Danse & Architecture

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DANSE & ARCHITECTURE

Comment concevoir pour la danse d’aujourd’hui ? Laura Weisbecker


SOMMAIRE Avant propos Introduction PREMIÈRE PARTIE Histoire des espaces consacrés et investis par la danse du XVIIe siècle à nos jours. 1.1 XVI -XVII 1.1.1 1.1.2 1.1.3 1.1.4

À LA COUR DES ROIS La scène dite «à la FRANÇAISE» Théâtre de l’hôtel de Bourgogne & théâtre du Marais La danse à Versailles L’Académie Royale de danse

1.2 XVIII - XIX LE MODÈLE DE LA SCÈNE ITALIENNE 1.2.1 Transition architecturale 1.2.2 L’apprentissage - le maître à danser 1.2.3 Les salles de danse classique du XIX et XXe siècles 1.3 XXe siècle LA SCÈNE MODERNE 1.3.1 De nouveaux espaces scèniques 1.3.2 Multiplications des lieux investis 1.3.3 Les théories de l’espace 1.4 XXIe siècle LA SCÈNE POST-MODERN ET CONTEMPORAINE 1.4.1 Danser la Ville 1.4.2 Danser au Musée

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DEUXIÈME PARTIE Les invariants architecturaux nécessaires À la danse 2.1 ESPACE DE REPRÉSENTATION : De l’espace scénique traditionnel du théâtre au studio-scène. 2.1.1 Rapport Danseur / Spectateur 2.1.2 Du Décor à la Scénographie 2.1.3 Rapport Danseur / Architecture 2.1.4 Lumière et technologie 2.2 LE STUDIO : ESPACE DE D’APPRENTISSAGE ET DE CRÉATION 2.2.1 Caractéristiques architecturales du studio 2.2.2 Un espace d’inspiration 2.3 L’EXPERIENCE DE L’ESPACE PAR LE CORPS 2.3.1 Théorie selon Poincaré 2.3.2 Danser hors les murs consacrés TROISIÈME PARTIE CONCEVOIR POUR LA DANSE 3.1 Nouvelles constructions CCN Pavillon Noir, Aix-en-Provence / Laban Dance Center, Londres 3.1.1 insérer la danse sur le territoire 3.1.2 Construire de la porosité 3.1.3 Construire de la diversité 3.2 RéHabilitations CDCN La Briqueterie, Vitry-sur-Seine/ La Manufacture, Aurillac 3.2.1 Métamorphoser le patrimoine 3.2.2 Rapport à la matérialité 3.2.3 Construire des possibilités CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE / SOURCES INTERNET / VIDÉOS 3


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AVANT PROPOS

La danse et l’architecture représentent à mes yeux deux disciplines qui peuvent se nourrir l’une de l’autre. Bien souvent il est difficile d’établir des liens entre elles, l’association des deux étant plutôt rare. Cependant, j’ai pu découvrir à travers le regard d’architecte que je deviens et mon expérience de danseuse qu’il existe différentes relations possibles entre ces deux disciplines. En étudiant ces divers liens, j’ai pu appréhender par quels moyens elles interagissent et comment elles peuvent s’influencer l’une et l’autre. Un tel sujet de mémoire étant très peu traité en école d’architecture, les sources bibliographiques sont très rares. Cela m’a demandé de faire plus de recherches sur internet qu’en médiathèque, afin de trouver des essais, des articles qui démontraient un lien ou une connexion entre les deux arts. Il était important pour moi de pouvoir approfondir mes connaissances en danse comme en architecture. Je pense que cette étude m’a permis d’avoir un regard plus sensible sur les espaces que je parcours quotidiennement ou non. J’espère que cette recherche pourra sensibiliser quelques personnes au monde de la danse aussi divers soit-il, qui, on ne le remarque pas toujours, est un médium formidable pour l’expérience architecturale.

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Introduction

Dans ce que nous pouvons observer de la danse d’aujourd’hui à travers les représentations sur scène ou via les médias, nous savons qu’elle s’exprime de multiples façons par les styles de danse qui se mélangent parfois ou par son exportation dans divers lieux. Avec la multiplication des centres chorégraphiques et des écoles de danse en ce début du XXIe siècle, je me suis demandée: Comment concevoir un bâtiment devant accueillir de la danse aujourd’hui ? Pour tenter de répondre à cette question, il est bon de savoir quels ont été les premiers espaces consacrés à la danse, où prenait lieu cet art dans l’histoire? Dans cette première partie de mémoire nous allons voyager dans le temps pour comprendre les changements des lieux investis par les danseurs, aussi bien pour la représentation que pour le travail et l’expérimentation. Cette étude nous permettra, en deuxième partie, de savoir ce dont nous avons hérité du passé, quels sont les «invariants» qui sont encore utilisés aujourd’hui dans la danse en terme d’espace et de dispositifs scéniques. Nous nous intéresserons également aux liens que peuvent entretenir les deux disciplines, comment elles s’influencent l’une et l’autre, ce qu’elles peuvent révéler. Enfin, nous verrons à travers l’analyse et la comparaison de quatre bâtiments dédiés à accueillir la danse, comment les architectes ont-ils traduit les relations danse/ architecture.

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PARTIE I Histoire des espaces consacrés et investis par la danse du XVIIe siècle à nos jours.

Fig 1. Le ballet comique de la reine en 1581, à la cour de Catherine de Medicis- Grande Salle du Petit Bourbon, Paris source:URL:http://gallica.bnf.fr/ Bibliothèque Nationale de France

Fig 2. Représentation dans la salle de l’Hôtel de Bourgogne 1767 par PierreAlexandre Wille source: wikimedia

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1.1 - À LA COUR Du ROI

1.1.1 LA SCÈNE dite «À la FRANÇAISE» À la fin du Moyen Age, des représentations ont lieu lors des festins, ce sont de simples intermèdes chantés, dansés, mimés, avec des numéros d’acrobates ou de jongleurs. Les musiciens et les danseurs se devaient de distraire au mieux les invités. «Depuis le quattrocento (XVe siècle) l’art italien domine l’Europe. Le ballet de cour est issu du balletto, qui a vu le jour à la cour italienne où les mariages étaient somptueusement célébrés.»1 En effet, la Renaissance italienne est à l’origine d’une révolution artistique sans précédent en France comme dans le reste de l’Europe. Lorsque Catherine de Médicis, épouse Henri II en 1533, héritier du trône de France, elle apporte son enthousiasme pour les arts et plus particulièrement la danse. Le balletto est présenté à la cour du Roi de France où on lui ajoute paroles, versets, chants, décors et costumes, ce qui deviendra le ballet de cour français. Même si la France a été largement influencée par le modèle italien, elle va trouver dans le ballet de cour un genre qui lui est propre en faisant fusionner danse, poésie, peinture et musique. À l’époque du ballet de cour, ancêtre de la danse classique, le spectacle se déroulait au centre de grandes salles, souvent rectangulaires et étroites, bordées sur trois côtés d’un ou plusieurs rangs de galeries dans lesquels venaient s’asseoir les spectateurs. La famille royale, elle, prenait place sur une estrade au centre de la salle et découvrait ainsi une succession de séquences chorégraphiées. Il existait dans la capitale quelques salles de représentations comme celle construite dans l’Hôtel du petit Bourbon (Fig 1), l’une des plus grandes de Paris. Construit au XIVe siècle, L’Hôtel du Petit-Bourbon était un ancien hôtel parisien construit à l’emplacement de l’actuelle place du Louvre. «Cette salle, qui faisait 13 mètres de large sur 68 mètres de long, servait pour la danse et le théâtre. En février 1653, la reine mère Anne d’Autriche et le cardinal Mazarin assistèrent au triomphe de Louis XIV dans le Ballet royal de la Nuit, présenté au Petit-Bourbon.»2 Serge Jodra, «La danse au XVIIe siècle» 2013 URL: http://www.cosmovisions.com/ musi-Danse-France.htm - consulté le 22/10/17 2 Gabriella ASARO, « Le roi danse : Louis XIV et la mise en scène du pouvoir absolu », Histoire par l’image [en ligne], URL : http://www.histoire-image.org/etudes/roidanse-louis-xiv-mise-scene-pouvoir-absolu - consulté le 22/10/17 1

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4 Fig 3 - Vue axonométrique restituant la salle et la scène de l’hôtel de Bourgogne avant la restauration de 1647 (dessin de dominique Leconte) source: Pierre Pasquier - Les lieux du spectacle dans l’Europe du XVIIe siècle

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Fig 4 - Théâtre du Marais (1644), Paris source: Pierre Pasquier - Les lieux du spectacle dans l’Europe du XVIIe siècle

1- scène 2- parterre 3- loges / galeries 4- gradins amphithéatre

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1.1.2 THÉÂTRE DE L’HÔTEL DE BOURGOGNE & THÉÂTRE DU MARAIS. Le XVIIe siècle est le siècle du ballet de cour, mais aussi de l’opéra-ballet et de la comédie-ballet initié par Molière et Lully. L’art de la danse, du théâtre et du chant se mêlent sur les scènes parisiennes. L’hôtel de Bourgogne (Fig 2 et 3) abrita l’un des principaux théâtres parisiens du XVIIe au XVIIIe siècle avec le Théâtre du Marais. Ces deux théâtres constituèrent les premières et principales scènes accueillant la danse sur le modèle du théâtre dit «à la française». Le théâtre à la française s’organise selon un plan rectangulaire assez étroit ; au milieu, face à la scène surélevée (1), se trouvait le «parterre» (2) où le public se tenait debout. En comparaison, dans la salle de L’hôtel du Petit Bourbon, la scène et le parterre se confondaient en une seule et même surface (Fig1). Les spectateurs se voyaient attribuer leur place selon leur rang social. Les loges et les galeries (3) étaient réservées aux classes aisées, car «elles permettent à la belle société assise d’éviter toute gênante promiscuité»3 avec le peuple situé dans le parterre. Certains des plus privilégiés pouvaient également avoir des places réservés à même la scène . Enfin, au fond de scène se trouvait un amphithéâtre (4) qui, dans certains théâtres était parfois surélevé par rapport au parterre. C’est également au niveau de cet amphithéâtre que se trouvait la loge royale. Ces deux théâtres vont connaître de multiples modifications. Le fond de la salle va progressivement s’incurver et de nouveaux théâtres seront construits sur le modèle italien.(chapitre 1.2) À cette époque, la salle est animée par le public qui commente et s’agite durant les représentations. Il s’agissait d’un moment de rencontre sociale. Le théâtre est en effet, plus qu’un lieu de culture, une occasion de rencontres et de parades. Les spectateurs, de tous les milieux, ne restent à aucun moment silencieux mais préfèrent partager leurs commentaires sur les décors et costumes. Les représentations avaient lieu durant la journée et la lumière était apportée grâce à des lustres à chandelles et par des rangées de bougies le long de l’avantscène. Danielle Mathieu-Bouillon, Paris et ses Théâtres - Début du XVII ème siècle- Les rivalités entre l’Hôtel de Bourgogne et le Théâtre du Marais, URL http://www.regietheatrale.com/ consulté le 10/10/17

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1.1.3 La danse À VERSAILLES Afin de faire de Versailles le nouveau siège du pouvoir et la résidence principale de la cour, Louis XIV entreprend d’agrandir le pavillon de chasse de son père dès 1661, pour en faire le château que nous connaissons aujourd’hui. Pour maintenir les nobles à Versailles, il multiplie les activités et attractions: «chasses, promenades, représentations théâtrales, concerts, ballets, bals, collations, jeux d’adresse et jeux de table font partie des principaux attraits de la vie à la cour.»4 Certaines des représentations artistiques prenaient place dans la majestueuse Galerie des Glaces (achevée en 1684) pour des bals ou lors de célébrations de mariages princiers. La danse pouvait également prendre place dans la salle de la cour des Princes. Cette salle de spectacle basse et réduite ne pouvait contenir que trois cent soixante-quatre spectateurs: «La salle ne mesurait que 19,60 m de longueur sur 8,20 m de large, avec une scène de 6,50 m de profondeur et environ 6 m de hauteur, et possédait une petite fosse d’orchestre dont la surface était diminuée par deux loges disposées à ses extrémités» 5 (Fig. 4). Comme la salle de la cours des Princes, les autres salles du château de Versailles ne permettant pas toujours d’accueillir suffisamment de public, Louis XIV donnait fréquemment de grandes festivités en plein air. Il profitait de ces évènements pour présenter les derniers embellissements du domaine de Versailles. Les jardins offraient un cadre scénique pour toute sorte de représentations. Un des jardin fût spécialement conçu pour accueillir l’art de la danse: Le bosquet de la Salle de Bal. (Fig.5) «Ce bosquet aménagé par Le Nôtre est traité comme un amphithéâtre de verdure. Au centre, le jardin avait été doté d’un îlot ceinturé d’un canal à deux niveaux et accessible par quatre petits ponts». 6 Cet îlot, destiné à la danse, fut supprimé par Jules Hardouin-Mansart en 1707. Il faudra attendre le règne de Louis XV pour voir Versailles se doter d’un théâtre à l’italienne en 1770, l’Opéra Royal dont nous verrons les spécificités plus loin dans ce chapitre.

Versailles et les fêtes de cour sous le règne de Louis XIV - Établissement public du musée et du domaine national de Versailles 5 Vincent Pruchnicki, « Un théâtre au château de Versailles : la comédie de la cour des Princes», Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles, Articles et études, mis en ligne le 12 octobre 2009, URL : http://crcv.revues.org/10909 ; DOI : 10.4000/crcv.10909 - consulté le 22/10/17 6 Le jardin à la française, Versailles et André Le Nôtre, URL: https://andrelenotre.com consultée le 10/10/17 4

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Fig 4. La représentation de Georges Dandin, comédie-ballet de Molière et Lully. Gravure par Jean Le Pautre, 1678. Salle des princes,Château de Versailles. Source : Versailles et les fêtes de cour sous le règne de Louis XIV - Établissement public du musée et du domaine national de Versailles

Fig 5. Vue du Bosquet de rocailles ou salle de bal à Versailles de François de Poily et Adam Perelle. Source: url https://andrelenotre.com

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1.1.4 L’academie royale de danse Afin de sauvegarder les techniques transmises par la tradition orale, Louis XIV fonda en mars 1661 l’Académie Royale de Danse. Cet acte illustre sa passion pour la danse, discipline qui fait alors partie de l’éducation de tout jeune seigneur au même titre que l’escrime et l’équitation. Louis XIV danse dès l’âge de sept ans et à quinze ans, il incarne le Soleil levant dans le Ballet de la nuit (1653), ce qui lui vaut le surnom de Roi Soleil. Très bon danseur, il multiplie ensuite les prestations dans les ballets jusqu’en 1669, année de ses 31 ans. L’objectif de l’académie était de théoriser et de normaliser la danse, participant ainsi à la transmission de la « belle danse », ancêtre de la danse classique, ainsi qu’à la naissance de l’école française de danse et à son rayonnement à travers l’Europe. Cette «belle danse», qu’on appelle aujourd’hui danse baroque (puisque accompagnée de musique baroque) mettait en évidence les figures et les combinaisons géométriques que la chorégraphie dessinait au sol, à travers le riche répertoire de pas. La création de l’Académie Royale de Danse permet à l’art chorégraphique, jusqu’alors réservé au divertissement de la Cour, d’investir plus largement les scènes de théâtre. Avec la création de l’académie Royale de Musique en 1669, danse et musique se rejoigne pour former l’institution de l’Opéra de Paris. Les deux siècles suivant sa création, il changera onze fois de lieu, ressencé dans l’histoire de l’Opéra de Paris: «Il occupe ainsi les salles de la Bouteille (1670-1672), du Jeu de paume (1672-1673), du Palais-Royal (1673-1763), des Machines (1764-1770), la seconde salle du Palais-Royal (1770-1781), des Menus-Plaisirs (1781), de la Porte Saint-Martin (1781-1794), de la rue de Richelieu (1794-1820), le Théâtre Louvois (1820), les salles Favart (1820-1821) et Le Peletier (1821-1873)».7 Sous Louis XIV, la danse investira non seulement les salles des palais, les jardins de Versailles mais aussi les scènes des théâtres parisiens.

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Article en ligne: Rubrique Histoire URL: https://www.operadeparis.fr - consulté le 04/11/17

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Fig 6. Histoire du théâtre déssinée, A.Degaine, Nizet 1992 Remarque: La salle à l’italienne a elle aussi son histoire. Sa forme découle des amphithéatres antiques de plein air. La forme de fer à cheval permettait d’optimiser la position des spectateurs face à la scène de manière frontale. Dans son livre «Histoire du théâtre dessinée», André Degaine retrace l’évolution des scènes de théâtre de la préhistoire à nos jour.

Fig 7. Opéra Royal, Versailles. sourceURL: http://www.chateauversailles.fr/

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1.2 LE MODÈLE DE LA SCÈNE ITALIENNE 1.2.1 transition architecturale Avec la construction de structures permanentes sous l’impulsion de la création de l’Opéra de Paris, la danse passe de la cour au théâtre. La France va progressivement passer de la salle à la française à la salle «à l’italienne». La conception italienne en matière de construction théâtrale est une salle en forme de U, dit en «fer à cheval», elle aussi structurée en plusieurs étages/balcons, «dont l’axe coïncide avec le point de fuite de la perspective scénique; et une loge royale située dans cet axe et d’où l’illusion du décor atteint sa perfection.» 8 On constate alors que le point de fuite unique privilégie la place du roi, et qu’en fonction de sa place, la perspective est donc plus ou moins bonne. En ce qui concerne la scène, elle est surélevée par-rapport au parterre et accueille progressivement orchestre et places assises, alors que jusqu’alors le public assistait debout à la représentation. En France, l’Opéra Royal de Versailles (Fig 7) construit en 1770 est la première salle construite « à l’italienne». Conçu par l’architecte Ange-Jacques Gabriel, la France est de plus en plus influencée par le savoir faire des architectes italiens; «Louis XV laisse Gabriel mûrir son projet et accepte l’envoi d’architectes français en Italie dans le but de procéder à une véritable tournée d’inspection des plus belles salles de la péninsule.»9 Le ballet de cour se résumait pour l’essentiel à un jeu de figures géométriques tracées sur le sol des salles de bal par les mouvements des danseurs. Ce nouveau cadre scénique à l’italienne va influer sur les codes et règles du ballet et va donner une dimension nouvelle à la représentation: «d’une danse planimétrique, on passe à une danse stéréométrique pour laquelle valent les lois de la perspective. Les décorateurs et les chorégraphes vont donc mettre en place, à travers une architecture scénographique, des images en quelque sorte tridimensionnelles, qui jouent sur la profondeur de champ en créant des niveaux, et qui ouvrent littéralement sur la ligne de fuite de l’infini. Les lieux du spectacle dans l’Europe du XVIIe siècle: actes du colloque du Centre de recherches sur le XVIIe siècle européen, Université Michel de Montaigne, Bordeaux III, 11-13 mars 2004 Volume 165 de Biblio 17, ISSN 1434-6397 9 Les Gabriel, Premiers architectes du roi http://www.chateauversailles.fr/decouvrir/ histoire/gabriel- consulté le 15/11/17

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Fig 8. Représentation de Giselle en l’honneur de la visite officielle du tsar Alexandre II à l’Opéra de Paris (salle Le Peletier) le 4 juin 1867 - Lithographie de Colle Imerton (vers 1870)

Fig 9. Plan de l’Opéra Garnier de Paris source: wikimedia: Charles Garnier’s Paris Opéra: Architectural Empathy and the Renaissance of French Classicism, p. 101

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(...) L’espace est organisé en supposant un spectateur immobile, placé à distance, regardant dans une seule direction les images proposées, donc soumis au pouvoir merveilleux de l’illusion scénique.» 10 Le décor est donc conçu comme un tableau mis en relief par des plans successifs du décor et l’organisation des mouvements prend alors en considération les lois de la perspective: «La splendeur d’une chorégraphie d’ensemble tient alors à la manière dont plans, lignes et axes de l’espace se matérialisent dans l’oeil du spectateur.»11 Dans la capitale, de nombreux théâtres vont être construit sur le modèle des théâtres italiens, tel que l’Opéra Le Peletier (Fig 8) de 1821 à 1873. Lui succéda l’Opéra Garnier (Fig 9), commandé par Napoléon III, inauguré en 1875 et encore utilisé aujourd’hui par les danseurs de l’Opéra National. Les salles de spectacle parisiennes ont vu se succéder différentes technologies d’éclairage au cours des trois derniers siècles. «Si la lampe à huile a remplacé les bougies et chandelles à la fin du XVIIIe siècle, elle a elle-même été supplantée par le bec de gaz à partir de 1820. L’électricité s’imposa dans des conditions bien différentes dans les années 1880, puisque ce sont les incendies qui incitèrent les pouvoirs publics à expulser le gaz des salles de théâtre.»12 Mais, à travers les variations des modes d’éclairage, il ne s’agit pas seulement d’apporter la lumière dans un espace clos, mais bien de permettre des jeux de mise en scène. Les effets de lumière et les gammes de couleur complètent alors la machinerie toujours plus impressionnante des décors. Ce n’est qu’au début du XXe siècle que l’obscurité est imposée, la lumière était maintenue dans la salle pendant toute la durée des spectacles. C’était un lieu mondain et de représentation d’une classe sociale privilégiée, on venait voir un spectacle mais on venait aussi pour être vu.

Marie-Thérèse Mourey, - Université Paris IV Sorbonne - Colloque Ecole Doctorale iV - 11-13 juin 2009 L’art du ballet de cour au XVIIe siècle: poétique de l’image animée. http://lettres.sorbonne-universite.fr/ - consulté le 12/10/17 11 Anne Décoret-Ahiha, «L’espace scènique» URL: http://www.numéridanse.fr consulté le 22/10/17 12 Finot André, « L’éclairage dans les spectacles à Paris du XVIIIE siècle au milieu du XXe siècle », Annales historiques de l’électricité, 2009/1 (N° 7), p. 11-23. DOI : 10.3917/ahe.007.0011. URL : https://www.cairn.info/revue-annales-historiques-de-lelectricite-2009-1-page-11.htm / - consulté le 12/10/17 10

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Fig 10 - Pierre Rameau, «Le Maître a danser, publié à Paris en 1725 source: https://archive.org/details/lematredanserq00rameuoft

Fig 11. Edgar Degas, Classe de danse, 1871. Newyork Metropolitan Museum of Art.

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1.2.2 L’apprentissage du ballet L’apprentissage du ballet de cour se faisait grâce à des «maîtres à danser» (Fig 10) qui avait pour rôle d’enseigner les pas de danse mais également d’apprendre aux jeunes aristocrates la manière de se tenir en société. «L’art de la danse fait partie de l’art de vivre de la bonne société et doit pouvoir s’exercer dans son cadre de vie habituel. Le lieu de travail apparaît donc comme peu spécifique: bien souvent, les leçons de danse ont simplement lieu au domicile du maître (...) les leçons peuvent même se dérouler au domicile de l’élève.» 13 Ceci soulignant bien que l’apprentissage ne requiert pas de lieu ni d’équipement spécifique. À la fin du XVIII siècle apparaît le ballet romantique et la danseuse légère et aérienne. Pendant deux siècles les lieux de représentations de la danse vont très peu varier, les spectacles prenant place quasi exclusivement sur les scènes parisiennes des grands théâtres à l’italienne que nous utilisons encore aujourd’hui tel que l’Opéra Garnier. En 1784 Louis XVI dote officiellement l’Opéra d’une Ecole de danse ce qui va permettre la professionnalisation de la discipline, engendrant ainsi une création d’espaces de travail et de répétition qui ancreront les bases architecturales des studios de danse d’aujourd’hui. Le maître à danser devient quant à lui «maître de ballet». Généralement danseur lui-même, ce dernier est chargé de composer les danses, il distribue les rôles et organise les répétitions. 1.2.3 LES SALLES DE DANSE classique DU XIX et XXe SIECLE À travers le travail de Degas, véritable témoignage du monde de la danse classique, nous avons la possibilité d’identifier les éléments caractéristiques d’une salle de répétition au XIXe siècle. «La salle de danse commence à se formalisée en temps que telle par la présence d’un piano. Auparavant le maître de danse s’accompagnait lui même à la «pochette», sorte de petit violon.»14 (Fig 11).

Marie Glon et Annie Suquet, En studio, la danse entre lieux et non-lieux , Les lieux d’une pratique nomade, pour une histoire du studio de danse - Repères, cahier de danse n°31, p.3, avril 2013, p 3. 13 ,14

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C’est également à cette période qu’apparaît un autre élément qui identifiera désormais la salle de danse : le miroir. Dans le tableau de Degas, le miroir est trop petit pour se prêter à un regard permanent du danseur sur son image comme dans les studios d’aujourd’hui. Il servait à «tester» une attitude, améliorée une position, un geste en observant son reflet ponctuellement. On observe également un autre élément présent encore aujourd’hui dans la salle de danse, la barre. Maurice Brian nous dit dans un texte publié en 1953 « un élément indispensable des studios, c’est la barre, en bois, fixée aux parois, tout autour de la salle.»15 Cette dernière est déjà présente au XIX siècle comme l’illustrent les oeuvres de Degas. La matérialité avait déjà toute son importance au XIXe siècle. Le sol était recouvert du parquet, autrefois humidifié pour le rendre moins glissant, d’où la présence d’un arrosoir à proximité.

Marie Glon et Annie Suquet, Les lieux d’une pratique nomade, pour une histoire du studio de danse - Repères, cahier de danse n°31, p.3, avril 2013. 15

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1.3 LA SCÈNE MODERNE 1.3.1 De nouveaux espaces scÉniques Au début du XXe siècle, en Allemagne et aux États-Unis apparaît la danse moderne. L’espace scénique devient l’objet de recherches et d’expérimentations, «artistes et penseurs de tous bords se sont réunis pour chercher d’autres voies de création et de vie en réactions aux codes et aux conventions de la société bourgeoise d’alors.»16 Incompatible avec la volonté d’instaurer une véritable connexion entre la salle et la scène, le modèle italien est mis de côté au profit de formes qui permettent une interpénétration de deux mondes, celui du danseur et du spectateur. Le théâtre adopte ainsi un dispositif scénique frontal, public et scène se font face. Les recherches menées par le metteur en scène Adolphe Appia avec le rythmicien Emile Jacques-Dalcrose autour de la tridimensionnalité débouchent même sur la création d’un théâtre nouveau à Hellerau (Fig 12). «Entre 1909 et 1914, le théâtre d’Hellerau devient un lieu d’expérimentation artistique majeur dans l’Europe d’avant-guerre, s’inscrivant dans le mouvement des « anticonservatoires » visant à renouveler les pratiques scéniques.»17 Le théâtre d’Hellerau est donc l’un des premiers espaces théâtral moderne, où le spectacle n’est plus objet de consommation mais un événement vécu par tous. Dorénavant la perspective n’est plus la règle absolue, on tend vers une scène libre de ses dispositifs traditionnels. Ce nouvel espace ne contient pas d’installations permanentes, ni scène, ni rideau; l’espace du danseur et du spectateur n’est plus limité, «le public et les artistes devrait se fondre dans une unité spirituelle et sensuelle.»18 Le théâtre est imaginé avec une fosse d’orchestre rétractable, des éléments scéniques amovibles et les rangées de sièges de spectateurs que l’on peut retirer. Jusqu’ici, la danse évoluait dans un espace plan limité par le public auquel le danseur faisait face. Désormais il existe une interaction entre le public et les danseurs dans une nouvelle profondeur. Julie Charrier-Duret, «Danses dehors», p1 URL: http://www.numéridanse.fr - consulté le 22/10/17 17, 18 Anne Pellois et Mireille Losco-Lena, L’expérience d’Hellerau : laboratoire de la scène, utopie de la Cité URL http://repex.hypotheses.org/233 - consulté le 19/10/17 16

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Fig 12. Théatre nouveau à Hellerau Source URL https://library.calvin.edu/hda/node/2168

Fig 13. source: http://www.arch-m.de/projekte/ hellerau/entw-te.html

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Fig 14. source: https://www.baunetzwissen.de/


Fig 15. Isadora Duncan by Edward Steichen, 1923 source:http://agalmatalc.blogspot.fr/2010/02/isadora-duncan-sculpture-vivante. Copyrights Courtesy Joanna T. Steichen / Carousel Research Inc. / Courtesy George Eastman House

Fig 16.

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1.3.2 multiplicitÉ des lieux investis À l’heure de la révolution industrielle où la machine menace de soumettre le corps, émerge un mouvement de retour à la nature, vers un corps libre et saint, qui aspire à libérer le corps de toutes contraintes. La danse commence à s’exporter hors les murs des théâtres sous l’impulsion de danseurs et chorégraphes tel que Rudolf Laban. Lorsqu’éclate la première guerre mondiale, Laban créé en Suisse, sur le Monte Verita, (Fig 16) un lieu de rencontre où se cherche un idéal de vie en harmonie avec la nature, un espace d’expérimentation échappant à la vie citadine. Les danseurs nus ont pour «cadre scénique» la nature, ils sont libérés de toutes contraintes formelles et esthétiques. Rapidement, de nombreux danseurs modernes vont rejoindre ce mouvement, initiant les idées utopistes du début du XXème siècle. L’américaine Isadora Ducan participera d’ailleurs à ces «cours d’été» de Laban, et de son côté, elle recherchera à travers sa danse un retour au geste simple, libre, intuitif et investira divers lieux intérieurs comme extérieurs: «Elle danse partout pieds nus. Sur les planches des théâtres parisiens. Sur le parquet ciré des appartements cossus. Sur le sable des plages à la mode. Sur le marbre des villégiatures de ses nombreux admirateurs. Sur la terre des mauvais chemins. Sur le gazon des propriétés des gens qui comptent.»19 Elle arpente le monde et la nature qui l’entoure et ira jusqu’à effectuer un voyage spirituel pour pratiquer sa danse au pied de l’architecture monumentale de l’acropole d’Athène en 1920. (Fig 15) Tandis que fleurissent dans l’Europe du début du XXe siècle, des salles de danses, principalement destinées à l’enseignement de la danse classique, de nouvelles formes de danse se cherchent. La danse pourtant jusqu’alors très écrite, s’expérimente et se laisse inspirer par la beauté de la nature ou de l’architecture environnante. Mais c’est aussi la définition de la salle de danse, telle qu’elle s’est imposée dans les décennies précédentes, qu’il s’agit de repenser pour la danse moderne. Un nouveau nom apparaît pour désigner l’espace

Thierry do Espirito guide-conférencier URL: http://www.tde.fr/isadora-duncanbiographie/ consulté le 22/11/17 19

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de travail du danseur: le studio. «Ce terme, issu du latin studium (étude), est utilisé en anglais depuis 1819 au moins pour designer un atelier d’artiste (ou plus spécifiquement un atelier d’artiste disposant des commodités d’un appartement). Il semble que l’on doive aux danseuses américaines la transposition de ce mot à la danse.» 20 Ainsi on peut dire que le studio était à la fois un lieu de vie et de pratique pour les artistes. Pour la danse, il s’agit de revendiquer un espace qui ne soit pas directement assimilable à la «salle de danse» classique, et qui se rapproche symboliquement d’autres lieux de travail artistiques où s’exerce d’autres danses. 1.3.3 LES THEORIES DE L’ESPACES En Allemagne, après la première guerre mondiale, surgit une volonté de clarification de la danse, selon les principes de l’école d’architecture du Bauhaus, dont l’objectif est de domestiquer la société industrielle en l’intégrant dans la vie quotidienne. Les aspirations du Bauhaus s’appliqueront à la danse grâce à une multitude d’artistes qui s’affranchiront des codes traditionnels. C’est ainsi, dans cette dynamique de changement, que Rudolf Laban transforma la danse et l’espace dans lequel elle évoluait. Il creuse cet espace, lui restitue une profondeur. Il conçoit le mouvement dans un espace volumétrique dont la forme serait un icosaèdre c’est à dire un volume à directions multiples. (fig 17) L’espace devient un partenaire qui se déplace en même temps que le danseur. Oskar Schlemmer, artiste multidisciplinaire et professeur à l’École du Bauhaus développera lui aussi sa théorie de la danse et changera le rapport du danseur à l’espace de la scène: «Cette scène s’est affranchie de la logique perspectiviste, en s’ouvrant sur deux fronts, l’amphithéâtre et la cantine, jouxtant ainsi un lieu de vie. Elle réduit aux dimensions simples d’un cube scénique et permet d’expérimenter l’élémentaire: une géométrie simple figurée par le carré, pourvu de ses axes et diagonales que le danseur arpente bien souvent suivant ses lignes dessinées au sol.»21

20 Marie Glon et Annie Suquet, En studio, la danse entre lieux et non-lieux , Les lieux d’une pratique nomade, pour une histoire du studio de danse - Repères, cahier de danse n°31, p.3, avril 2013, p.7 - consulté le 02/10/17 21 Julie Perrin , Habiter en danseur, Revue du périmètre scénique en art Re/Penser la skéné, acte performatif Laurent PICHAUD, 2013, p 10

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Il importe en effet de savoir, écrit Schlemmer, combien les données de l’espace scénique: hauteur profondeur et largeur, sont liées les unes aux autres ainsi qu’au corps humain. «L’espace théâtral idéal devrait être une structure architectonique subtilement déterminée par la mesure du corps humain.» 22 Schlemmer recherchera la simplification du mouvement à travers un cadre scénique nouveau et simplifié, par un répertoire de pas réduit et imposera à ses danseurs des costume-architecture afin de limiter les possibilités de mouvements: «il abstrait, simplifie, réduit les possibilité de la gestualité aux dimensions d’une géométrie élémentaire.» 23 Le travail de Schlemmer se résume en l’épuration du mouvement dansé et du lieu dans laquelle elle s’inscrit. La danse moderne dans l’Allemagne et les Etats Unis des années 30 occupera plus de place que la danse classique, alors qu’en France elle dominera jusque dans les années 60. Les disciples des chorégraphes et danseurs vont créer des écoles à travers l’Europe et aux Etats Unis. Grâce à ces échanges artistiques, la danse moderne s’étend alors à travers le monde.

22 Julie Perrin , Habiter en danseur, Revue du périmètre scénique en art Re/Penser la skéné, acte performatif Laurent PICHAUD, 2013. p 10 23 Roland Huesca, Danse, art et Modernité, au mépris des usages, Presse Universitaire de France, 2012, p90.

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Fig 17. Concept de kinesphère par Laban source: berthetandrea.wordpress.com

Fig 18. Extrait de l’Homme et la figure de l’art Source: Oskar Schlemmer, Collectif sous la direction de Corinne Diserens & C. Raman Schlemmer, Oskar Schlemmer : exposition, Marseille, Musée Cantini, 7 mai - 1er août 1999, édition RMN / Musées de Marseille, 1999, p. 129.

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Fig 19. Trisha Brown, Roof Piece, 1973 / © Babette Mangolte 1973

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1.4 La scène post modernE ET CONTEMPORAINE 1.4.1 DANSER LA VILLE Au début des années 60, le courant postmodern américain, pose la question de la scène et du rapport à la représentation, au spectaculaire. Il remet en cause les codes du spectacle et décrète que la danse peut avoir lieu partout. Trisha Brown, l’une des initiatrices du mouvement, fait descendre la danse dans les rues, dans les parcs, sur les façades et sur les toits de New-York. Les ateliers qu’elle donne dans des lieux alternatifs développent l’art de l’improvisation. En 1973, dans sa chorégraphie «Roof Piece» (Fig 19) les danseurs étaient placés sur différents toits d’immeubles et le public partout autour, sur les toits à proximité, sur les trottoirs ou encore depuis les fenêtres voisines. Trisha Brown propose non seulement une danse nouvelle mais aussi un statut de spectateur différent. Ce dispositif permet d’offrir au spectateur une grande variété de points de vue sur la performance, et aux danseurs, une grande variété directionnelle pour s’exprimer. Dans les années 80, les espaces publics et quotidiens deviennent des lieux d’expérimentation multiples pour les danseurs. Pour Georges Perec, « ils proposent au cours de leur improvisations, de multiples points de vues sur la ville (...) cet usage particulier de la ville permet de vivre des expériences émotionnelles singulières et inédites». 24 Le rapport danseur/spectateur change: le danseur ne se meut désormais plus dans un rapport frontal, comme il était contraint dans le théâtre traditionnel à l’italienne, mais peut tourner le dos au public qui est libre de choisir ce qu’il veut voir.

24 Georges Perec cité parRoland Huesca, Danse, art et Modernité, au mépris des usages, Presse Universitaire de France, 2012, p174

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1.4.1 DANSER au musÉe De nombreux chorégraphes ont suivi les chemins de liberté et d’appels au hasard ouverts par les danseurs modernes dont l’américain Merce Cunningham. Ces chorégraphes contemporains fuient la beauté formelle, les contraintes du quotidien. Ils souhaitent retrouver en quelque sorte les sources primitives de la danse faite d’intuition et d’improvisation. Ils continuent à critiquer les conventions esthétiques et prônent le geste « brut ». Le caractère esthétique du spectacle est remis en question, ils favorisent les gestes vécus au quotidien tel que la marche, la course, les gestes répétitifs et le tournoiement sur soi-même. En 1964, lors de sa première tournée mondiale, la Merce Cunningham Dance Company a été engagée à Vienne au Musée du XXe siècle pour exécuter une représentation. Lorsque les danseurs sont arrivés, ils ont constaté que le musée n’avait ni théâtre ni scène. Contraint d’improviser, Cunningham invente un nouveau format qu’il appelle un «Event» (Événement) : un collage d’extraits de danses existantes qui peuvent être réalisées sans décor ni éclairage particulier et qui ne dépendent pas des sorties et des entrées de scène conventionnelles. La flexibilité de ce format signifiait que les événements pouvaient être effectués dans pratiquement n’importe quel cadre ou lieu. Comme l’a noté Cunningham, cela permettait «pas tant une soirée de danse que l’expérience de la danse»25. Après le premier événement du musée, la compagnie de Merce Cunningam a présenté plus de 800 événements dans des parcs, des places, des jardins, des théâtres extérieurs, des musées, des galeries, des gymnases et des gares ferroviaires. Aujourd’hui encore, tous ces lieux sont expérimentés par les danseurs et les chorégraphes du monde entier. «on est passé de adapter le lieu à la performance a adapter la performance au lieu» 26

25

Sylvie Clidière et Alix de Morant, Extérieur Danse, essai sur la danse dans l’espace public, édition l’Entretemps, 2009, p85 26

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Fig 20: Invitation: 7 Young Artists, Walker Art Center, March 12, 1972. Photo: James Klosty, courtesy the artist

Fig 21: Merce Cunningham Dance Company performing Event #32 in the gallery alongside Mario Merz’s Fibonacci Igloo (1972), Walker Art Center, Minneapolis, March 12, 1972. Photo: James Klosty, courtesy the artist

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Le XXIe siècle change la donne avec la danse contemporaine, qui met en avant un désir de se renouveler sans cesse et dans la multiplication des lieux investis. De nombreuses expérimentations sont aujourd’hui menées pour appréhender le champ des possibles d’un corps. Souhaitant démocratiser la danse, les chorégraphes contemporains font parfois appel à des non-danseurs: simples participants dont le corps n’est pas celui d’un danseur. De nouveaux lieux sont utilisés: rues, terrasses de gratte-ciels, parcs, bibliothèques, musées. Depuis Merce Cunningam, plutôt que des spectacles, on peut parler de performances ou happenings. Aujourd’hui, des liens s’établissent avec tous les arts. De nombreux chorégraphes travaillent en collaboration avec des architectes qui élaborent des dispositifs scéniques avec lesquels viennent interagir les danseurs. La danse s’éloigne de la virtuosité pour rejoindre le rang d’art polémique en plaçant le corps comme principal médium d’expressions et d’expérimentations.

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Conclusion première partie Nous avons pu voir à travers cette première partie l’évolution des lieux investis et consacrés à la danse. C’est à la Renaissance que l’on voit la danse émerger et se formaliser en temps qu’art, d’abord à la cours des rois, puis au XVIIIe siècle la danse se formalise et prend place dans de grandes salles sur le modèle des scènes italiennes. Pendant deux siècles, la danse de ballet va ancrer ses codes pour aboutir à la danse classique que nous connaissons aujourd’hui. En parallèle, s’est développée au début du XXe siècle la danse moderne en Allemagne et au Etat Unis où la danse est sortie petit à petit du cadre scénique conventionnel pour investir de nouveaux lieux. Enfin après la seconde guerre mondiale apparaît la danse post-moderne et contemporaine, multipliant davantage les différents lieux, la danse devient évènement et peut aujourd’hui s’exporter à priori partout.

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partie II les invariants architecturaux nécessaires À la danse

2.1 ESPACE DE REPRÉSENTATION : De l’espace scÉnique traditionnel du théâtre au studio-scène. 2.1.1 Rapport danseur / spectateur Danse et architecture ont évolué toutes deux suivant les courants de l’époque et ont subit les mêmes remises en question au début du XXe siècle. En ce qui concerne l’espace de représentation scénique, nous avons pu voir qu’il y a eu une transition architecturale notable entre la scène dite à la française et la scène dite à l’italienne au cours du XVIIIe siècle. Mais c’est l’apparition de la danse moderne et contemporaine qui a engendré des changements dans le rapport danseur / spectateur. Les espaces de représentations scéniques traditionnels fixent la relation danseur / spectateur: 1- Le dispositif scénique est frontal, le point de vue est unique.

VUE FRONTALE

2- L’espace du spectateur est physiquement séparé de l’espace du danseur: d’une part, par le décor qui forme un cadre autour de l’espace de la scène et d’autre part, par la scène surélevée. Le danseur lui est limité par les dimensions de la scène. 3- Le public est passif, tout le monde reçoit la performance de la même manière.

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Typologies traditionnelles

salle a l’italienne

salle a dispositif frontal fixe

Depuis le XXe siècle beaucoup d’évolutions ont eu lieu. Nombre d’entre elles furent d’ordre esthétique, mais certaines expériences conduisirent à de nouvelles architectures théâtrales. Parfois utopiques, comme le théâtre sphérique qui permet de rompre avec le point de vue unique du spectateur. Ces expériences menèrent également à de nouvelles salles dites transformables, comme le théâtre d’Hellerau, qui unifient scène et salle. Les scènes qui se construisent aujourd’hui dans les bâtiments accueillant de la danse ne s’appuient plus sur le modèle italien qui n’est plus le modèle dominant (encore très largement utilisés, les théâtres à l’italienne se sont adaptés aux exigences modernes, mais ils continuent de permettre encore et toujours les changements de décors.) Les nouvelles aspirations de la danse moderne et contemporaine requièrent un autre type d’espace scénique, plus libre et modulable. On recherche désormais un espace qui puisse accueillir n’importe quel discours chorégraphique. On parle donc aujourd’hui de «studio-scène», un lieu capable d’être à la fois espace de création et espace de représentation. Les studios-scène sont soit fixes soit transformables. Ces derniers ont les gradins amovibles et les possibilités d’aménagements sont multiples. La scène n’est plus surélevée donc le chorégraphe peut choisir de faire investir plus ou moins d’espace à ses danseurs. Le rapport danseur / spectateur peut donc être multiple. L’espace du spectateur et celui du danseur ne sont plus limités physiquement, il devient lieu d’expérimentation.

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Le studio-scène transformable 1- Le dispositif scénique est transformable le point de vue peut être multiple.

VUES MULTIPLES

2- L’espace du public et de la scène ne forment plus qu’une seule et même surface qui peut être aménagée/investie différemment. 3- Le public est engagé, chacun peut observer la chorégraphie à sa manière, il n’est plus soumis au dispositif frontal. Typologies expérimentales des salles transformables

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2.1.2 DU DÉCOR À LA SCÈNOGRAPHIE «Autrefois, l’artiste était invité à concevoir un décor. On préfère aujourd’hui parler de «scènographie» ou de «dispositif» pour designer ces interventions plastiques très diversifiées, qui prennent en charge tout l’espace scénique et ont des implications déterminantes sur la chorégraphie et sur la perception qu’en a le spectateur.»27 En effet jusqu’aux années 1870, le décor de scène se limite le plus souvent à la traditionnelle toile peinte placée en fond de scène, réalisée de façon académique par des artisans. L’emploi de la perspective prédomine, les décors se succèdent pour créer un effet de profondeur. C’est Adolphe Appia, scénographe et metteur en scène, qui initie la transition du décor vers la scénographie en passant de la 2D à la 3D dans son théâtre à Hellerau. (voir partie 1) Le point de fuite unique n’étant plus la règle absolue, on utilise des dispositifs scèniques et/ou architecturaux qui créent de nouvelles profondeurs, de nouvelles dynamiques. Si l’on compare la composition scénique de la chorégraphie du Lac des cygnes et celle imaginée par Adolphe Appia, la perception de l’espace par le spectateur est totalement différente. D’un côté le regard du public est orienté par la perspective à un point de fuite, de l’autre, les éléments scéniques 3D composent l’espace de la scène dans une autre dynamique. DÉCOR

SCÉNOGRAPHIE Toile peinte en perspective

Nouvelle profondeur crée par la scénographie 3D

Profondeur crée par la succéssion de décors

Anne Décoret-Ahiha, «Danse et arts plastiques», URL: http://www.numéridanse.fr - consulté le 17/12/17 27

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Fig 22. Scène du Lac des cygnes Symétrie de la composition scénique - point de fuite unique - profondeur créée par la perspective. Les danseurs n’entrent pas en interaction avec le décor en deux dimensions. Architecture = Support

Fig 23. Scénographie d’Adolphe Appia - Théatre d’Hellerau Pas de symétrie de la composition scénique - dynamisme de l’espace grâce à l’architecture en 3 dimensions. Les corps des danseurs montents et descendent les marches, ils investissent totalement la scènographie. Le parcours se dessine dans l’oeil du spectateur. Architecture = Partenaire

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2.1.3 Rapport DANSEUR / architecture Architecture «support» ou «partenaire» ? La danse classique n’entre généralement pas en relation avec la scénographie qui n’a la fonction unique que de décor, comme dans le ballet du Lac des cygnes, nous parlerons alors d’architecture «support» (p 41). Or les danses modernes et contemporaines ont permis de créer des relations entre l’architecture et les corps des danseurs. Ils peuvent dorénavant interagir avec la scénographie qui devient «partenaire». Le chorégraphe Fréderique Flamand centre son travail sur cette relation, se basant sur la capacité de l’architecture à modeler l’espace lui-même avec l’intention de définir le mouvement. Pour cela il collabore avec des architectes et des artistes pour créer des dispositifs scéniques participant à son discours chorégraphique. Il recherche à influencer les corps des danseurs et les contraints à s’adapter à la scénographie. « Ce qui m’intéresse le plus c’est confronter le corps à un système qui oblige un comportement. » 28 - Frédéric Flamand Face à ces «architectures partenaires» les danseurs évoluent dans la superposition, le dessus, le dessous; ils montent, descendent de la structure, tournent autour. Au cours d’une interview les danseurs ont confié leurs difficultés à s’adapter à certaines scénographies, car ils ne pouvaient danser librement. Mais au fil des répétitions, ils prennent possession des dispositifs, dansent avec et s’en nourrissent.

Metapolis_Zaha Hadid_2007 28

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Body / Work / Leisure_Jean Nouvel_2001

Frédéric Flamand, LOTUS INTERNATIONAL, 2004 nov. n°122, p20

Source images: Fabrizio Plessi, Marin Kasimir, Frédérique Flamand & Fernando& humberto Campana, Dominique Perrault, Thom Mayne, Jean Nouvel, Zaha Hadid, Diller+ Scofidio , édition ACTES SUD, 2008.


2.1.4 LUMIÈRE & TECHNOLOGIE L’arrivée de l’électricité va également être un facteur du bouleversement de la pratique du décor traditionnel. En effet «quand on éclaire le plateau sur toute sa profondeur - et plus seulement à l’avant scène comme on le faisait avec la rampe de chandelle - l’illusion de la toile peinte ne fonctionne plus.»29 Aujourd’hui la lumière n’est plus seulement utilisée pour éclairer le décor et les danseurs mais elle est devenue «matière» de travail, faisant partie intégrante du discours chorégraphique. De plus, les nouvelles technologies pénètrent de façon constante nos environnements contemporains, et plus particulièrement le terrain de la création artistique de la danse. La scénographie contemporaine utilise de plus en plus la technologie numérique: images et films sont projetés sur diverses surfaces de la scène. Dans la chorégraphie imaginée par Jessica Lang et Steven Holl, la projection de séquences filmées de danseurs en mouvement couplée aux danseur sur scène, crée une confusion dans ce qui est de l’ordre du réel et du virtuel. Grâce à la multiplication des dispositifs scéniques, la lecture de la performance devient propre à chaque spectateur. En ce qui concerne l’éclairage de la salle, la lumière était maintenue au théâtre durant toute la durée de la représentation jusqu’au XXe siècle. Puis la pénombre à été progressivement instaurée à tel point que l’architecture des salles modernes s’épure et s’assombrit. Les décors classiques des salles italiennes ont laissé place à la pénombre accentuée par les surfaces noires. On parle aujourd’hui du studio-scène comme de «boîte noire» où seule la lumière artificielle vient éclairer l’espace. C’est le cas par exemple pour le studio-scène de la Briqueterie à Vitry-sur-Seine et du Pavillon Noir à Aix-en-Provence (Fig 24, 25). Les nouveaux dispositifs d’éclairage impliquent une hauteur d’au moins 8m sur scène et de nouveaux espaces ont vu le jour avec l’évolution technologique comme les espaces de régies qui accueillent tous les équipements nécessaires à la gestion du son et de la lumière. Anne Décoret-Ahiha, «Danse et arts plastiques», URL: http://www.numéridanse.fr - consulté le 17/12/17 29

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Fig 24. Le studio-scène transfomable de la Briqueterie. source: Photo Studio scène © Luc Boegly

Fig 25. Studio scène_Pavillon Noir url: http://www.explorations-architecturales.com/

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2.2 Le studio: ESPACE D’APPRENTISSAGE ET DE CRÉATION Nous avons vu à travers l’histoire des lieux investis par la danse que l’on peut, à priori, danser partout. Mais la danse nécessite un lieu d’apprentissage. Dès le XIXe siècle les salles de danse se formalisent pour la danse classique mais ce n’est qu’au début du XXe siècle que l’on parlera de «studio» de danse. Ils émergent partout dans le monde, les artistes y travaillent dans une volonté de renouvellement de la danse en opposition aux codes de la danse classique. Les danseurs, comme Isadora Ducan, avaient souvent leur studio couplé à leur lieu de vie. Ils aménageaient des appartements et y enseignaient leur vision de la danse faisant alors du studio un lieu ouvert à toutes les expériences. Qu’en est-il aujourd’hui ? Danse classique, moderne et contemporaines sont pratiquées et enseignées dans les écoles du monde entier. Le studio est un lieu d’étude. Il est devenu non seulement un espace de formation et de création, d’entraînement et de répétition, mais aussi d’invention et de recherche. En France, de nombreux studios sont mis à disposition des danseurs et des chorégraphes dans diverses structures et notamment à travers les CCN (Centre Chorégraphique National) et les CDCN (Centre de Développement Chorégraphique National). 2.2.1 caractéristiques ARCHITECTURALEs DU STUDIO À travers la peinture de Degas, nous avons pu voir que l’apprentissage de la danse nécessite un espace spécifique. Qu’en est-il des éléments qui se sont imposés comme des marques caractéristiques des lieux de danse? Le miroir: Sa présence est automatique dans les lieux d’enseignement. Généralement un des murs est recouvert de miroirs situé perpendiculairement aux murs ouverts de fenêtres. Par contre il est remis en question pour les temps de création. Le danseur ne doit pas trop se focaliser sur sa propre image mais doit se concentrer sur son corps et au ressenti des gestes. Un dispositif permettant d’occulter les miroirs peut être mis en place (rideaux, stores...). 45


Il arrive que certains studios soient aménagés sans miroirs, c’est le cas dans certains studios du CDCN du Val-deMarne, la Briqueterie. Par contre, il est utilisé sur scène devenant un élément scénographique. La vision du danseur est dédoublée, le spectateur a donc le choix entre regarder le véritable corps du danseur ou son reflet. (ci-contre Fig 26: chorégraphie Moving Target - Fréderic Flamand) Fig.26

La barre: son utilité est incontestable, elle s’est même aujourd’hui étendue au-delà des studios. Elle peut courir le long des couloirs et devenir garde-corps comme au Laban Dance Center à Londres. Elle peut également être amovible, c’est le cas pour les studios du Pavillon Noir de Rudy Ricciotti; les danseurs peuvent ainsi se rapprocher au plus près de la façade. Fig.27 www.plancher-spectat.com

Le sol: Le parquet a toujours une place dominante dans les studios de danse et est resté un des soucis majeur des concepteurs de Studios. «Un plancher de danse doit répondre à des caractéristiques de souplesse (effet ressort : impulsion), et d’amortissement (effet protecteur). Ces deux paramètres doivent être dosés soigneusement pour offrir à la fois une bonne dynamique et un confort satisfaisant.»30 La danse suicite l’invention de nouveaux types de planchers comme la technologie brevetée Spectat. «Les planchers ne sont pas posés sur des lambourdes mais sur des demi-balles de tennis, chacune étant percée d’un trou de 0,6mm, par lequel l’air s’échappe lorsqu’elle est mise sous pression.»31 (voir schéma ci-dessus Fig.27) L’amortissement et le rebons ainsi gérés protègent les articulations du danseur.

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30 Aménagement d’un studio de danse URL: https://www.cnd.fr/fr/ – juillet 2009 - consulté le 23/12/17 31 Maud Guerche, repere cahier de danse n°31,En studio, La danse entre lieux et nonlieux, avril 2013, p31


Le sol est la principale surface en contact avec les danseurs et pas seulement avec leurs pieds, mais avec leur corps tout entier. Les danses moderne et contemporaine investissent plus largement le contact avec le sol, la sphère basse, contrairement à la danse classique, qui prône la sphère haute. En plus de ses qualités techniques, le sol doit donc d’être entretenu et propre. La disposition des vestiaires par rapport au studio de danse à donc son importance puisqu’il faut limiter sinon éviter de marcher sur le sol de danse avec les chaussures de ville ce qui l’endommage et le sali. Il est intéressant de concevoir les espaces de vestiaires comme espace tampon entre l’espace pratiqué par tous (couloir) et le studio de danse. De la même manière que l’on sépare par zone à la piscine les espaces «propres» sans chaussures et les autres espaces. Claudine Perretti qui étudie les caractéristiques architecturales importantes dans une salle de danse destinée à l’enseignement, nous montre par son dessin l’importance de la disposition des vestiaires dans le plan pour éviter d’endommager et de salir au minimum le parquet.

Fig 28. Dessin de Claudine Peretti, Espace de pratiques de danse et de connaissance de la création chorégraphique, p 139.

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2.2.2 UN ESPACE D’inspiration Le studio doit accueillir plusieurs pratiques: celles du danseur qui peaufine son corps, celles du chorégraphe qui fignole son écriture, celles du pédagogue qui affine son enseignement; tout cela à la fois. D’un point de vue philosophique un studio représente aussi un lieu capable d’inspirer. Selon Dominique Dupuy, «il faut un sol pour l’accueil et l’élan, générateur d’énergie. Il faut une lumière sereine, propre à l’écoute. Le studio est un terrain d’écoute. (...) C’est une concentration de vide, une page blanche, qui va susciter et accueillir la matière vivante, toujours neuve, concrète et ineffable à la fois de la danse.»32 La valeur inspirante d’un studio dépend donc de ses caractéristiques architecturales. Construire du calme Le studio devant être propice à l’inspiration, il faut l’insonoriser pour filtrer les sons de l’extérieur et pour réduire les nuisances occasionnées par le studio vis-à-vis du voisinage. Les équipements de chauffage et de ventilation ne doivent pas perturber la concentration et l’écoute de la musique. Mais le calme se construit également au niveau visuel et c’est la façon de construire ce calme visuel que les studios diffèrent des uns des autres. Les couleurs ou la texture des murs ne doivent pas agresser la vue du danseur. On visera plutôt des teintes claires et des matières naturelles. Le blanc malgré son esthétisme peut devenir visuellement fatiguant. Le calme visuel est associé à la luminosité du studio. Il faut privilégier l’éclairage naturel direct ou indirect «qui permet l’absorption de la vitamine D»33, sinon un éclairage artificiel qui n’éblouit pas les danseurs.

Dominique Dupuy, Éloge du studio,Repères, cahier de danse n°31,avril 2013, p.17. Aménagement d’un studio de danse URL: https://www.cnd.fr/fr/ – juillet 2009 - consulté le 23/12/17 32

33, 34

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CONSTRUIRE DE L’ESPACE Même si chaque studio est différent, la plupart invitent le danseur à créer son mouvement dans le cadre d’une surface carrée ou rectangulaire d’au moins 100 m2 si l’on suit les recommandations du CND (Centre National de la Danse).34 Dominique Dupuy nous dit que «ce n’est point tant les dimensions qui comptent que leur rapport subtil qui donne à l’espace un sens»35. Dans la pratique, on considère que les angles droits favorisent la prise de repères dans l’espace par le danseur. Cette conception de l’espace met le danseur au centre de 4 directions principales (devant, derrière, gauche et droite), les murs courbes sont donc à éviter car on risque une perte de repères. Les studios se caractérisent également par leur hauteur sous plafond. Les studios de répétition et d’enseignement doivent selon les recommandations du CND, être hauts de 4,5m à 5m. Si la Manufacture à Aurillac, favorise un plafond bas pour le «recentrage sur soi», il est d’usage de concevoir des espaces hauts car l’évolution d’un danseur est bien plus grande que pour un usager normal. Les sauts et les portés font partis des pratiques dansées qui nécessitent une grande hauteur sous plafond. De plus, la grande hauteur sous plafond invite le danseur à investir une sphère haute de l’espace, pour que son geste ne soit pas freiné par un plafond trop proche. Ainsi on peut affirmer que les dimensions d’un espace influencent donc les pratiques des danseurs: Grands espaces = Invitations aux grands gestes Petits espaces = Recentrage sur soi, gestes restreints

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Dominique Dupuy, Éloge du studio,Repères, cahier de danse n°31,avril 2013, p.17.

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2.3 L’ expérience de l’espace par le corps Nous l’avons vu, la manière de concevoir un studio a un impact direct sur la pratique de la danse qui s’y déroulera, mais parler des studios de danse requiert de parler de ce qui s’en échappe. Nous avons déjà entrevu en première partie que la danse s’exporte dans divers lieux, diverses architectures non consacrées. Par le médium du corps en mouvement, le danseur expérimente l’espace du studio qui est construit pour lui permettre de travailler et de créer. Quelle expérience le danseur peut-il avoir en extérieur? 2.3.1 THÉORIE SELON POINCARÉ Il convient en premier lieu de parler de l’expérience de l’espace par le corps. Selon la théorie de Poincaré, l’espace en trois dimensions ne peut être appréhendé uniquement que par le mouvement et les sensations kinesthésiques du corps. Une théorie, qui selon Julia Beauquel se prête à la question de la compréhension du caractère relationnel de l’espace avec la danse. L’espace pour Poincaré n’est pas un cadre tout prêt dans lequel émergent nos sensations et représentations mais il se forme doucement, étape par étape, grâce à nos expériences sensorielles et motrices, par la relation entre les objets entre eux et par la relation d’un objet et de nos instruments de mesure, notre propre corps et toutes les sensations qui découlent de l’expérience du mouvement. Pour Julia Beauquel, la conception de Poincaré «rend compte du fait que les spectateurs de danse peuvent acquérir une certaine connaissance spatiale particulière par l’expérience visuelle des danseurs en mouvement.»36 L’évènement dansé donnerait donc au spectateur l’occasion d’être plus attentif à l’espace qui l’entoure et rejoint Dominique Dupuy affirmant que «danser c’est rendre l’espace visible».37 la creation in situ: il s’agit d’investir un lieu, dE le revéler. Beauquel Julia, Esthétique de la danse: le danseur, le réel et l’expression, Presses Universitaires de Rennes, coll. Aesthetica, 2014. 37 Sylvie Clidière et Alix de Morant, Extérieur Danse, essai sur la danse dans l’espace public, édition l’Entretemps, 2009, p80 36

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2.3.2 DANSER HORS LES MURS CONSACRÉS Ce qui change pour le spectateur? La danse en extérieur peut a priori se développer partout. L’histoire des villes nous a légué des espaces, des lieux de rassemblement propices à la représentation des arts. Ces espaces ponctuellement festifs et culturels tels que les places, les parvis, les parcs offrent des espaces dégagés, des respirations dans la masse urbaine, idéales pour les artistes qui veulent se mettre en scène au coeur de la ville. Ces espaces urbains offrent des volumes de prestations de grande ampleur et constituent eux même des entités remarquables du tissu urbain. La foule se rassemble généralement en ces lieux, c’est donc un large public qui peut être conquis par les arts de rues. Mais la danse investit aussi des espaces plus petits, moins remarquables. Les ruelles étroites, les espaces creux, font l’objet de travaux chorégraphiques tel que le projet Bodies In Urban Spaces du chorégraphe Willi Dorner qui cherche à occuper les espaces vides, les emplir de corps tels que les dessous d’escaliers, les recoins de portes afin de les réveler et proposer un autre point de vue de notre espace environnant. Selon Roland Huesca, la danse «stimulant les imaginaires, les vides, les pleins, les différences de niveaux, les choses et l’entre des choses, une fois revisités, donnent l’occasion d’investir et de percevoir autrement les espaces alentours.»38 Ce travail en extérieur permet donc de mettre en lumière des aspects de la ville auquels nous ne faisons par forcément attention.

Fig 29. Bodies In Urban Spaces, Willi Dorner

Roland Huesca, Danse, art et Modernité, au mépris des usages, Presse Universitaire de France, 2012, p 174.

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Dans l’ouvrage Extérieur Danse, Sylvie Clidière et Alix de Morant étudient la danse hors les murs consacrés. Pour eux, «il arrive que le parcours de quelques danseurs viennent troubler nos cheminements fonctionnels, nous rendent soudain attentifs à la matière du sol et du mur, à la mesure de notre corps dans l’espace environnant»39 Danser à l’extérieur c’est libérer ceux qui la pratiquent mais aussi ceux qui la regardent, sortir le passant de son parcours quotidien. La danse crée une suspension de temps dans le tumulte urbain et par sa présence, la danse donne une nouvelle fonction à la ville, celle de décors, de cadrage, de mise en scène architecturale. Et pour le danseur ? Danser à l’extérieur, c’est avant tout une mise en danger, une prise de risque dont la finalité peut être bonne ou mauvaise. Le danseur habitué à se mouvoir dans des espaces dédiés à la danse est déstabilisé lorsqu‘il sort de son environnement habituel. Un danseur qui s’aventure dans des espaces urbains, rues, places, parcs, s’expose à un certain nombre de variables parfois inconfortables: les conditions climatiques, la qualité et la dureté du sol, des parasites sonores ou visuels. «Dans la «boîte noire» du théâtre, le danseur aveuglé par les lumières, ne voit pas le public. En extérieur en revanche, le danseur voit les gens qui le regardent»40, ou pas, l’attention des spectateurs peut être plus ou moins flottante. Cette expérience de la rue engendre plus de risques que pour un danseur étant sur scène et toutes ces caractéristiques aléatoires demandent au danseur une capacité d’adaptation particulière. Ce mouvement pour beaucoup de chorégraphe n’a pas pour unique but de présenter des spectacles à l’extérieur, mais d’investir l’espace public, pour se nourrir de la ville, de l’urbain, de ses espaces, ses bruits, ses passants, ses habitants pour que dans un système d’échange équivalent, la danse viennent à son tour nourrir la ville par sa présence. Les artistes toutes disciplines confondues, cherchent à fondre l’art dans la vie. La ville devient un terrain de jeux et d’expérimentation. C’est l’exploitation du déjà là, contrairement à la scène où les décors et scénographies sont créés de toutes pièces. 39 Sylvie Clidière et Alix de Morant, Extérieur Danse, essai sur la danse dans l’espace public, édition l’Entretemps, 2009, p9. 40 Laurent Pichaud, Fair «voir du lieu» avec la danse, extrait de Repère cahier de danse - Novembre 2006, p19

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Conclusion de la deuxième partie À travers cette seconde partie de mémoire nous avons pu voir quels étaient les éléments essentiels à la pratique de la danse ainsi que les caractéristiques architecturales qui permettent d’accueillir la danse convenablement. Nous avons vu que l’architecture, qu’elle soit scénographie, espace de studio ou lieu externe, a le pouvoir d’influencer la danse. En contrepartie, la danse permet de faire voir l’espace. Par sa présence elle révèle le lieu ou elle prend place et rend le spectateur attentif, non seulement aux corps dansant mais à ce qui l’entoure. Ainsi danse et architecture entretiennent différentes relations importantes, essentielles à prendre en compte lorsqu’on construit un bâtiment destiné à accueillir de la danse.

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PARTIE III - CONCEVOIR POUR LA DANSE Au fil de ce mémoire nous avons évoqué les différents lieux investis par les danseurs, vu quel était notre héritage du passé, quels besoins en termes d’architecture la danse exige et enfin quels rapports peuvent entretenir les danseurs et les spectateurs avec l’architecture. De la recherche de la danse jusqu’à présent, il est évident que la danse influence l’espace perçu et l’espace influence la danse. Alors la question centrale qui se pose maintenant est comment conçoit-on aujourd’hui un bâtiment dédié à accueillir de la danse? Concevoir l’architecture est un processus complexe, qui implique, au-delà de sa mise en forme, la prise en compte de multiples facteurs d’ordres physiques, psychologiques, sociologiques, historiques, culturels, économiques, écologiques… Construire un bâtiment dédié à accueillir de la danse demande de s’intéresser aux pratiques et aux besoins des futurs usagers: danseurs, chorégraphes, metteur en scène, et de comprendre quelles relations entretiennent les deux disciplines. D’ailleurs, la similitude la plus importante entre les deux disciplines réside dans leurs fondements: elles sont toutes deux des disciplines créatives qui traitent de la relation entre le corps et l’espace. Elles diffèrent simplement dans leurs points de focalisation. Alors que la danse organise l’espace à travers le mouvement du corps humain, l’architecture modèle l’espace lui-même avec l’intention de définir le mouvement humain en son sein. L’espace est le moyen qu’elles utilisent toutes les deux pour une interprétation créative. Dans les exemples que nous allons voir dans cette dernière partie nous verrons comment les architectes ont conçu leur bâtiment et de quelles façons ont-ils traduit la relation danse/architecture. Nous allons explorer ici la façon dont cette «invitation à la danse» est imaginée par les concepteurs de quatre lieux: deux bâtiments neufs, Le Pavillon Noir à Aix-en-Provence, le Laban Dance Center à Londres, ainsi que deux réhabilitations, La Briqueterie à Vitry-surSeine et la Manufacture à Aurillac. Les quatre bâtiments ont été pensés pour accueillir des pratiques variées, chacun d’eux peut donc être lu comme un projet générique pour la danse d’aujourd’hui et de demain.

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h Fig 30. Laban Dance center / crédit photo: Yohan Zerdoun / source: Flickr.

h Fig 31. Pavillon noir / crédit photo: camR / source: flickr 56


3.1 Nouvelles constructions 3.1.1 insÉrer la danse sur le territoire Une des premières questions qui se pose à l’architecte pour toute conception, c’est la manière dont le bâtiment va se présenter au contexte qui l’accueille. En ce qui concerne les nouvelles constructions, si certains architectes choisissent de jouer la discrétion pour leur réalisation, de les insérer délicatement dans leur environnement, d’autres, à l’inverse, préfèrent mettre en valeur le bâtiment et même d’en faire un véritable signal Urbain. L’apparence est importante car la première impression d’un bâtiment est créée par la façon dont il est vu de l’extérieur. La manière dont un bâtiment est présenté par sa façade en dit long sur le bâtiment et son but. Dans «Atmosphères», Peter Zumthor souligne l’importance des aspects visuels de l’architecture: «à chaque projet, je me demande: qu’est ce que je veux voir - moi ou la personne qui l’utilise - quand je suis à l’intérieur ? Qu’est-ce que je veux que les autres voient de moi? Et à quoi est-ce que je fais référence avec mon bâtiment, qu’est ce que je veux rendre public? Les bâtiments disent toujours quelque chose à une rue ou à une place.»41 On peut alors se poser la question suivante: pour un bâtiment dédié à la danse, doit-il forcement évoquer le mouvement ? Certains architectes sont tentés par les parallèles entre la forme d’une danse et la forme d’un objet architectural. Selon Philippe Guérin, peintre et architecte, traduire les effets de la danse dans les volumes de l’architecture est un contresens: «la rencontre entre ces deux expressions peut (et doit) se faire à un niveaux beaucoup plus subtil et fécond, après une véritable appropriation de l’expérience»42. Ce point de vue est rejoint par l’architecte Xavier Fabre qui «préfère que ce soit les gens qui dansent, plutôt que l’architecture»43.

Peter Zumthor, Atmosphère, Birkäuser, 2008, p 46 Entretien avec Xavier Fabre et Philippe Guérin, Toute architecture est un cadrage du mouvement, Repère Cahier de danse, Novembre 2006, p16 41

42, 43

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Mais certains ne voient pas de contre-sens à associer le mouvement dansé à une forme courbe, à l’image du Laban Danse Center construit par les architectes Herzog et De Meuron à Londres. En effet, la façade principale donnant sur le jardin d’entrée fait parti des nombreux éléments qui se réfèrent à la courbe dans le projet. À l’intérieur, elle induit des espaces aux murs incurvés. Dans l’intention d’augmenter cette impression d’architecture en mouvement, les architectes ont recours à la courbe à différents niveaux de la conception du projet, notamment via les cheminements, les rampes courbes, les escaliers en colimaçon ou encore les barres ondulées courants le long des couloirs (voir plans p 61). Dans le cas du Pavillon Noir de Rudy Ricciotti, on parlera plutôt d’un dynamisme de la façade. En effet, la structure de béton ne respecte pas d’orthogonalité, induisant un «mouvement de la façade». Le choix de la structure dynamique dont les poteaux sont inclinés, répond à l’activité de la danse qui n’est pas contenu seulement dans des lignes droites mais bien dans des diagonales, des basculements, des inclinaisons, des désaxements. Contrairement au Laban Dance Center, Rudy Ricciotti a conçu un bâtiment radical aussi bien dans ses matériaux que dans son organisation spatiale, qui se caractérise par une simplification extrême. Architecturalement parlant, c’est un exosquelette matérialisé par une résille de béton, entourant une «boîte» de verre portant chacun des plateaux. Il n’y a rien d’autre à l’intérieur que l’espace et les corps des danseurs qui l’habitent. Les architectes des deux bâtiments tentent à leur manière de matérialiser le «mouvement». Afin de donner une idée sur les actitivités qui se déroulent à l’intérieur, ils s’inspirent du mouvement dansé dans leur conception architecturale dans l’espoir de refléter au mieux la destination du bâtiment : un lieu de création artistique.

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h Fig 32.Pavillon noir: en studio / crédit photo: camR / source: flickr

h Fig 33. Pavillon noir: le grand studio crédit photo: camR / source: flickr 59


3.1.2 CONTRUIRE DE LA POROSITÉ La façade d’un bâtiment peut révéler beaucoup sur les activités qui se déroulent à l’intérieur ou elle peut les garder entièrement cachées de la vue du passant et compter sur sa curiosité pour entrer dans le bâtiment. Mais de plus en plus, les bâtiments dédiés à la danse laissent deviner les activités qui s’y déroulent. Les solutions que les architectes utilisent pour cette tâche diffèrent considérablement. Le Pavillon noir a été conçu comme une pièce architecturale ouverte. Le bâtiment offre de larges ouvertures sur la ville et les studios de répétition donnent à voir aux passants le travail des danseurs comme dans une vitrine. Cette transparence du bâtiment sert également aux danseurs qui à leur tour se nourrissent de la ville qui leur est donnée à voir. Dans un échange réciproque, Rudy Ricciotti permet à la danse de se révéler aux passants dans le cadre de son bâtiment et ainsi, la ville et ses habitants peuvent nourrir le projet chorégraphique des danseurs. La boîte de verre permet à la fois d’être à l’intérieur et de se sentir à l’extérieur tant la relation au contexte est forte. Le Laban Dance Center voit ses façades revêtues de panneaux de verre transparents ou translucides, en fonction des vues qu’exigent les espaces. De couleur vert, turquoise et magenta, les panneaux en polycarbonate donnent à l’édifice une lueur pâle. Cette porosité visuelle lui donne un caractère brumeux, on devine à travers ces façades les silhouettes en mouvement mais on ne les voit pas clairement comme pour le Pavillon Noir. On entre alors dans un premier échange timide avec le quartier. Le jour, les activités régulières, les répétitions, la recherche et les ateliers, sont semi-visibles à travers les façades du Laban Dance Center. La nuit, le bâtiment agit comme une lanterne colorée, rayonnant de lumière faisant ainsi apparaître plus distinctement les silhouettes des danseurs en mouvement. On assiste alors à une sorte de spectacle coloré, d’ombre et de lumière.

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h Fig 34. Laban Dance center source: www.ad.ntust.edu.tw/

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h Fig 35. Coupe du Pavillon Noir source: http://www.explorations-architecturales.com/data/new/fiche_84.htm

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studio-scène studios

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3.1.3 CONSTRUIRE DE LA DIVERSITÉ Nous avons vu dans la seconde partie que la danse est nomade et s’exporte dans divers lieux pour y trouver l’inspiration et nourrir la création. La diversité serait donc une piste de conception des studios dans les bâtiments dédiés à accueillir de la danse mais aussi dans la création d’autres espaces pouvant accueillir les danseurs. Pour le Pavillon Noir, la diversité n’est pas évidente au premier abord. Le plateau du deuxième étage accueille deux studios carrés de même dimension tandis qu’un troisième studio occupe l’intégralité du deuxième étage. Enfin le studio scène en sous-sol n’est pas transformable. Dans sa volonté de simplification extrême du bâti, Rudy Ricciotti a conçu les studios dans la même ambiance. Selon les recommandations du CND, il est préférable en règle générale d’utiliser des couleurs claires dans les studios. Or, les studios du Pavillon Noir répondent tous à la même matérialité sombre du béton brut. Ils diffèrent seulement dans leur position altimétrique; leur rapport à la rue est donc différent. Rudy Ricciotti s’est, dit-il, inspiré de la personnalité d’Angelin Prejlocaj à laquelle il s’est limité: «Quand j’ai commencé à réfléchir au bâtiment, j’avais en tête la gueule d’Angelin Preljocaj, sèche, osseuse, tendue, la maigreur du personnage, ce physique qualifié par la peau et les os» 45 . Le bâtiment révèle ici la pratique d’une seule danse, celle dirigée par la chorégraphe Prejlocaj. Même si la diversité des pratiques existe parmi les danseurs, leur danse sera accueillie de la même façon à chaque niveau, seule la variante de la lumière et des ombres viendra modifier la perception de ces espaces. En effet, la lumière est le composant qui ajoute le concept de temps et de mouvement à un espace. Il transforme à la fois l’intérieur et l’extérieur d’un bâtiment en fonction de l’heure de la journée et de la saison. Peter Zumthor nous dit qu’ajouter de la lumière naturelle, c’est comme ajouter une autre dimension: «Ma première idée est la suivante: penser d’abord le bâtiment comme une masse d’ombre et placer ensuite les éclairages comme par un processus d’évidement, comme si on laissait la lumière y pénétrer»46. Le Pavillon Noir a été conçu selon cette logique d’ombre et de 45 46

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Angelin Preljocaj, Rudy Ricciotti, Pavillon noir, X. Barral , 2006, p 50 Peter Zumthor, Atmosphère, Birkäuser, 2008, p 58


lumière. Cette résille de béton se retrouve partout, visible aussi bien dans les studios, dans le studio-scène que dans les circulations. La façade est le seul partenaire à la création, changeante selon la lumière. La diversité des espaces est donc induite par la modification des ombres portées de la façade à l’intérieur du bâtiment. Une diversité différente se traduit dans chaque studio du Laban Dance Center. Les panneaux translucides colorés de la façade donnent aux espaces internes des ambiances diverses selon la couleur de chacun. On constate également qu’ils diffèrent dans leur taille et leur forme, aucun n’étant similaire à un autre (voir plan p 61). Nous savons maintenant que les dimensions d’un espace induisent différents comportements dansés, ainsi le bâtiment propose donc une diversité dimensionnelle des studios, propice à l’expérimentation. Cette diversité des espaces se retrouve également dans la possibilité de danser dans l’ensemble du bâtiment et pas seulement en studio. Les danseurs aiment expérimenter de nouveaux espaces hors les lieux consacrés. Au Laban Dance Center, les architectes ont conçu le bâtiment dans l’idée que l’on peut danser partout. En plus de l’utilisation de la courbe pour signifier le mouvement, des barres de danse courent le long de certains couloirs dont les murs sont parfois même recouverts de miroirs. On constate que les éléments caractéristiques de la salle de danse s’exportent hors des studios. À l’extérieur, le jardin d’entrée est lui aussi conçu comme espace de danse. Aménagé selon une topographie triangulée, il accueille un amphithéâtre de verdure propice aux représentations extérieures.

h Fig 36. Laban Dance center / source: pinterest 63


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Fig 37. Philippe Prost, interview, url: http://www.prost-architectes. com, consultée le 20/01/2018

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«première brique» bâtiment existant

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«Deuxième brique» Studios-scène «joints» circulations

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3.2 RÉHABILITATIONS 3.2.1 METAMORPHOSER LE PATRIMOINE Dans le cas de réhabilitations de bâtiments existants, l’enjeu est de s’approprier le patrimoine avec respect pour l’adapter aux nouveaux besoins tout en faisant ressortir ses qualités architecturales et historiques. Cette architecture du déjà là permet d’avoir une base de travail à laquelle il faut redonner vie dans un nouvel usage. La Briqueterie à Vitry-sur-Seine réhabilitée par l’architecte Philippe Prost est un bon exemple d’adaptation pour la danse. Le projet de la Briqueterie a la particularité d’unir un bâtiment préexistant et un bâtiment neuf car l’ancienne fabrique de briques ne pouvait accueillir l’ensemble du programme. Philippe Prost s’est imprégné de l’histoire du bâtiment pour travailler avec l’idée de l’ordre de la brique. Sa mise en œuvre lui a servit à interpréter le plan de son projet. Il a ainsi considéré le bâtiment de l’ancienne Briqueterie comme «La première brique» et le bâtiment d’extension comme «La seconde brique». Les circulations sont conçues comme les «joints» des deux bâtiments. Philippe Prost souhaitait construire des connexions multiples afin de circuler autour et à l’intérieur des «deux briques». La structure d’origine a été conservée dans son intégralité: les soubassements en pierres massives, les étages en briques, la charpente métallique et les planchers intermédiaires en voûtains. Pour accueillir le reste du programme, (accueil billetterie, bureaux, loges, vestiaires, sanitaires) une nouvelle dalle béton crée désormais un étage en mezzanine entre le rez-de-chaussée et le premier étage. La circulation principale est une galerie de 60 mètres de long connectant le volume de l’ancienne briqueterie à celui de l’extension. Elle est rapportée en façade sud côté jardin, dans un volume entièrement vitré qui fonctionne comme double peau, isolante accoustiquement et thermiquement. Le niveau supérieur de l’ancienne usine accueille les trois studios de répétition et de création (p 67) tandis que la «deuxième brique», une extension habillée de zinc abrite le studioscène transformable (p 44).

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À Aurillac, un autre bâtiment industriel habrite désormais un centre chorégraphique, réhabilité par L’Atelier d’architecture Simon Tessou. Il s’agit de l’ancienne Manufacture de parapluies de la ville. Le volume intérieur renferme trois niveaux en forme de L. Le niveau principal de plain-pied avec la cour intérieure était déjà utilisée depuis 1992 comme studio de danse. Le premier étage avait été transformé en loft conservant ainsi intacte sa charpente. Le projet consistait en la transformation de l’ensemble des locaux disponibles sur les trois niveaux en une école de danse et un centre de formation professionnelle comprenant des studios de répétition dont au moins un studio de grande taille pouvant accueillir du public. Contrairement à la Briqueterie, seule l’enveloppe initiale a été conservée. La réhabilitation exigeait une démolition complète de l’ensemble des planchers et leur remplacement par une nouvelle structure; les anciens planchers ne pouvant supporter les charges d’exploitations prévues. La nouvelle structure, entièrement en bois, a pris place dans le volume existant et a permis l’aménagement de 3 studios de danse, complétés par des vestiaires ainsi que les autres composantes du programme pour une surface totale de 990 m².(voir plans en annexes) La structure en bois a permis une réalisation rapide en 5 mois et demi. Innovants par leur souplesse, les planchers répondent aux critères rédigés par le Centre National de Danse 47 pour la pratique de la danse. Le choix du bois répond aussi à des exigences de confort, d’acoustique et de réduction des effets négatifs de la construction sur l’environnement. Les murs extérieurs ont été maintenus et en concertation avec Lionel Mottin, Architecte des Bâtiments de France, les menuiseries extérieures ont été entièrement redessinées par l’architecte pour conserver au bâtiment son caractère industriel et l’équilibre des volumes, tout en augmentant la surface vitrée. Comme pour la Briqueterie, la charpente métallique a été conservée et mis en valeur dans le grand studio du premier étage. Cette structure permet d’une part d’avoir une grande hauteur sous plafond et d’autre part de rappeler le passé industriel du bâtiment.

Aménagement d’un studio de danse URL: https://www.cnd.fr/fr/– juillet 2009 - consulté le 23/12/17

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h Fig 38. La Briqueterie: le studio principal source: Philippe Prost, Architecte / AAPPŠadagp, Luc Boegly

h Fig 39. La Manufacture : le grand studio source: http://www.atelierarchitecture.fr/

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3.2.2 RAPPORT À LA MATERIALITÉ Le rapport à la matière est une composante importante dans la métamorphose d’un bâtiment historique. Cette matérialité, nous l’avons vu, est d’autant plus importante dans les studios de danse car le danseur est sensible à l’espace qui l’entoure, il l’expérimente grâce à ses impressions kinesthésiques. La Briqueterie et la Manufacture ont toutes deux laissées dans les studios des parties apparentes de la matérialité des murs existants. Si la Briqueterie revèle la brique par l’usage minimaliste de surfaces claires et par le verre; le bois lui est omniprésent à la Manufacture. Il porte les pieds nus des danseurs du vestiaire jusqu’aux studios de danse sans discontinuer. La main touche bois sur toutes les mains-courantes des escaliers et à fortiori sur les barres de danse. Les encadrements des portes et fenêtres en briques et pierres volcaniques ainsi que les poteaux structurels en façade n’ont pas été recourverts par le bois; au contraire, sa présence vient constraster et révéler leur matérialité.

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h Fig 40. La Manufacture : Détail source:http://www. atelierarchitecture.fr/

h Fig 41. La Briqueterie : Détail source: Philippe Prost, Architecte / AAPP / © adagp, Luc Boegly


h Fig 42. La Manufacture : studio du rez-de-chaussĂŠe / source: http://www.atelierarchitecture.fr/

h Fig 43. La Manufacture : studio du rez-de-chaussĂŠe / source: http://www.atelierarchitecture.fr/ 69


3.2.3 Construire des possibilités «Au rez-de-chaussée, un studio de danse dédié essentiellement à la danse jazz, au hip-hop et aux nouvelles danses de caractère urbain, avec une connotation industrielle marquée par le réseaux apparents, les chemins de câbles, les perches, les diverses connexions métalliques (...) au premier étage, un grand studio dédié plus particulièrement à la danse contemporaine, rare par son volume, un espace lumineux d’une très grande sobriété; au sous-sol, un studio intimiste, au plafond bas et à la lumière artificielle mesurée et entièrement indirecte, destiné aux activités «douces» et au recentrage sur soi.»48 Ce texte décrit les trois studios de la Manufacture. Ces quelques lignes révèlent d’une part la diversité des studios proposés ainsi que le lien entre les caractéristiques architecturales d’un studio et les pratiques corporelles destinées à s’y dérouler. Contrairement à la Manufacture, les trois studios de la Briqueterie ont des ambiances identiques puisqu’ils sont tous les trois situés au même étage et profitent de la même grande hauteur sous plafond de l’ancienne Briqueterie. Mais d’autres espaces ont été pensés dans le projet pour accueillir la danse. Les couloirs sont conçus plus large que la norme habituelle car comme le dit Philippe Prost dans une interview 49, les couloirs ne sont pas qu’un lieu de passage, on s’y arrête et on peut même y danser. Dans sa volonté d’étendre la danse dans tout le bâtiment, l’architecte a prolongé le toit du bâtiment existant, débordant côté rue pour former un auvent au-dessus d’un vaste parvis qui accueille des performances artistiques. Enfin, le jardin au centre du projet permet d’une part de faire la connexion entre les «deux briques» et de proposer un espace extérieur propice à l’expérience. En effet Phillippe Prost considère que «le jardin est un studio à ciel ouvert où les danseurs évoluent à leur gré. De plain-pied avec la salle noire du studio scène, il met à disposition immédiate le plein air, les nuages, le vent, la pluie»50 . Il répond ainsi au nomadisme des danseurs à la recherche d’expériences extérieures.

SCI La Manufacture, V. Mathes, Méthamorphose. Renaissance d’un bâtiment industriel 1898-2008, Aurillac, La Manufacture des Arts, 2008, p88. 49 Philippe Prost, interview, url: http://www.prost-architectes.com, consultée le 20/01/2018 50 Daniel Favier, Philippe Prost, Marie Glon, La Briqueterie : une architecture pour la danse, Archives d’Architecture Moderne, 2013, p.53 48

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h Fig 44. La Briqueterie: la circulation en double peau devient espace de danse. source: Philippe Prost, Architecte / AAPP / © adagp, Luc Boegly

h Fig 45. La Briqueterie: vue sur le jardin de la Briqueterie source: Philippe Prost, Architecte / AAPP / © adagp, Luc Boegly 71


CONCLUSION

La danse est un art qui prend son sens là où elle est. Le message qu’elle exprime s’interprète relativement à son lieu d’expression car le corps qui danse prend toute sa dimension, ou au contraire, la perd, dans l’espace où on l’a placé. La volumétrie qui l’entoure l’aide à définir sa manière de bouger, son inspiration est conditionnée par son environnement et il interagit avec les éléments qui définissent son espace. Ainsi l’architecture et la danse entretiennent des relations que seul le corps dansant peut révéler. À travers ce mémoire nous avons vu que l’histoire ne permet pas d’attribuer à la danse un lieu définitif. Elle peut être pratiquée en plein air, dans des salles de répétition, des gymnases, des musées, ou présentée dans les théâtres à l’italienne. La danse n’a pas imposé de lieu spécifique à son art, ni de standard architectural. Les rares exemples de création d’une architecture scénique destinée à la danse se sont manifestés au début du XXe siècle avec l’arrivée de la danse moderne, tel que le théâtre d’Hellerau imaginé par Adolphe Appia, ou Oskar Schlemmer, qui conçoit une scène ouverte sur deux côtés et qui tente d’échapper aux règles classiques. Ces exemples importants, mais ponctuels, n’ont pas conduit à la réalisation d’architectures propres et définitives à la danse. C’est ce qui amène à se demander comment concevoir pour la danse d’aujourd’hui ? Par l’analyse des besoins des danseurs nous avons pu mettre en lumière des aspects architecturaux qui favorisent la pratique de la danse. Cette analyse fut possible en étudiant les relations que peuvent entretenir le corps dansant et l’architecture. Il semble évident à partir des analyses des quatre bâtiments, qu’il existe une infinité de possibilités quant à la manière de penser le lieu de la danse et la façon dont la danse et l’architecture vont dialoguer entre elles et avec le monde extérieur.

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Dans la conception du projet, on ne peut aujourd’hui penser un lieu pour la danse sans prendre en compte l’histoire des lieux ou elle a prit place dans le passé comme dans le présent. Malgré tous ces changements et ses expérimentations, il ne semble pas y avoir de lieu idéal, bien que le studio de danse réponde aujourd’hui à des caractéristiques à peu près communes que tente de définir le Centre National de Danse, mais la danse continue de s’exporter partout. En effet certains projets chorégraphiques désirent sortir du studio et exigent d’investir d’autres lieux comme la ville, la nature, le bâtiment désaffecté ou le monument chargé d’histoire. Il n’y a jamais de neutralité du lieu et le choix d’un lieu de répétition ou d’un lieu de représentation, est déterminant. Sa dimension, sa hauteur de plafond, sa configuration, peuvent influer sur la nature du geste dansé. Le lieu constitue un cadre déterminant pour le danseur, comme pour le public, qui influence en partie notre perception de l’œuvre chorégraphique. L’espace architectural est une composante importante dans la discipline de la danse et pas seulement comme un support ou un décor, mais comme un contenant à investir et un partenaire avec qui toutes sortes de relations sont possibles. Pour un art qui évolue continuellement et dont les expériences sont infinies, construire un lieu pour la danse aujourd’hui, c’est prendre en considération que l’artiste dialogue avec l’architecture. L’architecte, comme le danseur, sait que concevoir un édifice, c’est s’interroger sur le pouvoir de l’architecture sur les corps, c’est penser la morphologie et les pratiques des individus qui l’habitent, c’est favoriser la diversité, les possibilités perceptives et visuelles, sonores et kinesthésiques. Le lieu doit alors être pensé comme une expérience du corps.

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ANNEXES

source: http://www.atelierarchitecture.fr/

h

La Manufacture Faรงade Nord

h 78

La Manufacture : Sous-sol


h

h

La Manufacture: RDC

La Manufacture : R+1 79


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REMERCIEMENTS La réalisation de ce mémoire de fin d’études a été possible, grâce à l’aide de plusieurs personnes, au soutien de ma famille et mes amis, à qui je voudrais témoigner ma reconnaissance. J’adresse mes remerciements à mon directeur de mémoire, Hervé Gaff, enseignant à l’École d’Architecture de Nancy, qui m’a encadré dans ce travail.

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