La Sarabande du Pan
Laurane Delavier
La Sarabande du Pan
Sommaire Levée de rideau (p.12) Acte I (p.16) Parade Joann Sfar Cocteau – La Belle et la Bête Pierre Gonnord Hushpuppy Koudelka « L’homme parle à la bête » Docteur Prévert Prévert « Les enfants qui s’aiment » Baudelaire « Les bienfaits de la Lune » Helmar Lerski « Citation » Lola Alvarez Bravo / Kahlo Cocteau « Orphée »
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Acte II (p.42) Cy Twombly «Pan II» Tim Walker «Sand storm » Prévert « Philippe de Champaigne »
Acte III (p.58) Moonrise Kingdom « Liste » Arman « La colère » Cy Twombly « Le temps retrouvé » Helmar Lerski « Violon Violoncelle » Zingaro « le poid de l’homme » Rara Woulib Beethoven Oscar Wilde Taniguchi Death Proof
Rappel (p.88) Ode
Cloture (p.92)
Salvador Dali Wong Kar-Wai Kees Van Dongen Michael Arias Mark Rothko
Index (p.104)
Coulisses (p.98) Hayao Miyazaki David Lynch Charles FrĂŠger Horst P. Horst Michel Ocelot Irina Ionesco Isabelle de Borchgrave 9
Ça commence dans une minute, viens t'asseoir vite !! Excusez-moi, il y a quelqu'un à cette place ? Non, allez y.
Écoutez. On entend les musiciens qui s'accordent. Eh ! La lumière vient de s'éteindre ça
commence !
Chut!
« Mesdames et messieurs,
le spectacle de ce soir est unique ! Jamais vous n’en avez vu de pareil et jamais vous n’en reverrez de tel ! Alors profitez et laissez-vous porter par les comédiens...
Ce soir, je vous propose de regarder ce spectacle avec
trois paires d’yeux ! Ne vous inquiétez pas, c’est une métaphore …
Oui ! Mesdames et messieurs, ce soir vous
plongerez pour un voyage fabuleux dans l’étrange...,
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le magique! Puis nous entrerons dans les profondeurs infernales, dans les abîmes de la narration...
Et pour finir, si tenté que vous soyez toujours avec nous, vous découvrirez le merveilleux, le procédé magique et inoubliable de la création d'un monde...
Oui ! Mesdames et Messieurs ! Ce que vous allez
voir ce soir est unique !! Je le répète encore : unique ! Alors gardez les yeux bien ouverts et laissez vous portez par le spectacle . Êtes-vous prêt à me suivre dans cette expérience ?
Alors, levons le rideau ensemble...
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Vous
êtes devant une parade. Une foule de personnages en costumes colorés se tient face à vous. Tous vous regardent : vous êtes le centre de leur attention. Vous les observez aussi. Ils sont étranges avec leurs habits à carreaux et leurs visages sont singuliers. Certains sont habillés en pirates, d’autres en clowns ou en ballerines. Ils ressemblent à des héros sortis de leurs contes. Tous ces yeux qui vous fixent pourraient vous mettre mal à l’aise. Pourtant, ils ne vous effrayent pas car leurs visages semblent tendres à votre égard. De l’émotion se dégage d’eux et dans leur étrangeté, vous les trouvez attachants. Qui sont ces personnes ? Pourquoi sont-elles dans cette forêt et surtout, dans cette tenue ? L’homme au chapeau haut-de-forme se met à parler soudainement : « Et vous, qui êtes-vous ? » Vous êtes perturbé et ne savez que répondre. Alors, vous vous mettez à réfléchir. Dans cette joyeuse farandole, quelle place occupez-vous ? Quel costume arborez-vous ? Portez-vous un masque ? Finalement, vous êtes ici le seul inconnu.
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Nice -1971
Certains choisiront le terme de tremblant ou maladroit, d’autres préféreront le terme de vibrant. Le trait de Joann Sfar a tout d’humain : vivant et spontané, les formes s’assemblent pour donner naissance à des lieux, puis des personnages et des histoires. Les figures sont récurrentes : un chat bavard, un vampire, des pirates ; chaque être représentant une métaphore, un condensé de vie. Héro trop ordinaire ou surnaturel, ils touchent par leur humanité. Ils se questionnent, s’affrontent et s’aiment, viennent vers vous pour vous prendre par la main et vous entraînent dans ce monde chamboulant.
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Joann Sfar
Dessinateur, scénariste
Elle est perdue la belle, son regard est effrayée. Perdue dans cette grande demeure, perdue, entourée de chandeliers. Et elle court la belle, dans ses jupons, dans les couloirs, dans l’escalier, Elle court à travers cette demeure et à travers la peur qui la pousse à crier.
La Belle Elle court à travers la demeure, la demeure de la bête, grande et grosse comme milles furets. Mais la bête n’est pas là, alors Belle arrête de crier, S’assoie sur une marche, réfléchit, s’amourache du lieu et se dit : « Finalement, je vais peut-être rester. »
et la
Bête 21
Pierre Gonnord Cholet -1963 Photographe
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N’avez-vous jamais vu de monstre si beau ? Ce visage d’écorché vif, abîmé par le temps, la précarité nous arrache une émotion d’une intensité rare. Pierre Gonnord capte ici l’invisible : l’humanité et la beauté dans la laideur d’un quotidien miséreux. Sa série de photographie sur les sans-abris nous montre la splendeur de l’être là où nous ne cherchons que déchéance, pitié et mépris. Des ces personnages naissent une magie folle, nous renvoyant trop bien la réalité de leur vie mais aussi paradoxalement, nous emmène vers une foule de personnages qui nous rappellent des êtres fantastiques. Plongez-vous dans leur regard, vous n’en sortirez pas indemne.
Hushpuppy L’étoile filante galope à toute vitesse et elle rit, elle rit dans la nuit, et elle brille de mille feux, Course folle et lumières enflammées Elle court avec ses cheveux frisés et sa joie qui déborde, Son rire et sa gaieté, et ses jambes qui galopent dans la nuit étoilée.
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L’Homme parle, à la Bête, qui n’est pas si Bête que ça.
«
- Je ne savais pas que tu parlais. - C'est car tu ne m’as jamais écouté. » 27
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Le docteur Prévert et l’imaginaire tordu C’était toujours comme ça avec le docteur Prévert. Le pauvre bougre était atteint d’une maladie terrible ! Il en pâtissait lui et son entourage. Vraiment terrible ! Médecin qui plus est mais incapable de se soigner. Voyez vous, ce monsieur avait une maladie peu banale, un décalage « de réalité » ! Je vais vous expliquer en quoi consiste cette étrange folie . Chaque jour, monsieur Prévert sortait faire sa promenade matinale. Toujours bien vêtu et coiffé de son chapeau melon, c’était un homme soigné et attentif aux apparences. Pourtant, sous ses airs de gentleman, le docteur Prévert avait le comportement d’un excentrique : il voyait ce que les autres ne voyait pas. Des petites choses étranges se déroulaient à son approche : il remarquait les araignées tricoter des pulls pour leurs marmots, une famille d’escargot déménager avec tous leurs meubles, la symphonie des gouttière les jours de pluie... Personne n’aurait cru le pauvre bougre, moi en premier ! Cela aurait pu en rester à de simples histoires pour enfants racontées par un fou. Seulement, un revirement de situation arriva sans crier gare.
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La semaine avait été fastidieuse pour M. Prévert. Submergé par le travail et affaiblit par un mauvais rhume, la maladie profita de sa faiblesse pour s’enraciner plus profondément dans son corps. Bientôt, ce que seul le Docteur avait pu voir fût perçu par tous... Sa folie était devenue terrible ! Et tellement puissante, que son entourage même fut submergé par ses visions ! Quelle surprise cela fut quand j’aperçus pour la première fois une de ces scènes. Bien que ses collègues et amis furent un peu paniqués, ils s’habituèrent vite au quotidien de M. Prévert. Quant à lui, sa folie partagée lui permit de mieux vivre tout cela. Il finit même par dire que cela le ravissait car ainsi il pouvait dialoguer avec ses personnages. Ses histoires lui racontaient des histoires. Fabuleux n’est-ce pas ? C’est ainsi que jour après jour, nous primes le café en compagnie de sympathiques pygmées, firent un tour à dos d’autruches, palabrèrent avec un éléphant de cirque mécontent de son travail et bien d’autres encore. Oui, la vie au côté du Docteur Prévert s’avéra passionnante.
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Les enfants qui s’aiment. Jacques Prévert
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Les enfants qui s’aiment s’embrassent debout Contre les portes de la nuit Et les passants qui passent les désignent du doigt Mais les enfants qui s’aiment Ne sont là pour personne Et c’est seulement leur ombre Qui tremble dans la nuit Excitant la rage des passants Leur rage, leur mépris, leurs rires et leur envie Les enfants qui s’aiment ne sont là pour personne Ils sont ailleurs bien plus loin que la nuit Bien plus haut que le jour Dans l’éblouissante clarté de leur premier amour
Les bienfaits de la Lune
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La Lune, qui est le caprice même, regarda par la fenêtre pendant que tu dormais dans ton berceau, et se dit: «Cette enfant me plaît.» Et elle descendit moelleusement son escalier de nuages et passa sans bruit à travers les vitres. Puis elle s’étendit sur toi avec la tendresse souple d’une mère, et elle déposa ses couleurs sur ta face. Tes prunelles en sont restées vertes, et tes joues extraordinairement pâles. C’est en contemplant cette visiteuse que tes yeux se sont si bizarrement agrandis; et elle t’a si tendrement serrée à la gorge que tu en as gardé pour toujours l’envie de pleurer. Cependant, dans l’expansion de sa joie, la Lune remplissait toute la chambre comme une atmosphère phosphorique, comme un poison lumineux; et toute cette lumière vivante pensait et disait: «Tu subiras éternellement l’influence de mon baiser. Tu seras belle à ma manière. Tu aimeras ce que j’aime et ce qui m’aime: l’eau, les nuages, le silence et la nuit; la mer immense et verte; l’eau informe et multiforme; le lieu où tu ne seras pas; l’amant que tu ne connaîtras pas; les fleurs monstrueuses; les parfums qui font délirer; les chats qui se pâment sur les pianos, et qui gémissent comme les femmes, d’une voix rauque et douce! «Et tu seras aimée de mes amants, courtisée par mes courtisans.
Tu seras la reine des hommes aux yeux verts dont j’ai serré aussi la gorge dans mes caresses nocturnes; de ceux-là qui aiment la mer, la mer immense, tumultueuse et verte, l’eau informe et multiforme, le lieu où ils ne sont pas, la femme qu’ils ne connaissent pas, les fleurs sinistres qui ressemblent aux encensoirs d’une religion inconnue, les parfums qui troublent la volonté, et les animaux sauvages et voluptueux qui sont les emblèmes de leur folie.» Et c’est pour cela, maudite chère enfant gâtée, que je suis maintenant couché à tes pieds, cherchant dans toute ta personne le reflet de la redoutable Divinité, de la fatidique marraine, de la nourrice empoisonneuse de tous les lunatiques.
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Strasbourg - 1871
Zürich - 1956
Helmar Lerski Photographe
« Tout est dans l’homme, tout dépend d’où la Lumière tombe en lui... Et je crois qu’aujourd’hui, l’homme est l’élément le plus important. Nous ne voulons pas montrer l’homme banalisé et standardisé, mais regardé avec estime et amour, placé sous son vrai jour et rétabli dans sa beauté et sa dignité. »
Frida Kahlo pose dans ses pensées pendant que Lola Alvarez Bravo déclenche son cliché. 1944, la Kahlo pose, la Khaho pense, en voici la photo.
Lola Alvarez Bravo Frida Kahlo
Revenant sur les décombres de son palais, le roi aujourd’hui tombé dans l’oubli regarde
morose les restes de son passé. Il garde la tête haute et le port fière
car même sous les
pierres, subsiste la grandeur de son passé.
Le rayon de lumière
l’accueille comme son valet ; dans un dernier hommage, le roi s’en est allé.
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Peinte en 1980, Pan II est une œuvre abstraite issue du néo-impressionnisme. Elle est réalisée par Cy Twombly, artiste américain né le 25 Avril 1928 et décédé le 5 Juillet 2011 à Rome. Nous nous intéresserons à la dualité dans cette œuvre puis dans un second temps, à l’opposition qui s’en dégage et enfin, nous nous pencherons sur le titre de l’œuvre. Composé en deux parties distinctes, ce tableau à la base en format « portrait » se retrouve transformé en format horizontale grâce à la découpe de ses sujets. Le tableau est constitué en diptyque. Contrairement à l’imagerie religieuse, celui-ci est découpé à l’horizontal modifiant ainsi l’espace de la toile : à l’inverse d’un diptyque (donc composé de deux tableaux distincts), la séparation se fait sur la toile elle-même et crée une double lecture du tableau. Il n’y a pas de cadre ou de trait séparant les deux sujets : liés et se repoussant à la fois, ce sont les sujets eux-mêmes qui délimitent l’espace. Cette proximité met en relief la différence des médiums utilisés : d’un côté la craie grasse, poreuse et vive ; d’un autre, l’encre condensée et froide. Deux sujets apparaissent : la fleur avec son halo rouge en haut du tableau puis dans la partie basse, une tâche rouge, petite, cachant le mot « Vénus » presque illisible. Ce mot n’est ni droit, ni régulier. Il semble s’estomper et disparaître petit à petit. Par cette absence, la petite tâche rouge gagne en force, elle occupe l’espace malgré la forte présence de vide autour d’elle. Un numéro minuscule est imprimé dans le coin supérieur gauche dans lequel la petite tâche rouge est présente. On trouve ici un jeu de rapport : gros/
Pan II
Cy Twombly
1980
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petit, loin/près, visible/invisible, caché/révélée, etc... pour l’œil du spectateur, l’invitant à s’éloigner, se rapprocher. Le mot « Venus » renvoie à la déesse romaine (Aphrodite chez les Grecs) associée à la beauté, à l’aspect charnel, à l’érotisme. La mise en relation de la tâche rouge au nom de Vénus renvoie à l’amour, la passion amoureuse ainsi qu’à la menstruation : la sexualité, la fertilité, l’enfantement. La tâche rouge montre aussi l’aspect « violent » du sang : le meurtre, le crime (passionnel ou non), etc... Cette association nous projette diverses images : sexualité, enfantement ou encore violence. Ces aspects contrastent avec le geste à l’apparence enfantin recouvrant la fleur, bien que pourvu d’une certaine violence lui-aussi. La fleur peut aussi s’associer au nom de « Vénus ». Elle évoque une douceur mais avant tout l’aspect sexué de Vénus/ Aphrodite ainsi qu’un pouvoir attractif et un mystère. Son aspect charnel. Brassens, dans sa chanson « Le blason » décrit le sexe féminin par ces mots « que la fleur la plus douce la plus érotique et la plus enivrante […] », « charmes de Vénus ». On y retrouve l’allusion au sexe féminin qui plus est, celui de Vénus donc un aspect divin. La tracé rouge cache, torture, bafoue, tâche la fleur qu’il recouvre ou bien la colorie, la protège, lui octroie une prestance, un espace élargit.
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L’ opposition se retrouve dans ce tableau avec divers éléments. Le geste : expansif et expressif avec le rouge sur la fleur, il montre la rapidité du tracé, il possède une vitalité, pousse la matière à ses limites. Il rappelle le geste instinctif de l’enfant faisant ses coloriages. À sa différence, il ne colorie pas la fleur pour lui donner de
la couleur mais une vivacité. Le tracé en lui-même devient sujet. Une impression d’expansion entoure la fleur. On retrouve la forme circulaire de la fleur mais sans se contenter de la remplir, donnant un espace, une dimension imposante. A cela s’oppose la petite tâche rouge. Le geste semble contenu, comprimé, la matière mise avec difficulté. La main se force et se restreint. De plus, l’aspect presque illisible du mot « Vénus » accentue la pesanteur de la tâche si petite mais si lourde qui cache ce mot. Elle semble comprimée par l’espace autour d’elle. La présence du blanc y est très forte contrairement à l’espace de la fleur qui se repend avec son trait rouge expansif : il mange l’espace. Paradoxalement, bien que le trait soit étendue et dense, il reste une légèreté, une transparence : on peut voir la fleur à travers le tracé. Le blanc est omniprésent sur la toile. La tâche est centrée dans son rectangle blanc. L’espace autour d’elle est dense mais crée une respiration face à l’énorme fleur et son tracé. La fleur est coupée à sa base : on ne voit pas la tige. L’espace de la tâche empiète sur la fleur, coupant la circulation autour de cette dernière. Le dépouillement des couleurs permet aussi de considérer la tâche comme un sujet propre et non comme un élément annexe servant une composition. Deux couleurs s’affrontent : le rouge et le blanc. Le blanc permet de mettre en valeur le rouge sang ainsi que la tâche. De la fleur, il n’en reste que la tête. Décapitation ? Le dessin de la fleur est réaliste. Il renvoie aux planches botaniques rappelant les périodes d’engouements scientifiques et d’explorations des terres inconnues. Entre les deux se trouvent encore une opposition : la tâche possède des contours nets quant à ceux du tracé, ils sont diffus.
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La dualité de ce tableau éclate sur plusieurs plans : dualité de la composition, dualité entre Pan et Vénus, dualité des couleurs, des matières, de l’espace, dualité de l’amour et de la violence. Ici, Cy Twombly nous raconte une histoire évoquée par les couleurs, des formes et le moins de mot possible : seulement « Vénus » et « Pan ». Il joue sur les opposés, les non-dits pour réveiller des mythologies enfouies dans notre inconscient collectif.
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Agyness Deyn, Simon and
Kiki the Cheetah in sand storm 2011
Tim Walker
Les photographies de Tim Walker nous emmènent dans une dimension poétique, en décalage avec la réalité. Ses models se révèlent être des personnages échappés de leur conte. Maître d’œuvre dans le théâtralisme, il orchestre tous ses éléments pour nous amener dans son monde : un univers plein de poésie, d’ailleurs et de voyages imaginaires dans les méandres du quotidien. Est-ce le rêve ou bien la réalité ? Comme une escapade de l’autre côté du miroir, plongeon enivrant dans le monde subtile d’un photographe de mode qui se sert de vêtements comme d’un coffre à déguisement, une clé narrative pour transcender le spectateur audelà du réel et du quotidien. Cette photographie prise en 2011 dans le désert de Kolmanshop (Namibie) intitulée «Agyness Deyn, Simon & Kiki the cheetah in Sandstorm » (traduction: Agyness Deyn, Simon et Kiki le guépard dans la tempête de sable) nous montre trois protagonistes. En effet, nous pouvons voir du premier au second plan un guépard, une jeune femme ainsi qu’un pygmée. Ces trois personnages semblent perdus dans le désert. L’homme et l’animal se tiennent de
dos, seule la femme est face au spectateur bien que celle-ci se cache la tête dans les mains. Nous ne voyons donc aucun visage dans cette photographie : inhabituel du fait que l’accent est mis sur les personnages, ceux-ci étant centrés dans la composition. Au premier abord, les trois protagonistes ne semblent avoir aucun lien entre eux. Homme proche de la nature, femme civilisée, animal sauvage. Ils symbolisent des mondes qui aujourd’hui, se veulent séparés, menaçant les uns envers les autres. Pourtant, nous pouvons établir un jeu d’analogie entre les trois personnages : l’homme et la femme sont liés car humain tous les deux, la femme et l’animal se ressemblent par le motif de leurs robes, puis l’homme et l’animal adoptent la même attitude et regardent dans la même direction. Malgré l’absence de regard entre les personnages, ce petit jeu de détail permet de créer une unité entre les trois protagonistes.
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Bien que ce jeu d’analogie soit présent, les mêmes choses qui les unissent séparent les personnages. En effet, la robe à poids de la jeune femme rappelant celle l’animal nous fait penser aux habits en peau d’animaux. L’analogie perd alors le sens du jeu et renvoie aux abus de notre société de consommation ainsi qu’aux actes de cruauté commis sur les animaux. Tim Walker lui même un photographe de mode, dénonce-t-il cette cruauté ? . La robe tachetée peut rappeler les habits au motif léopard, ceux-ci renvoyant souvent une image sexualisée. Ici, la femme a encore l’apparence d’une jeune fille que ce soit par la forme de ses vêtements, son attitude (pleure-t-elle ? Boude-t-elle ?). Ses habits sont principalement
blanc, couleur de la pureté et de la virginité. Ainsi l’aspect sexuel la dépasse complètement, elle ne maîtrise pas encore cette aspect là de son corps. Veut-elle paraître plus mature, plus femme ? Mais son attitude la trahit. Dès trois personnages, la jeune femme est la seule se tournant vers son ombre. Référence au passé, elle ne peut s’en détacher pour aller de l’avant. Contrairement à l’homme et au guépard libres et fières, sa tête est baissée, son attitude renfrognée. De plus, c’est la seule venant clairement d’une « société civilisée », c’est donc la seule en décalage, elle n’arrive pas à se fondre dans la nature comme les deux autres personnages . La valise, symbole de voyage peut être perçue ici comme un fardeau. Encore une fois, elle ne peut avancer sans lâcher son passé. Placée entre l’homme et l’animal, elle sépare les deux. Ici, le chasseur n’attaque pas la bête et inversement, ils sont en paix. Le rôle du vêtement sert ici à marquer les clichés pour mieux s’en détacher. L’aspect atemporel de leurs vêtements renvoient au déguisement, au théâtralisme. Le seul élément permettant de situer l’action est le titre. Il dévoile le nom des acteurs, la date ainsi que le lieu où la photo a été prise. Il est en total contradiction avec la photographie où la temporalité est non identifiable. Excluant le bleu du ciel, l’entièreté de l’image est composée d’un camaïeu de beige, allant du blanc au noir. Jeu entre la couleurs de peau des personnages, de la robe de l’animal. Entre la couleurs du sable et celle des ombres. Les couleurs sont douces et ne choquent
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pas l’œil. Elles unissent les personnages dans le paysage. De petits piquets noirs se détachent au second plan. On ne distingue pas clairement les profondeurs, la taille des personnages devient alors énigmatiques. Qui est le plus grand ? Taille de géant ou ou d’ humain ? Les seules ombres présentent sont celles des personnages, seul élément pouvant indiquer la profondeur dans l’image. Le cadrage est serré autour des personnages, l’immensité du désert n’est pas montrée. De cette manière, les personnages emplissent tout le désert (du moins la partie que nous voyons). L’échelle de ceux-ci s’en retrouve encore plus troublée. Provenant d’une série de photographies appelée « White Mischief » (« Sottise blanche »), Tim Walker dénonce clairement les inégalités raciales dans cette série de clichés. Jeux d’analogie et de contraste, « Agyness Deyn, Simon and Kiki the Sheeta in a sandstorm » possède une poésie propre à son photographe. Mais derrière cette apparence chimérique, Tim Walker dénonce avec subtilité une société d’abus, d’excès et de racisme, ici montré dans un dépouillement rare.
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D’après Philippe de Champaigne
Jacques Prévert
1948
Poète de génie, Jacques Prévert a su diversifier son art avec celui des collages. Il réalisa ainsi un bon nombre d’œuvres parallèlement à ses poèmes. Dans ce collage, Prévert nous montre son rejet de l’Église, credo que l’on retrouve régulièrement chez le poète. Nous voyons trois personnages : deux êtres vêtus de blanc se tenant dans une position de prière. Sur leur poitrine, la croix de l’église catholique. Les deux personnages portent un masque, on ne peut voir leur visage, ainsi ils falsifient leur identité. Le troisième personnage se trouve au premier plan, au pied des hommes d’église. Celui-ci frappe par sa petite taille face aux imposants démons. Il est assis et se tient la tête avec ses mains : il semble souffrir d’un mal de tête important.
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L’importance des personnages en blanc (de taille plus grande donc imposante) pèse sur le personnage recroquevillé. Ils semblent posséder une emprise sur le petit personnage. Les figures masquées rigolent à gorge déployée et oppressent le troisième personnage. De plus, le masque cache l’identité et renvoie au déguisement, au men-
songe . Prévert sous-entend la fausseté des gens de l’Église. Seule la couleurs rouge ressort dans cette scène, elle met en avant le lien entre les masques démoniaques, l’église et l’empire qu’elle exerce sur ses fidèles. On retrouve ici le schéma de la trinité mais nous ne savons dire Qui est le père, le fils et le Saint-Esprit ? Les masques démoniaques sont en contradiction avec les habits d’ecclésiastes censés représenter quelque chose de rassurant, tourné vers Dieu et le paradis. Ici, ce sont les hommes d’Église qui sont les démons. Prévert dénonce ici l’emprise mentale que possède l’Église sur leurs fidèles, leurs mensonges et leur fausseté.
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Univers L’explorateur intelligent, partira léger de tout. Peu d’objets, peu de préjugés. Il prendra uniquement ce qu’il aime et quitte à voyager nu. Nu de ses objets, nu de sa société... Car voyager c’est faire des choix, et savoir rapporter uniquement ce dont on a besoin, ni plus, ni moins. Ainsi il pourra voyager libre, parcourir les pays et aller à la rencontre des hommes dans ses meilleurs dispositions. En suivant ces indications, vous pourrez découvrir des pays encore inconnus de tous...
Bon voyage ! 58
« Un tourne disque Votre vinyle favori Une paire de jumelles Une paire de chaussures » 60
ou bien,
« Une boussole Une carte Une tasse de thé Une boite reconvertie en cachette à trésor Une pipe »
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De la colère.
C’est à cela que je ressemble maintenant,
Je suis devenu l’acte de ma mort.
à de la colère...
Je ne suis plus
Pourtant... moi qui étais si beau!
!
RIEN
Si doué!
J’étais amené à vivre un destin merveilleux.
Oui,
j’étais le nouveau prodige de ce siècle !
Personne ne chantait mieux que moi, personne
Il n’a fallu qu’un minable petit vaurien pour gâcher ma vie. Quelques secondes d’inattention et
aN
vl
!
!
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Plus rien.
Mais, laissez-moi vous conter mon histoire une dernière fois. Vous pensez que l’on peut lire ma vie à travers cette cage ? C’est en partie vrai. Seulement, si vous ouvrez encore un peu les yeux, vous pourrez lire une autre partie de ma vie, sur mon vieux corps ; où l’imaginer, comme bon vous semble si vous êtes mauvais détective. J’ai grandi dans l’Est de la Russie. Un visage typique de là-bas. Il faut dire que l’on se ressemble tous un peu dans cette région. J’étais un gaillard grand et massif. Les femmes vantaient mon physique dans toute la région ! Bien sûr, un jour ça m’a causé des problèmes. Une troupe d’hommes est arrivée, ils m’ont attaqués pour je ne sais quelle raison. Malgré ma carrure impressionnante, je n’ai pas pu leur faire face. J’ai plié dans un grand fracas et me suis étalé sur le sol froid et boueux. Il y a eu un trou noir puis je me suis réveillé dans un endroit que je ne connaissais pas. C’est ici que mon histoire commence. Un vieil homme s’affairait à mes côtés. Visiblement, j’allais mieux. Le vieil homme me glissa que ce n’était pas gagné d’avance, qu’il avait bien cru au pire. Il avait vu les hommes m’attaquer. « Ils ne t’ont vraiment pas épargné, garçon. » Il s’était alors attelé jour et nuit à s’occuper de moi. Maintenant, je le sais : je lui dois la vie. Je mis deux années à me remettre complétement. Chaque jour avait son lot de souffrance mais au côté du vieil homme, j’envisageais un autre avenir. Nous apprenions à nous connaitre mutuellement. Je
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lui parlais de tout, de ce que j’avais vu, vécu. J’avais cette impression permanente que le vieil homme possédait une omniscience, ce qui le rendait mystérieux. Il me confia sa passion pour la musique, et en bon passionné, s’évertua à me la transmettre le mieux possible. Il s’avéra par la suite que je fus doué, même très doué. Qui l’eut cru ? Moi : cet être rustre et sauvage, je devenais jour après jour un trésor inestimable aux yeux de mon vieil homme.
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S’en suit un bouleversement auquel je ne me serai jamais attendu. Une tempête ; non, quelque chose d’encore bien plus fort que je n’avais jamais connu. Un jeune homme arriva chez mon maître une après-midi. Je n’y prêtais d’abord que peu d’attention. Le vieil homme l’accueillit à bras ouvert avec une tendresse paternelle. Je restais dans mon coin. J’observais. Petit à petit, je fus frappé par sa démarche, son regard, son esprit. Après le repas, mon maître me demanda de chanter pour lui. J’exécutais. Il fut conquis. A la suite de cette rencontre, je quittai mon maître le ventre noué pour partir avec mon nouvel ami. Mstislav était russe lui aussi, et musicien qui plus est. C’est grâce à cela qu’il avait pu appréhender l’ampleur de mon talent. La réputation de ma voix fit bientôt le tour du monde, je devins une vedette dans le milieu de la musique. Je parcourais les salles de concerts au côté de Mstislav. Ce fut la plus belle période de ma vie. Elle me sembla durer une éternité.
Mstislav s’éteint par une matinée d’Octobre particulièrement radieuse pour la saison. Nouveau tournant de ma vie. Je ne pouvais plus chanter. Pour personne. Je restais des journées entières dans un coin, sans bouger, le regard creux. Je me laissais doucement mourir, sans envie pour rien. Je finis par quitter la maison que nous occupions avec Mstislav, voguant de maison en maison, chez des gens qui m’adulaient pour mon talent, et dont je ne connaissais même pas le nom. J’ai été aimé par des femmes sublimes et des hommes prodigieux, mais rien comparé à Mstislav. Non. Rien comparé aux mains de
Mstislav, comparé aux gestes de Mstislav, au
Mstislav !
génie de
Non ! Non ! Non ! Rien !! C’est ainsi que j’ai atterri dans ce qui fut mon avant dernière maison. Si le vieil homme m’avait vu, je crois qu’il en serait mort. Je logeais chez un homme du nom d’Arman. Il s’avait que je chantais, enfin, que j’avais chanté mais il n’en avait rien à faire. C’était un artiste, il faisait ces œuvres de son côté, imperturbable, pendant que moi je restais assis dans un coin de pièce froide.
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o
M
n
Puis un jour, il est arrivé dans la chambre, m’a emmené dans son atelier. Sans prévenir, il s’est mis dans une colère noire, d’un coup sec, m’a explosé contre le sol. Les morceaux qui composaient mon corps de bois se sont disséminés da ns . l’a i r c v le he a t ,
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Tous ce que mon maître avait mis des années à assembler après le passage des bucherons avec un talent hors-norme venaient de s’envoler en éclats. Je fus mis dans une plaque, figeant les morceaux de mon corps dans l’expression de sa colère. C’est ainsi que vous me voyez. Je ne suis plus qu’un sentiment.
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La Colère Colère
la
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La colère
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Arma n
Colère
Le temps retrouvé Extraite de l’exposition « Le temps retrouvé » réalisée en 2011 à la galerie Lambert en Avignon, cette photo de Cy twombly a su saisir le temps à travers le cliché d’une fleur. La lumière transparaissant à travers les pétales laisse deviner une lumière chaude d’après-midi. La fleur révèle sa fragilité par la lumière qui la transperce. Presque sensuel, son pétale dévoile sa précarité. Il résume à lui seul le temps écoulé : fragilité périssable de la fleur infiltrée par la lumière, élément même symbolisant le passage du temps. Le cliché renvoie aussi au souvenir : l’image est peu nette. Comme une réminiscence. L’œil est focalisé sur la fleur, les éléments autour n’étant pas visible ou flou. Ainsi, le spectateur se concentre sur l’essentiel : la fleur et le temps qui la traverse. Rappelant les memento mori, cette photographie se rapproche des natures mortes de par sa composition ainsi que par son sujet : le temps qui passe (de là, la mort n’étant jamais bien loin). La texture de l’image n’est pas
sans rappeler les peintures impressionnistes. Ici, le moment capté n’est pas figé. L’image vibre, vie. Nous y voyons présent, passé et avenir baignés dans une douceur chaude, propre à l’art de Cy Twombly.
Earthquake Les rêves possèdent une essence incroyable. Seulement, celle-ci s’évapore au réveil. Vous pourrez en happer quelques volutes dans ce moment où vos yeux sont encore embrumés mais ensuite, vous sentirez doucement cette fumée s’échapper dans un coin de votre esprit dont seule la nuit pourra pousser la porte. Earthquake est une photographie de Tim Walker. Elle a, à mon sens, la seule photographie ayant réussi l’exploit d’atteindre cette essence onirique. Ma première rencontre avec cette image fut extrêmement forte et déroutante. J’ai cru pendant quelques instants que le photographe s’était immiscé dans un de mes rêves, en avait pris un cliché, puis était reparti comme un gaie luron avec ce morceau de moi sous son bras. Je suis restée interdite pendant quelques minutes, les yeux rivés sur l’image. « Mais comment il a fait ?! » Bien que ce scénario soit impossible, Tim Walker représente bien plus qu’un photographe. Pour moi, c’est un magicien.
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Les mains du violoncelliste sur son instrument. Il ne semble pas jouer, il l’enlace. Avec la délicatesse propre à l’amoureux. C’est de cette osmose que naît une harmonie.
La figure de l’instrument de musique, plus particulièrement celle du violoncelle et du violon est un élément récurant dans mon univers. Leur présence vient d’abord de ma pratique personnelle de ces instruments. Ayant commencé assez tôt le violoncelle, puis par la suite le violon pour finalement m’arrêter et reprendre quelques années plus tard le second, ces deux instruments on pour ainsi dire, toujours été à mes côtés. Ils sont à mes yeux des objets très particuliers car dégageant une chaleur que l’on ne retrouve que dans peu de choses. Plus que la musique, ils représentent pour moi un rapport amoureux : de la nécessité tactile entre le musicien et son instrument à la symbiose que les deux forment pour arriver à l’accord parfait. Dans ces deux instruments, on peut apercevoir l’âme de l’inerte, la voix du silencieux. 72
impact de l’être pèse le poids de la bête.
Sous l’
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Rara Woulib D'une rencontre fortuite au coin d'une rue peut provenir le point de départ de bien des songes. C'est ce qu'il se passa cette nuit-là. Les ombres commençaient à grandir, submergeant les murs de la cité quand une troupe d'étranges personnages émergea du parvis de l’Église. La curiosité, que l'on traite trop souvent de mauvaise fille, me poussa à rester face à ces étranges personnages. La foule fascinée par ces visages blêmes, forma bientôt un cercle autour d'eux. Une dizaine de personnages, silhouettes à queues de pie et haut de formes, le visage blanc, le regard cerné de noir se tenaient face à nous. Doucement, une musique sortit de leurs tromblons de plastique, mêlée au brouhaha de la ville. Le souffle des spectres-musiciens s'engouffrant dans ces étranges
tubes, une course folle commença entre les ruelles de celle que je croyais si bien connaître. Les ombres avaient bientôt envahies tous les recoins de la ville. La troupe dansait et nous entraînait petit à petit, de plus en plus profond dans la nuit, au rythme de ses pas. Notre foule grossissait à vue d’œil. Les passants interloqués, nous rejoignaient, et bientôt un joyeux attroupement fut formé, pleins de rires, de musique et de chants. La course folle se poursuivit dans la nuit, au gré des ruelles, s'arrêtant parfois sur une place, permettant à la foule de reprendre son souffle puis reprenait de plus belle. Bientôt, elle se propagea dans toute la ville, créant une atmosphère chaleureuse sur son passage. Jamais les ténèbres ne furent aussi joyeuses. Ce soir-là, la fanfare nous offrit un nouveau souffle, dans une ville où parfois les murs deviennent redondants. La nuit nous sembla le plus beau des terrains de jeux, teintée d’un mystère et d'une liberté sans limite. Le rythme ralentit doucement, et notre joyeux attroupement arriva sur une place. Des vibrations bleues, roses et or éclairaient des danseurs de tango. Comme si ces étranges musiciens nous avaient pris par la main à travers une folle cavalcade, pour nous relâcher dans un moment de beauté. Lentement dans la nuit chaude, les danseurs continuaient leurs chorégraphies, lovés l’un dans l’autre. Une foule nouvelle regardait cette danse de couples déjà évadés dans leur monde.
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Les musiciens aux visages blêmes déambulait autour ne nous. La voix puissante de la musique se mêlait aux rires des admirateurs. Des couples s'exécutaient maladroitement à la danse, des sourires d'amusement et de tendresse sur le visage. Soudain, je m’aperçus que tous les étranges personnages avaient disparus, comme d'un silencieux accord, dans les profondeurs de cette nuit intemporelle. Nous nous morcelâmes alors petit à petit pour aller retrouver amis et famille. Et ainsi se finit cette nuit folle.
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Devant les yeux sévères de Beethoven, le violoncelliste s’exécute.
Dans cet espace bien trop petit pour son talent.
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Belle, les jambes longues, étendue là Regard vers le haut, regard vers le bas Éventail au poignet, pensées langoureuses Elle et moi. L’autre en émoi. L’une vole et s’évente, la seconde, moelleusement allongée est absente. L’une au jardin, l’autre au salon,
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Passé présent en interaction.
« Le vrai mystère des choses réside dans le visible et non l’invisible. »
Oscar Wilde
Dublin - 1854
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Paris - 1900
Écrivain
Jun’ichirô
Tôkyô - 1886 Tôkyô - 1965
Tanizaki
«Je crois que le beau n’est pas une substance en soi, mais rien qu’un dessin d’ombres, qu’un jeu de clair-obscur produit par la juxtaposition de substances diverses. De même qu’une pierre phosphorescente qui, placée dans l’obscurité émet un rayonnement, perd exposée au plein jour, tout sa fascination de joyau précieux, de même le beau perd son existence si l’on supprime les effets d’ombre.»
Écrivain
Ode
1913
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Prête-moi ton grand bruit, ta grande allure si douce, Ton glissement nocturne à travers l’Europe illuminée, Ô train de luxe ! et l’angoissante musique Qui bruit le long de tes couloirs de cuir doré, Tandis que derrière les portes laquées, aux loquets de cuivre lourd, Dorment les millionnaires. Je parcours en chantonnant tes couloirs Et je suis ta course vers Vienne et Budapesth, Mêlant ma voix à tes cent mille voix, Ô Harmonika-Zug ! J’ai senti pour la première fois toute la douceur de vivre, Dans une cabine du Nord-Express, entre Wirballen et Pskow . On glissait à travers des prairies où des bergers, Au pied de groupes de grands arbres pareils à des collines, Etaient vêtus de peaux de moutons crues et sales… (huit heures du matin en automne, et la belle cantatrice Aux yeux violets chantait dans la cabine à côté.) Et vous, grandes places à travers lesquelles j’ai vu passer la Sibérie et les monts du Samnium , La Castille âpre et sans fleurs, et la mer de Marmara sous une pluie
tiède ! Prêtez-moi, ô Orient-Express, Sud-Brenner-Bahn , prêtez-moi Vos miraculeux bruits sourds et Vos vibrantes voix de chanterelle ; Prêtez-moi la respiration légère et facile Des locomotives hautes et minces, aux mouvements Si aisés, les locomotives des rapides, Précédant sans effort quatre wagons jaunes à lettres d’or Dans les solitudes montagnardes de la Serbie, Et, plus loin, à travers la Bulgarie pleine de roses… Ah ! il faut que ces bruits et que ce mouvement Entrent dans mes poèmes […]
Valéry Larbaud, Poésies de A.O Barnabooth 89
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Le rideau se ferme. J’espère que le spectacle vous a plu. Personnellement, celui-ci m’a d’abord dérouté. « Le mémoire » : quel titre effrayant ! Mais une fois plongé dedans, quand on commence à analyser notre univers, nos goûts, les fils rouges se dessinent. On s’aperçoit alors que les images qui nous attirent ne le font pas pour rien et que les œuvres qui nous touchent font résonner des mots familiers au fond de nous. Ce travail de mémoire, c’est finalement se découvrir un peu plus, allez explorer notre monde, faire l’effort de se demander pourquoi j’aime cette chose, cette œuvre etc... Cela m’a aidé à mieux connaître mon univers ainsi qu’à mieux le cultiver mais aussi, à me découvrir plus amplement. Ce fut long, laborieux, fastidieux mais j’estime que le pas franchit est celui d’un géant. Comme point final de ce travail, je retiens que ce mémoire m’a permis de cibler mes points d’intérêt dans mon travail, et de la même manière, me permet de les approfondir. Il est ainsi la clef, le point de départ de recherches plastiques, de lectures, et d’une multitude d’histoires.
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Hayao Miyazaki
David Lynch
Charles Fréger
Né en 1941 à Tôkyô (Japon)
Né en 1946 à Missoula (États-Unis)
Né en 1975 à Bourges (France)
Réalisateur et dessinateur.
Cinéaste et peintre.
Photographe
Horst P. Horst
Michel Ocelot
Irina Ionesco
Né en 1906 à Weißenfels (Allemagne) Mort en 1999 à Palm Beach (États-Unis)
Né en 1943 à Villefranche-sur-Mer (France)
Née en 1935 à Paris (France)
Photographe
Réalisateur
Photographe
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Isabelle de
Salvador Dali
Wong Kar-Wai
Née en 1946 à Bruxelles (Belgique)
Né en 1904 à Figueras (Espagne) Mort en 1989 à Figueras (Espagne)
Né en 1958 à Shanghai (Chine)
Peintre, dessinateur, sculpteur, photographe, écrivain.
Réalisateur, scénariste, producteur.
Borchgrave
Peintre, sculptrice.
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Kees Van Dongen
Michael Arias
Mark Rothko
Né en 1877 à Delfshaven (Pays-Bas). Mort en 1968 à Monaco (Principauté de Mocano).
Né en 1968 à Los Angeles (États-Unis).
Né en 1903 à Daugavpils (Lettonie) Mort en 1970 à New York (États-Unis).
Peintre.
Réalisateur.
Peintre.
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Index Tim Walker « Big Fish » (2003) Joann Sfar « L’ancien temps » (2009) Cocteau «La Belle et la Bête» (1946) Pierre Gonnord « Terre de personne » (2009) Benh Zeitlin «Les bêtes du Sud sauvages» (2012) Koudelka « Roumanie » (1968) Prévert «Collage» (1948) Prévert « Les enfants qui s’aiment » (1951) Doisneau «Les amoureux de l’hôtel de ville» (1950) Baudelaire «Les bienfaits de la Lune» (1869) Helmar Lerski « Sans nom » (1930) Lola Alvarez Alto « Frida Kahlo » (1932) Cocteau « Orphée » (1946) Cy Twombly «Pan II» (1980) Tim Walker « Agyness Deyn, Simon and Kiki the Cheetah in a sandstorm » (2011) Prévert « Collage » (1948) Miyazaki « le voyage de Chihiro » (2001) Wes Anderson «Moonrise Kingdom» (2012) Arman « Colère » (1961) Cy Twombly « Série Poenies» (1980) Cy Twombly « Le temps retrouvé» (1980) 104
p.16 p.19 p.20 p.23 p.24-25 p.26-27 p.28-30-31 p.32 p.33 p.34-35 p.36 p.37 p.39 p.42 p.51 p.54 p.58-59 p.60-31 p.67 p.68 p.69
Tim Walker «Earthquake damage» (2005) Helmar Lerski « Violoncelliste » (1930) Zingaro «Darshan » (2010) Rara Woulib - photos personnelles (2012) Rara Woulib - photos personnelles (2012) Radu Mihaileanu «Le concert» (2009) Quentin Tarantino « Deathproof » (2007) Oscar Wilde « citation » Juni’chiro Tanizaki « citation » George de la Tour «Le nouveau-né» (1640) Valéry Larbaud «Ode» (1930) Zingaro « Calacas » (2012)
p.70-71 p.73 p.74 p.76 p.79 p.80 p.82-83 p.84 p.85 p.85 p.88-89 p.94-95
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Achevé d’imprimer à l’ESAL - Mai 2013 Laurane Delavier