La nuit des chercheurs

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UNIVERSITÉ X

Faire sortir la recherche des limites du campus

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CAHIER DÉTACHABLE

VENDREDI 23 SEPTEMBRE 2022

VENDREDI 30 SEPTEMBRE

© ASCENCION TORRENT / MARC ZIRNHELD

UNE NUIT ET UN ÉCRIN POUR LES CHERCHEURS

ÉVÉNEMENT X Pour la première fois, les Pyrénées-Atlantiques accueillent la Nuit européenne des chercheurs. Avec un grand rendez-vous au château de Pau vendredi 30 septembre. CAHIER SPÉCIAL ■


II

CAHIER ÉVÉNEMENT

VENDREDI 23 SEPTEMBRE 2022

Le 30 septembre au château de Pau, Pour la première fois, la Nuit européenne des chercheurs fait escale à Pau. Mais pas seulement. L’imprévu. Vaste programme qui sera le thème de l’édition 2022 de la Nuit européenne des chercheurs. Un événement organisé dans une centaine de villes européennes, dont 16 en France, et qui pour la première fois s’arrêtera en Pyrénées-Atlantiques. A l’initiative de cette déclinaison locale, on trouve l’association Lacq-Odyssée et l’Université de Pau et des Pays de l’Adour, deux structures qui ont pour mission, entre autres, de diffuser la culture scientifique auprès du grand public.

Des speed-searching Si plusieurs événements sont programmés, c’est bien le rendezvous au château de Pau le vendredi 30 septembre qui en sera le point d’orgue. Ce soir-là, une quarantaine de chercheurs issus de l’université et représentant un large éventail de disciplines – de la danse à la biologie, de la physique quantique à l’économie – investi-

ront la salle des 100 couverts. De quoi partager avec le public la nature de leurs travaux de recherche, d’échanger sur leurs méthodes de travail, leur quotidien, leurs espoirs, leurs ratés comme leurs réussites. Cinq d’entre eux nous présentent ici leurs travaux et leurs ambitions. Cette soirée permettra aussi de participer à des « speed-searching », c’est-à-dire de rencontrer un chercheur en tête-à-tête. Des animations sont également prévues afin de rappeler que la recherche investit aussi le champ des arts (danse, théâtre, musique), ce qu’illustreront des performances. Mais Pau et son château ne seront pas le seul écrin offert à la Nuit européenne des chercheurs. Le musée Jeanne d’Albret d’Orthez, le cinéma Saint-Michel d’Arudy ou, plus loin d’ici, l’IUT de Mont-de-Marsan (40) et même le château de Buzet (47) seront également de la partie.

ZOOM

Le programme N AOrthez, musée Jeanne-d’Albret, jeudi 29 à 17h30 conférence sur le règne d’Alain d’Albret (1471-1522) et sur les bibliothèques des princesses de Navarre; vendredi 30 à 18h30, conférence sur les mathématiques, codes secrets et guerres de religions sous Henri IV, suivie d’un atelier de jeux cryptographiques. N A Mont-de-Marsan (40), à l’IUT, le vendredi 30 à 18h, conférence sur la «Décarbonation - Pourquoi ? Pour qui? Comment?». N APau, au château, le vendredi 30 à partir de18h à 22h, Nuit des chercheurs. N A Buzet (47) le vendredi 14 octobre à 18h30, «Faire revivre le château, des ruines à l’histoire ». N AArudy, au cinéma Saint-Michel, le samedi 3 décembre à 20h, conférence et projection de film «Explorer notre futur climatique à travers la science-fiction ».

Modéliser les phénomènes physiques Rémi Manceau (1) est physicien et directeur de recherche au CNRS. Il étudie la dynamique des fluides et les tourbillons. Vous êtes rattaché à un laboratoire de mathématiciens, le LMAP de l’UPPA, mais vous êtes physicien ? Il n’y a pas de frontières car on fait des choses très proches, le physicien comprend et représente les phénomènes physiques par des équations, le mathématicien les résout de manière efficace, précise et rapide. Et on essaie, dans les deux sens, d’améliorer les équations. On converge sur des choses qui intéressent tout le monde. En quoi la dynamique des fluides intéresse-t-elle tout le monde ? Je travaille sur tout ce qui coule, eau et air : l’aérodynamique, le refroidissement des moteurs, la sûreté des centrales nucléaires… Nos interlocuteurs naturels sont Safran, Peugeot, Dassault, EDF,… Ils ont besoin de nous pour remplacer l’expérimental qui coûte cher. Par exemple, on met les nouvelles voitures dans une soufflerie pour tester leur aérodynamisme, cela représente 20 000 € par jour, et il faut avoir créé une maquette grande échelle, la modifier… C’est du temps et de l’argent. Donc on veut la remplacer par une solution numérique : il faut mettre toutes les équations dans un ordinateur - on les connaît très bien, on sait faire. Mais même avec le plus gros calculateur, il

Rémi Manceau travaille au Laboratoire de mathématiques appliquées à l’UPPA. © A. T. faudrait 100 ans pour lancer le calcul ! C’est là que vous entrez en jeu ? Oui, le physicien doit modéliser le phénomène physique pour changer les équations et que le calcul ne dure plus que quelques heures. Prenez une pile de pont, elle fait tourbillonner l’eau, l’ordinateur doit calculer tous les tourbillons, gros et petits, dont même ceux de 10 µm peuvent changer la donne. Notre travail, c’est de calculer l’écoulement moyen avec les gros tourbillons, sans oublier les petits. Le modèle est loin d’être parfait, et on travaille à l’améliorer. Et sur les centrales ? On se concentre sur la sûreté du fonctionnement. Une centrale crée de la chaleur transportée dans des tuyaux, là aussi il y a des tourbillons, des refroidissements et réchauffements, cela peut les abîmer. C’est pour cela qu’on travaille avec EDF.

Soigner avec des matériaux à l’échelle nanoscopique Joachim Allouche (1) travaille dans les nanotechnologies, pour des applications dans la biologie, notamment pour le traitement des cancers. Pourquoi la recherche s’intéresse-t-elle aux nanomatériaux ? Ce sont des matériaux en dessous du micromètre, c’est-à-dire endessous du millionième de mètre. A partir d’une certaine taille, ils changent de propriétés. On travaille sur l’or, un lingot fragmenté en particules a des propriétés optiques différentes et ses effets physico-chimiques sont chamboulés. Cela nous sert pour travailler sur des dispositifs particuliers. Et vous travaillez sur des applications dans le domaine de la santé ? Le cancer notamment. Des nanoparticules d’or viennent cibler une cellule cancéreuse, avec une certaine longueur d’ondes, on les fait chauffer avec une fibre optique et elles tuent les cellules qui ne survivent pas au-dessus de 40°. C’est un traitement très localisé,

sans chimiothérapie. Quelques matériaux sont développés pour être à maturité. Ici, à l’IPREM, on étudie ces particules et on essaie de développer des matériaux plus performants, voire intelligents. On combine plusieurs éléments ensemble à l’échelle nanoscopique et plusieurs architectures, qui ont des propriétés particulières. On imagine relier la silice et l’or, une coquille de silice po-

reuse qui contiendrait un principe actif qui, une fois libéré, tuerait la cellule cancéreuse. On est au stade du modèle. On doit aussi se demander si les particules ne sont pas toxiques pour les cellules, si le remède n’est pas pire que le mal. Vous vous penchez aussi sur leur impact sur les microbes ? On travaille sur l’interaction entre les microbes et les nanoparticu-

La recherche est aussi affaire de financement... Oui. J’ai de la chance, 3 projets sont passés en 3 ans, mais les 10 années précédentes, j’en ai eu 13 à 14 refusés. C’est aussi pour cela que les industriels sont importants, quand on présente à l’État des projets communs en partie financés par le privé, on a des chances d’aboutir. (1) Mission « Organiser la subsidiarité énergétique à l’échelle des territoires ».

Promouvoir l’activité ph les. Parce qu’ils sont présents partout et on essaie de comprendre comment ils interagissent. On se demande si on ne peut pas se servir des interactions pour tuer des microbes pathogènes, ou on veut savoir comment les bactéries dégradent la matière organique, comment elles reconnaissent un nutriment à l’échelle nanométrique – on pourrait trouver des méthodes pour dégrader les plastiques.

Joachim Allouche est chercheur au CNRS, basé à l’IPREM. Il travaille sur l’or, dont les propriétés changent quand on le réduit en nanoparticules, notamment sa couleur. © A. T.

Vous êtes un chercheur public mais vous travaillez pour les industriels ? Non je ne travaille pas pour eux, ce sont les débouchés de nos recherches. On travaille pour la science, la gloire (rires), pour que ça serve. Il y a des applications dans l’industrie, mais on travaille aussi avec le CEA (défense) ou l’Onera (aérospatiale) sur le stockage en eau de l’énergie éolienne, ou le refroidissement des turbines d’avions pour qu’ils soient moins pollueurs et consommateurs .

De quoi lutter contre la pollution donc, mais encore contre les maladies ? Oui, on travaille sur un dispositif fiable de détection des bactéries responsables de la maladie de Lyme. Parce que pour 50 % des patients, on passe à côté du diagnostic et on sait que cette maladie doit être prise en charge rapidement. Comment vous viennent ces idées de recherche ? En fait, de ce qu’on vit tous les jours. On a une idée, mais on regarde d’abord si cela n’a pas déjà été fait, on a un gros travail de veille de la littérature scientifique. (1) Mission « Concilier développement, environnement sécurisé et biodiversité préservée ».

Julien Bois (1) est professeur des universités en STAPS (sciences et techniques des activités physiques et sportives) à l’UPPA, basé à Tarbes. Vous étudiez la sédentarité ? Mes travaux de recherche portent sur la promotion de l’activité physique pour la santé. À tous les âges de la vie, on est de plus en plus sédentaires et moins actifs, et cela pose des problèmes de santé à moyen et long terme. On se demande comment on encourage les enfants, les adolescents et les adultes à être plus actifs. Ces recherches semblent aller au-delà de la question du sport ? C’est un sujet très propice à l’approche pluridisciplinaire : la médecine, la santé publique, la psychologie. On travaille dans une équipe qui a des compétences différentes pour trouver quels leviers activer afin de développer ces habitudes, car elles dépendent de l’individu, de son environnement psychosocial, de son environnement physique, mais aussi législatif et médiatique. Pour changer les


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la recherche dévoile ses secrets Comment les métaux polluent les rivières Séverine Le Faucheur est enseignante-chercheuse et écotoxicologue à l’IPREM à Hélioparc. Elle (1) travaille sur la pollution industrielle dans les eaux douces. Sur quoi portent vos recherches ? Je travaille sur le comportement et les effets des métaux sur les écosystèmes aquatiques. J’essaie de comprendre les processus qui régissent leur toxicité envers les microalgues, notamment les biofilms qui se forment à la surface des cailloux, les invertébrés et les mollusques. Le but final est de développer de nouveaux outils pour mieux évaluer leur impact dans les eaux. Je travaille sur des métaux surtout liés à la transition énergétique : le cobalt, le lithium et le nickel qu’on trouve dans les batteries et le manganèse, l’indium et le germanium qu’on trouve dans le

photovoltaïque. Je veux savoir comment ces métaux polluent les eaux douces, lacs et rivières . Faites-vous vos prélèvements dans les sources du Béarn ? Non, dans le cadre de ma chaire avec TotalEnergies, Rio Tinto et l’UPPA, nous travaillons sur la plateforme de Lacq où ont été créées des rivières pilotes alimentées par l’eau naturelle du Gave. On a recréé16 canaux, avec des espèces du coin, et dans lesquels on reproduit la pollution. J’avoue qu’avec la chaire, je suis plutôt sur l’ordinateur que sur le terrain, j’encadre mes étudiants en thèse, mes ingénieurs d’étude, mais j’essaie de ne pas perdre la main en allant parfois sur les rivières pilotes . L’écotoxicologue est un biologiste ? Je suis chimiste de formation, mais avec l’écotoxicologie, il faut aussi être biologiste. D’ailleurs en

Séverine Le Faucheur travaille à l’Institut des sciences analytiques et de physicochimie pour l’environnement et les matériaux. © ASCENCION TORRENT

DEA de chimie, je me suis très vite intéressée aux microalgues, ce sont des communautés, c’est chouette à échantillonner. Et en arrivant à Pau, j’ai commencé à travailler sur les mollusques : l’analyse microchimique des biominéraux est une des fortes compétences de l’IPREM. Là, on se focalise sur les coquilles parce qu’elles poussent toute la vie du mollusque, cela nous permet de retracer des événements de pollution . Vous êtes Bretonne, avez passé votre doctorat à Zurich, le post-doc au Québec, puis une étape à Genève. Qu’est-ce qui vous a amenée à Pau en 2019 ? Je suis venue pour l’IPREM et ses techniques analytiques de pointe. Pour le travail sur le mercure, ici il y a les techniques pour le doser et tester ses espèces dans les eaux. Peu de laboratoires dans le monde sont capables de faire ces analyses. Je m’amuse ! On cherche, mais parfois on ne trouve pas. Ce n’est pas frustrant ? La recherche, c’est l’imprévu – d’ailleurs c’est le thème de la Nuit des chercheurs – et il faut l’expliquer. On part sur des hypothèses de travail grâce à nos connaissances, la littérature et des expérimentations, mais ce n’est jamais ce qu’on a prévu – surtout avec des êtres vivants ! Ce qui est frustrant, c’est que le robinet n’est jamais fermé. On trouve, mais d’autres questions arrivent. Il faut être capable d’humilité. (1) Mission « Adapter les écosystèmes littoraux, forêts et montagnes pour les rendre plus résilients ».

hysique et lutter contre la sédentarité habitudes, il faut s’intéresser à tous ces facteurs, c’est compliqué. Je suppose que vous commencez par étudier l’individu. On mesure l’activité physique et la sédentarité, en posant des capteurs pour savoir combien de minutes par jour, une personne est en activité, modérée ou active, et assise. On essaie de trouver ce qui l’explique. Puis on réalise des études interventionnelles, on va sur le terrain pour modifier les comportements. Qu'en est-il du cas des adolescents par exemple ? 8 à 9 adolescents sur 10 n’atteignent pas les recommandations en matière d’activité physiques (60 minutes par jour, moyenne ou intense). C’est un gros facteur de risque de maladies de longue durée, cardiovasculaires, diabète, etc. En parallèle, ils restent beaucoup de temps sédentaires, assis sans bouger, en grande partie à cause des écrans. L’ANSES estime qu’en cumulant les deux, un sur deux est exposé à des risques : c’est une part importante de la population ! Mais c’est un risque dont on ne mesure pas l’ampleur, ce serait pourtant le

Julien Bois est docteur en psychologie du sport. © MARC ZIRNHELD même en termes de mortalité si un sur deux fumait ou consommait de l’alcool régulièrement. Comment pouvez-vous changer les choses ? On est porteur d’un projet européen 2Pass4Health avec l’Espagne, le Portugal, la Belgique et l’Irlande, piloté depuis Tarbes, pour la promotion de l’activité physique dans le secondaire. On finalise un article scientifique qui donne notre position de spécialistes, on prépare un livre blanc pour le

grand public et les responsables de l’éducation. Enfin, on intervient dans des établissements pour construire un guide d’intervention pour les équipes éducatives, on les accompagne dans des actions en fonction du contexte. Ce n’est pas qu’affaire de motivation, on essaie de changer l’écosystème de l’élève pour qu’il aille plus facilement à l’activité physique. Il n’y a pas de solution absolue. On peut parler de recherche appliquée. (1) Mission « Questionner les frontières et relever les défis des différences ».

Jacques Le Cacheux enseigne à l’UPPA, à Sciences-Po Paris et à Ponts et Chaussées. © ASCENCION TORRENT

Étudier l’économie pour améliorer le monde Jacques Le Cacheux (1) est économiste. Il a dirigé pendant 20 ans le Département des études de l’Observatoire français des conjonctures économiques.

Quelles qualités faut-il avoir pour être un chercheur en économie ? Il faut une curiosité, une aptitude intellectuelle, une rigueur et une honnêteté. Il faut accepter les choses qui spontanément ne plaisent pas.

Pendant cette Nuit des chercheurs, vous allez expliquer à quoi sert la recherche en économie. Dites-nous. L’analyse économique permet de comprendre la vie quotidienne, de quantifier ce qui est dans la poche de chacun, elle éclaire les décisions politiques, et les évalue. On essaie d’être utile, d’améliorer le monde. Par exemple en ce moment, le gouvernement subventionne de 30 centimes le prix du carburant pour faire baisser le prix à la pompe pour les consommateurs. Mais en fait, le gouvernement subventionne les producteurs, puisqu’on en achète plus, alors que si le carburant était plus cher, on en achèterait moins. Tout cet argent va bien aux producteurs de pétrole - dont la Russie.

Ce sont bien les comportements humains que vous étudiez ? On travaille sur des données : on mesure ce que les gens font, ce qu’ils achètent, quelle part de leur budget ils mettent où, comment leur comportement change quand quelque chose change, quelles décisions les amènent à faire cela... On utilise ces données et des modèles pour isoler certains phénomènes.

On voit le chercheur comme quelqu’un qui aboutit à une vérité intangible, pourtant les économistes peuvent défendre une théorie libérale ou une interventionniste... C’est compliqué parce qu’on touche à des questions qui concernent l’organisation de la société et la répartition des richesses. Et nous n’avons pas tous la même sensibilité, la même conception de la justice : est-ce que c’est juste que les chômeurs touchent plus ou moins ? Il y a une part de jugement, on n’est pas qu’objectif. Et on n’a pas tous les mêmes préconisations. En 1998, Didier Migaud qui était à la commission des finances de l’Assemblée nationale, a demandé une étude sur les effets de la baisse de la TVA sur les travaux de restauration dans l’ancien. De quoi multiplier les emplois dans le bâtiment, mais cela faisait cher la création d’emploi pour les finances publiques, et profitait surtout aux riches. C’est un peu embêtant pour un gouvernement socialiste. Ils l’ont fait quand même.

Vous avez démarré par Normale Sup–Ulm en biologie, c’est un peu loin de l’économie, non ? C’est vrai que c’est un bagage particulier, mais qui me sert notamment sur la question de l’écologie. C’est important de ne pas être un économiste hors sol, il faut comprendre d’autres points de vue. Ce n’est pas facile de s’imaginer SDF ou même Bernard Arnault – comprendre comment il dépense son argent. Vous avez étudié la fiscalité, l’intégration européenne, mais aussi l’écologie. Economie et écologie ne sont-elles pas inconciliables ? C’est mon premier cours d’introduction à l’économie : ces deux mots ont la même racine oïkos, l’habitat, le foyer, le domaine. L’économie, c’est la science de la bonne gestion du domaine, de notre environnement. Un environnement avec des ressources naturelles qui ne sont pas illimitées – c’est ce qui nous rattrape aujourd’hui. On ne peut pas penser l’économie sans cette dimension. J’ai pris conscience de la soutenabilité quand j’ai été un des rapporteurs de la Commission Stilgitz sur la mesure des performances économiques et du progrès social, en 2008-2009. C’est la grande question, le reste n’est que pipi de chat. (1) Mission « Représenter et construire les territoires du futur ».


IV

CAHIER ÉVÉNEMENT

Le château de Pau ravi d’accueillir les chercheurs

Paul Mironneau, conservateur du patrimoine et directeur du château de Pau. © E.N. Pour Paul Mironneau, conservateur national du patrimoine et directeur du château de Pau, accueillir la Nuit européenne des chercheurs est quelque chose d’évident. « Cela s’est fait naturellement, puisque nous avons un partenariat assidu avec l’UPPA, précisément dans le domaine de la recherche avec des colloques, des séminaires qui se déploient dans le domaine des sciences humaines. Et ici, nous avons un panorama de la recherche autour des sciences dures. Tout un éventail qui va bien au-delà de ce que nous pratiquons de manière fréquente avec l’université. » Paul Mironneau note ainsi que le château a des responsabilités dans des zones variées de la recherche et « qui sont au contact entre les sciences, comme la biologie, la chimie et puis la conservation des œuvres et la recherche sur l’histoire des œuvres. Un contact fort, direct, qui fait le pont entre nos préoccupations et le domaine des sciences scientifiques ».

Toucher le public

De quoi répondre favorablement à la sollicitation de Lacq Odyssée et de l’UPPA. « On nous a demandé de participer à la Nuit des chercheurs, avec pour idée que le château de Pau est un lieu de visites, de rencontres, d’ouverture au public. Il s’agit aussi de donner ce soir-là, aux chercheurs, un lieu éminent, royal. Et de consacrer ainsi leur place dans la société. » Et de conclure : « C’est important de communiquer pour ce que nous sommes et d’effectuer cette démarche. On a un partenaire, Lacq Odyssée, qui donne une image heureuse de la recherche, qui n’est pas un puits sans fond dans lequel on s’abîme. Et nous avons à cœur de rapporter les résultats de la recherche chaque fois que c’est possible vers le public le plus large.» C’est justement l’esprit de la manifestation du vendredi 30 septembre.

RÉALISÉ PAR Directeur de la publication : Nicolas Rebière Coordination : Eric Normand Rédaction : Marie Berthoumieu, Eric Normand Impression : PPSA, Morlaàs

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Comment l’université entend sortir la recherche des frontières du campus La première participation de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour à la Nuit européenne des chercheurs témoigne de la volonté de l’établissement de mieux ancrer cette thématique dans la société. L'ambition est revendiquée au sein de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour (UPPA). Diffuser les travaux des chercheurs au sein de la société. Faire savoir ce qui se passe dans les laboratoires des différents campus (Pau, Bayonne, Anglet, Mont-de-Marsan et Tarbes). Les domaines de la recherche, qui concernent 1 450 personnes (UPPA, CNRS, INRAE, INRIA) et 19 unités de l’établissement, ont été réorganisés en cinq grandes familles, graphiquement présentées sous forme de pervenche à cinq pétales (voir encadré). Des missions définies à l’aune de la signature scientifique de l’UPPA, et de ses spécificités (environnement, énergie, matériaux…).

Avec I-site « Ce sont désormais ces missions qui, depuis le 1er janvier 2022, structurent nos recherches. Mais c’est quelque chose auquel nous réfléchissons depuis 2019. La réflexion a été initiée au sein du projet d’excellence I-site E2S, lors d’une réunion avec les directeurs d’unités en février 2019. L’idée était alors de réfléchir comment décliner notre recherche en missions interdisciplinaires, en lien avec les enjeux sociétaux. Et de voir comment on peut libeller ces missions avec un vocabulaire qui parle au grand public. Qu’on comprenne ce qu’on fait à l’UPPA, dans les labos de recherche », détaille la vice-présidente en charge de la recherche Isabelle Baraille. Cette mise en œuvre d’une

Isabelle Baraille, vice-présidente en charge de la recherche, et Brice Bouyssière, vice-président Sciences avec et pour la société (SAPS). © MARC ZIRNHELD interdisciplinarité, plus facile dans une université à taille humaine, est aussi un élément d’attractivité. « C’est comme cela que nous avons pu recruter un professeur reconnu du droit de l’énergie, Raphaël Heffron. Et si on peut faire cela, c’est parce que nos laboratoires sont reconnus au niveau national et international. La recherche ici est de haut niveau. »

BD et podcasts Dans le même temps, l’établissement a été lauréat d’un appel à projets du gouverne-

ment, ce qui a permis la création d’une vice-présidence SAPS (pour Sciences avec et pour la société), confiée à Brice Bouyssière. « L’objectif de ce label est de faire sortir les chercheurs et la recherche des labos pour aller à la rencontre de la société. Ce qui passe par deux axes : la diffusion de la culture scientifique vers tous types de public et les sciences participatives. » C’està-dire faire participer les citoyens aux programmes de recherche en leur permettant de faire remonter une problémati-

ZOOM

Les cinq missions de la recherche à l’UPPA Voici les cinq missions interdisciplinaires de la recherche définies au sein de l’université. Chacune recouvre plusieurs objectifs : adapter les écosystèmes littoraux, forêts et montagnes pour les rendre plus résilients ; concilier développement, environnement sécurisé et biodiversité préservée ; organiser la subsidiarité énergétique à l’échelle des territoires ; questionner les frontières et relever les défis des différences ; représenter et construire les territoires du futur.

que auprès d’un chercheur ou alors les associer directement à un sujet. « Par exemple, pour suivre la qualité de l’eau, on peut travailler avec des citoyens qui vont réaliser des prélèvements » image Brice Bouyssière. La diffusion de la culture scientifique se traduit par la participation à des événements comme la Fête de la science ou, pour la première fois, la Nuit européenne des chercheurs. Mais pas seulement. La mission est conduite dans la durée. « Nous avons embauché des médiateurs scientifiques qui travaillent avec les chercheurs Nous avons aussi lancé une revue qui diffuse nos travaux de recherche sous forme de BD. Nous avons pour cela passé une convention avec l’association L’Encre sympathique, basée à Billère » explique Brice Bouyssière. À cela s’ajoute la réalisation de podcasts. Trois numéros sont déjà disponibles en ligne : les vins de Buzet, le biomimétisme et les robots de téléprésence.

Le thème de l’imprévu Pour la Nuit européenne des chercheurs, dont le thème sera l’imprévu à Pau, l’UPPA a mobilisé une quarantaine de chercheurs. Une vingtaine de thématiques seront par ailleurs proposées au public. « Il s’agit aussi de montrer comment l’imprévu fait aussi avancer la recherche, l’exemple le plus connu étant la pénicilline », note Isabelle Baraille. L’ambition est aussi d’évoquer comment se construit la connaissance avec ses allers-retours, ses confrontations d’idées, le temps de la recherche étant celui du temps long. « Nous avons motivé les chercheurs pour qu’ils viennent. C’est l’un des axes de SAPS de promouvoir la dissémination scientifique. Beaucoup de collègues ont de l’appétence pour cela » conclut Brice Bouyssière.

Lacq Odyssée en médiateur naturel avec le grand public Diffuser la culture scientifique, c’est la mission d’un acteur incontournable du territoire et en plein développement, le CCSTI Lacq Odyssée. Le label Sciences avec et pour la société (SAPS) de l’UPPA prévoit une collaboration étroite avec l’acteur naturel de la diffusion scientifique auprès du grand public qu’est Lacq Odyssée. Le centre de culture scientifique, technique et industrielle (CCSTI) basé à Mourenx, et qui rayonne sur les Pyrénées-Atlantiques et les Landes, porte déjà un événement annuel de vulgarisation, la Fête de la science, et s’associe à l’organisation de cette première Nuit des chercheurs.

Et en attendant le développement de tout un programme de médiation et de culture scientifique avec l’UPPA, pour donner « les clés qui permettent de comprendre la complexité du monde », décrit le directeur Saïd Hasnaoui, l’association locale a aussi une stratégie à déployer d’ici 2025.

Objectif Pays basque et Landes Outre ses deux centres de sciences où l’ont met la main à la pâte, à Mourenx et Pau (Science Odyssée créé il y a un peu plus d’un an dans le cadre de la politique de la ville, au cœur du quartier Saragosse) – chargés de « mettre des petites étoiles dans les yeux, pour déclencher la curiosité scientifique », définit Saïd Hasnaoui – et ses ateliers mobiles qui prêchent la bonne science dans les vallées, ou la

Saïd Hasnaoui, le directeur du CCSTI Lacq Odyssée, a dans les cartons un Science Odyssée sur le campus d’Anglet. © M. B. bonne chaire avec sa cuisine mobile, le CCSTI planche sur deux nouvelles créations à Anglet et Mont-de-Marsan. La première est bien avancée,

en partenariat avec l’université, mais aussi l’Agglo et la Ville : monter un Science Odyssée Pays basque à Anglet, mais avec des enjeux différents de ceux de Pau. « On s’est rendu compte qu’il y avait là un déficit : les jeunes y réussissent bien au bac, mais ne poursuivent pas dans le supérieur. On a un gros enjeu de développement du territoire : augmenter le nombre d’étudiants au Pays basque ». Sur le campus de Montaury, 400 m2 sont déjà construits et au premier semestre 2023, ce Science Odyssée permettra aux jeunes de découvrir la science et la recherche au cœur même de l’université. « On a des envies similaires sur Mont-de-Marsan », ajoute Saïd Hasnaoui qui veut baser les implantations sur un besoin particulier, mais le projet n’est pas aussi avancé.


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