Portrait de Laurent Labat

Page 1

7 0 GRAN DAN 00 D S CE € d JEU NU e l -CO MÉR ot N O s à CO ga URS gn er

le nUMÉRo 1 Des MaGaZines De pêche

n° 850 • Mars 2016

Carnassiers

patientez en 1re catégorie

Tout ce qu’il faut savoir sur

LES TRESSES

silure

albinos et mandarins

leurres ou appÂts ?

Bien cibler son

tourisMe

ouverture

les belles eaux du Doubs

éleCtroniQue

toutes les nouveautés

L 14821 - 850 S - F: 5,95 € - RD

France métro : 5,95 € Bel. : 6,50 € – Lux. : 6,50 € CH : 11,80 FS – Dom/S : 6,50 € Can. : 9,50 $can. – Port. cont. : 6,60 € Réunion : 6,50 € – May. : 6,60 €

Le leurre du mois 3DB crayfish Yo-Zuri Tests canne toc Whisker trout 394 Ml Daiwa  lame vibrante Mutsu Jig power  Moulinet pro Max 3-l abu garcia  canne players 242 Xh sakura  Moulinet citica 201 shimano  tresse torque Fox rage


POrTrAIT

De l’Alaska, où il transportait les pêcheurs de saumons, à l’île d’Yeu, en passant par les étangs de Mépieu et le Moulin de Sauvage, Laurent Labat n’a cessé de faire graviter sa vie autour de la pêche. Visionnaire talentueux et imaginatif, entrepreneur iconoclaste, passionné d’eau et de nature, cet homme a su mener à bien de multiples projets sans jamais renier un idéal humaniste fièrement revendiqué.

En 1996, Laurent Labat faisait la une de notre magazine avec l’une des belles tanches de ses étangs de Mépieu. Vingt ans plus tard, l’homme tient toujours fermement la barre d’une vie pourtant déjà bien remplie.

Photo Michel Tarragnat

Laurent Labat

54

Un prophète i la pêche et les poissons mars 2016


O

n pourrait passer des soirées entières au coin du feu à écouter Laurent Labat raconter les péripéties d’une existence bien remplie, mais sa pudeur de gentleman le lui interdit. Rappelons qu’un gentleman, selon la défi nition du regretté Pierre Desproges, c’est « celui qui sait jouer de la cornemuse… et n’en joue pas ! ».

de la loire À l’alasKa

Il y a tout juste vingt ans que Laurent et moi nous sommes liés d’amitié, lors de notre formation de guide de pêche à la Maison nationale de l’eau et de la pêche d’Ornans (25). Il avait alors vingt-six ans et rentrait d’un séjour de huit années aux États-Unis. Il a dix-huit ans en effet lorsqu’il entame, en Arizona, des études d’aviateur, son rêve de gosse. Licence de pilote d’avion et d’hélicoptère en poche, il trouve un job en rapport avec la pêche, une passion que son grand-père lui a ino-

culée dès l’âge de trois ans, sur les bords de la Loire : le voici pilote d’hydravion et guide de pêche du saumon et de la truite arc-en-ciel en Alaska. Formation à l’américaine qui va le marquer à vie et qu’il complète par deux mois en Californie comme assistant sur un bateau de pêche sportive du requin ! Le ton est donné : Laurent n’agit déjà que par passion. L’argent ne l’intéresse pas, c’est un toucheà-tout et un idéaliste. Celui qui se destinait au métier de pilote sera finalement guide de pêche. D’où la formation à Ornans pour décrocher son diplôme de guide en France. Il y fait la connaissance de Jean-Philippe Carry avec qui il s’associe pour gérer et développer le centre de pêche des étangs de Mépieu, dans l’Isère. À l’époque, le concept est nouveau, il n’existe que très peu de domaines privés de ce type. Un certain nombre de reportages, parus à l’époque dans La Pêche et les Poissons, sont d’ailleurs réalisés là-bas, comme celui avec Mick Brown, spécialiste anglais de la pêche du brochet au poisson mort posé. Laurent

fait même notre une, en juin 1996 mais ce sera l’une de ses rares apparitions médiatiques en vingt ans. Cette discrétion s’explique par un de ses traits de caractère : il ne se met jamais en avant. Il ne tolère pas, par exemple, qu’un guide puisse pêcher et prendre du poisson au nez et à la barbe de son client, sauf à la demande expresse de celui-ci, le temps d’une démonstration ou d ’une explication technique. C’est une règle qu’il a toujours imposée aux nombreux guides de pêche qu’il a contribué à former, et dont certains se sont depuis fait un nom tels Richard Baumann, Jeoffroy Julliard ou, plus récemment, Vincent de Bruyne.

on the road again

Le Domaine des étangs de Mépieu doit finalement fermer ses portes après avoir perdu le droit de pêche suite aux manœuvres des écologistes locaux qui rêvaient d’en faire une réserve naturelle. Laurent se reconvertit et crée le réseau France Nature et Pêche, éditant pendant cinq ans un catalogue référençant l’ensemble des guides et sites de tourisme pêche en France. Alors membre du Gifap (Groupement de l’industrie française d’articles de ➤ pêche), il participe aux discus-

e idéaliste la pêche et les poissons mars 2016

55


1.

3.

2.

1. Laurent Labat a passé la majeure partie de sa vie professionnelle dans la pêche… et c’est loin d’être fini ! 2. Sans être un grand technicien, Laurent, guide de pêche diplômé, sait très bien comment berner ses brochets du Moulin de Sauvage. 3. Laurent a craqué un jour pour le Moulin de Sauvage, qu’il a entièrement réhabilité pour en faire un vrai paradis à l’intention des pêcheurs en eau douce. 4. Un homme de goût qui sait aussi ce que bien vivre veut dire. 5. Laurent a remis au goût du jour ce très ancien leurre souple, rebaptisé Citro’N, et dont il a relancé la fabrication en série.

56

➤ sions sur la mise en place de

Pescalis et entame des pourparlers qui seront finalement infructueux pour racheter l’École française de pêche d’Yvan Drachkovitch. Il est à l’époque un référent en matière de tourisme pêche et guidage, mais il passe trop de temps sur la route et cette situation finit par lui peser. C’est alors qu’il découvre le Moulin de Sauvage, dans la Marne. Le site est en piteux état mais il est vendu avec douze kilomètres de rivière, une turbine installée au fil de l’eau, et tous les droits afférents : pêche, chasse, production électrique, etc. Il y pose ses valises pour en faire « un site de développement durable qui fonde son équilibre économique sur la gestion de la force motrice (turbine) et du milieu, au service des pêcheurs ». En clair, la pêche fait vivre le moulin à la belle saison, et en hiver la turbine prend le relais. Il réunit l’équipe des anciens guides de Mépieu pour réhabiliter le mou-

la pêche et les poissons mars 2016

4.

lin et le cours d’eau, avec notamment un apport de 12 000 tonnes de cailloux et 15 000 pieds d’iris, pour obtenir une rivière très riche avec une grande biodiversité. Le poisson abonde : brochets, sandres, truites, perches et quantité de blancs font le bonheur des clients lors de descentes guidées en canoë.

mille projets

Beaucoup se seraient contentés de gérer tranquillement ce petit paradis, mais Laurent ne se sent bien que dans la conception et la réalisation de projets dont il confie la gestion à d’autres. Il est celui qui montre la direction et ouvre la voie, rarement celui qui en tire profit. Il monte avec son frère la mai-

son d’édition Road Book, spécialisée dans la création de livres audio à partir de grands classiques de la littérature. Il se lance également dans la création d’une usine de transformation biogénétique mais le projet est interrompu quand son père, patriarche vieillissant, lui demande de reprendre l’imprimerie familiale et ses deux cents employés. Ne se sentant pas vraiment la fibre industrielle, il hésite longuement mais finit par accepter. Il engage Vincent de Bruyne pour tenir le moulin à sa place. Mal lui en prend car la presse papier est en crise… Mais Laurent privilégiant la biomasse salariale au détriment de la rentabilité, refuse tout licenciement économique. Est-il besoin de préciser que


Pour être bon pêcheur, il faut être profondément humain et utiliser tous ses sens, c’est tout !

7.

6.

5.

ses discours enflammés sur les écosystèmes économiques et la place de l’humain dans l’entreprise laissent l’Urssaf et les banques de marbre ? Il a toujours détesté les bureaucrates, qui le lui rendent bien. En 2014, c’est la fin de l’aventure industrielle, l’imprimerie est en redressement…

l’Île d’yeu

Expérience traumatisante pour Laurent qui vénérait son père, entretemps disparu. Il a le sentiment de ne pas avoir été à la hauteur. Son visage de viking triomphant et rayonnant porte désormais les stigmates de cet épisode douloureux. Abattu, il trouve refuge dans la maison de famille de l’Île d’Yeu, pour un retour aux sources : la pêche. Mais rapidement son goût pour l’aventure et les projets reprend le dessus avec la création d’une petite entreprise : Lignes

laurent pêche aux leurres depuis toujours… quitte à prendre certaines libertés dans ses montages, comme en témoigne l’une de ses créations : le double plouf qui consiste à monter deux poissons morts en tandem, avec une plombée décalée pour que le tout puisse planer et onduler dans le courant. l’idée semble farfelue au premier abord, mais en fait les emmêlements sont rares et quand on voit comment ça travaille, on comprend que c’est génial !

d’Yeu. Il rachète les brevets, les machines et le savoir-faire dans la fabrication d’un leurre souple mythique chez les pêcheurs en mer et notamment les ligneurs professionnels : le leurre Adys, plus connu sous le nom de leurre Citroën à cause des deux chevrons qui figurent les ouïes. C’est la naissance du Citro’N, dont il vend 19 000 exemplaires en quelques mois, rien que sur la côte atlantique. Il enchaîne avec la fabrication de ligne montées pour la traîne et la pêche sportive, sous forme de commerce équitable : ces lignes sont montées sur place par d’anciens marins pêcheurs. En parallèle, il se démène auprès de la municipalité pour monter un projet visant à faire de l’Île d’Yeu un hot spot de la pêche sportive, ou plutôt récréative. Car il se méfie de l’expression pêche sportive : « Je ne pêche pas pour la

compétition, mais parce que la pêche est un moyen d’accomplissement. Je suis un genre de mystique, et mon église est la nature. Pour être bon pêcheur, il faut être profondément humain et utiliser tous ses sens, c’est tout. » Il est vrai qu’en dépit des milliers de poissons qu’il a mis au sec, Laurent n’a jamais été un grand technicien, encore moins un amoureux du matériel de pêche.

drÔles de montages

Son mépris des convenances ne le prédispose pas à suivre les modes et à se spécialiser dans la dernière technique en vogue. Ses montages sont souvent peu soignés, « Infâmes, dit même Vincent de Bruyne qui m’explique que Laurent n’est pas un technicien méthodique et soigneux, il pêche d’instinct, avec ses tripes. » Peut-être… mais ça marche ! michel tarragnat

Photos Michel Tarragnat

Le double plouf !

6. C’est désormais sur l’île d’Yeu que Laurent vient se ressourcer et imaginer déjà les futurs projets qu’il ne manquera pas de mettre sur pied, comme il le fait depuis de vingt ans.

Contact � Lignes d’Yeu Laurent Labat Tél. 06 98 06 07 43 � Le Moulin de Sauvage Tél. 06 75 19 43 67 Site : www. le-moulin-desauvage.com

la pêche et les poissons mars 2016

57


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.