Latences #5 magazine

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ÉDITORIAL

SOMMAIRE p 01

APRÈS PARIS AU FIL DE L’EAU, CAPITALES, LE PARADIS ET LES ADOLESCENTS, CE NUMÉRO DE LATENCES A ÉTÉ ÉLABORÉ AUTOUR DE LA LOCUTION HORS... DRÔLE D’IDÉE S’IL EN EST... Les langues sont constituées de mots qui « vivent, meurent, renaissent parfois, perdent des sens, en gagnent d’autres indéfiniment »1. La langue est ce qui nous lie. Nous nous exprimons grâce à elle. Pour joindre à cette parole le travail du photographe qui, lui, s’exprime par l’image, le visuel, nous avons choisi de placer ce numéro 5 de Latences autour d’une locution : « hors », « hors de ». Montrer comment des créateurs d’un langage visuel peuvent s’accaparer soit un nom, soit une locution, soit une préposition de la langue pour communiquer. Si « les langues sont peut-être ce que nos cultures humaines ont de plus vivant », Latences tente de montrer que l’image est l’alliée de cette langue, vivantes toutes deux, et qu’il faut lutter pour ne pas les renvoyer dos à dos, et promouvoir l’une et l’autre. Ensemble, le mot et l’image parlent de notre société humaine, forment notre langage contemporain, questionnent et sont sources d’échanges entre les hommes et les femmes que nous sommes.

Latences est édité par l’association Révélauteurs. Révélauteurs est une association loi 1901 dont les statuts sont disponibles sur le site web : www.revelauteurs.com Pour toute demande d’informations : Révélauteurs 140 rue de Belleville 75020 Paris Ou adresse électronique : revelauteurs@yahoo.fr Directeur de la publication : Brigitte Trichet. Direction artistique et conception graphique : Révélauteurs. Aide à l’iconographie : Laurence Folie. Rédactrice en chef : Brigitte Trichet. Contact commercial : Florence Virgaux flovirgaux@aol.com Pour l’achat de tirages, contacter : Jean-Philippe Robin, jean-philippe.robin3@wanadoo.fr Impression : Loire Offset Titoulet. Imprimé en France. Dépôt légal : à parution. © Latences et les photographes auteurs, tous droits de reproduction réservés. Les textes et photographies reproduits engagent la seule responsabilité de leurs auteurs.

1 Claude Hagège, in Halte à la mort des langues, Odile Jacob, 2000

Ci-contre : le comité éditorial de Latences, pour la série Hors-contexte, © Marie Saille. 1

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Pour contacter les photographes ayant participé à ce numéro : Michel Batt : micbatt@club-internet.fr Marie Saille : maribozar@yahoo.fr Robin Santus : robin.santus@gmail.com Bernard Tribondeau : bernard@ tribondeau-photo.fr Sophie Pasquet : sophie.pasquet@noos.fr Guillaume Poli : guillaume.poli@gmail. com Dominique Secher : domsecher@free.fr Hervé Szydlowski : Nicolas Hermann : nicolashermann@ mac.com Véronique Durruty : v.durruty@gmail.com

ÉDITORIAL : Hors, par Brigitte Trichet

LA PHOTOGRAPHIE TISSÉE DE SOI ET D’HORS ÉCLAIRAGES :

Par Virginie Gimaray, historienne de l’art p 04

DES LIEUX POUR LIRE, VOIR, RÊVER : Le Point du jour

p 06

[HORS D’USAGE]

p 12

[HORS CONTEXTE]

p 22

[HORS SAISON]

p 30

[HORS-SCÈNE]

p 38

[UNE VIE HORS NORME]

p 42

[HORS CIRCUIT]

p 48

[HORS D’ÂGE]

p 52

[HORS DE SOI]

p 56

[HORS DU TEMPS]

p 60

[HORS SÉRIE]

p 64

Abonnement

Un grand merci à Anne-Flore Lesur.

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LA PHOTOGRAPHIE TISSÉE DE SOI ET D’HORS

Éclairages

LOIN DE NOUS LA VOLONTÉ DE DÉCLINER LES LOCUTIONS AVEC LE MOT « HORS », ELLES SONT PLÉTHORE. CHERCHONS PLUTÔT À INTERROGER LE MOT « HORS » DANS LE CADRE DE L’ACTE PHOTOGRAPHIQUE : FAUT-IL ÊTRE DANS UN ACTE DE DISTANCIATION PAR RAPPORT À LA RÉALITÉ, OU AU CONTRAIRE POSSÉDER LE MONDE EXTÉRIEUR EN Y PROJETANT SON REGARD – ÊTRE « HORS » OU « DANS » CE MONDE PRIS AU FILET DE L’ŒIL PHOTOGRAPHIQUE, SPECTATEUR OU ACTEUR DE LA RÉALITÉ ?

La saisie du réel : rendre compte ou recréer ? En 1839, à la naissance officielle de la photographie, François Arago présente l’invention du daguerréotype et souligne l’ambivalence de ce nouveau medium, entre reproduction mécanique du réel et expression artistique. Dès lors, la question du « hors » et de la saisie du réel, témoignage ou création, va nourrir les courants artistiques, notamment le reportage humaniste d’après-guerre d’un Robert Doisneau ou d’un Cartier-Bresson, adeptes du fameux instant décisif, et la photographie subjective d’un Robert Franck ou d’un Minor White, privilégiant le regard subjectif de l’artiste sur l’objet photographié. D’un côté, l’artiste endosse le rôle de témoin et devient spectateur attentif de ce « hors » qui le nourrit ; de l’autre, le photographe projette sa vison sur le « hors », recomposant cette réalité à la lumière d’une approche formaliste. Le photographe oscille entre deux rôles : rendre compte ou recréer, se laisser imprégner par le « hors » dans un mouvement de l’extérieur à l’intérieur, ou le moduler dans un mouvement de l’intérieur à l’extérieur.

Par Virginie Gimaray, historienne de l’art

Le modèle photographique : une représentation de façade ou une intimité volée ? Mais si le photographe est tiraillé entre une fidélité objective et une projection subjective, qu’en est-il de l’objet photographié lui-même, notamment des portraits ? Le modèle est-il saisi dans sa réalité profonde ou n’est-il qu’une image faussée ? « Dès que je me sens regardé par l’objectif, tout change : je me constitue en train de « poser », je me fabrique un autre corps, je me métamorphose à l’avance en image ». Roland Barthes, dans « La Chambre claire », souligne ici l’impression étrange d’être un autre en se regardant sur une image. Une position « hors » de soi, d’un sujet devenu objet. Dans les premiers portraits photographiques, si certains s’amusent de cette mise en scène, comme la célèbre comtesse de Castiglione, d’autres s’effraient du pouvoir magique de la chambre noire. Balzac, sous le regard de LouisAuguste Bisson, détourne son regard et porte la main à son cœur, de peur que le photographe ne lui vole son âme. Difficile d’être « hors » et « dedans », de poser tout en révélant de soi-même. Le cas de l’autoportrait : être spectateur et acteur Dans le cas de l’autoportrait, la question se complique : sujet et objet photographié se confondent. Hippolyte Bayard réalise en 1840 un fameux cliché le représentant en noyé. Sur l’image, on le voit yeux clos, tête inclinée, ses mains et son visage contrastant avec la lividité du corps. Au verso, un texte : « Le cadavre du Monsieur que vous voyez ciderrière est celui de M. Bayard, inventeur du

procédé dont vous venez de voir, ou dont vous allez voir les merveilleux résultats. […] L’Académie, le Roi et tous ceux qui ont vu ses dessins que lui trouvait imparfaits, les ont admirés comme vous les admirez en ce moment. Cela lui a fait beaucoup d’honneur et ne lui a pas valu un liard. Le gouvernement, qui avait beaucoup trop donné à M. Daguerre, a dit ne pouvoir rien faire pour M. Bayard et le malheureux s’est noyé. Oh ! Instabilité des choses humaines ! Les artistes, les savants, les journaux se sont occupés de lui pendant longtemps et aujourd’hui qu’il y a plusieurs jours qu’il est exposé à la morgue, personne ne l’a encore reconnu, ni réclamé. Messieurs et Dames, passons à d’autres, de crainte que votre odorat ne soit affecté, car la tête du Monsieur et ses mains commencent à pourrir, comme vous pouvez le remarquer. » Par cette image, Bayard nous livre la première mise en scène de l’histoire de la photographie, et son premier canular. En mal de reconnaissance, Bayard, qui est l’inventeur d’un tirage positif sur papier, met en scène son suicide ! Et prouve ainsi que la photographie n’est pas un simple outil d’enregistrement du réel. La photographie est une fiction, au même titre que la peinture. Une fiction confrontant visions intérieures et monde extérieur, entre le soi et le hors, tissée de soie et d’or…


Comtesse de Castiglione, Pierson, vers 1863-1866 Balzac, Louis-Auguste Bisson, 1842 Autoportrait en noyĂŠ, Hippolyte Bayard, 1840

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Des lieux pour lire, voir, rêver Le Point du jour

LE POINT DU JOUR EST UNE MAISON D’ÉDITION PARISIENNE ET, DEPUIS NOVEMBRE 2008, UN CENTRE D’ART DÉDIÉ À LA PHOTOGRAPHIE CONTEMPORAINE SITUÉ À CHERBOURG-OCTEVILLE. NOUS AVONS RENCONTRÉ DAVID BARRIET ET DAVID BENASSAYAG, LES DEUX FONDATEURS DU POINT DU JOUR-ÉDITEUR EN 1995, ET LES DIRECTEURS, AVEC BÉATRICE DIDIER, DU POINT DU JOUR-CENTRE D’ART. ILS NOUS ONT PARLÉ DU PROJET DE DÉPART, DE LEUR PHILOSOPHIE DE TRAVAIL, DE LA CONCEPTION DE LEURS MÉTIERS, ET DES MULTIPLES ÉVÉNEMENTS PROGRAMMÉS JUSQU’EN 2014.

La genèse « Nous nous connaissons depuis l’adolescence. Nous travaillons ensemble depuis presque 20 ans » : David Barriet vient du secteur de la presse – il fut iconographe au sein du magazine Globe –, David Benassayag vient du texte et de l’édition. Au départ, ils mettent en commun leurs compétences pour créer une première collection de carnets de voyage, qui allient photographies et textes avec dix images d’un photographe et un court texte de fiction d’un écrivain. Ils publient un titre par trimestre (la collection comptera 12 numéros au total), et, faute de moyens, font le choix de l’autodiffusion et réalisent eux-mêmes les 2 ou 3 tournées annuelles pour lancer la collection et se faire connaître des libraires. Cette distribution par dépôts est alors le seul moyen économique pour mailler le territoire et s’assurer la confiance durable de plusieurs dizaines de libraires. Ce premier projet collectif fonctionne comme un tremplin (il fournira d’ailleurs certains des auteurs des projets éditoriaux suivants), et, à partir de 1997, se concrétise leur ambition de créer une maison d’édition littéraire avec la parution de leur premier livre, en décembre 1996, Bushwick, de Danny Lyon, du nom d’un quartier déshérité de Brooklyn. Ce premier livre emporte le soutien de Libération (lequel consacre dans une édition du week-end une double-page) et de Nova (lors d’une interview croisée avec Wim Wenders). Danny Lyon fait alors partie des photographes 4

INTERVIEW Isabelle Trévidic et Brigitte Trichet

de référence du Point du jour. Fils spirituel de Robert Franck, il est un photographe encore méconnu, politiquement engagé (il est l’auteur de The Bikeriders, en 1968). Il incarne l’influence que la photographie américaine exerce sur leur approche éditoriale, au même titre que Allan Sekula, un autre photographe dont la rencontre est elle aussi décisive pour la maison d’édition. Ce dernier est un photographe théoricien, cinéaste, qui se situe dans le champ de l’art et dans la tradition du livre documentaire... Il amène avec lui le graphiste Jérôme SaintLoubert Bié, « un puriste qui trace des lignes sur des principes ». En résultera, en 2003,

Titanic’s Wake, un livre de 116 pages, traduit en quatre langues, « réflexion, à travers le texte et l’image, sur le capitalisme mondialisé et la métaphore maritime, illustrée par la " navigation " sur Internet, le film Titanic ou le musée Guggenheim de Bilbao. » De 1997 à 2008, ils produiront environ 10 livres par an. « En 2006, on a commencé à se poser des questions : fallait-il honorer d’abord les commandes éditoriales ou se consacrer entièrement aux expositions ? Quand le Centre d’art a été inauguré en 2008, nous avons levé le pied en tant qu’éditeurs. »


> Les projets 2013/2014 Marc Pataut sera exposé en février 2013, après avoir tourné dans deux lieux, à Douchy-les-Mines, au CRP (Centre régional de la photographie Nord-Pas-de-Calais), situé près de Valenciennes, où le photographe a résidé entre 2008 et 2011, puis à Clermont-Ferrand. Le livre Humaine a paru quant à lui en octobre 2012, en coédition avec le CRP, montrant sous une autre forme ce travail de recherche sur le portrait photographique avec trois femmes auxquelles il rendait régulièrement visite. L’exposition de l’été 2013 sera consacrée à Claire Tenu, ancienne élève de Marc Pataut aux Beaux-Arts de Paris, également en résidence à Cherbourg. Philippe Artières (historien) et Mathieu Pernot (photographe), seront ensuite exposés pour montrer leur travail de cinq années à la résidence psychiatrique et fondation Bon Sauveur, à Picauville, autour des archives de cette institution, depuis la fin de la guerre jusqu’aux années 1980. L’année zéro de l’archive est en l’espèce la destruction du bâtiment alors que les sœurs en ont la charge et subisse de force l’exode avec leurs malades à la campagne et la réflexion associe les images retrouvées (albums photos) et celles réalisées aujourd’hui, à la demande de l’institution, pour conserver la mémoire du lieu, et les archives textuelles (correspondances des patients et des médecins, journal des religieuses pendant leur fuite etc.). Le livre est en cours de conception et l’exposition à suivre est coproduite avec la Maison Rouge. Mathieu Pernot fera également l’objet au Jeu de Paume d’une rétrospective, dont le catalogue sera réalisé par le Point du jour. Mathieu Pernot avait déjà été édité en 2007 au Point du jour avec l’ouvrage Le Grand ensemble. Résultat de sa résidence en 2006 présenté dans le cadre de l’exposition inaugurale du Point du Jour-Centre d’art, le travail de ce photographe était axé sur la construction/destruction des grands ensembles architecturaux qui furent autrefois le symbole de la nouvelle modernité urbaine, et associait cartes postales recolorisées de l’époque et images en noir et blanc prises à la chambre lors des démolitions ultérieures. Ensuite, Claire Sauton et Anissa Michalon, deux jeunes photographes également élèves de Marc Pataut et de Patrick Faigenbaum, seront éditées. Leur travail documentaire porte sur une communauté de Maliens en France et interroge les liens qu’ils continuent de conserver avec leurs villages d’origine, et le rapport entre ceux qui sont partis et ceux qui restent. Façade sud-ouest Le Point du Jour Centre d’art éditeur (octobre 2008). Photographie : © Christophe Maout.

Le Centre d’art, à Cherbourg Dès la naissance du Point du jour-maison d’édition, c’est naturellement que des expositions se montent en parallèle à Cherbourg : Béatrice Didier a une maison de campagne non loin de là, et le triumvirat s’y retrouve régulièrement : il y a installé son siège social. La collaboration avec la Ville date donc des débuts, et s’est concrétisée, après dix longues années de préparation, par la création en novembre 2006 du Centre d’art, projet d’un million d’euros, dessiné par l’architecte éric Lapierre et surnommé depuis « l’apéricube » par les habitants en raison de sa couverture argentée. Pôle de création et de formation, il accueille depuis quatre expositions par an et valorise le rôle de l’édition via la publication de quatre ouvrages associés aux expositions et la création, avec le soutien de la Fondation Neuflize Vie, d’un prix Roland Barthes pour la recherche photographique, doté de 5 000 euros, dont la première lauréate, Laureline Meizel, fut nommée le 23 janvier 2009. Le centre d’art et les livres offrent des espaces d’exposition complémentaires, aux rythmes différents. C’est un lieu modulable, qui se transforme au gré des expositions. L’articulation des

Enfin, une exposition patrimoniale et historique s’attachera à la Photo League.

expositions sur une année se joue entre la présentation d’un jeune artiste contemporain, dont souvent le travail a été réalisé en résidence au Centre d’art, et celle du travail d’un photographe confirmé, comme ce fut le cas pour Paul Strand et Cartier-Bresson ou lors de l’exposition Objets de mon affection, présentant la collection de Sandra Alvarez de Toledo, ancienne compagne de Jean-François Chevrier, montrée en 2011, et qui couvrait un très large spectre de la photographie moderne de Jeff Wall à Walker Evans. La plupart des expositions sont largement relayées par la presse, ce qui contribue à faire parler du lieu, bien au delà des frontières de la Normandie. C’est aussi le seul lieu d’art de la ville de Cherbourg et 90 % du public vient de la région, quand les autres 10 % viennent de Paris ou de l’étranger. La gratuité du lieu peut expliquer cet engouement, mais le seul facteur prix ne doit pas faire oublier que le lieu propose aussi la possibilité d’avoir accès à une bibliothèque, à des conférences, à des projections...

Leur méthode de travail Dès les débuts de leur maison, les fondateurs montrent un soin très exigeant à la conception des livres tant sur le fond que sur la forme. Le

souci de l’esthétique, du sens, de la mise en pages, accompagne la fidélité qu’ils manifestent à l’égard de leurs auteurs. Si la rencontre des artistes photographes et des hommes de lettres est au cœur de leur démarche, marquant cette volonté d’associer toujours le visuel et le textuel, ce travail s’exprime en effet surtout par le soin sans cesse renouvelé mis dans une qualité d’impression irréprochable et une maquette poussée à la perfection, avec la volonté de prendre le temps qu’il faut pour parvenir au résultat attendu par tous les intervenants, graphistes, éditeurs et auteurs. « Artistiquement, nous sommes toujours d’accord sur tout », comme le soulignent les deux David, « avec chacun nos affinités et nos préférences, qui permettent cette articulation de la programmation et de la ligne éditoriale ». Les 12 carnets de voyages représentaient à cet égard l’engagement personnel des fondateurs et leur manifeste pour une maîtrise de la totalité de la chaîne graphique et éditoriale. Chaque livre reste aujourd’hui pensé dans son unicité et sa spécificité, qu’il soit livre de commande, livre d’exposition ou projet initié par le Point du jour. (www.lepointdujour.eu) 5


HORS D’USAGE LA MATIÈRE PAUVRE Images et texte : Michel Batt

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Les objets usés ou cassés sont des témoins muets et cependant très éloquents du désir de consommation qui habite chacun d’entre nous. Dans les usines de recyclage, une certaine rationalité reprend le pas sur le désordre généré par les monceaux d’ordures. Dans ces lieux, les objets, triés selon leur matière, entament une seconde vie… Je voulais montrer « la matière pauvre », issue de nos poubelles, produite dans ces lieux. Ces objets entassés, triés, compressés, deviennent, par le choix des cadrages et des opportunités de la lumière, des aplats de couleurs nous ramenant à la peinture ou à des sculptures aux formes inattendues et contemporaines.

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HORS CONTEXTE VAL D’EUROPE Images et texte : Marie Saille

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Je m’intéresse particulièrement à la représentation du paysage dans la photographie, comment représenter ces « nouveaux paysages » que je nommerai « paysages urbains », comment jouer avec les signes visibles dans notre territoire actuel. Cette série est une vision ironique de l’aménagement du territoire au Val d’Europe, ville nouvelle de Seineet-Marne, ancrée par la gestion du parc Disneyland Paris. Ici, la politique de l’aménagement est une collaboration entre secteur public et privé. Entre l’entreprise Disney et la municipalité. La nature est ici comme un prétexte : au bord des lacs, les baignades et la pêche sont interdites, les ronds points ressemblent à des parcs, les parkings illusionnent avec des sapins, telle une forêt etc. Les champs laissent la place à des noms de rues tels « la clef des champs ». J’ai choisi de réinvestir ces lieux, ces nouveaux paysages, en les prenant au pied de la lettre. Un élément vient toujours casser ces endroits d’illusion « naturelle ». Ces mises en scènes peuvent être construites sur mon ressenti face à un territoire précis mais aussi à partir de références culturelles et artistiques. Une réinterprétation d’un picnic du peintre Botéro, ou bien des randonneurs issus d’une photographie de Luiggi Ghirri, par exemple.

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HORS SAISON QUAND IL NE RESTE PLUS RIEN... Images : Robin Santus Texte : Brigitte Trichet

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Influencé dès l’adolescence par les grands coloristes américains, Joël Meyerowitz puis Harry Gruyaert, John Batho et Bruce Davidson, Robin Santus a saisi des instantanés chromatiques de ses proches, de son quotidien auprès d’eux, alors que, les vacances finies, tout devient désert et étrange sur cette plage de la côte d’azur, une fin d’été de l’an 2000. Cette série qu’il considére comme un bloc-notes intime est teintée des couleurs intemporelles de la mélancolie et de la nostalgie, quand le photographe immobilise ce qui ne sera plus. L’appareil fixe la fragmentation des corps et le flou sublime le mystère des temps vécus ensemble. Si le fil de l’histoire familiale est celui qui motive le photographe, chaque image suit à elle seule sa propre musique, comme celle de Hors saison du chanteur Francis Cabrel, que Robin Santus écoutait au commencement de cette série. Des nuages dans un bleu du ciel à la Magritte à un éléphant que l’on imagine sur le point de s’enfuir, ses images nous bercent de ces souvenirs d’enfants qui sont autant d’impressions mémorielles et de rêves éternels.

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HORS-SCÈNE ITINÉRANCE Images : Bernard Tribondeau Textes : Frédéric Poty (directeur artistique de Villeneuve-en-scène) et Thierry Dumanoir (président de l’association Villeneuve-en-scène)

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IL Y A 15 ANS, FACE AU GÉANT AVIGNONNAIS, UN « PETIT FESTIVAL D’À CÔTÉ » VOYAIT LE JOUR. EN 2004, LES ORGANISATEURS FAISAIENT LE CHOIX DE SE TOURNER VERS LES THÉÂTRES ITINÉRANTS ET DE FAIRE DE VILLENEUVE-LEZAVIGNON LE TERRITOIRE D’ACCUEIL PRIVILÉGIÉ DES ARTISTES AYANT CHOISI LA VOIE DE L’ITINÉRANCE. HUIT ANS APRÈS, VILLENEUVEEN-SCÈNE A NOUÉ DES RELATIONS AVEC LES THÉÂTRES ITINÉRANTS DU MONDE ENTIER ET ACCUEILLE CHAQUE ANNÉE DANS LA PLAINE DE L’ABBAYE ET DANS LE CENTRE HISTORIQUE DE LA VILLE, POUR DES MILLIERS DE SPECTATEURS, LE MEILLEUR DES COMPAGNIES NOMADES VENUES DU MONDE ENTIER.

Le hors-champ est dans le pré. Joyeux, studieux, original et simple, mais encore familial, vivant, rigoureux, inventif… voici les maîtres-mots qui sous-tendent la fabrication d’un « été-Villeneuve-en-scène ». C’est de ce hors-champ que Bernard Tribondeau a su capturer la réverbération d’un œil pertinent et discret. Il est toujours étonnant d’entendre l’indicible, découvrir l’invisible, voir son imaginaire exposé sur les murs de la ville… constater que le vivant, le ressenti, s’amplifie de sa fixité. Je sais aujourd’hui à quoi ressemble le festival que nous faisons, ce que le

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public nous exprime chaque année en parant, faute de mieux, du mot fourre-tout d’« ambiance » sa description… Les photographies de Bernard ont mis sur ce mot les images qui manquaient, celles de la vie des artistes qui font le festival ; artistes heureux qui font le spectateur curieux ! Ces prises de vues sont le juste reflet de ces moments de bonheur partagés autour de la création à Villeneuve-lez-Avignon. F.P.


Dîner d’adieu pour l’ensatt et le théâtre aftaab

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Les enfants des troupes prennent possession des lieux // Melisande de la Cie Pile ou versa // Le campement de la Cie Catherine Riboli après l’orage // L’école itinérante de la Cie Pile ou versa Camp des régisseurs du festival, dits « les cordonniers mal chaussés » // Liaison avec Kaboul via Skype pour une comédienne afghane du théâtre aftaab et ensatt // La tambouille au quotidien

Hors-scène de l’itinérance. Le théâtre itinérant fabrique « sa scène » dans un espace dont la mobilité est la caractéristique. Et « son hors-scène » est lui-même d’une autre nature pour être la périphérie d’un espace toujours délocalisé qui en redouble l’effet initial. C’est peut-être de là que, s’agissant du sujet traité à savoir « le hors-scène » de l’édition 2011 du festival de Villeneuve-en-scène, surgissent les photographies de Bernard Tribondeau présentées ici. Tout en étant pour une part dans l’avant de la scène puisque les sujets de ces photographies jouent au bord de celle qui est encore à venir, ces images sont pour une autre part décontextualisées puisque la scène se pose là où le mouvement s’interrompt. à la jonction du sujet et des sujets, du « hors-scène » 32

à la démultiplication d’anecdotes qui retracent l’ordinaire de la vie, un redoublement s’opère qui déploie les conditions d’un partage de cette humanité fragile. Approche respectueuse d’un photographe qui saisit sans voler. Le surgissement de ces sujets renforce ainsi deux effets : un profond sentiment d’intimité qui vient contredire ce qui nous échappe par le mouvement même de l’itinérance, la couleur renforçant l’identification du spectateur, et une impression d’universalisation puisque l’ici-maintenant est ordonné à un ailleurs. Cet ailleurs n’est pas un alibi comme l’énonce la définition de ce mot mais la conséquence de cette adoption d’un territoire à laquelle est sans arrêt confrontée l’itinérance. T.D.


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Gil Bourasseau (Cie à l’abordage et l’art mobile) s’imprègne de son rôle // Alexandra Tobelaim (Cie Tandaim ), metteur en scène // La check-list journalière // André Guitier (théâtre du Point du jour) prend son petit déjeuner 34


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François Fehner (Cie L’agit) : on n’est jamais mieux servi que par soi-même // Cie Catherine Riboli : maquillage et moustiques // Mickey et Manon : salon de coiffure // Sieste (théâtre Dromesko). 36


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UNE VIE HORS NORME FUKUSHIMA, UN AN APRÈS Images, texte et légendes : Sophie Pasquet

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CETTE SÉRIE DE PHOTOGRAPHIES FAIT PARTIE D’UN REPORTAGE PARU DANS LE MAGAZINE MARIE-CLAIRE DU MOIS DE MARS 2012. CELLES QUI SONT PROPOSÉES ICI N’ONT ENCORE JAMAIS ÉTÉ PUBLIÉES. ELLES RACONTENT LE QUOTIDIEN DES FAMILLES DE LA VILLE DE FUKUSHIMA, UN AN APRÈS LA PLUS GRANDE CATASTROPHE NUCLÉAIRE DEPUIS TCHERNOBYL. UN QUOTIDIEN SANS CESSE AGITÉ PAR CETTE QUESTION SOUVENT INSOLUBLE : FAUTIL QUITTER FUKUSHIMA POUR ÉLOIGNER LES ENFANTS DE LA RADIOACTIVITÉ ? HORS D’EUX. Les parents, en colère devant le silence des autorités, se sont regroupés au sein d’associations. Aujourd’hui, elles réalisent des mesures indépendantes du niveau de radioactivité de la nourriture, des personnes et de l’air à Fukushima. HORS NORMES. Dès le mois d’avril 2011, les autorités relevaient le taux de radioactivité humainement supportable à 10 msvt/h. Le taux normal accepté au niveau international est de 0,1 msvt/h. Beaucoup de parents, très anxieux de voir leurs enfants repartir à l’école, se sont proposés pour nettoyer les cours d’école de la radioactivité. DE-HORS. Aujourd’hui, l’extérieur est menaçant : beaucoup de squares ont été désertés, les mères ont toujours un dosimètre dans leur sac, les jeunes enfants et les femmes enceintes évitent de sortir quand il pleut et quand il neige car l’eau concentre la radioactivité. La ville de Koriyama a créé un immense

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parc de jeux intérieurs pour que les jeunes enfants qui ne sortent plus puissent se défouler (tout en continuant à nier les risques). HORS LIMITES. Dès le départ, une zone géographique de 20 km autour de la centrale a été évacuée (50 km pour Tchernobyl). On sait maintenant que des poches de radioactivité importante se trouvent bien au-delà de ces 20 km. Les associations demandent que les enfants et les femmes enceintes qui vivent dans un rayon de 80 km aient droit à des indemnités qui leur permettent d’être évacués. Pourtant, aujourd’hui, la politique est plutôt de faire revenir les gens chez eux, y compris dans les zones sinistrées. HORS DE DANGER ? Chaque mois, des médecins, des psychologues, des nutritionnistes, venant de tout le Japon, viennent donner des consultations gratuites aux parents de Fukushima. Les médecins de la ville continuent de dire que les diarrhées et saignements inexpliqués chez les enfants sont dus pour la plupart au stress post-catastrophe. Beaucoup d’autres pensent que ce sont les signes d’une trop grande exposition aux radiations. HORS D’ATTEINTE. Faire ses courses, choisir ses fruits et ses légumes, nourrir ses enfants : les gestes les plus simples du quotidien sont devenus des casses-têtes. Les fruits et légumes de Fukushima sont très peu chers mais de nombreux d’habitants font malgré tout venir leur nourriture de l’autre bout du Japon, via internet.


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HORS-CIRCUIT TARLABASI, LA FACE CACHÉE D’ISTANBUL Images, texte et légendes : Guillaume Poli

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DISPERSÉS ENTRE TURQUIE, IRAK, IRAN ET SYRIE, LES KURDES CONSTITUENT LA PLUS GRANDE MINORITÉ SANS PAYS DANS LE MONDE. EN TURQUIE, ILS REPRÉSENTENT PRÈS DE 25 % DE LA POPULATION ET, MALGRÉ CELA, ILS SONT CONFRONTÉS À UNE POLITIQUE D’ASSIMILATION À MARCHE FORCÉE. Le Kurdistan, né du Traité de Sèvres, signé le 10 août 1920, dont les articles 62 à 64 prévoyaient la création d’un « territoire autonome des Kurdes », est un pays mort-né. Construit sur les restes de l’empire ottoman détruit après la seconde guerre mondiale, il est depuis le début du siècle une zone de conflit. Le peuple kurde subit en Turquie une discrimation au travail, et, à l’école, la langue kurde n’est pas enseignée. à Istanbul plus particulièrement, le quartier kurde de Tarlabasi se situe en plein centre-ville. à deux pas, l’avenue Istiklal, ses immeubles cossus, ses boutiques tendances et ses millions de visiteurs par semaine lui vaut le surnom de Champs-élysées d’Istanbul. Dans cette poche de pauvreté vouée à la « gentrification », les expulsions plannent sur les habitants et c’est une vie de quartier qui est mise en péril au nom du tourisme de masse et de la raison politique...

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Juillet 2011. Kurdistan signifie « le pays des Kurdes ». L’effigie d’Abdullah Ocalan, le leader du PKK, sur les murs de Tarlabasi traduit les revendications d’indépendance des Kurdes d’Istanbul.

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Dondu est née en 1941 à Sivas dans le Nord-Est de la Turquie. à cause du conflit armé entre les Kurdes et les Turcs, elle a été obligée de quitter sa ville natale avec sa famille et s’est installée à Istanbul en 1984. Sur ses sept enfants, sa fille Dilek et son fils Yusuf ont rejoint la guérilla en 1994. Dilek a été tuée un an après. Yusuf a perdu la vie en 2000. Malgré tout, elle veut croire en une paix au Kurdistan.

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Meeting du parti pro-kurde lĂŠgal (BDP). Certains manifestants brandissent des drapeaux aux couleurs du parti pro-kurde indĂŠpendantiste, interdit depuis 1993.


En 1994, le parti pro-kurde indépendantiste a rompu la trève et est retourné à la lutte armée. En représailles, plus de 37 000 personnes sont mortes et deux millions de déplacés ont subi la politique de destruction par l’armée d’un grand nombre de villages kurdes.

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HORS D’ÂGE LÀ-HAUT, SUR LA MONTAGNE Images : Dominique Sécher Texte : Bernard Pastourel

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EN AOÛT 2009, AU CŒUR DU COUSERANS, EN ARIÈGE, DOMINIQUE SÉCHER A RENCONTRÉ CATHY, AUXILIAIRE DE VIE, QUI L’A AUTORISÉ À LA SUIVRE DANS SA TOURNÉE. CATHY NE SE CONTENTE PAS D’AIDER SES « VIEUX », COMME ELLE LES APPELLE AFFECTUEUSEMENT, À VIVRE, ELLE LEUR APPORTE AUSSI UN PEU DE VIE. SURTOUT, ELLE REPART PLUS RICHE ENCORE DE LEUR IRREMPLAÇABLE EXPÉRIENCE... Double choc à chaque rencontre : « Mais comment quelqu’un qui n’est pas du pays peut-il s’intéresser à nous ? », « comment peut-on porter en soi autant de sérénité, d’humanité, de vraie vie ? ». Ici, pas de manières avec la sagesse, avec eux, qui ont tout vu, tout vécu, même s’ils n’ont quasiment jamais quitté leur terre. Ils ont 72 ans pour les plus jeunes, 82 pour la doyenne. Retraités agricoles, ils n’ont pas vraiment choisi de (sur)vivre comme au temps où leur terre méritait le qualificatif de « nourricière ». « Du lit à la fenêtre », comme Alfred qui, derrière ses volets mi-clos, ne manque rien de la vie du hameau, « et puis du lit au lit », tel élie, précisément, atteint de la maladie de Crohn, et qui persiste à occuper la ferme sans activité avec son frère René, célibataire comme

lui, tellement représentatifs de cette misère affective et sociale qui règne sur l’agriculture de montagne depuis que le monde est monde…. Autre symbole de cette vie d’avant où les femmes, contrairement à ce que l’on croit souvent, régnaient en « maître » sur la maisonnée : Solange, intrépide octogénaire qui préfèrerait mourir plutôt que de quitter la bâtisse du XIVe siècle qui l’a vue naître, dominant sans vergogne ses quatre-vingt quatorze hectares de terres. Et que dire de Renée et Julien, inséparables, et qui s’apprêtent à fêter leurs noces d’or… Ainsi va la vie dans ces improbables hameaux peuplés des fantômes d’un passé où le temps se mesurait à la course du soleil, aux saisons, toujours riches de promesses non tenues, de la fête du cochon au plus froid de l’hiver, aux premiers foins fêtés dans la nuit du solstice d’été quand, à la musique de la faux, succédait celle d’un accordéon de circonstance capable à lui tout seul d’effacer en trois accords la fatigue des moissons. Ainsi va la vie, quand elle s’arrête, au plus profond de l’Ariège...

Pages suivantes, de haut en bas, par triptyque : Page de gauche : Solange, Odette, Jeanine, Page de droite : élie, Renée et Julien, Alfred

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HORS DE SOI LA FORCE DES CORPS Images : Hervé Szydlowski Texte : Brigitte Trichet

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HERVÉ SZYDLOWSKI NOUS CONDUIT AU-DELÀ DES CORPS ET DES LÉGENDES PERSONNELLES, SANS TABOUS, SANS DÉTOURS, SANS DÉTOURS, NI FAUX-FUYANTS, POUR NOUS RAPPELER CE QUE NOUS SOMMES, AUJOURD’HUI, MAINTENANT, DANS CE MONDE. »

C’est notamment en ces termes que Charlotte Waligora, historienne d’art, parle de l’humanisme criant qui se dégage de la série SOI, dont nous présentons ici quelques triptyques. Ils ont une force rare, celle des êtres qui parviennent dans un état de grâce à se prendre au jeu d’un laissez-aller et d’un abandon hors du commun, au-delà de la simple confiance accordée à celui qui les regarde derrière l’objectif d’un appareil photographique. C’est le corps qui parle et lui seul, sans décor, nu, détaché. Ces corps ont vécu, ont souffert sans doute. Seuls ou en couple, ces hommes et ces femmes sont à la fois incarnés et incarnations, notre oeil ne peut rester insensible devant leur force d’âme et leur acte de don de soi et de transfiguration en trois temps, d’abord quand le corps sort de l’ombre (« je suis ») ; puis, quand, dans une profonde expiration, un souffle, un cri ou une extase viennent (« je vis ») ; enfin, quand, de face et en lumière, le corps se pose et nous interroge (« je communique »). Nous sommes alors à notre tour nus face à cette évidence de notre vulnérabilité, de nos imperfections, de notre effrayante normalité. Face à nous, dans cet effet miroir, s’expose le triomphe de la vie, le retour à l’homme dans le détachement et l’affirmation de soi.

SOI N°11 2 SOI est aussi le nom de l’ouvrage auto-édité de Hervé Szydlowski en 2008.

SOI N°15



SOI N째1

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HORS DU TEMPS SOY DEL PUEBLO, PUEBLO SOY Images : Nicolas Hermann Texte : Brigitte Trichet

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DEPUIS L’ÉCROULEMENT DU BLOC SOVIÉTIQUE ET DE SON MODÈLE COMMUNISTE, ET PENDANT QUE LE MODÈLE CAPITALISTE CONNAÎT UNE CRISE SYSTÉMIQUE DE GRANDE ENVERGURE, UNE PETITE ÎLE DE 105 000 KM2 CONTINUE DE VIVRE COMME ISOLÉE DU MONDE, SANS CHANGEMENT POLITIQUE MAJEUR DEPUIS L’ACCESSION AU POUVOIR DE SON TRÈS CHARISMATIQUE LIDER, FIDEL CASTRO, ET CHÉRISSANT, MALGRÉ LES CONDITIONS DE VIE QUOTIDIENNE DE SES HABITANTS, DES VALEURS DE FRATERNITÉ ET DE PARTAGE, FAISANT DES CUBAINS UN PEUPLE À PART, AFFICHANT SANS RELÂCHE LA FIERTÉ D’UNE IDENTITÉ DEVENUE UNIQUE EN SON GENRE DANS UN MONDE OÙ RÈGNE PRESQUE PARTOUT L’INDIVIDUALISME. UNE FIERTÉ QUI SE MANIFESTE DANS LES REGARDS ET LES POSTURES DE CHAQUE CUBAIN RENCONTRÉ AU HASARD. Cuba a un système de santé excellent – à l’image de la gestion exemplaire de l’épidémie du Sida réalisée par l’île –, un système éducatif égalitaire et de grande qualité – tous les cubains sont scolarisés gratuitement. Cependant, même si la santé et l’éducation sont depuis la révolution les deux fers de lance de la politique de Fidel Castro, il n’en reste pas moins que le pays est resté à côté du développement économique et le voyageur reste à la fois ému et sidéré de se retrouver plusieurs décennies en arrière quand il touche le sol cubain : rien n’a changé depuis 1959.

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Néanmoins, tous les discours sont sans valeur s’ils oublient toute l’ambiguïté du peuple cubain – dont les étrangers envient souvent la survivance de ses grandes valeurs humaines – qui vit dans la peur à la fois de la répression et de la perte du peu qu’ils chérissent si leur gouvernement disparaît : leur identité inaliénable, l’amour de leur patrie et leur tempérament insulaire, qui fait de chaque cubain un individu unique, porteur de la grande Histoire.





HORS SÉRIE UNE INVITATION AU VOYAGE, AU-DELÀ DES PAGES... Images : Véronique Durruty © Texte et légendes : Brigitte Trichet, Véronique Durruty, et vous...

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VÉRONIQUE DURRUTY AIME LES COULEURS, LES IMPRESSIONS, LES FLOUS ET LES TRANSPARENCES. CES IMAGES EN TÉMOIGNENT, LAISSANT UNE GRANDE PLACE À L’IMAGINAIRE. LE SIEN, MAIS AUSSI CELUI DE CEUX QUI ONT LA CHANCE DE TOUCHER DU REGARD SON TRAVAIL, FAIT D’ÉVASIONS, DE SENSATIONS, DE LIBERTÉ. CETTE PHOTOGRAPHE AIME LES EFFETS DE MATIÈRES, LE JEU CHROMATIQUE DES AMBIANCES ET PROPOSE DANS CETTE SÉRIE TOUTE LA GAMME DE SON TALENT DE CONTEUSE. À CHACUN D’IMAGINER LES LIEUX, L’IDENTITÉ DES SILHOUETTES, LA TRAME DES HISTOIRES QUI SE DESSINENT... À CHACUN D’INVENTER UN DÉBUT, UNE FIN, UN DESTIN À CES PHOTOGRAPHIES QUI SONT D’AILLEURS, OU D’ICI ? QUI SONT SURTOUT AUTANT D’INVITATIONS À LA RÊVERIE, DANS LA DIGNE TRADITION DES PHOTOGRAPHES-VOYAGEURS... SUIVEZ LE CHEMIN...

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Dans la lignée de son ouvrage Road book, paru en 2010, qui marquait en images 20 ans de ses pérégrinations à travers le monde, Véronique Durruty vous propose une nouvelle série de clichés pour éveiller vos sens et vous faire réagir, vous, les lecteurs.

Véronique Durruty attend vos récits en écho à ses images : connectez-vous sur son site http://veroniquedurruty.free.fr et laissez-vous guider...


sénégal mali algérie mongolie brésil canada tibet érythrée mozambique saotomé La nuit rôdent les vampires, la nuit je suis un peu vampire. Aux heures des loups je vole des rêves en douce dans la pénombre qui me cache, me protège, m’aspire. Au matin, je recrache le sang sucé. Et parfois les fantômes prennent vie. Ceux là racontent leurs histoires. Leurs histoires ? La nuit rend schizophrène, à l’heure des loups l’homme se transforme en loup-garou, derrière chaque fantôme il y a mille histoires, dure ou poétique, folle ou rationnelle, la sienne, la mienne, la vôtre qui la regardez. Toutes sont vraies puisqu’elles existent dans un cerveau. Et maintenant plongez dans la nuit, devenez vampires, schizophrènes, disséquez mes fantômes, triturez mes images. Changez de peau, regardez avec vos yeux, mais aussi avec ceux des autres. Est-elle mouvante cette image fixe, vue en changeant de regard ? Et donnez-moi votre version des faits. Pour que mes fantômes restent vivants.


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Les adolescents Dominique Sécher // Benoît Boudin // Anne Friry // Morgan Cugerone // Albin Millot // Cyrille Magaldi // Florence Virgaux // Martha Virgaux // Amélie Graux // Isabelle Trévidic // Jean-Luc Scotto

Invitée du numéro : Marion Poussier Photo de couverture : Isabelle Trévidic



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