2013 03 15 eco sociale

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ossier spécial  Des emplois En allonie et à ru elles l’économie sociale représente plus de emplois ec les coopérati es et les mutuelles cela représente salariés

 Des principes Quatre principes de ces sociétés une utilité pour la collecti ité une autonomie de gestion un capital ui rémun re d’abord le tra ail et une gestion démocrati ue

 as ue social es entreprises d’économie sociale sont acti es dans un tas de secteurs horticulture construction oreca titres ser ices énergies renou elables et m me dans la inance

’économie sociale, une a aire qui tourne


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homme de la rue a compris avec effarement les raisons de l’effondrement de la finance internationale. Faire de l’argent avec de l’argent, a ne fonctionne pas aussi bien qu’on l’avait promis.D’ailleurs, allez expliquer aux gens que lorsque l’homme créa l’argent, ce n’était pas dans une vision spéculative. Et le travail ? C’est avec la même impuissance qu’on assiste aux dérives de l’économie globalisée. Le bon sens est heurté, l’injustice est criante quand une entreprise jette ses travailleurs au momentmême o ses résultats restent bons. Ce début de siècle consacre la fin de grandes croyances. Même l’ tat, dernier rempart d’une vie collective qui n’étouffe pas, ne paraît plus à même de corriger le tir.Pragmatisme et austérité sont devenus les maîtres-mots. Dans cette angoissante morosité, les acteurs de l’économie sociale s’avancent.Le capitalisme triomphant avait fini par les reléguer aux oubliettes. u, au mieux, à les associer à du social qui n’a d’économique que le nom. La réalité est inverse et l’économie sociale a de quoi revendiquer une légitimité presque outrancière : sa résilience à la crise financière a été remarquable. uant à la crise économique, elle lui a fait face en étant le seul secteur o l’emploi n’a cessé de croître. n peut le voir comme un moment charnière : quand l’effondrement de grandes croyances fait place à de nouvelles convictions. ■

usiness au pa s d La ichel imon est le directeur de ofie, une coopérative spécialisée dans la réparation d’appareils électroménagers. on fonds de commerce, c’est ce qu’on appelle généralement les gros blancs .

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À odoigne, loreco est spécialisée dans les parcs et jardins. ais cette société o travaillent on e personnes, propose aussi la création et l’entretien des berges contre les plantes invasives. Vincent ervyn, patron de cette société os travailleurs sont des gens exclus du ch mage, sans qualification et qui nous proposons des emplois durables.

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salariés bossent dans des anciens b timents militaires, r ce-Hollogne. Chercheur,

ichel imon rêvait

de lancer son entreprise. ais il voulait un sens sa démarche.

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L’e ondrement de grandes cro ances

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n déclic puis une vocation : voilà ce nait pas.Ce n’est pas parce qu’une société n’a qui l’a amené dans l’aventure du recy- pas de dividendes à distribuer à la fin de l’année clage. « ’étais chercheur à l’ lg mais que sa gestion doit être plus légère. u conj’avais vraiment envie de développer une acti- traire, Sofie avait besoin de bonnes réserves. » Michel imon va alors construire une orvité économique. En même temps, je voulais vraiment donner du sens à ma démarche : la ganisation o la formation plus soutenue logique capitaliste, ce n’était pas mon truc. ’avais trop conscience « Je voulais vraiment donner des dérives de ce genre d’économie. e voulais faire quelque du sens à ma démarche : chose d’utile à la société, quelque la logique capitaliste, chose de gratifiant », raconte Michel imon. ce n’était pas tout-à-fait Et le voilà donc aux portes de mon truc. » ofie, une société qui existe depuis 2 2. Activités ? Collecte, tri, démantèlement, recyclage et réutilisation de déchets électro- améliore la compétence des salariés. ménagers. Une filière soutenue par «Mieux formés, les travailleurs ont mieux collé à l’entreprise. ’ai vraiment senti que les gens ntradel dont ofie est une filiale. Caractéristique de cette société : un sec- ont compris l’intérêt de bosser dans une entreteur laboristique , soit une activité o la prise qui se souciait d’améliorer leurs compétenmain-d’œuvre est la source essentielle de la ces.Et ce, même si cette formation devait prendre le temps qu’il fallait.» plus-value. Aujourd’hui, ofie, c’est à 4 salariés, «Intradel avait une vraie vision de l’économie sociale mais quand je suis arrivé, ça ne fonction- une dizaine de points de vente, un label


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Dire que l’économie sociale est en dehors du marché est donc faux nous avons un vrai marché. Par contre, on ne risque pas de délocaliser notre activité en Pologne. i

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uand le silence conduit la palette e suis un patron heureux et croye -moi, j’en rencontre souvent des patrons : ils ne disent pas la même chose. » Alain lin enberg est le patron des Ateliers du Monceau, à râceollogne. Une entreprise qui occupe aujourd’hui plus de cent travailleurs. Particularité : la plupart de ces derniers sont sourds. Les Ateliers du Monceau réparent des palettes. Beaucoup de palettes : , million par an. Le marché : « Des entreprises qui ont compris que, quand on répare leurs palettes, cela co te trois fois moins cher que s’ils doivent en D’ici dix ans, nous racheter des neuves », réengagerons cent pond Alain lin entravailleurs de plus. berg. L’homme est un vrai entrepreneur. l le prouve aujourd’hui en lan ant les Ateliers de l’Avenir. Un concept innovant dans le secteur de la construction : la maison à modularité variable. Un investissement de 4 millions d’euros. « D’ici dix ans, ce sont cent personnes qui pourront travailler avec nous dans ce projet », sourit lin enberg. La taille critique de son entreprise ? « Quand je ne saurai plus connaître les travailleurs par leur prénom , elle sera atteinte. » ■ D.V. d

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i c its co ts De la viande ou des légumes de che vous

Electro-Rev garantie de six mois et environ tonnes d’électroménagers récoltés chaque année. as d’absentéisme Michel imon aime parler de ses travailleurs. «Il y a très peu de turn over et quasiment pas d’absentéisme.Les gens sont très attachés à l’entreprise. » Mais pas question de verser dans l’angélisme. «Il faut des règles strictes et un accompagnement social pour les personnes qui en ont besoin. Nous employons des gens peu qualifiés et souvent précarisés.» Le patron de ofie tenta néanmoins quelques expériences d’autogestion dans les ateliers. « Mais ça n’a pas marché. n s’est planté et on a d revenir à une organisation plus structurée.» Loin d’en faire des généralités, Michel imon dit avoir beaucoup moins de souci avec les travailleurs d’origine étrangère. «Ce qu’on recherche, ce sont des gens qui ont envie de travailler.Et même si j’ai un peu de mal à le reconnaître, ce genre de dispositions se trouve plus facilement che des gens qui ne sont

pas d’origine belge. Mais bon, ce n’est que mon expérience. » ous avons un vrai marché L’avenir de ofie, Michel imon l’envisage avec optimisme.« n a encore des marges de croissance. Cette année, on a réparé machines et notre offre est inférieure à la demande. vec une règle de prix constante : pas plus d’un tiers que le prix neuf. Soit un prix se rapprochant de certains appareils en période de soldes.Nous pouvons donc produire plus.» L’équation économique tient la route dans la mesure o les réparations sont exorbitantes dans le marché traditionnel. «Les gens préfèrent donc racheter du nouveau matériel.» Une opportunité pour ofie qui s’est même permise de ne plus réparer que les appareils de grandes marques. «Les autres ont des composants de moindre qualité.» «Dire que l’économie sociale est en dehors du marché est donc faux : nous avons un vrai marché.Par contre, on ne risque pas de délocaliser notre activité en Pologne.» ■ > www.electrosofie.be/magasins

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ichel imon na réparé machines cette année et lnotre offre reste inférieure la demande.

uand j’ai lancé la société, je ne savais pas que je faisais de l’économie sociale.Pour moi, c’était une entreprise comme une autre. » Jean-PhilippeLens fait partie de ces jeunes entrepreneurs qui ont connu les dégâts de la crise alors qu’il était étudiant. «La notion de durable, pour moi, c’est naturel. e n’imagine pas qu’il en soit autrement.» Topino, le nom de sa société, est une place de marché web permettant d’acheter en direct à des producteurs locaux. Les gens commandent sur base d’un catalogue.Topino se charge de réunir les es banques chicanaient produits en un seul enet, donc, nous avons créé droit. une coopérative. « C’est parce que les banques chicanaient que nous avons créé une coopérative.Ce microfinancement a plus de sens mais est aussi plus exigeant : les coopérateurs doivent savoir qu’ils peuvent être amenés à recapitaliser la société. Nos objectifs : la croissance, le développement, l’amélioration de l’environnement, la création d’emplois. Il n’y a pas de honte à vouloir grandir et même faire du profit.La question est de voir comment il est affecté», explique ce jeune entrepreneur namurois. ■ D.V. > http://www.topino.be/


es principes

Dominique V LL

Une économie sous per usion

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e modèle économique dans lequel nous baignons depuis des décennies ne laisse guère de place à l’économie sociale. ue l’on fasse confiance ou que l’on se méfie d’un marché économique qui s’est étendu à l’ensemble de la planète, tout converge vers la même conclusion : il n’y a plus assez d’essence pour aller dans l’autre sens. Même les plus optimistes appréhendent cette société qui a réduit l’homme à un simple consommateur. Les plus pessimistes soutiennent avec un sombre radicalisme que l’on va dans le mur. Les chantres de l’économie sociale osent une position médiane. ls spéculent sur un revirement, sur une prise de conscience qui, pas à pas, trace des chemins nouveaux. Au fatalisme ambiant, ils opposent un enthousiasme et une volonté de créativité. Et ils ne se contentent pas de rebaptiser le bénévolat en volontarisme. D’évoquer la promesse d’aînés en bonne santé et qui se mettront au service d’une société un peu trop occupée. Non, ils posent les jalons d’un nouvel entrepreneuriat. u encore ceux du développement d’une économie utile à la société. Un message qui n’est pas neuf mais qui, aujourd’hui, s’ancre davantage dans un futur que l’on craint tellement chamboulé. Un message plus audible, aussi. ■

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Di clés pour compre ndre La Curieux l’économie sociale est née il y a plus cent ans et elle reste méconnue du grand public. Bi arre l’économie sociale résiste mieux la crise mais on n’en parle pourtant guère. trange lorsqu’elle est évoquée, elle est souvent assimilée de l’assistanat. n gommant tout l’esprit d’entreprise et de plus-value qu’elle génère. Voici donc dix clés pour comprendre l’économie sociale.

onse Maximiser les bénéfices n’est pas la priorité de ces entreprises. D’autres valeurs, comme la création d’emplois ou la protection de l’environnement, font partie du projet et le profit lui est prioritairement dédicacé. Les entreprises d’économie sociale ont une gestion qui ne dépend ni d’un actionnaire privé ni de l’ tat. Ce principe est à géométrie variable. l ne suppose pas l’autogestion mais prévoit, surtout dans des sociétés de plus grande taille, un contrôle démocratique de l’entreprise. ntégrer des principes de management moderne s’avère d’ailleurs délicat dans certaines entreprises d’économie sociale.

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C’est un maître mot de l’économie sociale. l doit d’abord rémunérer la personne et son travail. Par opposition à une économie classique o le capital doit en principe être rentabilisé pour l’actionnaire.

inalité de ser ices au membres ou à la collecti ité plut t ue pro i

Après une carrière administrative et financière, Dominique osuin a lancé la coopérative Bois-Vert. oit une entreprise d’insertion active en travaux forestiers et en maraîchage. uatre ouvriers y sont salariés. Ces personnes avaient démarré leur carrière par le rusquin, une dynamique entreprise de formation par le travail.

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Aujourd’hui, on prend vraiment la mesure de la conjonction possible et surtout heureuse de l’économie sociale et de l’entrepreneuriat.

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ndre l’économie sociale n trouve les ETA Entre- ves, les A BL ou encore les mutuelles, on arrive 2 entreprises et 42 emplois pour prises de travail adapté , les EFT Entre- à prises de formation par le travail et enfin les E Bruxelles et la Wallonie. Entreprises d’insertion .Elles forment le premier socle de l’économie sociale. La structure de ces entreprises les rend moins fragiles à Les ac- la conjoncture financière. Ne dépendant pas de teurs de l’économie sociale le démen- cours boursiers ou de fonds d’investissement tent et le démontrent. Les salariés ne sont ni dont les rendements doivent être importants, plus ni moins subsidiés que dans l’économie les entreprises d’économie sociale ont mieux réclassique. uant aux salaires, ils sont fixés se- sisté à la crise. Bémol, l’économie sociale a beaulon les commissions paritaires des différents coup d’activités en sous-traitance.Par ricochet, secteurs d’activité. Les subsides propres à l’éco- elles ont donc aussi souffert de la récession. nomie sociale sont liés à la finalité des entreprises. Partant du principe que c’est dans l’éconoci encore, la mie sociale que l’on engage le plus de personnes crise sert de révélateur à un système dépeu qualifiées, ses acteurs arguent du rôle socié- faillant. Et l’économie sociale entend jouer un tal de leurs activités. La perfusion ne serait-elle rôle plus important. Et cela part d’une pas davantage du côté de la recapitalisation des meilleure mesure de la plus-value sociale de banques ou des aides publiques à des secteurs ses activités. Le co t d’un chômeur pour la coldéclinants de notre industrie ? Ceux qui pour- lectivité est assez simple à mesurer. u’en est-il fendent les intérêts notionnels, en stigmatisant lorsque ce chômeur devient salarié ? uel est le la fiscalité ridicule qui en résulte pour certaines bénéfice de la collectivité ?Le ratio inspire une entreprises, ont déjà répondu à cette question arithmétique un peu acrobatique qui ne peut se limiter au montant de ses allocations. Pour les 2 entreprises agréées d’économie sociale l n’y installées à Bruxelles et en Wallonie, on compte a pas qu’en Belgique que la crise environ emplois. Entre 2 et 2 , la met les pouvoirs publics en difficulté. La récroissance de l’emploi atteint . À noter flexion relative aux réponses apportées par qu’il ne s’agit ici que des entreprises agréées en l’économie sociale percole dans la plupart des économie sociale. En y ajoutant les coopérati- tats et de leurs gouvernants.. ■ D.V.

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économie capitaliste

Le c iti e ean indri UCL a peut devenir un ourre tout ous semble a oir une position réser ée ace à l’économie sociale

ui, si on la considère comme une alternative radicale.L’économie sociale présente pas mal de zones d’ombre. Les balises ne sont pas toujours claires. C’est un secteur qui peut vite devenir un fourre-tout. ’économie capitaliste est elle plus claire

n économie sociale, les balises ne sont pas toujours très claires.

ui, car elle se concentre sur les bénéfices et prend d’abord le point de vue de l’actionnaire. L’économie sociale a tendance à occuper un espace o le marché est moins efficace.

’économie sociale a une préoccupation plus durable ue l’économie classi ue D’accord

l faut nuancer la notion de durable.Développer un projet bénéfique pour la société inclut le côté durable. La question est : comment répartir le co t ? Par exemple, on sait que le nucléaire a des bénéfices immédiats pour la production d’énergie. En revanche, on sait qu’il va engendrer des co ts pour le futur. Je parle des déchets Et toute la difficulté est de pondérer cette charge entre générations. En sachant que le niveau de vie P B a augmenté de en dix ans en Belgique. Et que le pouvoir d’achat double tous les ans. Les gens ont tendance à l’oublier. ■ D.V.

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our que l’économie soit plurielle n le considère comme le grand ambassadeur de l’économie sociale en Belgique. Modeste, Jacques Defourny, professeur à l’Ulg, préfère évoquer l’enthousiasme mondial que suscite la matière qu’il enseigne depuis de si nombreuses années. «C’est un phénomène international. ujourd’hui, on prend vraiment la mesure de la conjonction heureuse de l’économie sociale et de l’entrepreneuriat. » Defourny insiste aussi sur le caractère innovant de l’économie sociale. Ce qui permet de réussir dans des projets o l’économie classique avait échoué. « Elle permet aussi de refaire de la place e capitalisme pour les investissements à imprègne très fort notre risque, que les banques économie. avaient neutralisés.» nvité un peu partout dans le monde, le professeur liégeois ne parle jamais d’une alternative radicale mais préfère témoigner d’une économie plurielle. «Le capitalisme imprègne largement notre économie et ce n’est pas cette crise qui changera tout. D’autant que le capitalisme a une faculté extraordinaire de se relégitimer. Notamment en utilisant le vocabulaire et les valeurs de l’économie sociale.» ■ D.V.


e révélateur

lus qu’un long rapport, un simple témoignage permet parfois à lui seul de tirer le bilan des titres-services. Cette expérience, c’est celle d’une jeune femme qui, à l’issue d’un parcours scolaire quelque peu chaotique, a d trouver sa place sur le marché du travail. Les titres-services lui ont offert cette opportunité, alors que son horizon était bouché. ur papier, les deux premiers objectifs du gouvernement étaient atteints. Près de deux ans plus tard, et d’innombrables mannes de linge repassées, l’enthousiasme s’est envolé. Le travail, épuisant, est mal payé. Mais surtout, il est mal considéré, ingrat . Les perspectives d’évolution, autre objectif annoncé du dispositif, sont inexistantes. Les formations, absentes. La pression de l’employeur est, elle, permanente. Un petit ennui de santé, la patronne est contrariée. Peu importe la convivialité, la progression, l’épanouissement. euls comptent les chiffres. Mais ils ne sont pas aussi bons qu’escomptés. En conséquence, le repas de fin d’année a été annulé. La travailleuse envisage désormais de s’en aller prochainement. Au final, son expérience est pour le moins mitigée. Mais noyée, sur papier, parmi tant d’autres, elle laisse l’impression que le dispositif a atteint les objectifs désirés. Une réalité tronquée ? ■ . . .

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Évolution du marché des titres services en 5 ans

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n secteur d’activité qui affiche de croissance en période de crise, a laisse rêveur. D’autant plus qu’il génère de l’emploi pour des publics laissés de côté. Mais tout n’est pas rose pour autant. Ce miracle économique repose en grande partie sur de l’argent public. D’o cette question : les titres-services, gouffre pour les finances publiques ou machine à insertion ? Lors de l’introduction en 2 4 de ces chèques qui permettent de rémunérer un travailleur en échange d’un service principalement du nettoyage , le gouvernement visait surtout deux objectifs : créer de nouveaux emplois, de préférence pour des personnes peu qualifiées, et régulariser une part du travail au noir. uit ans plus tard, les objectifs semblent atteints. L’objectif de départ a été très vite dépassé, analyse Daphné Valsamis, chercheuse senior chez dea Consult, chargé par le gouvernement d’évaluer le système chaque année. n ne s’attendait pas à un tel succès. En 2 4, le gouvernement espérait créer 2 emplois grâce à ce mécanisme. En 2 , premiers chiffres disponibles, ils étaient déjà plus de . Fin 2 , 4 2 personnes travaillaient grâce aux titres-services, soit 4, de l’emploi total en Belgique. Un chiffre gonflé , estime l’économiste Philippe Defeyt qui le ramène à 2 emplois fin 2 , tout en reconnaissant que ces créations d’emploi sont de fait très importantes . Le second objectif, réduire le travail au noir, a également été atteint. elon dea, des utilisateurs reconnaissent recourir au travail au

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Répartition de l’emploi par type de secteur

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Le travail au noir a perdu de l’intér t

oservices est une entreprise de nettoyage domicile, agréée dans les titres-services. n premier emploi pour des gens peu qualifiés mais qui est aussi l’occasion d’un coaching permettant l’accès une formation qualifiante ou l’orientation vers un autre boulot. outes des salariées on, oservices a aussi engagé un homme et ce dernier bosse plut t bien.

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noir avant l’entrée en vigueur du dispositif. Du côté des travailleurs, , d’entre eux ont admis qu’ils travaillaient de manière non déclarée. Mais ce chiffre est probablement une large sous-estimation du phénomène , estime Mme Valsamis. Aujourd’hui, les titres-services sont plus avantageux pour les utilisateurs que le travail au noir. En moyenne, l’heure au noir se situe aux alentours de , . vec la déduction fiscale, on est bien en dessous avec un titre-service. L’autre élément de satisfaction se situe dans le profil des travailleurs. Les titres­services ont donné du travail aux femmes des emplois et aux personnes peu qualifiées , . i la plus grande partie des travailleurs sont âgés de à 4 ans , , on note en 2

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En cinq ans (2006-2011), le secteur des titres-services a explosé. Le nombre d’entreprises et de travailleurs a plus que doublé. Mais si le système a permis de donner de l’emploi au public ciblé, il a été pris d’assaut par le secteur privé marchand (99658) et non marchand (42628) contre 7541 pour le secteur public.

une augmentation de travailleurs de ans et étrangers plus de 2 en 2 . Pour autant, ce bilan enthousiasmant masque certaines réalités. Au moment d’instaurer le système, le gouvernement espérait que le titre-service serve de tremplin vers un autre emploi. n voit clairement que ce n’est pas le cas, explique la chercheuse. Les travailleuses restent dans le système. Elles ont en moyenne une ancienneté de à ans, ce qui n’est pas mal pour un secteur neuf. Mais c’est vrai qu’elles n’intègrent pas le marché de l’emploi.» Autre grief qui revient souvent, le taux de rotation élevé des travailleurs. uand les primes à l’emploi prennent fin, les travailleurs sont mis à la porte. n en parle beaucoup, reconnaît

Mme Valsamis. Mais quand on regarde les chiffres, on voit que ce n’est pas du tout le cas. En 2 , les travailleurs titres-services recevaient en moyenne ,4 contrats par an. Cinq ans plus tard, on est retombé à ,4. Ce chiffre s’explique notamment par l’augmentation du nombre de contrats à durée indéterminée. En 2 , deux tiers des travailleurs avaient un CD . Et, aussi curieux que cela puisse paraître, c’est dans le privé que leur nombre est le plus élevé. Les entreprises se disputent les travailleurs urprenant ? Certaines entreprises agissent de la sorte, analyse la chercheuse. Mais ce n’est pas la majorité. Il faut savoir que les entreprises ont énormément de mal à trouver des employés qualifiés. Il y a même de la concurrence entre entreprises pour attirer le travailleur. Les entreprises ne peuvent plus se permettre de licencier les travailleurs quand ils n’ont plus droit à une prime pour en engager un autre. Pour Daphné Valsamis, les titres-services sont clairement un succès pour la Belgique . Pour toutes les raisons invoquées mais aussi en raison de leur impact sur les utilisateurs. Et surtout, sur les utilisatrices. : n ne peut plus se permettre qu’autant de femmes ne trouvent pas de travail à cause des difficultés qu’elles ont pour concilier vie professionnelle et vie familiale. Les titres-services leur ont permis de déléguer certaines tâches à d’autres. Et ainsi se concentrer davantage sur leur carrière. Un effet inattendu mais néanmoins appréciable. ■

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L’économie sociale laisse place l’h perlibéralisation

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uand le système des titres-services a été pensé, rappelle ric Buyssens, directeur du service d’études de la F TB, il devait bénéficier essentiellement à des entreprises d’économie sociale. Dans leurs statuts et modalités d’agrément, ces sociétés devaient privilégier le facteur travail et pas seulement générer de l’activité économique. Mais le compromis à la belge a fait que ce secteur, sous la pression de l’intérim notamment, a été complètement libéralisé. Il a alors connu un développement très important. En 2 , deux tiers des entreprises du secteur étaient privées. Ce qui n’est pas sans consén libéralisant le système, quence, selon le syndicaon a donné la priorité aux liste. Les sociétés d’éconochiffres sur le bien-être. mie sociale pratiquent de bonnes conditions de travail, mobilisent les marges bénéficiaires pour revaloriser les salaires, former les travailleurs. Mais on sait très bien qu’il y a une série d’employeurs qui n’ont pas ces objectifs, qui sont simplement dans une perspective de lucre. L’ambition du législateur était de créer de l’emploi mais sans prévoir de garde-fous en terme de qualité de l’emploi. Le vrai problème, c’est la régulation d’un secteur hyperlibéralisé. Il n’y a pas de contrôle, sur le terrain, des conditions de travail. ■ . . . elga

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Le co t rois ois moins cher qu’un ch meur

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n 2 , le co t brut des titres-services pour l’ tat a été en 2 de , milliard d’euros. Un montant important, souligne Daphné Valsamis, du bureau d’études dea Consult, mais dont il faut déduire énormément d’effets de retour : directs millions , indirects de er ordre millions , indirects de 2e ordre 4 à 2 millions . Le co t net oscillerait donc entre millions et un milliard d’euros. Un montant qui demeure important mais qu’il faut nuancer, indique Mme Valsamis. n a fait une étude sur n emploi titres-services ce que co te un demandeur co te euros d’emploi sur une année. par an l’ tat. Quand on compare les deux, on se rend compte que les titres-services co teraient bien moins cher à l’État. D’après dea Consult, un demandeur d’emploi co tait en moyenne 44 par an en 2 aux pouvoirs publics, là o un travailleur titres-services ne co tait que 4 co t brut, sans tenir compte des effets de retour . r, un tiers des travailleurs titres services étaient demandeurs d’emploi avant de dénicher ce boulot. En extrapolant grossièrement, la mise au travail de ces demandeurs d’emploi a permis à l’ tat d’économiser 2 milliards d’euros. ■ . . . hotone s

’objectif de départ a été très vite dépassé. n ne s’attendait pas un tel succès.

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Dominique V LL

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es projets d’économie sociale démarrent toujours avec une énergie décuplée. Avoir le sentiment de créer son projet et que celui-ci sera utile à la collectivité offre un supplément d’adrénaline. Ce sont des projets qui fédèrent rapidement, surtout en temps de crise économique. La générosité qu’ils inspirent apporte un vent de fraîcheur à un état d’esprit si souvent assimilé à l’individualisme et au repli sur soi. Mais le défi de ces projets, c’est la durée. Ce qui était énergisant au départ devient vite énergivore. La plupart des entrepreneurs sociaux le confessent : gérer des personnes, c’est sacrément plus compliqué que de scruter des tableaux de bord sans se préoccuper des conséquences sociales auxquelles ces indicateurs peuvent mener. Alors non, tout n’est pas toujours rose dans l’économie sociale. Des projets se lancent, puis se cassent la figure. Des patrons claquent la porte, éreintés ou découragés. Les échecs de l’économie sociale sont une réalité. Et celle-ci prend la forme d’une vraie le on d’humilité pour ceux qui, galvanisés par les valeurs qu’ils professent, en oublient l’essentiel : gérer une entreprise n’est pas à la portée du premier idéaliste venu. ■

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Acteur majeur du monde de l’assurance en Belgique, P&V entend rester dans l’économie sociale.À la tête de cette société, Hilde Vernaillen analyse les difficultés d’une économie sociale qui a un objectif de croissance dans un marché très concurrentiel.

ilde ernaillen le groupe est une structure coopérati e mais sa taille est elle compatible a ec les principes de l’économie sociale

Vu de l’intérieur, oui. Nous incarnons vraiment les valeurs dont nous nous revendiquons. Mais la difficulté, c’est que nous évoluons dans le monde de l’économie réelle. Avec une terrible concurrence et des matières de plus en plus techniques. Nous ne pouvons donc avoir des co ts de production plus importants que nos concurrents au risque d’être rayés de la carte. réer de l’emploi et notamment des emplois peu uali iés caractérise sou ent l’économie sociale Est ce otre cas

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ne concurrence orte et une taille tr s impor tante n’ a t il pas des tensions iné itables a ec les principes de l’économie sociale

Des préoccupations environnementales et une gestion éthique, c’est le maître mot de cette société qui vend des matériaux de construction. Charles-Antoine, le directeur de Carodec, est un manager passionné par l’économie sociale même s’il regrette que cette notion soit si peu comprise par le grand public.

embarqué dans un jeu qui se détourne de l’économie sociale. otre statut de coopérati e présente t il des a antages dans le marché o ous é olue

Nous ne sommes pas une proie potentielle pour un acteur qui voudrait nous racheter vu que nous ne sommes pas cotés en bourse. l faudrait donc que les coopérateurs souscrivent au principe d’être rachetés, ce qui est improbable. Nous pouvons donc nous développer dans la durée. Ce n’est pas le cas pour les sociétés en Bourse pour qui les résultats trimestriels doivent être bons pour ne pas avoir d’influence négative sur leur cotation. eut on dire ue ous n’a e pas sou ert de la crise

Notre métier exige des compétences très importantes. Mais en revanche, notre grande taille nous donne une responsabilité vis-à-vis d’autres acteurs plus petits de l’économie sociale : nous soutenons beaucoup de projets qui ont cette finalité.

o s s ec e

ormat tou ours de l’économie sociale

Le danger de dérive est réel. Un des plus gros assureurs mondiaux NDL : xa était à l’origine une société mutualiste. C’est devenu l’un des plus gros assureurs mondiaux. Mais cette société n’a plus rien à voir avec l’économie sociale. Mais si vous prenez la Maif ou la Macif, en France, elles sont restées complètement fidèles à leurs valeurs de départ ainsi qu’aux principes mutualistes. Dès l’instant o vous dites : Je dois devenir un acteur important pour pérenniser mon entreprise , on peut être

Non, bien s r. Nous avons eu des moments difficiles. Mais sur le long terme, on peut dire que nous avons mieux résisté. Même si, dans la perception du public, nous sommes associés au monde financier et donc en avons subi les conséquences en terme d’image. Nous n’avons pas joué avec des produits sophistiqués auxquels personne ne comprenait rien mais qui avaient un rendement mirobolant. Mais tout ce qui touche à l’argent est aujourd’hui mis dans le même panier. ous tes une coopérati e et en m me temps le principe d’un homme égale une oi n’est plus de mise

Nous sommes une coopérative de second degré avec des coopérateurs institutionnels. Donc, c’est vrai qu’en terme de gouvernance, le système a changé. Mais c’est essentiellement lié à l’histoire et la taille de notre groupe. Notre fonctionnement reste démocratique et il y a des balises claires. me pour les clients

Non, nous devons mieux communiquer et expliquer en quoi nous sommes spécifiques. Nous réfléchissons même à la manière dont nous pouvons mieux associer nos clients à la vie de la coopérative. D’une manière générale, on songe à mettre davantage de transparence dans notre gestion. Le souci, c’est que le principe coopératif est devenu un instrument pour des groupes capitalistes pour amener de l’argent supplémentaire dans leur société. Ce n’est pas crédible. L’économie sociale souffre souvent de la confusion quand ses principes sont instrumentalisés. ■ D.V.

amienne de arle

a croissance

as la portée du premier idéaliste venu

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VENDREDI 15 MARS 2013

milliard d’euros

Cette crise est donc une chance pour l’économie sociale car la remise en question est très profonde. n sait qu’on ne sortira pas de la récession avec usne relance sur des modèles classiques. i e VERN

EN

ondragone plus grande coopérative du monde e modèle coopératif de Mondragone est connu dans le monde entier. l trouve sa source dans l’après-guerre, avec un Pays Basque complètement ravagé. Un prêtre très engagé va fonder une école de mécanique. L’école généra des entreprises et le mouvement s’amplifia dans tous les domaines : de la santé à la distribution en passant par l’industrie. Aujourd’hui, plus de travailleurs sont salariés des 2 coopératives toutes situées dans le pays basque. Une banque fut créée et collecta l’épargne pour la réinvestir a coopérative vise dans de nouvelles enrencontrer tous les besoins treprises. Plus récemde la population basque. ment, un centre de recherches et une université seront créés. Un des secrets de Mondragone ? Ne pas vouloir devenir une trop grosse entreprise. Au-delà de travailleurs, de nouvelles structures sont créées. L’identité très forte du pays basque est un ferment de cette réussite. Mais l’économie sociale reste le fil du développement extraordinaire de ces coopératives. Avec un principe inébranlable : le rendement du capital n’est jamais la boussole. ■ D.V.

Créée en 1907, P&V est une coopérative belge d’assurances. Un peu moins de 2 000 salariés travaillent dans cette compagnie. P&V (qui comprend aussi le groupe Vivium) est le 6e assureur belge.

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Le assi Comme un secret de amille bien gardé

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La crise une chance pour l’économie sociale ilde ernaillen est ce ue le politi ue est un bon partenaire de l’économie sociale Le politique n’est pas suffisamment conscient de la réalité de l’économie sociale. Les législations sont souvent directement liées un fonctionnement capitaliste. C’est aussi le cas de la politique européenne : exiger que les administrateurs d’une banque soient des docteurs en sciences économiques n’a pas de sens. l n’ a pas que la finance qui doit tre challengée mais aussi les ressources humaines. egarde en ngleterre o le contr le dans les banques a donné lieu de l’exc s de le : les banques ne parviennent plus trouver des administrateurs

Et en elgi ue ous ne sommes pas en avance. rene le Canada, qui est pourtant sous l’influence de l’économie américaine, le mod le coopératif est tr s évolué. Che nous, on garde cette image d’une économie assistée. e préf re parler d’entrepreneuriat coopératif. ans tous les partis, il a aujourd’hui une réflexion sur d’autres mod les de fonctionnement économique. Cette crise est donc une chance pour l’économie sociale car la remise en question est tr s profonde. On sait qu’on ne sortira pas de la récession avec une relance sur des mod les classiques. D.V.

hoto e s

Hilde Vernaillen ous ne sommes pas une proie potentielle car P&V n’est pas cotée en Bourse.

ans les années , l’économie sociale était très présente en Belgique. Notamment dans le secteur de la distribution. La plupart des villages avaient leur supérette coopérative, parfaitement intégrée dans le paysage socio-économique. Mais des soucis de gestion ont mis tout ce secteur à terre. Faillites en cascade, licenciements, fermetures. Du jour au lendemain, des dizaines de milliers de coopérateurs ont assisté, impuissants, à ce naufrage. Tandis que, dans le même temps, de grands groupes de la in , les coopératives distribution en profiont été remplacées par taient pour prendre ce les supermarchés. marché subitement déserté par l’économie sociale. Cette page noire, beaucoup d’acteurs ont voulu la tourner. Mais ce lourd secret de famille explique une défiance persistante. l permet de mieux comprendre pourquoi, de fa on presque culturelle, l’économie sociale pratique le small is beautifull , histoire de ne plus jamais se dévoyer. Car, au même titre que l’économie classique est aujourd’hui questionnée par la crise, le modèle coopératif fit l’objet d’une terrible suspicion. ■


1

es secteurs

Dominique V LL

D

hez les penseurs de l’économie sociale, c’est un peu le débat qui agite.De plus en plus d’entreprises sont sorties des carcans classiques. Elles ont quitté le berceau du social, s’attaquant sans inhibition à des secteurs de l’économie capitaliste. Le glissement du secteur nonmarchand vers le marchand avait déjà suscité quelques réflexions courroucées. Faisait-on encore de l’économie sociale ?Les précurseurs ont fait le gros dos puis ont finalement été suivis. ui, on restait bien dans l’économie sociale. Et aujourd’hui, on accepte sans sourciller qu’une entreprise d’économie sociale vende des biens et des services. Ces biens et ces services doivent-ils être utiles pour la collectivité ? Et que veut dire utile ? Là, a coince de nouveau. La question est posée : pourquoi l’économie sociale devrait se contenter de ne tremper que les pieds dans le marché ? Cette prudence paraît excessive aux yeux de nouveaux entrepreneurs sociaux. ls estiment que les balises de fonctionnement sont suffisantes et que l’âge adulte de l’économie sociale passe par plus d’ouverture. À la limite, elle pourrait vendre de tout à condition de le faire correctement. Des jeux vidéo au shampooing pour chiens en passant par des voyages en terres inconnues. Et que dirait l’économie sociale si une coopérative se lan ait dans la pornographie éthique ? ■

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De la pornographie éthique a va

estion

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es emplois rien que dans le social, vraiment

onstruction reloc La Petits Poucet de la construction, les entreprises d’économie sociale ont été longtemps mal per ues. es patrons les voyaient comme des concurrents déloyaux. Aujourd’hui, elles sont pourtant invitées

table des grands. xplication.

Dominique V LL

oti de cette dé iance on les accusait de casser les pri du marc é.

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u ourd’ ui, m me en récession, le secteur peine recruter de bons ma ons.

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4 n , Alain Daniels droite lance son entreprise enov co, Daussoulx. ne société qui s’articule sur trois axes le social, l’écologique et l’économique. Ce n’est pas parce que nous sommes une entreprise d’insertion que nous faisons notre travail moins correctement , explique Alain Daniels. ’aime avoir créé quelque chose qui sert aux gens.

D

ongtemps, la défiance était totale : malgré un poids relatif très faible, les entreprises d’économie sociale dans la construction étaient vilipendées par le secteur. «En gros, ces entreprises étaient accusées de brader les prix et de piquer des marchés », résume Jean-Luc Bodson, de la AW-B Fédération d’économie sociale . «C’est vrai qu’il y a eu des cas malheureux mais ils ne sont pas représentatifs », tempère Nathalie Bergeret, directrice à la Confédération de la Construction en Wallonie. Comment des acteurs qui ne se parlaient pas ont-ils pu devenir des partenaires ? « la faveur d’une alliance objective », répond Jean-Luc Bodson qui pointe d’abord les efforts de formation qu’assument les entreprises d’économie sociale. Des ma ons bien formés, il en manque et ce

vant, dans la construction, les entreprises d’économie sociales étaient mal per ues.

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r, la ormation est depuis tou ours au c ur de l’activité des entreprises d’économie sociale. a dé iance a donc ait place une alliance ob ective.


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sont d’économie sociale dans la construction

La inance

ravailler avec des entreprises d’économie sociale, c’est aussi se permettre de recruter des gens bien formés. De repérer des talents. N

Une nouvelle banque belge n l’appellera New B et elle sera présentée d’ici peu aux épargnants belges. Une cinquantaine d’associations se sont groupées pour lancer cette nouvelle banque éthique.Au contraire de Triodos qui ne gère que l’épargne, New B offrira tous les services d’une banque classique.À la différence qu’il sera garanti que l’épargne ne sera utilisée que dans des projets éthiques, c’est-àdire utiles à la société. «Beaucoup de besoins soe B, cette nouvelle ciaux ne sont plus renconbanque sera lancée d’ici trés par les banques compeu en Belgique. merciales. Et ces dernières, quoique recapitalisées par l’État, restent encore fragiles», analyse Bernard Bayot, patron de New B et directeur du Réseau de Financement alternatif. La banque sera présentée au grand public ce 24 mars. ■ D.V.

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ENTREPRIS E S

Mais ce n’est pas le seul atout de l’économie sociale, même s’il n’est pas éloigné de la formation. «Les entrepreneurs se rendent compte qu’à une échelle macroéconomique, le recours à la main-d’œuvre étrangère, notamment des pays de l’Est, fragilise le secteur. Si on ne peut plus compter sur des bons maçons qu’en provenance de la Bulgarie ou de la Pologne, les patrons ne maîtrisent plus l’évolution de leur société. Ils sont tributaires de cette main-d’œuvre », explique Jean-Luc Bodson. Acquiescement de la CCW :«C’est aussi une question de contrôles. Nous plaidons pour que tout

Les a n s Le marché des maisons de retraite l ne faut pas être démographe pour savoir que, demain, la population âgée aura besoin de plus de maisons de retraite. C’est un gigantesque secteur que lorgnent les marchés financiers. De leur côté, les pouvoirs publics ne pourront pas offrir une alternative permettant que le marché soit régulé. En d’autres termes, qu’il ne dualise pas davantage un secteur qui l’est déjà terriblement. Dans l’économie sociale, on réfléchit.C’est le moins : quand on se prévaut de répondre à des besoins sociaux, celui du sort de nos aînés est criant. Verra-t-on certains d’entre eux prendre leur destin en mains ?Un peu à l’image de parents d’enfants handicapés qui furent les premiers initiateurs des ateliers protégés ? ■

a construction manque de bras et travailleurs bien formés l’économie sociale est une réponse cela.

L’ ne ie Coopérateurs dans le vent

E

n Wallonie, les coopératives d’éoliennes ont le vent en poupe : elles sont déjà une quinzaine à avoir été lancées au départ d’un capital récolté par des citoyens auxquels s’associent parfois des Communes. Pour l’heure, ces éoliennes revendent leur électricité à de gros fournisseurs. En Flandre, EcoPower illustre une nouvelle étape de ce phénomène. Cette société produit mais en plus vend l’électricité à ses coopérateurs. Le succès est incroyable ne quin aine de malgré les règles étacoopératives d’éoliennes blies par Eco-Power : existent en allonie. être client de cette coopérative implique une attitude écoresponsable dans sa consommation d’énergie. Et malgré cela, il y a des listes d’attente. ■ D.V. d

Relocaliser l’emploi

le monde respecte les règles du jeu : c’est un souci notamment avec des sous-traitants », explique Nathalie Bergeret. « Quand des travailleurs étrangers de la construction sont payés en Belgique deux fois moins que leurs homologues, c’est au final l’ensemble de la construction qui en subit les conséquences », explique-t-on à la CCW. Libre circulation, certes, mais l’essentiel n’est-il pas de pouvoir disposer d’une main-d’œuvre locale qualifiée ? «C’est le pari que nous faisons et le secteur y est sensible. Nous vivons un véritable moment charnière à cet égard », répond Jean-Luc Bodson. Les clauses sociales sont un dernier élément qui vient renforcer l’alliance. Les clauses sociales d’un marché supposent le recours partiel à des entreprises d’économie sociale et même, plus largement, à tout ce qui peut permettre la formation et l’insertion d’un plus grand nombre de gens dans le travail. «La difficulté, c’est aussi de convaincre les pouvoirs publics de les utiliser », rapporte Jean-Luc Bodson qui pointe une réelle méconnaissance de ces mécanismes chez beaucoup de mandataires. «Mais là aussi, la machine est en marche. » ■

otolia

n’est pas à la CCW qu’on dit le contraire. «Même en temps de récession, nous manquons de main-d’œuvre. C’est dire qu’en cas de relance, cette pénurie se fera encore plus sentir », analyse Nathalie Bergeret. «Travailler avec des entreprises d’économie sociale, c’est aussi se permettre de recruter des gens bien formés.De repérer des talents. » Dernier élément déclencheur, l’éco-construction dans laquelle l’économie sociale fut très rapide sur la balle, attira tout le secteur à sa fenêtre.

Pascal Bro e

localiser l’emploi


12

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La citation

Conclusion

e alon de l’auto n’a jamais accueilli autant de monde que la dernière fois. Au même moment, on ferme nos usines de construction automobile. l n’y a pas encore suffisamment de gens qui ont compris que la globalisation, c’est pire que le communisme. Pierre VERBEEREN

ortir du monde des isounours

e politi ue a compl tement loupé ce rende ous

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ême si elle ne se pose pas en alternative radicale, l’économie sociale doit retrouver du souffle. De l’ambition. Des projets avantgardistes. À défaut, elle restera ce monde courageux mais un brin angélique de la société. es grands idéaux sociaux ne croiseront pas l’innovation et l’esprit d’entreprise. L’équation ne sera pas aboutie. Et, partant, le pluralisme économique qu’elle rêve d’imposer au monde capitaliste ne pourra émerger qu’à la marge. Bref, comme le ramasse un observateur attentif, il faut sortir du monde des Bisounours. istoriquement, l’économie sociale est née d’un souci de réparation et de solidarité. Demain, c’est à la construction d’un monde o les valeurs humanistes peuvent coexister avec une économie de marché. Cela suppose une prospective plus audacieuse. Cet effort suggère aussi une image forte à générer. Trop peu visible et surtout trop peu lisible, l’économie sociale doit sortir d’un militantisme qu’elle peine à faire passer autre part qu’à l’intérieur de ses murs. oit le confort d’un prosélytisme qui ne prêche qu’à des convaincus. ■

L’analyse Patron de du

édecins

onde, Pierre Verbeeren

connaît bien le secteur de l’économie sociale. t quand il l’analyse, c’est sans concession Dominique V LL

D

l est grand temps que l’économie sociale arrête de ronronner», lance Pierre Verbeeren.«Dans l’économie sociale, on n’arrête pas de parler des valeurs, c’est une grave erreur.Car, pendant ce temps, on n’agit pas.Et puis que l’on cesse de diaboliser tout ce qui n’est pas d’économie sociale.» Le ton est donné : la vision du patron de Médecins du Monde ne sera pas consensuelle. Cela fait quelques années qu’il assiste avec consternation aux rendez-vous manqués de l’économie sociale. Concrètement ?« egarde les éoliennes. u début, Electrabel n’en voulait pas.Il fallait foncer. Les titres-services Cannibalisés par des sociétés privées Le photovolta que L’économie sociale n’a pas osé parce que la construction n’en voulait pas. C’est délirant, ce manque d’ambition.» Le politique n’ a amais cru

ous a e des uestions ou des réactions à propos de ce dossier articipe ce endredi à notre chat sur la enir net de h à midi

é a l is a t io n e supplément a été réalisé par ran ois a ier iot et Domini ue ellande a ec la collaboration des éditions locales de ’ enir raphisme él ne Quintens n ographies Denis etit hotos ac ues Duchateau

uand il flingue de cette fa on, c’est parce qu’il veut nourrir un sursaut et un espoir. « L’économie sociale a aujourd’hui tous les ingrédients pour émerger. Il faut qu’elle fonce dans de nouveaux secteurs.» Certes, Verbeeren le concède, la question du capital est cruciale. Elle fait défaut un peu partout et donc aussi dans l’économie sociale. Mais c’est là qu’il pointe le politique. «Lui aussi a manqué plein de rende -vous parce qu’il n’a jamais cru à l’économie sociale. Le courage politique ne se résume pas à des mesures d’austérité. e rêverais de voir plus de volontarisme. n exemple : regarde l’épargne en Belgique.De l’argent qui dort et qui ne rapporte rien.Pourquoi ne pas proposer aux Bel-

Médecins du Monde

Dominique V LL

’économie sociale a tous les ingrédients pour émerger. l faut qu’elle fonce dans de nouveaux secteurs.

ges de l’investir dans l’économie sociale.De donner un sens à cet argent, à l’opposé des folies du monde financier.» Pierre Verbeeren cite encore les pouvoirs publics locaux qui gagneraient tellement à oser se poser en acteurs économiques de leur région. « e pense aux CP S, notamment.Ils aident mais n’entreprennent pas suffisamment.» Verbeeren n’est pas dupe d’une économie capitaliste qui se drape de

nouvelles vertus.«L’obsolescence programmée, c’est encore le vrai business.Quand ils parlent de durable, c’est uniquement pour des raisons de mar eting. Le Salon de l’auto n’a jamais accueilli autant de monde que la dernière fois. u même moment, on ferme nos usines de construction automobile.Il n’y a pas encore suffisamment de gens qui ont compris que la globalisation, c’est pire que le communisme. » ■

avoir aire et aire savoir Olivier Lambert (société de communication OLWrite) est branché sur le secteur de l’économie sociale. Son propos est clair : si l’économie sociale est si peu visible, c’est par défaut d’une stratégie de communication . « L’économie sociale a beaucoup parlé des valeurs qui la fondaient. C’est bien mais est-ce aujourd’hui la priorité ? Une entreprise, qu’elle soit d’économie sociale ou capitaliste, doit d’abord communiquer sur ses compétences, sa compétitivité, ses produits. Car elle peut avoir un savoir-faire D.V. excellent, si elle ne le fait pas savoir, elle loupe tout. »


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