Cahier Hommage à André Labarrère - 16/19 Mai 1996

Page 1

CE CAHIER VOUS EST OFFERT PAR LA VILLE DE PAU EN PARTENARIAT AVEC PYRÉNÉES-PRESSE

ANDRÉ LABARRÈRE ET PAU

NOUS NOUS SOMMES TANT AIMÉS

Archives Nicolas SABATHIER


Pau pleure son maire André Labarrère est mort. Quatre mots qui ne parviennent pas à dire le choc ressenti ce matin du 16 mai. Toute une ville. Toute une région est empreinte d'émotion. Le premier magistrat de Pau s'est éteint à l'hôpital de Pau au terme de 35 années de mandat à la mairie. La nouvelle a circulé, un peu après le lever du jour. Les téléphones portables, les messageries électroniques, le bouche à oreille ont répandu la nouvelle. Quand la ville s'est animée, à l'heure où chacun reprend ses activités, les Palois partageaient leurs sentiments. André Labarrère est mort : la phrase a parcouru les bus de la communauté d'agglomération. Elle s'est glissée dans les bureaux et les ateliers. L'émotion est à la dimension de la personnalité d'André Labarrère. Depuis que les Palois élisent des maires, nul n'a bénéficié d'une confiance aussi constante. Un communiqué de l'hôpital de Pau est venu officialiser l'information en milieu de matinée. « Monsieur André Labarrère, sénateur maire de Pau, est décédé ce matin à 6 heures 30 au centre hospitalier de Pau, des suites de la maladie qui avait nécessité son hospitalisation au sein de l'établissement ». André Labarrère avait choisi d'informer les Palois du mal qui le rongeait. Peu se doutaient que l'issue serait aussi soudaine. André Labarrère est mort. Pour ne pas être totalement inattendue, la phrase conservera pour beaucoup encore son caractère « incroyable ». Ce matin du 16 mai, les amis, les élus se sont retrouvés à l'hôpital François Mitterrand —une de ses réalisations phares— et à la mairie. Et dès l’après-midi, les Palois ont commencé à rendre hommage à leur maire jusqu’aux obsèques du vendredi 19 mai.

ANDRÉ LABARRERE, UNE VIE POUR PAU LES ADIEUX • De la mairie en l’église Saint-Jacques jusqu’au cimetière, l’émouvant hommage

«Nouste Dédé» et Danièle Mitterrand, Laure Pareilh-Peyrou, et une foule d’anonymes ont suivi le cortège rue des Cordeliers. (Photos N. Sabathier et L. Henry)

E

HUBERT BRUYÈRE

MERCI À TOUS La Ville de Pau rend hommage aux Palois et à toutes celles et ceux qui ont accompagné André Labarrère. «Vous avez beaucoup soutenu André Labarrère, à l’annonce de sa maladie, et puis vous avez été plusieurs milliers à lui témoigner votre affection par écrit à son départ, sur son blog, sur le site Internet de la ville, sur les livres de condoléances, par fax ou encore télégramme.» «Chaque fois, il tenait à vous remercier personnellement. Sachant combien sa reconnaissance vous était acquise, la ville de Pau exprime aujourd’hui ses plus profonds remerciements à tous les anonymes et à toutes les personnes qui ont manifesté leur sympathie et livré leur sentiment en cette occasion».

2

16 - 19 mai 2006

André Labarrère avait dédié sa vie à sa ville qui l’en a remercié, le vendredi 19 mai, dans la ferveur et la dignité. La mairie était sa maison et Pau sa maîtresse. Pour l’éternité.

n 1993, une approche pré- d’incongru. Synonymes de gratitu- son. Mort aux commandes, il a monitoire d’André de et d’un immense respect, elles pris congé d’elle sous un amonLabarrère fixait une distan- illustraient, à leur façon, l’éviden- cellement de fleurs, lui qui les aice quasi philosophique ce d’une relation exclusive notoi- mait tant, et un trop-plein de chaentre l’homme, la ville-jardin qu’il re. «Sa seule chaîne, c’était Pau. grin. Le soleil aura même servit pendant trente-cinq ans et Pas une entrave mais un lien l’élégance de percer au moment charnel, indissolu- où, précédé du fourgon mortuaire, l’existence. Une vision béatifique. «Pau aimait Labarrère ble, inestimable. le cortège emprunte la rue Saint«Pau n’est que sourJusqu’à la dernière Louis et celle des Cordeliers vers ces renouvelées à et Labarrère l’aimait» heure», soulignera l’église Saint-Jacques où, tout à l’plus tard Michèle heure, la messe des funérailles rél’infini... Pau, tout simplement la vie. Notre vie à Alliot-Marie, ministre de la unira les alliés, le conseil municipal au grand complet, des nous qui y sommes nés et qui Défense. savons qu’y mourir sera le plus Le Béarnais sensible à la poésie personnalités politiques de stature beau des accomplissements car on de Paul-Jean Toulet aimait à citer nationale, des célébrités amies ne quitte jamais Pau» écrivait-il deux vers à la force du pressenti- (Danièle Mitterrand, Roger Hanin, ment. «Si vivre est un devoir, Jean-Marie Leblanc...), les em(1). Ces épanchements ont pris, ce quand je l’aurai bâclé/ Que mon ployés municipaux et le peuple de vendredi matin, tout leur sens linceul au moins me serve de mys- Pau. «C’est une grande réussite que devant le cercueil du cinquantiè- tère». L’insaisissable complexité du me maire de Pau franchissant le personnage, «étrange, inclassable, d’avoir des obsèques qui vous resseuil de l’Hôtel de Ville aux qui a eu du panache jusqu’à en semblent» déclare François Bayrou, les yeux rivés accents pathétiques de «La marche mourir», n’a pas «Nous t’aimions sur le cercueil, la funèbre», sous les applaudisse- non plus échappé ments prolongés de centaines d’a- à la perspicacité de flamboyant parce que bannière tricolore et le feutre noir d’une nonymes affectés. Instants poi- François Hollande, premier secrétaire nous te savions blessé» «légende». Au cours gnants. d’une cérémonie Pour aussi étonnantes qu’elles du Parti socialiste. Le 19 mai à 11h, André Labarrè- d’une solennelle sobriété, l’adverpuissent paraître en d’aussi pénibles circonstances, ces manifesta- re a donc quitté la mairie qu’il saire intime du «plus redoutable tions populaires n’avaient rien chérissait comme on choie sa mai- animal politique de France et de


ANDRÉ LABARRERE, UNE VIE POUR PAU à André Labarrère

Pau: à la vie à la mort Dédé dit adieu à sa danseuse

Depuis la mairie, le cortège a emprunté la rue Saint-Louis et celle des Cordeliers vers l’église Saint-Jacques où la messe des funérailles a réuni les alliés, le conseil municipal au grand complet, des personnalités politiques de stature nationale, des célébrités amies, les employés municipaux et le peuple de Pau. (Photo Jean-Philippe Gionnet)

Navarre» aura su, mieux que qui- dans tes mots les accents de ta ville. conque, parer son oraison funèbre Tu savais d’où tu venais» invoque de mots justes, pénétrants, boule- l’éloge d’Alain Rousset. Chez son versants, pour exalter cette com- collègue béarnais, le président du munion unique avec «les Palois et conseil régional d’Aquitaine avait les Béarnais qui avaient choisi de capté, lui aussi, «le soleil noir de la mélancolie». t’aimer». «Il se croyait éternel au point de Ainsi, «Pau aimait Labarrère» et Labarrère l’aimait sans jamais lui nous en convaincre», lance Lauinfliger la routine. «Cet amour, An- rent Fabius qui ne mesure peutdré, a été un feu d’artifice... On ne être pas toute la pertinence de l’afs’est jamais ennuyés» s’incline le firmation. «Sa ville fut sa vie; sa vie président de l’Udf. «Nous t’aimions fut sa ville» enchaîne-t-il. L’une et flamboyant parce l’autre ne faisaient «Tu portais dans qu’un, en effet, et que nous te savions blessé. Au fond de tes mots les accents les concitoyens le ressentaient si ton regard, il y avait de ta ville» bien que, tous houn jeune garçon qui avait appris que sa rizons confondus, vie ne serait pas facile et que, ils lui assurèrent six mandats. Au même peuplée, la solitude serait cimetière où reposent les siens, le sénateur-maire partage désormais, une part de son lot» insinue-t-il. Si beaucoup se réclamèrent de avec sa mère Catherine, le havre ses amis, rares furent ceux qui de quiétude qu’il appelait de ses l’entourèrent d’une tendresse dés- vœux dans l’un de ses hymnes au intéressée. La capitale du Béarn lui berceau natal: «Pau pour toujours. offrira la chaleur d’une vraie fa- Aux jardins de l’intelligence et du mille. «En marchant dans Pau, j’a- cœur. Eternellement». vais le sentiment d’une peine imRENÉE MOURGUES mense, d’un hommage muet, (1) Pau, côté jardins- J&D Editions profond et douloureux. Tu portais (1993).

Aussi célèbre pour sa puissance politique que pour ses frasques, André Labarrère n'avait pas, comme parfois ses congénères, oublié ses classiques et se plaisait à citer Mme de Staël qui, en bonne fille de ministre, écrivait sans modestie exagérée, que «la gloire est le deuil éclatant du bonheur». Et de souligner que lui-même avait toujours privilégié le bonheur. Seule la mort pouvait lui ôter ce goût de la joie, du rire, de l'amitié et de la convivialité, qu'il montrera jusqu'à ses derniers moments. Jusqu'au fond du salon funéraire, la rose mitterrandienne sourit au fameux chapeau noir, en guise d'ultime clin d'œil. Adoré, détesté, il n'a laissé personne indifférent. Aussi fidèle en amitié qu'en inimitié, il alimentera autant les mauvaises langues que les cris d'admiration. A poil dans la piscine avec les rugbymen de l'ASOP ou tout habillé dans le jacuzzi du Palais des Sports avec les basketteurs de l'Elan, à l'arrière d'une voiture de course sur le circuit de Pau ou valsant pour la coupe Davis dans les bras solides de Cédric Pioline, il jouait volontiers le Romain décadent. Mais il a su entraîner la belle Claudia Cardinale dans l'inoubliable valse du «Guépard», engager Fayçal Karoui pour donner à Pau une réputation musicale digne de ce nom, réhabiliter les «Réparatrices» pour en faire une école de musique modèle. L'empereur se faisait prince, aimable patriarche, patte de velours jusqu'au moment où il vous glissait à l'oreille une histoire à faire rougir un corps de garde! Enfant pourtant pas gâté, il voue à sa mère une indéfectible affection, pimentée bien entendu de scènes mémorables. Mais le vrai, le grand, sinon le seul amour de sa vie, s'écrit en trois lettres: PAU, avant tout. «Sa» ville, «son» fief, «son» terrain d'élection. Son champ de bataille aussi: convaincu à chaque municipale d’être réélu, il ne pouvait s’empêcher de poser et de reposer la question à son entourage: et pourtant, quels scores! Peu avant de fermer définitivement les yeux, il pensait à 2008. Il avait tant de projets... Pour Pau, il renonce à un destin qui aurait pu avoir une dimension nationale, voire internationale. Mais non, c'est à Pau qu'il revient d'un Québec prometteur dans sa belle américaine. C'est Pau qu'il veut embellir, parfumer, orner, moderniser, enrichir, comme César sa Cléopâtre. Homosexuel, André Labarrère ne s'est pas caché de l'être: seulement voilà, il avait sa danseuse. JEAN-CHARLES CAZABAN

Emotion et recueillement ont marqué le dernier hommage rendu par les Palois à leur maire. (Photos Marc Zirnheld et Nicolas Sabathier) Pyrénées-Presse S.A à Conseil de Surveillance et Directoire au capital de 228.578E La République n° CPPAP 0907C82082 Directeur de la publication : Jean-Pierre CASSAGNE Rédacteur en chef : Jean MARZIOU Imprimerie : Pyrénées-Presse Rue de l’Ayguelongue 64160 Morlàas

16 - 19 mai 2006

3


ANDRÉ LABARRÈRE, UNE VIE POUR PAU OBSÈQUES • Vendredi matin 19 mai, à onze heures, le maire de Pau a définitivement dit adieu à l’hôtel de ville qu’il a occupé

Et André Labarrère quitta sa Quand il a franchi le porche de la mairie, plusieurs centaines de Palois, venus lui rendre un ultime hommage, ont applaudi le cercueil d’André Labarrère.

C

eux qui parvenaient jusque-là à ravaler leurs larmes n’ont pu tenir davantage. Quand le cercueil d’André Labarrère a franchi le porche de la mairie ce vendredi 19 mai à 11 heures, plusieurs centaines de Palois ont applaudi leur défunt maire. Un hommage spontané et poignant. Beaucoup, même des plus aguerris, ont alors laissé couler les larmes. André Labarrère quittait définitivement sa véritable maison : l’hôtel de ville où il a passé trente-cinq années. Jusqu’au dernier moment, les Palois sont venus se recueillir devant le cercueil exposé au cœur du péristyle. Un défilé d’anonymes, humbles et notables, d’élus et de responsables associatifs. Une foule disparate qui, dès 10 heures, se rassemble aux abords de la mairie. Sur la façade, les fenêtres du bureau du maire sont grandes ouvertes. Arrivent en ordre dispersé Alain Rousset, président du conseil régional, les conseillers municipaux palois, les maires de l’agglomération et quelques « têtes connues » : Jean Glavany, ancien ministre et président de la communauté du grand Tarbes, Jean-Pierre Destrade, conseiller général de

Arrivé en mairie discrètement, l’acteur Roger Hanin, qui fut pendant vingt-huit ans président du festival de Pau et proche d’André Labarrère, est venu se recueillir devant le cercueil de son ami, puis il est tombé dans les bras de Cédric Michon, le directeur de la communication de la ville.

Les applaudissements ont fusé lorsque le cercueil d’André Labarrère a franchi le porche de la mairie. Un hommage spontané et poignant des Palois à celui qui fut leur maire pendant trente-cinq ans. (Photos Nicolas Sabathier)

4

16 - 19 mai 2006


ANDRÉ LABARRÈRE, UNE VIE POUR PAU pendant trente-cinq ans

mairie

Des milliers de personnes ont suivi les obsèques célébrées par Mgr Pierre Molères, évêque de Bayonne, Lescar et Oloron, et Pierre Dufourcq, curé de la paroisse, assistés de plusieurs prêtres de l’agglomération, et du vicaire général, André Esteben. (Photo JeanPhilippe Gionnet)

Saint-Pierre d’Irube, Roger Hanin, Thierry et Didier Gadou, basketteurs de l’Elan Béarnais, François Bayrou, président de l’UDF et Jean Lassalle, député. Le grand rassemblement des proches Peu à peu, le cœur de la mairie se vide de ses fleurs qui s’en vont grossir une marée colorée sur le parvis de l’église Saint-Jacques. Un détachement du 5e RHC forme une haie d’honneur. Garde-à-vous aussi pour les jeunes sapeurspompiers. Seuls les moineaux des tilleuls de la place Royale semblent ignorer la solennité du moment. Au deuxième étage de la mairie règne une ambiance particulière faite de chagrin et de stress. Le téléphone ne sonne plus. La mairie est en deuil. Et pourtant, on ressent une agitation fébrile. Les plus proches collaborateurs du maire accueillent les élus qui composeront le cortège. On enchaîne les cafés. En bas, le drapeau tricolore qui était posé sur le cercueil a été replié et l’on a ôté avec précaution l’inséparable chapeau. Le conseil municipal au complet partira en rangs serrés. Dehors le cortège se forme. La Marche funèbre de Chopin retentit. Visages fermés, les employés des pompes funèbres hissent le cercueil dans un corbillard bleu nuit. Trentecinq drapeaux ouvrent la marche vers l’église Saint-Jacques. André Labarrère quitte définitivement la place Royale suivi de ses proches collègues et de ses employés effondrés. CAROLE GAMELIN

Un requiem pour l’éternité D

e la musique avant toute chose. Pour André Labarrère, c’était presqu’une religion. Ce vendredi matin, elle transcende les obsèques et unit en une même émotion toutes les âmes, croyantes ou profanes. Tous ceux qui, comme le note Mgr Pierre Molères, « sont atteints dans leur cœur ». Le cortège funèbre arrive sur le parvis de Saint-Jacques alors que le glas résonne dans le silence de la place de la Libération. Fayçal Karoui et l’orchestre de Pau entament l’« Introït » du « Requiem » de Mozart pour accueillir André Labarrère. Le musicien a perdu un ami, et cette perte, immense, tend son interprétation, lui confère sa ferveur et sa profondeur. « Il ne faut pas que vous soyez abattus »

Mgr Molères, évêque de Bayonne, Lescar et Oloron, ac-

cueille André Labarrère dans la maison de Dieu. L’Église n’ignore pas « les écarts de la cascadante existence » du sénateur maire, mais elle retient qu’il était un des siens —par son baptême— et qu’il a consacré sa vie à être utile aux autres, un engagement qui reviendra plusieurs fois au cours de la célébration («Il a travaillé, souffert, servi… tout cela ne peut mourir dans le tombeau, dans le néant »). En un sens, André Labarrère a suivi la parole des Évangiles, à sa façon. Les mots de Mgr Molères ont aussi une portée séculière, quand il invite à prier pour que la succession du sénateur maire s’attache à « servir le bien commun ». De même, l’extrait de la première épître de Saint-Paul aux Thessaloniciens, lue par Enora Michon, une amie proche, est un message d’espoir : « Il ne faut pas que vous soyez abattus comme d’autres qui n’ont pas d’espéran-

ce ». Le second texte, tiré de l’Évangile de Saint-Luc, vient en écho : « Restez en tenue de service et gardez vos lampes allumées. Soyez comme des gens qui attendent leur maître à son retour des noces… ». « Nous évoquons un passé qui ne reviendra pas » L’abbé Dufourcq trouve ici la source de son homélie : « Quand un proche nous a quittés, comme pour le retenir encore parmi nous, nous évoquons un passé qui ne reviendra pas. André Labarrère disait aussi : ‘on n’est pas vraiment mort tant que quelqu’un continue à penser à vous’. Il restera sûrement longtemps dans le cœur de beaucoup ». Alors que l’orchestre attaque l’aria de la Troisième Suite de Jean-Sébastien Bach, chacun se retrouve face à lui-même, près du cercueil posé au pied de l’autel, recouvert de l’hommage tricolore

et de l’inamovible chapeau noir. S’impose alors la photo d’André Labarrère, mi-Bruand, mi-Mitterrand, le regard perçant entre le couvre-chef et le col relevé du manteau. La vie est là, et un éclair canaille trouble la religiosité de l’instant. Les souvenirs affluent au moment de la communion, portés par l’harmonie du requiem, avec chœur et orchestre. L’émotion est à son comble sur le « lacrimosa ». Le temps des larmes. L’assemblée retrouvera cette empathie pour le « Boune May dou boun Diu », le chant à Marie repris par des centaines de voix. Un frisson parcourt l’assistance. Après les ultimes hommages des personnalités politiques, André Labarrère traverse l’église sur le « Communio » du requiem. Puis Frank Sinatra le rejoint pour un ultime « New York, New York ». Pour l’éternité aussi, André Labarrère a choisi sa musique. BRUNO ROBALY

Le silence et les larmes des Palois

Dès 10 heures, les nombreuses gerbes de fleurs sont enlevées du péristyle de la mairie pour être installées sur le parvis de l’église Saint-Jacques. Une marée odorante de lys et de roses.

silence. Mais quand Jean-Pierre Bel, vice-président du Sénat, trébuche sur les « Paloisiens », la foule sursaute. Des sourires s’esquissent, puis s’estompent rapidement.

A la minute où le cortège funèbre fait son apparition sur la place de la Libération, le silence envahit la foule. Les têtes se tournent vers le corbillard. Les visages sont graves. Les commentaires qui, quelques minutes auparavant, avaient largement accompagné l’arrivée des officiels, se sont maintenant tus. Quelquesuns se hissent sur la pointe des pieds pour apercevoir telle ou telle personnalité. « Il paraît que Ségolène Royal est là ! » assure une dame à sa voisine. Les téléphones portables dominent les têtes pour capter les visages connus. Cabas en main, quelques personnes pressées, totalement indifférentes à l’événement, tentent de se frayer un chemin à travers la foule impassible.

La foule bascule avec Sinatra

La musique envahit la place Sur la place de la Libération, Pau semble retenir son souffle quand apparaît, sur l’écran géant, l’image du cercueil du défunt maire. Certains se signent discrètement. D’autres choisissent de retenir l’instant à l’aide des appareils photos numériques et téléphones portables. Et puis s’élève, magistral, le Requiem de Mozart. L’émotion est à son comble : la musique envahit la place, résonne sur les façades et fait vibrer les

Des centaines de Palois ont assisté aux obsèques, réunis place de la Libération dans un silence absolu. (Photo Nicolas Sabathier) cœurs. Une jeune femme ne peut retenir ses larmes. D’autres, pudiques, ont choisi de garder leurs lunettes noires malgré la grisaille du ciel. Dans l’église, Mgr Pierre Molères, évêque de Bayonne, invite l’assistance à s’asseoir. Dehors, les

quelque 2 500 Palois réunis devant les deux écrans géants, resteront debout pendant plus de deux heures. Rares sont ceux qui ont prévu des sièges de camping. A l’heure des oraisons funèbres, quelques applaudissements timides rompent le

A la fin de la cérémonie, l’Orchestre de Pau a repris de la voix. Une salve d’applaudissements salue la sortie du cercueil. Les Palois semblent alors lâcher l’intense émotion contenue pendant plusieurs heures. Dans les larmes et les applaudissements. Entre tristesse et admiration. La foule chavire aux premières notes de New York, New York de Franck Sinatra. L’émotion se teinte de gaieté. Les mains, parfois même les pieds, battent désormais la mesure. Les cœurs se soulèvent dans cette étonnante transition musicale, ultime pirouette du maire de Pau. Les yeux rougis, les Palois prolongent l’instant. Tous les yeux sont tournés vers l’écran géant qui projette maintenant le portrait d’André Labarrère réalisé par Marie-Claire Dubourg. Les notes s’épuisent, le silence reprend sa place. Un vieil homme remet son béret et lâche en guise de conclusion: «Je crois qu’il aurait aimé ça, Dédé».

VALÉRIE CÈBE

16 - 19 mai 2006

5


ANDRÉ LABARRÈRE, UNE VIE POUR PAU

Les 17 et 18 mai, des milliers de Palois ont défilé dans le hall de l’hôtel de ville. Une foule émue venue dire un dernier au revoir à André Labarrère. (Photos Marc Zirnheld)

HOMMAGE • Le cercueil d’André Labarrère était exposé dans le péristyle de l’hôtel de ville jusqu’au jour des obsèques

L’au revoir de milliers de Palois Depuis le mercredi matin 17 mai, les Palois ont défilé dans la chapelle ardente dressée à la mairie. Un dernier hommage à « Nouste Dédé ».

I

l n’est pas encore neuf heures ce mercredi 17 mai, mais ils sont déjà une centaine devant l’hôtel de ville. Par petits groupes, ils convergent vers la place Royale. Sous les tilleuls, les visages sont fermés. Les employés de la communauté d’agglomération quittent leurs bureaux de l’Hôtel de France pour se joindre

aux anonymes. Une assemblée recueillie où se mêlent toutes les générations. Beaucoup de femmes, piliers essentiels de l’entourage d’André Labarrère. La circulation a été coupée. Alors, quand un premier véhicule s’engage rue Henri IV, une haie se forme spontanément devant la mairie. L’employé des pompes funèbres vient régler les derniers préparatifs avant l’arrivée du corps. Petit à petit, le personnel municipal de tous les services descend des étages de cet hôtel de ville dont toutes les fenêtres sont ouvertes, sauf celles du balcon, le bureau d’André Labarrère. Les mains maltraitent des mouchoirs, les yeux sont rougis. Ceux des services techniques arrivent de l’autre bout de la ville. En rang serré, les

huissiers municipaux, voisins de palier du maire, sa garde rapprochée toujours opérationnelle. Les larmes coulent sans qu’on cherche à les contenir. Beaucoup de ceux qui attendent n’ont eu qu’un seul patron, « exigeant mais tellement attachant ». A l’ombre de la Source A 9 h 11, un corbillard bleu nuit débouche de la place Royale, immédiatement suivi de la voiture de fonction du maire dans laquelle ont pris place Laure PareilhPeyrou, fidèle d’entre les fidèles, soutenue par Fayçal Karoui, le chef de l’orchestre de Pau, Henri Lambert, adjoint et compagnon de route de longue date, Evelyne Blavignac, directrice générale des services municipaux, et Evelyne La-

lanne-Courrèges, son homologue de la communauté d’agglomération. Viennent ensuite une pléiade de proches et d’élus. Le cercueil, recouvert du drapeau tricolore sur lequel est posé un Borsalino noir, est installé au cœur du péristyle, juste devant la « Source » d’Auban, la statue fraîchement rénovée à la demande d’André Labarrère pour orner la future place Clemenceau, point névralgique de son bébé, le centre piéton. Un portrait signé MarieClaire Dubourg le montre col relevé, regard malicieux sous son inséparable chapeau. La foule s’avance. Certains se signent. D’autres déposent furtivement des roses rouges. Le moment est solennel mais empreint d’humanité. On échange des souvenirs, des anec-

dotes. Des files se forment devant les registres de condoléances. Derniers messages, derniers hommages. « Je suis venu ce matin parce que vendredi, ce sera très difficile de l’approcher », confie Linette, Paloise de souche. « C’est vrai que ça fait quand même quelque chose », renchérit son époux, l’œil humide. « On le croisait souvent, vous comprenez ». Dans l’après-midi, un autre portrait du maire de Pau est venu orner la façade de l’hôtel de ville. Plusieurs milliers de Palois ont défilé devant la dépouille d’André Labarrère. Il en sera de même le lendemain. La mairie est restée exceptionnellement ouverte la nuit pour permettre au plus grand nombre de se recueillir. CAROLE GAMELIN

L’émotion passe par les mots Huit registres de condoléances ont été installés par l’entreprise de pompes funèbres dans le fond du péristyle de la mairie. Le 17 mai, dans une file quasi-ininterrompue, les Palois ont retranscrit avec leurs mots, leur dernier hommage à André Labarrère. Paroles de gens simples, empreintes d’émotion. « Merci » est le mot qui revient le plus souvent. « Merci pour cette belle ville de Pau, pour la leçon d’humanité, de courage, de tolérance et pour l’humour », écrit Francis. Son voisin est lui-aussi plein de reconnaissance. « Le maire m’a reçu quand j’étais au chômage. Il m’a dit que mes bras pouvaient être utiles à la commune. Aujourd’hui, je viens lui dire merci parce qu’il m’a sorti du trou ». Hélène porte à bout de bras

6

16 - 19 mai 2006

son garçonnet. « Il voulait à tout prix écrire sur le livre. André Labarrère est venu dans sa classe parler du métier de maire ». En guise d’au-revoir, l’enfant s’applique à graver sa signature. De nombreux messages mettent en avant la « disponibilité », « les qualités d’écoute » du défunt. « Même si c’était cinq minutes, il recevait les gens », rappelle une employée éplorée. « Cinq minutes, c’est pas grand-chose, mais certains ne les ont même pas. Lui, il faisait toujours le maximum ». Claudette et Maria composent leur hommage à quatre mains. Tremblantes d’émotion. « Il était plus jeune que nous, on ne pensait pas le voir partir si vite ». D’une écriture soignée s’imprime un « adieu,

Monsieur Labarrère, vous qui avez toujours beaucoup fait pour les personnes du troisième âge. Merci pour votre élégance et votre finesse ». Saluant l’homme politique, l’homme tout court, beaucoup souhaitent à André Labarrère « un repos bien mérité ». « Te voilà au Beth Ceü de Pau, André. Vois comme ta ville est belle de làhaut ! » « Vous avez tant donné, je vous souhaite un repos paisible auprès de votre maman », écrit Renée. Quelques pages plus tard, une main anonyme propose de « graver le nom du maire dans la pierre » et de «donner le nom d’André Labarrère à la nouvelle place Clemenceau». Après les obsèques, André Labarrère étant un homme public, ces registres seront conservés en mairie.

Huit registres de condoléances ont été ouverts. Chacun a pu y laisser un message ou un ultime témoignage.


ANDRÉ LABARRÈRE, UNE VIE POUR PAU LES DERNIERS JOURS • Le maire de Pau a mené de front son combat contre la maladie et son action publique

Aux commandes jusqu’au bout Le 13 mai au matin, André Labarrère présentait aux élus palois son projet pour la place Clemenceau, malgré la progression visible de la maladie. 1 1 - Mardi 4 avril : André Labarrère préside son dernier conseil municipal, à midi, avec seulement deux dossiers à l’ordre du jour. (Photos archives Nicolas Sabathier) 2 - Vendredi 5 mai : André Labarrère n’assiste pas à la pose de la première pierre de la base d’eaux vives, un de ses grands projets. De nombreux Palois y ont vu un signe de la progression de la maladie. La présence d’André Labarrère se mesurait aussi à ses absences.

2

3 - Jeudi 11 mai : Un mois après avoir dévoilé publiquement qu’il avait un cancer, André Labarrère, entouré des vice-présidents de l’agglomération paloise, annonce qu’il renonce au projet de médiathèque de Zaha Hadid au Parc Beaumont. Ce sera son dernier grand geste politique en public.

L

’histoire retiendra qu’André Labarrère a présidé son dernier conseil municipal le 4 avril dernier, un mardi à midi. Il n’y avait que deux dossiers à l’ordre du jour : le renouvellement de la concession du casino municipal et le nouveau club-house du Palais des Sports. Une semaine plus tard, le sénateur maire de Pau, également président de la communauté d’agglomération, dévoilait au grand public qu’il avait un cancer. Il a passé ses dernières nuits au centre hospitalier

Ce dernier mois, André Labarrère a mené de front tous ses combats, contre la maladie et pour faire avancer ses projets. Son emploi du temps était aménagé en fonction des soins (chimiothérapie, radiothérapie…) et de son état de fatigue. « Mais jusqu’au bout, il a tenu les rênes de la mairie. C’était son souhait le plus cher », note Cédric Michon, directeur de la communication et proche collaborateur. Concrètement, le maire de Pau savait être présent dans les moments importants, ou quand il s’agissait de faire passer des signes aux Palois. Il a toujours voulu en-

tretenir l’espoir d’une rémission. Peut-être est-ce pour cela qu’il a répété, jusqu’à la semaine précédant son décès, qu’il se représenterait aux municipales en 2008 ? Là était sa raison de vivre. Pourtant, son état de santé s’est progressivement dégradé. « Depuis une quinzaine de jours, il passait ses nuits au centre hospitalier », témoigne Cédric Michon. Quand il était retenu loin de son bureau, sa fidèle adjointe Laure Pareilh-Peyrou et Cédric Michon faisaient les allers-retours avec les parapheurs sous les bras : « Il n’y a jamais eu de vacance du pouvoir ». La présence d’André Labarrère se mesurait aussi à ses absences. Le fait qu’il ne participe pas à la pose de la première pierre de la base d’eaux vives des Portes des Gaves, le 5 mai, a marqué les Palois. André Labarrère était alors représenté par son adjoint à la mairie, Henri Lambert, qui expliquait : « Une chimiothérapie était programmée ce matin ». « Il a puisé dans ses dernières forces » Or, cette base d’eaux vives constitue l’un des projets phares de la communauté d’agglomération, et elle tenait particulièrement au

cœur de son président. Aussi certains ont-ils vu, déjà, un signe dans son absence. La dernière grande inauguration d’André Labarrère et une de ses fiertés - restera donc celle du complexe de pelote, au Cami Salié, le 30 mars. Avec cet équipement, le maire bâtisseur complétait son « boulevard des Sports ». Aux commandes jusqu’au bout « Ces derniers jours, André a puisé dans ses ultimes forces pour annoncer qu’il renonçait au projet de Zaha Hadid pour la médiathèque intercommunale, puis pour présenter aux élus palois son projet pour la place Clemenceau », souligne Cédric Michon. « Il a honoré ces deux rendez-vous avec la force de sa volonté ». Dans l’entourage du maire, on souligne qu’« André Labarrère avait du mal à se remettre des dernières séances de chimiothérapie ». Jeudi dernier, André Labarrère était donc entouré de ses vice-présidents de l’agglomération pour annoncer que le projet de médiathèque au Parc Beaumont était abandonné (car jugé irréalisable et trop coûteux) tout en soutenant qu’il y aurait bien une médiathèque à Pau, avec un autre architec-

3

te et un autre emplacement. C’était en fin d’après-midi. André Labarrère est ensuite allé dîner chez Cédric Michon, à Idron. Là, il se retrouvait en famille, avec les enfants de son directeur de la communication qui lui apportaient leur fraîcheur et leur naïveté. André Labarrère a même rassuré un d’eux qui lui lançait : « Papa m’a dit que tu allais mourir ». Non, l’homme voulait encore croire à la vie - ou au moins donner, jusqu’à son dernier souffle, cet espoir à ses proches. Le 13 mai au matin, André Labarrère a expliqué l’avancée des travaux du parking souterrain et a dévoilé son projet pour la place Clemenceau aux élus du conseil municipal, réunis en séance plénière. « Là encore, il a vraiment tenu à être là : c’était un de ses grands projets, un de ses paris pour l’avenir de sa ville. Il était marqué, il souffrait, mais il a tenu », témoigne Cédric Michon. Le dernier repas entre amis Dans l’après-midi, son adjointe Jeanine Alliez-Chiros célébrait le mariage de Caroline Frisou, qui figurait sur la liste Labarrère en 2001. C’est alors qu’elle a vu

arriver le maire : « Il était très fatigué mais il nous a parlé de Venise, de l’amour. C’était extraordinaire ». Ce fut la dernière présence publique d’André Labarrère. Plus tard, sa voix, laissée sur une messagerie de portable, était devenue méconnaissable, à la limite de l’audible. Le mal avait progressé. La médecine et la volonté peuvent beaucoup, mais elles ne peuvent pas tout. Josy Poueyto avait invité André Labarrère samedi soir chez elle. Il y avait son mari Jean-Michel, son amie Juliette Castaings, et ellemême : « Il ne voulait pas nous quitter ». André Labarrère était alors très faible - il ne buvait même plus son cher Chivas. La soirée n’a été qu’émotion. « Quand Jean-Michel, en le raccompagnant, a mis « New York, New York » de Frank Sinatra sur l’autoradio, André s’est mis à taper dans ses mains. Je n’oublierai jamais cet enthousiasme, ce moment de vie, malgré la maladie ». Il était environ 23 heures quand André Labarrère est arrivé à l’hôpital de Pau, ce samedi soir. Il a alors retrouvé sa chambre, pour la dernière fois. Il s’y est éteint le mardi 16 mai vers 6h30. BRUNO ROBALY

16 - 19 mai 2006

7


ANDRÉ LABARRÈRE, UNE VIE POUR PAU

C’était en 1967, la première élection à l’Assemblée nationale : André Labarrère avec ses parents. (Reproduction Pyrénées Presse)

Réalisation d’un mur d’escalade en 1992 : André Labarrère vérifie les prises. (Archives Jean-Philippe Gionnet)

Une campagne de cantonales : le maire enlève les affiches d’un candidat qui n’a pas respecté la réglementation. (Archives Daniel Rosé)

Visite à une kermesse en juin 1986 : il n’a jamais dédaigné de mettre la main à la pâte. Ici c’est un boulon. (Archives Daniel Rosé)

Homme de télévision, d’abord au Canada où il présentait une émission de graphologie. Ici sur Antenne 2 pour l’émission « Salé Sucré ». (Archives Daniel Rosé)

Avec son cousin René Cazenave, premier adjoint, une brillante campagne municipale en 1989. (Archives Gérard Lévêque)

8

16 - 19 mai 2006

Inauguration de la Foire Exposition sur fond de contestation avec Eric Pétetin: il en faut plus pour perdre le sourire. (Archives Gérard Lévêque)

Un réel talent de comédien : ici à Siros en 1988 dans le rôle de « Caddetou » prototype du Béarnais. (Archives D. Rosé)


ANDRÉ LABARRÈRE, UNE VIE POUR PAU

Séquences d’une vie d’élu En 1986, ministre des Relations avec le Parlement, il avait souhaité - à l’Assemblée nationale que le Sénat ne devienne pas « le temple des ringards ». (Archives AFP)

En 1971, première cérémonie au monument aux Morts du nouveau maire et sa première équipe. (Archives Gérard Lévêque)

Visite protocolaire dans une piscine en 1992 : le maillot de bain remplace le costume cravate. (Archives Daniel Rosé)

Moment de détente à l’occasion de la visite de Laurent Fabius. (Archives Daniel Rosé)

16 - 19 mai 2006

9


ANDRÉ LABARRÈRE, UNE VIE POUR PAU • 12 janvier 1928 : naissance à Pau • 1956 : agrégation d’histoire-géographie à la Sorbonne • 1956-1958 : professeur au lycée de Digne • 1959-1966 : professeur à la faculté des Lettres et à la faculté des Sciences de l’administration à l’université Laval à Québec • Décembre 1966 : retour en France • 1967: élu conseiller général de Pau-ouest • 12 mars 1967 : élu à l’Assemblée nationale où il siège jusqu’au 30 mai 1968 • 1968-1973 : professeur au lycée Carnot à Paris, puis au lycée d’Auch Entouré de ses parents (photo D.R.)

• 5 janvier 1969 : annonce sa candidature à la mairie de Pau • 21 mars 1971 : premier mandat de maire de Pau • 1973: réélu conseiller général de Pau-ouest • 11 mars 1973 : deuxième mandat à l’Assemblée nationale • 1974 : entre au conseil régional d’Aquitaine • 1977: second mandat à la mairie de Pau • 19 mars 1978 : troisième mandat à l’Assemblée nationale • 1979 : réélu conseiller général de Pau-ouest • 1979-1981 : président du conseil régional d’Aquitaine

12 janvier 1928 • Un étudiant brillant

• « Une enfance malheureuse »

Supérieurement intelligent mais aussi bosseur, André Labarrère collectionne les succès universitaires : licence ès lettres (histoire), certificat d’études supérieures d’histoire de l’art du Moyen-âge, diplôme d’études supérieures d’histoire contemporaine, diplôme d’études supérieures d’art roman. Il réussit en même temps le CAPES et l’agrégation d’histoire avec un très bon rang. Ses amis s’appellent alors René Rémond -le futur grand politologue- ou JeanMarie Le Pen qui était président des étudiants en droit.

André Labarrère est né le 12 janvier 1928, au numéro 6 de la rue Richelieu à Pau. Issu d’une famille modeste –à sa naissance sa mère faisait à domicile des travaux de couture et de broderie et son père était chauffeur de taxi– André Labarrère a avoué plus tard avait eu «une enfance malheureuse» entre une mère, Catherine, qu’il adorait et un père, Maximien, qu’il craignait pour sa violence et ses excès de boisson. «Je n’ai jamais connu la chaleur d’un foyer» a-t-il toujours regretté.

• Premier de la classe Après la maternelle Bosquet, André Labarrère entre à l’école primaire Henri IV, près des Halles. D’emblée, il se montre un élève brillant. Il sautera même une classe. Enfant fragile, André Labarrère arrêtait chaque année l’école au mois d’avril pour cause de maladie et allait se refaire une santé chez sa grand-mère en haut de la côte de Navailles avec sa tante Minouche.

• Prof débutant à Digne …

• Trois CAP avant l’agrégation Devenue crémière aux Halles, la maman d’André Labarrère, sur les conseils d’un de ses clients, inscrit son fils au collège Beau-Frêne, l’institution catholique d’enseignement technique, où il obtiendra trois CAP, de comptabilité, de sténodactylo méthode Duployé et un autre d’employé de bureau. «C’était la guerre. Cette orientation technique n’avait rien à voir, ni avec mon caractère, ni avec mes aptitudes» dira-t-il plus tard.

André Labarrère fut très tôt un adepte du vélo dans les rues de Pau (ici en 1948). (Photo D.R.)

• Débarquement à Québec Le hasard place le Canada sur la route d’André Labarrère. Sorti premier d’un concours organisé par le Conseil des Arts du Canada ouvert aux jeunes agrégés qui veulent enseigner au Canada, André Labarrère s’installe au Québec en 1959. Professeur d’histoire contemporaine à la faculté des lettres de l’université Laval (Québec), André Labarrère en profite pour présenter sa thèse de doctorat, tout en multipliant les postes de professeurs d’histoire de l’art dans les écoles des Beaux-Arts et d’Architecture de Québec.

• Vedette de télévision En 1948, il a alors 20 ans et collectionne les succès universitaires. Le jeune Palois aimait se détendre à Saint-Jean-de-Luz (photo D.R.)

• La montée sur Paris À l’automne 1944, sur les conseils d’un prêtre qui l’avait recruté à la JEC (Jeunesse Etudiante Chrétienne), André Labarrère quitte Pau pour Paris. Il a 16 ans et s’inscrit en auditeur libre au célèbre collège Saint-Louis de Gonzague, chez les Jésuites. Il y obtiendra son bac avant d’entreprendre à la Sorbonne une licence d’Histoire-géographie. «Je n’avais jamais fait de latin dont la connaissance est indispensable en histoire ancienne. En un an, tout seul, j’ai appris le latin et je pouvais faire des versions du niveau de la licence» aimait à raconter le maire de Pau.

10

16 - 19 mai 2006

Une réalisatrice de télévision tombée amoureuse d’André Labarrère lui propose d’animer sur la chaîne publique une émission consacrée aux «femmes dans l’histoire». Peu après, elle rejoint une chaîne privée avec, dans son sillage, André Labarrère à qui l’on offre de présenter une émission sur la graphologie. Intitulée «Pattes de mouches» cette émission lui vaut argent et notoriété. «J’avais une vie universitaire, des articles dans les journaux, des amis célèbres et je gagnais beaucoup d’argent» a souvent raconté André Labarrère en ajoutant aussitôt : « Néanmoins je pensais à la politique française. C’était cela, au fond, qui m’attirait et m’intéressait ».

Après son service militaire effectué comme officier de réserve, André Labarrère est nommé en 1956 professeur au lycée de Digne dans les Alpes de Haute-Provence. C’est son premier poste. «Je corrigeais mes copies couché dans la lavande. J’étais au centre des attentions. Je me souviens encore avec nostalgie des garçons qui réunissaient en eux la beauté des Italiens et celle des provençaux» aimait à se souvenir André Labarrère.

1962 : André Labarrère traverse l’Atlantique pour s’installer au Canada. (photo D.R.)


ANDRÉ LABARRÈRE, UNE VIE POUR PAU • 22 mai 1981 : ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement • 21 juin 1981 : quatrième mandat à l’Assemblée nationale, cède son siège à Georges Labazée • 23 juin 1981 : ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement, fonctions qu’il exerce jusqu’au 19 mars 1986 • 1er janvier 1983 : élu conseiller général de Jurançon • 14 mars 1983 : troisième mandat à la mairie de Pau • 16 mars 1986 : cinquième mandat à l’Assemblée nationale • 21 mars 1986 : élu conseiller régional d’Aquitaine. Démissionne.

• 12 juin 1988 : sixième mandat à l’Assemblée nationale • 24 mars 1989 : quatrième mandat à la mairie de Pau • 28 mars 1993 : septième mandat à l’Assemblée nationale • 18 juin 1995 : cinquième mandat à la mairie de Pau • 15 mars 1998 : élu conseiller régional d’Aquitaine, démissionne dix jours plus tard • 18 mars 2001 : sixième mandat à la mairie de Pau • 24 septembre 2001 : élu sénateur des PyrénéesAtlantiques

16 mai 2006

Après la victoire de mai 1981, François Mitterrand l’appelle dans son gouvernement. Il sera alors ministre chargé des relations avec le Parlement (photo D.R.)

• Installation place Royale

• La popularité née à “Intervilles“ Juin 1963. Comme chaque été, André Labarrère revient en Béarn pour le temps des vacances. Apprenant sa présence en ville, le maire de Pau Louis Sallenave lui demande de remplacer au pied levé l’un des trois intellectuels de l’équipe paloise lors de l’émission “Intervilles“ qui oppose la cité béarnaise à sa voisine de Tarbes. A la dernière question, les deux villes sont ex-aequo. A l’aise sur les plateaux de télévision, André Labarrère est brillant. La dernière question est posée : «Est-il vrai qu’Henri IV a dit : Paris vaut bien une messe?». André Labarrère répond aussitôt : «Non, il a dit : mon doux cœur, je vais sauter le pas». Les supporters palois ont le sourire. Ils savent que leur jeune prof a bien répondu mais le jury d’Intervilles rétorque : «Pour être plus exact, Henri IV a dit : mon doux cœur, je vais faire le saut périlleux. Nous ne pouvons valider votre réponse». Tollé général. On dénonce ce scandale. La polémique enfle tandis qu’André Labarrère vient d’entrer dans le cœur des Palois.

André Labarrère règnera durant 35 ans sur Pau. (photo D.R.)

• Réélu sept fois à l’Assemblée nationale

Après une première prestation remarquée en 1963 dans Intervilles, André Labarrère revient saluer en 1975 l’équipe de l’émission de passage à Pau (Archives Daniel Rosé).

Jeune maire de Pau depuis deux ans, André Labarrère veut effacer son échec des législatives de 1968. Il retourne donc devant les électeurs en 1973. La partie n’est pas facile. Le parti gaulliste place sur sa route Jean Gougy. André Labarrère le reconnaîtra lui-même : «J’ai senti le vent du boulet puisque Jean Gougy m’a accroché de quelques dizaines de voix». Élu à nouveau député PS de Pau, il sera réélu en 1978, 1981, 1986, 1988, 1993 et 1997 (il démissionnera en septembre 2001, laissant la place à David Habib).

Redevenu professeur, André Labarrère est d’abord nommé au lycée Carnot à Paris avant d’être affecté à la rentrée de 1970 au lycée Gassendi à Auch. «Je voulais me rapprocher de Pau à cause des municipales». En ce début d’année 1971, André Labarrère peut enfin caresser son rêve : consacrer sa vie à sa ville. Les circonstances vont l’aider. Le maire sortant Louis Sallenave décide de ne pas se représenter, laissant à son fils la lourde charge de gagner la bataille et ainsi de lui succéder. Peu de gens croient aux chances d’André Labarrère. Une fois encore, le jeune loup béarnais (il a à peine 43 ans) va déployer ses talents. Il se met à l’écoute de sa ville et de ses habitants et l’emporte avec une équipe solidaire animée par les mêmes objectifs. Débute alors sa très longue histoire d’amour avec sa ville.

• Sur ordre de François Mitterrand Au lendemain des élections législatives de 1973 et selon les règles de l’Assemblée nationale, les socialistes, qui avaient droit à un poste de vice-président, doivent désigner celui qui les représentera au «perchoir». François Mitterrand demande à André Labarrère de se présenter. Deux autres députés font également acte de candidature. C’est André Labarrère qui raconte la suite : «Gaston Deferre, avec l’accord du groupe, emmène les trois candidats et demande à Michel Charasse, secrétaire du groupe socialiste et proche de François Mitterrand, d’inscrire les trois noms sur des morceaux de papier, de les mettre dans son chapeau et de les tirer au sort. C’est mon nom qui sort. Vingt-cinq ans plus tard, Michel Charasse m’avoue : «Tu n’as jamais compris pourquoi tu as été élu vice-président de l’Assemblée. Mitterrand m’avait donné l’ordre d’inscrire ton nom sur les trois papiers».

• Chaban battu… par Labarrère

• Élu député du premier coup ! L’été 1966. André Labarrère est de retour à Pau pour mettre en œuvre son ambition : faire de la politique. Il écrit alors à François Mitterrand et lui explique qu’il souhaite se présenter aux élections législatives à Pau. Autorisé à le faire, André Labarrère entreprend une tournée des maires du Béarn. Certains se souviennent qu’au début des années cinquante, André Labarrère avait osé dans un meeting public tenir tête au célèbre avocat, hérault de la droite ultra et élu béarnais, Tixier-Vignancourt. Au préfet des Basses-Pyrénées, il se présente: «André Labarrère, le prochain député de Pau», sous l’œil amusé d’un jeune directeur de cabinet, Jacques Toubon, qui sera ministre RPR de Jacques Chirac. Pugnace et moderne, André Labarrère mène une campagne à l’américaine. Tel un Rastignac de retour des Amériques, André Labarrère, s’inspirant des cours de marketing qu’il donnait à l’université de Québec, bouscule les habitudes politiques, n’hésitant pas, par exemple, à faire campagne au volant d’une splendide Chrysler V8 blanche. Ses deux adversaires de l’époque, le gaulliste Maurice Plantier et l’indépendant-paysan Pierre Sallenave, ne mesurent pas les atouts de ce jeune ambitieux. Ils s’affrontent au second tour en présence d’André Labarrère qui finalement l’emporte. Le 12 mars 1967, à 39 ans, André Labarrère est élu député FGDS (Fédération de la Gauche Démocratique et Socialiste) des Pyrénées-Atlantiques. Dans la foulée, le nouveau député fait son entrée à l’automne 1967 au Parlement de Navarre. Il est élu conseiller général de Pau-ouest (devenu Pau-Jurançon).

• La seule défaite de Dédé Mai 1968. Député depuis un an à peine, André Labarrère assiste aux premières loges, celles de l’Assemblée nationale, aux évènements qui font trembler la France. De Gaulle décide la dissolution de l’Assemblée. Les élections législatives de juin 1968 sont une catastrophe pour la gauche. Bien que gagnant de plus de 9 points au premier tour, André Labarrère est battu. Ses deux adversaires d’hier se sont réconciliés et Pierre Sallenave est élu au second tour. «Cela m’a fait le plus grand bien» a reconnu plus tard André Labarrère. «En politique, il faut savoir être battu. Une fois suffit et je ne l’ai jamais plus été», faisait-il observer il y a quelques années.

André Labarrère au « perchoir » en 1973. (photo D.R.)

• Ministre de la République Mai 1981, François Mitterrand est élu président de la République. La veille de la formation du gouvernement, raconte André Labarrère, Mitterrand l’appelle et lui dit : «J’aimerais que vous soyez ministre». «Je ne le souhaite pas» lui répond le maire de Pau. «Labarrère, quand même… J’ai pensé à vous pour l’Education nationale». André Labarrère maintient son non. «C’est dommage, il me fallait quelqu’un comme vous», en faisant des zigzags avec sa main. «Venant de vous, M. le Président, c’est l’hommage suprême» rétorque le Béarnais qui justifie son refus en lui disant : «Vous comprenez, j’ai mes législatives». «Le lendemain, Pierre Mauroy m’appelle et me dit que le Président m’ordonne de prendre le ministère des Relations avec le Parlement. Puisque l’Assemblée et le Sénat ne siège pas, tu pourras donc t’occuper de tes élections». «Là j’ai dit oui et je ne l’ai pas regretté».

En 1979, les élections régionales en Aquitaine sont particulièrement serrées : 37 sont de droite, 32 radicaux et socialistes et 4 communistes. Après bien des discussions, André Labarrère est désigné pour affronter le vieux lion Jacques Chaban-Delmas. «Normalement, j’étais battu, mais j’avais débauché un conseiller régional béarnais de droite, ce qui devait empêcher normalement l’élection du maire de Bordeaux au premier tour», aimait à raconter André Labarrère. Ce qui fut fait. Entre les deux tours, les grandes manœuvres et les conciliabules mobilisent les énergies. À la surprise générale, le second tour donne Labarrère (37 voix), Chaban-Delmas (33 voix) PC (4 voix). Coup de tonnerre à Bordeaux et dans toute l’Aquitaine. «Et vous savez ce que furent alors les gros titres de la presse? Ce n’était pas «Labarrère élu» mais «Chaban-Delmas battu». J’ai toujours retenu la leçon», se plaisait à expliquer le maire de Pau.

• Une élection de... sénateur Président de la communauté d’agglomération de Pau depuis 2000, André Labarrère décide d’abandonner l’Assemblée nationale en 2001, préférant sièger au Sénat. «Après celle de maire, c’est l’élection la plus sympathique qui soit. Vous êtes en contact direct avec les maires» aimait-il à dire en soulignant que les Palois avaient apprécié cette élection. «J’ai été le premier députémaire de la ville, le premier ministre à être maire de Pau et le premier sénateur-maire» faisait régulièrement observer André Labarrère avec beaucoup de malice.

16 - 19 mai 2006

11


ANDRÉ LABARRÈRE, UNE VIE POUR PAU

La démolition de l’hôpital en 1988... (Archives G. Lévêque)

... a laissé place au centre Bosquet (Archives J.-P. Gionnet)

En 1992, inauguration du Zénith. (Archives G. Lévêque)

LE MAIRE • La ville de Pau s’est profondément transformée au fil des mandats

Les coups de cœur d’un bâtisseur

F

aut-il y voir un clin d’œil du destin ? Une boucle qui se referme ? André Labarrère s’est éteint dans une chambre du centre hospitalier François-Mitterrand, un établissement qui constitue une réalisation phare de ses mandats à la mairie. Longtemps, les Palois se sont fait soigner en plein centre-ville, dans une vieille bâtisse aux allures de caserne, coincée entre la rue Guichenné et le cours du Maréchal-Bosquet. Au début des années 80, la seconde ville d’Aquitaine ne dispose pas d’équipement hospitalier à la hauteur de ses besoins et de son rayonnement. André Labarrère met à profit l’arrivée de la gauche au pouvoir, ses relations avec François Mitterrand, son entrée au gouvernement pour pousser le dossier de la construction d’un nouvel hôpital, dans un quartier qui s’esquisse à peine, à proximité de l’entrée de l’autoroute A 64. En janvier 1988, une vaste « chenille » d’ambulances s’étire dans les rues de Pau : c’est le transfert des malades. Le choix de la Fnac La construction du nouvel établissement va bouleverser le visage du centre ville palois. La place d’Espagne est dessinée, un nouveau centre commercial s’ouvre, dont la Fnac est l’implantation vedette. C’est à Pau que l’enseigne culturelle teste son premier magasin dans une ville moyenne. Le centre hospitalier —premier employeur de la ville— continue son développement avec l’organisation d’un pôle santé qui associe les cliniques privées. Réputé pour son flair politique, André Labarrère a aussi humé l’air du temps. Ces réalisations phares sont souvent passées pour de sacrés coups de poker. Il en va ainsi du Zénith et du Palais des Sports. Les deux réalisations ont, pendant

André Labarrère a su mettre à profit l’arrivée de la gauche au pouvoir et son entrée au gouvernement pour que Pau dispose d’un équipement hospitalier à la hauteur de ses besoins. (Archives Ascencion Torrent)

près d’une décennie, alimenté les polémiques autour de la table du conseil municipal : trop grand, trop cher… «A Pau, les municipales ne se sont jamais jouées sur des idées politiques, mais sur des grands projets» aimait rappeler le maire à l’occasion. Un «maire géranium» Le Zénith, à la moderne architecture, est rentré dans les mœurs. Le Palais des Sports ne se trouve jusqu’à présent pas trop mal d’avoir son sort lié à celui des basketteurs de l’Élan béarnais. Le prix à payer de ces grands investissements fut sans doute quelques négligences tard assumées, du côté de la voirie et des trottoirs. André Labarrère sait aussi faire du neuf avec du vieux. À Biarritz,

une équipe municipale a perdu la mairie pour avoir voulu rayer du bord de mer son Casino, emblématique de l’architecture des cités balnéaires du XIXe siècle. Le maire de Pau retiendra la leçon quand il décidera de faire revivre le palais Beaumont. L’enveloppe extérieure est respectée, tandis que les équipements intérieurs se mettent au goût du jour. Les halles quittent Verdun André Labarrère a également été l’artisan de la sauvegarde d’une centaine de villas anglaises, en édictant des mesures de protection. Il a aussi conservé le funiculaire, qui dépayse le voyageur au sortir de la gare. C’est lui qui a remis en valeur les sentiers du Roi et la place de la Monnaie. Quant à Lieu privilégié des basketteurs de l’Elan, le Palais des sports, inauguré en 1991, accueille aussi des événements comme la Coupe Davis. (Photo Olivier Gangnebien)

Dernière réalisation, inaugurée le 30 mars 2006, le complexe de pelote situé dans le prolongement du Palais des sports et du Zenith. (Photo Nicolas Sabathier)

12

16 - 19 mai 2006

son goût, il lui valut longtemps le surnom de «maire géranium». En revanche, une des premières réalisations d’André Labarrère ne parvient pas à masquer ses difficultés à vieillir. Il s’agit du complexe de la République et des Halles. Quand il revient du Canada, les maraîchers travaillent place de Verdun. Le nouveau maire décide de construire des halles modernes. Tourisme, sports, équitation : André Labarrère a voulu se montrer fidèle aux grandes vocations historiques de la capitale béarnaise. Alors que de nombreuses villes ont renoncé devant la charge financière, Pau s’est lancé dans la modernisation de son hippodrome et de son centre d’entraînement. Dans le domaine du saut d’obstacles et du trot, la ville rivalise avec

des têtes d’affiche. Il faudrait aussi évoquer la construction du stade du Hameau, la page tournée de l’historique Croix du Prince, le complexe de pelote. Homme de culture, il avait commencé par redonner sa dignité au théâtre Saint-Louis, bonbonnière multicolore enchâssée dans la mairie. Du maire bâtisseur, on pourrait évoquer la période « fontaines » : de l’esplanade Alfred de Vigny à la place de la Déportation, en passant par le palais de Justice. Titulaire du record de longévité place Royale, André Labarrère nourrissait d’autres projets : le quartier de la gare remodelé autour du stade d’Eaux Vives, sans parler des cascades du haut débit pour internet. HUBERT BRUYÈRE


ANDRÉ LABARRÈRE, UNE VIE POUR PAU

André labarrère au balcon de sa mairie. Image que les Palois avaient coutume de voir. Ici, en mai 1982, au lendemain d’une manifestation d’agriculteurs (palmiers brûlés, statue de « la baigneuse » décapitée), le maire avait réuni les Palois marquant ainsi sa désapprobation et la leur. (Archives Gérard Lévêque)

POLITIQUE • Elu depuis 1967, André Labarrère a navigué durant 37 ans d’un mandat électif à l’autre

Un virtuose de la politique Elégant, libre et rusé. C’est dans ces gestes en politique que se trouve le secret de la longévité d’André Labarrère.

L

’art, c’est de durer », proclame un slogan qui vante chaque année les mérites de l’équipe de basket de l’Elan Béarnais. André Labarrère aurait pu le reprendre à son compte. C’est à la mairie de Pau qu’il aura le mieux illustré sa longévité. Il s’est assis dans le fauteuil de maire en 1971 pour ne jamais plus le quitter. Avec Jean-Marie Rausch, maire de Metz, ils étaient les deux seuls maires élus en 1971 et toujours en poste dans des villes de plus de 50 000 habitants. Devant l’histoire paloise, il est le détenteur du record absolu de longévité à la mairie. « On ne succède pas à M. Louis Sallenave, on se doit de lui rendre hommage. » C’est ainsi qu’il annonçait sa candidature à la mairie de Pau en 1971, face au fils du sortant. Un soir de 1956 aux halles de Pau

«

Cette élégance mariée à une petite dose de cruauté et à une habileté manœuvrière caractérise la pratique politique d’André Labarrère. Sans oublier une « baraka » légendaire. « J’aimerais bien un jour être élu sur mes qualités. J’ai toujours été élu sur les

erreurs d’un autre », a dit un jour politique. Ses racines familiales en ce faux modeste. C’est comme font un homme de gauche dans cela qu’il succèdera aussi à Jac- une ville de droite. L’ex permanent ques Chaban-Delmas à la tête de de la jeunesse étudiante chrétienla région Aquitaine en 1979 (jus- ne rejoint le PS en 1969. qu’en 1981). Ministre de 1981 à 1986 La politique ne l’a pourtant pas happé dans sa prime jeunesse. Ses liens avec l’ancien Président, Son premier mandat électif date de renforcés par le choix bienveillant 1967. Cette année-là, à 39 ans, il de son beau-frère, Roger Hanin, est élu conseiller général du can- pour diriger le festival de Pau, ont ton de Jurançon. Un poste qu’il ouvert la porte à André Labarrère conservera jusqu’en pour d’autres fonc« J’aimerais bien 1988. Il est presque tions prestigieuses. inconnu. Mais cerC’est ainsi qu’il deun jour être élu tains ont fait le rapviendra ministre des sur mes qualités » prochement avec le Relations avec le jeune homme de 28 parlement de ans qui, un soir de 1956 aux halles mai 1981 à mars 1986. C’était déjà de Pau, avait osé défier le leader le même Mitterrand qui l’avait d’extrême droite, Jean-Louis poussé à la vice-présidence de Tixier-Vignancour. Cette même an- l’Assemblée nationale en née 1967, il devient député de la avril 1974. première circonscription à la faUne maison qu’il connaît bien. veur d’une triangulaire avec Pierre Emporté par la vague gaulliste de Sallenave et Maurice Plantier, an- 1968, un an après sa première cien député du Cameroun et futur élection au Palais Bourbon, il y remaire d’Artix. André Labarrère est tournera en 1973 et y restera jusl’un des dix-huit députés de la qu’en 2002, année où il cède sa convention des institutions répu- place à son suppléant, David Hablicaines, la formation d’un cer- bib. Il quittera ce dernier palais tain… François Mitterrand. parisien pour celui du LuxemC’est la personnalité de celui qui bourg où il était devenu sénateur deviendra Président de la Répupli- en septembre 2001 grâce au nouque qui le convainc d’entrer en veau mode de scrutin proportion-

Le 19 mars 1978, André Labarrère fête dans les rues de Pau son troisième mandat à l’Assemblée nationale.

nel, après un premier échec neuf ans auparavant. S’il savait surfer sur les mandats électifs, André Labarrère tenait avec fermeté la boutique du PS dans le département, voire au delà. La plupart des personnalités socialistes locales lui doivent, peu ou prou, leur place, des députés Martine Lignières-Cassou ou David Habib, aux patrons socialistes de la Région, le président Alain Rousset (qui fût son directeur de cabinet) ou son viceprésident Georges Labazée qui a été député lorsqu’il était ministre. En congé du PS Patron mais pas godillot. André Labarrère a toujours revendiqué une liberté de ton. « Je crois être un homme de conviction, mais je choisirai toujours la défense du Béarn », écrivait-il par exemple en décembre 1992 lorsqu’il s’était mis en congé de son parti pour protester contre la décision du gouvernement de ne pas faire appel d’un jugement au sujet du tunnel du Somport. Il n’avait pas hésité non plus, deux ans auparavant, à mettre, contre l’avis du parti, six bus à la disposition des lycéens palois pour aller manifester à Paris contre le ministre Jospin. Il sera également le seul député socialiste à

voter contre la levée de l’immunité parlementaire de Bernard Tapie en juin 1994. S’il restait maître de son camp localement, André Labarrère avait aussi su cultiver des amitiés à droite. On se souvient que le ministre de l’Intérieur RPR, Charles Pasqua, lui avait taillé une circonscription sur mesure avant d’autoriser les machines à sous du Casino. Il n’en restait pas moins un redoutable adversaire politique. Ceux qui l’ont affronté à Pau ou dans sa circonscription s’en souviennent encore. Il avait le chic pour trouver le mot qui tue ou le geste qui crucifie. « Mon adversaire manque de nerfs », disait-il par exemple de Jean-Pierre Caye, candidat malheureux de la droite à la mairie de Pau en 1995. Une relation plus complexe s’est forgée au fil du temps avec François Bayrou, qui l’avait affronté sans succès à plusieurs reprises. Dans cet adversaire, plus à sa mesure, il avait retrouvé la même volonté de revanche sociale par la politique, et la même ambition d’en remontrer aux « Parisiens ». Tous les deux ont la même admiration pour Henri IV, ce Béarnais qui avait « conquis » la France. JEAN-MARC FAURE

Décembre 80 : congrès du Parti socialiste à Pau. François Mitterrand n’est pas Président de la République, mais André Labarrère est député-maire depuis 9 ans. (Archives Gérard Lévêque)

16 - 19 mai 2006

13


ANDRÉ LABARRÈRE, UNE VIE POUR PAU T comme Tante Minouche : En septembre 2004, André Labarrère est, lors d’une soirée au Mercure, auprès de sa Tante Minouche. «Entre elle et moi, c’est une très longue et très belle histoire d’amour» disait-il. (Archives Nicolas Sabathier)

F comme Fleurs: le maire de Pau en avait la passion et sa ville a obtenu quatre fois le premier prix national. Tous les ans, les serres municipales ouvrent leurs portes au public. (Photo Lionel Henry)

Le petit abécédaire pri Tout au long de sa vie publique, André Labarrère se livra sans ambages aux journalistes et biographes friands de confidences et petites phrases. Florilège.

A

« Je n’ai jamais eu le sens de l’argent. Je suis dépensier comme cela n’est pas possible… Je suis imposable sur la fortune. Mon patrimoine est évalué, avec les biens immobiliers, entre huit et neuf millions de francs mais je ne suis pas un homme très riche. Je donne discrètement à ceux qui en ont besoin. Pourquoi économiser ? Je déteste les radins ».

B

comme Beaumont

En 1996, André Labarrère entreprend un projet de rénovation et de préservation de son palais municipal. Il retient l’architecte François Lombard, auteur de la réhabilitation du casino de Biarritz, à qui il demande « un même visage pour un nouvel usage ». Le Palais Beaumont entre dans l’Histoire le 31 janvier 2000.

C Sources : « La passion d’un élu, conversations avec André Labarrère » de Claude Perrotin (éditions Pimientos2003), « André Labarrère » de Gracianne Hastoy et archives Pyrénées-Presse.

comme argent

comme charisme

« Le charisme, c’est quelque chose d’incontrôlable. Je crois avoir du charme… On peut me détester en même temps. J’utilise un langage nouveau, fait de simplicité, d’humour qui évite la langue de bois. Et puis surtout, élément très important, l’amour du pays, l’amour du Béarn. Ajoutons que je parle le béarnais. Dernière chose indispensable : avoir la baraka ».

D

comme députation

« J’ai été élu contre toute attente en 1967 député des PyrénéesAtlantiques. Je dois cette formidable chance à la rivalité qui opposait mes deux adversaires de l’époque, Maurice Plantier (UNR) et Pierre Sallenave (indépendant). Ils ont préféré s’offrir une triangulaire, me permettant ainsi de passer au deuxième tour… Il n’a pas été facile pour moi d’enchaîner six autres élections… Comment un jeune homme fraîchement revenu du Canada peut être député ? Le travail, le travail et le travail. Sans oublier la baraka ».

E

comme enfance

« J’ai eu une enfance malheureuse. Ma mère m’adorait mais mon père buvait et ses violences envers nous m’ont perturbé pour toujours. J’avais peur de rentrer à la maison car je savais qu’il serait saoul. Cela a provoqué chez moi, pour toujours, une horreur des ivrognes… Je n’ai jamais connu, jamais vraiment, la chaleur d’un foyer et cette absence demeure encore aujourd’hui l’une de mes obsessions ».

F

comme fleurs

« J’ai toujours aimé les fleurs. Il y en a toujours dans mon bureau et j’en ai mis partout. Il y a trente-etun ans, cette abondance de fleurs dans les communes était rare. Depuis vingt-cinq ans, nous somB comme Beaumont: le palais palois est entré dans l’Histoire le 31 janvier 2000. (Archives Nicolas Sabathier)

G comme graphologie: cette technique d’étude des caractères, André Labarrère l’a apprise sur le tas. A la télévision québécoise, il anima une émission sur ce thème intitulée «Pattes de mouches». (Archives Daniel Rosé)

14

16 - 19 mai 2006

mes classés quatre étoiles et nous avons plusieurs fois obtenu le premier prix national. Je suis fier de notre équipe de jardiniers. Elle contribue largement à faire de Pau une ville où il fait bon vivre ».

G

comme graphologie

« Je l’ai apprise sur le tas. Elle est pour moi une technique sérieuse d’étude des caractères, un moyen d’expression de la personnalité. L’écriture me parle et, le plus souvent, ce qu’elle me dit est vrai. J’ai animé une émission de graphologie intitulée « Pattes de mouche » à la télévision québécoise. Un triomphe. J’ose à peine le dire, mais pour montrer ma gueule à la télé, celle de mes 31 ans, pas celle, décatie, que j’ai maintenant, je gagnais 50 000 dollars canadiens de l’époque ».

H

comme homosexualité

« J’ai senti très vite, et plus encore vers l’âge de 17 ans, que j’avais des préférences homosexuelles mais je les niais. Je plaisais autant aux femmes qu’aux hommes. J’ai eu des aventures multiples, des centaines et des centaines… Etre homosexuel a été un obstacle considérable au début de ma carrière politique et puis ensuite… ça m’a aidé. J’ai fait mon « outing » à Paris à cause de la souffrance que ça représentait pour les jeunes… Je suis pour le Pacs mais contre le mariage. Le monde de l’homo-

sexualité est un monde à part, indépendant. Pourquoi vouloir reprendre des rites classiques et rentrer dans le moule ? »

I

comme insécurité

« Tant que je serai maire de Pau, il n’y aura pas de police municipale. A Ousse-des-Bois, l’immense majorité de la population ne pose aucun problème. Il suffit de quelques voyous-connards, en général dealers de drogue, pour donner à notre ville une réputation d’insécurité totalement imméritée. Ils peuvent anéantir en quelques minutes des efforts de plusieurs années ».

J

comme jaï-alaï

« Ce pari osé méritait d’être tenté. Le nouvel équipement donnera des frissons supplémentaires à tous les amoureux d’un des sports les plus esthétiques du monde » défendait André Labarrère le 30 mars 2006, à la veille de l’inauguration du complexe de pelote et de paris unique en France.

K

comme Karoui

« Fayçal Karoui fait partie de mes trois merveilles avec Pierre Seillant et Roger Hanin. J’aime sa conception de la musique très ouverte qu’il amène à l’université, au cœur de la prison, à Oussedes-Bois… C’est un des futurs grands chefs d’orchestre mondiaux ».


ANDRÉ LABARRÈRE, UNE VIE POUR PAU

C comme charisme: les bonnes œuvres, André Labarrère connait et n’hésite pas à apporter sa contribution. En 1991, il se met en selle pour le téléthon. (Archives Daniel Rosé)

vé de l’homme public L

comme littérature

« Je ne me considère pas comme un véritable écrivain. J’ai la passion de l’écriture. Elle est pour moi une détente, un moment de loisir. Avant tout, c’est la page blanche… C’est d’abord se remémorer sa propre vie car un roman est toujours autobiographique. On y met tout ce que l’on a aimé, détesté. L’écriture, c’est le repos, les vacances, l’invention, l’imagination ».

M

comme ministre

« Je ne voulais pas être ministre. C’est François Mitterrand qui m’avait appelé. J’ai toujours préféré être le premier dans mon village plutôt qu’un parmi d’autres ailleurs. Après avoir refusé l’Education nationale, le Travail, la Communication et la Jeunesse & Sports, j’ai accepté le ministère des Relations avec le Parlement qui me laissait du temps pour préparer les législatives tout en me mettant au centre de la vie du gouvernement ».

N

comme notoriété

« Je crois être identifié à ma ville, mais on est vite oublié, surtout au niveau national. Je me souviens que quand j’étais ministre et que le gouvernement a perdu, plus de voiture, plus de chauffeur, d’officier de sécurité, et vous prenez le métro. La meilleure des choses, c’est la démocratie ».

O

comme occultisme

« On a toujours cru que je fréquentais des voyantes. Totalement absurde ! Certes, je me suis fait avoir par une pseudo-guérisseuse pour qui j’avais à la fois attirance et répulsion. Je me suis fâché avec elle pendant quatorze ans pendant lesquels ma carrière politique a été la plus brillante ! Alors, à la rivière les voyantes, bien qu’elles aient un rôle positif sur les personnes faibles qui ont besoin qu’on les écoute ! »

P

comme Pau

« De tous les hommes politiques, le maire est celui qui s’identifie le plus au territoire qu’il gère, la commune, cellule de base de notre démocratie. La passion de Pau n’est pas pour moi un vain mot. J’ai abandonné une carrière d’universitaire et d’animateur pour me mettre au service de mes concitoyens. Parti à l’âge de seize ans à Paris, l’obsession du retour m’a toujours tenaillé ».

Q

comme Québec

« Sorti premier d’un concours ouvert aux jeunes agrégés qui veulent exercer au Canada, je suis parti enseigner à l’Université Laval de Québec. Il existait là-bas un sentiment profondément francophobe. Nous étions considérés comme incroyablement prétentieux mais j’avais des amis étonnants… Je vivais dans le milieu

doré de la société anglophone. J’habitais un superbe appartement merveilleusement situé qui avait vue sur le Saint-Laurent… Mon ami Gilles Vigneault avait raison de répéter que le Québec n’avait que deux saisons : l’hiver et le mois d’août ».

R

comme Roger

Jusqu’à l’annulation brutale du festival de Pau, en mai 2005, Roger Hanin appartint au cercle fermé des amis du maire de Pau qui ne tarissait pas d’éloges sur l’acteur, un peu moins sur la manifestation-phare de l’été qu’il finit par trouver « ringarde ».

S

comme sénateur

« C’est, après celle de maire, l’élection la plus intéressante, la plus sympathique qui soit. C’est la campagne électorale la plus belle parce que vous êtes en contact direct avec les maires. Sénateur, c’est valorisant. Ma grande surprise a été de voir l’effet sur les Palois… Il y a un respect qui m’étonne… peut-être dû au vieillissement… Le sage, quoi… »

T

comme Tante Minouche

« Mes parents n’étaient jamais là… Je passais tout ce temps libre, où je trouvais de la chaleur et de l’amour, chez ma grand-mère, en haut de la côte de Navailles et auprès de ma chère tante Minouche. Entre elle et moi, c’est

une très longue et très belle histoire d’amour. Peut-être la plus longue ».

de communication demeuré jusqu’au terme de sa vie ouvert à toutes les technologies.

U

X

comme Xiang

Y

comme Yourcenar

Z

comme Zénith

comme urbanisme

« Un maire qui ne s’occuperait pas personnellement des questions d’urbanisme ne serait pas à mes yeux un bon maire. De plus, il se priverait du plaisir de modeler, de façonner sa ville, d’en modifier l’image, de l’adapter au présent, d’essayer de prévoir le futur, de la rendre plus agréable pour les habitants tout en attirant touristes et chalands. Faire de Pau une grande ville chaleureuse est un défi constant qui suppose d’investir sur l’habitat, l’espace public et les déplacements pour donner envie de vivre au cœur de la ville ».

V

comme Venise

« Pour moi, une ville domine toutes les autres : la Sérénissime Venise. J’y vais tous les ans, maintenant en hiver, trois jours depuis un demi-siècle. Je retrouve la magie éblouissante renouvelée. Quant à mes voyages en Italie, je suis souvent des itinéraires de peintres, Piero della Francesca, Caravaggio… »

W

comme web

Résolument moderne, André Labarrère avait créé un blog sur Internet. Ce fut « un chemin de traverse dévorant » pour l’homme

La métropole chinoise est la plus récente des neuf villes jumelles de Pau. Officiellement scellés en 1986, les liens s’étaient noués au retour du voyage de François Mitterrand parti poser la première pierre de la Maison de France à Pékin. Saisi d’une demande de jumelage des autorités chinoises, le chef de l’Etat en avait alors fait part à André Labarrère qui accepta la proposition.

Marguerite Yourcenar figurait parmi les auteurs adulés d’André Labarrère qui prisait tout particulièrement les « Mémoires d’Hadrien ». Il aimait aussi pêlemêle Julien Gracq, Max Gallo, André Maurois et, d’une manière générale, les biographies. « Je peux lire des choses très banales et des textes particulièrement pointus » avait-il coutume de dire.

« C’est le grand frère culturel du Palais des Sports » disait de lui André Labarrère qui s’enorgueillissait d’avoir offert à la ville la salle de spectacles qu’il lui manquait, inaugurée le 12 décembre 1992 avec Hallyday à l’affiche. TEXTES DE RENÉE MOURGUES

K comme Karoui: «C’est un des futurs grands chefs d’orchestre mondiaux» prédisait André Labarrère. (Photo Nicolas Sabathier)

Z comme Zénith: la grande salle de spectacles fut inaugurée le 12 décembre 1992 avec un concert de Johnny Hallyday. (Archives Gérard Lévêque)

16 - 19 mai 2006

15


ANDRÉ LABARRÈRE, UNE VIE POUR PAU

Attachant ou détesté, André Labarrère voulait avant tout convaincre

Adieu, Monsieur Géranium S Amoureux des fleurs, André Labarrère l’était aussi des arts, de la peinture, de l’Italie aussi et des Lettres bien sûr.

16

16 - 19 mai 2006

ouvent, celui qui emprunte mode. Est-ce ce genre de parlotte l’ascenseur, si facile d’ac- qui valut à notre géranium le cès, de l’Hôtel de Ville de terrifiant « Labarrère, taisez-vous » Pau, peut s’enivrer d’un de Jacques Chaban-Delmas qui réparfum de fleurs fraîches. C’est un gnait alors à l’hôtel de Lassay ? On signe : la mairie de Pau est un imagine que Chaban n’aimait guèroyaume fleuri. Tous ceux qui, re les Béarnais, surtout ceux qui se avec une amitié liée à cette fine payaient sa tête… Le prix d’une ironie bien béarnaise, autoroute ? surnommaient André Labarrère Un puissant « Toque manette », l’appelaient sens de l’humour dans les débuts de son mandat, Notre maire, qui nous l’espé« Monsieur Géranium ». Les années ont passé, comme rons, êtes aux cieux auprès de voles torrents pyrénéens, ces gaves si tre mère et de votre ami, était chers au cœur du maire que, lors avant tout doté d’un sens de l’hude son séjour canadien, il raconte mour puissant, sans lequel, disait avoir essayé d’en retrouver les Chamfort, « il n’est point d’intelliéchos sur les berges du Saint-Lau- gence ». On aura suffisamment glorent : ministre, président de ceci sé son autoritarisme, voire son caou de cela, maire élu, réélu sans ractère difficile, sinon implacable : cesse dans une ville « de droite », mais qui se souvient encore qu’il sénateur sur le tard, André Labar- s’étranglait de rire devant les carirère n’a jamais cessé de penser à catures et les messages — propres à distraire cet amateur d’histoires fleurir ce qui l’était bien peu. Est-ce une particularité ? Atypi- drôles, jolies, disait-il — que lui faisait passer que ? André plein Labarrère ne Est-ce ce genre de parlotte en conseil vient pas de la qui valut à notre géranium municipal un « sphère » où le terrifiant élu de l’oppojuristes, énarsition ? ques, « Labarrère, taisez-vous » Il serait vain économistes butinent le de Jacques Chaban-Delmas ? de revenir sur les possibilités pouvoir : c’est avant tout un littéraire, un vrai, un de travail du maire. La ville entière agrégé d’Histoire et Géographie, est signée de sa griffe : les couun amoureux des arts, de la pein- leurs des maisons, la jubilation ture, de l’Italie aussi. Particularité qu’il affiche devant les deux maibéarnaise ? François Bayrou ne sons mitoyennes de la place sort pas non plus de ce sérail là… Grammont enfin réunies dans la De quelques bords qu’ils fus- même couleur reste mémorable, sent, on raconte qu’à l’Assemblée les rues piétonnes, le grand netles Béarnais se parlaient en patois, toyage, les grands travaux en l’occitan n’étant pas encore à la général. On a critiqué ses goûts :

En 1990, la ville avait obtenu le premier prix de fleurissement : un honneur pour le maire et son équipe technique. (Archives Daniel Rosé)

le plafond du théâtre Saint-Louis, rapportent beaucoup d’argent à la façon Chagall, ne plaît pas à tout ville. Au cœur d’un emploi du le monde. Mais qui se souvient du temps surchargé, André Labarrère, projet précédent ? Des bureaux dont on voyait les lampes briller au balcon de l’Hôtel de Ville dès tristes pour l’état civil ? Qui se souvient de la salle des 5 heures du matin, trouvait le Ambassadeurs du « Casino » de Pau temps d’écrire, tout comme lorsavec ses tristes rideaux et son que, vissé dans son lit d’hôpital par une mauvaise décor improbal’ancien ble ? Le Palais André Labarrère a su, bronchite, ministre des relaBeaumont s’est à sa manière, tions avec le Parlecertes adapté à ment mettait une son époque, mais ressusciter un Pau dernière main au enfin, il tient dequ’il n’a pas connu troisième volet de bout et ne manson roman d’avenque pas d’élégance. André Labarrère l’a assez dit : tures, déjà introuvable. Le baron « J’ai pour modèle Henri Faisans, le de Parbayse aura eu le mérite de maire bâtisseur, celui qui a créé le faire défiler des visiteurs dans ce viaduc qui supporte actuellement village proche de Monein pour vile boulevard des Pyrénées », voie siter le château… qui n’existait que le sénateur maire a interdite que dans l’esprit de l’auteur. André partiellement à la circulation auto- Labarrère a su, à sa manière, resmobile pour rendre un charme la- susciter un Pau qu’il n’a pas tin à une ville étouffée de vapeurs connu : comme Proust, il met en scène un monde plus vrai que le d’essence. vrai. Le beau Mauveclair n’est-il « Si j’écrivais ? » pas le souvenir d’un amour perNaturellement, André Labarrère du ? Graphologue passionné et aua écrit : sans avoir des tirages à la teur d’un ouvrage sur le sujet, AnSagan, ses romans se sont bien dré Labarrère se passionnait, vendus, ses pensées aussi, ses jar- dit-on, pour l’étrange : les dins secrets et publics enfin. Pau « broutches » (sorcières) béarnaises Ville Jardin est une référence à sa lui plaisaient, avec leurs maléfices, manière : qui s’est intéressé com- leurs recettes de grands-mères et me lui à sauver ce qui restait de les sorts puissants qu’elles jetaient. beau à Pau ? Fils de commerçant, il En cela encore ne rejoint-il pas la n’a pas l’âme boutiquière. Pour la nature profonde de ce pays béarville, il rachète la villa Saint-Basi- nais, carrefour de religions, l’s : toute la droite s’exclame… et croyant et superstitieux à la fois ? En bon béarnais, André Labarrèen profite. Un exemple qui vaut bien celui re ne supportait pas la contradicdu Casino : derrière le Palais Beau- tion. Mais il savait souffrir, presque mont, les bandits manchots encad- en silence. JEAN-CHARLES CAZABAN rent un havre gastronomique, et


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.