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Fonction publique et priorité nationale POLITIQUE

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Monaco fait évoluer le statut des fonctionnaires. Cela aura pris du temps comme le constate Christophe Orsini, directeur des Ressources Humaines et de la Formation de la Fonction Publique. « Le nouveau statut des fonctionnaires de l’État est entré en vigueur près de 48 ans après sa promulgation initiale - Loi n° 975 du 12 juillet 1975 - et 11 années de travail ayant mobilisé le Secrétariat Général du Gouvernement, l’ensemble des Départements ministériels et de nombreux Services de l’État. » Le Conseil national avait fait le même constat. Le projet de loi sur le statut des fonctionnaires a finalement été voté dans la soirée du 30 juin 2022. Il vient conforter et améliorer les conditions d’exercice des fonctionnaires de la Principauté.

g La priorité nationale prise en compte Mais ce qui a retenu l’attention c’est autre chose. C’est l’affirmation dans le nouveau statut du principe constitutionnel de la « Priorité Nationale » Pour être fonctionnaire en titre il faut donc être de nationalité monégasque. Si le nouveau texte propose une remise à jour des standards sociaux et professionnels, il porte une idée directrice : celle pour la première fois dans l’histoire administrative monégasque, d’énoncer le principe d’une exclusivité d’emploi des Monégasques pour prétendre à la qualité de fonctionnaire. Une précision qui n’existait pas dans la loi initiale de 1975. Même si dans les faits, depuis le début des années 80, le gouvernement n’a plus procédé à la titularisation de personnels non monégasques, à l’exception de ceux employés à la direction des Services judiciaires et à la direction de la Sûreté Publique. Mais bien entendu il y a de nombreux non monégasques dans la fonction publique, ils ont un statut assimilé mais ils sont simplement « agents de l Etat. » Les agents de l’État font partie intégrante de la Fonction Publique monégasque et demeurent essentiels à son organisation et à son fonctionnement, précise le Gouvernement Princier. Il poursuit « Hormis certaines dispositions réservées uniquement aux fonctionnaires de l’État monégasque, le Gouvernement Princier a décidé de faire bénéficier les agents de l’État de ces évolutions et ce, afin de réaffirmer sa confiance et sa reconnaissance envers eux. De surcroît, tout en maintenant leur durée de contrat actuelle, ils auront la possibilité, à l’occasion de leur dernier renouvellement, de conclure un contrat à durée indéterminée. »

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g Des syndicats dénoncent une discrimination

L’Union des syndicats de Monaco (USM) et le Syndicat des agents de l’Etat et de la commune (SAEC) ont dénoncé la distinction autour de la nationalité. Pour les syndicats il y a une discrimination et la priorité nationale a dérivé vers une exclusivité. Ces syndicats ont donc demandé en justice l’annulation de la nouvelle loi. Le Tribunal suprême, dont la décision est sans appel, a rejeté le recours. Le Tribunal suprême a estimé que la loi attaquée par les syndicats n’a ni « pour objet, ni pour effet, compte tenu des caractéristiques démographiques de la Principauté, d’interdire l’accès aux emplois publics de personnes n’ayant pas la nationalité monégasque » et que « aucune disposition de la Constitution n’interdit au législateur de réserver aux nationaux la qualité de fonctionnaire ». « Entérinant une pratique déjà ancienne, la loi du 7 juillet 2022 prévoit désormais que seuls les Monégasques occupant des emplois permanents de l’Etat pourront avoir la qualité de fonctionnaire, à l’exception des étrangers occupant des emplois relatifs à la sécurité et à l’ordre public au sein de la direction de la sûreté publique. Pour tous les autres emplois, les ressortissants étrangers seront recrutés en qualité d’agent contractuel de l’Etat », rappelle le Tribunal Suprême dans un communiqué. Par ailleurs, la loi du 7 juillet 2022 complète le statut des fonctionnaires pour interdire les discriminations au sein de la fonction publique « en raison du genre, des opinions politiques, philosophiques, religieuses ou syndicales, de l’orientation sexuelle, de l’état de santé, du handicap, de l’apparence physique ou de l’appartenance ethnique », rappelle encore le Tribunal. Pour les syndicats ce n’est pas suffisant. Pour les agents la discrimination sortie par la porte pourrait revenir par la fenêtre aggravant les inégalités des statuts au sein de la fonction publique. g Le risque de la justice européenne...

L’affaire n’est peut-être pas définitivement close. Il reste une option aux syndicats : saisir la justice européenne. Cette option est sérieusement envisagée par Olivier Cardot, secrétaire général de l’USM. Et ce ne serait pas sans poser un problème. Cette action pour-

IMSEE rait percuter les délicates négociations en cours entre Monaco et l’Union Européenne. Les syndicats savent bien que la Cour de justice européenne est très concernée par les discriminations. On sait aussi que la priorité nationale est certainement le point le plus délicat des négociations qui devraient aboutir - ou non - en 2023. Le sujet est donc très sensible. Une exclusivité nationale d’embauche pour les syndicats cela va au-delà de la priorité nationale. C’est pour l’USM en contradiction même avec la Charte sociale européenne du Conseil de l’Europe signée par Monaco. La sécurité de l’emploi des monégasques est assurée contrairement aux agents de l’Etat de la Fonction publique qui demeurent des contractuels. Les syndicats se sont dits surpris par la décision du Tribunal suprême et n’entendent pas en rester là. Le respect de la priorité nationale est la principale ligne rouge fixée au gouvernement par le Conseil National. Sa mise en cause par une juridiction européenne pourrait compliquer encore un peu plus le dossier si brûlant des négociations avec la Commission de Bruxelles entre principes essentiels de l’Europe et spécificités monégasques.

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