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La participation, enjeu d’une

Une réduction importante du nombre de votants aurait pour résultat un affaiblissement de la représentativité

par Patrice Zehr

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Le résultat du vote de dimanche ne fait trop de doute. La liste L’Union (soit Union Nationale Monégasque - UNM) devrait être largement majoritaire. La deuxième liste NIM (Nouvelles Idées pour Monaco) pourrait avoir peut-être - grâce au système électoral - pas plus que deux représentant, en fonction du nombre des candidats présentés au final. La disproportion évidente est un danger au niveau de la mobilisation de l’électorat. C’est pourquoi le principal enjeu du vote - au-delà des élus - sera la participation. Une faible participation - toujours en baisse depuis 2003 - aurait pour résultat un affaiblissement de la représentativité du Conseil national et donc de son poids institutionnel. Ce serait un handicap pour Monaco alors que de nombreux défis qui impliquent des élus s’annoncent. Les négociations délicates d’association avec l’Union Européenne, la mise en conformité avec les recommandations pressantes du rapport Moneyval en matière d’éthique, de transparence et de lutte contre le blanchiment. Sans oublier - bien entendu - d’autres priorités comme le maintien du modèle économique et social malgré les tensions inflationnistes, le renforcement de l’attractivité par des décisions sur la mobilité, sans oublier la priorité permanente du logement domanial.

g Liste dominante… mais pas unique ! S’il y avait un seul mérite à accorder à la liste NIM ce serait d’avoir évité à Monaco l’image négative d’une élection avec une liste unique. La liste unique, même sans parti unique, ce n’est pas démocratiquement l’idéal. Il n’y aura donc pas de liste unique, mais il y a bien objectivement une liste dominante celle de L’Union. C’est pourquoi jusqu’au déclenchement de la campagne officielle où il y a une parité totale, on peut parler de campagne asymétrique. C’est l’égalité

L'EDITORIAL

par Roberto Volponi

du cheval et de l’alouette. En effet, grâce à la méthode de l’ancien président Valeri, toutes les forces politiques représentées dans le parlement sortant sont sur la même liste. Il y a toutes les sensibilités politiques bien connues des monégasques et personnalisées pour les minorités par Béatrice Fresko- Rolfo et Jean-Louis Grinda. Alors bien sûr la liste unique n’aurait pas été une liste d’uniformité : les sensibilités différentes revendiquant le maintien de leurs particularités. On peut leur faire confiance pour ne pas devenir invisibles ou silencieux. Le ralliement à la nouvelle présidente Brigitte Boccone-Pages qui dés le départ a trouvé un style et imposé sa pugnacité a fait penser qu’il n’y avait plus d’espace politique. Impression confirmée par le renoncement de Laurent Nouvion autrefois président du Conseil national à relancer dans la campagne son mouvement Horizon, malgré la volonté de certains de ses partisans de manifester une opposition au ralliement revendiqué par leur ancienne tête de liste. En gros, très peu ne croyaient vraiment que l’élu dissident de Primo! Daniel Boeri pourrait constituer une liste. Il y est parvenu. Il y est parvenu tard, un peu tard même, avec une liste qui n’aura pas 24 candidats mais au moins 13 pour respecter le code électoral. Même avec une deuxième liste la campagne est donc vécue par les Monégasques comme asymétrique et réduite, en tout cas jusqu’à la campagne officielle ou il y eu des clips et des meetings et un débat télévisé. La deuxième liste a eu du mal à se faire bien connaitre et entendre et tout d’est fait au dernier moment. Comme sa présentation à la limite légale ou la présentation d’un vrai programme écrit dans le temps nécessaire à son examen par l’électeur.

g Le défi de la participation électorale La campagne s’est donc accélérée, mais au dernier moment. On peut donc se demander si la mobilisation sera à la hauteur de l’importance de l’enjeu. La campagne de L’Union s’est déroulée jusqu’à la dernière Ré-Union dans une grande sérénité. Morne plaine diraient certains, malgré une impeccable préparation et présentation. Avec une participation très limitée des Monégasques. En effet le programme présenté et bien étudié par des candidats, motivés et jugés pour la grande majorité très compétents, était considéré comme imbattable. L’affaire était donc entendue, pas très mobilisateur. On a senti cependant un frémissement et une vraie mobilisation lors de la soirée consacrée aux négociations avec l’Europe. On a connu une vraie affluence électorale reflétant les inquiétudes des Monégasques. Lors de

David contre Goliath : résultat d’une involution de la démocratie…

Enfin le suspense s’est dissipé : le risque d’une liste unique – qui aurait rendu substantiellement inutiles ces élections - a été évité au dernier moment, grâce à l’obstination d’un élu sortant dissident qui est parvenu à rassembler une deuxième liste, même si réduite et manifestement improvisée. La disproportion entre les deux listes est évidente, et non seulement en termes strictement numériques… Cependant, le 5 février, les électeurs pourront donc choisir dans une sorte de confrontation entre David et Goliath. Mais au contraire de l’épisode biblique, David n’a aucune chance d’abattre le héros des Philistins d’un caillou lancé avec une fronde. Au plus, il peut arriver à lui mettre le petit caillou dans la chaussure… C’est-à-dire, pas plus qu’arriver à décrocher un siège, ou deux si un miracle devait s’avérer. Ce n’est que le résultat peu encourageant d’une brutale involution de la jeune démocratie monégasque, qui avait été inaugurée il y 20 ans, pour permettre l’adhésion de Monaco au Conseil de l’Europe. Ainsi, le pluralisme avait fait ses débuts en 2003 et demeurerait toujours présent à chaque échéance électorale. Aujourd’hui, en coïncidence avec la sortie de scène du seul politique professionnel capable à la fois d’alimenter le pluralisme comme de l’anéantir, le risque était de revenir à la situation de 20 ans arrière. Et l’arrivée d’une deuxième liste ne change pas beaucoup aux données de fond… Or, la démocratie, qui aujourd’hui connaît tant de difficultés, ne doit pas - bien entendu - être l’objet d’un fétichisme aveugle. On peut légitimement lui préférer une des nombreuses autres formes de gouvernement comme l’autocratie, l’aristocratie, la théocratie ou l’anarchie. Ce n’est pas un modèle incontournable, mais, apparemment, comme le disait Churchill, c’est le moins pire de modèles qui nous connaissons. Et surtout, une fois que l’on décide de l’adopter, il faut que des principes fondamentaux soient respectés. De fait, la jeune démocratie monégasque présente de ce point de vue déjà plusieurs points de faiblesse : ce qui néanmoins ne l’a pas empêchée de pouvoir adhérer au Conseil de l’Europe. Si un semblant de pluralisme devait disparaître, alors cette adhésion aussi pourrait être mise en discussion. Ce qui pour l’image de Monaco serait un coup dur, compte tenu des « recommandations » issues du dernier rapport du Comité d'experts sur l'évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (le Moneyval, voir page 4) qui – comme par hasard – est un organe de suivi permanent du Conseil de l'Europe. D’autant plus que les négociations avec sa grand sœur, l’Union européenne se trainent en longueur depuis des années sans jamais aboutir ! Toutefois ces réflexions ne suffisent pas, certes, à pouvoir considérer le leader de la nouvelle liste comme un héro local en tant que sauveur de la démocratie monégasque… Il faut lui reconnaître quand même – autre que le courage et la détermination - le mérite d’avoir contribué – involontairement ou par conviction - au pluralisme de son pays. Ce qui ne veut pas dire nécessairement conflit acharné entre groupes d’opposants, mais plutôt confrontation d’idées parfois divergentes dans un débat public ouvert. Ce à quoi on assiste malheureusement, c’est à une campagne électorale asymétrique, pour utiliser un euphémisme et ne pas dire quasiment inexistante (et sans aucun débat) par rapport aux standards d’une démocratie mature. Aux Monégasques de s’exprimer pour ce qu’il est permis de faire, à travers une participation qu’on espère malgré tout en hausse, pour inverser la tendance vers l’abstention qui s’est manifestée progressivement au cours des deux dernières décennies, et de démontrer leur attachement à la démocratie, même si partiellement mutilée. Ou, au contraire - comme c’est leur droit – de protester à travers l’abstention et de manifester leur mécontentement pour l’expression d’un vote limité seulement à choisir - grâce à la pratique dite du « panachage » - qui selon eux ne devra pas siéger dans le nouveau parlement. Ce n’est pas grand chose !

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