CONGRÈS DE LA FÉDÉRATION NATIONALE DE LA PÊCHE EN FRANCE – LUNDI 23 JUIN 2014
Intervention de M. Claude ROUSTAN, Président de la FNPF à Mme Ségolène ROYAL, Ministre de l'Écologie, du Développement Durable et de l’Energie « J’accueille avec beaucoup de plaisir Madame la Ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, Madame Ségolène Royal. Je vais passer tout de suite à l’accueil. Madame la Ministre est très pressée, mais je la remercie infiniment d’avoir pris un peu de temps. Madame la Ministre de l’Ecologie, Mesdames et Messieurs les parlementaires, Mesdames et Messieurs les Directeurs, Mesdames et Messieurs les présidents, Mesdames et Messieurs, chers amis et invités, je vous souhaite la bienvenue, Madame la Ministre à ce moment important de notre vie associative : le congrès annuel des présidents de fédérations de pêche et de protection des milieux aquatiques. Une fois par an, nous tenons ce congrès après notre assemblée générale afin d’échanger avec notre ministère et notre ministre. Sachez que je suis extrêmement ravi et honoré, Madame la Ministre, de vous compter pour la première fois parmi nous. Je sais que votre calendrier est chargé, les projets que vous portez sont au centre d’une véritable révolution et nous engagent pour l’avenir. Je parle plus précisément de la transition énergétique, de la conférence bancaire, de la fiscalité écologique et j’en passe. Bien entendu, dans vos priorités je sais qu’il y a aussi une loi importante : la loi biodiversité. Avant de vous dire un mot de chacun de ces sujets importants de l’année, je souhaite d’abord vous présenter notre réseau associatif. Le réseau associatif pêche avec un plus de 1,3 million d’adhérents est, comme j’aime à le souligner, le second de France après le football. C’est de circonstance aujourd’hui. 94 fédérations départementales, dont deux ultra‐marines, la Réunion et Saint‐Pierre‐et‐Miquelon, et quelque 4 000 associations agréées et 40 000 bénévoles. La pêche de loisir que nous représentons, c’est une contribution d’un peu plus de deux milliards d’euros à la richesse nationale, 40 000 bénévoles actifs œuvrant pour le loisir et les écosystèmes soit l’équivalent de 3 500 emplois. La pêche c’est aussi un regroupement de toutes les catégories socioprofessionnelles, un loisir ouvert et démocratique. Une activité que nous voulons maintenir populaire. Le réseau de pêche, c’est aussi plus de 100 000 citoyens qui bénéficient d’une sensibilisation à l’environnement. Un groupe d’étude pêche existe de longue date à l’Assemblée nationale par la volonté de Jean‐Louis Bianco que j’ai grand plaisir à remercier. Nous travaillons également avec le groupe d’étude pêche au Sénat. Je remercie d’ailleurs Monsieur le Député, Jean‐Michel Clément, président du groupe pêche à l’Assemblée nationale et Madame la Sénatrice, Michèle André, vice‐présidente du groupe d’étude pêche au Sénat. Cette année a été marquée par plusieurs dossiers importants pour notre réseau et j’en profite pour vous dire que nous travaillons régulièrement et efficacement avec les services de votre ministère, que nous sommes globalement bien représentés dans toutes les instances qui nous concernent. Encore récemment, nous avons pris le temps nécessaire avec Jean‐Louis Bianco et Jean‐Marc Michel que nous avons rencontrés et qui se sont montrés à l’écoute de nos préoccupations, j’y reviendrai dans un instant. Je souhaite tout d’abord évoquer la loi biodiversité. Notre position sur cette loi est claire, elle est d’ailleurs stabilisée depuis un moment. Nous saluons avec conviction tous les efforts entrepris pour améliorer les outils, les concepts et « SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI »
CONGRES DE LA FEDERATION NATIONALE DE LA PECHE EN FRANCE – LUNDI 23 JUIN 2014
les principes favorisant la biodiversité. Cela ne vous surprendra guère, nous avons également salué la consécration des services rendus par la nature et les services écosystémiques. Nous avons sérieusement travaillé avec vos services sur de nombreux amendements. Comme vous le savez, nous avons une vision largement partagée sur les propositions qui ont été soumises aux parlementaires. Nous cherchons à faciliter la vie de nos gardes bénévoles et le fonctionnement de nos associations, à sanctionner plus énergiquement le trafic international de carpes et à conforter le brochet, espèce menacée. Je voudrais insister sur deux d’entre eux indéfectiblement liés : l’un vise à reconnaître législativement nos plans de gestion piscicole pour donner une réelle efficacité et consacrer notre expertise, l’autre pour faciliter le développement de notre loisir, partagé par plus d’un million de citoyens, moteur d’un développement économique et social assuré. Nous souhaitons vivement que vous puissiez nous accompagner dans cette démarche. Sur le fond du projet de loi, à présent. Les grandes orientations du projet de loi biodiversité sont largement partagées par la fédération nationale de la pêche, notamment la recherche d’une meilleure efficacité de la consultation et de la décision publiques. Permettez‐moi de m’arrêter un instant sur la future agence de la biodiversité. A l’occasion de notre dernier congrès, j’attirais l’attention de la Ministre de l’Ecologie de l’époque sur quelques‐unes de nos inquiétudes. A l’origine, nous avons émis des doutes, des craintes et des interrogations, pour ne pas dire plus. Nous ne pouvons soutenir une remise en cause de l’architecture globale de la politique de l’eau qui a largement fait ses preuves. Nous sommes opposés à un éparpillement des moyens, en particulier financiers, et à un financement de la biodiversité globale par les seules finances de la politique de l’eau, le tout au mépris d’un principe « l’eau paye l’eau ». Enfin, et vous le comprendrez, nous ne pouvons accepter une disparition de la compétence « police de l’eau et de la pêche ». L’ONEMA est d’abord une organisation conçue, créée et portée à l’origine par les pêcheurs sous forme associative pour lutter contre le braconnage. C’est donc d’abord une volonté de mettre en place un embryon de police qui a motivé les pêcheurs à créer dans les années 40 une organisation qui est devenue ensuite un établissement public, le Conseil supérieur de la Pêche. En 2006, le Conseil supérieur de la pêche est devenu l’Office national de l’Eau et des Milieux aquatiques et à l’époque nous avions la même crainte, mais nous avons accompagné la réforme. Nous redoutions que le poisson ne soit noyé dans l’eau en 2006. En fait, nous ne souhaitons pas que les milieux humides et aquatiques s’effacent devant le remembrement des terrains ou noyés par les débordements maritimes. La concertation autour de l’agence de la biodiversité, en particulier lors des différentes réunions des instances de concertation nationales (CNTE, CNE, etc.) et avec Jean‐Marc Michel en qualité de préfigurateur, a été de bonne qualité. Notre position n’est pas, a priori, naturelle, car les risques et doutes que j’évoquais ont un sens. En cette période de grande morosité, j’ai tendance à penser que tout est possible et que la confiance est un gage de réussite. Alors je vous le dis, Madame la Ministre, nous appréhendons avec confiance et sérénité la création de cette agence, et une farouche volonté de travailler avec elle nous anime. Néanmoins et vous l’aurez compris, nous souhaitons que vous nous confirmiez que la police de l’eau et de la pêche sera bien exercée par la future agence. Nous avons d’ailleurs proposé un amendement en ce sens. Je rends au passage hommage à tous ces collaborateurs qui sont chargés de réaliser une mission de terrain pas toujours évidente. Il est important que vous nous confirmiez que l’Etat demeure au centre de cette politique, notamment au travers de la mission de police, dans un contexte où la déréglementation est de rigueur par souci de simplification et de réduction des effectifs. Nous voulons également que vous réaffirmiez que la place de la directive‐cadre sur l’eau sera bien dominante dans cette agence, d’ailleurs plusieurs de nos propositions participent de cette idée et nous y tenons tout naturellement. Sur son fonctionnement, il ne me paraît pas présomptueux de revendiquer une présence notable de notre organisation au sein de cette agence eu égard à ses missions et à la contribution en termes techniques, de connaissances et de mobilisation humaines dont nous faisons preuve. Poursuivant mon propos sur la gouvernance, je souhaite aborder plus particulièrement la gouvernance locale de l’eau en quelques mots brefs. D’abord les comités de bassins qui ont fait récemment l’objet d’une modification. Nous avons d’ailleurs renforcé notre présence sur Rhône‐Méditerranée‐Corse, Seine‐Normandie et Artois‐Picardie. Un consensus semble se dégager sur Adour‐Garonne et nous attendons votre arbitrage sur Loire‐Bretagne. Sur ces deux bassins stratégiques, nous souhaitons ardemment que le président de l’association migrateur puisse siéger dans ce parlement local de l’eau. L’enjeu des migrateurs, de la continuité écologique et des espèces emblématiques, notamment sur la Bretagne, mérite votre soutien. « SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI »
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S’agissant de la réforme GEMAPI par laquelle les communes et leurs intercommunalités disposent des compétences de prévention des inondations et de gestion des milieux aquatiques, nous pensons que c’est globalement une bonne réforme, mais qui ne doit pas casser ce qui marche déjà en déstructurant nos organisations qui, avec leurs petits moyens, interviennent déjà sur ces problématiques. D’autre part, et surtout, je crois que la compétence qui nous est dévolue par la loi pour la gestion de la biodiversité ne doit pas être démantelée dans le cadre de la loi biodiversité. Or je vois arriver des amendements visant à donner une compétence « gestion de la biodiversité aquatique » aux EPTB. Je pense que la réforme GEMAPI a d’abord été guidée par le souci de prévenir les inondations et de faire émerger une maîtrise d’ouvrage en termes de travaux et d’entretien. La gestion de la biodiversité aquatique est déjà prise en charge par nos soins, nous avons toujours su répondre présents sur ce point. Concernant les contrats Etat‐régions, nous connaissons tous l’attachement qui est le vôtre aux actions locales positives. Les contrats Etat‐régions constituent une opportunité réelle de mobiliser notamment les réseaux associatifs comme les nôtres. J’évoquais le montant de la richesse produite par notre activité de loisir, deux milliards d’euros. J’évoquais également l’importance que nous accordons à la place de la biodiversité dans nos politiques. Ces contrats Etat‐régions ne devront pas négliger la dimension biodiversité. Je vous sais sensibilisée sur cette attente. Nous savons aussi pouvoir compter sur vous. Je tiens également à souligner que notre travail partenarial avec votre ministère en faveur de la DCE est encore renforcé depuis que nous avons signé une convention de partenariat en 2012 avec les agences de l’eau. Ce partenariat permet aux agences de soutenir les actions de nos fédérations participant à la restauration de la continuité écologique, d’une meilleure connaissance et protection de la biodiversité aquatique. Il a réellement permis de faire émerger et de soutenir une maîtrise d’ouvrage sur les milieux aquatiques. Gérard Guillaud présentera tout à l’heure en détail ce travail partenarial en faveur de notre patrimoine sur le bassin Rhône‐Méditerranée‐Corse. Cependant, je tiens à souligner le professionnalisme et la mobilisation de toutes les agences et de leurs responsables que je tiens à saluer au passage. D’ailleurs certains sont présents ici aujourd’hui. Depuis peu, nous avons également noué un partenariat utile avec l’ONEMA pour faciliter la connaissance et le partage d’expériences. Avec le ministère de l’Education nationale et votre ministère, nous sommes signataires, Madame la ministre, d’une convention depuis bientôt 4 ans. Nous intervenons depuis des années auprès des écoles, et c’est pour nous un enjeu déterminant. Ce sont plus de 100 000 scolaires qui bénéficient d’une action de sensibilisation. Nous avons saisi Monsieur Benoît Hamon, ministre de l’Education nationale, d’un renouvellement de notre convention. Nous espérons, Madame la ministre, un soutien de votre part à un moment où les collectivités s’interrogent sur les modalités de mise en place des nouveaux rythmes scolaires. La transition énergétique, chantier stratégique, chantier important, mais chantier conflictuel s’il en est. Les annonces à l’occasion du projet de loi énergie ne nous rassurent pas, en particulier la place qui sera accordée, vous le comprenez, à la petite hydroélectricité, que d’aucuns ont présenté comme une énergie verte pour l’effet de serre. Pour nous et nos milieux aquatiques, si j’ose dire c’est plutôt une énergie noire. Notre crainte majeure est connue, c’est que l’hydroélectricité puisse être prévue comme une alternative aux prévisions de baisse du nucléaire. Notre position sur l’hydroélectricité est ancienne, pragmatique et ferme. Pour nous, pêcheurs, nos rivières sont largement saturées par des ouvrages de toute nature, pour certains utiles, d’autres pas ; certains sont en bon état, d’autres en ruine ou considérablement dégradés. Fort de ce constat, l’optimisation des ouvrages existants est pour ce qui nous concerne la seule issue. S’agissant des grands ouvrages concédés, nous avons accueilli avec satisfaction votre souhait de mieux impliquer l’Etat et les collectivités dans les grandes concessions au travers de sociétés d’économie mixte. De leur côté, les opérateurs historiques ont acquis une culture de la protection de nos rivières et, si tout est loin d’être parfait, disons que du chemin a été fait. Nous ne doutons pas que l’Etat et les collectivités seront irréprochables quant à la protection de nos écosystèmes, car ils se doivent d’être exemplaires. Nous souhaitons aussi que ce projet de loi fasse également l’objet d’une consultation du comité national de l’eau. Je vous disais aussi que notre position est ferme. Elle est fermée à tout nouveau projet d’ouvrages hydroélectriques en particulier les petits ouvrages. Plus de 50 000 ouvrages de toute nature minent la continuité écologique et sédimentaire. Nombre d’entre eux ont vécu et vivent encore en marge du droit. Les hypothétiques avantages environnementaux, économiques ou sociaux mis en avant par cette filière sont, j’allais dire, souvent imaginaires. Vous savez, nous vivons aux côtés de ces ouvrages depuis des générations, nous savons les perturbations qu’ils occasionnent pour le patrimoine piscicole. Ces ouvrages sont bien souvent financés par des fonds publics pour leur « SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI »
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mise aux normes, et leur électricité est largement financée par de l’argent public, mécanisme d’ailleurs critiqué par l’Europe. Je note d’ailleurs au passage que ce mécanisme est encore renforcé dans le projet de loi énergie alors qu’aucune initiative nouvelle n’est prise pour la qualité et la continuité écologique des cours d’eau dans cette loi énergie. Sans préjuger du débat parlementaire, nous souhaitons vivement que vous nous précisiez vos intentions, Madame la Ministre, en matière d’hydroélectricité. Au prix de plusieurs années de discussion dans les bassins, certaines rivières sont classées comme ne devant pas supporter de nouveaux ouvrages. Ce sont en quelque sorte des joyaux de notre patrimoine commun. Cela n’empêche d’ailleurs pas des projets de retenue de substitution ou des ouvrages hydroélectriques d’apparaitre au grand jour. Avant de conclure et vous laisser nous rassurer, j’évoquerai un dossier important rapidement et qui est à la confluence de tous mes propos. Depuis 2007, chaque pêcheur, quel que soit son statut (annuel, hebdomadaire, journalier) s’acquitte d’une redevance aux agences de l’eau. Le pêcheur est le seul citoyen à s’acquitter d’une telle redevance et d’autre part à financer, via son association, les actions et travaux d’intérêt général de protection, de surveillance et de restauration des écosystèmes. Je devrais continuer en disant qu’il s’acquitte également d’une redevance pour pouvoir pêcher sur les baux du domaine public fluvial. A titre indicatif, la loi fixe cette redevance à 10 euros maximum par pêcheur. Le taux effectivement pratiqué est de 8,80 euros par pêcheur soit plus de 10 % du prix d’une carte de pêche. Le montant total de ces redevances est estimé à 9 millions d’euros soit plus que la contribution de certaines activités économiques. Ces activités, tout en continuant à pleinement profiter des aides des agences de l’eau dans certains cas, au mépris des milieux aquatiques d’ailleurs, sollicitent une baisse de leurs redevances. Cette situation n’est plus tenable. Je parle ici d’équité, mais également d’efficacité. Le cadre budgétaire dans lequel nous évoluons avec une baisse tendancielle de nos adhérents, les moyens que nous mobilisons à vos côtés toujours plus importants, la diminution des subventions des collectivités locales, le reste à charge net pour nos structures sur chaque action que nous menons militent en faveur d’un assouplissement certain de cette redevance. Là encore, éternellement nous nous singularisons. Nous ne discutons pas du principe de participation du pêcheur au financement de la politique de l’eau. Nous souhaitons véritablement ouvrir le débat sur le montant, le juste montant auquel le pêcheur doit être assujetti. Ce sujet est ancien. Notre mouvement associatif est très attentif sur cette question. Nous souhaitons vivement, Madame la Ministre, que vous soyez la ministre du rétablissement de l’équité écologique, et pour ma part, j’y crois fermement. Voilà, Madame la Ministre, les propos que je voulais vous tenir. Voilà également énumérés certains dossiers sur lesquels nos attentes sont fortes. Je n’ai pas évoqué l’eau et l’agriculture, ni le chantier de la simplification du droit ou encore certains de nos conflits d’usage. Le monde de la pêche avance, il propose, réalise, protège, valorise, bref il vit, s’adapte à son temps, et il est aussi capable d’innover. Il le fait, fidèle à sa culture, dans le calme, la mesure et surtout il est guidé par une volonté quasiment génétique : la recherche permanente de l’intérêt commun et collectif. Je ne doute donc pas, Madame la Ministre, que vous soyez sensible à ces attentes, comme je sais que vous avez déjà su l’être en tant que présidente de région. Je vous remercie de votre attention. » « SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI »
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