂ© comme autant de rendez-vous avec le Christ. Elle m’aide Ă  trouver ma juste place, Ă  faire ce que je peux lĂ  oĂč je suis en acceptant mes pauvretĂ©s, mes limites et mes contradictions. Elle m’aide aussi Ă  trouver dans la gratitude pour tout le bien reçu, une source pour continuer, jour aprĂšs jour, Ă  m’engager.

Claire Brandeleer Membre du Centre Avec

QUE TON ESPRIT NOUS ÉCLAIRE À ceux d’entre-nous qui ont une croix lourde Ă  porter, donne, Seigneur JĂ©sus, de vivre dans l’espĂ©rance d’une paix retrouvĂ©e. Stany Simon, sJ

Chercher et choisir la volontĂ© de Dieu : l’« Ă©lection » selon saint Ignace Quand Ignace parle d’élection il ne pense Ă©videmment pas au choix de nos reprĂ©sentants politiques. Il entend par lĂ  le processus par lequel un chrĂ©tien cherche activement le dĂ©sir de Dieu sur sa vie ou une part de sa vie, pour la mettre en pratique.

« Election » ou « DĂ©cision »? Avec nos contemporains, nous parlons plus facilement de dĂ©cisions Ă  prendre. L’horizon, c’est alors l’homme avec sa libertĂ© et sa responsabilitĂ© individuelle et sociale, en rĂ©fĂ©rence Ă  sa conscience. Pour Ignace, l’horizon est plus large : l’homme comme ĂȘtre crĂ©Ă© dans sa relation avec Dieu et qui s’interroge si le Seigneur a des attentes particuliĂšres sur lui Ă  tel moment prĂ©cis de son « histoire sainte ». Parler d’élection nous situe donc Ă  un niveau de profondeur qui implique un dĂ©centrement de soi pour donner la prioritĂ© au dĂ©sir de Dieu. S’il s’agit bien de moi dans toute l’ampleur de ma libertĂ© et dignitĂ© humaines, celles-ci sont rĂ©fĂ©rĂ©es Ă  Dieu de maniĂšre essentielle.

coeur ressembler Ă  JĂ©sus Christ, je serai peut-ĂȘtre amenĂ© Ă  choisir le chemin de la Passion, de l’humiliation ou de la pauvretĂ© comme lui, ce qui nĂ©cessite une grande gĂ©nĂ©rositĂ© et humilitĂ© pour aller Ă  l’encontre des valeurs dominantes de notre sociĂ©tĂ© !

ReconnaĂźtre la volontĂ© de Dieu Ignace distingue trois maniĂšres diffĂ©rentes et complĂ©mentaires pour reconnaĂźtre la volontĂ© de Dieu. La premiĂšre est celle d’une Ă©vidence immĂ©diate, donnĂ©e d’en haut Ă  la maniĂšre de la vocation de saint Paul ou de saint Matthieu. Si ce type d’expĂ©rience spirituelle n’est pas donnĂ© d’office ou trĂšs frĂ©quent, on peut nĂ©anmoins en demander la grĂące et rester vigilant pour

pour ou contre telle option, Ă  en jauger les poids respectifs et Ă  les comparer pour adopter la solution qui me semble recueillir le plus d’arguments. Ce travail plus rationnel peut s’accompagner d’une attention aux motions intĂ©rieures et viceversa ; dans la majoritĂ© des cas, une combinaison des 2e et 3e maniĂšres de choisir aidera Ă  trouver la bonne dĂ©cision. En sachant qu’un argumentaire est toujours sujet Ă  caution, car des motivations trĂšs diverses peuvent s’y entremĂȘler. De toute façon, l’élection comporte une dimension de travail sur soi et en soi, tout en se disposant Ă  accueillir la grĂące d’en haut.

Favoriser la plus grande union Ă  Dieu possible

Plus une Ă©lection est importante, plus il faut se disposer intĂ©rieureCHOISIR DE CHOISIR ment par la priĂšre et, si besoin, Choisir fait peur parce qu’on risque de se par un temps de retraite oĂč toute tromper. l’attention peut se porter sur Dieu Choisir, c’est renoncer et cela frustre. et les mouvements intĂ©rieurs. On peut postposer. Il faut s’assurer que l’objectif Mais ne jamais opter revient Ă  laisser les autres principal poursuivi c’est la louange ou les Ă©vĂ©nements dĂ©cider Ă  ma place. et l’amour de notre CrĂ©ateur et Seigneur. Pour m’aider, je peux Donc Ă  vivre par procuration sans garantie de m’imaginer quel conseil je rĂ©sultats meilleurs. Alors je choisis de choisir
 donnerais Ă  une tierce personne CĂ©cile Cazin qui se trouve dans la mĂȘme situation, ou encore ce que j’aimerais avoir choisi quand je me l’accueillir. Pour Ignace, cette trouve sur le point de mourir ou maniĂšre de faire Ă©lection est la plus devant le Seigneur de gloire. sĂ»re puisque Dieu s’y communique Aussi l’élection, qui est la piĂšce directement Ă  l’ñme du croyant, sous maĂźtresse de la retraite des 30 jours, la forme d’une trĂšs grande ne se situe-t-elle qu’au milieu de la consolation intĂ©rieure qui ne laisse 2e semaine, quand le retraitant a subsister ni doute ni hĂ©sitation. dĂ©jĂ  fait la lumiĂšre sur son histoire de La seconde, c’est l’attention aux grĂąces et de pĂ©chĂ©s et s’est (re)mis mouvements intĂ©rieurs, consolations en route Ă  la suite de JĂ©sus. C’est et dĂ©solations. dire qu’une Ă©lection ne se fait pas Ă  Si telle alternative me remplit la lĂ©gĂšre, mais comme elle concerne habituellement de joie, de paix, une orientation importante de ma vie, d’harmonie avec moi-mĂȘme et me je dois me mettre dans de bonnes Peut-ĂȘtre le message principal renforce sur mon chemin Ă  la suite conditions pour bien la rĂ©aliser. d’Ignace aux chrĂ©tiens de son temps du Christ, il y a fort Ă  parier qu’elle et d’aujourd’hui, c’est de ne pas se correspond Ă  la volontĂ© de Dieu. Si, SimplicitĂ© Ă©vangĂ©lique rĂ©signer Ă  rester dans l’indĂ©cision, par contre, d’y penser me remplit de mais d’oser compter sur Dieu qui Pour Ignace, celui qui veut agir selon doutes, de crainte, d’un sentiment de aime entrer en communication avec la volontĂ© de Dieu doit entrer avant vide intĂ©rieur, de sĂ©cheresse ceux et celles qu’il chĂ©rit pour les tout dans la simplicitĂ© Ă©vangĂ©lique : spirituelle, cela peut ĂȘtre le signe que appeler Ă  choisir un « plus de vie » chercher d’abord le royaume de Dieu Dieu n’attend pas lĂ  un engagement Ă  la suite de son Fils. et sa justice (Mt 6,33), donc de ma part. Faire Ă©lection, c’est donc Ă  la fois un relativiser toute prĂ©fĂ©rence Si la premiĂšre maniĂšre offre une acte de foi et un acte de gĂ©nĂ©rositĂ©, personnelle pour donner la prioritĂ© certitude immĂ©diate, la seconde l’expression de mon dĂ©sir de absolue au dĂ©sir de Dieu. Cela peut nĂ©cessite de la patience, un lent progresser sur le chemin oĂč JĂ©sus impliquer bien des combats pour me travail d’attention et de discernement m’appelle Ă  ĂȘtre au plus prĂšs de lui rendre « indiffĂ©rent », c’est-Ă -dire qui demande en rĂšgle gĂ©nĂ©rale un dans les circonstances concrĂštes de disposĂ© Ă  choisir librement ce que accompagnement sĂ©rieux. ma vie. Un dĂ©fi qu’il vaut la peine de j’aurai reconnu comme volontĂ© de La troisiĂšme maniĂšre de faire Ă©lection relever ! Dieu. Et si je dĂ©sire de tout mon consiste Ă  chercher les arguments Josy Birsens s.J.


PB- PP B-01134 BELGIE(N) - BELGIQUE

Sous le signe de la joie
 L’annĂ©e 2013 s’est terminĂ©e par deux Ă©vĂ©nements heureux ! Le 23 novembre dernier, la famille ignatienne de Belgique francophone, rejointe par une importante dĂ©lĂ©gation du Luxembourg, a vĂ©cu une belle rencontre inaugurale de partage des multiples expĂ©riences vĂ©cues et de leur mise en rĂ©seau. Une fois encore, le rĂ©cit de l’itinĂ©raire d’Ignace a permis « aux histoires personnelles de faire corps » (35Ăšme C.G. de la Compagnie de JĂ©sus, dĂ©cret 2, § 2). La triple contribution du Centre Avec dans cette Ă©dition de notre Lettre, explicitant la deuxiĂšme demande du Notre PĂšre, est un beau signe de la fĂ©conditĂ© du rĂ©seau ignatien. Le 17 dĂ©cembre, avec une discrĂ©tion typique de celui qui Ă©tait ainsi mis Ă  l’honneur, Pierre Favre, un des premiers compagnons d’Ignace, Ă©tait canonisĂ© par le pape François. Si nous Ă©tions nombreux Ă  souhaiter et Ă  espĂ©rer cet Ă©vĂ©nement, La Pairelle s’est particuliĂšrement rĂ©jouie de ce que celui dont Ignace louait la maniĂšre d’accompagner les Exercices soit ainsi reconnu par l’Église. Saint Pierre Favre Ă©claire Ă©galement la rĂ©flexion partagĂ©e dans cette Lettre lorsqu’il Ă©crit Ă  la fin de sa vie : « Il vaut mieux ĂȘtre plein de grĂące et faire grandement de petites choses, que ne pas croĂźtre intĂ©rieurement et faire misĂ©rablement de grandes choses. De toutes petites actions faites avec une grande bĂ©nĂ©diction de la grĂące ont plus de durĂ©e et plus de fruits que des actions trĂšs importantes accompagnĂ©es d’une petite grĂące» (MĂ©morial, 3 avril 1545). Pierre, dans l’accompagnement et dans toute action cherchant Ă  faire croĂźtre le Royaume, nous nous recommandons tous Ă  ton intercession. P. Etienne Vandeputte sJ Directeur

Fais venir ton rĂšgne, Fais se rĂ©aliser ta volontĂ© sur la terre, Ă  l’image du ciel « Les temps sont accomplis et le Royaume de Dieu s’est approchĂ© : changez vos coeurs, accueillez la Bonne Nouvelle ». Ainsi commence la prĂ©dication de JĂ©sus. Toute son existence, son enseignement, ses oeuvres « LĂ  oĂč il passait, il faisait le bien » et ïŹnalement le don qu’il fait de sa vie sont consacrĂ©s Ă  faire advenir le Royaume (le RĂšgne) de Dieu. Et c’est la mission qu’il conïŹe aux disciples qu’il a rassemblĂ©s et qu’il envoie proclamer la Bonne Nouvelle jusqu’aux extrĂ©mitĂ©s du monde.

« Landmine » : « Je n’ai pas de pied qui puisse ĂȘtre lavĂ©... » Metta Karuna, Cambodge.

Le Royaume, c’est le monde selon le coeur de Dieu. JĂ©sus nous en dĂ©voile le mystĂšre dans la grande scĂšne du Jugement (Mt 25) : « J’ai eu faim et vous m’avez donnĂ© Ă  manger, soif et vous m’avez donnĂ© Ă  boire
 vous ĂȘtes venus Ă  moi
 ». Le RĂšgne de Dieu advient partout oĂč des femmes et des hommes ont soin les uns des autres, se font les prochains de ceux qui sont dans le besoin, se soucient aussi du bien de la sociĂ©tĂ© et de toute la famille humaine. Sans oublier la force cachĂ©e de la priĂšre et de toutes les passivitĂ©s quand elles sont offertes. Quand nous prions « PĂšre, fais venir ton rĂšgne, fais se rĂ©aliser ta volontĂ© sur la terre, Ă  l’image du ciel », c’est toute la rĂ©alitĂ© du monde – les tristesses et les angoisses, les joies et les espoirs – que nous prĂ©sentons Ă  Dieu. Et nous nous rendons disponibles pour accueillir, avec une immense gratitude, la force de son amour et laisser conformer notre vie, dans tous ses dĂ©tails, Ă  l’image de JĂ©sus. « Sans moi vous ne pouvez rien faire », nous a dit JĂ©sus. Mais, parce qu’il est avec nous jusqu’à la ïŹn des temps, il ose nous inviter Ă  « aimer comme il nous a aimĂ©s ». Jean-Marie Faux s.J.

Ed. resp. : Michel DANCKAERT ‱ Rue Marcel Lecomte 25 - B-5100 WĂ©pion - Namur ‱ Bureau de dĂ©pĂŽt : 5000 Namur 1 ‱ N° d’agrĂ©ation P 201 136


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