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Travailler sur la base
Regarder vers l'espace
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Latitude 5 Les stagiaires au CSG
Ces agences très spatiales
Vivre en Guyane Fabrique de patronnes
Espace... naturel !
N°108 / Octobre 2015
Le magazine d’information du CNES au Centre Spatial Guyanais, Port spatial de l’Europe
Latitude 5 / N°108 / 10-2015
Sommaire
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Dossier
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Gagner l’espace sans perdre la Guyane...............13
Travailler sur la base
Les stagiaires au CSG................4
Des métiers
Yannick Théodore, radariste.....8
Partenaires
Freelance, 30 ans.......................9 Du nouveau à la SDP................10
Vie de la base ...................................10 Vie des personnels...........................10
© Luc Ackermann
En direct
Rencontre
Preuve en images.......................18
État des lieux
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Regarder vers l’espace
Ces agences très spatiales...............24
Le mot de l'ESA
Un petit tour et puis revient !....28
Évènement
La gazette du Bourget...............30
Nouvelles de l'espace......................32 Revue de Presse
Un lanceur nommé Adeline.......34
Concurrence
Trimestre morose......................35
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Espace... et espèces !..................20
Acteurs
L'eau, l'air, la terre....................22
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Vivre en Guyane
Femmes d'avenir et d'innovation...36
Initiative
Sabaprod...................................39
Sport & loisirs
C’est à bâbord............................40 Le Raid Ascension 2015 en Ariège…...............................42
Éditorial Observation. Tel est le maître mot de ce nouveau Latitude 5 ! Et une fois n’est pas coutume, il ne s’agit pas là de l’observation de la Terre que nous permettent les satellites lancés depuis la Guyane. Non, dans ce numéro, ce sont ses environnements que votre magazine explore, avec différents aspects qui rythment la vie de la Base, du CNES ou de la Guyane.
Latitude 5 Latitude 5, magazine d’information du CNES au Centre Spatial Guyanais, Port spatial de l’Europe. Ce journal est réalisé par la Communication Interne du CNES/CSG. Gratuit, tiré à 3300 exemplaires. Dépôt légal à la Préfecture de la Guyane Française. ISSN 0293‑0072. CNES/Centre Spatial Guyanais, BP 726, 97387 Kourou cedex. Tél. 0594 33 51 69 Fax : 0594 33 47 19.
À commencer par les stagiaires ! Qu’ils restent un an, six mois, trois mois, ou même quelques jours pour les plus jeunes, les stagiaires se succèdent tout au long de l’année au CSG. En cette période de rentrée des classes, Latitude 5 donne la parole à quelques-uns de nos jeunes collègues de passage.
Directeur de la publication adjoint : Bernard CHEMOUL. Rédacteur en chef : Marie-Pierre JOSEPH-ALBERTON.
© G. Barbaste
Directeur de la publication : Jean-Yves LE GALL.
Rédacteur en chef adjoint : Pierre LEROY. Secrétaire de rédaction : Karol BARTHELEMY. Photos : ESA-CNES-ARIANESPACE Optique Vidéo du CSG, sauf mention contraire. Mise en page : La Thénardière. Pictogrammes Fusée / Lunette : Freepik. Impression : CCPR Imprimerie.
Merci à : Frédéric Adragna et son équipage de l'Ariane's Cup, Patrice Berchel, Rachel Berzins, Valentine Bonifacie, Philippe Cerdan, Jan Droz, Mélanie Eziozo, Marc Faugeras, Isabella Fonseca-Gaspar, Denis Grauby, Louise Iflem, Philippe Jet, l'école M. Saba de Kourou, Pierre Lapawa, Jean‑Claude Maïni, Nicolas Maubert et son équipage de l'Ariane's cup, François Monier, Christian Mouret, Stéphanie Mouthon, Claudia‑Valéria Nardi, Olivier Ozier-Lafontaine, Aurore Piazza, Sylviane Ribardière, Sandrine Richard, Cécile Richard-Hansen, Chloé Rodrigues, Olivier Tostain, Yannick Théodore, Yannick Mortreux.
Bernard Chemoul, directeur du CNES / Centre Spatial Guyanais, Port spatial de l’Europe
Moins visible mais présente de façon plus durable, la faune de la Base : avec ses presque 700 km² de terrain de jeu où la chasse est interdite, le CSG est un espace de choix pour les nombreux oiseaux, mammifères, reptiles et autres poissons qui y vivent. À défaut d’interviewer les animaux eux-mêmes, nous nous sommes tournés vers ceux qui les observent et les protègent pour garantir la meilleure cohabitation entre biodiversité et opérations. Au-delà du CSG, on retrouve des agences spatiales dans le monde entier. À quoi servent-elles ? Quel est leur fonctionnement, et comment interagissent-elles ? Parmi ses devoirs de vacances, Latitude 5 rapporte un petit point d’histoire-géographie sur ces actrices majeures de l’exploration spatiale. Enfin, elles aussi sont partout : les entrepreneuses. L’association Guyane Pionnières l’a bien compris et soutient depuis un peu plus de deux ans les femmes guyanaises dans leurs projets. Rencontre avec trois des pionnières à l’origine de cette initiative, véritable fabrique de patronnes. Bonne lecture !
Quand un grand blanc s'admire dans le reflet d'Ariane 5. © P. Baudon et L. Boyer
Mémo pratique La rédaction de Latitude 5 : 0594 33 51 69 Retrouvez votre magazine sur www.cnes-csg.fr Visitez le CSG et le Musée de l’Espace >> 0594 32 61 23 Rejoignez le CSG sur son blog www.csgpreparationlancement.com et sur sa page Facebook www.facebook.com/CSGCentreSpatialGuyanais
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Travailler sur la base
Se former
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Le Centre Spatial Guyanais, c’est aussi un lieu au sein duquel des étudiants sont désireux d’acquérir une expérience professionnelle. Nombreux sont donc les stagiaires qui, chaque année, franchissent l’entrée du CSG, passionnés par le domaine du spatial ou souhaitant simplement bénéficier d’un environnement de travail d’excellence. Issus du secondaire, d’écoles d’ingénieur, de facultés ou encore d’IUT, ils partagent le même objectif : se former aux réalités du monde de l’entreprise.
Les stagiaires au CSG par Océane Laroche
Désireux de participer à chaque opération, émerveillés à chaque lancement, tapis dans les salles de calculs ou encore arpentant les couloirs de la Com’ à la recherche de goodies, ils font partie de la vie de la base spatiale. Qui donc ? Les nombreux stagiaires présents au CSG. Petit focus sur le ressenti de ces étudiants issus d’horizons différents, porteurs à leur arrivée d’un regard extérieur sur notre base spatiale. Et en prime, la part belle aux demoiselles !
Latitude 5 : Comment vous‑êtes‑vous adaptées au monde de l’entreprise ? Aurore Piazza - 4e année à l'ESTACA (École supérieure des techniques aéronautiques et de construction automobile), en stage à CG/QF (Qualité / Fiabilité) : Mon école, l’ESTACA est très liée au monde de l’entreprise : chaque année (cinq en tout) se termine par un stage de plus en plus long, avec la possibilité de faire un stage en immersion d’un an entre la 4e et la 5e année. Ce stage n’est donc pas mon premier. Cependant il existe un environnement opérationnel que l’on ne trouve qu’au CSG ! Les cadences de travail sont très spécifiques. Les campagnes rythment le travail de tous, il faut gérer les aléas générés par les systèmes tout en satisfaisant l’échéance non négociable de H-0 et la qualité de service que l’on s’impose… Ici, on ne peut pas se contenter d’appliquer ce qu’on a appris à l’école, il faut l’adapter aux spécificités du milieu ! Mélanie Eziozo - Master 2 droit de l'environnement à l'université Paris Sud, en stage au service Sécurité Environnement d'Arianespace : Pour moi l’adaptation s’est faite rapidement, et de toute façon on exige des stagiaires qu’ils soient un minimum autonomes. Pour effectuer sa mission il est nécessaire de comprendre l’activité de l’entreprise. Ici nous sommes au cœur de l’activité spatiale, une activité complexe, il y a énormément d’acteurs qui participent à la réalisation des lancements. Il
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faut rapidement intégrer toutes les interactions du partenariat industriel. Au début on passe un peu de temps à se documenter. Une seconde difficulté qui m’est propre est de m’insérer dans un environnement d’ingénieurs. Je suis de formation juridique et donc il était important d’améliorer mes connaissances scientifiques/ techniques. Claudia-Valeria Nardi - diplômée d'un Master en Systèmes Spatiaux à l'ISAE‑SUPAERO (Institut Supérieur de l'Astronautique et de l'Espace), en stage à DLA/CQR/CSL-G (Conformité Qualité et maîtrise des Risques / Conformité des Systèmes de Lancement-Guyane) : C’était mon premier stage en entreprise, et ça n’a pas forcément été facile au début, tout d’abord parce que je ne parlais pas bien le français. Petit à petit, j’ai vu qu’il me fallait m’adapter, car ici, ce n’est pas comme à l’école : s’il me manque une information ou des connaissances, je n’attends pas que le professeur me les donne (rires), je vais demander de l’aide à quelqu’un ou je me documente ! C’était d’ailleurs ce qui était intéressant par rapport à l’encadrement scolaire. J’ai été très autonome, bien que toujours encadrée par mon tuteur de stage. De plus, mon intégration au service s’est très bien déroulée, mes collègues ne cessaient de me répéter « Ne t’inquiète pas, on va tout te répéter jusqu’à ce que tu ne te trompes plus » (rires).
© P. Piron
À l'instar de Claudia-Valeria Nardi, Mélanie Eziozo et Aurore Piazza, de nombreux étudiants viennent en stage au CSG où ils peuvent éprouver leurs acquis théoriques.
L5 : Quelle était pour vous la plus-value d’un stage au CSG ? Aurore : Je suis passionnée par le spatial depuis que je suis toute petite, alors arriver ici, c’était la consécration ! Être plongée dans ce milieu est fascinant ! Au centre spatial, les gens sont acteurs du succès, tout le fonctionnement des systèmes demande une organisation colossale… Si Ariane est le lanceur le plus fiable au monde, il le doit non-seulement à sa mécanique, mais surtout aux équipes qui gravitent tout autour. Mélanie : Ici, un grand nombre d’entreprises œuvrent, et j’ai été confrontée à la fois à l’aspect juridique qui sous-tend les activités de la base, mais aussi aux activités opérationnelles qui en découlent. Cette conciliation des deux aspects n’est pas possible à Évry par exemple. C’est une complémentarité qui est très intéressante et qui fait que mon expérience est tout à fait crédible ; d’autant qu’il y a ici de grands modèles professionnels auxquels se référer. Claudia-Valeria : Moi, pour commencer, je voulais trouver un stage dans le domaine du spatial dans un milieu francophone, pour améliorer ma maîtrise de la langue, et sortir de la métropole car j’avais déjà fait une partie de mes études à Toulouse. Trouver un stage ici, c’était donc parfait : les lanceurs partent d’ici, c’est ici que tout se passe ! D’autant que j’avais depuis toujours rêvé de voir un lancement.
L5 : Comment ce stage s’inscrit-il dans la logique de vos études et de vos projets professionnels ? Aurore : L’avantage à l’ESTACA est que l’on nous forme d’avantage à un domaine de compétences qu’à un métier. Cela nous permet d’avoir de solides bases et une vraie vision système mais aussi d’explorer plusieurs horizons de travail.
J’étudie donc l’ingénierie spatiale sous tous ses aspects. C’est ainsi que, sans être directement issue du milieu de la Qualité, j’ai pu décrocher ce stage qui s’intègre parfaitement dans mon cursus. Faire un stage d'un an dans le service Qualité-Fiabilité du CSG a été pour moi très enrichissant car tous les services sont en relation avec les porteurs de projet. J’ai été plongée dans les activités de tous les services et lu des documents touchant à tous les domaines. En outre, j’ai pu être en relation avec un grand nombre de personnes différentes, toujours désireuses de partager sur leur métier, et je me suis vraiment enrichie à leurs côtés. Mélanie : Durant ce stage j’ai tout à fait pu mettre à profit mes connaissances dans le domaine du droit de l’environnement industriel, car j’y étudie principalement le droit des installations classées. Ce qui était par fait pour moi puisqu’Arianespace exploite une quarantaine d’ICPE dont sept classées SEVESO. Claudia-Valeria : J’ai fait un Master International dans les systèmes spatiaux à l’ISAE, donc ce stage était une continuité logique de mon apprentissage. De plus, je me suis rendue compte au cours de ces six mois qu’être ingénieur ne veut pas forcément dire " programmer ", même si il existe une langue de programmation
à connaître pour à peu près tout. Au Centre Spatial Guyanais, nous évoluons dans un milieu opérationnel, nous sommes plongés au cœur de l’univers des systèmes spatiaux. Voir les opérations d’assemblage d’un lanceur ou encore aller aux EPCU (Ensemble de Préparation des Charges Utiles), ce n’est pas donné à tout le monde. Et je suis vraiment heureuse d’avoir pu connaître cela ! J’ai d’ailleurs postulé à des offres d’emploi sur la base spatiale !
L5 : Avez-vous appris ici des choses nouvelles par rapport à votre cursus? Aurore : Forcément, on ne peut pas tout apprendre à l’école. Au centre spatial, j’ai pu apprendre de nouvelles choses, et surtout appliquer de manière concrète ce que j’avais eu l’occasion d’aborder lors de ma scolarité. Ce qui m’a notamment marquée ici, c’est l’organisation de la Base et des activités ; tant qu’on ne le vit pas, on ne peut pas se rendre compte de ce que cela représente réellement ! Dans tous les cas, cette expérience m’aura permis de me conforter dans le fait que je veux faire du spatial plus tard ! Mélanie : Évidemment, j’ai aussi beaucoup appris, pour tout ce qui concerne les aspects pratiques.
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Un " plan d’urgence interne " a par exemple été mis en place durant ma période de stage, et j’ai pu voir à quoi ressemble ce type de mesure qui sert à simuler les accidents pouvant potentiellement se produire sur la base spatiale. L’intérêt est de comprendre comment la règlementation a été pensée et de voir son application concrète dans le milieu opérationnel. Les théories apprises trouvent enfin leur pratique ! Claudia-Valeria : Outre le fait de m’être rendue compte des réalités du milieu opérationnel, j’ai pris connaissance de toute la partie politique qui sous-tend les relations industrielles. C’est un volet très important et très complexe.
L5 : Comment abordez-vous la suite et le retour à l’école après l’autonomie dont vous avez bénéficié durant votre stage ? Aurore : J’ai vraiment du mal à me projeter actuellement, après un an passé au CSG… Mais je suis assez sereine, je vais repartir terminer mon cursus à l’ESTACA et passer ma dernière année à travailler sur les satellites : passionnant ! Mélanie : J’envisage de passer le concours d’avocat, et vais donc devoir apprendre un tout nouveau métier. Ce n’est pas à proprement parler un retour scolaire, mais il va falloir que je m’astreigne à beaucoup de rigueur et que je reparte dans un apprentissage assez lourd. Ce qui ne sera pas forcément facile après avoir connu le monde concret de l’entreprise. Mais je reste évidemment ouverte à toutes offres d’emplois en tant que juriste d’entreprise. Claudia-Valeria : Et moi, je cherche du travail, l’école c’est fini !
L5 : Ce stage a-t-il eu un impact sur vos attentes et vos désirs professionnels, a-t-il fait changer vos opinions ? Aurore : Non, je serai actrice de la dynamique spatiale actuelle et à venir. Plus précisément, je sais ce qui ne me conviendrait pas, mais je me laisse toutes les autres portes ouvertes pour trouver un poste qui me stimule. Je suis beaucoup plus à l’aise dans les métiers où l’on a une vision globale des choses et ceux où l’on travaille avec du concret, avant-projet, validation, opérationnel. En tout cas pour l’opérationnel européen, le CSG est LE lieu où il faut être. À l’étranger, c’est plus compliqué. On rencontre rarement des membres du spatial qui travaillent dans un milieu opérationnel ! La Guyane est un passage obligé pour ce faire. Mélanie : Toute mon expérience professionnelle s’était jusquelà articulée autour de stages en juridiction : j’avais par exemple effectué un stage à la cour d’appel de Paris, ou encore dans un cabinet d’avocat. En tant que juriste, j’avais donc beaucoup d’appréhension à travailler en entreprise, et j’avais peur notamment que la matière juridique soit sous-évaluée. Et ce n’a pas été le cas ! Je pense que le juriste en entreprise est une sorte de référence incontournable à la bonne compréhension et au respect de la réglementation applicable. Claudia-Valeria : Avant d’arriver ici, j’avais très peur de faire de la recherche ou de la programmation ou pire : les deux en même temps (rires). Ici, et c’est peut être enfantin de le dire ainsi, mais je suis tombée amoureuse des systèmes de
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lancement et des actions liées aux satellites. Ce stage m’a permis de me rendre compte que je suis faite pour évoluer dans un milieu qui me permette d’avoir une vision globale des choses au sein du domaine de l’ingénierie des systèmes.
L5 : Qu’avez-vous pensé de l’accueil et de la cohésion entre stagiaires ? Aurore : La cohésion entre stagiaires est vraiment forte ici. Les étudiants qui viennent en Guyane ont tous un petit côté aventurier : avec tous les clichés que l’on peut entendre en métropole, c’est un vrai choix que de venir en Guyane, quand on ne sait pas que la réalité est tout autre.Ce qui est vraiment agréable, c’est l’accueil mis en place par le service des Ressources Humaines, et plus particulièrement par Jean‑Claude Maïni. Il met vraiment tout en œuvre pour que l’on se sente bien accueillis, pour favoriser la prise de contact avec les stagiaires en place. Et en général, les gens sur la base spatiale sont vraiment accueillants : un sourire, un bonjour, et tu fais partie du groupe ! Mélanie : En effet, la cohésiona été très forte, au sein du milieu professionnel comme en dehors. Pour moi ce n’était pas pareil, car je suis née et ai grandi ici. Mon intégration était de ce fait plus simple. D’ailleurs, mon objectif à terme est de revenir travailler en Guyane ! Claudia-Valeria : Ce qui est bien entre les stagiaires ici, c’est qu’on crée vite des liens étroits. Et je pense que c’est vraiment lié à la Guyane. En outre, depuis que je suis ici, ma vision du monde a changé, j’ai moins de préjugés par rapport au travail, et la vie en Guyane me plaît beaucoup. J’aimerais y rester.
Le stagiaire dans tous ses états Et d’un point de vue extérieur, comment se passe un stage ? Nous avons demandé à Jean-Claude Maïni , responsable des stagiaires du CNES/CSG de nous en dire un peu plus sur ses protégés. Morceaux choisis d’un regard aussi bienveillant qu’amusé.
L’Entreprise…enfin ! Pour la plupart des stagiaires, le stage rappelle que le but final de cette quête du Graal débutée à l’école pour certains depuis 17 ans trouve son aboutissement dans une Entreprise : un endroit manifestement hostile, peuplé par des générations à l’humour approximatif, " en vogue dans les années 50, j’imagine ", bref un endroit impitoyable dont ils n’ont eu connaissance que par leurs parents.
Les RH : Ultimes cerbères D’ailleurs, tout commence mal par la rédaction d’un C.V. et d’une lettre de motivation qui laisse à l’étudiant des alternatives complexes : le plus résigné choisira un CV " propret " et une lettre arc-boutée sur des phrases calibrées à l’adverbe près, hélas totalement dépourvues de sincérité et de ce qui fait la joie du RH de base : la faute d’orthographe, voire de français qu’il sait déguster sans modération. Le plus hardi optera pour un " free style " décomplexé propre à la génération Y, concentré de génie personnel, dépourvu de tout formalisme superflu et comportant des éléments d’une novlangue imagée issue d’un français savamment déconstruit dans laquelle les barbarismes font figure de joyaux sertis pour les plus experts, d’accords dissonants et de conjugaisons phénoménales. Une troisième alternative, pourtant la plus représentée, celle du stagiaire dit " normal " sera tue pour des raisons éditoriales dues à la période de rentrée que vous avez probablement saisies.
Après le stage, l'embauche !
© P. Piron
« D’un point de vue technique, c’était un véritable challenge ! D’ailleurs, c’est cette complexité technique qui m’a fait progresser, en particulier au niveau de la mécanique des fluides. J’étais réellement satisfait de cette expérience, dans la mesure où j’ai eu la possibilité de proposer des solutions concrètes et viables. Le cadre du stage était par ailleurs très plaisant, car j’étais entouré de nombreux collègues de nationalités différentes. De plus, il comportait une dominante " environnement ", ce qui est un facteur de motivation supplémentaire.
En 2010, Olivier Ozier-Lafontaine faisait ses premiers pas au CSG lors d’un stage dans le cadre de sa deuxième année de cycle d’ingénieur. Quatre mois avec un objectif : la mise en conformité du réseau d’air respirable sur les Ensembles de lancement Ariane 5 (ELA). Aujourd’hui embauché au CNES, il raconte son expérience.
Pour moi, faire des stages, c’était la possibilité de frapper à plusieurs portes et de découvrir différents domaines d’activité. Car tout est différent d’un stage à l’autre : il faut donc s’adapter au poste et avoir la capacité de raisonner face à des problèmes toujours plus variés. Dans cette optique, ça a été une aide pour le poste que j’occupe aujourd’hui, à savoir Ingénieur Sauvegarde Sol spécialisé dans les systèmes de lancement. Notamment concernant les " process fluides " qui sont les réseaux fluides de servitude et de remplissage : leurs représentations sont régies par une nomenclature créée par la Sous-direction Développement Sol face à laquelle, sans connaissances préalables, on peut rapidement être perdu. Grâce à mon stage j’ai pu acquérir la maîtrise de ce langage, mais aussi observer en détail des installations comme celles des ELA, sur lesquelles je travaille encore aujourd’hui. Et puis, cela m’a également permis de me créer un réseau de contacts que je garde encore aujourd’hui. C’est une des raisons pour lesquelles, j’ai souhaité revenir ici quand j’ai vu paraître l’offre pour le poste que j’occupe, même si j’avais déjà un emploi. »
Le stagiaire, en général, sent bien l’enjeu du stage : si brillant soit‑il dans ses études, il se retrouve à découvert, sans la protection de ses notes, de ses diplômes. Tel un musicien, après des années de studio à enregistrer des albums remarqués par la critique, il va se confronter pour la première fois au public, le seul juge : " on stage " précisément !
L’indispensable Savoir-être Déambulant en groupe hors du bureau, les stagiaires tentent ensemble de conserver leurs codes étudiants, la décontraction confiante, la solidarité de clan, un univers où politesse, priorité, prévenance, courtoisie sont transcendées par une simple bonne humeur et ne sont pas impitoyablement quantifiées. L’Entreprise, le Service, va entamer un travail de formatage plus ou moins important qui devra permettre au stagiaire de découvrir la vie courante dans un autre univers que la famille ou les amis : la vie active. Cet apprentissage sera d’autant plus important que sur le plan du "Savoir‑être", l’entreprise est regardante.
Pour les stagiaires des classes de 3e, la situation est différente : à 14 ans, les uns sont encore animés par les aventures de Trotro l’âne ou de Bob l’Éponge, les autres déjà convertis aux sagas de Star Wars ou du Seigneur des Anneaux, les maturités sont diverses, les intérêts aussi. Mais beaucoup ont des rêves à revendre, des projets fabuleux que nul souci technique ne vient entraver : plus tard, ils piloteront des véhicules à énergie électromagnétique, s’affranchiront des contraintes gravitationnelles, ou inventeront une nouvelle informatique émanant directement du cerveau… Ce qui ne les empêche en rien d’évoquer en parallèle des souhaits quasi ancestraux de camions de pompier ou de bureaux d’institutrices. Pour eux, pas question d’immersion en milieu professionnel. Leurs envies dépassent encore et de très loin les bureaux exigüs et les activités quotidiennes : ils sont au contraire en émersion totale.
© J.-C. Maïni
Du Savoir vers le Savoir-faire : La montée sur scène
Les plus jeunes aussi…
Pour les stagiaires de 3e les plus chanceux, une entrevue avec le Directeur du CSG restera le souvenir marquant. Ici, Gabi Riconet Yohan Boitel, respectivement des collèges Élie Castor et Omeba Tobo de Kourou.
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Des métiers
Yannick Théodore, radariste Perché en haut de la Montagne des Pères à la station Grand Leblond, Yannick Théodore ne profite pas seulement de la vue imprenable que lui offre son lieu de travail. Radariste depuis 1980, chef de site et responsable de l’équipe " radar Bretagne1 " il est le référent en matière de mécanique sur ce type d’équipement. Il assure occasionnellement la Coordination des Radars en chronologie de lancement au centre de contrôle Jupiter1.
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n grand nombre de personnes a connaissance de l’existence de la grosse sphère blanche trônant au-dessus de la Montagne des Pères, mais peu d’entre elles savent véritablement quel est son usage : « Le dôme abrite un radar de trajectographie qui permet de fournir les données de localisation du lanceur en vol ! Au CSG, il en existe trois : Bretagne 1, dit BR1, au site Grand-Leblond à Kourou, le BR2 au site de Montabo à Cayenne et le radar ADOUR2 au site Météo », explique Yannick.
En tant que Responsable d’équipe, sa tâche est de veiller à ce que le radar BR1 reste toujours opérationnel et en parfait état, et occasionnellement de gérer la coordination des trois radars le jour du lancement. « Pour ce faire, je réalise les activités de maintenance au quotidien, la gestion du magasin, du stock des diverses pièces, un peu de mécanique et d’électronique… Et enfin, je dois m’assurer de la bonne préparation du radar pour chaque opération de chronologie ». Il doit donc respecter un processus de campagne pour être conforme aux exigences du contrat. Dans ce but, une coordination directe avec les équipes du centre de contrôle est nécessaire, ainsi que certains essais de validation: « Nous faisons par exemple l’ETBLA (Essai Technique Base de LAncement). Cet essai
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© P. Piron
par Océane Laroche
valide tous les moyens du CSG qui sont impliqués dans le lancement. C’est un test assez long à réaliser : pour VA224 par exemple, il a commencé le 29 juin pour un lancement prévu le 8 juillet. Un autre essai est la Répétition Générale de lancement ; tout se passe comme lors d’un vrai lancement à l’exception du fait qu’on ne lance pas de fusée (rires). Je travaille à ce moment en " mode coordonné " avec les autres stations ». Une fois le radar parfaitement opérationnel, il peut jouer son rôle, à savoir, en tant que moyen externe, suivre et fournir avec précision la trajectoire du lanceur. « Cette trajectographie se fait à l’aide de deux répondeurs. Ce sont ces appareils qui assurent l’identification du lanceur en vol: chaque répondeur a une fréquence attribuée qu’il émet, et nous, nous réglons le radar sur la fréquence de ces deux répondeurs, ce qui fait qu’il y a toujours un dialogue entre le répondeur et le radar. Et si on interroge le répondeur du lanceur, on obtient une réponse qui nous permet de connaître son déplacement. Les autres radars de trajectographie font la même chose de leur côté ». Ce suivi s’effectue jusqu’à H0+9 minutes. Au-delà, le suivi s’arrête, tout simplement parce qu’il n’y a plus de visibilité. Pendant ces neuf minutes, le RCR (Responsable Centre Radar) est là pour gérer les radars
s’il y a une perte de répondeur ou un autre souci, et se doit d’intervenir pour donner ses directives. Il agit également en coordination avec la Sauvegarde, car les données du radar de trajectographie sont les premières données sur lesquelles elle se base ! « Mais il n’y a jamais eu de vrai problème. Quelquefois il nous arrive d’avoir une perte de répondeur ; on appelle alors le RCR pour demander la commutation sur un autre répondeur ; c’est aussi simple que cela ! Parfois, certaines difficultés se présentent : avec Vega par exemple ! La difficulté avec ce lanceur, c’est qu’il utilise essentiellement de la poudre, ce qui provoque des "effets de plume" suite aux phases d’allumage ; les données radar sont par voie de conséquence dégradées et il devient difficile d’avoir accès aux répondeurs du lanceur. C’est pour cette raison qu’un quatrième radar est installé à Saint-Jean et mis en œuvre par l’INTA (Instituto Nacional de Tecnica Aeroespacial) afin de garantir la disponibilité de moyen radar en station sauvegarde. » Un handicap qui n’a pas empêché notre radar Bretagne 1 de remplir parfaitement sa mission depuis 1968* ! « Et on espère qu’il tiendra encore dix à quinze ans ! ».
* Bretagne 1 était déjà en fonction à Hammaguir en Algérie.
Partenaires
Freelance, 30 ans par Karol Barthelemy
L'
idée de Freelance est née un jour de 1985 alors que François se promenait sur la plage de Kourou. « J'ai rencontré des clients satellites américains qui s'ennuyaient, et je les ai tout naturellement emmenés en balade. Ces derniers ont rapidement demandé à Arianespace de créer un service dédié dans leur prestation. Ils ont également informé Frédéric d'Allest, alors DG du CNES et PDG d’Arianespace, de ce souhait. Arianespace, qui n'avait alors que cinq ans et besoin de gagner ses galons internationaux, m'a sollicité pour créer mon entreprise avec leur soutien. La première prestation Freelance eut officiellement lieu pour V14, lancement de la sonde Giotto (2/7/1985). Nous étions trois, dont mon frère Thierry et Sabina Prevot. »
En trente ans, la société n'a donc eu de cesse de croître, accompagnant intimement l'aventure spatiale en Guyane, sans technologie mais avec humanité, comme en ont fait preuve sans relâche Pierre Favin, le plus ancien salarié de l’entreprise, et Denis Grauby, présent dès les premières campagnes. François définit leur service comme « une logistique de séjour avec un standard de qualité qui essaie d’être au niveau de l’excellence d'Arianespace et de la Base en général. Au début, nous organisions surtout des loisirs. De nos jours, nous gérons depuis la réservation d'hébergement et de véhicules à la facilitation des opérations bancaires ou interventions médicales en passant par la traduction et, bien sûr, toujours l'organisation du temps libre. FLS dispose d’une équipe d’Assistantes de campagnes qui travaillent au cœur des équipes satellites, dirigées par Sandrine mon épouse. C’est le côté "opérationnel" de l’entreprise. En 2008, Jean-Yves Le Gall nous a demandé de créer une antenne Freelance Services à Sinnamary pour faciliter l'intégration des Russes dans le cadre de Soyuz en Guyane, ce qui fut fait durant quatre ans. » Disponibilité, flexibilité, transversalité, autant d'atouts qui valent à Freelance une notoriété de qualité et de satisfaction. « Tout le mérite en revient à l'équipe qui sait se rendre discrète mais toujours à l'écoute et extrêmement réactive » salue François. « Éloignés de leur foyer durant plusieurs semaines ou plus, les gens ont parfois besoin d'une oreille amicale, d'un réconfort ou tout simplement d'un moment de sympathie. Nous prouvons au client qu'il est considéré à tout moment de son séjour.
© FLS
Freelance Services (FLS), c'est la plus-value de la prestation de lancement européenne. Comment ? Grâce au dévouement et à la qualité de service d'une petite équipe qui prend soin des clients satellites pour que leur séjour guyanais soit agréable. À l'occasion des trente ans de sa société, François Monier dresse le tableau d'une entreprise atypique et profondément humaine.
Au-delà des services sur la Base, Freelance sait offrir des moments de détente aux équipes satellites.
Finalement, nous sommes des facilitateurs de vie. Nous avons créé il y a trente ans un métier de services qui n’existait pas dans la communauté spatiale mais qui prend tout son sens aujourd’hui alors qu’Arianespace a ajouté à son logo " Service & Solutions ". Nous sommes fiers de la confiance dont les clients satellites nous gratifient et du partenariat indéfectible qui nous lie à Arianespace ». Aujourd’hui Freelance est une petite équipe de sept personnes qui fonctionnent en réseau, dans un principe de respect, de confiance et d'amitié. Selon François,« notre connaissance de la région, de ses institutions et de ses acteurs nous permet d'être efficaces et polyvalents, et ainsi de débloquer de multiples situations ». Dévoués aux clients satellites, ils apportent une solution et une présence dans la minute qui suit un appel, ils répondent à toutes les questions sur la vie en Guyane ou sur la Base. François le rappelle à juste titre, « les clients ne sont pas des touristes : ils travaillent énormément et le temps libre n’en devient que plus précieux. Nous discutons avec eux pour voir ce qu'ils aiment et ainsi trouver des activités adéquates dans leurs emplois du temps. Parfois, certaines sollicitations peuvent paraître étranges, en fait juste inconnues de notre culture, mais ce sont autant de requêtes importantes pour le bien-être des gens concernés. » Alors Freelance se plie en quatre pour y accéder, avec pour objectif que les clients gardent de bons souvenirs et aient envie de revenir lancer en Guyane.
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En direct
Du nouveau à la SDP par Océane Laroche
Depuis le 1er janvier 2015, Jan Droz occupe la fonction de Sous-Directeur de la Protection, de la Sauvegarde et de l’Environnement. Avec plus de trente ans d’ancienneté au CNES il quitte la politique du siège de l’entreprise pour venir participer aux activités du milieu opérationnel du CSG. Rencontre.
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Notre nouveau sous-directeur peut donc affirmer avoir une parfaite connaissance du projet Ariane 5 et ce depuis ses débuts, de l’aspect technique et projet à celui plus stratégique et politique. « En effet, après une période passée à la Direction Adjointe de la DLA en tant qu’Expert senior Certification (Loi sur les Opérations Spatiales), Sauvegarde et Synthèse des risques, j’ai quitté la DLA pour la DSP au siège du CNES pour être entre autre le Représentant français (puis son président durant 3 ans) au Conseil Directeur des programmes lanceur (PB-LAU) de l’Agence Spatiale Européenne ESA ainsi que conseiller au Conseil Directeur des programmes exploration habitée (PB-HME)». Grâce à cette solide expérience, Jan peut désormais profiter de sa connaissance des systèmes de lancements dans un milieu opérationnel, ce qui est pour lui aussi novateur qu’intéressant : « Avant, je travaillais surtout sur des programmes et projets ; il y avait une part d’opérationnel, mais liée aux projets sur lesquels j’étais mandaté à la DLA. À la DSP, le rythme n’était pas du tout le même qu’ici. Tout était inscrit dans une dynamique beaucoup plus globale, rythmée par des échéances liées aux décisions politiques. Ici, nous sommes sans cesse en train de
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© P. Baudon
près une formation à l’École Nationale Supérieure de l’Aéronautique et de l’Espace achevée en 1982, Jan Droz est entré directement au CNES. Une histoire de longue date avec l’entreprise dans laquelle il a vite eu à assumer des responsabilités. « Après un premier poste technique d’ingénieur chargé des affaires trajectoires - performances sur tous les lanceurs dans le Département Système Performance au CNES/DLA, j’ai pris la direction de ce département, puis celle du département Système Véhicule au sein de la Sous-Direction projet ARIANE au CNES/DLA en 1998, après une courte période dans la sous-direction Avant-Projets ». Jan deviendra ensuite Adjoint au Sous-Directeur Développement et Exploitation Ariane et Véga en 2005 (déjà auprès de Bernard Chemoul, actuel directeur du CSG), chargé plus particulièrement des développements Ariane 5 et des relations avec l’ESA.
trouver une façon de fonctionner adaptée aux exigences du milieu des opérations de lancement en toute sécurité et de mettre en place les activités et mesures liées aux impératifs associés de protection du sol, du vol et de l’environnement. C’est un travail très prenant, et il est bon de reprendre des activités dans lesquelles on voit l’effet de ses actions sur le court terme ! Quand on fait de la stratégie et de la politique, les actions sont plus diluées, alors qu’ici on voit les résultats concrets de nos décisions ! ». Aujourd’hui, Jan compte profiter de sa culture lanceur et de ses capacités de management pour mener à bien des objectifs ambitieux au sein de ses nouvelles fonctions : « Continuer à assurer le bon fonctionnement de ce qui m’a été légué, la Sauvegarde Sol et Vol, la sureté protection, la sécurité des systèmes d’information sans oublier la santé et la sécurité au travail. Et bien sur, finaliser le processus de préparation des missions de Vega sur le plan de la Sauvegarde, en simplifiant et en standardisant certaines opérations de façon à les rendre plus industrielles et aussi fluidifier son exploitation. Mais aussi préparer Ariane 6 en revisitant autant que nécessaire, les méthodes et outils Sauvegarde ! »
Jan Droz, Sous‑Directeur de la Protection, de la Sauvegarde et de l’Environnement.
Vie de la base
Nouveaux succès pour Ariane 5 et Vega
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FCube opérationnel !
Jeudi 16 juillet a été inauguré le FCube (Fregat Fueling Facility), nouveau bâtiment de remplissage dédié à l’étage supérieur du lanceur Soyuz, le Fregat. Construit sur l’Ensemble de Lancement Soyuz, cette installation permettra notamment de réduire de plus d’une semaine la durée d’une campagne Soyuz. Libérant de ce fait le hall de remplissage de l'EPCU S3B où se déroulait jusque-là le remplissage du Fregat, la mise en service du FCube a pour conséquence un enchaînement plus fluide et mieux optimisé des campagnes de lancement ainsi qu’une plus grande disponibilité des trois lanceurs de la gamme.
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© P. Piron
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© J.-M. Guillon
Le jeudi 20 août dernier, Ariane 5 réussissait parfaitement sa mission en mettant sur orbite deux satellites de télécommunications : EUTELSAT 8 West B, pour l’opérateur Eutelsat Communications et Intelsat 34, pour l’opérateur Intelsat. Le lanceur européen signait ainsi son 67e succès d’affilée depuis 2003. Mission réussie également pour le lanceur italien Vega, qui a effectué son 5e vol depuis la base spatiale pour mettre sur orbite Sentinel‑2A, le deuxième satellite de l’ambitieux programme européen d’observation de la Terre, Copernicus.
Les bourses CNES, édition 2015
© P. Piron
Le vendredi 24 Juillet, Bernard Chemoul a remis les bourses CNES aux étudiants guyanais lauréats de cette année 2015. Ces étudiants continueront leurs études supérieures en France hexagonale ou en Guyane dans les filières d’études locales. Cette année, le jury, composé de représentants du CNES/Centre Spatial Guyanais et de l’Education Nationale, a noté le très bon niveau d’ensemble des candidats. Pour les bacheliers : sept mentions Très Bien dont 2 avec les félicitations du jury et deux mentions Bien. Pour les autres cursus : un major de promotion GEII à l’IUT de Kourou. Les bacheliers sont issus des lycées Lama-Prévot, Félix Éboué, Léon-Gontran Damas, Gaston Monnerville, Bertène Juminer et de l’externat Saint-Joseph. Les autres candidats viennent de l’IUT de Kourou, de l’Université de Guyane et de la classe préparatoire Henry IV.
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Vie des personnels
© O.Tostain
Hirondelle à ailes blanches, Tachycineta albivente
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Dossier
Gagner l’espace sans perdre la Guyane Dossier préparé par Océane Laroche et Karol Barthelemy
© J.-M. Guillon
Estuaire de la crique Pradine à la lisière du Centre Spatial Guyanais
Protégée pour des raisons de sécurité, la base spatiale est devenue un lieu de préservation de la richesse naturelle présente sur ses 700 km2 de territoire. La réclusion et la quasi absence de fréquentation de la part de l’homme rend cet endroit sûr, permettant le développement idéal d’un nombre impressionnant d’espèces végétales et animales. En effet, mammifères, reptiles, oiseaux, batraciens, arbres, lianes, fleurs s’y épanouissent, certains même ne sont présents que sur les terres du CSG. N°108 - Latitude 5 - octobre 2015
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Dossier
Ariane 5, Soyuz, Vega… Trois symboles de technologie de pointe au beau milieu d’une nature sauvage. Depuis 1968 et le premier lancement au Centre Spatial Guyanais, l’industrie du spatial a su y évoluer tout en la respectant. À travers la volonté d’informer tout en protégeant, le CNES a mis en œuvre des procédures de sauvegarde de l’environnement.
Les marais. De l’océan vers l’intérieur, on trouve les marais transitoires, les marais d’eau douce à Cyperaceae et fougères sur pégasse (tourbières), et les marais à Echinochloa polystachya ou "savanes à graminées". Les savanes, surtout vues depuis le bord de route nationale. La majeure partie reste invisible, cachée par des rideaux de forêt intermédiaire… Les forêts. Plusieurs types de forêts sont observés. La forêt marécageuse à manil (Symphonia globulifera) apparaît entre les barres pré-littorales d’une part, sur les sols un peu plus humides d’autre part ; on y trouve des associations de " palmiers bâches " (Arecacea, Mauritia flexuosa) avec des " pruniers "(Chrysobalanaceae, Chrysobalanusicaco). La forêt dense ombrophile de la plaine côtière ancienne est dominée par des palmiers. Elle marque la frontière avec le troisième type : la forêt humide à feuillage persistant des hautes terres. Le fleuve Kourou et les criques. Seul le fleuve est vraiment à considérer de ce point de vue : les autres criques du CSG ne sont pas très fréquentées, quel que soit leur intérêt écologique. Le Littoral, les battures et les mangroves. Les zones correspondantes du domaine du CSG ne sont quasiment pas visibles du grand public. Les Îles du Salut. Peu importantes en taille mais extrêmement appréciées, elles comptent parmi les trois principaux sites touristiques de Guyane.
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Chenille cthechnuchidae, crique Karouabo
Orchidée Habenaria macilenta, Montagne des Pères.
De savane sèche à savane inondée, il n'y a qu'une saison des pluies, en témoigne la savane Lapin du CSG.
© O. Tostain
Le domaine du CSG abrite et regroupe plusieurs paysages et points remarquables :
Les bâtiments du CSG, et leur pourtour immédiat en " espaces verts ", contrastant avec les autres espaces ouverts, urbains ou naturels du département. Les points remarquables sont les points d'accueil du public, dont le musée de l'espace et son environnement, le carbet de la montagne des Singes et son point de vue magnifique, le golf, le lac Bois-diable, la tour de Guyaflux (mais le public auquel elle est accessible est très restreint), le dégrad de Guatemala, tous les bâtiments et arbres remarquables des îles du Salut et depuis 2013 les deux sentiers des savanes Ébène et Clusia, la piste de l’Anse et son point de vue sur les marais.
© P. Baudon
Le Centre Spatial Guyanais est une immense plate-forme industrielle, mais pas seulement ! Avec une superficie de quelques 700 kilomètres carrés, le CSG offre une image quasi exhaustive des écosystèmes de la Guyane. De la savane à la forêt tropicale, en passant par les mangroves aux marais d’eau douce, tous les paysages y sont représentés. À ces milieux naturels s’ajoute une grande diversité d’espèces d’animaux et de plantes qui évoluent paisiblement, sans crainte des dangers extérieurs.
© P. Baudon
Écosystème industriel !
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L’impact des activités lancement est extrêmement limité ”
"Vert" lancement La majorité des installations du CSG est soumise à la réglementation concernant les Installations Classées pour la Protection de l'Environnement (ICPE) et à la législation relative à la sécurité pyrotechnique. À ce titre, le CNES a en charge la réalisation des études réglementaires préalables à l'exploitation des installations, la surveillance de l'impact des activités spatiales sur l'environnement et la mise en œuvre des plans de mesures du CSG, qui permettent un suivi régulier de l'impact des activités spatiales sur l'écosystème. « Ces plans permettent de suivre l'impact sur l'environnement des activités menées au Centre Spatial. Ils ne sont pas obligatoires, mais le CNES avait la volonté de les mettre en place depuis A501 (V501 : 1er vol d'Ariane 5 le 4 juin 1996) , et même un peu avant. Ils recouvrent notamment le suivi de la qualité de l'air, les retombées chimiques au sol, la qualité des eaux industrielles, des eaux de surface et des eaux souterraines, la qualité des sédiments, l'impact sur la végétation arborée, l'impact sur la faune aquatique des criques de la Karouabo,
Ariane 5 et Vega Produits issus de la combustion Gaz chlorhydrique, alumine (au taux déjà naturellement élevé dans l’environnement), monoxyde et dioxyde de carbone. Impacts Les impacts sont très localisés à moins d’un kilomètre des zones de lancement. Au-delà les concentrations en gaz chlorhydrique et en alumine sont nulles. On n’observe pas d’impact sur la qualité des eaux, sur la faune et sur les habitations.
de la Malmanoury et de la Passoura, ainsi que l'impact sur l'avifaune » explique Sandrine Richard, Ingénieur Environnement à la Sous-Direction de la Protection, de la Sauvegarde et de l'Environnement. Ces études, le CNES les confie à des organismes spécialisés et indépendants : « Le bureau d’études Hydreco, par exemple, fait des analyses de cours d’eau sur les sites Karouabo, Malmanoury et Paracou, sur lesquels les scientifiques font des prélèvements, afin de mener une étude des dynamiques des populations de poissons et d’invertébrés aquatiques. Olivier Tostain, avec son bureau d’études Écobios, procède à un suivi des impacts des activités de lancement sur l’avifaune, et la société ESQS (Europe Spatial Qualité et Sécurité) propose quant à elle la mise en place de capteurs environnementaux. Toutes ces analyses menées par divers organismes sur différents " échantillons " et sur plusieurs sites convergent vers une même conclusion : l’impact des activités lancement est extrêmement limité ».
Soyuz
Prise en flagrant délit de sieste, à proximité du bâtiment Uranus au Centre Technique, cette chouette effraie n’a été réveillée ni par l’agitation de la journée ni par les flashs. © P. Baudon
Produits issus de la combustion Eau, monoxyde et dioxyde de carbone, des composés naturellement présents dans l’atmosphère. Impacts Pas d’impacts des lancements sur la qualité de l’air, de l’eau, sur la faune aquatique et la flore ou sur les habitations. Les teneurs mesurées sont du même ordre que les teneurs naturelles et les vibrations émises sont nettement inférieures à celles d’Ariane 5. Avec une conception et une mise en œuvre différentes de celles des lanceurs européens à l’ADN commun, les technologies russes ont été adaptées aux exigences françaises et européennes en termes de sécurité.
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Dossier De la faune ! En de bonnes mains
Blessée sur la route de l’Espace, cette chouette à lunettes a été récupérée par la BSPP pour être transportée à la SPA où elle a reçu les soins nécessaires.
En plus de leurs missions de sauvegarde des personnes et des biens pour l’ensemble de la communauté industrielle et spatiale de Guyane, les membres de la Brigade des Sapeurs‑Pompiers de Paris effectuent des interventions visant à protéger la faune sur le domaine du CSG., et portent secours aux animaux blessés ou en difficulté, voire, se chargent de déplacer des animaux dangereux pour l’homme.
Une fois ces résultats obtenus, l’équipe de la sauvegarde environnement a mené une étude de deux ans et demi avec l’ONCFS (Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage) afin de savoir quel type de grande faune était présente au Centre Spatial, pour comprendre et montrer scientifiquement dans quelle mesure laquelle les activités de lancement impactent ou non la présence d’animaux. Aussi, des capteurs photographiques ont été posés un peu partout au CSG. « Les résultats ont été fascinants, nous avons inventorié plus de quarante espèces de mammifères ! (voir pages18-19) Suite à cette découverte, nous avons décidé d’établir un Indice Kilométrique d’Abondance (IKA), qui est une technique de comptage d’espèces. Des équipes ont sillonné et quadrillé les zones en parcourant à chaque fois une distance bien précise, et noté tout ce qui avait été vu ou entendu sur le © O. Tost ain trajet. Ils ont répété et répété l’opération à hauteur de deux allersretours par jour. Désormais, avec les pièges photographiques et les IKA, nous avons une bonne idée de l’abondance des espèces au CSG ».
Visite des savanes
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Le sentier Ébène est ouvert au grand public... et aux tortues charbonnières !
© BSPP
visiteurs ont découvert les savanes du CSG en 2014
Hirondelle à ailes blanches Tachycineta
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Retrouvez tous les documents, les actions et les partenariats du CNES en matière d’environnement sur http://www.cnes-csg.fr Rubrique "Environnement et Sécurité"
© O. Tostain
Pour valoriser ce patrimoine naturel exceptionnel, le CNES a créé deux sentiers environnementaux pédagogiques, ouverts à tous. Serpentant sur plusieurs centaines de mètres entre savanes et forêts, ceux-ci permettent de découvrir plantes et animaux à l’état sauvage. Ainsi, le sentier Ébène, long de 800 mètres est bordé, entre autres, de lianes de vanille, de balourou, de l’arbre du voyageur sud‑américain ou encore de l’ébène verte, un arbre d’un mètre de diamètre et haut de 20 à 30 mètres. Constamment entretenus, ces sentiers devraient être allongés et, à plus long terme, reliés entre eux. À l’état sauvage et par nature méfiants, il n'est pas garanti de rencontrer des animaux. La mise en place de visites nocturnes a donné une autre dimension à ces circuits. Le grand public peut en effet venir découvrir les lieux dans la pénombre, quand les repères ne sont plus les mêmes, et que les bruits des animaux se font mieux entendre dans le silence de la nuit.
Poussin de Forpus passerinus dans son nichoir artificiel.
© O. Tostain
On a retrouvé Sid®en plein "taekwondodo" au CDL3 !
© F. Pizzolato
Apprendre ensemble
© L. Ackermann
« Nous mettons en place des partenariats dans le but d’analyser l’environnement du CSG, mais aussi afin de faire avancer la science ! Nous avons par exemple mis en place le cofinancement de thèses. L’une d’entre elles a été menée sur les tortues marines équipées de balises Argos, qui nous permettent de récolter des données sur les éléments physico‑chimiques de l’eau, données ensuite transmises au CNRS ! Un travail est également mené dans le cadre d’une chaire d’excellence avec une personne travaillant à l’Université de Guyane pour un projet de recherche sur le nuage émis par Ariane 5 (convention sur cinq ans) ». L’idée qui sous‑tend ce type de démarche est de favoriser un chercheur dans le domaine qui l’intéresse, avec en retour la possibilité de partager les données et recherches menées, et l’obligation pour le chercheur de donner des cours aux étudiants de l’Université de Guyane. Cela permettra peut-être, à terme, de créer des vocations ou du moins un intérêt pour les causes environnementales. Plus avant, le CNES se tient au courant de tout ce qui se fait en Guyane en terme d’environnement,
afin d’être constamment au fait de ce qui s’y passe et de rester à la pointe de l’innovation : « concernant les déchets par exemple, nous avons mis en place une veille qui nous permet de savoir ce qui va être fait, et attendons avec impatience l’ouverture d’une déchèterie avec tri. Au vu de nos activités, nous avons des déchets dits " dangereux " à récupérer et à traiter. C’est la société Endel qui s’en charge dans son Ecocentre. Selon la quantité et la dangerosité du déchet, ce dernier est soit traité, soit recyclé. Nous participons également au financement de certaines structures, comme par exemple l’ORA, l’Observatoire Régional de l’Air de Guyane, créé en 1998. C’est une association agréée sur la qualité de l’air, dont les données sont communiquées au grand public. Ce versant est très important pour nous depuis que nous avons été certifiés ISO 14 001. Cela prouve que nous avons mis en place un véritable système de management nous permettant de bien comprendre les risques et impacts de nos activités, afin de les réduire ou de les supprimer. »
Depuis 2008, près de 500 nichoirs artificiels ont été installés du CSG à Sinnamary en passant par Kourou. Selon Olivier Tostain, « Aujourd’hui la population d’oiseaux s’est bien adaptée et attachée à ces nichoirs qui leur ont même permis de développer leur population. Globalement, cinq à six espèces y trouvent refuge : des hirondelles blanches mais aussi à ailes noires, des troglodytes, des perruches, des tangara et des kikiwi. Pour ces derniers nous avons dû créer un nichoir sur mesure, afin qu’il soit protégé mais pas trop enfermé car il ne supporte pas les cavités. »
Le Plan de Gestion Dépassant ses obligations réglementaires, le CNES a choisi de se doter d’un Plan de gestion permettant de consolider sa connaissance de son patrimoine naturel et de le valoriser. Trois enjeux primordiaux censés déterminer les objectifs de gestion du CNES en matière d’environnement ont ainsi été définis : garantir la pérennité de l’activité du CSG sur son territoire, en maintenir l’intérêt patrimonial, et valoriser ce patrimoine. L'atteinte de ces grands objectifs passe par la déclinaison d'actions clairement décrites : la surveillance du domaine, la protection des espèces et des milieux naturels, le suivi écologique et la recherche scientifique et enfin la mise en valeur de site d’accueil du public.
Quand un grand tamanoir traverse la route de l'Espace !
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Rencontre
© ONCFS /
CSG
Preuve en images Il y a trois ans, en Décembre 2012, le CNES entérinait un partenariat avec l’ONCFS afin d’étudier la faune terrestre qui peuple les 700 km² du site de lancement. En juin 2013, l'organisme dissimulait 72 appareils automatiques au cœur de l'épaisse végétation de la base. Le résultat ? De magnifiques clichés dévoilant au grand public la richesse faunistique des terres du Centre Spatial.
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© ONCFS / CSG
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Pécari à collier, Pecari tajacu
Biche rouge (ou Daguet rouge), Mazama americana
© ONCFS / CSG
© ONCFS / CSG
écile Richard-Hansen, responsable des études sur la faune de Guyane pour l’ONCFS, est une actrice incontournable des activités que mène l’organisme avec le CNES pour l’étude de la faune au CSG. Présente depuis le début de la manipulation, son enthousiasme n’a pas fléchi : « Ce partenariat, c’était une véritable chance pour nous, qui voulions étudier la faune de Guyane dans un environnement public protégé de la chasse, de préférence de type côtier ! Ce genre d’endroit est très difficile à trouver, ou alors difficile d’accès… Grâce à ce partenariat, nous avons pu montrer une très bonne diversité des espèces présentes sur la base! ». Au tout début, l’objectif de la mission était purement quantitatif. En plus des appareils de piégeage photographique, les membres de l’équipe avaient procédé à untransect linéaire, qui avait fourni des estimations surl’abondanceou la densité des espèces observées. « Il s’agit de la méthode d’analyse d’abondance des populations de mammifères la plus fréquemment employée. Le principe de base est le déplacement sur un axe linéaire, par exemple un layon en forêt, sur un trajet d’une longueur déterminée. Ensuite, des repères sont posés pour que l’on puisse se repérer, et au fur et à mesure que nous avançons, à vitesse régulière, nous notons tout ce que nous voyons ou entendons, l’heure d’observation, la taille et la composition du groupe ou de l’individu, l’emplacement sur le layon… ». Et ce plusieurs fois de suite ! Le résultat de ces déplacements ? Une première analyse des données : l’Indice Kilométrique d’Abondance (IKA), c’est-à-dire le nombre d’observations effectuées par rapport à la longueur de transect parcourue. Cependant, une fois ces premières mesures effectuées, il s’est avéré nécessaire de poursuivre ces activités. « Nous nous sommes dit que nous devions essayer de capturer des animaux et de les marquer avec des colliers pour avoir un vrai suivi. Nous avons eu l’autorisation du CNES de poser des " pièges à patte " pour les jaguars, et des enclos-pièges pour les pécaris* . Pour les deux systèmes, un signal d’alarme nous prévient quand un animal est bloqué, et nous nous rendons sur place dans les plus brefs délais. Ensuite, un vétérinaire l’endort, car nous n’avons pas le droit de le faire nous-mêmes, et nous pouvons ensuite lui poser un collier avec émetteur sur le cou, et suivre à distance ses déplacements ». Ces pièges, l’équipe de l’ONCFS ne les utilisent pour l’instant que sur le pécari à lèvres blanches et le jaguar. Ce dernier, parfois, s’aventure sur la route des PK et nuit aux habitants. Quand c’est le cas, Cécile et son équipe essaient de les capturer et de les relâcher sur le site du CSG avec un collier, qui leur permettra d’étudier leurs déplacements et leur zone vitale. Les pécaris à lèvres blanches quant à eux ont subi des fluctuations de population
Tapir (ou Maïpouri), Tapirus terrestris, le plus gros des mammifères sud-américains.
© ONCFS / CSG
Myrmecophaga tridactyla. Le plus grand des fourmiliers de Guyane (manjo fronmi) porte son petit lors de ses déplacements.
© P. Baudon
importantes allant presque jusqu’à disparaître. « Tout le monde nous disait que les "cochons bois" avaient disparu, plus personne n’en voyait. Jusqu’au jour où un témoin nous a précisé en avoir vu au Centre Spatial. Nous avons donc décidé d’étudier la question de plus près ! ». Depuis 2011, la population de " cochons bois " remonte et Cécile a pu en marquer quelques‑uns. « Et nous avons appelé le premier Ariane ! Les jaguars ne
* Touche finale de l’enclos-piège installé par l’ONCFS, Cécile
Puma, Leopardus concolor. Il possède plusieurs noms d’emprunt en Guyane : tigre rouge, couguar, lion des montagnes ou encore panthère.
© ONCFS / CSG
sont d’ailleurs pas en reste, nous avons pu en marquer plusieurs. À la rentrée, ma collègue Rachel Berzins qui est responsable du programme jaguar et moi-même pourrons mettre en place de nouveaux dispositifs, et, nous l’espérons, passer le collier au cou de nouveaux individus ». Des actions qui seront maintenues dans le cadre d’un nouveau partenariat avec le CNES : « Notre partenariat avec le CNES devait durer trois ans initialement. Nous sommes actuellement en train de monter un nouveau dossier pour continuer nos activités suite aux résultats très concrets que nous avons obtenus. L’enjeu de conservation et de gestion qui sous-tend les missions de l’ONCFS s’inscrit parfaitement dans le cadre des activités de sauvegarde du CNES, et tout le monde en profite ! Nous avons hâte de faire de nouveaux marquages, sur de nouvelles espèces, de suivre l’évolution de ces animaux et d’en apprendre toujours plus. Et bien sûr, d’analyser les données collectées sur ces trois ans, sous lesquelles nous croulons désormais ! ».
© ONCFS / CSG
laisse de quoi appâter les pécaris du secteur. La capture de ces derniers est menée dans le cadre du programme SOPPAG (Suivi Opérationnel des Pécaris du Parc Amazonien de Guyane).
Tatou géant, (ou cabassou géant), Priodontes maximus. Espèce très rarement observée.
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Espace... et espèces! Au fur et à mesure des inventaires réalisés par les divers organismes travaillant en collaboration avec le CNES pour la protection de la biodiversité du CSG, un nombre impressionnant d’espèces a pu être dévoilé au grand jour. Petit plongeon au cœur des écosystèmes du Centre Spatial pour les découvrir.
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Grands types d’écosystèmes
Les savanes sèches et les savanes inondables, Principalement composé de plantes herbacées vivaces.
Marais Espèces de la famille des Sphingidae (Sphynx) sur les 115 recensées en Guyane ont pu être inventoriées.
Espèces d’oiseaux dont 58 migratrices ont été dénombrées lors de différents inventaires pratiqués sur la zone.
© O. Totstain
de
Savanes
464 20
700 3
Espèces de reptiles. Chaque grand ordre est représenté: l’ordre des Testudines (Tortues), des Crocodilia (Caïmans) et des Squamata (Reptiles à écailles).
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Le Centre Spatia
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Les marais transitoires, les marais d’eau douce, et les marais à Echinochloa polystachya ou «savanes à graminées».
59 Taxons ont été identifiés pour la crique Malmanoury et 44 pour la crique Karouabo. La crique Malmanoury, avec ses
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Espèces d’Amphibiens dont deux nouvelles espèces pour la Guyane ont été découvertes lors d’inventaires herpétologiques.
territoire et
s
7
Catégories différentes
Forêts
La forêt ées marécageuse, la forêt dense ombrophile de la plaine côtière ancienne et la forêt humide sempervirente des hautes terres.
62 Espèces de Longicornes ont été répertoriés sur la Montagne des Singes et 43 sur la piste des Compagnons sur les 561 espèces pour l’ensemble de la Guyane.
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Espèces de mammifères pour l’ensemble du site ont été observées. Certaines espèces, comme l’Agouti, le Jaguar, et le Grand Fourmilier sont même parfois visibles dans la zone de loisirs (zone du golf), ce qui donne au site un intérêt faunistique non négligeable.
©2015 ESA-CNES-ARIANESPACE/Optique vidéo du CSG-Réalisation Caroline Chapin
km
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© Y. Goareguer
al Guyanais c’est
© L. Ackermann
59 taxons pour un bassin versant de 98 km2 est donc une rivière relativement riche, surtout sachant que ce nombre d’espèces avoisine celui du fleuve Kourou alors qu’il possède un bassin versant 20 fois supérieur. N°108 - Latitude 5 - octobre 2015
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ActeurS
L'eau, l'air, la terre Protéger la biodiversité du Centre Spatial Guyanais, c’est l’analyser à travers des études scientifiques, et c’est aussi faire attention à ses 700 km2 de territoire afin qu’ils restent surveillés, entretenus, et que chacun veille au bon respect des mesures mises en œuvre dans ce sens. Philippe Cerdan, Olivier Tostain et Philippe Jet ont pour tâche, entre autres, de mener à bien cet objectif.
© O. Tostain. Crique Karouabo
Olivier Tostain, bureau d’études Écobios : « Notre action de mise en place des nichoirs est une réponse directe à une obligation réglementaire de suivi des impacts des produits de combustion émis dans l’environnement lors des lancements, et notamment les Olivier Tostain contrôlant un nichoir au CSG particules d’alumine. Depuis 1992 et le début du programme Ariane 5 au CSG, nous travaillons donc en étroite collaboration avec le CNES pour trouver les bons indicateurs biologiques permettant de savoir si le lanceur a un impact ou non sur la faune et la flore ». En effet, les oiseaux représentent d’intéressants modèles d’expérimentation car ils fréquentent l’ensemble des écosystèmes de la base et se retrouvent à divers échelons des chaînes alimentaires en fonction de leur régime alimentaire. Ils se prêtent aussi bien à des études pertinentes sans qu’il soit nécessaire de collecter des animaux pour procéder à nos prélèvements. « En effet, tout ce qui a été accumulé par le corps est évacué dans les plumes, avec une différence entre les plumes de surface et les plumes en sous‑couche. Pendant 10 ans nous avons prélevé des petits morceaux de plumes, et avons pu ainsi détecter les particules d’alumine déposées en surface des plumes : logiquement, les dosages étaient plus élevés sur les oiseaux capturés à proximité du pas de tir. Mais cette incidence directe n’est plus mesurable au-delà de 5/6 km, une limite où l’apport « fusée » se noie dans le « bruit de fond » issu de l’alumine naturellement présente dans les sols de Guyane. De plus, la nature des sols peut influer fortement sur les dosages mesurés dans les plumes recouvertes (à l’abri des poussières de l’air) dans lesquelles on retrouve l’alumine ingérée par les processus métaboliques de base (alimentation et respiration) : les oiseaux qui vivent dans les sous-bois de la crête de la montagne de Kaw (cuirasses latéritiques) ou ceux qui s’alimentent des crabes des mangroves côtières (sédiments de silicates d’alumine) sont mille fois plus dosés que leurs congénères vivants dans les forêts sur sables blancs de Mana (podzols très lessivés). Nous avons aussi mesuré le rôle que peuvent jouer les incendies de
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savanes, à l’occasion desquels de grandes quantités de poussières d’alumine sont aussi remises en circulation dans l’air et se déplacent dans les nuages de fumées. Toutes ces indications n’apportaient pourtant pas de réponse précise quant à l’impact de ces particules dans la physiologie des oiseaux, et la santé des écosystèmes. Se fondant sur la fonction intégratrice des oiseaux qui nous apportent une " synthèse " des perturbations de l’environnement qu’ils peuvent ressentir le cas échéant à travers la diversité de leurs ressources alimentaires, Olivier et son équipe se sont intéressés à la qualité de leurs œufs. « Quoi de mieux en effet que cette
© O. Tostain
© P. Baudon
Apprendre des oiseaux
Œuf de Turdus nudigenis et Myiarchus ferox
étape de la reproduction pour justifier de la qualité de leur milieu de vie ? Et du nôtre d’ailleurs par la même occasion ! Il a été démontré que les femelles d’oiseaux qui s’apprêtent à pondre sont sensibles au taux d’alumine présent dans leur régime alimentaire car il peut restreindre la mobilisation du calcium nécessaire à la fabrication des coquilles des œufs. Ainsi désormais nous mesurons l’épaisseur de
la coquille des œufs des oiseaux comme marqueur de l’incidence éventuelle des lanceurs sur l’environnement, une mesure physique simple ». Pour pouvoir accéder au plus grand nombre possible d’œufs d’oiseaux sauvages, l’équipe a construit divers modèles de nichoirs adaptés à quelques espèces communes du littoral et qui apprécient tout particulièrement de nicher dans des cavités. Tout un réseau de nichoirs a été installé aussi bien dans les zones proches des pas de tir que dans des lieux de vie (Kourou + Sinnamary), afin qu’il y ait une transparence sur ces actions. Une initiative très bien reçue. « En effet, l’accueil du public est très favorable, les gens se montrent très intéressés quand j’installe mes nichoirs, et me posent plein de questions. Vu que le principe des nichoirs est très simple, ils comprennent sans difficulté et montrent un véritable intérêt. La communication sur le sujet est très importante, parce que ça marche très bien et qu’il faut partager la conclusion finale : à ce jour les activités de lancement par ellesmêmes n’ont quasiment pas d’impacts sur la faune».
© P. Baudon
Philippe Jet, agent patrimonial de l'ONF : « Avec le CNES, nous avons une convention de gestion qui a été mise en place en 1966, donc très peu de temps après la construction du Centre Spatial. C’est une convention renouvelable par tacite reconduction tous les ans. À travers ce partenariat, notre mission consiste à Philippe Jet surveiller les milieux naturels du CSG, la faune comme la flore. Il existe deux arrêtés préfectoraux en vigueur, l’un interdisant le port d’arme, l’autre interdisant les prélèvements. Le rôle de l’ONF est de faire en sorte que l’intégrité de ce domaine soit respectée ». Pour ce faire, l’ONF a mis en place un système de " veille ", de patrouilles pendant lesquelles Philippe ou un de ses collègues arpente les sites du CSG. La convention que l’ONF a avec le CNES définit également les
domaines d’intervention autres que ceux de simple surveillance et, quand c’est nécessaire, de réprimande. « Nous avons pour tâche l’entretien des sentiers du CSG, y compris les sentiers Ébène et Clusia pour les visites des savanes. Nous entretenons également le sentier de la montagne des Singes et celui de l’Anse de Sinnamary et de leurséquipements. En outre, nous pouvons intervenir sur des études ou expertises à la demande du CNES. Récemment, ce dernier a fait appel à nous pour analyser comment nous pourrions procéder à une rénovation et complétion du sentier du Golf ». Afin de renforcer la collaboration étroite entre l’ONF et le CNES, ce dernier met à disposition du matériel destiné à aider
Philippe et ses collègues dans leur mission de surveillance, notamment un hélicoptère servant lors des vols de surveillance effectués une fois par an. « Lors du dernier, nous avons pu constater que certaines personnes ont créé des abatis dans les forêts du CSG, dont un à la montagne des Singes ! Ce site fait d’ailleurs l’objet d’empiètements et de prélèvements de bois, et est donc à surveiller étroitement. Le problème des abatis se constate par ailleurs sur plusieurs sites du Centre Spatial, notamment vers l’Anse de Kourou, et il faut sans cesse veiller à ce que ces empiètements ne s’aggravent ni ne se multiplient ». Un travail digne des douze travaux d’Hercule sur une surface aussi vaste !
Embouchure de la crique Karouabo
© P. Landmann
Apprendre de l'eau
Philippe Cerdan, en plein inventaire
Philippe Cerdan, directeur du Bureau d’études Hydreco : « Les premières études menées sur le centre spatial en Guyane sur les milieux aquatiques ont été réalisées par l’IRD de 1998 à 2001. L’institut nous a ensuite remis les données et nous avons continué de faire des analyses. Le CNES participe à nos études, en nous laissant étudier l’eau des rivières qui sont sur le territoire de la base spatiale: nous analysons les retombées potentielles des activités
de lancements Ariane 5 sur trois criques : la Karouabo (zone de proche impact), la Malmanoury (zone de fin d’impact) et la crique des pères (zone témoin, sans impact). Nous faisons, entre autres, des mesures deux fois par an : une fois en saison des pluies, une fois en saison sèche. La différence entre les deux saisons est qu’en saison des pluies les mesures sont plus diluées : il y a moins de poissons et moins de contaminants. Dans le domaine chimique, nous faisons notamment un suivi d’alumine, qui est le principal composant rejeté par Ariane 5. Le problème est que la Guyane est un territoire très riche en alumine, et qu’il faudrait faire des analyses sur l’ensemble de la Guyane pour pouvoir montrer avec certitude si le lanceur
a un impact ou non. » En terme de résultats, Philippe nous apprend que « la crique Karouabo est la plus pauvre en poissons et espèces invertébrées. Seulement, on ne peut pas savoir si c’est à cause d’Ariane ou à cause de la formation de la crique. En effet, il existe un bouchon vaseux en bout de crique, qui peut influencer la présence d’espèces… La crique des Pères elle, présente un peuplement diversifié. Mais depuis 2002, moments où nous avons repris la main sur les analyses, nous avons pu constater une stabilisation de l’alumine. Les concentrations n’ont pas évolué. »
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© O. Tostain
Apprendre de la forêt
Développer
Regarder vers l’espace
Des programmes spatiaux majeurs ont jalonné et ponctuent encore l’histoire de la conquête de l’espace. Ils ont été développés au sein d’organismes publics que sont les agences spatiales. À travers leurs programmes, ces entités traduisent la politique spatiale des états qu’ils représentent, au service d’intérêts civils et militaires, dans une démarche de compétitivité mondiale. L’Espace n’appartient à personne et son exploration impose des projets ambitieux que bien souvent, seul un partenariat entre plusieurs nations permet de concrétiser. Aussi de nombreuses coopérations se tissent entre les différentes agences, mais aussi avec de nouveaux acteurs privés. Cependant, de l’ère de la collaboration à celle de la concurrence, il n’y a pas eu qu’un seul pas….
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Ces agences très par Nathalie Pierre & Karol Barthelemy
Dans la plupart des pays, les programmes militaires ont été les premiers à utiliser les technologies du spatial ; elles ont été au fur et à mesure capitalisées au bénéfice de programmes spatiaux civils, avec notamment la construction de satellites qui permettent d’améliorer le quotidien ainsi que notre connaissance du système solaire. Signes extérieurs de puissance Pour démontrer au monde sa puissance économique et industrielle, rien de tel pour un gouvernement que d’afficher, entre autres, une politique forte de conquête spatiale, qui se concrétise certes par la capacité de lancement, mais aussi par le développement et la réalisation de programmes spatiaux variés, allant de l’exploration du système solaire aux télécommunications en passant par l’observation de la Terre, pour ne citer que ceux-là. Ce sont les missions premières des agences spatiales. C’est dans cet esprit que fut créée en 1958 l’agence spatiale américaine NASA, National Aeronautics & Space Administration, pour concurrencer l’Union Soviétique. Cette dernière avait créé son agence spatiale une année auparavant ; elle transférera ses compétences spatiales en 1992 aux agences spatiales russe (Roskosmos) et ukrainienne (NSAU). La création d’une agence spatiale ne coïncide pas forcément avec le début d’un projet spatial pour un état, qui peut très bien avoir été actif dans ce domaine auparavant. Agence spatiale n’est pas non plus synonyme de capacité de lancement : elle formalise et conforte, voire justifie aux yeux du monde, l’engagement fort d’un état dans le spatial, quelle que soit sa raison première. Pour exemple, les prémices
spatiales Agences spatiales dans le monde et accès à l’espace À ce jour, 47 pays possèdent une agence spatiale. Seulement 11 d’entre eux sont également considérés comme "État de lancement", c'est-à-dire qu’ils possèdent au moins un lanceur et une base de lancement leur donnant un accès autonome à l’espace. D’autres pays comme la Suisse, l’Irlande ou le Maroc n’ont pas d’agence à proprement parler mais consacrent une branche de leur administration aux activités spatiales.
© OVS / Quartararo
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du spatial aux États-Unis remontent à 1915 avec le NACA, National Advisory Committee for Aeronautics, qui avait un rôle d’entité fédérale majeure consacrée à la recherche et au développement aéronautiques, secteur qui était un puissant instrument politique face à l’Union soviétique notamment. Plus tard, le NACA deviendra le cœur bureaucratique de la NASA, avant de fermer ses portes en 1958. À la fin des années 50 où tout semble se jouer entre Soviétiques et Américains, la France est présidée par le général de Gaulle qui ne cache pas sa volonté de développer sa capacité nucléaire " en solo ". La recherche scientifique dédiée au spatial est alors coordonnée par la SEREB (Société pour l’Étude et la Réalisation d’Engins Balistiques) et le CRS (Comité de Recherches Spatiales). Le Centre National d’Études Spatiales, CNES, voit le jour en 1961 avec pour mission première de développer le lanceur Diamant, basé sur la technologie des missiles balistiques. C’est ainsi que le 26 novembre 1965, Diamant A s’élance du pas de tir d’Hammaguir en Algérie et met sur orbite Astérix, premier satellite français dont le rôle consiste surtout à tester les capacités du lanceur. Cet évènement propulse la France au rang de troisième puissance spatiale.
L’ISS selon l’ESA « Emblème de la coopération, la Station spatiale internationale nous apprend comment vivre ou travailler ensemble dans l'espace sur de longues périodes. Elle est non seulement la réalisation technique la plus audacieuse ou la plus complexe de l'histoire humaine, mais aussi l'un des exemples les plus réussis de l'histoire de la coopération entre les cabinets de la planète. L'ISS est conçue pour mener des activités scientifiques ou technologiques, mais sa plus grande contribution sera probablement les leçons qu'elle nous apporte en termes de coopération internationale.» Jean-Jacques Dordain, directeur général de l’ESA, dans une interview accordée à Télé Satellite&Numérique le 10 mars 2014.
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En lançant Diamant depuis Hammaguir le 26/11/1965, le CNES a propulsé la France au rang de 3e puissance spatiale mondiale. Diamant emportait Asterix, le premier satellite artificiel français, destiné à transmettre au sol diverses informations sur le comportement du lanceur. © NASA, 1998
La coopération spatiale se structure en 1958, après le lancement de Spoutnik-1 par l’Union soviétique le 4 octobre 1957, avec la création du Comité des Nations Unies pour l’utilisation pacifique de l’espace extra‑atmosphérique (COPUOS, United Nations Committee on the Peaceful Uses of Outer Space). La résolution 1472 de l’Assemblée générale des Nations Unies l’officialise formellement en 1959. De dix-huit états membres depuis sa création, le COPUOS s’est étoffé jusqu’à soixante-dix sept membres en 2014. Ses missions : examiner la portée de la coopération internationale dans les utilisations pacifiques de l'espace, concevoir des programmes à entreprendre dans ce cadre sous l’égide des Nations Unies afin d'encourager la poursuite des recherches et la diffusion d'informations sur les questions spatiales, et étudier les problèmes juridiques soulevés par l'exploration de l'espace. Les acteurs principaux du début de l’ère du spatial restent l’Union Soviétique et les États-Unis. De la concurrence féroce, leur relation s’oriente vers la coopération, essentiellement en raison du changement politique en Russie. Cela permettra en 1992 aux présidents Bush et Poutine de ratifier un accord permettant aux astronautes américains d’effectuer des séjours de longue durée à bord de la station russe Mir, première station spatiale modulaire mise sur orbite le 19 février 1986 par l’URSS et détruite volontairement le 23 mars 2001. Le projet de Station spatiale internationale ISS, initié par les États-Unis en 1983 et mené avec la Russie, verra l’arrivée de l’Europe et du Japon pour une coopération internationale plus forte (voir encadré ci‑dessous).
© SIRPA-ECPA, 1965
Des prémices de la coopération
La station spatiale internationale ISS – « La réalisation technique la plus audacieuse de l’histoire humaine » selon Jean-Jacques Dordain.
© NASA
La coopération comme outil de compétitivité technologique Alors que les relations entre Russie et États-Unis se réchauffent - le vol Apollo-Soyuz en est l’illustration en 1975 – la même année voit la naissance de l’Agence spatiale européenne (ESA). Faisant suite à l’ESRO (European Space Research Organization) et à l’ELDO (European Launcher Development Organization), tous deux créés en 1958, son rôle était alors d’harmoniser les programmes spatiaux. Avec un rôle majeur en recherche et développement, l’ESA est aujourd’hui une " super agence " qui permet de dédier un budget conséquent aux programmes spatiaux – 4 775 millions de dollars en 2013 – presqu’à égalité avec l’agence fédérale de Russie Roskosmos (6 414 millions de dollars en 2013), mais loin derrière les États-Unis, la Nasa disposant d’un budget de 19 770 millions de dollars en 2013*. L’ESA, pour accroître son panel de programmes spatiaux, va jouer pleinement la carte de la coopération, que ce soit avec les acteurs privés ou les agences d’État. Elle signait notamment un accord en janvier 2014 avec la société californienne Sierra Nevada. Objectif : identifier les possibilités de collaboration autour du projet de système de transport orbital Dream Chaser, candidat au développement des systèmes de transport privés pour assurer la rotation des équipages à bord de la Station spatiale internationale à partir de 2017. La NASA (États-Unis), Roskosmos (Russie), la JAXA (Japon) et la CNSA (Chine) sont autant d’agences spatiales avec lesquelles l’ESA coopère, entre autres. L’ESA englobe 22 pays d’Europe, ce qui lui permet aussi d’être l’une des rares agences spatiales au monde à travailler dans presque tous les domaines du spatial : science spatiale, vols spatiaux habités, exploration, observation de la Terre, lanceurs, navigation, télécommunications,
technologies et opérations. Parmi les états membres se trouve bien sûr la France, qui possède sa propre agence spatiale, le CNES, dotée d’un budget annuel de 2 015 millions d’euros* dont près de 40 % sont dédiés à la contribution à l’ESA ; le reste du budget étant ventilé sur les lanceurs, la défense, la science et l’observation de la Terre. Comme les autres États membres de l’ESA, la France participe, au prorata de son PNB, aux activités liées à la science spatiale et à un ensemble commun de programmes obligatoires ; elle participe aussi à des programmes facultatifs. C’est par le CNES que la France participe à l’ESA en tant que membre contributeur le plus important après l’Allemagne, dont l’agence spatiale est le DLR (Deutschen Zentrums für Luft und Raumfahrt) : la France et l’Allemagne ont respectivement participé à hauteur de 754,6 M€* et 765,7 M€*, soit 22,6 % et 22,9 % du budget 2014 de l’ESA. Le troisième contributeur de l’ESA est l’Italie avec son agence ASI (Agenzia Spaziale Italiana).
Mission Apollo-Soyouz en 1975, première mission de coopération spatiale entre l’Union soviétique et les États‑Unis. L’équipage : Slayton, Stafford et Brand (États-Unis en orange) ; Léonov et Kubasov (Union soviétique en vert).
* Sources chiffrées : www.esa.int, www.nasa.gov, www.fr.wikipedia.org, www.euroconsult-ec.com et rapport annuel du CNES, 2011.
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Le mot de l'ESA
Brèves ILS aligne Angara face à Vega
Un petit tour et par Blandine Louvel
© Ministère de la Défense Russe
Il s’agit peut-être de la meilleure preuve du succès de Vega : International Launch Services (ILS) a spécifiquement désigné le petit lanceur européen comme l’adversaire de l’Angara 1.2 dont il vient d’annoncer l’arrivée prochaine [2017] sur le marché commercial. [Air&Cosmos – le 17/07/2015]
Vol inaugural de l’Angara 1.2 le 9 juillet 2014
[Missionné par la DARPA, l’agence américaine de recherche pour la défense], Le fabriquant de satellites SpaceSystems/Loral (SSL) va étudier l’assemblage robotique, une fois sur orbite, des satellites de télécommunications géostationnaires qui seraient trop volumineux pour être lancés assemblés, en permettant qu’ils soient stockés par pièces détachées à l’intérieur du lanceur. [telesatellite.com – le 4/9/2015]
Surveillance spatiale chinoise La Chine a lancé un centre de surveillance des débris spatiaux afin de protéger ses vaisseaux en orbite [au nombre de 129, dont la station spatiale Tiangong-1]. Ce nouveau centre traquera et surveillera les objets proches de la Terre et les débris spatiaux. Il développera des plans d’intervention d’urgence, prendra des mesures en cas d’urgence et partagera ses données avec ses homologues internationaux. [chine-informations.com – le 9/6/2015]
Une "Terre 2.0" ou presque La Nasa annonce la découverte [grâce à son télescope spatial Kepler] d’une exoplanète au profil très proche de notre Terre, en orbite autour d’une étoile qui ressemble beaucoup à notre Soleil. […] Située à 1400 années-lumière dans la constellation Cygnus, l’étoile Kepler 452 a six milliards d’années, soit 1,5 de plus que notre Soleil, elle est 20% plus brillante et son diamètre 10% pour grand. Mais sa température est similaire. [Probablement rocheuse, l’exoplanète Kepler452b est pour sa part 60% plus grande que la Terre.] [L’Express.fr – le 24/07/2015]
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© ESA
Satellites : assemblage orbital en vue
L’IXV exposé devant le pavillon de l’ESA durant le 51e Salon du Bourget à Paris.
C’est une vision inédite qui a accueilli les visiteurs devant le pavillon de l’Agence spatiale européenne durant le 51 e Salon du Bourget à Paris. Un objet spatial en chair et en os, ou tout du moins en céramique et carbone, tout droit revenu de l’Espace ! L’IXV après avoir voyagé en orbite a posé " ses bagages " à Paris et présenté ses premiers résultats.
L
e 11 février dernier à 10h40 heure locale, s’élançait depuis le CSG le 4e lanceur Vega emportant avec lui le Vaisseau spatial intermédiaire de l’ESA, IXV. La mission IXV avait un objectif central : développer un système et un savoir-faire technologique européens pour effectuer des missions de retour atmosphérique à faibles risques et coûts limités. Les résultats de ce projet devraient permettre la réalisation de futures missions ambitieuses de transport spatial. De nombreuses applications sont envisagées : étages de lanceurs réutilisables, missions de retour planétaire ou encore retours depuis des stations en orbite.
Le but n’était pas seulement d’acquérir un savoir déjà maîtrisé par d’autres nations mais aussi d’aller de l’avant et d’être innovant dans ce domaine. L’IXV est ainsi le premier "corps portant" - comprenez planeur sans ailes - au monde à effectuer une rentrée atmosphérique à vitesse orbitale. Cela représente une amélioration des performances par rapport aux capsules tout en conservant leur simplicité et fiabilité. Il est aussi le premier à être équipé de matériaux composites céramiques, améliorant leur réutilisation par rapport à d’autres concepts et matériaux. À l’occasion du 51e Salon du Bourget, les premiers résultats de la mission ont été présentés. « Il est très difficile de quitter la Terre pour aller dans l’Espace et nous avons bâti une solide expérience en Europe et à l’ESA (…) preuve en est notre famille de lanceurs très performante, a déclaré Gaele Winters, Directeur des lanceurs à l’ESA. Mais revenir sur Terre depuis l’Espace est peut-être encore plus complexe et c’est un domaine où l’Europe n’a pas beaucoup d’expérience. Nous avons désormais l’IXV et il représente une étape considérable dans la construction de cette expérience. » Toute la mission IXV s’est parfaitement déroulée, conformément aux prévisions établies. Les données du vol ont tout de même permis de relever quelques points intéressants : les températures extérieures étaient inférieures à celles prises en
© ESA-J. Huart
puis revient !
Et après IXV ? L’IXV n’a pas encore révélé tous ses secrets ! Il reste encore bien des informations à analyser mais déjà l’ESA envisage la suite sous la forme du programme PRIDE, pour Programme for Reusable In-orbit Demonstrator for Europe. L’objectif principal de PRIDE sera de définir et de développer un système européen de transport spatial réutilisable et rentable en se basant sur l’expérience acquise grâce au programme IXV. La première phase du projet PRIDE a déjà reçu le soutien de nombreux États Membres de l’ESA comme la France, l’Italie et l’Espagne. La forme même du vaisseau PRIDE est encore à l’étude mais devrait très largement s’inspirer de celle de l’IXV. Un autre beau et grand projet à suivre donc et qui devrait aider à propulser toujours plus en avant l’Europe et l’ESA vers la maîtrise de la rentrée atmosphérique, en ouvrant la voie à des missions d’exploration toujours plus ambitieuses.
Après son décollage sur un lanceur VEGA, la mission IXV s'est déroulée en 4 grandes phases avant d'amerrir au milieu de l'Océan Pacifique et d'être récupérée par les équipes de la mission présentes sur le navire "Nos Aries".
© ESA-CB PROD, 2015
La phase de descente s’est aussi parfaitement déroulée, notamment le déploiement des parachutes. Seule la vitesse enregistrée à l’atterrissage au milieu de l’Océan pacifique était légèrement plus élevée qu’attendue. Des analyses sont en cours pour comprendre l’origine de cette différence. La maîtrise de la mission IXV a été totale depuis son décollage à son atterrissage, preuve d’un savoir-faire européen déjà bien existant et unique en matière de retour sur Terre.
IXV remonté des eaux
Un nouveau Directeur Général pour un "espace 4.0" Johann-Dietrich Wörner est, depuis le 1er juillet dernier, le nouveau Directeur Général de l’Agence spatial européenne (ESA) pour une durée de quatre ans. Il succède à Jean-Jacques Dordain, à la tête de l’ESA depuis 2003 et dont la carrière a été jalonnée de nombreuses réussites exceptionnelles. Originaire de Kassel en Allemagne, Johann‑Dietrich Wörner était depuis 2007 le Président du Directoire du Centre aérospatial allemand (DLR). En tant que Directeur Général de l’ESA, M. Wörner entend poursuivre les programmes en cours tout en préparant le futur de l’Agence, en coopération avec les États Membres. Cet avenir, qu’il appelle "l’espace 4.0", est une nouvelle ère dans laquelle il considère que Johann-Dietrich Wörner, Directeur Général l’ESA est déjà entrée, où l’espace fait partie intégrante er de l’ESA depuis le 1 juillet 2015. de la vie quotidienne, avec de nouveaux enjeux liés aux interactions avec la société, à la commercialisation de l’espace, à l’évolution du rôle de l’industrie et à l’intensification de la coopération avec la Commission européenne. © ESA. P. Sebirot, 2015
compte lors de la conception du vaisseau tandis que la consommation de carburant a été plus élevée qu’attendue. Ce déficit a été compensé par des performances aérodynamiques meilleures que prévues. Un seul des 300 capteurs embarqués n’a pas fonctionné sans aucune incidence pour le reste des opérations.
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Évènement
La gazette du Bourget par Pierre Leroy
Du 15 au 21 juin, le Salon international de l’aéronautique et de l’aérospatial était de retour au Bourget pour sa 51e édition. Comme toujours, cet événement incontournable a vu son lot de conférences, signatures et autres démonstrations aériennes. Acteur majeur du domaine, le CNES était bien entendu de la partie. Petit résumé de cette semaine très riche, notamment pour le CSG et la Guyane.
51e édition
15 > 21
juin 2015
Record sur record !
351 000 visiteurs
350 000 visiteurs, 2303 exposants venus de 48 pays, 130 aéronefs exposés et autant de milliards de commandes annoncées… Plus encore que les éditions précédentes, ce Bourget a battu de nombreux records !
2 303
exposants de tous pays
122 500
149 947 professionnels
mètre carrés
52 000 stands
$ 130
© CNES/Manuel PEDOUSSAUT, 2015
surface d'exposition
Immanquable ! Situé au pied des maquettes taille réelle des Ariane 1 et 5, l’emplacement du CNES, de l’ESA et d’Arianespace est toujours facile à trouver. Mais cette année, même sans maquette, il aurait été impossible ne pas voir le pavillon du CNES : avec sa forme de coupole, ses couleurs vives et son espace présentant le projet InSight, il se démarquait aisément des pavillons aux alentours.
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milliards
(commandes annoncées)
Un emploi du temps, des ministres
Au Bourget, chaque jour du salon voit se dérouler un ballet aérien. Entre les (très) gros porteurs et les avions de voltige, qui réalisent ce que l’on n’aurait pas imaginé possible… rares sont ceux qui n’ont pas le regard tourné vers le ciel ! Et même pour ces quelques réfractaires, impossible de résister lorsqu’entre en piste le Rafale. Avec ses réacteurs assourdissants et ses figures dans le ciel bourgetin, il offre un spectacle saisissant : dès sa sortie, plus un visiteur ne bouge, le salon est en pause, les yeux rivés sur l’avion de chasse.
C’est une tradition au salon : le pavillon du CNES est un passage obligé des officiels du gouvernement. À commencer par le Président de la République, François Hollande, en visite dès le premier jour. De nombreux hauts fonctionnaires l’ont imité dans les jours suivants, et parmi eux le Premier ministre, Manuel Valls, mais aussi nos ministres de tutelle, Najat Vallaud‑Belkacem et Jean-Yves Le Drian.
© CNES/PEDOUSSAUT Manuel, 2015
Les stars du salon
Des salariées à la découverte du salon
© CNES/PEDOUSSAUT Manuel, 2015
Pour cette édition, trois salariées du CNES/CSG ont été tirées au hasard pour participer au Salon. Pendant deux jours, Andrée, Ariane et Hélène ont donc pu visiter les différents stands, observer les aéronefs et réaliser par elles-mêmes l’importance de ce grand événement durant lequel le CNES/CSG tient une place de choix.
© CNES/PEDOUSSAUT Manuel, 2015
Lu et approuvé : une journée Guyane bien remplie Le Bourget, c’est aussi des signatures ! Mise en place d’une jonction du câble transatlantique pour améliorer la desserte numérique, accord sur l’insertion professionnelle avec le GEIQ BTP, contrat avec Eiffage TP pour les terrassements généraux de l’ELA4, ou encore convention de coopération entre la Région Guyane et le Gabon au sujet de la station SEAS… Durant toute la semaine, le CSG a mis à rude épreuve les stylos du CNES !
La dernière fois qu’on l’avait vu, il était chez nous au CSG ! En juin, IXV s’affichait au Bourget, devant le stand de l’ESA, arborant les marques de sa mission brillamment réussie suite à son lancement sur Vega. Quelques mètres plus loin, on retrouvait une maquette de Tchouri, présentant le site d’atterrissage de Philae.
© CNES/PEDOUSSAUT Manuel, 2015
IXV, Tchouri et Rosetta réunis !
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Nouvelles de l'espace
NEW HORIZONS : Pluton et ses lunes dévoilées au grand jour
© NASA/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute
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Inauguration d’un centre de surveillance spatiale en Corée du Sud
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La Nasa a rendu publiques les premières images prises par sa sonde spatiale New horizons lors de son voyage à proximité de Pluton. Montagnes de glace, canyons géants et zones exemptes de cratères font partie des surprises révélées. « Après quatre-vingt-cinq ans de mystère, la surface de Pluton est finalement en train d’apparaître grâce aux nouvelles photos de la Nasa montrant d’imposantes montagnes de glace émergeant d’un visage étonnamment jeune », s’extasie le site Space.com spécialisé dans les questions liées à l’espace. Le 15 juillet, l’agence spatiale a dévoilé les images captées par la sonde New Horizons, qui avait " frôlé " l’astre la veille, à 12 500 km de distance. […] Les données récupérées par la sonde […] montrent des montagnes de près de 3 500 mètres de haut, comparables aux Rocheuses, alors que la lune Charon semble étonnamment jeune, phénomène en particulier du à la faible quantité de cratères à sa surface. Selon la planétologue Cathy Olkin sur le site de la revue Nature, ce qui semble presque le plus étonnant, c’est « la façon dont Pluton et Charon sont différentes l’une de l’autre et le fait qu’elles semblent actives géologiquement parlant ». La surface gelée de Pluton est variable, avec de larges pans lumineux, des tâches sombres tentaculaires et un terrain qui apparaît alternativement lisse ou cahoteux », poursuit Nature. En outre, le spectromètre à infrarouge embarqué à bord de New Horizons a permis de montrer l’abondance de méthane à l’état de glace, mais avec des différences flagrantes d’un endroit à l’autre de la surface glacée de la planète " naine ". De son côté, sa plus grosse lune de 600 kilomètres de rayon, Charon, semble " un monde plus feutré, avec de longs canyons la ceinturant. Et certaines de ses caractéristiques intriguent encore – comme la calotte polaire rouge sombre que les scientifiques ont baptisée Mordor " en référence à la Terre du milieu de l’univers de fiction créé par J.R.R. Tolkien. […] De nouvelles images continueront d’arriver, mais il faudra attendre seize mois pour que l’ensemble des données acquises par New Horizons parviennent à la Terre.
Le 8 juillet dernier, la Corée du Sud a inauguré son centre d’informations et opérations spatiales, situé au quartier général de l’armée de l’air à Gyeryong dans la province du Chungcheong du sud. Il a pour but de permettre aux forces aériennes de mieux défendre le pays et de prévenir divers accidents spatiaux, tel le crash du cargo spatial russe Progress en mais dernier. Il permettra également de détecter et prévoir le passage de satellites en provenance de Corée du Nord et d’autres pays voisins et d’utiliser les données ainsi obtenues à des fins militaires. Le commandement stratégique des États‑Unis en charge de la surveillance spatiale fournira des informations au centre coréen en vertu d’un accord conclu en septembre dernier entre Séoul et Washington sur le partage de données spatiales pour prévenir les collisions entre satellites et d’autres objets en orbite. Cette alliance sera complétée par un autre partenariat entre l’armée de l’air et l’agence météorologique de Corée pour renforcer encore un peu plus la surveillance spatiale. [D’après http://french.yonhapnews.co.kr/, le 8/07/2015]
La Chine, active contre le piratage des satellites
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La Chine a réalisé des percées dans la capacité anti-brouillage de son système de navigation satellitaire Beidou (BDS), a communiqué en juin dernier le Quotidien de l’Armée populaire de libération. Ce réseau de 17 satellites, dont le dernier avait été lancé en mars 2015 fait partie d’un programme débuté en 2000 afin de fournir une alternative aux systèmes de navigation satellitaire étrangers. Depuis 2012, ce système avait commencé à fournir des services de positionnement, de navigation et des services de messages courts en Chine et dans certaines parties de l’Asie Pacifique. Désormais, la nouvelle technologie développée par Wang Feixue et son équipe de l'Université nationale des technologies de la défense, permet d’augmenter de mille fois la sécurité des satellites du réseau BDS qui devra être complet d’ici 2020. [D’après french.xinhuanet.com - le 25/6/2015]
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Vite dit
Trois nouveaux astronautes sur l’ISS
© DR
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Après la perte d'un cargo Progress en avril dernier, le vol devant emporter trois astronautes vers la Station spatiale internationale avait été repoussé de deux mois. Le 22 Juillet dernier un lanceur Soyouz a décollé du centre spatial de Baïkonour à 23h02 heure française, emportant les trois membres de l'Expédition 44 : Oleg Kononenko (Russie), Kjell Lindgren (États-Unis) et KimiyaYui (Japon). Un peu moins de 6 heures plus tard, le vaisseau s'est correctement amarré à l'ISS à 4h46, heure française. Un succès attendu après l'échec du mois d'avril et l'explosion en vol du Falcon 9 le 28 juin dernier. Les trois hommes rejoignent Gennady Padalka (Russie), Scott Kelly (États-Unis) et Mikhail Kornienko. Ils devraient rester à bord de l'ISS jusqu'en décembre, avec au programme des expériences de biologie, de physique et d'études de la Terre. [D’après francesoir.fr]
Soyuz est le vainqueur du contrat One Web
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Arianespace a décroché le plus gros contrat de son histoire. Le milliardaire Greg Wyler l’a sélectionnée pour mettre en orbite 672 des 900 minisatellites de sa constellation OneWeb. Les autres satellites seront lancés par Virgin Galactic, investisseur direct du projet, qui a annoncé avoir signé le 25 juin dernier un contrat portant sur le lancement de 39 satellites, avec une centaine en option. L’infrastructure spatiale que veut déployer OneWeb a pour objectif de fournir des services internet aux milliards d’habitants qui n’ont pas accès aux réseaux terrestres. […] Si le premier tir doit avoir lieu depuis le Centre Spatial Guyanais avant fin 2017, ce sont les pas de tir russes (Baïkonour, Plesetsk) qui devraient être les plus exploités afin de conclure la campagne de lancement avant. [D’après usinenouvelle.com - le 26/6/2015]]
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•— Terraformation La Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA) ou l’agence de recherche en matière de défense des États‑Unis envisage actuellement des mesures scientifiques pour terraformer Mars. Pour ce faire : augmenter la température de la planète et épaissir son atmosphère. Plusieurs technologies ont déjà été imaginées. [Sciencespost.fr - le 26/6/2015]
•— Trek sur Mars La Nasa propose d'explorer la planète rouge grâce à des images satellites et photos prises lors de ses différentes missions (Spirit, Curiosity...) via une interface proche de celle de Google Earth. Il est possible de suivre certains sentiers en 2D et 3D, de calculer des distances (pour avoir une idée de l'échelle avec des références terriennes) et d'exporter des modèles des principaux points d'intérêt pour les imprimer en 3D. [usine-digitale.fr - le 10/7/2015] •— Le seigneur des anneaux ! Un anneau de Saturne, découvert en 2009, fait l'objet d'une nouvelle étude publiée dans la revue Nature. Nommé " Phœbe ", il a une superficie 7 000 fois supérieure à celle de la planète, et est donc dix fois plus grand que l’anneau " E ", que l’on pensait être le plus imposant. [meltydiscovery.fr - le 11/6/2015]
Illustration d’un système binaire où une étoile se fait dévorer par son compagnon, en l’occurrence un trou noir de type stellaire. Une situation que connait le système V404 Cygni, à environ 8 000 années-lumière de nous.
•— Vénus, planète active Des volcans actifs viennent d’être découverts sur la planète Vénus. Depuis les années 70 les scientifiques les recherchent et c’est une équipe allemande qui vient de faire cette découverte, grâce au satellite européen Venus Express. [franceinter.fr - le 22/6/2015]
L’image
[News from ESA - le 25/6/2015]
© ESA/ATG medialab
Cela faisait 26 ans que V404 Cygni ne s’était pas montré aussi actif. Le 15 juin dernier, la détection d’un soudain sursaut lumineux dans la constellation du Cygni où se cachent le trou noir stellaire et son étoile compagnon (système binaire), a exalté les spécialistes du monde entier. Plusieurs télescopes terrestres et spatiaux sont mobilisés pour dépeindre cet astre compact dans une large gamme de longueurs d’onde. Une occasion unique de tester les modèles dans ce domaine.
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Revue de Presse
Un lanceur nommé Adeline par Océane Laroche
Depuis 2010, Airbus travaille sur des projets de lanceurs réutilisables. Juste avant le Bourget, le maître d’œuvre d’Ariane a annoncé le développement d’Adeline, concrétisation de ces années de recherche. Le géant européen de l’aéronautique a décidemment de quoi inquiéter la société américaine Space X, qui travaille sur un projet similaire.
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mission, et ce dans des délais extrêmement brefs. À l’horizon des années 2025-2030, Adeline pourrait donc être le précurseur d’un système de lancement semi-réutilisable. La plus-value de ce système de lancement, c’est évidemment l’important gain de temps et d’argent réalisé. D’après Hervé Gilibert, directeur technique d’Airbus Space Systems : « Avec ces innovations, on peut envisager une réduction de 30% des coûts d’exploitation des lanceurs ». Permettant une dizaine voire une
© Airbus DS
a Joint-venture entre Airbus et Safran inspire le sentiment qu’un souffle novateur et quelque peu vindicatif soufflait sur l’industrie spatiale européenne, pour la plus grande inquiétude, souhaitons-le, de la société américaine Space X. Cette perception s’est renforcée à la veille du salon du Bourget, moment choisi par Airbus pour dévoiler son lanceur adaptable et réutilisable, Advanced Expendable Launcher with INovative Engine Economy, Adeline pour les intimes. Étudié dans le plus grand secret pendant cinq ans, il aura pour but de permettre la réutilisation de la partie la plus onéreuse d’un lanceur, à savoir le système de propulsion. Pour ce faire, Adeline a été pensé comme un drone autonome, adaptable à tous types de lanceurs pour peu qu’ils soient à propulsion liquide. Son fonctionnement est simple : après un lancement vertical classique et la séparation des deux étages, le système de propulsion (intégré dans un petit véhicule doté d’un système d’empennage à sa base) se positionnerait sur une trajectoire balistique. Une fois rentré dans l’atmosphère, le module se comporterait comme un drone, et entamerait son retour vers la terre avant de finir sa course sur une piste d’atterrissage traditionnelle. Après révision, il serait ré‑assemblé avec un nouveau lanceur, prêt à repartir pour une nouvelle
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Simulation de la rentrée atmosphérique du prototype Adeline
vingtaine de réutilisations, le module serait également très léger et ne nécessiterait que peu de carburant pour son retour sur Terre, au contraire de son homologue américain. « Adeline est une solution sûre, qui protège le moteur fusée, ce qui n’est pas le cas du concept
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de Space X, dont le moteur subit tous les flux aérodynamiques lors du retour sur Terre. De plus, Space X perd entre la moitié et un tiers de sa charge utile pour pouvoir récupérer son premier étage. Le Falcon 9, dans sa version réutilisable, par exemple, embarque 40 tonnes d’ergols dont la moitié est dédiée au retour. » (Hervé Gilibert-Sciencesetavenir.fr)
Mais ADS ne compte pas s’arrêter là. Cherchant à repousser encore plus les limites de l’innovation, l'industriel a également envisagé de réutiliser l’étage supérieur du lanceur, en le transformant en remorqueur de satellite. Il pourrait de ce fait être ravitaillé en ergols par le lanceur suivant et ainsi faire la navette entre des orbites d'attente à 1 000 km et des orbites hautes. Ainsi, « Le satellite qu’on fait monter n’a plus besoin d’être doté d’une fonction de propulsion pour se placer en géostationnaire : ce n’est plus qu’une charge utile dotée de petits moteurs de contrôle d’altitude », explique Hervé Gilibert (Sciencesetavenir.fr). Ce qui permettrait à la charge utile de devenir plus légère, moins coûteuse, au cycle de fabrication réduit, et nécessitant donc un lanceur moins cher et moins complexe. Si pour l’instant la priorité principale d’Airbus Safran Launchers reste le développement d’Ariane 6, le cercle vertueux que nous laisse imaginer ce projet a de quoi faire souffler un vent d’optimisme sur les acteurs du spatial en Europe.
Concurrence
Trimestre morose
Vite dit •— La firme espagnole PLD Space a accompli avec succès le 1er juillet la mise à feu d’un premier moteur fonctionnant sur la combinaison kérosène et oxygène liquides peu courue en Europe. Il s’agit aussi du premier essai à feu d’un moteur à ergols liquides jamais réalisé en Espagne. [Air&Cosmos le 10/7/2015]
•— Chine et Russie rapprochent leur système GPS pour que leurs flottes commerciales de camions puissent utiliser indifféremment la géolocalisation par satellites Glonass (Russie) et Beidou (Chine). Les deux nations entendent ainsi s'affranchir de toute dépendance vis-à-vis des États-Unis avec qui les relations sont actuellement tendues.
par Karol Barthelemy
[d’après bfmtv.com le 8/6/2015]
Second trimestre 2015, et douze lancements par sept lanceurs depuis cinq bases spatiales, nous n’avions pas vu un aussi "petit" trimestre depuis 2010 ! Des chiffres peu élevés, qui comptent en plus un échec par mois, rappelant que l’accès à l’Espace reste un métier difficile.
PAYS
Parti le 28 avril, un cargo russe Progress a perdu le contact avec la Terre pour finalement se désintégrer dans l'atmosphère terrestre le 8 mai. Cruel coup du sort pour les astronautes à bord de l'ISS (qui sont heureusement approvisionnés pour quatre mois), le cargo suivant, en l'occurrence un Dragon du privé SpaceX, s'est désintégré en même temps que son lanceur Falcon 9, deux minutes après le décollage le 28 juin. Enfin, la série noire continue pour les Russes avec l'échec du Proton lancé le 16 mai et qui a perdu un satellite mexicain faute de pouvoir être séparé du lanceur. À noter également ce trimestre, le retour du X-37B qu’une Atlas V a propulsé le 20 mai vers sa quatrième mission. Lors de son dernier vol, la petite navette automatique américaine, dont on ignore toujours précisément les missions, était restée 674 jours sur orbite avant de revenir se poser sur Terre comme un avion.
LANCEMENTS
Chine États-Unis
1 4
8% 33%
Europe
3
25%
Russie
4
33%
LANCEURS
BASES
1 Longue Marche 3 Falcon 9 1 Atlas V 2 Ariane 5 1 Vega 3 Soyuz 1 Proton (ILS)
1 Taiyuan 4 Cape Canaveral 3 Kourou 2 Baïkonour 2 Plessetsk
Acquise le 27 Juin 2015, quatre jours seulement après son lancement sur Vega, cette première image de Sentinel-2A couvre la vallée du Pô, encadrée par les Alpes du nord et les montagnes côtières de la France et de l'Italie du Sud. Développé par l’ESA, Sentinel-2A vient compléter le système de surveillance environnementale de l'Union européenne, Copernicus, par des capacités d'imagerie optique à haute résolution.
Non compté dans ces statistiques, le privé américain Blue Origin a testé pour la première fois en conditions réelles sa capsule New Shepard le 29 avril. Le lanceur de 55 tonnes a atteint une altitude de 93,5 km. Le test s’est globalement déroulé avec succès, si ce n’est que l’étage propulseur, théoriquement réutilisable, n’a pas pu être récupéré. L’entreprise travaille par ailleurs sur un système de lancement plus conséquent, en partenariat avec United Launch Alliance.
© Copernicus data (2015)/ESA
© Blue Origin
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Soutenir
Femmes d'avenir et d'innovation
Vivre en Guyane
Fondé il y a dix ans, "Les Pionnières" est un réseau national de près de vingt incubateurs et pépinières au service d’entrepreneures innovantes et créatrices d’emplois durables. Doté d’une expertise solide et d’une légitimité dans le domaine de l’emploi, Les Pionnières boostent l’entrepreneuriat féminin, et l’innovation au sens large. Faisant partie de ce réseau, Guyane Pionnières a démarré sur les chapeaux de roues en novembre 2013. Créée à l’initiative du Club Soroptimist de Kourou, l’association s’est fait connaître rapidement par un concours d’appels à projets qui a révélé un net besoin pour le public féminin de porteurs de projets de sortir de son isolement.
par Océane Laroche
Développer l’initiative féminine en Guyane, soutenir des projets novateurs dans le département, favoriser la mixité et participer à la mise en place d’un réseau de patronnes, tels sont les maîtres mots de l’association Guyane Pionnières. Active sur Kourou depuis 2013, cette association soutenue par la Mission Guyane du CNES a été créée pour des femmes par des femmes et est menée par des personnalités fortes et engagées. Rencontre avec trois d’entre elles.
© P. Piron
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Valentine Bonifacie, présidente de l’association Guyane Pionnières
espectivement présidente, secrétaire et trésorière de l’association, Valentine Bonifacie, Sylviane Ribardière et Louise Iflem en sont de véritables piliers, grâce à une motivation et une conviction de fer. Car quand on leur demande ce qui a encouragé leur adhésion à Guyane Pionnières, la réponse fuse sans attente : « Tout premièrement parce que nous sommes des femmes engagées, et ce pas qu’à Guyane Pionnières ! C’est un trait de notre personnalité », clame Sylviane. Un engagement qui ne faiblit pas depuis le 8 mars 2013, date à laquelle Valentine Bonifacie a eu l’idée de lancer au sein du club Soroptimist de Kourou le concours " Entreprendre, Accompagner et Encourager au Féminin ". Organisé dans le cadre du projet décennal " Femme et Leadership " du Soroptimist International Europe, ce concours avait pour but d’accompagner les femmes qui le désiraient dans leurs démarches de création d’entreprise avec le soutien de partenaires. « Tout est parti de là. On pensait que seules deux ou trois femmes proposeraient leur projet, et en fait on a eu quatorze candidatures. Cela a vraiment été la preuve pour nous qu’une réelle motivation existait chez la gent féminine guyanaise, un véritable désir d’aller plus loin. Nous étions en train de développer Guyane Pionnières en parallèle du concours ; son issue nous a confirmé la justesse de notre action. Depuis, nous sommes extrêmement sollicitées ! » explique Valentine Bonifacie. Suite à ce succès, la Fédération Pionnières, réseau de soutien à l’entreprenariat féminin dans toute la France, a contacté Valentine afin de créer la structure en Guyane. Et pour la plus grande joie de toutes, ce qui n’était au début qu’un concours a pris forme pour finalement devenir un véritable défi à relever : le 18 novembre 2013, Guyane Pionnières était née. Aujourd’hui ce sont quatre-vingt inscrites au sein de l’association, venant de tous horizons et ayant des profils allant du BEP au Bac+5, et
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© P. Baudon
Wassaï et Coxhinas Le Camion " Wassaï et Coxhinas " est la première entreprise créée grâce à l’aide de Guyane Pionnière, ouverte en janvier 2015 et installée devant le lac Bois Diable depuis le mois de juin. À sa tête, Isabella Fonseca-Gaspar, qui a su profiter de l’accompagnement de l’association pour surmonter les difficultés du montage d’entreprise. « Pour moi, ça a été assez laborieux, j’ai mis un peu plus d’un an à monter mon projet, et avec de vraies périodes de doute ! Mais les filles de l’association ont vraiment su me soutenir, me porter dans mon projet, et faire en sorte que je ne baisse pas les bras ! ». À terme, Isabella aimerait que son entreprise prenne plus d’ampleur : « Je souhaiterais déjà mieux aménager mon camion, et puis proposer de nouveaux produits… Mais tout cela viendra quand j’aurais un peu plus de capital ! »
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L’adhésion des partenaires est essentiel le ” une dizaine d’entreprises déjà créées. En moins de deux ans, c’est un véritable record, justifié par la pédagogie régnant au sein de l’association, mais aussi par les méthodes et concepts novateurs qui sous-tendent le fonctionnement de l’accompagnement au montage de projets. En effet, « le réseau pionnières est destiné à la création d’entreprises innovantes, dans tous les domaines et particulièrement, dans les services. Ce réseau permet également aux femmes au chômage qui ont de bonnes idées de sortir de
Installé sur la rive du lac Bois Diable à Kourou, le camion de restauration "Wassaï et Coxhinas" d’Isabella Fonseca Gaspard, première femme à avoir monté son projet avec Guyane Pionnières
l’inactivité, en devenant entrepreneuses. D’un autre côté, des femmes qui travaillent ont aussi envie de proposer leurs idées et de monter leur projet, tout simplement», explique Louise. « Nous voyons aussi nos pionnières s’inscrire dans une dynamique économique en créant leur propre emploi et en étant actrices du développement de leur projet pour créer de l’emploi en retour.C’est un des buts de notre association, et sans aucun doute une de nos plus grandes satisfactions ».
L’accompagnement au projet L’idée au cœur de l’association est que le projet se construit pas à pas, grâce à un système de
paliers, permettant à la candidate de suivre un rythme adapté à son idée et de prendre pleinement conscience des responsabilités de l’entreprenariat. Un aspect très important, ainsi que l’explique Sylviane : « Premièrement, nous analysons l’idée proposée par la candidate qui doit remplir au préalable un document permettant d’apprécier le projet. Ensuite, nous lui faisons passer différents entretiens dont un avec un psychologue, afin d’évaluer son potentiel et sa motivation. Suivent alors trois phases dans le processus de mise en œuvre », explique Valentine. « Une phase dite " d’émergence ", une phase de " pré-incubation ", et enfin une phase " d’incubation " ».
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© P. Baudon
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Notre plus-value, c’est l’accompagnement personnalisé! ” Pendant la première phase dite "d’émergence" et après validation du projet, des formations collectives sont mises en place dans le but d’apporter des bases sur plusieurs aspects essentiels tels que le savoir-être et le savoir‑faire relationnel ou professionnel, ou encore la mise en place d’une étude de marché. Cette phase permet la prise de conscience des réalités de l’entreprenariat et de l’impact du projet sur l’économie guyanaise.La deuxième phase de "pré‑incubation" peut durer entre six mois et un an, et prend en compte toutes les autres réalités pragmatiques du montage de projet. Elle comprend également des formations liées à l’entreprenariat sur des thématiques allant de la gestion au marketing, en passant par les aspects juridiques, la communication numérique, et toute l’étude des moyens économiques, techniques et financiers à mettre en œuvre. Débute alors la troisième phase, dite " d’incubation ", durant laquelle le projet va véritablement être lancé et suivi pendant trois ans. Cet accompagnement personnalisé est mis à la disposition des entrepreneuses en suivant la méthodologie " Pionnière ", normée ISO 9001.
Le financement
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Pionnières pourra remplir ses objectifs pour l’année 2015 », sourit Louise. Un bel accomplissement pour ce projet qui, dès 2013, a représenté plus de 70 jours d’investissement en bénévolat pour ses membres, un véritable travail d’équipe. « Je souhaite d’ailleurs remercier notre trésorière-adjointe, Marie-Claude Saïd, précise Valentine.De la mise en œuvre du concours à l’aboutissement et à la création de Guyane Pionnières, elle a joué un rôle essentiel dans ce projet ! »
Quand l’incubateur répond à un réel besoin Bien que Guyane Pionnières soit un incubateur au féminin, la porteuse de projet peut avoir un ou des associés masculins : « il faut juste que la femme demeure une force motrice au cœur du projet » précise Valentine. Ces messieurs ne font d’ailleurs pas de mauvais retour sur l’association ou les activités des Pionnières, bien au contraire ! « Certains prennent contact avec nous pour que nous les aidions à développer leur projet ! Nous ne le faisons pas, car
L’argent, c’est le nerf de la guerre ”
« Compte tenu des enjeux des projets que nous accompagnons, tant sociaux qu’économiques, nous nous sommes attelées à rechercher des financeurs tel que le Fonds Social Européen. Nul n’ignore la complexité et l’exigence demandées au montage de ces types de dossiers. À force de persévérance, de ténacité et de détermination, nous avons pu trouver des financeurs. Grâce à ce soutien et à ses partenaires indéfectibles, Guyane
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Sylviane Ribardière et Louise Iflem, respectivement secrétaire et trésorière de l’association
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ce n’est pas le but de notre association, mais nous les conseillons tout de même et les redirigeons vers des structures adaptées. C’est bien la preuve qu’il y a un réel besoin d’accompagnement en Guyane. Et c’est ça la véritable force de Guyane Pionnières, l’accompagnement, la pédagogie qu’il y autour de toute chose ...» s’extasie Valentine les yeux pleins d’étoiles. Aujourd’hui, Guyane Pionnières est une association qui sait donner de l’espoir aux femmes, et celles-ci l’ont bien compris : « En 2015, quarante-cinq nouvelles inscriptions ont été effectuées via notre site (www. femme-entreprendre-guyane.com) et ce seulement au premier semestre. Ça ne désemplit pas ! En outre, nous venons d’embaucher une assistante d’accompagnement, nous créons donc directement de l’emploi ! C’est ça l’esprit d’engagement et de service (rires). Notre prochaine étape est de recruter une déléguée territoriale ; mais nous avons encore besoin de plus de fonds. » Quelle plus belle récompense que celle de voir l’association attirer toujours plus de monde et que le travail l’implication de ses membres portent leurs fruits ? Ces quarante-cinq nouvelles recrues pourront bientôt faire partie du grand réseau national des pionnières, et ainsi participer à cette belle aventure. L’avenir est prometteur.
Initiative
Sabaprod par Karol Barthelemy
Pour le tournage final aux Iles du Salut, les enfants ont été envoûtés par leur guide Lucile (de l’association Agamis) qui, du coup, fait partie du film ! Accompagnatrice d’un jour, Virginie, maman de Matteo, dit avoir été « marquée par la cohésion de groupe et par leur respect les uns envers les autres. J’ai pu voir des rires, de l’émerveillement dans les yeux des enfants. Bravo ! »
© Sabaprod
Dès lors, les enfants prirent tout en main, et ne laissèrent à MaîtreFaugeras que le soin de trouver quelques finances pour acquérir du matériel, prodiguer des conseils et trouver des cours d’acteur. Le thème d’un court-métrage de vingt minutes fut très vite collectivement trouvé : l’exclusion scolaire. Rédaction et découpage du scénario, types de plans et durée… les enfants ne laissaient plus rien au hasard. Et tandis que les uns se découvraient acteurs quand d’autres s’improvisaient cameraman, metteur en scène ou ingénieur du son, Maître Faugeras s’exécutait. Du Rectorat de Guyane, il obtint un petit budget. Du côté de la Base spatiale, Arianespace, Airbus Defence&Space et Regulus devinrent mécènes du projet, tandis que le Service Optique-Vidéo du CNES fournit une caméra professionnelle. Et finalement, Maître Faugeras apporta le dernier élément manquant : cinq séances de travail avec l’acteur guyanais Joël Jernidier. Plus rien ne pouvait arrêter le projet des cinéastes en herbe. Au rythme du cinéma dans toutes les matières, l’année scolaire passa très vite pour les trente-et-un enfants. Tous avaient si bien travaillé que lorsque les grandes vacances approchèrent, ils furent récompensés par un beau cadeau : tourner leur happy end aux Îles du Salut ! Mais le temps passait vite, et la date de la première séance approchait. Les enfants laissèrent donc le montage final à Maître Faugeras et le 23 juin, leur production était prête, making-of et bêtisier compris. Lors de l’avant-première, la magie avait pris : les enfants irradiaient d’aplomb devant des adultes submergés de fierté et d’émotion.
Nadiège, maman de Matthis, a découvert « des vrais pros, aussi à l’aise avec le matériel qu’avec le vocabulaire ! » Initiateur de ce beau projet, Maître Faugeras évoque des enfants « très soudés, cela s'est vu tout au long de l'année. Gagner le tournoi de foot, de hand pour les filles, de rugby, 3e au rallye calcul mental, coupe d'échecs par équipe, contribution à l'exposition les pieds dans l'art, le projet fusées en classe et sur la Base... Ils ont permis tout cela ».
© Sabaprod
I
l était une fois des enfants de Guyane. Dans leur classe de CM2 à l’école kouroucienne Maximilien Saba, ces trente-et-un élèves affichaient trente-et-une origines différentes ou mixées. Un jour arriva dans la classe un nouveau maître, Marc Faugeras. Maître Faugeras débordait d’idées, et proposa aux enfants un nouveau jeu : un projet vidéo ! Intrigués, les enfants acceptèrent de jouer à ce jeu apparemment complexe. Très rapidement un étrange syndrome " vidéophage " fit son apparition parmi les enfants dans la classe : les uns après les autres, tous devenaient mordus d’aventure cinématographique ! À l’origine de cette contamination, Maître Faugeras encourageait les enfants. Il leur enseignait l’histoire du cinéma et leur donnait cette envie de faire ensemble et de se dépasser. Charlie Chaplin, les frères Lumières, Georges Méliès, les pionniers du septième art avaient semble-t-il insufflé leur passion à ces jeunes gens.
© Sabaprod
Voici un coup de cœur provoqué par des écoliers de CM2 à tous ceux qui ont approché leur classe. Ému par la beauté d’esprit et la mobilisation de ces enfants, Latitude 5 souhaite transmettre cette leçon de vie à qui lira ce conte moderne et typiquement guyanais.
Moralité : le talent n’a pas d’âge et chacun a une place dans la société, pourvu que l’on se respecte et que l’on s’entraide. N°108 - Latitude 5 - octobre 2015
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Sport & Loisirs
C’est à bâbord…
Le CSG au classement général 2e : équipe CNES/CSG sur Yaëlle 16e : équipe CNES/CSG sur FreeStyle. 40e : équipe Arianespace/ Cegelec Guyane sur Aves e 77 : équipe Arianespace Kourou sur Lyre
Depuis 1979, année du premier vol d’une fusée Ariane, l’Ariane’s Cup est le rassemblement nautique des personnels de l’industrie spatiale européenne. Du 18 au 24 mai, 800 marins venus des quatre coins du monde se sont retrouvés pour l’édition 2015 qui se déroulait pour la troisième fois en Martinique. Parmi les 86 bateaux, quatre équipages de " spatiomarins " ont représenté le Centre Spatial Guyanais avec un classement plus qu’honorable. Retour sur cette course qualifiée de " magique " par les deux équipages CNES/CSG sur Yaëlle et FreeStyle.
© Les équipage de l’Ariane’s cup
par les équipages CNES/CSG de l'Ariane's cup
Les deux équipages CNES/CSG : Yaëlle, numéro de cagnard 87 : Frédéric Adragna, Lorraine Manlay, Céline Oliveri, Cleberson Miranda, Virginie Carrouget, Mathilde Savreux, Anthony Le Letty, Cédric Lothore, Pierre-Yves Tourneau et Patrick Imbo (CNES/CST). FreeStyle, numéro de cagnard 30 : Nicolas Maubert, Claude Berteaud, Julie Richard, François Bignalet‑Cazalet, Richard Chantalou, Philippe Clastres, Gaetano Del Bufalo, José Golitin.
Le film de la course
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Dimanche 24 mai, 14h56, baie de Sainte Anne - Après quatre heures de course stressante, les huit Guyanais du catamaran FreeStyle peuvent être fiers : ils franchissent la ligne d’arrivée de la cinquième et dernière étape de l’Ariane’s Cup, quatre petites minutes avant que l’organisateur ne ferme la ligne. Soixante-cinq bateaux sur 86 ne la franchiront jamais... Une étape à l’image de cette régate autour de la Martinique : intense et physique, conviviale sur le bateau et entre les équipages, angoissante parfois comme lors des départs où les étraves des uns passent à quelques centimètres des jupes arrière des autres, magique comme la remontée de la " côte au vent " sauvage et majestueuse, sportive comme les bords dans la baie de Fort-de-France avec des vents au-delà de 25 nœuds. Bref, une course entière ! Une course qui a surtout permis à des collègues du CSG de tous âges et tous horizons (pas moins de six services différents étaient représentés sur FreeStyle, de 29 à 57 ans !) de se découvrir et s’apprécier. Une formidable opportunité de cohésion et d’échanges au sein du CNES mais également avec les nombreuses entreprises du monde aéronautique et spatial. Enfin, un beau résultat puisque FreeStyle termine 16e sur 86. Pas mal pour ma première en tant que skipper ! Bref, une aventure humaine et sportive à vivre et revivre, et dont on se souviendra longtemps ! Vivement la prochaine !!!
© Les équipage de l’Ariane’s cup
Après une journée de briefings, prise en main des bateaux et entraînement aux manœuvres, le premier parcours entre Le Marin et Le François impose de doubler la pointe des Salines en tirant des bords face au courant. Grâce à un bon départ et à un bon repérage la veille, Yaëlle franchit la ligne d’arrivée en première position. À l’inverse, l’étape du lendemain,du François à l’Ilet la Perle, se déroule " vent en poupe " ! Troisième jour, les équipages quittent Saint‑Pierre vers Fort‑de‑France, un parcours piégeux, sous le vent de l’île, ponctué de calmes plats et d’accélérations fulgurantes. Au bout du compte, une remontée fantastique de FreeStyle qui s’était laissé engluer dans une molle peu après le départ. Le quatrième jour sera marqué par une course poursuite entre les deux équipages du CNES pour relier Fort‑de‑France à Grande Anse avec un contournement du rocher du Diamant. La " spéciale navigateur " clôt le parcours 2015 jusqu’à la baie de Sainte‑Anne. Une régate "à l’envers"où le navigateur doit estimer le temps de course afin de partir le plus tard possible et terminer avant la fermeture de la ligne d’arrivée, identique pour tous… Un petit jeu dangereux où on ne gagne pas à tous les coups !
Nicolas Maubert, skipper de FreeStyle
© Les équipage de l’Ariane’s cup
© Les équipage de l’Ariane’s cup
« T’as vu le cargo là ? Ça ne passe pas ! Cargo contre cata, je ne joue pas !... Fred!... Reprends la barre ! » Lorraine
« 9 nœuds, 10 nœuds, 11 nœuds !… Il avance pas si mal notre parc à huîtres ! » Anthony
© Les équipage de l’Ariane’s cup
J’ai eu la chance de participer à toutes les Ariane’s Cup depuis l’édition de 1995 à La Rochelle. C’était donc ma 20e… et de loin la plus magique !!! La Martinique et ses eaux turquoise, c’est toujours plus agréable que la mer Baltique ! Un alizé fort et régulier, des étapes variées avec des difficultés différentes chaque jour, des courants, des mers croisées, des enchaînements de virements de bords, de longs bords de portant…un régal ! Cerise sur le gâteau, on termine sur le podium en décrochant une très belle seconde place ! Donc un beau cocktail … et un très beau final ! Notre "botte secrète" ? Une organisation redoutable, un briefing chaque matin, où nous définissions la stratégie du jour en étudiant la météo et la carte dans les moindres détails. Bon d’accord, avoir une championne de voile à bord,doublée d’une experte météo, ça aide !!!... Merci Lorraine ! Prendre le départ au vent de la flotte ou du côté de la bouée ? Raser la côte ou aller chercher le vent au large, quitte à rallonger le parcours ? Tenir compte des courants, profiter des adonnantes et des "effets de pointe", anticiper les zones d’eau plate, les surventes, les convergences, … rien n’était laissé au hasard. Mais tout ceci ne serait rien sans l’excellente cohésion de l’équipage n° 87 ! Unis comme les doigts de la main, transcendés par la 1ère place lors du premier parcours, nous avons multiplié les manœuvres et réussi à exploiter au mieux les possibilités de notre "parc à huîtres", qui s’est finalement révélé un peu plus rapide que prévu. "Magique" je vous dis !…
« Ma 3e participation… ce sera difficile de faire mieux… Mais je signe quand même pour les 20 prochaines éditions ! » Céline
« Je demande un 8, je demande un 7... 87 ! C’est qui les meilleurs ? C’est nooooouuuuss !…… Une équipe soudée, formidable ; un bon esprit au quotidien, autant sur mer que sur terre ; une belle épreuve sportive dans un cadre idyllique ; une déconnexion totale ; la découverte de la voile et, à la clé, une seconde place sur le podium devant 84 bateaux... » Virginie
© Les équipage de l’Ariane’s cup
© Les équipage de l’Ariane’s cup
Frédéric Adragna, skipper de Yaëlle
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Sport & loisirs
Le Raid Ascension 2015 en Ariège par l'équipe du Raid Ascension
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© L’équipe du Raid Ascension
Tandis que les spatiomarins voguaient sous le soleil de Martinique, une autre équipe CNES/CSG crapahutait dans la neige en Ariège, dans le cadre du raid Ascension. Du 14 au 17 mai, la course organisée par le Centre Spatial de Toulouse emmenait les équipes dans l’univers de la contrebande, à travers de nombreuses épreuves ludiques et sportives. Retour sur l’épreuve avec Stéphanie, Christian, Patrice, Pierre et Yannick, les BladaDilo.
eille du départ : les prévisions météorologiques annoncent de la neige sur le raid !…
© L’équipe du Raid Ascension
Nous entamons la course à deux, suite à une mauvaise lecture du programme et à un petit décalage sur les réservations aériennes : course à pied au fond d’une vallée puis une via ferrata vertigineuse avec des points de vue magnifiques. Nos camarades nous rejoignent tout frais sortis de l’avion dès midi pour enchaîner sur une course d’orientation (où, pressés d’aller sous terre, nous oublions des balises) et la descente d’un lit de rivière en grotte. L’eau doit être à peine à 5° C et il faut ramper… tout en cherchant des lettres de scrabble disséminées ici et là. À la fin de la journée nous remplissons notre grille de scrabble en utilisant les lettres que nous avons trouvées ou qui nous ont gentiment été fournies par une équipe concurrente. Mais le problème avec
De gauche à droite: Patrice Berchel, Pierre Lapawa, Christian Mouret, Yannick Montreux et Stéphanie Mouthon
les concurrents… C’est qu’ils peuvent mentir ! Bref, nous finissons brillamment derniers du scrabble. Le lendemain au réveil, nous démarrons avec une épreuve de VTT sous une pluie glaçante. D’abord en descente (l’enfer), puis en côte… C’est à ce moment que Yannick, trahi par sa chaîne, abandonne son vélo pour finir à pied. Nous laissons les vélos et enchaînons sur une course de côte où nous devons parier sur le temps que nous mettrons. Belle performance pour notre équipe qui finira après 43 minutes contre les 45 prévues initialement. L’étape suivante : une course d’orientation qui démarre à 1700 mètres d’altitude. Le départ est un
À la recherche des lettres de scrabble disséminées dans la grotte… glaçant !
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peu compromis car les premières balises sont sous la neige et le début de la course est décalé pour des raisons de sécurité. Après avoir mangé et attendu plus d’une heure, nous partons motivés et enchaînons les dénivelés à la recherche éperdue de balises. L’entraînement en forêt tropicale n’aura pas suffi, nous finissons sixièmes de l’épreuve : il faudra prévoir un stage de préparation sur inselberg l’année prochaine. Nous arrivons à la fin de l’épreuve sous une pluie froide et torrentielle mais ce n’est pas fini, il faut redescendre nos VTT sur le camp de base et il fait bien froid ! Aucune chute à déplorer dans notre équipe mais un petit témoignage de Yannick : « À la seule pensée des deux descentes en VTT j’ai mal aux doigts (à cause du froid) et [aux fesses, NDLR](à cause des amortisseurs bloqués)! ». Le soir tombé, nous troquons des produits de contrebande locaux (rhum et autres douceurs) avec une équipe concurrente
© L’équipe du Raid Ascension
Plus que quelques mètres avant la fin !
un peu frustrés ! Mais, à notre décharge, nous étions peu préparés aux épreuves d’altitude dans un environnement quasi hivernal. En synthèse : la découverte d’une belle vallée, un raid très bien ficelé malgré des conditions météo difficiles et une très belle place que nous souhaitons bien entendu améliorer l’année prochaine.
En plein effort pendant l’escalade. Un conseil : ne pas regarder en bas…
© L’équipe du Raid Ascension
mais néanmoins amie contre une place autour du feu de cheminée pour décongeler pieds et doigts. Enfin la dernière journée arrive, les organismes commencent à accuser le coup. Au programme : descente de l’Ariège en canoë deux places. Une de nos deux embarcations termine première(comme quoi pratiquer la pirogue en Guyane ça paie !) et l’autre cinquième (nota bene pour l’année prochaine : bien se placer au top départ…).Pour finir, trail avec de (grosses) côtes et un nouveau parcours de VTT éreintant où nous finissons troisièmes avec à noter, une note artistique de 10/10 pour le soleil de Patrice en VTT. La soirée de clôture est bien plus chaude (totale maîtrise du déhanché d’un des "BladaDilo") et le lendemain c’est un beau soleil qui nous accompagne pour le retour. Au final, nous terminons aux pieds du podium... Quatrièmes et quand même
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© ESA/DLR/FU Berlin
Une vue magnifique de la calotte polaire sud de Mars, obtenue par la sonde Mars Express de l’Agence Spatiale Européenne, le 25 février dernier.